PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Saisines DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle le Sénat est informé que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 18 octobre 2006, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs, de deux demandes d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative au contrôle de la validité des mariages.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de ces saisines est disponible au bureau de la distribution.
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Secteur de l'énergie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Demande de réserve
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je relève que ce débat, malgré la force des convictions exprimées, se déroule en toute sérénité. Dans cet esprit, après avoir consulté les responsables des différents groupes politiques de notre assemblée, je demande la réserve de l'ensemble du titre III du projet de loi, qui comporte les articles 10, 11 et 12, ainsi que les amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 10 ou avant l'article 11.
Cela nous permettra d'examiner dans les meilleures conditions, mardi après-midi, à la reprise de la séance, ce titre important, qui fait débat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 3, à deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour le V de l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, après les mots :
du 10 février 2000 précitée
insérer les mots :
, ainsi que les clients domestiques faisant l'objet d'une procédure de traitement des situations de surendettement au sens de l'article 35 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et dont le dossier a été reconnu recevable par la commission de surendettement des particuliers.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Il s'agit ici du tarif spécial de solidarité pour les ménages surendettés.
Dans notre pays, en 2005, 156 000 ménages faisaient l'objet d'une procédure de traitement d'une situation de surendettement. Ce chiffre, notons-le, est en hausse de 31 % par rapport à 2002, signe que la contraction du pouvoir d'achat et la montée de la précarité, combinées à des promotions toujours plus offensives des crédits à la consommation, que l'on peut déplorer, ont des conséquences sociales désastreuses.
Dans ce contexte, et eu égard à la situation quelquefois dramatique des foyers surendettés, des commissions de surendettement ont été créées en 1990 par la loi Neiertz dans tous les départements. Elles s'attachent, depuis lors, à apporter des solutions aux dossiers de plus en plus nombreux qui leur sont soumis : alors qu'on en comptait à peu près 90 000 en 1990, il y en avait plus de 180 000 l'année dernière.
Pour accroître les moyens d'action de ces commissions, la loi du 1er août 2003 a institué la procédure de traitement des situations de surendettement. Ce dispositif permet, sous certaines conditions, d'accorder des délais de remboursement, de diminuer le montant des dettes, voire de les effacer en tout ou partie.
Ainsi, en cohérence avec la loi de 2003, cet amendement vise à étendre le bénéfice du tarif spécial de solidarité aux clients domestiques engagés dans une procédure de traitement d'une situation de surendettement.
En effet, à quoi sert-il que les commissions de surendettement déploient des efforts si les difficultés financières des familles concernées continuent à s'aggraver ? La solvabilité, que l'on sait fragile, de ces ménages justifie pleinement qu'ils puissent acquitter leur facture de gaz non pas au prix fort, ce qui risquerait d'accroître leurs dettes, mais au tarif spécial de solidarité.
Je voudrais rappeler, à cet instant, que le gaz sert notamment au chauffage du logement et relève, à ce titre, des biens de première nécessité.
C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter le présent amendement.
M. le président. L'amendement n° 625, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans la première phase du texte proposé par le I de cet article pour le V de l'article 7 de la loi n°2003-8 du 3 janvier 2003, après les mots :
du 10 février 2000 précitée
insérer les mots :
, ainsi que les clients domestiques faisant l'objet d'une procédure de rétablissement personnel au sens de l'article 35 de la loi n°2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine,
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 121 rectifié ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Cet amendement relance le débat sur les bénéficiaires des tarifs sociaux pour l'électricité et le gaz.
Nos collègues députés ont considéré qu'il était plus clair de préciser que les bénéficiaires du tarif social pour le gaz seront les bénéficiaires du tarif social pour l'électricité. Je partage totalement ce point de vue, puisque tous les consommateurs de gaz sont aussi et avant tout des consommateurs d'électricité.
Entrer, comme cela nous est proposé, dans un débat sur l'élargissement au cas par cas de catégories bien spécifiques de personnes pouvant prétendre au bénéfice du tarif social pourrait se révéler sans issue.
En revanche, je suis tout à fait favorable, je le répète, à ce que le plafond de ressources ouvrant droit au bénéfice du dispositif puisse progressivement être rehaussé par la voie du décret. Nous en avons longuement débattu hier.
S'agissant de cet amendement, il n'y a pas lieu d'accorder par principe le bénéfice du tarif social pour le gaz aux personnes faisant l'objet d'une procédure de faillite personnelle. Au sein de cette catégorie, pourront en bénéficier les titulaires de revenus inférieurs au plafond de 5 540 euros annuels.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 333, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le V de l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, remplacer les mots :
bénéficient également, à leur demande, pour une part de leur consommation, d'un tarif spécial
par les mots :
ont droit, pour une part de leur consommation, à un tarif spécial
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Comme nous l'avons déjà dit lors de la discussion générale, la tarification de solidarité prévue à l'article 3 du projet de loi reste une mesure insuffisante.
En effet, cette disposition relève de l'affichage plus que de la volonté d'instaurer un tarif social permettant aux plus défavorisés d'avoir accès à l'énergie.
Le texte de l'article a été simplifié à l'extrême par les députés de la majorité. Il nous semble opportun d'apporter une précision, afin de garantir les droits de ceux de nos concitoyens qui pourront bénéficier de cette mesure.
Nous avons noté, monsieur le rapporteur, que vous interprétez l'article 3 du projet de loi à la lumière de la procédure appliquée s'agissant de l'électricité.
Il ressort de l'article 4 du décret n° 2004-325 du 8 avril 2004 relatif à la tarification spéciale de l'électricité en tant que produit de première nécessité que chaque organisme d'assurance maladie serait chargé de constituer un fichier regroupant les ayants droit potentiels. Ces fichiers sont ensuite transmis aux distributeurs ou à un organisme désigné par ces derniers, qui ont pour tâche de notifier leurs droits aux ayants droit.
Jusque-là, nous sommes d'accord avec vous. Cependant, il résulte du troisième alinéa du texte susmentionné qu'il appartient aux personnes éligibles à la tarification spéciale de demander à bénéficier de celle-ci en renvoyant l'attestation prévue au distributeur d'électricité.
Considérant que le décret, si son champ d'application doit être étendu à la tarification du gaz, et que le projet de loi conditionnent l'accès à la tarification spéciale à la formulation d'une demande par le consommateur concerné, nous demandons la modification de l'article 3, afin que ce droit soit ouvert de façon automatique.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 122 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 626 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour le V de l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, supprimer les mots :
, à leur demande,
La parole est à M. Bernard Dussaut, pour présenter l'amendement n° 122.
M. Bernard Dussaut. Nous souhaitons que les ménages éligibles à la tarification spéciale de solidarité se voient garantir l'applicabilité automatique de leurs droits.
Cette demande procède d'un principe de réalisme. En effet, si l'on se réfère au dispositif de la couverture maladie universelle, on constate que 1,4 million de nos concitoyens y sont éligibles mais que 550 000 d'entre eux seulement en bénéficient effectivement.
Afin que cette situation ne se reproduise pas s'agissant de l'accès à l'énergie, nous souhaitons donc que les ménages concernés ne soient pas contraints de formuler une demande afin de pouvoir bénéficier de la tarification spéciale de solidarité.
Nous savons tous que ces familles connaissent parfois de très grandes difficultés et que le fait de devoir effectuer des démarches administratives peut les dissuader de faire valoir leurs droits.
Nous recevons tous, dans nos permanences, des ménages démunis n'arrivant plus à joindre les deux bouts, qui ont été brusquement rejetés vers le RMI - versé par les conseils généraux - et en sont réduits à accepter des « bouts d'emploi » qu'ils additionnent les uns aux autres dans les conditions les plus difficiles, sans jamais obtenir l'équivalent d'un temps plein dignement rétribué. Tel est le quotidien de millions de nos concitoyens.
Ainsi, parce que nous entendons faire de ce tarif spécial - piètre consolation en regard du désastre que représente la privatisation de GDF - non pas une simple disposition d'affichage, mais un véritable droit applicable automatiquement aux personnes éligibles, nous demandons au Sénat d'adopter le présent amendement.
M. le président. L'amendement n° 626 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 322, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour le V de l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, supprimer les mots :
pour une part de leur consommation
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. L'article 3 prévoit, dans un contexte de concurrence accrue entre opérateurs électriques et gaziers, une forme de garantie offerte au consommateur final quant à la réalité des tarifs de vente des prestations de service.
Outre le fait que nous ne pouvons que fortement conseiller aux consommateurs particuliers de ne pas renoncer à recourir aux opérateurs historiques pour se faire livrer du gaz ou de l'électricité, cet article vise à transposer à la fourniture de gaz le principe de la tranche sociale de consommation déjà pratiqué pour l'électricité.
Lors de l'adoption de la loi de février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, avait été adopté un article 4 ainsi rédigé : « Les tarifs aux usagers domestiques tiennent compte, pour les usagers dont les revenus du foyer sont, au regard de la composition familiale, inférieurs à un plafond, du caractère indispensable de l'électricité en instaurant pour une tranche de leur consommation une tarification spéciale "produit de première nécessité". Cette tarification spéciale est applicable aux services liés à la fourniture. Pour la mise en place de cette disposition, chaque organisme d'assurance maladie constitue un fichier regroupant les ayants droit potentiels. Ces fichiers sont transmis aux distributeurs d'électricité ou, le cas échéant, à un organisme désigné à cet effet par les distributeurs, afin de leur permettre de notifier aux intéressés leurs droits à la tarification spéciale. Les distributeurs d'électricité ou l'organisme qu'ils ont désigné préservent la confidentialité des informations contenues dans le fichier. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa. »
Nous retrouvons ce dispositif dans le cadre de cet article 3, puisque son paragraphe I stipule : « V. - Les clients domestiques ayant droit à la tarification spéciale "produit de première nécessité" mentionnés à l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée bénéficient également, à leur demande, pour une part de leur consommation, d'un tarif spécial de solidarité applicable à la fourniture de gaz naturel et aux services qui lui sont liés. Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent V. »
Nous avons eu l'occasion de souligner, lors de l'examen de l'article 1er, ce que nous entendions quant au champ d'application même de cette exemption d'application des principes de fixation des prix par le marché, mais là n'est pas la question.
Ce qui nous est proposé ici, c'est de transposer le principe du tarif de première nécessité, illustration - devons-nous le rappeler ? - du droit à l'énergie tel qu'il est défini par les dispositions législatives les plus récentes.
S'agissant des objectifs du service public, la loi de 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité dispose à l'article 1er :
« Il concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique.
« Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique. »
Cette démarche fut d'ailleurs confirmée par la loi portant engagement national pour le logement s'agissant du contenu de l'intervention des fonds départementaux de solidarité pour le logement, puisque l'article L. 115-3 modifié du code de l'action sociale et des familles fait de la prise en charge des impayés de quittances d'énergie l'une des missions de cette intervention.
Qu'on le veuille ou non, avec l'adoption de ce projet de loi, le droit à l'énergie risque d'être mis à mal, puisque tout va tendre, dans la logique du texte qui nous est soumis, à faire de la réglementation des tarifs l'exception et de la mise en oeuvre - sans limites - du marché, la règle.
Nous savons également ce que signifie le droit à l'énergie, constitutif de la mise à disposition aux familles les plus précarisées d'une énergie à moindre coût mais aussi de moindre qualité.
Pour notre part, nous voulons passer de la tranche sociale de consommation à un nouveau principe, celui de la consommation sociale, en appliquant de manière générique aux particuliers dont la situation sociale, traduite en termes de ressources, est délicate, le principe du tarif réglementé, quel que soit l'opérateur choisi.
L'énergie ne peut durablement constituer, à l'instar des télécommunications et de l'ensemble des frais imputables à l'occupation et à l'entretien de l'habitation principale, un poste budgétaire sans cesse plus important pour les ménages les plus modestes.
Tel est le sens de cet amendement que nous vous proposons d'adopter.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 120 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 624 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour le V de l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, remplacer les mots :
une part
par les mots
la totalité
La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 120.
M. Daniel Raoul. Comme on l'a dit tout à l'heure et ainsi que l'a rappelé mon éminent collègue Roland Courteau, avec ce texte qui privatise GDF et sans égard pour nos concitoyens, vous dilapidez l'un des plus beaux fleurons de l'économie nationale. C'est inacceptable, dangereux, irresponsable...
Pour notre part, nous avons toujours eu à coeur de placer nos concitoyens et leurs besoins au centre de nos préoccupations. Je vais vous rappeler certaines des dispositions que nous avons prises, puisque vous avez semblé les mettre en doute et que vous faites toujours référence à « l'héritage ».
C'est ainsi que, pour ce qui est de la garantie de l'accès à l'énergie, dès 1988, à l'occasion de la loi créant le RMI, était prévue la signature de conventions entre les préfets et EDF-GDF.
En 1992, nous avons créé le fonds d'aide au règlement des factures, alimenté par l'opérateur historique, l'État et les collectivités locales.
En 1998, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, nous avons instauré le droit à une aide au maintien des services d'énergie.
Deux ans plus tard, nous avons concrétisé ce droit en classant l'énergie comme bien de première nécessité.
Enfin, le décret du 10 juin 2001 prévoyait que toute personne redevable d'impayé pouvait, à sa demande, bénéficier d'une fourniture électrique dans la limite de 3 kilowattheures.
Vous défendez les actionnaires, nous défendons nos concitoyens : c'est sans doute la différence fondamentale entre nous.
Mais revenons à cet amendement.
Par son biais, nous entendons que la tarification spéciale de solidarité pour le gaz naturel, sur laquelle tout le monde est d'accord, soit accordée non pas uniquement pour une part de la consommation des ménages en difficulté, mais pour la totalité.
En tout état de cause, même si notre amendement va un peu loin - je sais que vous allez nous objecter que l'on va favoriser le gaspillage -, il a le mérite en tout cas de susciter une discussion sur les seuils des factures et le montant des consommations.
Notre amendement vise à obtenir une réponse expresse de M. le ministre quant aux objectifs du Gouvernement dans ce domaine.
M. le président. L'amendement n °624 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 333, 122, 322 et 120 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les amendements nos 333 et 122 soulèvent un vrai problème. En effet, le bénéfice du tarif social pour le gaz ne sera pas automatique, comme pour l'électricité. Le mécanisme de l'article 3 sera calqué sur le modèle du tarif social pour l'électricité. Le consommateur devra ainsi en faire la demande afin que ce dispositif repose sur un acte volontaire.
Pour autant, il ne faut pas non plus oublier qu'il existera une obligation d'information des bénéficiaires potentiels par l'intermédiaire des distributeurs.
S'agissant de l'électricité, l'article 4 du décret du 8 avril 2004 précise qu'à partir des informations collectées par les organismes d'assurance maladie, les distributeurs ou l'organisme agissant pour leur compte adressent aux personnes susceptibles de bénéficier de la tarification électrique spéciale une attestation précisant le nombre d'unités de consommation du foyer qui leur permet d'en bénéficier. Il appartient ensuite aux consommateurs qui souhaitent accéder à ce mécanisme de renvoyer la demande.
Mes chers collègues, M. le ministre s'est engagé hier, ici même, à voir comment ce document et cette demande pouvaient être simplifiés afin qu'un plus grand nombre de consommateurs y répondent. En effet, aujourd'hui sur 1,4 million de consommateurs potentiels, seuls 455 000 bénéficient de ce tarif social en matière d'électricité. Les chiffres seront vraisemblablement identiques s'agissant du gaz. En tout cas, j'ai pris acte de l'engagement de M. le ministre.
Par ailleurs, n'oublions pas que la commission a, sur ma proposition, adopté à l'article 13 un amendement visant à obliger les fournisseurs, dans les informations précontractuelles, à faire état de l'existence de ces tarifs sociaux et à rappeler les conditions d'accès à ces dispositifs de solidarité.
Ce dispositif devrait favoriser une meilleure publicité sur l'existence du tarif social en électricité.
Toutefois, monsieur le ministre, cet amendement me donne de nouveau l'occasion de vous solliciter pour que le Gouvernement fasse des efforts afin que le plus grand nombre possible de futurs ménages éligibles à ce dispositif bénéficient effectivement du tarif social.
Pour ce qui concerne l'amendement no 122, il nous semble important de maintenir le caractère volontaire de la démarche, ne serait-ce que parce que certains ménages ne souhaitent pas, à dessein, basculer dans un mécanisme d'assistance.
Je m'exprimerai en même temps sur les amendements nos 322 et 120, puisqu'ils sont quasi identiques.
Le tarif social s'applique en effet seulement sur une partie de la consommation.
S'agissant de l'électricité, - M. le ministre nous a fourni une explication hier - ce seuil a été fixé à 100 kilowattheures par mois, ce qui correspond à une partie des besoins d'une famille. Par définition, il convient que ce tarif social soit applicable seulement à une partie déterminée de la consommation d'un ménage pour ne pas créer des effets pervers de surconsommation et pour inciter à la maîtrise de la demande d'énergie.
Au demeurant, M. le ministre de l'industrie nous a confirmé hier ce qu'il avait déclaré lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, à savoir qu'il augmenterait le taux de réduction applicable à chaque facture d'électricité. En effet, le tarif social pour l'électricité se caractérise par un abattement compris entre 30 % et 50 % sur la totalité de la facture d'électricité liée à ces 100 kilowattheures et il nous a indiqué que ces taux allaient être portés respectivement à 50 % et 70 %.
J'apporte toutes ces précisions car le système qui sera défini pour le gaz sera, sous réserve de certaines adaptations, calqué sur celui qui concerne l'électricité. À ce titre, le plafond des 100 kilowattheures sera transcrit en gaz tout en tenant compte de la situation des ménages selon qu'ils utilisent le gaz pour se chauffer ou seulement pour la cuisine.
Toutefois, monsieur le ministre, le seuil de 100 kilowattheures retenu dans le décret me semble insuffisant pour certains foyers. Ne serait-il pas possible d'envisager de l'augmenter par décret ?
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je rappelle que le seuil de 100 kilowattheures correspond à peu près à la consommation d'un petit deux pièces sans chauffage électrique. Ce chiffre reste donc faible.
M. Daniel Raoul. Effectivement !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Dès lors, après l'effort sur les taux sur lequel vous vous êtes engagé à l'Assemblée nationale, je serais ravi, non pas que vous disiez « banco », mais que vous preniez également l'engagement d'examiner la possibilité de faire évoluer ce seuil. Vous répondriez ainsi aux attentes exprimées sur toutes les travées de notre hémicycle. De surcroît, le coût ne serait sans doute pas très élevé. Tout dépendrait, bien sûr, du seuil retenu.
Mes chers collègues, sur les deux premiers amendements, je considère que vous avez en partie satisfaction. Sur les deux autres, la réponse dépend de M. le ministre.
Quoi qu'il en soit, à ce stade, la commission demande le retrait de ces quatre amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. J'ai déjà apporté un certain nombre de précisions hier soir, puisque ce thème a été abordé lors de l'examen de plusieurs amendements.
J'exprimerai d'abord le point de vue du Gouvernement sur la suppression des mots « à leur demande ».
Ne nous leurrons pas : de toute façon, à un moment donné, il faut qu'il y ait une rencontre entre un opérateur et un consommateur. Il est nécessaire que le consommateur qui a droit au tarif social en exprime la demande à l'opérateur, c'est-à-dire qu'il signe le document sur lequel il communique ses revenus, en fonction desquels il établit sa demande.
Il ne faut pas chercher un autre système. En effet, il me semble extrêmement compliqué d'imaginer un dispositif aux termes duquel les opérateurs sauraient qui a droit au tarif social et en déduiraient automatiquement qu'ils doivent envoyer des factures à ce tarif. Soyons réalistes !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 333.
Sur les autres amendements, je me rallie à l'avis de la commission.
Monsieur le rapporteur, vous m'avez demandé d'augmenter par décret le seuil aujourd'hui fixé à 100 kilowattheures. Mesdames, messieurs les sénateurs, il est en effet impossible de tout inscrire dans la loi. D'ailleurs, les rédacteurs de la loi de 2000 avaient prévu un tarif de première nécessité, mais sans envisager tous les cas de figure. Il est bien évident que cela relève du décret.
J'ai d'ores et déjà annoncé à l'Assemblée nationale que j'étais prêt à porter la fourchette de taux allant de 30 à 50 % au niveau de 50 à 70 %. Le prix à payer par le consommateur sera donc plus faible qu'il ne l'est aujourd'hui.
Avec les taux actuels - 30 % à 50 % - le dispositif coûte environ 50 millions d'euros à l'opérateur électrique. Je me suis engagé à franchir un cran supplémentaire dans le décret.
J'ai également pris l'engagement, hier soir, de prendre ce décret le plus tôt possible, de revoir les conditions d'accès.
Vous me demandez de relever le seuil de 100 kilowattheures par mois. Vous le savez, il faut bien fixer une limite. Cent kilowattheures par mois, c'est un peu moins de la moitié de la consommation d'électricité d'un ménage qui n'utilise pas cette énergie pour se chauffer. On considère qu'un foyer consomme entre 2 500 à 4 000 kilowattheures par an, hors chauffage électrique.
Ce matin, l'un d'entre vous a indiqué que le seuil de 100 kilowattheures par an était trop bas. Tout d'abord, il s'agit d'un seuil par mois, et non pas par an. Ensuite, il me semble nécessaire d'élaborer un dispositif qui correspond à la moitié de la consommation moyenne des foyers français.
M. Daniel Raoul. Je peux vous y aider.
M. François Loos, ministre délégué. On peut sans doute faire un progrès par rapport au seuil de 100 kilowattheures par mois. Je ne connais pas toutes les implications qu'aurait un relèvement de ce seuil, mais dans la mesure où j'ai fait un effort à l'Assemblée nationale, je ne vois pas pourquoi je n'en ferais pas également un au Sénat. (Sourires.) Je vous remercie de me le suggérer.
Cela dit, je suis défavorable à ces amendements, dont l'objet me semble relever du décret.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, permettez-moi, à la suite de l'intervention de M. le ministre, de citer des chiffres qui semblent confirmés par la profession : pour une famille de quatre personnes, la consommation d'électricité, sans chauffage électrique, s'établit à 350 kilowatts par mois - il faut distinguer consommation d'électricité avec chauffage électrique, sans chauffage électrique, avec cuisine au gaz, avec chauffage au gaz.
Je vous demande de bien vouloir relever le seuil prévu de 100 kilowatts, car il ne représente même pas un tiers de la consommation d'une famille de quatre personnes.
L'amendement n° 120 était un amendement d'appel. Je vais le retirer. J'espère que l'effort que vous ferez dans le décret nous donnera entière satisfaction.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Loos, ministre délégué. Le chiffre que vous mentionnez correspond à la consommation d'un foyer de quatre personnes. Aujourd'hui, le taux varie en fonction de la composition de la famille.
M. Daniel Raoul. Il est de 50 % pour quatre personnes !
M. François Loos, ministre délégué. Oui, et le taux de 50 % va être relevé à 70 %. L'effet combiné de l'augmentation du taux et du relèvement du seuil peut avoir des incidences très importantes. C'est la raison pour laquelle j'hésite à donner un chiffre, mais je suis prêt à tenir compte de la composition de la famille s'agissant du seuil de 100 kilowattheures par mois...
M. Daniel Raoul. Il faut le porter à 150%.
M. François Loos, ministre délégué. ...car aujourd'hui ce seuil est effectivement indépendant du nombre de personnes composant le ménage. Je ferai en sorte que l'on en tienne compte dans le décret.
M. Yves Coquelle. Très bien !
M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 120 est-il maintenu.
M. Daniel Raoul. Compte tenu des propos de M. le ministre sur l'augmentation des pourcentages et le relèvement des seuils, je retire l'amendement n° 120.
M. le président. L'amendement n° 120 est retiré.
La parole est à M. Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Je conçois bien, monsieur le ministre, qu'il soit difficile, pour des raisons techniques, de prévoir un accès automatique au tarif spécial. Il est donc logique que les consommateurs demandent à en bénéficier.
Cela étant dit, permettez-moi d'attirer votre attention sur la clarté des documents qui sont mis à la disposition des ménages. Selon les statistiques concernant l'électricité, alors que plus de 1 million de clients pourraient potentiellement prétendre au tarif spécial, seuls 400 000 en bénéficient réellement. En d'autres termes, 600 000 à 700 000 clients n'en bénéficient pas. Cela est dû au fait que les explications qui leur sont fournies ne leur permettent pas de s'y retrouver et de faire leur demande.
En tout état de cause, la même situation se reproduira avec le gaz. Comme je l'ai dit à l'instant, j'admets que l'accès automatique au tarif spécial soit difficile à mettre en oeuvre pour des raisons techniques. Mais il faut au moins que les informations fournies aux consommateurs soient suffisamment claires pour permettre à ceux qui peuvent bénéficier du tarif spécial d'en bénéficier réellement.
Selon M. le rapporteur, certains consommateurs savent qu'ils ont droit au tarif spécial mais ils ne demandent pas à en bénéficier. Je suis quelque peu sceptique : lorsque l'on est dans une situation financière un peu difficile, pourquoi se priverait-on d'un tarif un peu moins élevé ? Il est bien naturel de demander à en bénéficier et de consacrer l'argent ainsi dégagé à la satisfaction d'autres besoins, qui sont nombreux dans une famille.
Si de nombreux ménages ne demandent pas à bénéficier du tarif spécial, c'est parce qu'ils ne disposent pas d'une information suffisante.
J'ajoute qu'à l'avenir le risque est grand que les informations qui seront fournies au consommateur, souvent dans une lettre jointe à la facture, deviennent encore plus compliquées à comprendre du fait de la multiplication des services. En effet, les conditions pourront être différentes selon que vous achèterez, ou non, votre gaz et votre électricité chez le même fournisseur ; peut-être verra-t-on apparaître des tarifs forfaitaires à l'instar de ce qui se passe pour le téléphone, où plus personne ne s'y retrouve.
Monsieur le ministre, les consommateurs disposeront-ils d'une information claire ? Cette information devra notamment être diffusée par les entreprises qui, certes, n'y ont pas d'intérêt, mais qui y sont contraintes par leur mission de service public. Une bonne information permettra peut-être d'augmenter le nombre de personnes bénéficiant du tarif spécial.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Reiner, votre question est pertinente. Notre objectif est que le tarif social soit utilisé. L'Assemblée nationale s'est posé la même question que vous. Nous y reviendrons lors de la discussion de l'article 13. Vous constaterez alors que nous avons prévu d'améliorer l'information des consommateurs.
M. Daniel Reiner. Elle doit être simple, claire !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Reiner, je me suis permis de demander le retrait l'amendement n° 122, car je considère que l'un des amendements que j'ai déposés à l'article 13 répond globalement à votre souhait de voir les ménages disposer d'informations claires et précises.
Le retrait de l'amendement n° 120 me semblait en revanche dépendre des précisions que M. le ministre pouvait vous apporter.
M. le président. Monsieur Reiner, l'amendement n° 122 est-il maintenu ?
M. Daniel Reiner. Compte tenu des explications qui m'ont été apportées, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 122 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 333.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour le V de l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, insérer une phrase ainsi rédigée :
Les modalités prévues au dernier alinéa du I de l'article 4 de la même loi sont applicables à la mise en place du tarif spécial de solidarité, notamment pour la transmission des fichiers.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. Les députés ont simplifié - trop, même, serais-je tenté de dire - les modalités d'application du dispositif du tarif social pour le gaz.
Ils ont simplifié à l'excès la rédaction de l'article 3. Il convient donc de préciser qu'il s'agit des mêmes modalités d'application pour le gaz que pour l'électricité.
En effet, ce système s'appuie sur les fichiers des organismes d'assurance maladie qui répondent à des obligations de confidentialité des données.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 332, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le V de l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, insérer une phrase ainsi rédigée :
Les syndics des habitations à loyer modéré ont droit à la tarification spéciale.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. J'ai pris acte des déclarations de M. le ministre sur le nombre de kilowatts consommés par les ménages modestes. Il n'en demeure pas moins qu'une question reste en suspens s'agissant des organismes d'HLM.
En effet, le gaz a connu des hausses de prix successives dont les conséquences sont particulièrement pénalisantes pour les foyers disposant de revenus modestes.
Le tarif social de vente de gaz naturel, calqué sur le système existant pour l'électricité, constitue une mesure de solidarité nationale essentielle, mesure d'autant plus nécessaire que la politique mise en oeuvre par le Gouvernement favorise la hausse des prix de l'énergie.
Il résulte cependant de la législation en vigueur et du projet de loi que seuls sont pris en compte l'électricité et le gaz distribués aux particuliers par des branchements individuels, au détriment des chauffages collectifs au gaz.
Or ce type de chauffage équipe l'essentiel du parc HLM. Les organismes d'HLM et les copropriétés ont déjà demandé à l'État, en novembre dernier, de limiter cette hausse de prix.
Monsieur le ministre, l'Association des responsables de copropriétés, l'ARC, nous a alertés sur ce sujet. Elle s'est dite choquée par le fait que la hausse moyenne de 12 % du prix du gaz, annoncée comme un maximum, cache des hausses plus importantes pour des milliers de ménages modestes qui habitent dans des immeubles équipés de chaufferies collectives.
En effet, l'ARC estime que l'augmentation moyenne des tarifs au 1er novembre 2005 avait en réalité atteint 18 %, soit un surcoût des charges de logement pour l'année suivante allant de 144 à 216 euros par an. Ces hausses de prix sont désastreuses pour les ménages dont, souvent, les revenus ne dépassent pas 1 500 euros par mois, et je ne parle pas des familles monoparentales.
Sans revenir sur le débat relatif à l'occupation du parc locatif social, je tiens à indiquer, et toutes les études le prouvent, chiffres à l'appui, que les locataires de logement HLM remplissent les critères d'éligibilité au tarif spécial. C'est pourquoi nous demandons que les HLM bénéficient de la tarification spéciale sur le gaz.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour avoir été, pendant six ans, président d'un office d'HLM, je considère sincèrement que l'ARC n'est pas représentative de l'ensemble du monde HLM. Elle a parfois pris des positions qui étaient contraires à celle de l'assemblée de tous les offices d'HLM de France.
J'ajoute que le tarif social est une aide à la personne physique et non pas à la personne morale. Certains logements HLM peuvent être occupés par des familles ou des personnes qui dépassent le plafond de ressources.
MM. Daniel Reiner et Daniel Raoul. Heureusement !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Bien sûr ! Je considère que le tarif social doit rester une aide à la personne et que son extension ne serait pas justifiée.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 118 rectifié, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour le V de l'article 7 de la loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 par une phrase ainsi rédigée :
Les organismes sans but lucratif qui contribuent à favoriser le logement des personnes défavorisées visées par l'article 1er de la loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement ainsi que les associations percevant l'aide aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées, les associations gérant des pensions de famille et les associations gérant des accueils de jour bénéficient du tarif spécial de solidarité.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à étendre le bénéfice du tarif spécial de solidarité aux organismes sans but lucratif ayant pour objet l'insertion par le logement des personnes défavorisées, tels que la fondation Abbé Pierre ou les centres d'hébergement et de réinsertion sociale.
L'action de ces organismes se déploie en direction des publics éligibles au tarif spécial, institué à l'article 3 du projet de loi, qu'ils sont amenés à loger dans des structures d'hébergement temporaire ou d'urgence. Ainsi, en leur appliquant le tarif spécial de solidarité, le législateur facilitera la mobilisation de leurs ressources au profit de l'hébergement d'urgence et temporaire.
Il s'agira également d'un accompagnement concret de ces organismes par l'État, en faveur de missions aux caractéristiques très spécifiques, que la collectivité nationale et les collectivités territoriales leur ont confiées, faute de savoir ou de pouvoir elles-mêmes les assumer.
Par ailleurs, ces structures fonctionnent, pour une bonne part, grâce à la solidarité de nos concitoyens, par le biais de leurs dons, et grâce à nos collectivités locales, à travers les subventions qu'elles leur accordent.
L'ouverture du tarif social à ces organismes, pour leur fonctionnement au quotidien à destination des plus précarisés de nos concitoyens, est à la fois une reconnaissance de leur travail et l'expression d'une solidarité nationale qui ne doit pas être complètement déléguée et assumée par le seul mouvement associatif.
En conséquence, nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 622, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour le V de l'article 7 de la loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 par une phrase ainsi rédigée :
Les organismes sans but lucratif qui contribuent à favoriser le logement des personnes défavorisées visées par l'article 1er de la loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement bénéficient du tarif spécial de solidarité.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 118 rectifié ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La position de la commission est identique à celle qu'elle a exprimée jusqu'à présent.
Monsieur Courteau, je souhaite attirer votre attention sur un point. En tant que président d'un office d'HLM - et je ne suis pas le seul à l'avoir fait ! -, je mettais gratuitement à la disposition de ce type d'associations une ou deux pièces. Il s'agissait, il est vrai, du plus grand organisme d'HLM de mon département, puisqu'il était en charge de presque 17 000 logements, dans un département qui compte 480 000 habitants. De loin, nous étions les premiers ! Il s'agit d'une aide autrement plus importante que celle que vous suggérez.
Si je ne suis pas le seul à l'avoir fait, tout le monde, en France, ne le fait pas ! Mais les associations hébergées par l'office d'HLM que je présidais intervenaient aussi en faveur de personnes qui avaient des logements dans d'autres offices. Il s'agit là, me semble-t-il, d'une véritable aide.
S'agissant de l'amendement n° 118 rectifié, je considère qu'il ne faut pas déroger à la règle que j'ai exprimée tout à l'heure : le tarif social est une aide à la personne, non pas à la personne morale. Telle est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrais contraint d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 118 rectifié est-il maintenu, monsieur Courteau ?
M. Roland Courteau. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 119 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 623 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le texte proposé par le I cet article pour le V de l'article 7 de la loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 par une phrase ainsi rédigée :
Le tarif spécial de solidarité est également appliqué aux factures prises en charge au titre du fonds de solidarité pour le logement.
La parole est à Mme Sandrine Hurel, pour présenter l'amendement n° 119.
Mme Sandrine Hurel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, il existe dans chaque département un fonds de solidarité pour le logement, FSL, destiné à aider les locataires qui connaissent des difficultés pour payer leur loyer et/ou leurs charges locatives.
Le FSL permet en effet d'aider financièrement les ménages qui rencontrent des difficultés pour accéder à un logement ou pour se maintenir dans leur logement.
Ses aides sont attribuées sous la forme de subventions ou de prêts, selon les ressources et la composition familiale.
Il est à noter que les FSL ne peuvent être saisis que par l'intermédiaire d'un travailleur social, ce qui constitue une garantie d'accompagnement social des personnes aidées par ces fonds.
Cette disposition permet d'ailleurs d'envisager un usage particulièrement pertinent des fonds publics, puisqu'il est intégré à un réseau de partenaires et inscrit dans le territoire.
Au titre de leurs missions d'aide au maintien dans le logement, les FSL peuvent être amenés à régler une partie d'un loyer ou d'une facture d'eau, de gaz ou d'électricité et à négocier avec le débiteur un échéancier pour le reste de ladite facture. Cette démarche permet d'apporter un soutien aux ménages faisant face à un accident de la vie.
Il est d'ailleurs à souligner que, d'après des témoignages qui sont revenus à plusieurs d'entre nous - en ma qualité de présidente de FSL et de conseillère générale, je peux vous les confirmer -, EDF fait preuve, dans certains départements, d'une réticence croissante à négocier avec les FSL des échéanciers de paiement. Cette tendance est très préoccupante.
Je voudrais donc redire ici la responsabilité des distributeurs d'énergie, qu'il s'agisse de l'électricité ou du gaz, à l'égard des ménages défavorisés.
Ils sont opérateurs de service public et doivent donc contribuer à la solidarité nationale, que ce soit à travers leur cofinancement des FSL, comme le fait EDF, ou leur engagement en faveur d'échéanciers de paiement, pour les ménages faisant l'objet d'un dossier FSL.
Or les fonds de solidarité pour le logement sont alimentés par les deniers publics, notamment par les finances départementales. En effet, la loi relative aux libertés et responsabilités locales a transféré la gestion des FSL aux départements, alors qu'elle était partagée auparavant avec l'État, dans le cadre d'un financement à parité parfaite. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Sandrine Hurel. Avec le retrait des ASSEDIC du financement des FSL, en juillet 2006, la contribution des départements s'est encore accrue.
Par exemple, dans le Val-de-Marne, cette année, le conseil général participe à hauteur de 1,2 million d'euros au budget du FSL, pour un budget total d'environ 1,9 million d'euros. Ce montant a doublé entre 2005 et 2006.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
Mme Sandrine Hurel. En outre, les départements font face à une nette augmentation du nombre de dépôts de dossier FSL, liée - il faut le rappeler -- à la non-revalorisation des aides au logement.
Les loyers continuant leur course folle, sans que les revenus ni les aides au logement suivent le même rythme de croissance, on assiste à une paupérisation des ménages, qui rencontrent de plus en plus de difficultés pour faire face à leurs dépenses de logement.
Dans la mesure où les factures prises en charge au titre des FSL sont acquittées par les collectivités territoriales, ces dernières doivent pouvoir bénéficier du tarif spécial de solidarité.
Tel est donc l'objet de cet amendement que nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 623 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 119 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je crains, ma chère collègue, que vous ne confondiez deux procédures bien distinctes, qui obéissent chacune à leurs propres règles.
D'un côté, il y a le tarif social, applicable à une part de la consommation de certains ménages modestes. De l'autre, vous l'avez rappelé, existe un dispositif de reprise, voire d'abandon de créances en matière d'énergie, d'eau et de téléphone, avec le FSL, et ce depuis la mise en oeuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
Ainsi, je vous rappelle que les fournisseurs de gaz, comme ceux qui fournissent de l'électricité ou de l'eau, alimentent déjà les FSL, par des contributions négociées avec l'Assemblée des départements de France, pour les créances qui les concernent. J'ai bien compris, au passage, que la négociation n'était peut-être pas toujours facile dans tous les départements. (Mme Sandrine Hurel opine.) Mais ce n'est pas une raison pour tenter de résoudre le problème avec le tarif social pour le gaz ou pour l'électricité !
Il n'y a donc pas lieu, outre cette procédure, de rendre applicable le tarif social sur ces parts de consommation, qui, de surcroît, - je tiens à vous le signaler - pourraient être supérieures au seuil de cent kilowattheures mensuels applicable aujourd'hui.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
Il s'agit effectivement de deux dispositifs distincts, qui s'additionnent cependant. Une personne en situation d'impayé peut être susceptible de bénéficier du tarif social du gaz, ce qui lui permettra de diminuer quelque peu le montant de sa dette.
Cela étant dit, le fait de conditionner le bénéfice du tarif social du gaz au non-paiement des dettes n'est pas, selon nous, la solution.
Je comprends bien votre préoccupation, madame la sénatrice. Le dispositif nouveau que nous mettons en place aujourd'hui aidera à résoudre, dans un certain nombre de cas, les problèmes des FSL, mais il ne permettra pas à lui seul de résoudre l'ensemble des problèmes liés au non-paiement.
M. le président. L'amendement n° 326, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour le V de l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie par une phrase ainsi rédigée :
Gaz de France assure l'information du public sur les critères d'attribution de cette tranche de consommation.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Nous proposons, par cet amendement, de créer, pour Gaz de France, une obligation d'information du public sur les critères d'attribution du tarif spécial de solidarité, pour une part de la consommation de certains usagers.
En effet, quelle que soit la population effectivement concernée par la tranche sociale, il est essentiel que les usagers connaissent non seulement l'existence de la tarification spéciale, mais aussi ses critères d'attribution.
Dans la mesure où il appartient à l'usager qui est susceptible de bénéficier de ce traitement tarifaire particulier d'en faire la demande auprès de GDF, il paraît logique qu'il dispose des informations lui permettant, le cas échéant, de faire valoir ses droits.
Étant donné que ce dispositif est mal connu - je peux en témoigner - des familles en grande difficulté, et malgré l'attente forte auquel il répond, un certain nombre de familles concernées resteront sans doute exclues d'un droit auquel elles pourraient pourtant légitimement prétendre.
Cette obligation d'information du public correspond à une mission de service public à part entière, mais elle doit aussi contribuer à la concrétisation du droit à l'énergie pour tous, en prenant en compte la situation des personnes en difficulté, pour lesquelles le coût de la consommation de gaz est excessif.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, l'adoption de cet amendement apporterait à tous les ayants droit la garantie d'être en mesure de solliciter cette aide à la fourniture d'un bien de première nécessité.
Monsieur le ministre, je me permets d'insister. En effet, lors du vote de la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, en 2000, un amendement identique relatif à l'électricité avait été repoussé au prétexte qu'un décret d'application répondrait à son objet.
Créer une telle obligation pour GDF nous paraît donc indispensable. Surtout, monsieur le ministre, ne me dites pas que cette disposition est d'ordre réglementaire ! Il s'agit d'une obligation, qui doit être inscrite dans la loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Effectivement, le point que vous venez de soulever est d'ordre législatif, et ne relève donc pas du domaine réglementaire.
Cependant, je vous renvoie à l'amendement n° 766, présenté à l'article 13 et que nous avons déjà adopté en commission. Il répond très précisément à votre préoccupation, en allant même au-delà puisqu'il vise à assurer l'information du public sur les critères d'attribution du tarif social sans limiter cette obligation, comme le prévoit votre amendement, à Gaz de France. Il exige en effet que cette information soit donnée par tous les fournisseurs dans le cadre de leur offre précontractuelle.
C'est la raison pour laquelle je considère que cet amendement est satisfait, madame Luc. Je vous invite donc à le retirer. En disant que tous les ayants droit doivent être informés, vous avez raison. Or, tous les ayants droit, ce sont non seulement les clients de Gaz de France, mais aussi ceux qui, demain, recourront à un autre fournisseur. Ils sont tous pris en compte par l'amendement n° 766.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. M. le rapporteur vous a déjà répondu, madame Luc. C'est vrai, il s'agit d'une disposition d'ordre législatif.
L'article 13 énumère les conditions nécessaires pour l'établissement d'un contrat entre un consommateur et un producteur d'électricité ou de gaz. Il faut ajouter à cette liste l'information que vous venez d'évoquer, ce qui sera fait au moment de l'examen de cet article 13.
Nous avons déjà apporté quelques solutions ; M. le rapporteur vous en annonce de meilleures. L'amendement qu'il vient d'évoquer vous donnera satisfaction. Par conséquent, vous pouvez retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 326 est-il maintenu, madame Luc ?
Mme Hélène Luc. Selon moi, cet amendement est plus précis que celui qui nous est proposé par la commission. Aussi, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 331, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... L'avant-dernier alinéa de l'article 16 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 est ainsi rédigé :
« Ces obligations sont fixées par un décret en Conseil d'État qui détermine les modalités du contrôle de leur respect. »
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Le dogme libéral martelé par votre Gouvernement, qui stipule que le secteur public serait inefficace et le privé performant - je le dis de façon lapidaire -, nous incite à la plus grande prudence quand ce dernier consent à préserver un « minimum » de service public.
Ainsi, l'article 16 de la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie impose un minimum d'obligations de service public aux opérateurs de réseaux de transport et de distribution de gaz naturel et aux exploitants d'installations de gaz naturel liquéfié, aux fournisseurs, aux distributeurs et aux titulaires de concessions de stockage souterrain de gaz naturel. L'article précise par ailleurs sur quoi portent ces obligations.
Toutefois, rien n'est stipulé sur les modalités de contrôle et leur respect. Or, sans contrôle, aucune mesure n'est coercitive. Il s'agit donc de consolider l'article 16 de la loi relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, en fixant, par un décret en conseil d'État, lesdites modalités. Il s'agit d'une garantie que nos concitoyens sont en droit d'attendre et c'est là tout le sens de cet amendement que je vous propose d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Actuellement, la loi de 2003 prévoit que les différentes obligations de service public définies à l'article 16 peuvent varier selon les catégories d'opérateurs. Bien entendu, il s'agit non pas de prévoir des obligations plus ou moins lourdes selon l'opérateur, mais bien de les moduler en fonction de leur activité dans la chaîne énergétique.
En effet, mes chers collègues, on conçoit bien que les obligations de service public des fournisseurs diffèrent de celles des gestionnaires de réseaux ou d'installation de stockage. Par conséquent, il n'y a pas lieu de modifier cette disposition de la loi de 2003 et c'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Au début du premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour insérer un article 16-2 dans la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, remplacer la phrase et le mot :
Les charges imputables aux obligations de service public assignées aux fournisseurs de gaz naturel portant sur la fourniture de gaz naturel à un tarif spécial de solidarité sont compensées selon les dispositions du présent article. Elles
par la phrase et les mots :
L'intégralité des charges imputables aux obligations de service public assignées aux fournisseurs de gaz naturel portant sur la fourniture de gaz naturel à un tarif spécial de solidarité est compensée selon les dispositions du présent article. Ces charges
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 327, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le septième alinéa du texte proposé par le paragraphe III de cet article pour un nouvel article 16-2 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, remplacer le taux :
10 %
par le taux :
30 %
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement tend à augmenter la pénalité de retard appliquée au fournisseur qui ne s'acquitte pas de la contribution prévue pour le financement des obligations de service public.
Nous avons de vives inquiétudes sur le comportement qu'adopteront les opérateurs, une fois que sera réalisée la fusion/privatisation entre Suez et Gaz de France, et que les clients domestiques seront placés dans le champ de l'ouverture du marché à la concurrence.
Il nous faut rappeler un certain nombre d'éléments évidemment fondés sur l'expérience de la contribution au service public de l'électricité. Ces éléments portent à la fois sur les conditions même de l'organisation logistique du service public et sur le contenu que l'on donne à la gestion « sociale » des situations de la clientèle la plus vulnérable et la plus précarisée.
Relevons, par exemple, que les agences clientèle situées dans le sud des Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et l'Essonne ferment les unes après les autres ; celle d'Issy-les-Moulineaux a fermé en août dernier. À l'agence d'Arcueil, la borne de paiement accessible aux usagers a fermé le 8 septembre dernier. Par conséquent, les paiements ultérieurs devront être effectués par voie postale ou électronique, ce qui allongera les délais et retardera les rétablissements de courant.
Alors que les agents d'EDF ou de GDF étaient attentifs aux situations de détresse sociale et s'efforçaient de rétablir l'électricité ou le gaz dès qu'un paiement était enregistré, cette nouvelle organisation éloigne les usagers des entreprises.
Mme Hélène Luc. Oui et c'est très dommageable !
M. Bernard Vera. En outre, on imagine mal que les actionnaires de Suez ou de Poweo se soucient de la situation d'enfants, de femmes et de personnes âgées restant sans lumière et sans chauffage pendant plusieurs semaines.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sûr !
M. Bernard Vera. Dans les faits, le service public, notamment dans sa dimension sociale, présente évidemment un ensemble de coûts qu'il faut bien prendre en compte dans la fixation des tarifs comme dans la contribution demandée aux fournisseurs de services.
Pour autant, la contribution au service public de l'électricité ne porte que de manière relativement marginale sur la prise en compte de la tarification sociale, dite « de première nécessité ». Les aléas du prix du pétrole, qui ont une incidence sur le prix du kilowattheure, ont en effet une influence bien plus importante que la mise en oeuvre de cette tarification sociale.
La contribution des opérateurs dits « alternatifs » et celle qui est fondée sur l'application de pénalités se rapportant aux retards de paiement peuvent largement permettre de financer un développement de la tarification sociale. C'est ce que nous vous proposons de mettre en oeuvre avec cet amendement, que je vous invite, mes chers collègues, à adopter.
M. le président. L'amendement n° 328, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le septième alinéa du texte proposé par le paragraphe III de cet article pour un nouvel article 16-2 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, remplacer le taux :
10 %
par le taux :
25 %
L'amendement n° 329, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le septième alinéa du texte proposé par le paragraphe III de cet article pour un nouvel article 16-2 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, remplacer le taux :
10 %
par le taux :
20 %
L'amendement n° 330, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le septième alinéa du texte proposé par le paragraphe III de cet article pour un nouvel article 16-2 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, remplacer le taux :
10 %
par le taux :
15 %
Monsieur Coquelle, acceptez-vous de considérer que ces trois amendements, qui ont la même finalité que l'amendement précédent et dont seul le taux varie, sont défendus ?
M. Yves Coquelle. Permettez-moi de préciser un point important.
Nous débattons d'un sujet extrêmement important. Comme l'a dit mon ami Bernard Vera, des personnes disposant de revenus très modestes sont en situation de précarité. Le Gouvernement propose qu'en deçà d'un certain revenu elles continuer à bénéficier du chauffage et de l'électricité. Malheureusement, des promoteurs peu scrupuleux, y compris EDF et GDF, n'hésitent pas à couper l'eau, le chauffage ou l'électricité. Les élus locaux sont aux prises avec ces problèmes à longueur d'année.
Je serais partisan d'instaurer et d'inscrire dans la loi le principe d'une telle pénalité imposée à ceux qui, impunément, coupent abusivement l'eau, le chauffage ou l'électricité à des personnes qui sont en grande difficulté et seulement à celles-là, car il arrive à des personnes en ayant la possibilité de ne pas payer leur facture ; ce n'est bien évidemment pas ces dernières que je vise ! Nous souhaitons qu'une telle pénalité soit importante et non purement symbolique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 327, 328,329 et 330 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Si vous le permettez, la commission se contentera d'émettre un avis sur le problème posé par les amendements, puisque, en tant que rapporteur, c'est le seul que j'ai étudié, et non sur le vrai problème que vient de soulever notre collègue Yves Coquelle, pas plus que sur les nombreux sujets qui ont été évoqués par Bernard Vera.
L'amendement n° 327, comme les trois suivants, a pour objet d'augmenter le taux de la pénalité de retard dont seront redevables les fournisseurs de gaz n'ayant pas acquitté la contribution prévue pour le financement du tarif social du gaz.
Le Gouvernement a retenu pour le gaz le taux de 10 % par analogie avec celui qui est applicable en matière de CSPE. Il n'y a pas de raison de pénaliser plus les opérateurs gaziers que les opérateurs électriques. Le fait que vous proposiez quatre amendements sur ce sujet démontre que vous avez peut-être une incertitude quant au comportement à tenir et à la sanction à prendre.
Nous souhaitons maintenir le taux fixé par le Gouvernement et c'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Sur les amendements proprement dits, j'ai exactement le même avis que M. le rapporteur.
Depuis la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, il est interdit en France, quel que soit le cas de figure, de couper la fourniture d'électricité, de chaleur, de gaz ou de distribution d'eau à partir du 15 novembre.
Mme Hélène Luc. Si cela se passe avant le 15 novembre, c'est quand même très fâcheux !
M. François Loos, ministre délégué. Par conséquent, ce que vous avez dit n'est pas juste, monsieur Coquelle. Et c'est notre Gouvernement qui a pris ces mesures ! Je ne sais pas si vous les avez votées...
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces amendements ont le même objet et nous n'allions pas les défendre les uns après les autres. Mais comprenez bien qu'avec la privatisation de GDF, nous changeons complètement de logique ! Il est alors évident que la contribution sociale d'un groupe privé, dont l'objectif sera de satisfaire les actionnaires, risque fort d'être secondaire par rapport aux profits nécessaires pour répondre justement à la satisfaction de ces derniers ! C'est la raison pour laquelle nous insistons et, face à cette logique tout à fait nouvelle qui va régir l'opérateur gazier, proposons d'alourdir le taux de la pénalité.
Certes, le Gouvernement a retenu pour le gaz un taux équivalent à celui qui est applicable pour l'électricité. Mais EDF n'est pas encore une entreprise privée et nous espérons bien tout faire pour empêcher qu'elle le devienne ! Mais la logique d'un opérateur privé est claire : son objectif premier sera le profit et non le service public ! C'est la raison pour laquelle il doit être pénalisé plus lourdement en cas de non-paiement de la contribution sociale.
M. Yves Coquelle. Absolument !
Mme Hélène Luc. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez voté contre ? Il n'y a pas eu de débat !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l'article 3.
M. Roland Courteau. Je serai bref, monsieur le président, car nous nous sommes très largement exprimés sur cette tarification spéciale en prenant la parole sur l'article et nous avons également proposé un certain nombre d'amendements ayant pour objet d'améliorer le dispositif dans le sens d'une plus grande solidarité.
Il est dommage que vous ne nous ayez pas suivis lorsque nous avons voulu aller beaucoup plus loin que vous ne le prévoyiez, notamment avec l'amendement n° 118 rectifié concernant, je vous le rappelle à toutes fins utiles, les organismes sans but lucratif.
Néanmoins, étant évidemment favorables à la mise en place du tarif spécial, nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. J'irai dans le même sens que ma collègue Nicole Borvo. Pourquoi faisons-nous cette proposition de pénalité un peu plus forte que celle que vous proposez ? Vous allez dire que je suis méchant avec Gaz de France, EDF ou la Compagnie générale des eaux, mais c'est tout simplement parce que des fournisseurs préféreront couper la fourniture de gaz, d'électricité ou d'eau, quitte à payer une pénalité de 10 %, plutôt que d'appliquer la loi comme elle devrait l'être ! C'est pour cette raison que la pénalité doit être dissuasive, sinon elle ne servira à rien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est comme la parité !
M. Yves Coquelle. Exactement !
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous êtes maires. Dans ma commune, le taux de chômage étant élevé, nous sommes confrontés au problème tous les ans. Certes, la loi Borloo est intéressante dans la mesure où l'on ne peut pas couper l'eau, l'électricité ou le chauffage pendant les mois d'hiver. Il faudrait être vraiment de mauvaise foi pour ne pas le reconnaître. Mais on ne fait que repousser le problème au printemps !
Par conséquent, il faut impérativement trouver des solutions pour les personnes en situation très difficile. Les mesures que vous avez prises sont un premier pas, mais elles ne sont pas suffisantes.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Le groupe socialiste adoptera sur l'article 3 une position parfaitement cohérente. Si nous avons décidé de ne pas le voter, il n'en demeure pas moins que nous considérons l'extension au gaz du mécanisme qui avait été créé pour l'électricité comme une excellente chose. Ce dispositif s'inscrit dans une longue perspective à laquelle, nous les socialistes, avons pris une large part lors de la discussion des lois précédentes.
Cela dit, notre collègue Roland Courteau a souligné les insuffisances de cet article - un texte comporte toujours des insuffisances.
Pour ma part, je voudrais insister sur la question de l'information.
Nous ne pouvons nous satisfaire que ce projet de loi mette en place des règles dont ne bénéficieront pas la moitié de ceux qui pourraient en bénéficier. Certes, un décret précisera les conditions de mise en oeuvre du tarif spécial de solidarité. Mais au-delà, et quand bien même les fournisseurs seront tenus de signaler à leurs clients l'existence de ce tarif en vertu de la convention de service public, il me paraît essentiel que tout soit mis en oeuvre pour que les bénéficiaires potentiels soient informés. À cette fin, sans doute serait-il utile que le Gouvernement lance une campagne d'information afin d'éviter que ne se reproduise ce qui s'est passé avec l'électricité.
Je rappelle que tout va se passer très vite, car ces mécanismes s'appliqueront dès le 1er juillet 2007.
Nous ne voterons pas cet article 3, mais nous apprécions l'importance de la mesure de solidarité qu'il tend à mettre en place.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais vous ne voterez pas contre l'article !
M. Daniel Reiner. Le groupe socialiste s'abstient !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe communiste, républicain et citoyen aussi !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
Après l'article 30 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est inséré un article 30-1 ainsi rédigé :
« Art. 30-1. - I. - Il est institué un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. À la demande d'un consommateur final formulée par écrit avant le 1er juillet 2007, ce tarif est applicable de plein droit, pour une durée de deux ans renouvelables, à la consommation finale des sites pour lesquels la contribution prévue au I de l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est acquittée.
« Ce tarif s'applique de plein droit, à compter de la date à laquelle la demande est formulée, aux contrats en cours. Il s'applique également aux contrats conclus postérieurement, y compris avec un autre fournisseur.
« II. - Le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, qui ne peut être inférieur au tarif réglementé de vente hors taxes applicable à un site de consommation présentant les mêmes caractéristiques, est établi par arrêté du ministre chargé de l'énergie. Ce tarif ne peut être supérieur de plus de 30 % au tarif réglementé de vente hors taxes applicable à un site de consommation présentant les mêmes caractéristiques. »
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Il faut en premier lieu souligner que l'on ne peut discuter cet article indépendamment de l'article 3 ter, qui suit. En effet, l'un et l'autre sont intimement liés puisque le second a pour objet de pourvoir au financement du mécanisme créé par le premier.
On aurait pu dès lors fondre ces deux articles en un seul. Cela aurait accru la lisibilité du dispositif qui nous est proposé et clarifié son mode de financement.
On touche ici à une question fondamentale. Il ne s'agit pas seulement de la privatisation de Gaz de France. En effet, à travers la variable prix-coût, c'est toute notre économie qui est concernée, c'est toute l'organisation de notre système énergétique qui est touchée, d'une part, du fait de la mise en concurrence d'EDF et de Gaz de France, comme cela a déjà été souligné, d'autre part, parce que l'opérateur historique serait amené à subventionner les fournisseurs concurrents qui ne sont pas en capacité de proposer des tarifs aussi compétitifs que lui.
Le coût se situerait entre 700 millions et 1 milliard d'euros. L'équilibre financier de l'opérateur historique, qui est chargé de missions de service public, en serait de facto affecté.
Nous aurons l'occasion d'y revenir, puisqu'il s'agit là d'une question essentielle. Mais je tenais à souligner que l'on ne peut traiter de cet article sans prendre en compte son mode de financement, prévu à l'article suivant.
Venons-en à l'article lui-même.
Il institue un tarif de retour permettant aux consommateurs ayant exercé leur éligibilité de bénéficier de ce qu'on qualifie de « tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché ».
Le consommateur ne peut, a priori, bénéficier de ce tarif que pour une durée de deux ans. Pour autant, cette période peut être prolongée. Mais, dans la mesure où les conditions d'un tel renouvellement ne sont pas définies, on peut supposer que ce tarif, bien qu'il soit transitoire, pourrait devenir pérenne.
Comment en est-on arrivé là, monsieur le ministre délégué ? On peut y voir le signe évident de l'échec d'une politique libérale qui, loin de permettre le maintien du coût de l'électricité à un niveau compétitif grâce au parc nucléaire, conduit à une déconnexion entre les prix et les coûts réels de production.
Les tensions qui se manifestent sur les marchés mondiaux ont tendance à tirer vers le haut l'ensemble des prix du secteur énergétique, et ce indépendamment des fondamentaux de notre économie, qui bénéficie d'une électricité nucléaire peu coûteuse.
Tout cela contribue à brouiller les indicateurs économiques à moyen et à long terme et nuit aux anticipations des industriels, qui ont pourtant besoin de visibilité pour prévoir le coût de leurs investissements.
La privatisation de Gaz de France accentuera encore ce mouvement, une privatisation dont les Français subiront les conséquences alors qu'elle est totalement injustifiée.
Les Français vont subir les méfaits de l'accélération de la libéralisation des marchés énergétiques engagée par Nicole Fontaine et le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Cela a déjà été souligné, mais il faut y insister, car c'est une décision lourde de conséquences sur le quotidien de nos concitoyens.
L'exemple des entreprises est à cet égard tout à fait éloquent.
Concrètement, pour les entreprises qui ont choisi de quitter le tarif régulé, la facture est lourde, puisque, comme le souligne dans son rapport notre collègue Ladislas Poniatowski, le tarif hors marché se situe entre 32,4 et 39,90 euros par mégawattheure, alors que, sur le marché, les prix s'établissent à 70 euros par mégawattheure.
Pour un industriel ayant quitté le tarif régulé, le manque à gagner est compris entre 30 et 37 euros par mégawattheure, ce qui est énorme pour une grosse PME ou PMI électro-intensive.
Avec la majoration de 30 %, le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, ou tarif de retour, se situerait environ entre 42 et 52 euros par mégawattheure.
Mais j'observe que, au sein même de la majorité, des dissensions se font jour sur l'écart qui doit exister entre le tarif réglementé de vente hors taxes et le tarif de retour.
M. Philippe Marini. Vous voyez des dissensions là où il n'y a qu'une belle diversité !
M. Roland Courteau. Dès lors, deux questions fondamentales se posent quant à la viabilité du dispositif que vous nous proposez.
Ce tarif transitoire n'est-il pas un véritable miroir aux alouettes dans la mesure où nous ne connaissons pas, pour l'instant, la position de la Commission européenne en matière de tarifs régulés ?
Quel sort lui sera-t-il réservé, alors que la commissaire européenne chargée de la concurrence s'est prononcée contre le maintien des tarifs régulés ?
Pour ces raisons, nous proposions d'accorder à titre dérogatoire, et en cas d'augmentation substantielle du coût de l'énergie, un retour au tarif régulé.
Nous proposions également d'élargir l'accès au consortium Exeltium, jusqu'ici réservé aux très gros électro-intensifs. Ce faisant, nous n'impliquions pas de coûts supplémentaires pour l'opérateur historique producteur d'électricité.
Dans un cas comme dans l'autre, il ne s'agit pas d'un tarif transitoire d'ajustement au marché.
De plus, un tel tarif fait preuve d'un a priori, car l'on suppose au fond que les marchés ne sont pas encore suffisamment mûrs pour que s'y forment les prix justes.
Les exemples des pays pionniers en matière de libéralisation nous incitent au contraire à beaucoup relativiser.
Je ne développe pas davantage, car vous savez bien de quoi il retourne.
Tels sont les éléments que nous souhaitions verser au débat.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, sur l'article.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'ouverture du marché de l'électricité aux professionnels, aux entreprises et aux collectivités locales réalisée en 2004 a conduit à une hausse de près de 50 % des prix de l'électricité, mettant ainsi à mal le dogme libéral des prétendus bienfaits de la concurrence « pure et parfaite ».
C'est pour tenter de contrecarrer, pour deux ans seulement, cet effet pervers du libéralisme que les députés ont voté la création d'un tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché.
Ce dispositif sera ouvert, « à la demande d'un consommateur final formulée par écrit avant le 1er juillet 2007 » et ne pourra « être supérieur de plus de 30 % au tarif réglementé. »
Ainsi, les entreprises ayant opté pour le marché libre de l'électricité bénéficieront d'un régime transitoire leur réservant un tarif spécifique.
Il était urgent d'agir, monsieur le ministre délégué, mais pas de cette manière !
Il est urgent d'arrêter le processus de privatisation. Aujourd'hui, les mêmes entreprises qui croyaient que, sous l'effet de la « main invisible », les prix du marché déréglementé allaient baisser et qui se battaient pour l'ouverture du marché se trouvent dans une situation financière des plus précaires.
En effet, le coût de l'électricité étant une composante importante de leur prix de revient, certaines d'entre elles ont vu se réduire leur marge comme peau de chagrin.
L'exemple des industries papetières est, à ce titre, très révélateur. Ce secteur, déjà sinistré en raison de la baisse des prix des papiers et cartons, doit aujourd'hui faire face à un renchérissement très important du prix de l'électricité.
Comme je l'ai précédemment souligné, la conséquence immédiate pour ces industries papetières en est bien sûr une réduction importante de leur marge, mais surtout, à terme, leur fermeture et, partant, la suppression de milliers d'emplois.
Monsieur le ministre délégué, des plans sociaux ont déjà eu lieu dans le département de l'Isère aux Papeteries des Alpes ou aux Papeteries des Deux-Guiers. D'autres sont en cours. Or, si le Gouvernement persiste à vouloir privatiser GDF, en dépit d'indicateurs économiques défavorables, la situation déjà précaire de ce secteur s'aggravera, comme elle s'aggravera dans d'autres secteurs.
En effet, alors que le prix du gaz flambe en raison de son indexation sur les cours du pétrole et de l'ouverture à la concurrence, la privatisation de GDF, et donc l'exigence de dividendes des actionnaires qui s'ensuivra, ne peut qu'amplifier ce mouvement vertigineux de hausse des prix du gaz.
Monsieur le ministre délégué, vous le voyez, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes libéralisés. Il aura fallu les cris alarmants du MEDEF pour que vos amis députés prennent la mesure du danger et votent un palliatif. Dans le même temps, les actionnaires d'EDF dénoncent le droit de retour. Quel curieux paradoxe !
Mais les effets pervers de cette libéralisation ne se sont malheureusement pas cantonnés à la hausse vertigineuse des prix. Un article paru dans le quotidien Le Monde fait part d'inquiétantes dérives. Ses auteurs citent une responsable de KalibraXE, une société de conseil aux entreprises en achat d'électricité, qui dénonce le fait que les PME sont parfois « prises en otage par des grands fournisseurs qui leur proposent des clauses exorbitantes », certains - EDF, Suez ou Endesa - exigeant que « le client s'engage à payer, même en l'absence de consommation, une quantité d'énergie donnée », d'autres imposant des clauses d'exclusivité ou des options de sortie dont le coût - plusieurs centaines de milliers d'euros - dissuade le client de se tourner vers d'autres fournisseurs. Et les auteurs de cet article de se demander en conclusion si de telles dérives ne risquent pas « de se reproduire sur le marché du gaz, d'autant que les acteurs, clients comme fournisseurs, sont les mêmes que sur le marché de l'électricité. »
Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce sont là des raisons supplémentaires qui nous font nous opposer fermement au projet de loi que nous débattons, car non seulement il fragilise notre indépendance énergétique, mais encore il menace le droit à l'énergie pour toutes et tous.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, avec cet article 3 bis, l'Assemblée nationale a inséré dans le projet de loi un dispositif permettant au consommateur final d'électricité ayant fait le choix de la concurrence de bénéficier d'un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché.
Cet article illustre lui aussi l'échec de la libéralisation amorcée et les contradictions qu'elle engendre. Nous ne cessons de le répéter, peut-être finirez-vous par l'entendre !
Comme le rappelle la commission dans son rapport, la facture énergétique s'est considérablement alourdie ces dernières années. Les prix ont explosé, mettant en péril des entreprises. Dès lors, il n'est pas étonnant que montent de toute part des inquiétudes, y compris émanant des entreprises.
C'est dans ces conditions que l'Assemblée nationale a essayé de trouver un palliatif, en ajoutant un troisième tarif, à mi-chemin entre l'actuel tarif réglementé et le prix du marché.
Ce tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché est destiné à des consommateurs ayant dans un premier temps fait valoir leur éligibilité et choisi de bénéficier des prix plus faibles proposés par la concurrence.
Il est le signe patent d'un échec. Il montre que la libéralisation, si elle bénéficie certes aux actionnaires, si elle peut sembler intéressante à court terme, ne favorise ni les entreprises ni l'économie, puisqu'elle est au final synonyme de hausse des prix. Mais il est vrai que j'entends par économie celle qui est au service des populations et non de la finance.
Que se passera-t-il si, au bout de deux ans, le tarif dérégulé augmente encore ? Les entreprises devront-elles quitter ce système « provisoire » et subir les prix du marché libre, qui pourront, d'ici là, avoir de nouveau augmenté de 50 % à 60 % ? Il est à craindre que l'interdiction de revenir aux tarifs régulés ne pousse les entreprises concernées à délocaliser, voire à fermer.
L'existence de ce tarif ne réglera rien. Il contribuera, en revanche, à faire peser des risques sur l'avenir de l'actuel tarif réglementé, auquel la commission a pourtant rappelé son attachement.
En effet, les orientations européennes, en imposant la libre concurrence, et donc la liberté totale des prix, exigeront, à terme, la disparition de tout ce qui est susceptible d'y faire obstacle. C'est d'ailleurs le problème que soulève la commission des affaires économiques quand elle indique que le caractère renouvelable de la disposition créerait de fait une situation pérenne contraire aux orientations européennes.
C'est aussi ce qu'affirme la Commission européenne elle-même quand, sur ce point, elle souligne clairement que la modération des tarifs de GDF est un obstacle à l'entrée sur le marché français et qu'elle est donc anticoncurrentielle.
Dans ces conditions, « l'ajustement du marché », ce sera en réalité l'ajustement obligatoire sur le prix fort.
Cet article 3 bis et les amendements que vous proposez montrent que vous doutez vous-mêmes à la fois des orientations européennes que vous soutenez et des garanties que vous cherchez à offrir face aux conséquences de ces orientations. Politiquement, tout cela n'est pas très bon !
J'ajoute que le coût de ce tarif sera supporté, en définitive, par les usagers, particuliers et PME notamment. Nous y reviendrons à propos de l'article 3 ter.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, jamais la métaphore de la caverne de Platon ne m'aura paru aussi pertinente que pour parler du tarif de retour à l'occasion de l'examen de cet article 3 bis.
L'apparence est celle du retour au bercail du fils prodigue, c'est-à-dire du client spéculateur qui, grisé par des promesses de dérégulation, vient tout penaud quelques années plus tard frapper à la porte de la grande maison pour obtenir aide et protection.
C'est l'apparence, celle d'un client débauché sur le chemin de la droiture et du service public - j'ai presque envie de dire laïque et universel - par des spéculateurs, c'est-à-dire des opérateurs alternatifs avides de profits.
Voilà l'apparence. Et, comme dans la caverne de Platon, il faut en sortir pour voir de quoi il s'agit. Il existe une première réalité, qui n'en exclut pas une seconde, plus importante encore.
La première réalité, c'est que le marché de l'électricité est en effet un marché singulier, dont la dérégulation est sans doute plus complexe que dans d'autres secteurs, en particulier celui des télécommunications, que j'ai eu l'honneur de connaître lorsque j'ai exercé d'autres responsabilités.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est pour cela que les prix augmentent !
M. Gérard Longuet. Pourquoi est-il différent ?
D'une part, parce que la demande est extrêmement rigide. Elle n'est pas élastique aux prix, et varie beaucoup dans le temps. Ainsi, la nature d'un kilowatt diffère selon le moment où il est demandé. Cette contrainte absolue fait que, au même moment, certains payent très cher, tandis que d'autres ne seraient pas prêts à le faire.
Mais il faut, d'autre part, tenir compte des caractéristiques de l'offre électrique, qui est très différente des autres prestations de services ou biens industriels.
D'abord, l'électricité se transporte mal, y compris à l'international. Chacun d'entre nous peut en faire l'expérience lors de l'installation d'une nouvelle ligne électrique. Je pense, par exemple, à l'interconnexion de Cazaril-Aragon ou à la traversée des Alpes en direction de l'Italie, qui sont à peu près impossibles.
Ensuite, l'électricité ne peut pratiquement pas être stockée, hormis les quelques barrages hydrauliques qui le permettent. Or, précisément, la demande est très diversifiée dans le temps.
Enfin, l'offre électrique présente une troisième caractéristique, qui est propre à la France. En effet, il faut distinguer, à côté du nucléaire et de l'hydraulique, toutes les autres formes d'électricité ; je citerai le thermique, qui est lié aux énergies fossiles et peut varier en fonction d'événements politiques extérieurs par essence incontrôlables, puisqu'ils dépendent d'équilibres internationaux qui nous échappent ; je citerai également l'électricité de développement durable, dont on voit bien aujourd'hui qu'elle n'est pas encore en mesure d'apporter une solution de masse.
Il existe donc bien un problème spécifique français. Je voudrais l'évoquer à travers les difficultés de la dérégulation. On a parfois le sentiment que, depuis l'an 2000, celle-ci s'est faite contre EDF, mais ce n'est pas vrai ! Mes chers collègues, nonobstant les difficultés du marché, la dérégulation s'est faite avec EDF.
Mes chers collègues, au moment où l'on évoque le retour du fils prodigue, je voudrais attirer votre attention sur le fait que 4,5 millions de sites sont éligibles depuis l'an 2000. Près de 600 000 d'entre eux - soit 15 % - ont choisi l'éligibilité. Mais, parmi eux, 400 000 ont préféré rester à EDF. S'ils ont fait ce choix, c'est parce que EDF le leur a demandé.
M. Jean Arthuis. Bien sûr !
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Gérard Longuet. Il arrive un moment où il faut dire la vérité, et la vérité, c'est que l'éligibilité a été utilisée par EDF, soit pour garder des clients qu'elle craignait de perdre, soit - mais j'ose à peine le penser - pour inciter des consommateurs à quitter le tarif réglementé et à s'orienter vers le tarif libre en se disant qu'à un moment ou à un autre, il serait plus viable, d'un point de vue économique, d'appliquer aux clients le prix du marché.
EDF a d'ailleurs parfaitement réussi son opération, puisque les deux tiers des clients éligibles l'ont choisie et que seulement un tiers d'entre eux ont opté pour des opérateurs alternatifs. On peut même se poser la question de savoir si le principal bénéficiaire de l'éligibilité n'est pas EDF.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Philippe Marini. Pertinente analyse !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh ! là ! là !
M. Gérard Longuet. Et pourquoi EDF est-elle un cas particulier ? Parce qu'il est une seconde réalité que je voudrais évoquer.
Cette réalité, c'est celle d'une exception française à laquelle - une fois n'est pas coutume - je souscris totalement. Elle a d'ailleurs été portée à bout de bras par des majorités successives, qui n'ont jamais trahi ce projet national de l'électricité nucléaire. Pierre Messmer, alors Premier ministre, avait engagé le projet, et André Giraud avait poursuivi cette action sous l'autorité de Valéry Giscard d'Estaing. Nous tirons aujourd'hui le bénéfice du nucléaire.
Mais, pour une entreprise dont le capital est en partie ouvert au public et qui est cotée, la question, simple, qui se pose aujourd'hui est la suivante : si cette marge existe, que faut-il en faire ?
En l'espèce, mes chers collègues, la situation est parfaitement binaire. Le nucléaire présente-t-il un avantage économique distinct des bénéfices écologiques auquel nous sommes sensibles et des profits industriels auquel nous sommes attachés ? Existe-t-il un avantage économique pur et simple, c'est-à-dire des mégawatts moins chers ? Manifestement, la réponse est positive.
J'en veux pour preuve, monsieur le ministre délégué, l'appel que vous avez lancé à juste titre en avril dernier au président du Conseil supérieur du gaz et de l'électricité, Jean-Claude Lenoir, afin d'organiser une consultation. Celle-ci a repris très largement les conclusions de la mission commune du Conseil général des mines et de l'Inspection générale des finances d'octobre 2004 sur le nucléaire en France.
On s'aperçoit en effet que le nucléaire présente un avantage économique brutal, simple, permanent, stable et prévisible.
C'est une récompense pour la continuité française et l'exception française.
M. Jean-Pierre Vial. Très bien !
M. Gérard Longuet. On peut alors s'interroger : puisqu'une marge existe, à qui appartient-elle ? Du point de vue juridique, elle revient à l'entreprise. Ce sont les conditions de l'ouverture au marché.
Pour conclure, je souhaiterais expliquer le sens de mes amendements, dont tout le monde aura compris qu'il s'agit d'amendements d'appel, car je n'ai évidemment pas la prétention de régler le problème.
Monsieur le ministre délégué, vous avez mené avec brio, avant la discussion à l'Assemblée nationale et durant ses travaux, de très nombreuses négociations et arbitrages pour parvenir à un tarif de retour qui soit acceptable par les uns et les autres.
Je profiterai juste de l'examen de ces articles 3 bis et 3 ter pour me réjouir que M. le rapporteur nous propose un amendement avec clause de revoyure. Car le problème de l'avenir de la marge du nucléaire n'est absolument pas réglé de façon définitive. EDF doit-elle aligner le nucléaire sur le prix du thermique et conserver une marge importante pour ses actionnaires et pour son cash-flow ? Ce ne serait pas une mauvaise solution en soi, mais elle jouerait au détriment des consommateurs français, qui, dans le cadre du monopole, ont déjà financé le nucléaire pendant quarante-cinq ans.
L'autre solution, extrême, consisterait à séparer la production de la distribution. Cela reviendrait à priver notre entreprise de son principal atout, ce que, pour ma part, je n'accepte pas.
Entre les deux, il existe certainement, monsieur le ministre délégué, une possibilité d'associer à la dérégulation un partage pertinent de cet avantage.
Je souhaite que nous mettions à profit ces débats et les deux ans que M. le rapporteur nous suggère pour obtenir la transparence dans cette affaire. Car il n'y aura pas de nucléaire en France qui ne soit compris et accepté par l'opinion publique. Les Français ont, à juste titre, le sentiment d'avoir consenti des efforts et participé au financement du nucléaire en supportant des tarifs qui ont longtemps été supérieurs aux prix pratiqués dans le reste du monde. Il s'agissait de l'indépendance nationale. Nous avons donc pris des risques que d'autres n'acceptent pas de courir en Europe. Nous sommes prêts à poursuivre dans cette voie, mais, de grâce, faisons en sorte que cet avantage soit très largement partagé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jean-Pierre Vial. C'est une question essentielle !
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, sur l'article.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'aurais voulu prolonger l'analyse tout à fait excellente qui vient d'être présentée par notre collègue Gérard Longuet.
Le dispositif des tarifs provisoires de retour dont nous allons parler permet certainement de contourner l'obstacle pour quelques années, à court terme. Mais l'obstacle demeure et soulève, de mon point de vue, un problème de principe.
La question est bien de savoir, monsieur le ministre délégué, quelle est la logique du marché. Comment s'établissent les prix sur le marché et quelles sont les références qui s'imposent à celui-ci ?
Dans les années 2000 à 2002, ces sujets ont été traités au moment de l'élaboration des directives. Bien des experts se sont prononcés, des universitaires spécialistes de l'économie de l'énergie ont livré leurs analyses. En règle générale, on considérait que le marché avait vocation à s'équilibrer vers un prix synthétique traduisant un « mix énergétique », une situation d'équilibre avec différents apports issus de plusieurs modes de production d'énergie représentatifs d'une évolution de la politique européenne de l'énergie.
C'est sur la base de telles analyses, notamment celles qu'a développées et que continue de développer de façon très pertinente le professeur Jean-Marie Chevalier, qui fait autorité en la matière, que la France a souscrit à ce dispositif, qui est devenu celui des directives.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les Français y ont-ils souscrit, eux ?
M. Philippe Marini. C'est sur la base de telles analyses qu'EDF, très certainement de bonne foi, a prescrit l'option d'éligibilité.
Enfin, c'est sur la base de telles analyses qu'une proportion très significative des entreprises consommatrices d'énergie se sont tournées vers le marché.
Or nous observons que la logique du marché a été différente et que, de façon semble-t-il durable, structurelle, celui-ci adopte comme principale référence le coût marginal du kilowattheure produit dans la centrale thermique la plus classique, et, oserai-je dire, la plus polluante.
C'est aujourd'hui la logique du marché.
M. Daniel Reiner. Ce n'est pas vrai !
M. Philippe Marini. On ne peut naturellement que le déplorer, mais c'est une donnée, et cela se traduit par un écart très substantiel entre le tarif réglementé et le prix du marché. Il en résulte, on le sait, des handicaps de compétitivité dont on peut redouter qu'ils ne soient croissants, au détriment d'entreprises françaises, donc au détriment de l'emploi et de l'investissement dans notre pays.
La question est extrêmement sérieuse et peu nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, peuvent tracer des perspectives crédibles ou sûres.
Dans ce contexte, il me semble que le tarif de retour, tel qu'il a été défini à l'Assemblée nationale, est, je le répète, une manière temporaire de contourner l'obstacle. Mais, pour autant, les questions de principe devront être traitées.
Gérard Longuet a totalement raison de le rappeler, la part que représente l'énergie nucléaire dans notre production d'électricité doit demeurer un facteur fondamental, structurel, de la compétitivité, de l'attractivité de ce pays, et tout système qui nous conduirait à en quelque sorte abdiquer les avantages,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle horreur !
M. Philippe Marini....les bénéfices que l'on peut tirer des risques pris et des investissements réalisés par la puissance publique, directement ou indirectement, serait par avance tout à fait inacceptable.
Il est donc clair que nous sommes au coeur de contradictions bien réelles qui ne vont pas s'évanouir du jour au lendemain.
Mais il nous appartient de gérer les transitions, de contourner les obstacles, avant - espérons-le - que les questions de fond ne soient posées.
Pour ma part, je suis de ceux qui estiment que les directives actuelles ne sont pas nécessairement gravées dans le marbre. Si, un jour, différents facteurs conduisent l'Union européenne à remettre en cause certaines approches dans différents domaines, il faudra à ce moment-là que la question de la politique de l'énergie soit au rendez-vous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est formidable !
M. Philippe Marini. Il faudra qu'elle compte au nombre des sujets à traiter, en vue d'une adaptation, d'une évolution de nos règles et normes européennes, vers plus de réalisme. Il s'agira de mieux tenir compte des écarts qui existent encore, tout à fait légitimement, entre les États, du fait de leur histoire, des risques qu'ils ont pris, les uns ou les autres, en matière de politique énergétique, et du fait des structures économiques qui continuent de les caractériser très fortement et qui font que, en matière énergétique, la France n'est pas un pays comme les autres et se distingue de ses partenaires européens.
Nous pouvons, certes, espérer qu'une concurrence accrue sera de nature à contribuer à un meilleur équilibrage du marché, mais nous n'en sommes pas certains.
M. Daniel Reiner. Ah !
M. Philippe Marini. C'est pourquoi, au cours des prochaines années, nous devrons être très attentifs sur ces sujets, nous montrer lucides et capables, Gouvernement et Parlement, de prendre les bonnes options, en ayant conscience que les décisions d'aujourd'hui, si judicieuses soient-elles, ne sont que partielles et transitoires à la fois. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, sur l'article.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous nous réjouissons de voir que la discussion n'est plus limitée à un dialogue avec le gouvernement et le rapporteur : voilà enfin le débat lancé !
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Gérard Le Cam. Il était temps !
Mme Hélène Luc. On y vient !
M. Daniel Reiner. Enfin, les libéraux se réveillent !
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Daniel Reiner. Mais quand se réveillent-ils ? À l'occasion de l'examen de l'article 3 bis, que j'ai qualifié d'« acte de contrition ». Oui, cet article est l'acte de contrition des libéraux !
M. Philippe Marini. Le Premier ministre de l'époque a approuvé les directives, soutenu alors par les socialistes !
M. Daniel Reiner. Devant l'aveu d'un échec du système, ils essayent, tant bien que mal, de rattraper les choses.
Aujourd'hui, j'attendais de Gérard Longuet, qui s'honore d'être un libéral en la circonstance,...
M. Gérard Longuet. C'est vrai !
M. Daniel Reiner.... qu'il vienne se justifier, en quelque sorte. Il l'a fait habilement, comme d'habitude, en expliquant qu'au fond l'énergie n'était pas un bien comme les autres, ce que tout le monde sait ici !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ! Mais c'est bien qu'on l'entende dire !
M. Daniel Reiner. Pour notre part, nous n'avons pas dit autre chose.
Vous, cher collègue, vous êtes attaché au principe du libre marché et de la concurrence, qui porterait en lui, dans son essence même, l'assurance d'une baisse des prix, de l'amélioration des services et de la qualité, entre autres.
Vous savez que nous ne partageons pas totalement ce sentiment, c'est le moins qu'on puisse dire !
Mais, en ce qui concerne l'énergie, c'est pis, parce qu'il s'agit d'un bien très particulier, qui est essentiel non seulement pour nos concitoyens dans leur vie quotidienne, mais aussi pour nos entreprises, en particulier électro-intensives, ce que nous avions dit dès 2000.
Certes, les directives ont conduit à l'ouverture du marché qui crée de fait une dérégulation. Mais qui a inspiré la réflexion de ces directives, sinon la pensée libérale ?
M. Roland Courteau. Oui !
M. Daniel Reiner. Car ce sont bien des directives qui ont ouvert le marché dès 2000 aux entreprises électro-intensives...
M. Philippe Marini. M. Jospin, qui était Premier ministre à l'époque, a approuvé les directives ! Se serait-il trompé ?
M. Daniel Reiner. Mes chers collègues, nous avons en ce moment un débat de fond ; laissons-le à ce niveau !
Mme Nicole Bricq. On s'en est expliqué maintes fois !
M. Philippe Marini. Il s'est trompé, M. Jospin ?
M. Daniel Reiner. On peut cependant rouvrir le débat, si vous le souhaitez !
M. Philippe Marini. Qui était Premier ministre, à l'époque ?
M. Roland Courteau. Nous vous l'avons dit vingt fois, si vous aviez été là, vous auriez compris !
M. Daniel Reiner. Vous avez soulevé plusieurs questions, notamment celle de savoir comment s'établissent en réalité les prix de l'énergie. Comme si on l'ignorait !
À l'origine, les prix de l'énergie suivaient le lot commun des prix. Je prendrai l'exemple du pétrole, parce que c'est par là que l'on a commencé. De quelle façon ? Tout simplement, en calculant le prix du forage, celui de l'exploitation, et ainsi de suite à chaque stade de la production, jusqu'à l'établissement d'un prix global.
M. Gérard Longuet. Et la demande ?
M. Daniel Reiner. Attendez, mon cher collègue, vous allez voir que le schéma vaut pour l'électricité et, encore plus inquiétant, pour le gaz !
Donc, au départ, les prix du pétrole reposaient sur une réalité, celle des coûts,...
M. Gérard Longuet. Non, les prix reposent sur la demande solvable !
M. Daniel Reiner.... auxquels sont naturellement venues s'ajouter des marges.
À l'origine, les marges pouvaient être qualifiées de « raisonnables », mais, avec la constitution des majors pétrolières, ces marges ont connu une progression formidable, de sorte que, aujourd'hui, il n'y a plus aucun rapport entre le coût réel de production du pétrole et son prix de vente.
Si je soulève ce point, c'est que les pics de production, évoqués par Gérard Longuet tout à l'heure, ont donné naissance à un marché extrêmement marginal, portant sur quelques barils, appelé « marché spot ». Ce marché marginal est fondé sur des critères parfois irrationnels,...
M. Roland Courteau. Oui !
M. Daniel Reiner....par exemple, la crainte d'une tempête dans le Golfe du Mexique, ou telle ou telle nouvelle concernant l'Iran ou la bande de Gaza, que sais-je encore.
Or, étrangement, tout cela joue sur les prix du pétrole, dont l'évolution depuis de nombreuses années n'est pas liée à celle des coûts de production.
Donc, un certain nombre de grandes entreprises se sont approprié ces marges.
Le même schéma est en train de se produire pour le gaz.
Le prix du gaz n'a pas été fixé à l'origine en fonction de la réalité des coûts, non, il a été calculé pour que le gaz soit compétitif par rapport au pétrole. Il a donc été fixé légèrement en dessous du prix du pétrole, pour permettre aux pays occidentaux de diversifier entre eux leurs sources d'énergie, afin que chacun ait un peu de gaz, un peu de pétrole.
Au fond, on a fixé le prix du gaz en fonction de ce que l'on voulait obtenir à l'arrivée, c'est-à-dire un prix un peu plus faible que celui du pétrole. On en était resté là avec les prix réglementés.
Mais, comme pour le pétrole, un événement est venu bouleverser tout cela, en l'occurrence, la surexploitation par l'Angleterre de ses propres réserves de gaz. Des quantités de gaz ont donc été livrées sur le marché, ce qui a entraîné des modifications dans l'approvisionnement d'un certain nombre de centrales thermiques, voire le remplacement de certaines centrales au pétrole par des centrales à gaz, ce qui n'était d'ailleurs pas forcément judicieux.
En somme, la présence sur le marché d'une quantité de gaz plus importante que nécessaire a conduit à cette situation, et à la création d'un marché spot. Une fois de plus, la théorie libérale l'emportait !
Or, c'est ce marché spot qui sert, aujourd'hui, de référence.
On peut, si l'on veut, connaître les coûts réels de ces produits. Mais les prix de marché que vous évoquez, qui servent de référence dans nos débats aujourd'hui, n'ont pas de signification par rapport aux prix de revient réels. C'est toute la difficulté.
Dès lors, prenons acte de cette réalité, que l'on vient de vérifier avec l'électricité. Les entreprises électro-intensives se sont précipitées sur l'éligibilité,...
M. Gérard Longuet. Poussées par EDF !
M. Daniel Reiner.... poussées, dites-vous, par EDF, mais il était naturel que l'entreprise nationale agisse ainsi : elle ne pouvait pas risquer de perdre ses clients en ne proposant pas ce que ses concurrents proposaient ! On n'aurait pas manqué de le lui reprocher. Par conséquent, n'essayons pas de lui en faire porter la responsabilité, ce ne serait pas très correct en la circonstance !
Si donc nous constatons tous que le système n'a pas fonctionné, nous n'en tirons pas les mêmes conséquences. Loin de reconnaître avec nous que l'on ne peut appliquer ce raisonnement libéral concurrentiel au secteur de l'énergie, vous vous contentez de dire que vous allez « contourner l'obstacle ».
Mais quel obstacle ? Est-ce l'augmentation inéluctable des prix de l'énergie ? C'est cela, pour vous, l'obstacle ? Mais au nom de quoi ?
On nous propose donc cet article 3 bis, un article, au fond, un peu honteux, mais sans remettre en question la démarche qui sous-tend ce projet de loi, à savoir la privatisation de Gaz de France, opération qui aboutira à amplifier les effets négatifs du système que je viens de décrire, étant entendu que la dérive qui a frappé le pétrole et qui pourrait toucher l'électricité, sera encore plus grave et plus menaçante pour le gaz ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Belle démonstration !
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Lorsque nous commettons une erreur, il faut que nous en convenions et que nous en corrigions les effets si elle est malheureusement de nature à créer des difficultés économiques et sociales particulièrement graves.
On l'a dit, le marché de l'énergie n'est pas un marché comme les autres.
Mme Hélène Luc. Oui !
M. Jean Arthuis. Il est vrai que, à l'échelon européen, la préservation de la concurrence suscite chez certains des attitudes quasi frénétiques. Il est non moins vrai que l'on peut légitimement vouloir introduire la concurrence sur le marché de l'énergie.
Mais, lorsque les fournisseurs de gaz russes et algériens se mettent d'accord pour augmenter le prix de nos approvisionnements, devant quelle juridiction la Commission européenne peut-elle aller pour combattre cette entente abusive ?
M. Gérard Longuet. C'est exact !
Mme Hélène Luc. C'est une question !
M. Jean Arthuis. Cessons donc de nous renvoyer les responsabilités et partons d'un principe de réalité.
La réalité, c'est que cette directive a été approuvée par un gouvernement socialiste, qui porte la responsabilité de l'approbation, et que, de notre côté, nous ne l'avons pas critiquée à l'époque. Nous commettions une erreur et nous en mesurons les conséquences aujourd'hui !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean Arthuis. De multiples petites et surtout moyennes entreprises ont opté pour le marché libre - comme l'a rappelé Gérard Longuet -, sur la recommandation de leur fournisseur, EDF, et la plupart d'entre elles sont restées en relation avec ce dernier.
Ce système a bien fonctionné pendant trois ans...
M. Daniel Reiner. Non, un an et demi !
M. Jean Arthuis.... disons, pendant deux bonnes années.
Puis, le prix marginal, correspondant au coût du kilowattheure supplémentaire fourni par une centrale thermonucléaire à base d'énergies fossiles, est devenu le prix spot. Et l'on voit les résultats !
Nous avons, sur le territoire national, un certain nombre d'entreprises qui, jusqu'à maintenant, compensaient un manque de compétitivité dû au coût du travail par un avantage compétitif tiré du prix de l'énergie. C'est la raison pour laquelle les entreprises dont je parle ne se sont pas délocalisées jusqu'à présent. Mais, si l'on ne revient pas sur ces tarifs, je prédis, moi, un certain nombre de délocalisations !
J'ai rencontré, récemment, des sous-traitants du secteur de l'automobile qui hésitaient encore à aller s'installer en Roumanie. Si nous n'intervenons pas pour diminuer le coût de l'énergie, notamment le barème de l'électricité, ils iront en Roumanie, et nous porterons la responsabilité de ces déplacements d'entreprises.
EDF enregistre des bénéfices ? C'est formidable, et je rends hommage à ses compétences en la matière, mais permettez-moi de vous dire que ce n'est vraiment pas mon problème !
Le rôle d'EDF est d'assurer la fourniture de l'énergie dans des conditions compétitives. Si l'entreprise fait du bénéfice, tant mieux ! Mais si apparaît une surrémunération, alors, j'entends la contester.
Je suis d'autant plus étonné que j'ai là des documents attestant qu'aujourd'hui EDF propose des contrats de trois ans assortis de la garantie pendant toute la durée du contrat d'un tarif meilleur que le tarif dérégulé, de l'indexation des prix en fonction de l'évolution des tarifs réglementés, et sans retour possible au tarif régulé. Comment se fait-il que, au moment où EDF offre un barème plus intéressant que le tarif régulé, les 600 000 entreprises qui, voilà quelques années, ont opté pour le marché libre soient laissées dans des situations aussi difficiles ?
Je pense, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, qu'il est de notre devoir d'essayer d'atténuer les effets négatifs constatés. Sans être de nature à mettre en déficit l'exploitation d'EDF, cela permettrait de renouer avec la compétitivité.
Il a été question de l'électronucléaire, et vous vous souvenez, monsieur le ministre délégué, de la discussion difficile que nous avons eue à l'occasion de l'examen d'un amendement de trois pages déposé par le Gouvernement, amendement difficilement compréhensible, en dépit de la qualité de sa rédaction, qui visait à monter une opération pour permettre aux très gros consommateurs d'électricité de « préfinancer », en quelque sorte, l'EPR de Flamanville en échange d'un « droit de tirage » sur l'électricité. Mais, entre ces très gros consommateurs et ceux qui n'ont pas encore choisi le marché libre, on trouve aujourd'hui des PME qui se désespèrent.
J'ai donc, avec un certain nombre de mes collègues, déposé des amendements ayant pour objet de porter remède au problème. C'est tout cela, ce n'est que cela, mais j'espère que nous allons pouvoir nous comprendre sur ces propositions, car c'est l'emploi en France qui est en jeu ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers de ces amendements sont identiques.
L'amendement n° 123 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 334 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 627 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 123.
M. Daniel Reiner. Monsieur Arthuis, tout comme vous, nous sommes bien évidemment sensibles à cette question ; pour autant, elle ne doit pas devenir un argument de chantage.
Nous l'avons souligné dès la discussion générale, le prix trop élevé du gaz nuit aujourd'hui à l'attractivité de la France, et il serait en effet tout à fait regrettable, alors que nous avons d'excellents résultats en termes d'investissements directs étrangers, que des entreprises actuellement présentes sur notre territoire le quittent !
J'ajouterai deux arguments en marge de l'article 3 bis.
Il me semble que la voie sur laquelle nous sommes en train de nous engager est inquiétante et manifeste un certain fatalisme. Il ne s'agit pas de faire preuve d'une volonté politique claire en cherchant à conserver la maîtrise de la politique tarifaire alors même, et chacun ici l'a rappelé, que notre industrie électrique, en particulier l'industrie nucléaire, est de qualité et se montre capable de fournir des produits à un tarif inférieur à celui du marché européen, voire mondial. De ce point de vue, nous sommes plus ou moins dégagés du souci de l'indépendance énergétique.
La voie que nous empruntons est cependant inquiétante parce que, en nous plaçant ainsi, pour le gaz, à mi-chemin entre les tarifs réglementés et les prix du marché, nous mettons en cause, dans une certaine mesure, l'existence des prix réglementés. Je sais bien que cette voie a été ouverte par le contrat de service public signé entre l'État et GDF, contrat qui pose clairement la recherche de « la convergence entre les tarifs réglementés et les prix de vente en marché ouvert ». Cela signifie, en clair, que les prix régulés se rapprocheront des prix du marché, ce qui laisse planer l'inévitable inquiétude sur la détermination du prix du marché, en particulier pour le gaz : le prix de la cargaison d'un méthanier varie considérablement selon le port où elle est livrée. C'est donc extrêmement dangereux.
Nous nous mettons donc en situation de voir disparaître la notion même de tarifs réglementés et l'article 3 bis programme d'une certaine façon leur fin. Il me semble dans ces conditions quelque peu hypocrite de réaffirmer clairement l'existence de tarifs réglementés dans le projet de loi, d'autant que, personne ici ne l'ignore, la Commission européenne n'y est guère favorable.
Je ne voudrais pas que cet article soit un gage donné à la Commission pour la rassurer sur la fin, à terme, des tarifs réglementés en France. Or le président d'EDF - j'en reviens à l'électricité -, entendu par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale en décembre 2004, observait que, naturellement, le développement de son entreprise supposait des moyens financiers et qu'il comptait « sur une évolution des tarifs, au rythme de l'inflation, et des prix. Les tarifs et les prix se rapprocheront ainsi, les prix du marché pouvant se stabiliser aux environs de 35 euros par mégawattheure ». Aujourd'hui avec le renouvellement partiel du parc, en particulier grâce à l'EPR, on évoque un prix plutôt légèrement supérieur. Étrangement, et cela montre à quel point il est difficile de se mettre d'accord sur un prix, les Finlandais, par exemple, l'ont fixé à 30 euros... Tout cela est donc très opaque.
Au fond, mes chers collègues - et nous ne vous accompagnerons pas sur cette voie -, en votant cet article, vous signifierez que nous sommes dans une période de flottement entre tarif réglementé et prix de marché, que vous reconnaissez comme tel, et, de ce fait, vous accélérerez implicitement la fin des tarifs réglementés. Cette voie me paraît, encore une fois, extrêmement dangereuse.
En ce qui concerne l'article 3 bis, naturellement, nous en demandons la suppression.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 334.
M. Gérard Le Cam. Je commencerai la présentation de cet amendement en donnant lecture d'un extrait de l'excellent article paru dans Le Monde du 27 septembre dernier qui décrit parfaitement l'esprit des nouvelles dispositions introduites dans le projet de loi : « La France a bien du mal à assimiler les règles les plus simples de l'économie de marché. Chaque fois que cela est possible, elle lui préfère la relative opacité de l'économie administrée. Les entreprises, qui pestent en général contre les contraintes et les pesanteurs publiques, ne sont pas les dernières à vouloir à la fois ?le beurre du marché et l'argent du beurre de l'État?. C'est ce qui se passe avec l'affaire du ?droit de retour? des consommateurs d'électricité. »
Dans le cadre de la libéralisation des marchés européens de l'énergie, la France a été amenée à remettre en cause le monopole de distribution de l'électricité dont bénéficiait EDF. Dans un premier temps, les entreprises et les clients industriels ont seuls pu profiter de cette possibilité. Un certain nombre de prestataires se sont alors développés, sociétés indépendantes ou filiales d'autres électriciens européens. N'assurant généralement pas leur propre production, ils s'approvisionnaient sur le marché libre européen, qui était à l'époque en pleine restructuration avec l'apparition des premiers marchés dérivés comme le Nordpool ou Powernext.
Sur ces marchés, souvent résiduels, le prix qui se forme est celui du dernier kilowattheure disponible, et les fluctuations peuvent être importantes. Le prix est en général celui des centrales thermiques mixtes, gaz et fioul, ce qui induit une corrélation entre le prix du kilowattheure et celui du pétrole.
À l'époque de l'ouverture du marché français, les prix européens étaient inférieurs au tarif que pratiquait EDF. Un certain nombre d'entreprises firent alors le choix du marché. Avaient-elles bien compris les nouvelles règles du jeu ? En fait, elles abandonnaient la stabilité du prix géré par un quasi-monopole, lui préférant l'instabilité du marché en spéculant sur une baisse des prix à moyen terme. Le mot « spéculant » est ici utilisé à dessein, car il s'agissait bien d'un choix spéculatif : chaque fois qu'un consommateur fait le choix de l'instabilité, il entre dans la logique du risque, donc de la spéculation.
Voilà donc nos entreprises soucieuses de se libérer du monopole d'EDF, spéculant en fait à la baisse du prix de l'électricité en dessous, au moins, du tarif régulé.
Tout fonctionna très bien au début, jusqu'au troisième choc pétrolier. Lorsque les prix de l'électricité grimpèrent en Europe, les entreprises qui avaient spéculé à la baisse virent au contraire leur facture énergétique augmenter, souvent de manière spectaculaire.
Tant pis pour elles, dirait un libéral. Heureusement, nous sommes en France ! Ces entreprises trouvèrent quelques appuis politiques, quelques oreilles compatissantes et prêtes à ramener les brebis égarées dans le droit chemin des tarifs administrés. La discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale a été l'occasion pour le Gouvernement d'accepter un des amendements déposés en ce sens, et les malheureuses entreprises pourront bientôt retrouver les joies de la stabilité du prix de leur électricité à un niveau à peine supérieur à celui du tarif d'EDF.
Mais comment faire ? Leurs fournisseurs actuels ne peuvent vendre à perte et, si EDF se substituait à eux, on assisterait à la reconstitution de l'un de ces monopoles honnis par Bruxelles. EDF a en effet, en matière de prix de revient, un avantage sur ses concurrents, lié au nucléaire.
La solution trouvée est admirable et s'inscrit dans la grande tradition taxatrice française : EDF, et indirectement Suez par le biais de la Compagnie nationale du Rhône, qui dispose d'un parc hydroélectrique, vont subventionner leurs concurrents à hauteur de la différence entre le prix de marché et le nouveau tarif.
Selon de premières estimations effectuées sur la base des prix de 2005, cela pourrait représenter un montant annuel de 700 millions d'euros, dont 95 % seront fournis par EDF, entreprise publique. Le coût sera donc à partager entre tous les Français !
À cela s'ajoute ce qui est tout de même un paradoxe : on en vient à taxer l'énergie propre - nucléaire ou hydroélectrique - pour subventionner les centrales les plus marginales et les plus polluantes, ainsi que l'a souligné tout à l'heure M. Marini.
Mais soyons bien clairs : ce qui est critiquable, dans cette manipulation, c'est le double langage tenu par les entreprises, et c'est la faiblesse des politiques. Le droit de retour est une véritable escroquerie, et pas seulement une escroquerie intellectuelle.
Cela ne préjuge en rien du débat qui sera nécessaire en Europe sur le statut exact de l'électricité, bien public ou commodité de marché, à la lumière de quelques libéralisations peu réussies, comme aux États-Unis.
Le monde est plus complexe que ne l'imaginent certains des ayatollahs libéraux qui règnent à Bruxelles !
Mais la capacité du génie français à transcender ces complexités est confondante. Cet admirable droit de retour nous en offre une nouvelle preuve.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 627 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 19, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le I du texte proposé par cet article pour l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 :
« I. - Il est institué un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché au bénéfice de tout consommateur final d'électricité en faisant la demande écrite à son fournisseur avant le 1er juillet 2007. Ce tarif est applicable de plein droit pour une durée de deux ans à la consommation finale des sites pour lesquels la contribution prévue au I de l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est acquittée.
« Ce tarif s'applique de plein droit aux contrats en cours à compter de la date à laquelle la demande est formulée. Il s'applique également aux contrats conclus postérieurement à la demande écrite visée à l'alinéa précédent, y compris avec un autre fournisseur. Dans tous les cas, la durée de fourniture au niveau du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché ne peut excéder deux ans à compter de la date de la première demande d'accès à ce tarif pour chacun des sites de consommation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je tiens tout d'abord à verser au débat ouvert à l'occasion de la discussion de l'article 3 bis l'opinion de la commission.
Selon notre collègue Daniel Reiner, cet article serait un acte de contrition.
M. Daniel Reiner. Tout à fait !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non ! Il vise à venir en aide aux entreprises qui se sont déclarées éligibles, qui en ont largement profité pendant un an et demi environ - la bonne période n'a pas duré tout à fait deux ans -, et qui ont ensuite été frappées par une hausse des prix très importante, comme le rappelait M. Jean Arthuis tout à l'heure, ce qui les a placées dans une situation dramatique.
Monsieur Reiner, je me permettrai de rappeler que ces deux premières étapes de l'ouverture du marché, d'abord pour les gros consommateurs, puis pour tous les professionnels, ont été négociées et acceptées par le gouvernement Jospin. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Arrêtez !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les directives européennes remontent à cette époque-là ! C'est seulement sur la troisième étape, c'est-à-dire sur l'ouverture du marché pour tous les consommateurs, que, nous sommes bien d'accord, vous ne vous êtes pas prononcés favorablement.
Pour autant, la situation actuelle, qui voit des entreprises en situation si difficile que certains de nos collègues députés ont été amenés à proposer d'insérer ce qui est aujourd'hui l'article 3 bis, est le résultat d'un choix arrêté, à l'époque, par une majorité de gauche, il ne faut pas l'oublier. (Protestations renouvelées sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Bricq. Un choix de la plus haute autorité de l'État, n'exagérez pas !
M. Roland Muzeau. C'était le Président de la République !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Oui, il y avait aussi le Président de la République, nous sommes bien d'accord !
Mme Nicole Bricq. Il ne faut pas jouer sur les mots !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Et les communistes soutenaient aussi le gouvernement Jospin, je le rappelle.
M. Roland Muzeau. Relisez ce que nous avons dit alors !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais je ne reproche rien à personne, je me livre simplement à un rappel historique.
M. Jean Arthuis a évoqué une erreur. Oui, c'était une erreur, bien sûr ; mais pourquoi ? Tout simplement parce que la France, à l'époque, a été européenne : elle a transposé une directive et s'est prononcée en faveur de l'ouverture des marchés pour les professionnels.
Notre collègue a raison d'affirmer que c'était une erreur, mais je dirais que c'était une erreur consciente et voulue. Nous étions alors très nombreux à être européens et favorables à cette ouverture.
Au demeurant, et j'ai beaucoup apprécié la démonstration de M. Gérard Longuet sur ce point, la commission des affaires économique est très favorable au mécanisme proposé. Le montage n'est cependant pas parfait : résultat d'un compromis, il ne satisfait personne et mécontente tout le monde parce qu'il ne résout pas tous les problèmes ; il exige à ce titre certaines modifications, dont la première figure dans l'amendement n° 19.
Ce retour de l'enfant prodigue doit donc être accueilli avec le souci, et il nous anime tous ici, de défendre les entreprises qui, dans nos départements, sont durement frappées, qu'elles soient électro-intensives ou simples consommatrices d'électricité. M. Gérard Longuet a rappelé le nombre de bénéficiaires de l'ouverture du marché ; 621 000 sites se sont déclarés éligibles, c'est-à-dire que les entreprises concernées sont partout, et que c'est l'ensemble du territoire national qui est touché.
Nous ne pouvons pas l'ignorer et nous avons même le devoir d'examiner le montage proposé par l'Assemblée nationale sous l'angle de la défense de nos entreprises et de l'activité dans nos départements.
Le système proposé a au moins une faiblesse : je ne suis en effet pas sûr, comme certains de mes collègues l'ont déjà signalé dans la discussion générale, qu'il soit eurocompatible.
M. Michel Mercier. Le contraire est même sûr !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Certains sont même sûrs qu'il ne l'est pas ! En effet, si, théoriquement, il s'agit d'un tarif transitoire, en réalité le système tel qu'il est actuellement conçu est pérenne. Nous risquons donc de mécontenter Bruxelles.
Pour en venir maintenant à l'amendement proprement dit, vous comprendrez, monsieur le président, que je présente en même temps les amendements nos 19 et 20 car, même s'ils ne sont pas frères, ils sont complémentaires et tous les deux très importants.
M. le président. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 19 a pour objet de proposer la suppression du mot « renouvelables ». L'amendement n° 20 tend quant à lui à prévoir un rendez-vous important avant la fin du mois de décembre 2008 pour faire le point de la situation. Logiquement, à cette date, le tarif du marché et le tarif régulé devraient s'être rapprochés.
M. Roland Muzeau. Mais dans quel sens ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je sais bien que ce rapprochement n'aura pas forcément lieu. Aussi me semble-t-il nécessaire de proposer cette étape.
J'ai moi-même rencontré beaucoup de responsables d'entreprises électro-intensives, notamment du secteur automobile. Il se trouve que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne profitera vraisemblablement pas, s'il reste en l'état, au secteur automobile. En revanche, ces industriels sont très favorables à l'amendement n° 20.
Monsieur le ministre délégué, je me tourne vers vous. J'espère que les tarifs se rapprocheront dans le bon sens et que le problème sera résolu. Comme nous le verrons à l'article suivant, le montage avec compensations financières est prévu pour deux ans.
Le rendez-vous ne doit pas être envisagé comme une simple validation du système de financement du « retour de l'enfant prodigue ». Il s'agit aussi de prendre nos responsabilités : si la situation s'est aggravée à cette date, je ne vous cache pas qu'il faudra revenir sur le sujet, voire reconduire le système d'aide au retour. Pas de langue de bois en la matière !
M. le président. L'amendement n° 19 est affecté de quatre sous-amendements.
Le sous-amendement n° 784, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 19 pour le I de l'article 30-1 de la loi n° 2004 803 du 9 août 2004, supprimer les mots :
d'ajustement du marché
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nous souhaitons par ce sous-amendement souligner l'hypocrisie des dispositions du nouvel article 3 bis. Vous proposez la mise en place d'un tarif réglementé dit d'ajustement du marché permettant aux clients qui ont exercé leur éligibilité de revenir au tarif réglementé majoré de 30 %. Ce tarif serait applicable de plein droit pour une durée de deux années renouvelables. Cette modalité est contestée par la commission des affaires économiques du Sénat.
Nous pensons pour notre part que cette concession de la majorité parlementaire n'est qu'un pansement sur une jambe de bois.
En effet, à l'Assemblée nationale, vous avez plaidé, monsieur le ministre délégué, pour le « maintien des tarifs réglementés » en espérant ainsi répondre aux inquiétudes légitimes des consommateurs qui ont vu leur tarif exploser. Selon vous, « aucun lien ne peut être établi entre la détention du capital et la politique tarifaire », cette dernière étant censée être validée par la Commission de régulation de l'énergie.
Pourtant, le rapporteur à l'Assemblée nationale admettait lui-même que « pour certains opérateurs et le régulateur, l'ouverture des marchés emportent à terme la disparition des tarifs réglementés ». Toutes les craintes sont donc fondées. Notre rapporteur a lui aussi des doutes puisqu'il propose un rendez-vous dans deux ans.
Nous ne devons pas oublier l'exemple de la libéralisation de l'électricité, qui atteste cette dérive des prix. Aussi ces nouveaux articles proposant un tarif transitoire de deux ans plafonné à 30 % au-dessus du tarif réglementé apparaissent bien comme une piètre mesure si l'on considère que, après ces deux années, les tarifs ne seront plus réglementés.
Si les marchés sont laissés seuls ou sous le contrôle de la Commission de régulation de l'énergie, qui est à même de définir les prix, on voit ce qui se passe ! Le prix du gaz, par exemple, a grimpé de 23 % depuis 2004, date du changement de statut de GDF. Selon son président, une nouvelle hausse se justifie par le manque à gagner de GDF, du fait de l'envolée du cours du pétrole sur lequel celui du gaz est indexé... Or les bénéfices de l'entreprise ont explosé au premier semestre, avec une hausse de 44 % principalement due à la flambée de la facture des usagers !
Il est en effet assez étonnant que l'on puisse nous soutenir que la hausse des tarifs est due à la hausse des prix du pétrole, alors même que les profits n'ont jamais été aussi importants. Ces profits sont donc réservés aux seuls actionnaires et ne bénéficient ni aux usagers ni au développement industriel de l'entreprise.
Il est en fait difficile de ne pas voir dans cette politique redistributive l'ombre de la fusion, GDF souhaitant conforter sa rentabilité pour ne pas avoir à réviser à son détriment, à la veille de son mariage avec Suez, la fameuse « parité » des actions des deux entreprises.
Au-delà, le débat se trouve relancé sur la profitabilité de la vente du gaz aux consommateurs avec un tarif réglementé pratiqué aujourd'hui par l'entreprise publique qui reste « parmi l'un des plus bas d'Europe », comme l'admet Jean-François Cirelli.
Comment pourra-t-il en être de même demain, quand les actionnaires privés majoritaires feront pression pour augmenter cette rentabilité ?
Nous estimons donc que la notion de tarif réglementé provisoire est comparable à une escroquerie intellectuelle, puisque le but n'est pas l'ajustement du marché dans l'intérêt des consommateurs mais bien l'ajustement des tarifs au marché pour satisfaire le besoin insatiable de rentabilité des capitaux investis.
Nous ne pouvons accepter ce nouveau mécanisme qui correspond, à terme, à la fin des tarifs réglementés.
M. le président. Le sous-amendement n° 774, présenté par MM. Arthuis, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 19 pour le I de l'article 30-1 de la loi n° 2004 803 du 9 août 2004, après les mots :
pour une durée de deux ans
insérer le mot :
renouvelables
II. - Supprimer la dernière phrase du second alinéa du même texte.
La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Ladislas Poniatowski vient de présenter l'amendement n° 19 de la commission, dans lequel il n'est pas fait mention du mot « renouvelables ». Je pensais qu'il s'agissait d'un oubli que j'avais l'intention de lui signaler ! (Sourires.)
Mais il n'y a pas de malice dans ma démarche. Sur le fond, je crois que nous sommes tous d'accord. Nous avons commis une erreur à un moment donné qui - nous le constatons aujourd'hui - peut avoir des conséquences extrêmement graves sur l'emploi.
On pourrait dire qu'il s'agit d'un acte de repentance. J'observe cependant, à la lumière des initiatives récentes en la matière, que faire repentance pour le législateur consiste souvent à réécrire l'Histoire. Or je trouve singulier que le politique prenne en compte des situations pour lesquelles il ne peut plus rien. Au contraire, son rôle devrait être de s'occuper du présent,...
M. Gérard Longuet. Tout à fait !
M. Jean Arthuis. ...et de tenter de prendre des décisions qui portent remède à des situations préjudiciables bien actuelles.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Jean Arthuis. À la vérité, mes chers collègues, je trouve dommage qu'il faille une loi pour faire comprendre à EDF l'obligation dans laquelle elle se trouve de trouver une solution au problème qu'elle a elle-même créé et dont sont victimes ses clients. Il eût été séant qu'EDF réagisse spontanément.
Philippe Marini évoquait tout à l'heure l'important sujet de la rente électronucléaire. Je suis élu d'un département qui va peut-être devoir accueillir une ligne à haute tension pour assurer l'évacuation de l'énergie produite à Flamanville par l'EPR, c'est-à-dire le réacteur nucléaire de nouvelle génération. La production d'électricité nucléaire nous fournit une rente ; nous assumons collectivement le risque du traitement et du stockage des déchets dans l'intérêt du pays pour payer moins cher l'électricité. À partir du moment où cet avantage compétitif n'existe plus, il devient difficile d'expliquer à nos concitoyens quel intérêt public justifie de faire passer au-dessus de leur commune une ligne à haute tension qui suscite en elle-même des interrogations et parfois de l'angoisse.
Je souhaite que nous puissions, par ce sous-amendement, compléter l'excellente rédaction de la commission.
M. le président. Le sous-amendement n° 770 rectifié, présenté par MM. Merceron, Amoudry, Fournier et J. Boyer, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 19 pour le I de l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 par une phrase ainsi rédigée :
« Ce tarif s'applique également, dans les mêmes conditions, aux groupements d'achat qui ont conclu un contrat d'électricité pour approvisionner plusieurs consommateurs finals ».
La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. L'interdiction de bénéficier des tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel, pour les sites pour lesquels les droits relatifs à l'éligibilité ont déjà été exercés, ne doit pas être rendue opposable aux personnes morales de droit public, car cela conduit à augmenter les charges publiques, et donc le niveau des prélèvements obligatoires nécessaires pour les financer.
L'impossibilité de retourner au tarif réglementé conduirait en effet la personne publique consommatrice d'électricité ou de gaz à contribuer en réalité, de manière indue, à la rente de situation de son fournisseur de droit privé acquise au détriment de l'ensemble des contribuables, grâce à cette absence de réversibilité. Cette situation nous paraît injuste.
M. le président. Le sous-amendement n° 785, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 19 pour le I de l'article 30-1 de la loi n° 2004 803 du 9 août 2004 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fournisseurs doivent informer les consommateurs de l'existence du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous considérons que ce sous-amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 337, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour insérer un article 30-1 dans la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, supprimer les mots :
d'ajustement du marché
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par M. Amoudry et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, après les mots :
À la demande d'un consommateur final
insérer les mots :
ou du gestionnaire de réseau de distribution d'un distributeur mentionné à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée pour l'achat des pertes d'électricité du réseau qu'il exploite,
La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Cet amendement vise à préciser que le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché s'applique également au gestionnaire de réseau de distribution qui aurait exercé son éligibilité pour l'achat des pertes d'électricité du réseau qu'il exploite. Tout distributeur non nationalisé, y compris celui qui aurait fait usage de son éligibilité dans le passé, doit en effet pouvoir, pour l'achat de ses pertes en transport, être considéré comme un consommateur final et demander l'application du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché prévu à l'article 3 bis du projet de loi.
La différence de traitement actuel entre distributeurs ne paraît pas justifiée, car les activités de gestion de réseau, dont les pertes font partie, relèvent du service public, comme la fourniture d'électricité aux clients bénéficiant des tarifs réglementés.
M. le président. L'amendement n° 336, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par cet article pour insérer un article 30-1 dans la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fournisseurs doivent informer les consommateurs de l'existence du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 195 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Marini, du Luart, Deneux et Zocchetto, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer le taux :
30 %
par le taux :
20 %
La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Nos collègues députés ont considéré que le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché ne pouvait être supérieur de plus de 30 % au tarif réglementé de vente hors taxes. L'amendement n° 195 rectifié vise à abaisser ce taux à 20 %.
À titre indicatif, sur le marché régulé, un mégawattheure coûte 33 euros, le transport et la CSPE, c'est-à-dire la contribution au service public de l'électricité, coûtent, eux, 22 euros, soit un total de 55 euros.
Sur le marché libre, un mégawattheure coûte 56 euros, soit 60 % de plus que sur le marché régulé ; les coûts du transport et de la CSPE sont naturellement identiques, ce qui porte le total à 78 euros.
Fixer ce taux à 30 % permettra certes d'abaisser le coût du mégawattheure de 78 euros à 72 euros, mais ce montant demeure très élevé. Il constituerait une pénalité très forte et risquerait d'entraîner des pertes d'emplois, soit par disparition pure et simple d'entreprises, soit par délocalisation.
Il nous semble qu'abaisser ce taux à 20 % permettrait d'atteindre un prix plus équilibré.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 335, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du II du texte proposé par cet article pour insérer un article 30-1 dans la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer le taux :
30 %
par le taux :
10 %
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a eu beau jurer qu'il était hors de question de remettre en cause les tarifs administrés, c'est pourtant bel et bien ce que prévoit le présent projet de loi, notamment l'article 3 bis.
En effet, sous prétexte de venir en aide aux industriels qui ont opté pour la concurrence et qui en paient aujourd'hui le prix fort - je rappelle que la hausse de leur facture d'électricité et de gaz a pu atteindre 75 % en cinq ans et que, entre les mois d'avril 2005 et d'avril 2006, les tarifs de l'électricité ont même augmenté de 48 % ! -, il est proposé d'instaurer un tarif réglementé provisoire.
On voit bien ce qu'il advient lorsque ce sont les actionnaires qui définissent les tarifs : leur objectif est d'augmenter au maximum leurs bénéfices sur le dos des entreprises et des particuliers. Il est d'ailleurs toujours assez surprenant d'entendre certains sur les travées de la majorité s'étonner de l'appétit des actionnaires !
Une augmentation des bénéfices implique une hausse exponentielle des tarifs, qui entraîne une perte de compétitivité importante pour les industriels. Dans certains secteurs, comme la métallurgie ou la verrerie, ces phénomènes sont particulièrement graves.
Ainsi l'Assemblée nationale a-t-elle instauré, sur proposition de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, un nouveau tarif réglementé, dit « transitoire », pour une durée de deux années renouvelables.
Ce tarif, fixé par le ministre chargé de l'énergie, serait plafonné à 30 % au-dessus du tarif administré. Or, si ce tarif réglementé transitoire venait à voir le jour, il constituerait à terme un argument pour supprimer le tarif administré. En effet, les partisans d'une telle suppression auront tout loisir de prôner l'alignement du tarif administré sur le tarif réglementé transitoire. Ainsi le tarif réglementé transitoire, donc provisoire, se transformerait-il au bout du compte en tarif réglementé définitif.
Un tarif supérieur de 30 % au tarif réglementé reste une charge extrêmement lourde pour les consommateurs finals. Nous souhaitons donc que le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché ne dépasse pas de plus de 10 % le tarif réglementé de vente hors taxes.
M. le président. L'amendement n° 65 rectifié bis, présenté par MM. Longuet et Zocchetto, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, après les mots :
tarif réglementé de vente hors taxes
insérer les mots :
au 1er août 2006, à la seule fourniture, hors transport,
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Cet amendement a pour objet d'encadrer le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. Il vise à ce que ce tarif soit calculé sur la base du tarif réglementé de vente hors taxes au 1er août 2006. C'est d'ailleurs tout à fait compatible avec l'orientation de M. le rapporteur, qui considère que le tarif de retour est provisoire, pour une durée de deux ans.
Par ailleurs, ce taux de 30 % ne doit s'appliquer qu'à la part variable, c'est-à-dire à la part fourniture et non à la part transport.
Permettez-moi d'avoir la cruauté de vous lire quelques extraits de l'offre commerciale d'un grand opérateur à capitaux publics. On y trouve des phrases définitives sur la prévisibilité des factures - choisir l'éligibilité, c'est « limiter les risques liés à la volatilité du marché » - et sur la baisse immédiate des prix - choisir l'éligibilité, c'est « avoir une visibilité à moyen terme sur les prix de l'électricité ». Ces écrits ne sont pas ceux de fournisseurs alternatifs avides de profits, ce sont ceux d'une grande maison que nous aimons tous !
Au moment où nous organisons une période de transition, faisons donc en sorte qu'elle soit acceptable pour ceux qui ont écouté la voix faisant autorité dans le domaine de l'électricité en France.
M. le président. L'amendement n° 528 rectifié, présenté par MM. Longuet et Zocchetto, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, après les mots :
hors taxes
insérer les mots :
, hors transport,
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Il s'agit d'un amendement de repli.
M. le président. L'amendement n° 529 rectifié, présenté par MM. Longuet et Zocchetto, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, après les mots :
hors taxes
insérer les mots :
au 1er août 2006
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Il s'agit également d'un amendement de repli.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
A - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2008, un rapport dressant le bilan de l'application de la création du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. Ce rapport analyse les effets de ce dispositif et envisage, s'il y a lieu, sa prolongation.
B - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :
I. -
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement a été défendu en même temps que l'amendement n° 19, dont il est complémentaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements autres que ceux qu'elle a elle-même déposés ainsi que sur les quatre sous-amendements ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les amendements nos 123 et 334, qui tendent à supprimer un article que la commission approuve, ne peuvent susciter qu'un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 784 n'ayant été déposé que ce matin, il n'a pas été examiné par la commission ; elle y serait toutefois défavorable, dans la mesure où elle est défavorable à l'amendement n° 337, qui a le même objet.
La commission est en effet attachée à la notion d'ajustement du marché que vous proposez de supprimer. Le tarif réglementé d'ajustement du marché sera bien transitoire puisque les raisons expliquant la hausse des prix de l'électricité sur le marché libre sont conjoncturelles, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises. Cette hausse s'explique par l'augmentation du prix du pétrole, par l'insuffisance de l'offre et par le marché international des permis d'émission de CO2, autant de facteurs qui devraient s'atténuer progressivement. Rien ne justifie donc de rendre ce dispositif pérenne.
Je ne m'étendrai pas longuement sur le sous-amendement n° 774. J'ai en effet donné mon avis sur ce sous-amendement en présentant l'amendement n° 19, qui vise à supprimer le mot « renouvelables », ce qui ne se comprend qu'à la lumière de l'amendement n° 20.
Monsieur Arthuis, ne dissociez pas cet amendement de son petit frère, l'amendement n° 20. Le montage que je propose est précis.
Je suis persuadé qu'il serait dangereux de pérenniser le mécanisme de retour, car nous aurions alors un problème avec Bruxelles. C'est la raison pour laquelle j'ai supprimé le mot « renouvelables », que vous proposez de réintroduire.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre sous-amendement, monsieur Arthuis. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable. Le rendez-vous que je propose avant décembre 2008 permettra, me semble-t-il, de parvenir à un bon équilibre.
Le sous-amendement n° 770 rectifié tend à apporter une précision tout à fait utile, monsieur Merceron. En effet, l'Assemblée nationale n'avait pas prévu d'ouvrir aux groupements d'achat dont vous nous avez entretenus la possibilité de bénéficier du tarif de retour. Or il n'y a pas lieu de les exclure. La commission a donc émis un avis favorable sur ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 785, comme le sous-amendement n° 784, n'a pas été examiné par la commission. J'émets toutefois un avis défavorable sur ce sous-amendement, dont l'objet est identique à celui de l'amendement n° 336, sur lequel la commission a émis un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 58 rectifié, présenté par notre collègue Marcel Deneux. Cet amendement est identique à celui qu'il avait déjà défendu sur l'article 1er. Il concerne les questions d'achat d'électricité par les gestionnaires de réseaux de distribution pour couvrir les pertes d'électricité qu'ils subissent sur leur réseau.
Comme je l'ai indiqué, ces pertes sont couvertes par le TURP, ou tarif d'utilisation des réseaux de transport et de distribution d'électricité. En vertu de la directive de 2003, cette couverture doit être effectuée de manière transparente et non discriminatoire. Surtout, elle doit reposer sur des procédures de marché. Votre proposition serait, elle aussi, contraire à la directive.
Enfin, rendre éligibles au tarif de retour les pertes subies par les DNN conduirait à alourdir considérablement la facture pour EDF au titre du mécanisme de compensation pour financer le tarif de retour, dans la mesure où, à terme, cela inclurait plus de 40 térawattheures supplémentaires dans ce dispositif.
Pour ces deux raisons, mon cher collègue, je vous demande, comme je l'avais fait lors de l'examen de l'article 1er, de bien vouloir retirer votre amendement.
S'agissant de l'amendement n° 195 rectifié, je voudrais apporter quelques précisions sur les chiffres. Je ne suis en effet pas d'accord avec les prix que vous avez indiqués, monsieur Arthuis. Ceux qui figurent dans mon rapport ont été vérifiés et contrôlés.
Aujourd'hui, un industriel qui n'aurait pas exercé son éligibilité bénéficie d'un tarif intégré variant entre 32,40 euros et 39,90 euros pour un mégawattheure.
Ce même industriel, s'il avait exercé son éligibilité, s'approvisionnerait sur le marché au prix de 70 euros par mégawattheure. Un tarif de retour majoré de 30 % - c'est le taux qu'a fixé l'Assemblée nationale - lui permettrait donc de bénéficier d'un prix compris entre 42,20 euros et 51,80 euros.
Si vous êtes d'accord, j'aimerais que nous retenions ces chiffres pour la suite de nos débats.
Il est difficile d'envisager un retour pur et simple, car cela fermerait définitivement le marché.
Je pense que fixer le niveau du tarif de retour à 20 %au-dessus du tarif réglementé de vente, c'est mettre la barre très haut et nous faire gravir une grande marche. Ce n'est pas simple. Une telle mesure aurait un coût. J'aimerais donc connaître l'avis du Gouvernement.
L'amendement n° 335 vise à abaisser ce taux à 10 %. Là, c'est mettre la barre très bas ! La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 65 rectifié bis comporte deux volets.
Le premier volet tend à fixer au 1er août 2006 la date de référence pour la fixation du tarif de retour. La commission est réservée sur une telle proposition. Elle a considéré qu'il n'y avait pas lieu de geler la référence retenue pour fixer le niveau du tarif de retour.
Si les tarifs réglementés augmentent l'an prochain, il est logique que le niveau des tarifs de retour augmente à due concurrence. J'émets donc un avis défavorable sur ce volet de l'amendement.
Concernant le second volet de l'amendement, je souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
Enfin, dans la même logique, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 528 rectifié et 529 rectifié.
M. Gérard Longuet. Monsieur le rapporteur, les tarifs que vous avez évoqués sont-ils calculés transports compris ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements et des sous-amendements ?
M. François Loos, ministre délégué. Je vous ai écoutés avec beaucoup d'intérêt débattre de cette question fondamentale : quel tarif allons-nous appliquer à ceux qui ont renoncé au tarif régulé voilà quelques années et qui, aujourd'hui, le regrettent ?
Je voudrais tout d'abord vous communiquer quelques données chiffrées.
Le prix de l'électricité à usage industriel hors taxes est en France de 53,30 euros par mégawattheure. C'est une moyenne qui mêle des tarifs régulés et des tarifs de marché, dans une fourchette comprise donc entre environ 40 et 80 euros.
En Allemagne, notre concurrent le plus important sur le plan économique, cette moyenne s'élève à 85,20 euros par mégawattheure, dans une fourchette allant d'environ 65 à 100 euros. Au Royaume-Uni, la moyenne est de 77 euros par mégawattheure. La plupart de nos partenaires européens connaissent des prix plus élevés. Seuls les pays baltes et la Finlande, qui bénéficient d'électricité dans d'excellentes conditions en raison notamment de leurs liens historiques avec la Russie, ont une moyenne inférieure. La moyenne européenne, quant à elle, s'élève à 76 euros par mégawattheure.
Aujourd'hui, il faut investir. Mais le retour sur investissement est fonction du prix. Autrement dit, investir aujourd'hui rapporte 85,20 euros par mégawattheure en Allemagne contre 53,30 euros en France ! Vous devez être conscients de cette situation.
Si, en France, la dispersion des prix - de 40 à 80 euros - est anormale et excessive, il n'en demeure pas moins que nos prix sont, en moyenne, parmi les moins élevés de l'Union européenne, hors cas particulier.
M. Roland Muzeau. Cela ne va pas durer !
M. François Loos, ministre délégué. Certains, notamment M. Reiner, ont mis en doute l'existence même d'un marché de l'électricité. Je voudrais, là encore, répondre à l'aide d'éléments précis.
L'hydraulique, le nucléaire actuel, le nucléaire futur avec l'EPR, le gaz, le charbon, ont chacun un prix de revient et le gestionnaire de la production satisfait la demande en enclenchant logiquement d'abord celles des centrales qui coûtent le moins cher et en recourant aux autres au fur et à mesure de la progression de la demande. Le même gestionnaire se pose en outre la question de savoir s'il a intérêt ou non à produire plus à un prix donné.
Il y a donc un vrai marché, et un prix de marché. Le nier, c'est nier la réalité, et ce n'est pas la solution. Aujourd'hui, les producteurs ont le choix de produire plus ou moins, et leur motivation peut varier suivant les prix.
L'année dernière, il s'est passé deux choses. D'une part, les prix du marché ont progressé parce que, les capacités de base les moins chères étant utilisées à leur maximum, il a fallu recourir progressivement à des capacités supplémentaires plus chères, et le prix du marché a suivi cette évolution.
Pendant des années, je le rappelle, EDF n'a pratiquement pas investi dans la production. Il en est de même à l'échelon européen. Ces investissements sont à présent nécessaires, c'est pourquoi nous avons demandé à EDF d'investir 40 milliards d'euros en cinq ans. Et il arrive un moment où cela joue sur le marché européen.
D'autre part, et ce n'est pas une pirouette, une manoeuvre pour justifier artificiellement l'augmentation des prix, il faut se souvenir que, toujours l'année dernière, sont arrivés les quotas de CO2: c'est une réalité !
Depuis, tout producteur, français ou européen, n'enclenche une centrale au charbon, qui revient cher, que si le prix tient compte des quotas de CO2 qu'il risque de payer. Par un effet mécanique, les producteurs répercutent ipso facto le risque sur le prix.
Donc, deux phénomènes qui n'ont rien à voir avec un quelconque dogme libéral se sont donc produits l'année dernière. Nous subissons tout simplement les effets du défaut d'investissements des années précédentes, auquel nous essayons de porter remède.
Telles sont, brièvement présentées, les données fondamentales du problème. S'y ajoute évidemment un paramètre tout à fait franco-français, je veux parler de l'ampleur de la fourchette des prix du mégawattheure. Une entreprise qui paie 80 euros par mégawattheure peut très bien avoir un concurrent qui ne paie que 40 ou 60 euros. Suivant qu'il s'agit de tarifs régulés ou de prix de marché, et suivant la date d'achat, tous les cas de figure sont possibles, nous en sommes conscients.
La proposition adoptée à l'Assemblée nationale visait à combler l'écart de moitié, ce qui nous amènerait à mi-chemin, soit 30 % environ.
À l'Assemblée nationale, nous avons eu un grand débat pour savoir jusqu'où il était possible d'aller en termes d'efforts tarifaires sans pour autant décourager l'investissement. En effet, plus les tarifs sont bas, moins nous incitons à l'investissement. C'est pour cela que j'ai cité la comparaison européenne des prix de l'électricité au début de mon propos.
Et encore faut-il que les efforts demandés restent dans la limite du raisonnable. Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, le taux de 30 % est un objectif maximal qui concerne l'ensemble des tarifs, et non pas seulement les tarifs industriels. Nous visons 25 % dans les cas particuliers qui seront spécifiés dans l'arrêté.
Car, s'il est simple de fixer ici des pourcentages, dans la réalité tout est plus compliqué ! Comme l'a montré Gérard Longuet, l'assiette à laquelle on appliquerait le pourcentage en l'occurrence n'est pas sans importance, de même que la diversité des tarifs possibles - je pense en particulier aux tarifs bleu, jaune et vert, soit respectivement aujourd'hui 90 euros, 70 euros et 50 euros hors taxes.
L'idée d'appliquer ce taux de 30 % à la part production est beaucoup moins aisée à mettre en oeuvre qu'il n'y paraît, car il faudrait prendre en compte toutes les factures des industriels chez tous leurs fournisseurs et faire une addition de tout ce qui est, en plus, de la production.
Pour une question de simplicité, je préconise l'utilisation du tarif intégré comme base ; la comparaison sera alors indiscutable. Ce tarif comporte au moins trois colonnes auxquelles nous pouvons appliquer le taux de 30 %.
Le but, je le répète, est d'arriver à 25 %. Je suis prêt à aller de l'avant mais, compte tenu de la complexité du sujet, je doute qu'une rédaction plus fine soit possible dans la loi. L'arrêté qui sera pris ultérieurement concernant l'ensemble des tarifs devra résoudre toutes ces questions.
Cela étant, j'en viens à l'avis du Gouvernement proprement dit sur les amendements et sous-amendements en discussion.
Je ne souhaite pas, bien évidemment, la suppression de l'article 3 bis, je suis donc défavorable aux amendements identiques nos 123 et 334.
Je suis en revanche favorable à l'adoption des amendements nos 19 et 20 de la commission, dont j'ai bien compris qu'ils étaient complémentaires, le premier tendant à supprimer le caractère renouvelable de la durée de deux ans, mais le second prévoyant la présentation d'un rapport devant le Parlement précisément dans deux ans.
Nous ne savons pas quelle sera la situation dans deux ans, mais on peut imaginer que nous serons amenés à nous pencher de nouveaux sur ces questions. Les réponses que nous y apporterons seront sans doute meilleures, parce que nous aurons, entre-temps, engagé toute la réflexion à laquelle Gérard Longuet nous a conviés.
L'insertion du mot « renouvelables » donnerait l'illusion que la situation est durable. Or il est toujours possible de voter une loi ou de prendre un décret.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. François Loos, ministre délégué. Cette précision est donc d'autant moins utile qu'elle comporterait une ambiguïté.
En revanche, je suis favorable à un rapport dressant le bilan de l'application de la création du tarif transitoire. Il est fréquent que les parlementaires exigent des rapports mais, pour une fois, je suis d'accord pour reconnaître que c'est la formule la plus adaptée en l'occurrence.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 784. Il est également défavorable au sous-amendement n° 774, pour les raisons que je viens d'indiquer à l'instant. En revanche, il est favorable au sous-amendement n° 770 rectifié, car le tarif de retour bénéficiera également aux groupements d'achat publics et privés.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 785, même s'il est évident que les fournisseurs doivent informer les consommateurs. À cet égard, toute la publicité faite à nos débats représente déjà une source d'informations très intéressante pour les entreprises concernées.
S'agissant de l'amendement n° 58 rectifié, il existe déjà un dispositif très avantageux pour l'achat des pertes d'électricité. Nous en avons déjà parlé lors de l'examen de l'article 1er. Le Gouvernement demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Le taux de 20 % proposé dans l'amendement n° 195 rectifié me semble être trop haut, mais le taux 10 % comme proposé dans l'amendement n° 335, serait trop bas.
M. Roland Muzeau. Oh non ! (Sourires.)
M. François Loos, ministre délégué. Je ne serais pas hostile à un taux de 25 %.
En ce qui concerne les amendements nos 65 rectifiés bis, 528 rectifié et 529 rectifié, le fait d'additionner à l'assiette des coûts qui peuvent être différents d'un opérateur à un autre rend la comparaison trop difficile. Il semble préférable d'avoir comme seule assiette le tarif intégré, qui permet des calculs incontestables.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur le ministre délégué, dans la mesure où vous pourriez émettre un avis favorable sur un amendement n° 195 rectifié bis, je suggère à M. Arthuis de rectifier son amendement dans le sens que vous souhaitez et à M. Longuet de se rallier à cette version, ce qui lui permettrait de retirer ses trois amendements, ayant obtenu satisfaction sinon totalement sur le taux, du moins sur le principe.
M. le président. Monsieur Arthuis, souhaitez-vous rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le ministre délégué ?
M. Jean Arthuis. Pour les entreprises, 25 % c'est toujours mieux que 30 % !
Cela étant, je tiens à la disposition de M. le rapporteur une fiche émanant de la société des carrières de Voutré, dans la Mayenne, qui montre que certains de ses concurrents sont restés au tarif régulé. Cette entreprise va donc se retrouver en difficulté.
M. Paul Raoult. Vive le libéralisme !
M. Jean Arthuis. Notre dispositif n'est pas fantaisiste. Certes, on peut toujours nous rétorquer que, lorsque l'on prend des risques, tant pis si l'on perd. Mais n'oublions pas que cette situation emporte des conséquences pour l'entreprise et, partant, pour l'emploi. Il ne s'agit pas d'un tirage du Loto.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Arthuis, j'aimerais avoir une copie du contrat que vous avez cité et des tarifs qui y figurent.
M. Jean Arthuis. Je vous les ferai parvenir volontiers, monsieur le rapporteur.
Aujourd'hui, EDF passe des contrats libres à des prix qui se situent pratiquement en dessous du tarif régulé. Qu'est-ce que cela signifie ? S'il manque de l'argent au fournisseur EDF, qu'il vende donc des contrats libres plus chers que le tarif régulé ! Mais je doute qu'il y parvienne. Je me demande d'ailleurs si, demain, beaucoup d'entreprises seront prêtes à opter pour le marché libre pour leur fourniture de gaz, mais c'est un autre sujet ...
Monsieur le ministre délégué, si vous ne pouvez pas faire mieux que 25 %, je suis prêt à rectifier mon amendement en ce sens. Mais, au-delà de ce débat, car il est toujours gênant de régler ce type de question par la loi, j'aimerais que le fournisseur EDF fasse preuve d'un peu plus d'empathie vis-à-vis de ses clients et qu'il ne les laisse pas seuls assumer les conséquences d'une décision qui s'est révélée risquée, mais qu'on les avait incités à prendre.
Certes, nous sommes dans une société de responsabilités, mais que signifie assumer ses responsabilités pour des entreprises qui se situent dans une économie non plus uniquement française, mais aujourd'hui globale ?
On le voit, le marché énergétique est loin d'être un marché comme les autres, et les problèmes posés sont plus compliqués qu'il n'y paraît.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 195 rectifié bis, présenté par MM. Arthuis, Marini, du Luart, Deneux et Zocchetto, qui est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer le taux :
30 %
par le taux :
25 %
Monsieur Longuet, maintenez-vous vos amendements ?
M. Gérard Longuet. Non, monsieur le président, je les retire, car finalement les cinq points de différence valent autant, si ce n'est plus, que ce que j'avais proposé. Je trouve que c'est un bon deal. (Sourires.)
M. le président. Les amendements n°os 65 rectifié bis, 528 rectifié et 529 rectifié sont retirés.
La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, je voudrais à nouveau rectifier l'amendement n° 195 rectifié bis afin d'ajouter le nom de Gérard Longuet à la liste des signataires.
M. Gérard Longuet. Volontiers !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 195 rectifié ter, présenté par MM. Arthuis, Marini, du Luart, Deneux, Zocchetto et Longuet, qui est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer le taux :
30 %
par le taux :
25 %
Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je propose à mon tour d'ajouter les membres du groupe communiste républicain et citoyen à la liste des signataires de l'amendement n° 195 rectifié ter, ...
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Roland Muzeau. ... à condition de ramener le taux de 25 %, qui est le résultat d'une longue négociation, à 10 %. Ainsi, nous pourrons voter à l'unanimité l'amendement n° 195 rectifié quater. (Rires.)
Mais trêve de plaisanterie ! Ceux qui éventuellement suivraient nos travaux auraient vraiment de quoi s'étonner, non du fait que nous nous opposions en permanence - c'est le déroulement normal du débat démocratique -, mais en raison de l'attitude présente de ceux de nos collègues qui, par ailleurs, vantent en permanence les bienfaits de la concurrence et du marché.
Alors qu'ils soutiennent d'habitude que cette règle est devenue universelle, qu'elle est désormais inscrite dans le marbre et que tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes pour de nouveaux pays qui n'y souscrivaient pas, mais qui y viennent, nos collègues manifestent aujourd'hui une grande inquiétude. Je ne la mésestime pas, car personne ne réagit ainsi en séance publique par simple goût du jeu politicien.
Vous êtes légitimement inquiets, chers collègues de la majorité, car vous savez d'expérience quels effets ont eus un certain nombre de décisions prises dans le passé en matière d'électricité et vous mesurez la dérive qu'elles ont entraînée. Sans doute n'avions-nous pas suffisamment expliqué ici que cette conséquence était inévitable.
Comment concilier une économie de marché fondée sur une concurrence débridée- je ne reviendrai pas sur la Constitution européenne avec le débat sur la concurrence libre et non faussée - avec la régulation de ce même marché par la puissance publique ? Reconnaissez-le, vous êtes à cheval sur deux concepts, et vous risquez de chuter et, pire, de faire la démonstration que vous prenez les gens pour des imbéciles à force de ne pas savoir ce que vous voulez !
Je mesure bien à quel point cette contradiction vous pèse. Votre « acte de contrition » est donc une bonne chose, mais il est insuffisant. C'est la raison pour laquelle nous continuons à défendre l'idée d'un taux de 10 %.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 123 et 334.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 20 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 128 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 784.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 774.
M. Michel Mercier. Je tiens tout d'abord à remercier M. le ministre délégué de nous avoir expliqué pourquoi ce sous-amendement était justifié. (Sourires.)
M. Longuet a été très clair : il va falloir investir pour produire de l'énergie électrique, car, depuis quelque temps, la production est tout juste suffisante pour satisfaire la demande.
Il va donc falloir faire accepter aux Françaises et aux Français la relance d'une grande partie de la production de l'énergie électrique à partir du nucléaire, sinon en totalité du moins en grande partie. Nous sommes tout à fait d'accord pour soutenir cette position et nous pensons qu'il ne faut pas trop tarder.
Très naturellement, si nous allons dans ce sens, les Françaises et les Français doivent en tirer un bénéfice.
Monsieur le ministre délégué, vous nous dites que l'énergie électrique est moins chère en France que dans les autres pays européens, ce qui est exact. Notre seul vrai désir est que cela continue ! (Sourires.)
C'est la raison pour laquelle nous vous soutiendrons le jour où vous nous présenterez une politique de relance de l'investissement dans le domaine de l'énergie électrique.
M. Michel Mercier. Je souhaite qu'une telle politique ne se fasse pas trop attendre, car elle nous éviterait de « patauger » plus longtemps dans des considérations tarifaires auxquelles nous ne comprenons pas grand-chose, il faut bien le reconnaître !
Je souhaite maintenant m'adresser plus directement à EDF au sujet du tarif de retour.
Très honnêtement, est-ce à nous, parlementaires, de régler cette affaire ? Alors que nous savons dans quelle nécessité se trouve notre pays d'investir dans le nucléaire, alors que nous avons besoin d'un soutien fort des Français sur ce dossier, nous sommes contraints de traiter de questions tarifaires.
L'entreprise historique a offert la dérégulation à des clients qui ne s'y connaissaient pas plus que nous. On leur a vanté les mérites de l'accès au marché libre et promis des lendemains qui chantent. Cela a fonctionné vingt mois, puis cela n'a plus fonctionné, et ces braves gens, souvent des chefs de PME, qui ont cru ce qu'on leur avait dit, se sont trouvés dans la situation de devoir payer le choix qui leur avait été dicté.
M. Paul Raoult. On croit rêver !
M. Daniel Reiner. En effet !
M. Michel Mercier. Si l'on veut véritablement faire confiance à l'opérateur historique, il faut maintenir le mot « renouvelables » à cet endroit du texte, car cette mention, monsieur le ministre délégué, donne au Gouvernement, s'il en voit la nécessité, la possibilité de renouveler la durée initiale d'application du tarif réglementé sans lui en faire obligation.
Il ne s'agit pas de décider maintenant de renouveler la durée initiale de deux ans, et cela n'ôte rien à la pertinence du bilan que souhaite M. le rapporteur. Ce maintien nous donne simplement un moyen de pression sur EDF pour l'obliger à régler elle-même ce problème.
Aujourd'hui, des propositions sont faites pour permettre à des personnes qui sont encore dans le tarif régulé d'en sortir, et d'en sortir à d'autres conditions que celles que nous sommes nous-mêmes en train de fixer. Nous organisons vraiment une vaste pagaille !
Introduisons plutôt de la clarté dans cette affaire et suscitons dans notre pays un courant porteur qui permettra demain le lancement d'une vraie politique d'investissement en faveur de la production d'une énergie nucléaire moderne, à bon marché et pérenne.
Par ailleurs, une telle précision laisse à EDF le temps de régler cette affaire - il est question de 600 000 contrats, ce n'est tout de même pas la mer à boire ! -, même s'il me semble qu'EDF aurait dû trouver une solution avant aujourd'hui, ce qui aurait eu le mérite d'être beaucoup plus simple et plus clair.
Nous laissons donc deux ans à EDF pour faire le nécessaire et nous acceptons la clause de rendez-vous proposée par M. le rapporteur. De la sorte, si cela se révèle nécessaire, le Gouvernement aura toujours la possibilité de procéder à une petite piqûre de rappel !
M. Roland Courteau. Vous êtes optimiste !
M. Michel Mercier. Pour toutes ces raisons, nous tenons au mot « renouvelables », monsieur le ministre délégué.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Je lance un appel pour qu'EDF libère ses otages !
Je constate qu'aujourd'hui EDF fait des propositions de passage au marché libre qui sont pratiquement plus avantageuses que le marché régulé, et l'on dit aux 400 000 autres clients qui sont encore chez EDF : « Écoutez, vous n'avez pas de chance, c'est comme ça, vous porterez votre croix jusqu'au bout ! ». Je trouve cela insupportable !
Je souhaite vraiment que l'on sorte de cette situation. Je voterai donc pour ma part ce sous-amendement, tout en me ralliant totalement à l'amendement n° 20 de la commission.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 774.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 21 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l'adoption | 35 |
Contre | 281 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 770 rectifié.
Mme Éliane Assassi. À la lecture de ce sous-amendement, nous avons éprouvé un sentiment pour le moins étrange dans la mesure où nous nous souvenions que, en 2003, les parlementaires européens français membres de l'UDF avaient voté, et sans la moindre difficulté, les deux directives « gaz » et « électricité » qui ont ouvert le champ de la concurrence en matière énergétique et créé, notamment, les conditions de l'application de tarifs librement décidés par les contraintes de marché !
L'application du principe de concurrence libre et non faussée, mes chers collègues, c'est tout de même - ne l'oublions pas ! - la fixation du prix des biens et des services aux conditions économiques créées par la formation du prix.
Et voilà que ce principe de concurrence se heurte, d'un seul coup, aux réalités !
Or la réalité, c'est que les prix de l'énergie ont sensiblement augmenté dans la dernière période, permettant ainsi aux fournisseurs d'électricité et d'énergie, de manière générale, de connaître une véritable explosion de leurs bénéfices.
L'irréversibilité, mes chers collègues, est contenue -devons-nous le souligner ? - dans la directive « gaz » comme dans la directive « électricité ».
Pour prendre une image adaptée, l'irréversibilité, c'est comme mettre les doigts dans la prise et n'être plus autorisé à les retirer ensuite ! Exercer son droit à l'éligibilité, c'est accepter de recevoir ensuite la « décharge » quand le prix à payer augmente !
Au demeurant, la réalité, dans cette affaire, est que le recours aux tarifs réglementés deviendra l'exception et que l'acceptation par les usagers des prix du marché sera la règle.
Mes chers collègues de l'UC-UDF, votre sous-amendement est intéressant, car il offre précisément la démonstration que les principes guidant l'article 1er causent des dégâts majeurs en termes de pouvoir d'achat des usagers, qu'il s'agisse des entreprises, des collectivités territoriales pour leurs réseaux publics, ou enfin des particuliers.
Évidemment, nous ne voterons pas l'amendement n° 19, mais nous voterons ce sous-amendement.
Au moment où, par exemple, le budget des hôpitaux publics est directement victime de la hausse des tarifs de l'énergie, hausse qui grève lourdement les frais de fonctionnement encadrés dans l'enveloppe globale de l'ONDAM, c'est bien la moindre des choses que les parlementaires présents ici, représentant les collectivités locales, réagissent pour régler ce problème.
En tout état de cause, j'insiste : il ne fallait pas dans ces conditions, mes chers collègues, voter l'article 1er puisque, à l'occasion de cette discussion, nous venons de voir que son principe général pose manifestement de sérieux problèmes d'application !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 770 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur l'amendement n° 19.
Mme Hélène Luc. Cet amendement de la commission des affaires économiques est tout à fait essentiel.
Comment en est-on arrivé là ? Telle est la première question qui nous vient à l'esprit, à la lecture de l'article 3 bis. En effet, à de multiples reprises, vous n'avez cessé de nous indiquer que l'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques aurait comme corollaire la baisse des prix des fournitures d'énergie, électricité et gaz !
Un certain nombre de clients ayant fait jouer leur éligibilité, l'expérience a été en réalité pour le moins douloureuse.
Au lieu des bienfaits attendus de la concurrence, les clients éligibles comme les clients non éligibles ont plutôt expérimenté des « explosions » de tarifs, avec des hausses réitérées et fréquentes - environ une fois tous les six mois !
Les attendus de la directive « électricité » qui se fondent, entre autres, sur les effets positifs de la concurrence se sont pour le moins estompés à l'épreuve des faits.
À tel point que vous voilà contraints de procéder à la création d'un tarif transitoire d'ajustement du marché, tarif qui se présente comme une sorte de TIPP flottante affectant temporairement le prix du gaz vendu par les distributeurs aux petites et moyennes entreprises devenues éligibles.
Sur le strict plan de l'eurocompatibilité, cet article 3 bis est justifiable et répond au dix-huitième considérant de la directive. Toutefois, il soulève de nombreuses questions.
Ainsi, force est de constater que c'est encore une fois Électricité de France qui va payer la facture représentative des dépassements de prix supportés par ses propres concurrents. C'est le subventionnement du développement de l'activité de Suez et de Gaz de France dans le domaine de la distribution électrique ; c'est le coup de pouce donné à M. Beigbeder, PDG de Poweo, ou à tout autre opérateur alternatif n'assurant pour l'heure qu'une partie réduite de la distribution.
EDF représente aujourd'hui 85 % du marché, quatre opérateurs alternatifs majeurs en détiennent 6 % et une multitude de petits opérateurs assurent les 9 % restants. Mais quand il s'agit de s'assurer du financement du service public de l'électricité, qui va être sollicité pour faire face au financement du tarif transitoire, la charge est supportée essentiellement par EDF, qui en assume plus de 97 %.
C'est donc bel et bien l'argent public qui va assurer, encore une fois, ce financement, au détriment, sans doute, des comptes mêmes de l'opérateur électrique public et des comptes de l'État, du fait de la dégradation du résultat comptable d'EDF SA.
Nous avons donc tout à la fois, dans cette affaire, des marchés ouverts, la hausse des prix et le secours des deniers publics pour aider les entreprises soumises à la hausse de leur facture énergétique et aux prises avec leurs fournisseurs, qui ne peuvent pas faire autrement que de majorer les prix !
Proposer comme vous le faites, monsieur le rapporteur, que cet ajustement transitoire ne puisse être renouvelé, alors que vous savez pertinemment que les prix peuvent encore monter, c'est contraindre, à marche forcée, les usagers à se soumettre aux règles de la spéculation sur les marchés énergétiques, alourdissant les coûts de production et pesant, de fait, sur l'emploi et les salaires.
La vérité est difficile à admettre, mais elle est claire : l'ouverture des marchés énergétiques, pour les entreprises comme pour les particuliers, est une mauvaise affaire, consommatrice de pouvoir d'achat !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Nous avons dit tout le mal que nous pensions de cet article 3 bis. Cela étant, personne ici ne nie la réalité du problème. Nous sommes là pour trouver des solutions pour le présent et pour l'avenir, non pour nous pencher sur le passé. De ce point de vue, la proposition formulée par M. le rapporteur répond au problème posé.
C'est pourquoi nous ne voterons pas contre l'amendement no 19 ni contre l'amendement n° 20 qui, en quelque sorte, en découle. Nous voulons ainsi montrer que nous partageons le souci légitime d'améliorer la situation d'un certain nombre d'entreprises qui ont été pénalisées par un système que, d'une certaine manière, nous condamnons.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19, modifié.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires économiques et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 22 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 218 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 110 |
Pour l'adoption | 170 |
Contre | 48 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 337 et 336 n'ont plus d'objet.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 58 rectifié ter.
M. Jean Arthuis. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 58 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 195 rectifié ter.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 335 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 20.
M. Roland Muzeau. La semaine dernière, nous avons présenté un amendement par lequel nous demandions que soit réalisé un rapport sur la question du charbon. Dans la défense de notre amendement, nous expliquions qu'il nous semblait nécessaire d'envisager de manière plus large la question de la reprise de l'exploitation du charbon, notamment en termes de formation des personnels.
Voilà ce que vous nous répondiez, non sans ironie, monsieur le rapporteur : « Défavorable - non sur le fond du problème - à la demande d'un nouveau rapport. Nous allons mourir étouffés par les rapports ! Celui-ci serait d'autant moins utile qu'il vient d'en sortir un excellent, dont je me suis abondamment servi. Utilisons les travaux déjà faits ! ».
Nous nous étonnons donc que vous demandiez vous-même un rapport, alors que vous dénonciez, la semaine dernière, un risque sérieux d'asphyxie, et ce d'autant plus que la pertinence du rapport que vous proposez est loin d'être évidente.
En effet, quel est l'intérêt d'établir le bilan d'un dispositif auquel vous mettez d'ores et déjà fin dans l'amendement n° 19 ?
Pourquoi demander la suppression du caractère renouvelable du tarif réglementé transitoire si vous considérez qu'un bilan est nécessaire avant de prendre toute décision sur cette question ?
Pour toutes ces raisons qui relèvent du bon sens, nous voterons contre votre amendement, en attendant la production d'un nouveau rapport !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC vote contre !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 3 ter.
Article 3 ter
Après l'article 30 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée, il est inséré un article 30-2 ainsi rédigé :
« Art. 30-2. - Les fournisseurs qui alimentent leurs clients au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché en application de l'article 30-1 et qui établissent qu'ils ne peuvent produire ou acquérir les quantités d'électricité correspondantes à un prix inférieur à la part correspondant à la fourniture de ces tarifs bénéficient d'une compensation couvrant la différence entre le coût de revient de leur production ou le prix auquel ils se fournissent, pris en compte dans la limite d'un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l'énergie, et calculé par référence aux prix de marché, et les recettes correspondant à la fourniture de ces tarifs.
« Le cas échéant, le coût de revient de la production d'un fournisseur est évalué en prenant en compte le coût de revient de la production des sociétés liées implantées sur le territoire national. Pour l'application de ces dispositions, deux sociétés sont réputées liées :
« - soit lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision,
« - soit lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies au troisième alinéa, sous le contrôle d'une même tierce entreprise.
« Les charges correspondantes sont calculées sur la base d'une comptabilité appropriée tenue par les fournisseurs. Cette comptabilité, établie selon des règles définies par la Commission de régulation de l'énergie, est contrôlée aux frais des fournisseurs qui supportent ces charges par leur commissaire aux comptes ou, pour les régies, par leur comptable public. La Commission de régulation de l'énergie peut, aux frais de l'opérateur, faire contrôler cette comptabilité par un organisme indépendant qu'elle choisit. Le ministre chargé de l'énergie arrête le montant des charges sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie effectuée annuellement.
« La compensation de ces charges, au profit des fournisseurs qui les supportent, est assurée par une contribution due par les producteurs d'électricité exploitant des installations d'une puissance installée totale de plus de 2 000 mégawatts et assise sur le volume de leur production d'électricité d'origine nucléaire et hydraulique au cours de l'année précédente. Cette contribution est versée à la Caisse des dépôts et consignations qui reverse les sommes collectées aux opérateurs supportant les charges et qui retrace les opérations correspondantes dans un compte spécifique. Le montant de la contribution applicable est calculé de sorte que les contributions couvrent les charges. Il est arrêté par le ministre chargé de l'énergie sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, effectuée annuellement.
« Lorsque le montant des contributions collectées ne correspond pas au montant constaté des charges de l'année, la régularisation intervient l'année suivante au titre des charges dues pour cette année. Si les sommes dues ne sont pas recouvrées au cours de l'année, elles sont ajoutées au montant des charges de l'année suivante.
« Les contributions sont recouvrées dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions que les contributions mentionnées au I de l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article. »
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. L'article 3 ter tend à instituer un mécanisme de compensation destiné à financer le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. Bien entendu, cela représente un coût pour les opérateurs concernés, qui ne sauraient évidemment pas vendre à perte.
En outre, le présent projet de loi interdit aux consommateurs concernés de revenir au tarif réglementé, autrement dit à EDF, car ce serait contraire aux orientations européennes, qui visent justement à briser le monopole public.
Dans ces conditions, qui devra payer ? L'Assemblée nationale a décidé de faire peser la charge de la compensation sur des opérateurs répondant à certains critères, c'est-à-dire sur Suez et, surtout, sur EDF, qui paiera dans les faits pour son concurrent. En année pleine, cela leur coûtera 700 millions d'euros !
Accepter une telle disposition reviendrait finalement à décider d'obérer les capacités d'EDF à faire face aux investissements nécessaires et à répondre aux besoins. Au bout du compte, ce serait également faire payer les particuliers et les PME. On ne peut franchement pas qualifier un tel choix de « patriotisme économique ».
La commission des affaires économiques s'est dite réservée sur cet article 3 ter et recherche une autre piste de financement, notamment au travers de la contribution aux charges de service public de l'électricité. Permettez-moi de souligner qu'elle aurait fait oeuvre plus utile en se montrant défavorable à la création du tarif de retour.
Pour notre part, nous sommes hostiles à l'instauration d'un tel tarif, tout comme nous nous opposons au mécanisme de compensation que l'article 3 ter tend à instituer.
Il nous paraît inconcevable que l'on demande une nouvelle fois à une entreprise publique de payer pour des opérateurs privés. C'est pourtant ce que confirme le débat à l'Assemblée nationale au cours duquel il a été indiqué que la rente, acquittée par EDF, devait favoriser la compétitivité des entreprises.
D'un certain point de vue, cela revient à rendre hommage à l'entreprise publique. En effet, c'est la preuve que c'est une entreprise viable et une entreprise d'avenir que vous contribuez à mettre lourdement en difficulté par ce projet de loi. EDF fournit les deux tiers du marché libre. Cela confirme l'utilité d'une entreprise publique forte et, à l'inverse, l'inutilité d'un marché libre, qui est dans l'incapacité de répondre aux besoins du pays et de la population.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Ainsi que mon ami Roland Muzeau vient de l'exprimer à l'instant même, il y a urgence à agir, au nom de l'emploi, du pouvoir d'achat des ménages les plus modestes, de notre indépendance énergétique et de la préservation de notre environnement.
Oui, il y a véritablement urgence à agir, mais pas de la manière que vous nous proposez, monsieur le ministre. Ce dont nous avons besoin, c'est non pas d'un palliatif, d'une échéance bien incertaine, mais bel et bien de l'arrêt du processus de privatisation de notre secteur énergétique.
D'autant que la rustine que vous nous suggérez est inacceptable. Après nous avoir chanté les saintes louanges de la concurrence, vous nous soumettez un dispositif qui permettra à certaines entreprises ayant fait jouer leur éligibilité de bénéficier d'un nouveau tarif intermédiaire entre les tarifs régulés et le marché libre de l'électricité. Et pour ne pas pénaliser les fournisseurs d'électricité non producteurs, vous décidez de faire peser cette baisse forcée des tarifs sur les gros producteurs d'électricité, c'est-à-dire sur EDF. Selon cette dernière, un tel système lui coûtera plusieurs centaines de millions d'euros par an en 2007 et en 2008. Bien entendu, ce sont les consommateurs, c'est-à-dire nous tous, qui paieront les dérapages du libéralisme.
Voilà où nous mène la main invisible, que les libéraux affectionnent tant. Pourtant, en dépit de ces effets pervers clairement démontrés, certains députés ont voulu aller plus loin en cherchant à privatiser de manière déguisée nos centrales nucléaires. C'est ainsi que des députés ultralibéraux, MM. Novelli et Bouvard, ont proposé à leurs collègues un amendement tendant à contraindre EDF à mettre à la disposition de ses concurrents un volume d'électricité au prix de revient du nucléaire et de l'hydraulique, léguant ainsi aux opérateurs les bénéfices d'un investissement national.
Cette solution irraisonnée est proprement scandaleuse ! Permettre à des fournisseurs privés d'avoir l'électricité des centrales nucléaires à prix coûtant sous prétexte que leur propriétaire ne doit pas être le seul à bénéficier de la rente du nucléaire et à faire du bénéfice sur la distribution est un raisonnement extrêmement simpliste. C'est oublier qu'EDF garantit l'accès à l'électricité aux ménages à moindre coût grâce à la rente nucléaire et qu'elle permet de financer le démantèlement des anciennes centrales et la construction de nouvelles. La sphère privée serait-elle en mesure d'en faire autant ? La réponse est indiscutablement non.
De même, une telle mesure, qui est contraire à l'intérêt de la nation, aurait été une source d'effets d'aubaine, annihilant tout investissement. En effet, les opérateurs privés auraient certainement été tentés d'acheter l'électricité au prix le plus bas pour la vendre plus cher à l'étranger, tout en laissant le soin à EDF de réaliser tous les efforts de production et de planification.
Fort heureusement, l'amendement en question a été rejeté à l'Assemblée nationale, mais je souhaitais souligner au sein de notre hémicycle l'indignation des parlementaires communistes, qui sont profondément attachés au secteur public de l'énergie, face aux tentatives sournoises et dangereuses de certains parlementaires.
Au regard des enjeux sociaux, environnementaux et économiques, la rente nucléaire est et doit rester la propriété de la nation. Elle est notre patrimoine commun.
L'article 3 ter organise ni plus ni moins que le pillage des ressources publiques. Nous ne pouvons évidemment que nous y opposer.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. C'est pour moi un véritable plaisir de répondre à Mme Assassi, car je pense exactement le contraire de ce qu'elle vient de dire.
Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas étonnant !
M. Gérard Longuet. Certes, mais je voudrais vous démontrer, madame Assassi, que vous commettez un contresens.
Le nucléaire appartient à la nation tout entière, aux consommateurs qui en ont financé la réalisation en acceptant, pendant des décennies, d'en supporter la charge dans le cadre du monopole. Dès lors, comment faire en sorte que l'ensemble des consommateurs puissent continuer, demain, à bénéficier de cet avantage ?
Mon intervention sur l'article 3 ter s'inscrit évidemment dans la continuité de mes propos sur l'article 3 bis. En effet, lors de l'examen de celui-ci, nous avons abordé la situation des consommateurs d'électricité ayant fait le choix d'exercer leur éligibilité. Grâce à l'amendement déposé par M. le rapporteur, nous leur avons apporté une solution, certes temporaire, mais néanmoins satisfaisante, parce qu'elle nous oblige à réfléchir à la construction d'un système plus durable. Il s'agit donc d'un progrès par rapport au texte qui était issu des travaux de l'Assemblée nationale. En effet, ce dernier se bornait à consolider une situation provisoire, ce dont personne ne pouvait se satisfaire.
Désormais, nous devons nous intéresser aux opérateurs. Quel est l'intérêt de disposer des nouveaux opérateurs ? D'aucuns répondront qu'il s'agit simplement de transposer dans notre droit interne une directive communautaire. Honnêtement, si c'était la seule justification, je n'y souscrirais pas. J'ai beaucoup de respect pour l'Europe, mais je n'irais pas me jeter dans la Seine pour appliquer une directive. (Sourires.)
En revanche, la présence de nouveaux opérateurs nous apporte des certitudes.
Tout d'abord, nous disposerons ainsi de nouveaux capitaux, ce dont l'électricité française a bien besoin. M. le ministre a rappelé, à juste titre, la nécessité d investir. Or qui peut investir ? Avec un capital figé par une participation publique de 70 %, EDF est contrainte d'emprunter pour pouvoir investir. Or, au travers de l'exemple de France Télécom, nous avons pu constater que ce n'était pas la solution.
Dans la mesure où l'apport de capitaux paraît indispensable, notamment dans le cas d'une industrie pérenne, et où EDF ne dispose pas de moyens suffisamment importants, nous avons effectivement besoin de nouveaux opérateurs, notamment dans le secteur de l'énergie thermique, où les besoins immédiats sont manifestes.
Monsieur le ministre, lorsque vous avez mentionné les besoins, vous avez parlé de 5 000 mégawattheures pour EDF, 1 000 mégawattheures pour l'EPR et une part importante pour les autres solutions, notamment thermiques.
L'article 3 ter permettra-t-il à de nouveaux opérateurs de drainer de nouveaux capitaux ? Je n'éprouve pas de passion particulière pour les nouveaux opérateurs, mais si nous voulons que des investissements soient réalisés, nous avons besoin de capitaux, d'investisseurs et de règles économiques stables.
Le système proposé répond-il à ces exigences ? Je n'en suis pas totalement certain. J'ai donc déposé un amendement, qui est effectivement semblable à celui que M. Novelli avait défendu à l'Assemblée nationale, mais qui a l'immense avantage de poser le problème avec beaucoup de simplicité, de vérité et de transparence : à qui appartient l'avantage économique que constitue le nucléaire ?
À cet égard, je reprends vos propres chiffres, monsieur le ministre. S'agissant des consommateurs industriels, vous avez évoqué tout à l'heure un tarif moyen qui est bien plus avantageux en France qu'en l'Allemagne, ce dont je me réjouis : 53 euros le mégawattheure, avec une fourchette variant entre 40 euros et 80 euros, selon la situation.
Je vous rappellerai les conclusions des travaux menés par un groupe de travail compétent, qui était composé de représentants de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des Mines. Certes, ce groupe a publié son rapport au mois d'octobre 2004, mais, s'agissant du nucléaire, il n'y a guère eu d'évolution sensible des coûts depuis cette période. Même si nous avons assisté à une dérive s'agissant de certains matériaux comme l'acier, globalement, le nucléaire n'a pas subi - c'est d'ailleurs son intérêt - les variations des combustibles fossiles.
Ce rapport fixait un coût de production non pas marginal, mais moyen, qui était lissé sur une valeur moyenne de la centrale nucléaire, avec une rentabilité raisonnable du capital, de l'ordre de 30 - 31 euros ; on peut actualiser ce coût à 33 euros, mais il ne se situe certainement pas dans la fourchette de 40 euros à 80 euros que vous avez évoquée. Et il est très inférieur au coût moyen de 53 euros le mégawattheure qui est facturé au consommateur industriel.
La question est d'une grande simplicité : peut-on concilier les intérêts de l'énergie thermique et du nucléaire, ceux de l'électricité de pointe et de l'électricité de ruban, et comment faire en sorte que les uns n'étouffent pas les autres ?
C'est le coeur du sujet et c'était l'objet de mon amendement n° 66, que je vais retirer, car il est trop complexe pour être examiné en cet instant : le débat aurait dû être engagé bien plus tôt !
En revanche, monsieur le ministre, j'ai besoin de savoir comment nous pourrons régler deux problèmes.
Le premier est d'ordre juridique. Les opérateurs ont conclu des contrats. Or ces contrats vont être rompus en raison de la possibilité donnée aux consommateurs d'électricité ayant fait le choix d'exercer leur éligibilité de bénéficier d'un tarif de retour; il s'agit de l'article 3 bis. Les opérateurs vont donc se retourner vers l'État, estimant que sa responsabilité est engagée.
Certes, l'article 3 ter prévoit un mécanisme de financement...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Longuet.
M. Gérard Longuet. La question est compliquée ! Voilà des heures que j'entends des orateurs nous répéter les mêmes arguments. Je n'interviens pas souvent et je souhaiterais pourvoir m'exprimer, car le sujet en vaut la peine. Sinon, j'écrirai des articles dans la presse et les débats se dérouleront en dehors du Sénat !
Je conclus donc, monsieur le président.
Le système proposé permet-il aux opérateurs de respecter leurs contrats ? Je n'en suis pas convaincu. En outre, vous prenez un risque : un célèbre arrêt du Conseil d'État « Société anonyme des produits laitiers ?La Fleurette? » fait jurisprudence en matière de responsabilité de l'Etat pour le fait de la loi qui modifie les règles économiques.
Le second problème est sans doute plus important à terme : comment allons-nous concilier la coexistence des opérateurs qui exercent des activités de ruban et de pointe et des opérateurs qui ne fournissent que de l'énergie thermique, ces derniers étant nécessaires parce qu'ils peuvent apporter des capitaux ?
Certes, EDF aura un manque à gagner de 700 millions d'euros, mais sa marge brute sur les tarifs de retour sera tout de même de 1,7 milliard d'euros ! En revanche, les opérateurs alternatifs seront dissuadés d'investir en France et je crains qu'EDF ne se retrouve seule pour investir dans l'énergie thermique, ce qui serait un échec pour les besoins de nos consommateurs.
M. Michel Mercier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L'article 3 ter permet aux fournisseurs qui alimentent leurs clients au tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché de bénéficier d'une compensation, couvrant ainsi les pertes occasionnées par la mise en oeuvre de ce tarif.
M. Gérard Longuet. C'est une obligation légale !
Mme Bariza Khiari. Le dispositif imaginé par l'article vise à compenser la différence entre le prix de vente fixé par le marché et le tarif transitoire auquel sera finalement vendue l'électricité. Le fournisseur ne subira donc aucune perte.
Ce faisant, nous jouons aux apprentis sorciers. En effet, ce dispositif revient à soutenir artificiellement la concurrence et à permettre à de petits concurrents d'EDF, qui ne sont pas producteurs d'électricité, d'exister.
Pire, cette compensation est financée par les gros producteurs d'électricité d'origine nucléaire ou hydraulique, dont la puissance électrique installée est supérieure à 2 000 mégawatts, autrement dit, EDF pour environ 95 % et Suez pour 5 %.
L'opérateur historique sera donc amené à financer des concurrents qui ne sont pas producteurs d'électricité et qui sont bien incapables de se projeter sur le long terme et d'investir en capacités de production pour assurer l'avenir énergétique de la France. Leur horizon est court, très court, puisque c'est celui du négoce. Ce n'est pas le cas d'EDF, dont c'est le coeur du métier et qui a été capable d'investir sur le long terme, en planifiant ses investissements.
Et comment nier que la fameuse rente nucléaire, puisqu'il s'agit bien de cela, appartient tout entière à la nation, aux citoyens, puisqu'elle est le fruit des investissements de l'établissement public industriel et commercial EDF ?
Comment peut-on imaginer, monsieur le ministre, qu'EDF, fruit de l'investissement de tout le pays, puisse voir ses ressources propres ponctionnées pour contrecarrer l'échec du marché ? D'autant que Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, le soulignait : la concurrence et les marchés débridés, cela ne fonctionne malheureusement pas !
M. Roland Courteau. Oui, il l'a dit !
Mme Bariza Khiari. Face aux exigences de renouvellement du parc nucléaire, EDF aura besoin de toutes ses ressources. Au final, ce sont les petits consommateurs qui risquent de faire les frais, via l'augmentation des tarifs, de cette ponction opérée sur le producteur d'électricité au profit de quelques petits opérateurs.
Bref, le dispositif du tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché, outre qu'il comporte un coût non négligeable à la charge principalement d'EDF, crée les conditions même de la convergence entre tarifs régulés et prix de marchés.
M. le président. Je suis saisi de seize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 124 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 338 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 628 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Ries, pour présenter l'amendement n° 124.
M. Roland Ries. Le présent amendement vise à supprimer l'article 3 ter. Nous considérons en effet qu'il est préférable de permettre le retour au tarif réglementé plutôt que de créer un dispositif de compensation qui risque de grever le budget de l'opérateur historique.
Les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas favorables à cet article ont déjà été exposées lors de la discussion générale.
Aujourd'hui, plusieurs interrogations ne trouvent pas de réponses claires.
Monsieur le rapporteur, vous nous expliquez que, au final, seule la consommation d'environ trente terawattheures serait concernée par le dispositif du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, le TRTAM.
Mais la différence entre le tarif régulé et le TRTAM ne serait compensée que pour les fournisseurs autres qu'EDF et Suez, ces deux opérateurs étant au contraire mis à contribution pour financer l'opération.
Vous nous expliquez par ailleurs que la commission des affaires économiques elle-même est partagée sur ce dispositif, même si elle considère indispensable la mise en place d'un système de compensation au bénéfice des fournisseurs alternatifs : « Votre commission s'interroge sur l'opportunité de faire reposer ce système de compensation exclusivement sur les acteurs qui ont été mentionnés. À cet égard, elle se demande si les voies d'un partage plus équitable, reposant notamment sur la contribution aux charges du service public de l'électricité [...] ne pourraient pas être recherchées. Ces incertitudes conduisent donc votre commission à s'abstenir de prendre position sur cet article, votre rapporteur se réservant la possibilité de faire des propositions avant la discussion du texte en séance publique. »
Monsieur le rapporteur, vous avez déposé l'amendement n° 762 rectifié bis, qui tend à utiliser, dans certaines limites, des sommes collectées au titre de la contribution au service public de l'électricité.
Permettez-moi de faire quelques remarques à ce sujet.
La mise en place du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché et le dispositif de compensation qui est prévu pour sa mise en oeuvre méritent une réflexion plus profonde que le débat « au passage » que nous avons ce soir.
Hélas ! ce projet de loi a été déclaré d'urgence, alors que, a priori, rien ne le justifiait. En effet, de nombreuses incertitudes entourent le dossier de la fusion Gaz de France et Suez et nous attendons les conclusions de la Commission européenne, conclusions qui ont été, semble-t-il, reportées au 24 décembre. Monsieur le ministre, serait-il possible de discuter plus avant, donc de lever l'urgence sur ce texte ?
En ce qui concerne le TRTAM, nous ne savons même pas si la Commission européenne y sera favorable.
Quant à la proposition qui est faite en séance de basculer une partie du système de compensation sur la contribution au service public de l'énergie, nous y sommes totalement opposés.
Sur le plan de la méthode, déjà, c'est inacceptable ! Nous agissons à la va-vite, sans étudier réellement les conséquences et l'impact des décisions prises. Ces incertitudes se manifestent d'ailleurs au travers des amendements et des modifications d'amendements qui nous sont proposés par le rapporteur.
Sur le fond, c'est encore plus inacceptable ! Si j'ai bien compris, il est question de puiser dans le fonds destiné à financer le service public de l'électricité, la CSPE. À notre sens, les surplus dégagés par la CSPE devraient être utilisés à autre chose qu'à financer des petits opérateurs, qui sont en définitive les concurrents d'EDF.
Monsieur le ministre, on marche sur la tête ! Pourquoi ne pas alléger, à partir de ces surplus, la taxe qui pèse sur les ménages ?
Par ailleurs, le décret n° 2004-90 du 28 janvier 2000 précise les charges imputables aux missions de service public de l'électricité qui donnent lieu à une compensation intégrale. Son article 4 prévoit une compensation à destination des fournisseurs d'électricité qui mettent en oeuvre la tarification spéciale, produit de première nécessité, prévue par la loi de février 2000.
Sont ainsi compensés, pour ces fournisseurs, premièrement, les coûts correspondants au montant des réductions consenties en application de cette tarification spéciale et, deuxièmement, les coûts de gestion supplémentaires occasionnés par la mise en oeuvre de ce dispositif.
Du fait des augmentations du prix de l'électricité, et donc d'une moindre compensation à effectuer, des surplus important de la CSPE sont apparus.
Dès lors, l'accumulation de ces surplus ne devrait-elle pas permettre à plus de personnes touchées par la précarité de bénéficier du tarif social ou de relever le plafond de cent kilowattheures ?
Ces surplus doivent-ils vraiment être utilisés à assurer la survie des concurrents d'EDF ?
Pour toutes ces raisons, je propose la suppression de l'article 3 ter, qui ne me paraît pas aller dans le sens d'un équilibre global du système.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 338.
M. Roland Muzeau. Dans la droite ligne des amendements précédents, nous proposons la suppression de l'article 3 ter qui a été introduit lors des débats à l'Assemblée nationale.
Cet article va de pair avec l'article précédent qui instaure un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. En effet, la création d'un tel tarif a un coût pour les entreprises qui fournissent de l'énergie. Mais qui supporte ce surcoût ?
Ainsi, pour venir en aide aux concurrents d'EDF qui peinent à gagner des parts de marché sur l'entreprise nationale, il est prévu de faire compenser le manque à gagner entre le tarif réglementé provisoire et les prix du marché par les fournisseurs exploitant une production de plus de 2 000 mégawatts, assise sur la production nucléaire et hydraulique, sources d'énergie les moins coûteuses, autrement dit sur EDF, entreprise historique.
Le très libéral député Hervé Novelli a préconisé, quant à lui, une solution encore plus scandaleuse, en suggérant aux députés d'obliger EDF à mettre à disposition de ses concurrents un volume d'électricité au prix de revient du nucléaire et de l'hydraulique. Heureusement, cette solution n'a pas été retenue. Parlons clairement : l'objectif de telles dispositions est de faire bénéficier les nouveaux opérateurs de la rente du nucléaire.
Pourtant, ce que vous qualifiez aujourd'hui de « rente » résulte d'un effort poursuivi depuis la Libération afin de proposer le tarif d'électricité le plus bas garantissant à un coût raisonnable l'accès de tous à l'énergie.
La rente du nucléaire permet aujourd'hui à EDF de réaliser les investissements nécessaires pour la construction de nouvelles tranches, de financer des programmes de recherche ambitieux pour le nucléaire du futur, ainsi que le traitement des déchets.
Qu'en serait-il si cette rente était partagée ? Cela permettrait aux nouveaux opérateurs de bénéficier d'une énergie à faible coût pour augmenter les bénéfices des actionnaires, mais quid de l'intérêt des usagers ? Quid de la recherche dans le secteur nucléaire ? Quid du nécessaire provisionnement pour le démantèlement des centrales ? Quid du financement de la gestion des déchets ?
Votre proposition est irresponsable ! Elle démontre également, s'il le fallait, l'ineptie de ce texte dont je rappelle les grandes lignes.
Les directives européennes prévoient l'ouverture totale à la concurrence du secteur énergétique au 1er juillet 2007, une ouverture partielle ayant déjà été engagée depuis la loi de 2000. Cependant, dans le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui, l'instauration d'un tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché est un aveu de l'échec de l'ouverture à la concurrence, qui a entraîné une hausse des tarifs mettant gravement en danger la compétitivité des entreprises. Ce sujet nous a beaucoup occupés à l'occasion de l'examen de l'article 3 bis.
Pour essayer de remédier à cette situation, vous souhaitez faire appel à l'entreprise historique dont, parallèlement, vous organisez le déclin. C'est totalement absurde ! Car, au bout du compte, qui paiera, sinon les consommateurs, les familles et les PME qui se fournissent chez EDF ?
Vous reconnaissez donc qu'EDF peut seule supporter la mise en oeuvre de tarifs réglementés dont l'objectif est de garantir l'accès de tous à l'énergie à un tarif raisonnable mais, en même temps, vous continuez de nous expliquer qu'il n'y a point de salut en dehors du marché et de la déréglementation.
Le pragmatisme devrait vous inciter à tirer un bilan de cette expérience désastreuse d'ouverture à la concurrence et à revenir très vite au système précédent qui avait fait ses preuves.
Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 628 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 66, présenté par M. Longuet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Sous réserve du maintien de l'existence des tarifs de vente d'électricité visés au premier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, les fournisseurs qui disposent, d'une manière directe ou indirecte, de moins de 10 % des capacités de production d'électricité d'origine nucléaire ou hydraulique installées sur le territoire national ont accès, sur leur demande, pour une durée de deux ans renouvelable, à un volume d'électricité produite par les producteurs disposant de plus de 10 % des capacités de production d'origine nucléaire ou hydraulique installées sur le territoire national, dans des conditions tarifaires n'excédant pas de plus de 20 % celles figurant dans les contrats entre Électricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946. Ce volume est fixé chaque année par décret, dans la limite de 20 % du volume produit l'année précédente par chacun des producteurs précités. Il est réparti entre les fournisseurs proportionnellement au volume des ventes qu'ils ont effectuées l'année précédente, à un prix inférieur ou égal au tarif réglementé, au profit des clients finals dont les consommations donnent lieu au paiement de la contribution aux charges du service public de l'électricité prévue à l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Nos collègues socialistes et communistes ne manquent pas de cynisme parce que, en définitive, c'est la loi du 10 février 2000 qu'ils ont adoptée à la demande du gouvernement Jospin qui a mal préparé la dérégulation d'un marché qui nous était demandée par l'Union européenne.
Mme Éliane Assassi. Nous n'avons pas voté cela !
M. Gérard Longuet. Aujourd'hui, nous subissons les conséquences d'un texte qui était incomplet et qui n'a pas traité d'une question simple : comment faire coexister sur un même marché des prestations de service aussi différentes que l'électricité de ruban, qui est adossée légitimement sur le plan technique et économique à l'électricité nucléaire - c'est un atout français - et, d'autre part, l'électricité de pointe, dont il vaut mieux qu'elle soit produite par des unités à faible intensité capitalistique, c'est-à-dire des unités thermiques relevant, pour l'essentiel, du cycle combiné gaz ?
Cela dit, force est de reconnaître, monsieur le ministre, que mon amendement n'a plus beaucoup d'intérêt. En effet, l'amendement proposé par la commission fait du tarif de retour un système transitoire. Vous ouvrez donc un débat public sur le fait de savoir comment faire coexister, sur un même marché, des fournisseurs indépendants avec une société qui n'est pas propriétaire exclusive de la rente nucléaire, je le dis avec gravité, mes chers collègues. Car ce sont les consommateurs d'électricité sous monopole qui, pendant quarante ans, avec discipline, obstination et, d'ailleurs, sans qu'on leur demande leur avis, ont payé l'électricité nucléaire souvent plus cher que l'électricité thermique.
Ce faisant, ils ont contribué à doter la France d'un atout, d'une industrie, d'un avantage écologique. Ils l'ont fait, souvent d'ailleurs contre l'opposition d'une fraction des élus socialistes, mais ils l'ont fait ! Et cela appartient aux Français et aux consommateurs !
M. Daniel Raoul. Vous êtes un provocateur !
M. Gérard Longuet. L'entreprise EDF est aujourd'hui une entreprise de droit commun dont l'État détient 70 % du capital. Mais elle ne s'identifie plus, je suis désolé de le dire, à la nation française.
M. Roland Muzeau. À qui la faute ?
M. Gérard Longuet. C'est une entreprise comme les autres, qui doit reconnaître le droit du consommateur à accéder à des consommations qu'il a financées par son comportement passé.
Je vais retirer mon amendement., car vous ouvrez un débat de fond afin de fixer des règles compatibles qui aboutiront sans doute à mieux distinguer l'électricité de ruban de l'électricité de pointe et faire en sorte que la concurrence soit loyale pour des prestations comparables. Ce n'était pas le cas avec ce système mixte car, je le répète, le tarif de retour à la charge de Suez-CNR, d'une part, et d'EDF, d'autre part, constitue toujours pour ces sociétés l'occasion de réaliser une marge brute largement positive.
M. Michel Mercier. Et voilà !
M. Gérard Longuet. Certes, elles gagnent moins d'argent que si elles vendaient le mégawattheure à 80 euros, mais elles en gagnent suffisamment !
Si nous voulons attirer des capitaux nouveaux sur le marché de l'électricité, tant pour l'électricité de ruban que pour l'électricité de pointe, il faut ouvrir le débat. Monsieur le rapporteur, votre amendement le permet en apportant une réponse au consommateur immédiat, mais sans épuiser la totalité du sujet.
Je ne voudrais pas abuser de votre patience et je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 66 est retiré.
L'amendement n° 339, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Il s'agit d'un amendement de suppression. Ainsi que nous l'avons vu, l'article 3 ter pose de réelles questions. En effet, nous sommes en présence d'un étrange objet juridique qui tend, dans les faits, à revenir sur certains des principes mêmes que nous avons retenus dans la loi pour définir le service public.
Venant après l'article 3 bis, qui crée une sorte de tarif intermédiaire dit « tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché », l'article 3 ter intègre de fait aux obligations de service public les modalités d'application de ce tarif transitoire. Par un étrange retournement dialectique, si l'on peut dire, le tarif réglementé, majoré de 30 %, deviendrait un tarif de service public !
Cette situation se traduit notamment dans la rédaction du texte proposé pour le premier alinéa de l'article 30-2 de la loi du 9 août 2004, que nous proposons de supprimer. Je vous fais grâce de la lecture de ce texte.
Un retour s'impose donc, tout à fait logiquement, sur les prix de vente de l'électricité comme du gaz, qui sont singulièrement plus élevés sur le marché que les tarifs réglementés.
La réalité des choses est connue : plus le temps passe et plus le décalage entre tarif réglementé et prix du marché s'avère important, ce qui conduit à des situations assez étonnantes où l'opérateur historique tire un grand profit de ses activités de vente au prix du marché.
En tout cas, cela nous permet un constat tout à fait essentiel : avec les désordres actuels des marchés énergétiques, nous sommes loin d'atteindre les objectifs fixés par les directives européennes.
Le prix du gaz a connu, si l'on en croit la Commission de régulation de l'énergie, une hausse constante depuis 2004. Ainsi, le prix du gaz en contrats long terme Troll s'établissait, début 2006, à 21 euros par mégawattheure, contre 14 euros en 2005. Le prix moyen de ces contrats s'est établi à 16,4 euros par mégawattheure.
Sur le marché de gros, les prix sur le marché spot européen ont atteint le niveau de 70 euros et des pointes particulièrement élevées ont été relevées, conduisant à des niveaux de 80 euros.
Le marché du gaz naturel - comme celui du pétrole, convient-il de le rappeler ? - est donc marqué par une forte tendance à la hausse, sans rapport tout à fait établi avec les sources d'approvisionnement traditionnelles de l'Europe, et de la France en particulier, en matière de gaz naturel. Cette tendance haussière semble bel et bien motiver la démarche entreprise dans les articles 3 bis et 3 ter. La même observation vaut bien entendu pour l'électricité.
Toujours selon la Commission de régulation de l'énergie, les éléments les plus récents traduisent la hausse continuelle des tarifs, notamment celle des tarifs du marché.
Ainsi, sur le prix forward, l'évolution est connue et sensible. Ce prix se fixait en effet aux alentours de 35 euros par mégawattheure en 2004, aux alentours de 55 euros en 2005, tandis que le début de l'année a été marqué par une nouvelle poussée de ce prix à 62 euros, avant que l'évolution ne s'inverse et revienne au niveau de 2005.
Au demeurant, tout se passe un peu comme si l'on s'orientait vers l'instauration d'un principe tout à fait défendable - celui du financement des missions de service public du gaz et de l'électricité -, que l'on remettrait d'emblée en question en prévoyant une application assez ahurissante de la notion de service public avec des tarifs sans commune mesure avec les capacités réelles des consommateurs.
En clair, non seulement les opérateurs alternatifs seraient en situation de pouvoir conquérir peu à peu la clientèle des particuliers, mais, en plus, nous devrions les remercier de s'approvisionner en énergie sur les marchés de gros.
Une telle démarche est parfaitement discutable et nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 340, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Les mesures que nous proposons de supprimer définissent clairement la notion de coût de revient de la production d'un fournisseur prise en compte dans la détermination de la compensation prévue par l'article.
Un retour s'impose donc sur la notion de formation des prix, car l'article 3 ter établit, d'une certaine façon, un mécanisme de financement de la revente à perte d'énergie produite ou achetée par un fournisseur.
Demain, en pratique, certains opérateurs, en appliquant le tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché, pourront tailler des croupières à l'opérateur historique d'électricité en faisant payer par la collectivité le coût de cette prise de position destinée à attirer la clientèle.
Résumons-nous : le prix du marché est plus élevé que le prix réglementé ; la chose est établie et reconnue de manière explicite par la création du tarif transitoire. Contrairement aux assertions de M. Breton, ministre des finances, nous sommes encore loin de la riante perspective des bienfaits de la concurrence en termes de prix proposés à la clientèle.
EDF, en tant que producteur, est d'ailleurs tout à fait habilitée à tirer parti de cette réalité, à l'instar des producteurs indépendants d'électricité, dont on sait de quelle sollicitude ils sont l'objet depuis plusieurs années.
Il s'agit ensuite de répartir le coût, pour la clientèle, de la dérive des prix du marché. Une partie de la majoration des prix est récupérée directement par l'État, puisque l'amélioration de la rentabilité découlant de la vente d'électricité au prix du marché est directement responsable d'une amélioration globale de la rentabilité même de l'activité de production.
Pour supporter cette amélioration de la rentabilité des producteurs, le consommateur est donc appelé à payer une partie de la facture, sous la forme du tarif transitoire qui suivra, évidemment, le mouvement constaté sur les tarifs réglementés. Comme c'est prévisible, ce tarif sera le plus souvent fixé au maximum autorisé. Une partie de la facture imputable sera donc prise en charge au titre du financement du service public, par le biais de la compensation prévue par l'article 3 ter !
Quant au reste, c'est-à-dire la perte nette de l'opérateur, elle sera indirectement prise en charge par la collectivité, au travers du déficit comptable imputable à ce type de contrats de fourniture.
On peut même prévoir - mais, pour cela, il nous faudrait quelques éléments complémentaires - que 30 % de la majoration de prix seront payés par le consommateur par le biais du tarif d'ajustement - dont la vertu pédagogique est éminemment discutable -, qu'une part équivalente du prix sera prise en charge par la compensation et que le solde figurera dans la comptabilité propre de l'entreprise prestataire de services.
Mais, dans tous les cas, comment apprécier une telle disposition qui illustre de manière pour le moins spectaculaire la soumission du droit à l'énergie à la seule adaptation aux contraintes du marché ?
C'est bien entendu sous le bénéfice de ces observations que nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 341, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le troisième alinéa du texte proposé par l'article 3 ter pour l'article 30-2 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est ainsi rédigé : « - soit lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ».
Concrètement, notre amendement tend à faire en sorte que la présentation de comptes clientèle dégradés par une entreprise prestataire de services de fourniture d'électricité ne soit pas imputable à une forme de ventilation comptable organisée entre entités juridiques d'un même groupe.
Examinons le cas proposé par la fusion appelée à intervenir entre Gaz de France et Suez. Compte tenu du futur périmètre de consolidation du groupe, il est probable que Gaz de France sera habilité à bénéficier de la compensation en s'approvisionnant en électricité auprès de Suez mais que l'inverse ne sera pas possible.
En effet, Gaz de France ne disposera pas, en tant que tel, de la majorité du capital de l'autre entité. Cependant, à bien y réfléchir, tout laisse clairement apparaître que, dans le processus de formation des prix, la part du juridique n'est pas tout à fait secondaire et que certaines entreprises peuvent se trouver confrontées, de fait, aux problèmes posés par l'intégration verticale des entreprises de leur groupe.
La vente à perte, dont l'existence est validée par cet article 3 ter, c'est quelquefois la méthode qui consiste à domicilier dans une société intégrée au sein d'un ensemble plus large, un groupe en l'espèce, l'essentiel des bénéfices tirés de la production et à « organiser » le déficit d'autres entités juridiques du même groupe, quitte ensuite à en tirer parti.
Voici donc que le présent texte vient au secours, si l'on peut dire, de ces stratégies, car c'est bien de cela qu'il s'agit !
Nous pouvons également adopter une autre approche.
Si l'on suppose qu'il convient que les prestataires de service appliquant le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché soient juridiquement indépendants des producteurs d'électricité, cela signifie que l'on fait des sociétés de prestation de services des acteurs majeurs de la spéculation sur les tarifs, tandis que la compensation pourrait, par exemple, permettre aux opérateurs alternatifs, à commencer par Gaz de France-Suez, de se fournir largement en capacités de distribution auprès de l'opérateur historique, Electricité de France, qui se trouve être, et de très loin, le principal producteur d'électricité du pays.
Par ailleurs, les distributeurs alternatifs seraient également incités à s'approvisionner en électricité auprès d'autres opérateurs européens directement concurrents de l'opérateur national.
Au demeurant, la question qui est posée, à ce stade, est de savoir comment les producteurs non établis sur le territoire national pourront être sollicités au titre de la compensation du prix. Ils ne le seront évidemment pas et, de fait, le nombre des producteurs susceptibles d'être mis à contribution risque d'être particulièrement limité.
Une fois encore, c'est probablement EDF qui sera amenée à supporter le plus largement le coût de l'introduction de la concurrence sur le territoire français. Ne serait-ce que pour cette raison, nous ne pouvons évidemment que vous inviter, chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 342, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Quelles sont les entreprises susceptibles d'être mises à contribution au titre du dispositif de l'article 3 ter ?
Pour l'application des dispositions dudit article, deux sociétés sont réputées liées, notamment « lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies au troisième alinéa, sous le contrôle d'une même tierce entreprise. » La rédaction présentée est donc explicite : le tarif concerné ne peut être appréhendé si, d'aventure, le producteur et le prestataire de services ne se trouvent pas intégrés dans un même groupe constitué.
La forte intégration verticale, dans le secteur de l'énergie, tout à fait naturelle au regard notamment de ce que représentent les coûts d'investissement et de réseau, justifie bien entendu qu'une partie des coûts puisse, en quelque sorte, « voyager » d'une entité juridique à l'autre, au mieux des intérêts comptables et financiers des actionnaires de la holding de tête.
Cette situation n'est pas une nouveauté, eu égard surtout à ce que l'on peut observer dans un certain nombre de domaines d'activité. Suez, pour ne prendre qu'un seul exemple, est le nom générique d'un groupe fortement intégré, qui est tout à fait capable, entre autres, de produire de l'énergie à partir des ordures ménagères collectées par l'une des nombreuses sociétés de sa branche « propreté ».
Comment, par conséquent, va-t-on procéder à l'évaluation des coûts induits par la structure des groupes et les défalquer des coûts donnant droit à compensation, monsieur le ministre ? C'est la question que nous posons au travers de cet amendement.
Dans tous les cas de figure, c'est en dernière instance l'opérateur historique qui va payer en grande partie la différence. Or cette différence, c'est, ni plus ni moins, l'effet du décalage entre tarif réglementé et tarif de marché, pris en charge par l'opérateur historique au travers de la compensation.
En clair, l'ouverture du marché de l'électricité a, de manière générale, conduit à survolter, si l'on peut dire, la spéculation sur les prix de vente de la production électrique, et c'est l'opérateur historique, investi de missions de service public, qui en subira, ironie de l'histoire, les effets.
Bien entendu, les consommateurs seront eux aussi victimes de la procédure mise en place par le biais de ces articles 3 bis et 3 ter.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons donc qu'inviter le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 343, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nous sommes en présence, avec le cinquième alinéa de la rédaction présentée pour l'article 30-2 de la loi du 9 août 2004, d'un objet législatif particulièrement intéressant.
En effet, l'objectif est non pas de répondre aux angoisses des consommateurs, qu'il s'agisse de PME abusées par l'ouverture du marché en 2000 et ayant fait valoir leur éligibilité ou de consommateurs privés à qui il prendrait la fantaisie de payer leur électricité au tarif de marché, mais bien de permettre aux opérateurs dits « alternatifs » d'atténuer les conséquences de la pratique du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché.
Comme nous l'avons vu, production et distribution d'électricité sont singulièrement liées dans notre pays, et l'intégration verticale qui affecte l'ensemble du secteur limite, de fait, le jeu de la libre concurrence, un oligopole étant assez clairement constitué.
Car si l'on en croit la Commission de régulation de l'énergie, en l'état actuel des données disponibles en termes de distribution d'électricité, 85 % des clients sont restés fidèles à l'opérateur historique, et la cherté des prix du marché explique aujourd'hui que beaucoup d'entre eux hésitent à changer de fournisseur. La proportion est identique s'agissant des capacités de production.
Dans l'absolu, c'est donc EDF, sans le moindre doute, qui sera directement frappée par le processus de compensation et qui va le plus largement contribuer à l'équilibrage de la comptabilité des opérateurs alternatifs.
On peut évidemment s'interroger sur ce processus, notamment dans un contexte de séparation juridique accrue de la propriété du réseau d'infrastructures et de l'exploitation, où les opérateurs alternatifs - à tout le moins, les groupes dont ils relèvent - semblent appelés à augmenter sensiblement leur capacité de production électrique.
En ce qui concerne les coûts qui seront donc définis par application du cinquième alinéa du futur article 30-2, ils répondront évidemment à plusieurs impératifs.
Tout d'abord, ils dépendront du nombre des clients des opérateurs ayant opté pour la formule de tarification transitoire, formule de l'entre-deux qui ne peut, de fait, trouver sa pleine expression que lorsque les prix réglementés se rapprochent du prix du marché.
Plus précisément, nous serions même tentés de dire que l'évolution rendant le moins efficient le dispositif du prix transitoire verrait le prix de marché se rapprocher à 30 % du prix réglementé.
Si nous reprenons le compte rendu de la discussion de cet amendement à l'Assemblée nationale, nous constatons que le rapporteur du projet de loi a clairement présenté le dispositif de l'article 3 ter comme un instrument de soumission à la logique de marché.
C'est la logique du moindre mal, et c'est surtout la logique de la prise en charge du coût de développement commercial de la concurrence, en matière de fourniture d'électricité, par l'opérateur historique. Toute variation de la part du prix du marché non prise en charge par le biais de la majoration applicable au tarif réglementé sera donc payée au prix fort, au seul bénéfice des opérateurs.
Sous le bénéfice de ces observations, nous invitons le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 344, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le sixième alinéa de la rédaction présentée pour l'article 30-2 de la loi du 9 août 2004 définit la contribution apportée par les producteurs d'électricité à la compensation des charges que nous avons évoquée précédemment.
Nous avons déjà souligné notre désaccord avec le dispositif global de l'article 3 ter, qui, selon nous, représente un aménagement de la libéralisation du secteur de l'énergie, aménagement qui, de toute évidence, se fera au détriment de l'entreprise demeurant publique, EDF.
Certains m'objecteront d'emblée que Suez sera également dans l'obligation de participer à cette compensation. Cependant, nous nous refusons à mettre sur le même plan une entreprise comme EDF, bien de la nation tout entière, qui travaille en vue de l'intérêt général et de la satisfaction des besoins de tous, et Suez, entreprise privée qui, comme le montrent les récents événements, a pour objectif essentiel de satisfaire les attentes de ses actionnaires.
Le sixième alinéa de la rédaction présentée pour l'article 30-2 de la loi du 9 août 2004 est critiquable, car il tend à mettre EDF au service du développement anarchique de la concurrence.
J'ai compris, monsieur le rapporteur, à vous entendre et surtout à lire votre rapport écrit, que vous vous interrogiez sur le choix de faire peser sur EDF et Suez exclusivement le poids de la compensation. Pourquoi exempter les plus petits producteurs ? Vous indiquez en effet, dans votre rapport, que la « commission s'interroge sur l'opportunité de faire reposer ce système de compensation exclusivement sur les acteurs qui ont été mentionnés ». J'ai l'impression que la droite libérale ne sait pas comment se sortir d'un piège qu'elle a elle-même mis en place.
Les entreprises doivent aujourd'hui faire face à une hausse de 60 % du prix de l'énergie par rapport au tarif régulé. Elles ont été prises au piège du libéralisme et de la concurrence. La solution que propose la majorité de l'Assemblée nationale, appuyée par le Gouvernement, consiste en une fuite en avant, qui déstabilise plus encore EDF. Mais n'est-ce pas le but visé par ces apprentis sorciers ?
Votre solution, monsieur le ministre, tend à faire compenser la différence entre le prix du marché et le tarif de retour par EDF et, de façon moindre, par Suez, qui pèse moins en tant que producteur d'électricité, alors que les fournisseurs d'électricité du marché libre ne sont pas censés produire le moindre effort, puisqu'ils percevront cette aide compensatrice et salvatrice qui leur permettra de préserver leurs marges bénéficiaires en maintenant leurs prix. L'intérêt général passe vraiment après les intérêts privés !
Au-delà de la mise en évidence d'une logique libérale scandaleuse qui spolie la collectivité, on peut se demander pourquoi faire compliqué lorsqu'on peut faire simple.
M. Roland Muzeau. Ces nouveaux schémas compliqueront à l'extrême la vie des usagers : c'est la dérégulation, au propre comme au figuré.
Il suffit de parcourir les comptes rendus des débats parlementaires, les rapports, pour mesurer l'incompréhension de tous, ou du moins de beaucoup, devant une machine infernale, voire une « usine à gaz », dont on ne pourra maîtriser demain le fonctionnement. La discussion de l'article 3 bis a été tout à fait éclairante à cet égard.
EDF et GDF, entreprises intégrées, constituaient des interlocuteurs solides, fiables, efficaces, faciles d'accès. Au nom de quoi les détruire ? Au nom du marché et du profit financier, probablement.
Si vos plans aboutissent, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le dispositif de ce sixième alinéa fragilisera fortement, vous le savez, EDF, qui se trouve déjà confrontée à l'émergence d'un groupe concurrent sur le marché de l'électricité.
Nous estimons que la solution consiste à permettre aux entreprises de revenir au tarif régulé au terme de leur contrat de fourniture et d'abandonner ainsi les nouveaux fournisseurs d'électricité, que je qualifierai de « libéraux », au profit de l'opérateur public.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 762 rectifié bis, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Remplacer le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 30-2 dans la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 par six alinéas ainsi rédigés :
« La compensation de ces charges, au profit des fournisseurs qui les supportent, est assurée :
« 1° En utilisant la moitié des sommes collectées au titre de la contribution prévue au I de l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, une fois que la compensation des charges mentionnées à ce même article 5 a été effectuée.
« Pour l'application de cette disposition, les coûts supportés par les fournisseurs qui alimentent des consommateurs au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché sont pris en compte par la Commission de régulation de l'énergie pour le calcul du montant de la contribution prévue au I de l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée. Cette prise en compte couvre ces coûts dans la limite d'un montant de 0,55 € par mégawattheure qui s'ajoute au montant de la contribution calculée sans tenir compte des dispositions du présent 1° ;
« 2° Par une contribution due par les producteurs d'électricité exploitant des installations d'une puissance installée totale de plus de 2 000 mégawatts et assise sur le volume de leur production d'électricité d'origine nucléaire et hydraulique au cours de l'année précédente. Cette contribution ne peut excéder 1,3 € par mégawattheure d'origine nucléaire ou hydraulique ;
« Le montant de la contribution mentionnée au 2° est calculé de sorte que ce montant, ajouté aux sommes mentionnées au 1° couvre les charges supportées par les opérateurs. Ce montant est arrêté par le ministre chargé de l'énergie sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, effectuée annuellement.
« La contribution mentionnée au 2° est versée à la Caisse des dépôts et consignations.
« La Caisse des dépôts et consignations reverse quatre fois par an les sommes collectées au titre du 1° et du 2° aux opérateurs supportant les charges et retrace les opérations correspondantes dans un compte spécifique. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement porte sur le mécanisme de compensation destiné à financer le tarif de retour.
Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, les pertes de recettes subies par les fournisseurs n'ayant pas de capacité de production seraient compensées par un prélèvement affectant exclusivement EDF et Suez, EDF assumant plus de 95 % de cette charge.
Afin que ce prélèvement soit plus équitablement réparti, la commission vous propose, d'abord, de maintenir une contribution acquittée par les producteurs nucléaires et hydrauliques, assise sur leur volume total de production. Toutefois, pour que celle-ci ne soit pas confiscatoire, l'amendement prévoit qu'elle ne pourra être supérieure à 1,3 euro par mégawattheure.
Ensuite, la commission vous suggère d'utiliser une partie des sommes disponibles cette année au titre de la CSPE.
En effet, la hausse des prix de l'électricité sur les marchés a conduit à une diminution substantielle des charges de la CSPE liées à l'obligation d'achat. Il y a donc un peu de « mou », et notre amendement prévoit d'en utiliser la moitié pour compenser le tarif de retour. Ce dispositif permettra ainsi de régler le problème pour l'année 2007, mais aussi pour l'année 2008.
En résumé, au lieu de faire supporter intégralement la compensation du tarif de retour par EDF et Suez, la commission avait proposé, grosso modo, que ces deux entreprises assument les deux tiers de cette charge, le tiers restant revenant à la CSPE. Cependant, à la suite de l'adoption, tout à l'heure, de l'amendement n° 195 rectifié ter tendant à modifier le seuil, la proportion n'est plus tout à fait la même. La répartition devrait être approximativement la suivante : les trois quarts de la compensation continueraient à être supportés par EDF et Suez, le dernier quart serait à la charge de la CSPE.
J'ajouterai une dernière précision concernant la CSPE. Comment est-elle financée ? Par tous ceux qui paient une facture d'électricité, c'est-à-dire les entreprises et les particuliers. (M. Daniel Raoul approuve.) La CSPE est alimentée à hauteur de 60 % par les entreprises françaises, et de 40 % par les particuliers.
En tout état de cause, si cette proposition n'avait pas été faite, cela aurait représenté pour le client français, en moyenne, 2 euros par an et par foyer, sachant que, suivant la facture que paient les Français actuellement, cette somme s'établirait de 50 centimes à 3 ou 4 euros.
Enfin, cet amendement prévoit que la compensation aux fournisseurs pourrait être versée quatre fois par an, afin de ne pas leur imposer des charges de trésorerie trop importantes.
M. le président. L'amendement n° 522, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, supprimer les mots :
exploitant des installations d'une puissance installée totale de plus de 2000 mégawatts
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous avons exposé à plusieurs reprises notre opposition fondamentale à cet article 3 ter, qui aménage et organise la libéralisation du marché de l'énergie.
L'objet de cet article est, je le rappelle, de voler au secours des opérateurs victimes de la concurrence nucléaire.
Et qui financera ce secours ? EDF et, dans une moindre mesure, Suez, seules entreprises productrices de plus de 2000 mégawatts, limite fixée par l'article 3 ter pour faire participer tel ou tel producteur au nouveau système de compensation.
L'amendement n° 522 est donc un amendement de repli, qui vise dans ce cadre général, que nous jugeons négatif pour l'avenir énergétique de notre pays, à faire participer l'ensemble des producteurs d'électricité, petits et grands, à cette procédure de compensation.
La commission devrait émettre un avis favorable sur cette proposition puisque le rapport de M. Poniatowski indique : « En revanche, votre commission s'interroge sur l'opportunité de faire reposer ce système de compensation exclusivement sur les acteurs qui ont été mentionnés. »
Je vous propose donc de voter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 345, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le septième alinéa du nouvel article 30-2 de la loi du 9 août 2004 relève évidemment du dispositif global instauré pour cet article 3 ter.
Comme l'a indiqué M. le rapporteur, cet alinéa institue un mécanisme de régularisation annuel en cas de décalage entre les charges supportées par les opérateurs et la contribution reçue.
Une fois encore, je dirai tout le mal que je pense, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, du principe d'irréversibilité imposé par Bruxelles, qui vise à empêcher les opérateurs qui ont fait le choix de la libre concurrence, de revenir au producteur public d'électricité, EDF.
Beaucoup sont pourtant tentés de le faire du fait de l'augmentation importante du coût de l'électricité fournie par les nouveaux opérateurs privés. Le bon sens public, le bon sens républicain, le sens de l'intérêt général, c'est d'autoriser le retour vers le tarif régulé, c'est la liberté de chacun. Il est évident que, si cela était possible, cet article 3 ter n'aurait pas lieu d'être et, en particulier, ce septième alinéa que nous proposons de supprimer.
J'insiste d'ailleurs, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pour que les collectivités locales puissent revenir au tarif régulé.
Tout est prévu par le projet de loi - l'alinéa que j'évoque en est la preuve - pour accompagner l'ouverture totale au marché et non pas, contrairement à vos prétentions, la régulariser, la freiner.
Ce dispositif à la technicité redoutable doit être lu de manière simple : il est la conséquence des méfaits de la libre concurrence, dont le premier résultat a été l'augmentation des tarifs dans des proportions insoupçonnées.
Vous avez trouvé une solution : faire payer EDF, véritable « vache à lait » du libéralisme. C'est l'entreprise publique, ses investissements, la justice sociale qui pâtiront de ce type de proposition, qui vise à permettre aux fournisseurs privés de continuer leur travail de liquidation du bien public.
Notre amendement vise à démasquer les auteurs de ces manoeuvres et nous vous proposons de l'adopter.
M. le président. L'amendement n° 346, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai également l'amendement n° 347.
M. le président. L'amendement n° 347, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
Veuillez poursuivre, monsieur Muzeau.
M. Roland Muzeau. Notre proposition de supprimer les huitième et neuvième alinéas du texte est en cohérence avec nos précédents amendements sur cet article 3 ter.
Nous avons à plusieurs reprises fait part du caractère dangereux de cet article qui met lourdement contribution EDF pour palier les défaillances de la libre concurrence.
J'appelle chacun à la plus grande vigilance jusqu'à la fin du débat parlementaire - je pense également à la commission mixte paritaire - pour qu'une aggravation supplémentaire de ce dispositif n'intervienne pas.
Savez-vous en effet qu'un amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale prévoyait que les fournisseurs installés sur le territoire national qui disposent de moins de 10 % des capacités de production d'électricité d'origine nucléaire et hydraulique aient accès, pour une période de deux ans renouvelables, à un volume d'électricité produite par les fournisseurs disposant de plus de 10 % des capacités de production d'origine nucléaire ou hydraulique, c'est-à-dire EDF, à un tarif inférieur à celui auquel leur revient ce qu'ils produisent ?
Il est inquiétant qu'une commission parlementaire puisse produire un tel monstre antisocial. L'objectif était clair : faire partager la rente nucléaire aux officines privées, à leurs actionnaires, au détriment de la redistribution sociale.
La volonté de démanteler EDF est donc déjà là ! Nous ne faisons pas confiance à votre gouvernement pour empêcher à l'avenir de tels mauvais coups.
L'article 3 ter s'inspire déjà de cette démarche qui réduit EDF au rôle de coffre-fort dans lequel les acteurs du libre marché capitaliste puiseront, vous le savez pertinemment, sans aucune retenue si besoin est.
M. le président. L'amendement n° 772, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
A - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, après les mots : « contributions collectées », sont insérés les mots : « déduction faite des sommes visées au 1° de l'article 30-2 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée, ».
B - En conséquence, avant le premier alinéa de cet article, insérer la mention :
I
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je retire l'amendement.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 124, monsieur Ries, vous préféreriez un retour pur et simple au tarif sans mécanisme de compensation venant grever les finances de notre opérateur historique.
S'agissant de la première partie de cette affirmation, c'est tout simplement impossible. Que vous le vouliez ou non, le marché est désormais ouvert et il n'est pas possible de prévoir un retour au tarif chez EDF du jour au lendemain, ôtant ainsi toute la clientèle des fournisseurs alternatifs qui se sont développés sur le marché français.
Si l'on procédait à une telle opération, il conviendrait d'apporter une compensation à ces fournisseurs alternatifs ou de leur permettre de fournir de l'électricité au niveau des tarifs réglementés, ce qui pourrait remettre en cause l'exercice des missions de service public par EDF.
En revanche, je suis d'accord avec vous quand vous dites que l'article 3 ter fait reposer le financement de la compensation exclusivement sur EDF et, dans une moindre mesure, sur Suez. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la commission a présenté un amendement à cet égard.
En ce qui concerne l'amendement n° 338, monsieur Muzeau, comme vous êtes hostile au tarif de retour, en toute logique, vous êtes hostile au système de financement de la compensation nécessaire pour ce tarif de retour.
Nous sommes, quant à nous, favorables au tarif de retour et nous considérons dès lors qu'il est nécessaire de prévoir un système de compensation financière.
Telle est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.
J'en viens maintenant aux amendements nos 339, 340, 341, 342, 343, 344, 345, 346 et 347, qui visent à supprimer, alinéa par alinéa, l'article 3 ter. Je me suis déjà expliqué sur la nécessité de conserver un mécanisme de compensation et de partager plus équitablement ce financement.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Dans l'amendement n° 522, il est proposé, pour rendre plus équitable le financement de la compensation, de supprimer le seuil de 2 000 mégawatts prévu par l'article 3 ter, afin d'assujettir plus largement les installations de production.
Ce faisant, vous vous trompez de cible, mes chers collègues, puisqu'il n'existe pas, dans notre pays, de producteur nucléaire exploitant moins de 2 000 mégawatts, pour la bonne et simple raison qu'il n'y en a qu'un : EDF.
En revanche, votre amendement aura pour conséquence d'assujettir tous les hydrauliciens de France, en particulier les petits hydrauliciens qui exploitent de très petites installations, pour la plupart concernées par le mécanisme de l'obligation d'achat.
J'attire votre attention sur le fait qu'il serait incohérent de renchérir le coût de production de ces installations qui ont déjà besoin d'un coup de pouce, puisque la CSPE sert, notamment, à financer ces petits équipements hydrauliques.
L'amendement de la commission permet, comme vous le souhaitez, de mieux mutualiser le financement de la compensation, et il a le mérite de ne pas pénaliser les petits hydrauliciens.
Compte tenu des conséquences directes de cet amendement, il serait préférable de le retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je répondrai tout d'abord aux questions qui ont été posées au début de la discussion de l'article 3 ter.
Gérard Longuet s'est interrogé sur la situation des contrats qui résulterait de l'application de cet article. En fait, les contrats restent valables entre l'opérateur, fournisseur d'électricité, et le consommateur. Seule la clause tarifaire est changée par l'article précédent.
M. Longuet s'est également interrogé sur les investissements que pouvaient entreprendre les opérateurs alternatifs. Ont-ils une chance de réaliser des investissements en France dans la production électrique de pointe ou dans la production de base ?
C'est pour permettre des perspectives d'investissement que ce tarif transitoire est limité à deux ans, car, en général, les investissements sont prévus à un horizon de deux ou trois ans. Deux ans de tarif temporaire, c'est juste le temps nécessaire pour mettre en chantier un bon projet.
S'agissant des amendements de suppression, le Gouvernement émet un avis défavorable, parce qu'une mesure de compensation est nécessaire.
L'amendement n° 762 rectifié bis de la commission marque une évolution par rapport au dispositif adopté par l'Assemblée nationale s'agissant de ceux qui assureront la compensation des charges. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Quant à l'amendement n° 522, je partage les observations formulées par M. le rapporteur. Il ne nous semble vraiment pas approprié de faire participer les petites centrales hydrauliques au financement de la compensation, car elles ne sont pas dans la même situation que les gros barrages. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 124 et 338.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 23 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 128 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote sur l'amendement n° 762 rectifié bis.
M. Michel Mercier. Il faut savoir de quoi l'on parle avant de voter. Je remercie donc Gérard Longuet qui, avec le talent qu'on lui connaît, a bien précisé le cadre du débat.
Je pensais qu'avec le tarif de retour EDF connaîtrait de vraies pertes, que la société allait s'effondrer, que nous serions devant une catastrophe nationale. Certes, je n'ignorais pas que le tarif régulé de base, qui représente l'essentiel des ventes d'EDF, n'était pas compensé et qu'EDF avait réalisé un bénéfice de plus de 3 milliards d'euros, ce dont je me réjouis.
Mais, en fait, il s'agit de compenser non pas des pertes d'exploitation, mais des pertes de bénéfice, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
M. Daniel Raoul. Il s'agit de compenser un manque à gagner !
M. Michel Mercier. Encore faut-il le dire clairement ! Nous allons donc compenser le moindre bénéfice d'EDF. Cette perte de bénéfice ampute sans aucun doute la capacité d'investissement d'EDF, mais elle n'empêche pas l'entreprise de procéder à des offres commerciales, dont M. Arthuis se faisait l'écho tout à l'heure, qui sont un peu « surprenantes », pour ne pas dire plus.
M. Daniel Raoul. Scandaleuses !
M. Michel Mercier. J'en arrive au dispositif proposé.
Les députés ont prévu que la compensation serait financée par EDF à hauteur de 97 %, et par Suez pour les 3 % restants. M. le rapporteur, considérant qu'il est impossible de faire porter seulement sur EDF et sur Suez le coût de la compensation de ce moindre bénéfice, souhaite que tout le monde soit sollicité. Ainsi, le consommateur dont la facture d'électricité s'élève à 5 ou 10 euros devra lui aussi contribuer au financement des charges du service public de l'électricité.
Cette contribution est notamment destinée à racheter l'électricité fournie par les petits producteurs d'énergies renouvelables et à financer le tarif social.
La compensation des moindres bénéfices d'EDF assurerait-elle le financement du tarif social ? Aiderait-elle le développement des énergies nouvelles ?
Monsieur le rapporteur, vous avez prévu une clause de rendez-vous dans un délai de deux ans et, comme vous avez obtenu le soutien du Sénat, on peut considérer qu'il en est ainsi décidé. Mais ne pensez-vous pas, en toute honnêteté, qu'il appartient à EDF de régler cette affaire ? Or l'une des façons d'y parvenir est de s'en tenir à la position de l'Assemblée nationale.
Compte tenu des dispositions que nous avons adoptées ce soir, le consommateur financera un quart de la compensation, compensation d'un bénéfice moindre, je le rappelle, et non pas de pertes d'exploitation. Est-ce un bon moyen d'alimenter une contribution qui est destinée à développer les énergies nouvelles et à financer le tarif social de l'électricité ?
Cette situation doit trouver une solution rapide grâce à une action commerciale cohérente d'EDF, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Sinon, nous ne nous en sortirons pas ! Nous hésiterons entre le prix du marché et le tarif régulé. On compensera le tarif de retour, mais pas le tarif régulé de base. Tout cela n'est pas sain !
Le tarif de retour constitue une mesure d'assainissement général. M. le rapporteur nous a conduits à en limiter la durée et à prévoir - sage décision - une clause de rendez-vous, qui sera essentielle.
Je considère que l'on ne peut pas demander aux petits consommateurs de participer à la compensation du moindre bénéfice d'EDF afin d'alimenter une contribution qui vise à financer le tarif social et les énergies nouvelles.
Je regrette, monsieur le rapporteur, mais je ne peux pas vous suivre sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Tout à l'heure, la majorité du Sénat a adopté l'article 3 bis, article un peu bâtard, fruit amer, un peu poisseux, pour ne pas utiliser l'expression plus triviale que chacun a à l'esprit, non pas seulement d'un héritage, mais d'un libéralisme exacerbé dont on prétend qu'il ne peut pas s'appliquer en matière d'énergie.
À l'évidence, il faut bien trouver une solution ! Si nous fixons un tarif d'ajustement en baisse par rapport au prix du marché, il faut compenser la différence. À cette fin, on aurait pu se tourner vers l'ensemble des entreprises. L'Assemblée nationale a décidé de mettre à contribution les petits fournisseurs d'énergie, souvent de jeunes entreprises non productrices qui se contentent de faire du négoce, mais aussi et surtout le producteur historique, à hauteur de 95 %. Ce dispositif était somme toute assez logique.
Dans l'amendement n° 66, M. Longuet se demandait, avec beaucoup de subtilité, pourquoi on n'ouvrirait pas les tarifs dits « à prix coûtants » du parc nucléaire français à certains fournisseurs négociants ; nous avons tous à l'esprit les deux négociants qui souhaitent ardemment qu'une telle décision soit prise.
J'ai lu dans la presse les déclarations des patrons de ces sociétés de négoce se demandant pourquoi ils ne pourraient pas avoir accès au prix coûtant d'EDF. Ces demandes m'ont paru assez scandaleuses. Il est tellement facile de demander à bénéficier du prix coûtant alors que l'on utilise des infrastructures qui ont été réalisées grâce aux investissements de l'entreprise historique, c'est-à-dire de la nation tout entière !
Gérard Longuet a finalement retiré son amendement parce qu'une solution de compensation a été trouvée. Nous vous laissons face à vos responsabilités !
S'agissant de l'utilisation de la CSPE, j'avoue que je rejoins les interrogations de nos collègues centristes.
Permettez-moi un bref rappel historique. La CSPE a été créée en 2000. À l'origine, elle n'était payée que par les fournisseurs d'électricité - c'est-à-dire, à l'époque, essentiellement EDF - qui pouvaient éventuellement la répercuter sur leurs prix de vente.
Mais, en 2003, vous avez modifié ce dispositif et reporté une partie du financement sur le consommateur final en créant une taxe supplémentaire. Aujourd'hui, le financement de cette contribution incombe pour 60 % aux entreprises et pour 40 % aux usagers.
Cette contribution est destinée à soutenir l'achat d'électricité aux petits producteurs, à développer les énergies renouvelables, mais aussi, et j'insiste sur ce point, à financer les tarifs sociaux.
J'ignore le montant exact de cette contribution. Il semble qu'il se situe entre un milliard et un milliard et demi d'euros. Il s'agit, en tout état de cause, d'une somme colossale, dont l'essentiel est destiné aux producteurs alternatifs, très largement à la cogénération et très peu à l'éolien. Surtout, il semble qu'à peine 50 millions d'euros soient consacrés au financement des tarifs sociaux.
On nous dit qu'il existe une « cagnotte » et qu'on va l'utiliser. Comme si on ne savait pas quoi en faire ! C'est quelque peu scandaleux.
Tout à l'heure, lors de la discussion de l'article 3, on a lésiné : on ne voulait pas multiplier le nombre des personnes ayant droit au tarif social, alors que seul un tiers des bénéficiaires potentiels y a réellement accès. On a lésiné sur la puissance accordée aux bénéficiaires du tarif social, sur le montant de l'aide octroyée, sur les critères d'attribution. Pour notre part, nous demandions que l'on retienne les revenus ouvrant droit à la CMU, par exemple, ce qui aurait constitué une amélioration.
Nous sommes malvenus d'utiliser aujourd'hui des sommes disponibles qui auraient pu être mieux employées.
Cette opération arithmétique permettra de diminuer la charge d'EDF - et loin de nous l'idée de peser plus encore sur l'entreprise publique ! -, mais elle vous met, mes chers collègues, dans une situation un peu difficile.
La question mérite peut-être une autre réflexion que celle que nous venons d'avoir aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence a d'ores et déjà, pour les usagers, une conséquence bien connue, à savoir la majoration du montant de la contribution aux charges du service public de l'électricité et donc, dans les faits, une augmentation de leur facture d'électricité.
Résumons tout de même les conséquences de cet article 3 ter.
Dans un premier temps, en raison des directives européennes de 2003, on a procédé à l'ouverture du marché pour le segment spécifique des entreprises. On connaît le résultat catastrophique de l'opération : nombre de PME, attirées par les offres alléchantes des opérateurs alternatifs, ont changé de fournisseur, croyant toucher rapidement les dividendes de cette ouverture sous forme d'une baisse globale de leur facture d'énergie.
Hélas ! à compter de 2004, les prix de l'énergie - fuel, comme gaz naturel et électricité - ont commencé à monter de manière vertigineuse.
Cette hausse des prix de l'énergie a, de manière générale, largement profité aux entreprises intervenant sur le secteur, et notamment aux compagnies pétrolières qui viennent de transformer la tendance haussière des prix en accroissement spectaculaire de leurs profits. De ce point de vue, l'exemple de Total est sans doute le plus significatif : ce sont en effet 9 milliards d'euros de profits que le groupe pétrolier a engrangés pour le seul premier semestre de 2006 !
La hausse des prix des matières énergétiques a aussi fait, pour le moment, le bonheur de Gaz de France, qui a ainsi pu servir à ses actionnaires, en 2005, un dividende réévalué de 44 %. Cela tombait bien, car c'était l'année où l'on avait largement ouvert le capital. L'entreprise s'apprête probablement à resservir un dividende tout aussi intéressant pour l'année 2006.
Au demeurant, c'est probablement dans cette perspective que l'on espère mieux faire accepter aux actionnaires minoritaires et, singulièrement, aux particuliers le changement de statut de Gaz de France et sa fusion avec Suez.
Toutefois, la hausse des prix de l'énergie se traduit, certes, par une majoration de la rentabilité économique des opérateurs, mais aussi par une augmentation des charges des usagers.
Voici donc que nous en sommes arrivés à cet article 3 ter qui, tirant les conséquences de la hausse des prix, tend à mettre en oeuvre un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché destiné aux clients éligibles au titre de l'article 22 de la loi du 10 février 2000.
En clair, il s'agit de faire payer à Électricité de France et aux distributeurs non nationalisés, ainsi qu'à Suez, parce que ce groupe gère les installations de production de la Compagnie nationale du Rhône via sa filiale Electrabel, les conséquences de l'ouverture du marché.
Dans les faits, pour permettre aux opérateurs alternatifs de conquérir des parts de marché au détriment d'Électricité de France, il s'agit de faire payer à celle-ci le surcoût découlant du fait que les opérateurs alternatifs ne disposent pas encore des capacités de production leur permettant de satisfaire leurs clients.
Cette contribution, qui est destinée à prendre en compte les charges découlant du service public de l'électricité, est en fait détournée de son objet : plutôt que de répondre aux besoins de couverture de la tarification sociale « produit de première nécessité » et de se donner les moyens de la péréquation tarifaire, on tend à consacrer des masses financières toujours plus importantes pour faire face aux surcoûts supportés par les opérateurs privés.
L'argent public, collecté par EDF, Suez et les distributeurs non nationalisés, est donc utilisé pour assurer la rentabilité économique des « preux chevaliers » de la concurrence.
C'est ce dispositif, monsieur le rapporteur, que votre amendement n° 762 rectifié bis propose de consacrer et d'étendre.
Ce n'est évidemment pas acceptable pour nous eu égard au fait que le meilleur moyen d'assurer la libre concurrence, c'est précisément de ne pas la fausser par l'intervention de l'argent public au seul bénéfice des opérateurs alternatifs. Que ce soit nous qui vous le disions, c'est quand même assez fort !
Nous ne voterons donc pas l'amendement n° 762 rectifié bis. Nous vous invitons d'ailleurs, mes chers collègues, à le rejeter par scrutin public.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 762 rectifié bis.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission et du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 171 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'amendement n° 522 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 345.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote sur l'article 3 ter.
M. Daniel Reiner. L'article 3 ter est lié à l'article 3 bis. Nous vous avons laissé décider du sort de l'article 3 bis, mes chers collègues, puisque nous n'avons pas participé au vote. Nous allons faire de même pour l'article 3 ter.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Cet après-midi, notre collègue Jean Arthuis a motivé, à plusieurs reprises, ses amendements relatifs au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché par le fait qu'EDF prendrait en otage ses propres clients. L'entreprise publique, a-t-il souligné, en profiterait pour conclure de nouveaux contrats avec des tarifs encore différenciés, ajoutant au désordre ambiant.
En résumé, nous sommes confrontés à des problèmes d'un niveau inégalé. Mais agiter l'épouvantail d'EDF et faire de l'énergéticien public le seul responsable des désordres du marché est un peu rapide !
De la même manière, il est un peu facile de vouer à la vindicte Sonatrach et Gazprom, sociétés algérienne et russe de production gazière et pétrolière, en les rendant coupables de la hausse des prix ! N'oublions pas que, sur les dix producteurs de gaz en Europe, cinq d'entre eux représentent 80 % du marché ; il s'agit d'Exxon Mobil, de Shell, de Total, de BP et de Statoil.
Au demeurant, je crois savoir qu'en bonne application du principe de patriotisme économique le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vient d'accorder à Gazprom une licence pour vendre et distribuer du gaz dans notre pays.
L'écran de fumée ne tient pas devant la réalité des faits. La réalité des faits, c'est que le prix du kilowattheure électrique est fixé par référence au prix du pétrole. Or ce dernier engraisse très largement, aujourd'hui, les groupes transnationaux qui font de l'extraction pétrolière et gazière leur activité principale.
La hausse des prix du gaz et du pétrole, c'est du bonheur pour Exxon Mobil, Shell, Total ou BP, toutes sociétés qui se placent en chef de file du capitalisme international et dont les résultats, depuis 2004, connaissent une véritable explosion.
Prenons le seul exemple de Total, notre pétrolier national : en 2004, le groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 122 milliards d'euros ; il est parvenu à un résultat opérationnel de 16,7 milliards d'euros et à un résultat net de 11,1 milliards d'euros permettant de distribuer un dividende de 17,99 euros par action.
En 2005, grâce à la hausse des prix du pétrole et du gaz, que Total exploite notamment en mer du Nord - c'est la première zone où se fournit la France, ne l'oublions pas -, son chiffre d'affaires est passé à 143,1 milliards d'euros, le résultat opérationnel a dépassé les 24 milliards d'euros et le résultat net les 12,6 milliards d'euros, ce qui a permis le versement d'un dividende de 20,78 euros par action.
Au moins, la hausse des prix du pétrole et du gaz n'est pas perdue pour tout le monde, et l'on peut raisonnablement penser qu'une partie des actionnaires de Total a pu, grâce à la valorisation de ses actions, bénéficier d'une remise indirecte sur sa propre facture.
Je crois savoir que les chiffres du premier semestre de 2006 sont aussi florissants que ceux de 2005, sinon plus, puisque Total a annoncé un résultat net de plus de 9 milliards d'euros pour cette période.
Alors, plutôt que de crier haro sur EDF et ses oeuvres sociales, entre autres, criez donc de temps en temps, chers collègues de la majorité, sur ces entreprises du secteur pétrolier qui engrangent des profits records, situation contre laquelle, selon vous, on ne peut rien faire, notamment à cause de la globalisation et de la mondialisation.
Je donne rendez-vous à M. Arthuis : pourquoi ne pas faire subir aux compagnies pétrolières, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances, une petite ponction fiscale complémentaire destinée, par exemple, à financer le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché ? Cela constituerait une alternative, qui ne serait pas inintéressante, à ce qui nous est proposé avec cet article 3 ter.
En effet, ne l'oublions pas, ce tarif sera toujours payé, en dernière instance, par les mêmes, c'est-à-dire par tous les usagers de l'électricité, y compris les plus modestes, qui n'auront jamais fait jouer la moindre éligibilité depuis 2000 !
C'est ce qu'il importait de dire, me semble-t-il, au terme de la discussion de cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 ter, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 25 :
Nombre de votants | 228 |
Nombre de suffrages exprimés | 227 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 114 |
Pour l'adoption | 172 |
Contre | 55 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels avant l'article 4
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 125 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 629 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'augmentation des tarifs réglementés de vente de l'électricité, ne peut être liée qu'à une hausse des coûts réels de production et fourniture de l'électricité.
La parole est à M. Roland Courteau, pour défendre l'amendement n° 125.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à encadrer l'augmentation des tarifs réglementés.
Comme le précise l'article 4 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, ces tarifs matérialisant le principe de gestion du service public aux meilleures conditions de coûts et de prix couvrent l'ensemble des coûts supportés à ce titre par Electricité de France et par les distributeurs non nationalisés pour la fourniture.
Nous souhaitons par conséquent que l'augmentation des tarifs réglementés de vente d'électricité ne puisse être liée qu'à une hausse des coûts réels de production et de fourniture d'électricité. Ces coûts réels doivent nécessairement comprendre l'amortissement des investissements et les conditions de renouvellement des équipements et du parc nucléaire.
Cela dit, nous sommes inquiets pour plusieurs raisons.
D'abord, l'envolée des prix de l'électricité fixée sur le marché et liée à la déréglementation du secteur énergétique conduit à une tension sur les tarifs régulés. La mise en place de votre tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché risque de servir de norme et de provoquer mécaniquement des hausses du tarif régulé pour aboutir, à terme, à la disparition pure et simple de ces mêmes tarifs, ce que souhaite d'ailleurs la Commission européenne, qui considère que ces tarifs régulés constituent des obstacles à l'entrée de concurrents nouveaux.
Ensuite, il faut éviter que l'entreprise ne soit contrainte de s'aligner, en matière de rémunération des actionnaires, sur les normes de rentabilité actuellement fixées par les marchés. Les taux de retour en matière d'investissement atteignent aujourd'hui des niveaux extrêmement élevés, de l'ordre de 25 % à 30 % parfois.
Un tel comportement conduirait nécessairement à des augmentations des tarifs régulés, car la tentation est grande de vouloir plaire aux actionnaires privés, de vouloir faire monter le cours des actions et donc, ce faisant, d'oeuvrer à une formation de prix déconnectés des coûts réels de production. Ce qui vaut pour EDF vaut évidemment encore plus pour Gaz de France, en voie de privatisation.
Enfin, nous savons que la régulation du seul marché n'est pas suffisante et qu'elle conduit généralement à organiser des pénuries pour créer une tension artificielle sur les prix, raison pour laquelle nous souhaitons que l'augmentation des tarifs régulés de l'électricité soit clairement encadrée.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cher collègue, ce que vous nous proposez n'est rien d'autre que l'application de l'article 4 de la loi du 10 février 2000, qui prévoit déjà que les tarifs d'électricité sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures et selon les coûts liés à ces fournitures.
Cet article prévoit également que les tarifs d'utilisation des réseaux couvrent l'ensemble des coûts supportés par les gestionnaires, y compris ceux qui résultent de l'exécution des missions et contrats de service public.
Je considère donc que votre amendement est satisfait et je vous appelle à le retirer. Dans le cas contraire, je serais obligé d'émettre un avis défavorable.
Le contrat de service public entre l'État et EDF prévoit que la hausse des tarifs d'électricité au cours des cinq années qui viennent ne pourra être supérieure à l'inflation, le ministre nous l'a rappelé à la fois en commission et dans cet hémicycle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 126 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 630 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'augmentation des tarifs réglementés de vente de gaz naturel ne peut être liée qu'à une hausse des coûts réels de production, de transport, de fourniture et de distribution du gaz naturel.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour défendre l'amendement n° 126.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement s'inscrit dans la même problématique que celui que vient de défendre mon collègue Roland Courteau. La seule différence est qu'il concerne la tarification en matière de gaz naturel.
Par cet amendement, nous souhaitons encadrer aussi l'augmentation des tarifs réglementés.
Comme le précise l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, ces tarifs matérialisant le principe de gestion du service public aux meilleures conditions de coûts et de prix doivent couvrir l'ensemble des coûts liés à la production et à la fourniture.
Dans ce secteur, nous sommes tout aussi inquiets, si ce n'est plus, que pour le secteur de l'électricité. La privatisation de Gaz de France fera perdre la maîtrise publique de l'entreprise. Et ce n'est pas « l'action de préférence » ou la minorité de blocage qui permettra, à terme, de maintenir un droit de regard en matière de politique tarifaire. La maîtrise de celle-ci va échapper, nous le savons, à la puissance publique. Les actionnaires feront tout pour faire converger les tarifs régulés vers les prix du marché.
Toutes ces raisons nous amènent à faire cette proposition d'encadrement de l'augmentation des tarifs réglementés de vente de gaz naturel.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Chère collègue, comme il est précisé dans l'objet de cet amendement, c'est bien l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 qui traite de ce sujet, et plus particulièrement le II, qui dispose : « Les tarifs de vente du gaz naturel aux clients non éligibles sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts ».
Par conséquent, je considère que vous avez satisfaction. Aussi, si vous mainteniez cet amendement, j'émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
En outre, il est difficile de prendre en compte les coûts réels de production du gaz, qui, malheureusement, dépendent davantage du prix d'achat aux vrais producteurs que de Gaz de France.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4
I. - L'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi rédigé :
« Art. 66. - I. - Les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel mentionnés au premier alinéa du I des articles 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée et 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie s'appliquent, à sa demande, à un consommateur final non domestique pour la consommation d'un site pour lequel il n'use pas de la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée ou au 2° de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée, à la condition qu'il n'ait pas été fait précédemment usage de cette faculté, pour ce site, par ce consommateur ou par une autre personne.
« II. - Un consommateur final domestique d'électricité ou de gaz naturel bénéficie, pour un site, des tarifs réglementés de vente d'électricité ou de gaz naturel s'il n'a pas lui-même fait usage pour ce site de la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée ou au 2° de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée.
« III - Un décret en Conseil d'État précise, si nécessaire, les conditions d'application du présent article. »
II. - Le I de l'article 67 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 précitée est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : «, telle que définie par le II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article, notamment les modalités de liquidation des droits par les services de la Commission de régulation de l'énergie. Ce décret entre en vigueur au 1er janvier 2006. »
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. L'article 4, qui maintient les tarifs réglementés, constitue une bien faible parade devant l'envolée des prix de l'énergie, due à la déréglementation et aux logiques et pratiques auxquelles elle amène les entreprises.
Une étude de l'Observatoire international des coûts énergétiques, NUS Consulting, parue au 1er trimestre de cette année, souligne que l'écart se creuse entre les tarifs des marchés régulé et dérégulé, avec une différence atteignant 66 % au 1er avril dernier.
La marge à la hausse des prix libres est forte : si le prix du gaz naturel français était, en 2004, dans la moyenne des tarifs du G7, il était déjà 20 % plus cher en Espagne, 25 % aux Pays-Bas, 70 % au Portugal et 93 % au Danemark. C'est, d'une certaine manière, un hommage rendu à l'entreprise nationale et au service public !
L'étude de NUS Consulting souligne par ailleurs que ce sont principalement des PME et des PMI qui font les frais de l'envolée des prix, les grands groupes disposant des moyens de freiner les appétits des fournisseurs. Ce n'est donc pas un hasard si vous tentez de trouver des « pare-feux » en leur faveur, avec notamment cet article 4. À défaut d'être de grands actionnaires, ils sont peut-être parmi vos électeurs ! Vous ne proposez donc pas de suivre la Commission de régulation de l'énergie, qui avait recommandé, l'an dernier, la suppression des tarifs réglementés pour les entreprises, les professionnels et les collectivités territoriales.
Par ailleurs, NUS Consulting impute l'écart grandissant entre les prix des marchés régulé et dérégulé pour l'essentiel à la hausse des cours mondiaux du pétrole et du gaz, car, est-il précisé, les marchés libres de l'électricité y sont très sensibles.
Autrement dit, quand on nous parle de liberté, la liberté de choisir son fournisseur, n'est-ce pas, en réalité, celle de subir la constante hausse des prix, inhérente à la volatilité sur le marché spot ? N'est-ce pas la liberté de subir de plein fouet les conséquences de la déstabilisation d'un secteur aujourd'hui tout à fait viable et efficace dès le niveau de la production, avec un moindre recours aux contrats de long terme ?
Dans le domaine gazier, qui nous concerne ici au premier chef, les contrats de long terme sont en mesure de maintenir des tarifs réguliers, prévisibles. À l'inverse, le recours au marché spot fragilise ces contrats permettant une sécurité d'approvisionnement et une sécurité de l'amont de la filière, fragilisant ainsi une certaine stabilité des prix.
Une autre question se pose : la transparence des prix. Ces derniers mois ont montré combien il était facile d'augmenter rapidement les tarifs administrés vers les prix de marché, à partir du moment où leur fixation restait opaque et sans garantie. C'était d'ailleurs plus ou moins clairement prévu dans le contrat de Gaz de France. Cela confirme le bien-fondé de notre exigence qu'un bilan de la déréglementation soit établi avant toute décision qui ne serait que fuite en avant.
Je conclurai en rappelant que l'objectif de votre projet de loi restant bien de contenter avant tout les actionnaires, aucune de nos inquiétudes n'est levée et nous ne pouvons en aucun cas nous satisfaire du maintien des tarifs réglementés.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Comme vient de le dire Roland Muzeau, l'article 4 permet le maintien des tarifs réglementés en matière d'électricité et de gaz, malgré l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique. Il en définit les modalités d'application concernant les consommateurs industriels et domestiques.
Nous l'avons dit, le fait que vous vous sentiez contraints de maintenir les tarifs réglementés prouve, à l'évidence, que l'ouverture à la concurrence du marché énergétique est un échec, qu'elle a des incidences catastrophiques sur les prix et, donc, sur les consommateurs. Ces derniers ne sont d'ailleurs pas dupes ; ils sont peu nombreux à souhaiter faire jouer leur éligibilité.
C'est flagrant en matière d'électricité : EDF n'a vu partir qu'un site éligible sur vingt-cinq. Quant aux 565 000 sites qui ont fait l'objet d'une sortie d'un contrat réglementé, nous ne connaissons pas véritablement les motivations ni la part de choix délibéré. Des témoignages de différents agents soulignent, en effet, qu'il existe, au sein de l'opérateur historique, des pratiques qui incitent à la sortie du dispositif. Elles consistent, par exemple, à ne proposer pour les nouveaux contrats que des tarifs non réglementés.
En matière de gaz, la situation est à peu près la même : le fournisseur historique n'a vu partir qu'un seul site sur cinquante. Là aussi, sur les motivations des 10 % d'usagers éligibles qui ont fait le choix de quitter le dispositif, nous avons des interrogations.
Gaz de France, comme EDF, a tenté de pousser ses clients à sortir des tarifs réglementés sans toujours disposer de tous les éléments nécessaires, notamment une claire conscience du caractère irréversible de cette décision et du piège qui leur était ainsi tendu.
Quant aux tarifs réglementés eux-mêmes, ils ne sauraient constituer une garantie suffisante. On a vu qu'ils avaient augmenté de 30 % en un an et demi. Que peut-on en attendre pour l'avenir ? Quelle protection pour les usagers ? Qui en fixera le montant ? Rien n'est dit à ce sujet dans le projet de loi. C'est pourtant une question déterminante.
Si votre volonté était réellement de faire baisser les prix de l'énergie, c'est une tout autre politique que vous choisiriez. Plutôt que d'ouvrir le marché à la concurrence sur le court terme, vous choisiriez d'optimiser les tarifs par un calcul économique sur le long terme. Plutôt que de faire voler en éclat l'intégration des systèmes de production, de transport et de distribution telle qu'elle existe aujourd'hui, qui permet des gains d'échelle, vous la consolideriez et vous favoriseriez la recherche d'économies d'énergie.
Mais vous préférez, au contraire, donner la priorité au jeu des marchés boursiers contre les consommateurs, contre l'intérêt du pays.
Il est consternant de voir que Gaz de France a d'ores et déjà tourné le dos à ses orientations de service public pour se conformer à celles du marché. L'entreprise se comporte comme une entreprise capitalistique à la recherche du plus grand profit possible pour le bonheur de ses actionnaires.
Dans ce contexte, nous ne saurions nous contenter du maintien des tarifs réglementés. En réalité, l'idée savamment entretenue selon laquelle l'ouverture à la concurrence conduit à la baisse des prix étant pour le moins écornée, vous êtes contraints de prôner des mesures contraires à la logique même de l'ouverture, au risque de subir des sanctions de la part des institutions européennes.
Les plus ardents défenseurs de la déréglementation obligés de réintroduire de la réglementation : quel aveu d'échec !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le Sénat a décidé d'examiner séparément les amendements de suppression n°s 348 et 349 déposés par M. Yves Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, afin d'éviter la mise en discussion commune automatique des trente-sept amendements déposés sur cet article.
L'amendement n° 348, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. L'article 4 révèle toutes les contradictions et l'ambiguïté du Gouvernement concernant les tarifs du gaz.
D'un côté, le Gouvernement entend défendre coûte que coûte l'ouverture du marché énergétique ; d'un autre côté, il prétend prendre en compte les intérêts des consommateurs en maintenant, au moyen de cet article 4, des tarifs réglementés.
Néanmoins, cette protection des consommateurs, domestiques ou non, n'apparaît pas si solide et, au final, il y a fort à parier que, à plus ou moins court terme, les entreprises du secteur énergétique profiteront comme il se doit de la déréglementation du secteur.
J'en veux pour preuve que c'est « à la demande » du consommateur final non domestique, c'est-à-dire des entreprises, que celles-ci pourront prétendre aux tarifs réglementés.
Nous ne sommes donc pas dupes : cette protection des consommateurs volera rapidement en éclat face à une entreprise telle que GDF, qui souhaitera conforter sa rentabilité.
Le débat sur la profitabilité de la vente du gaz aux consommateurs est donc loin d'être réglé avec cet article. Alors que le tarif réglementé pratiqué aujourd'hui par l'entreprise publique reste parmi l'un des plus bas d'Europe - je reprends là les propos de Jean-François Cirelli -, comment pourra-t-il en être de même demain avec la pression des actionnaires privés majoritaires, désireux d'augmenter la rentabilité ?
Le maintien par ce projet de loi d'un tarif réglementé relève donc à nos yeux d'un marché de dupes. Au final, ce sont ces mêmes consommateurs que le Gouvernement entend protéger qui verront leur facture de gaz augmenter.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 4. Et nous souhaitons que le Sénat se prononce par scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Au risque de me répéter, je veux redire qu'en l'absence de dispositions législatives prises avant le 1er juillet 2007 les directives européennes s'appliqueraient de plein droit et l'ensemble du système tarifaire français pourrait être remis en cause à l'occasion d'un contentieux, y compris ce qui figure dans cet article 4, qui consacre le maintien des tarifs réglementés.
Aussi, la suppression de cet article serait une erreur et c'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 348.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 31 |
Contre | 298 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 349, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Cet amendement est défendu.
M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 350, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le I de l'article 66 de la loi du 13 juillet 2005 prévoit que les consommateurs finals non domestiques se verront appliquer les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz pour leur site à condition que le consommateur ou toute autre personne n'ait pas fait jouer son éligibilité sur ce site.
Alors que le projet de loi initial prévoyait que ces dispositions ne s'appliqueraient que jusqu'au 31 décembre 2007, les députés ont supprimé cette limitation dans le temps. Malheureusement, à nos yeux, cette suppression ne constitue pas, à court terme, un garde-fou efficace contre une envolée des prix de l'énergie pour les entreprises. Force est de constater que l'évolution des prix du marché de l'électricité a alimenté leurs inquiétudes quant aux risques liés à la libéralisation.
Depuis 2003, le prix du mégawatt a presque triplé et, pour les entreprises qui avaient fait le choix de la concurrence, la facture est aujourd'hui « salée », certaines hausses ayant pu atteindre 80 %.
La suppression de la limitation dans le temps du bénéfice du tarif réglementé pour les nouveaux sites de consommation professionnels s'apparente donc à une parade destinée à distiller la concurrence dans le temps. La preuve en est qu'il n'est pas prévu de réversibilité pour les consommateurs finals non domestiques.
Nous savons parfaitement que l'objectif du Gouvernement est de libéraliser totalement le marché de l'énergie. Il a bien tort de s'en cacher ! Le maintien des tarifs réglementés n'est qu'un artifice destiné à faire passer l'ouverture totale du marché de l'énergie en 2007. Chacun a en tête ce que nous ne cessons de rappeler depuis quelques semaines, tant à l'Assemblée nationale qu'ici même, à savoir le mensonge de Nicolas Sarkozy et son revirement s'agissant des engagements qui avaient été pris en 2004 devant les parlementaires.
Mer chers collègues, je vous encourage donc vivement à rejeter ce dispositif bancal des tarifs réglementés tel qu'il nous est proposé dans ce projet de loi. La véritable protection du consommateur réside dans le maintien non pas de tarifs réglementés dans un marché déréglementé, mais bien d'un pôle de l'énergie public et réglementé.
Cette position de principe nous conduit tout naturellement à demander la suppression du I de l'article 66 de la loi de juillet 2005.
M. le président. L'amendement n° 365, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique :
« I.- Un consommateur final non domestique d'électricité ou de gaz naturel est soumis, pour un site, aux tarifs réglementés de vente d'électricité ou de gaz naturel s'il n'a pas lui-même fait usage pour ce site de la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ou au 2 de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement tend à permettre aux consommateurs non domestiques de choisir librement et à tout moment de bénéficier ou non des tarifs réglementés.
En effet, nous estimons qu'il est particulièrement injuste de refuser qu'un consommateur qui arrive dans un nouveau site soit lié par les choix du consommateur précédent. Nous souhaitons alors qu'il puisse, lors de son arrivée, décider s'il souhaite ou non, pour ce nouveau site, exercer son éligibilité.
Cette possibilité est d'autant plus légitime que les tarifs sur le marché libre connaissent une augmentation exponentielle depuis la libéralisation du secteur énergétique, et ce alors que les tarifs réglementés restent relativement stables. En effet, depuis cinq ans, les tarifs régulés ont augmenté de 10 %, tandis que les tarifs dits « libres » se sont accrus de plus de 75 %.
Cette différence d'évolution s'explique fondamentalement par la confrontation de deux logiques : celle de la libre concurrence régulée par la main invisible du marché et celle du service public, où l'État doit être garant des droits de ses administrés.
Dans la logique de marché, supposée conduire à une diminution des tarifs par l'émulation de la concurrence, c'est exactement l'inverse qui se produit. La pression exercée par les actionnaires ainsi que par les marchés financiers pousse les entreprises du secteur non seulement à réduire leurs coûts en termes de personnels et de maintenance, mais également à augmenter les marges afin d'offrir des dividendes confortables aux actionnaires. Cet impératif de la rentabilité maximale pousse les entreprises à vouloir toujours plus, à s'agrandir pour accroître encore et encore leurs marges
Tout cela aboutit finalement à des concentrations accrues d'entreprises et, pour finir, au remplacement de monopoles publics par des monopoles privés tournés vers la satisfaction non pas de l'intérêt général, mais d'intérêts particuliers.
Et comme l'objectif n'est plus de répondre à l'intérêt général, il est proposé non plus des tarifs adaptés aux ressources des usagers, mais des tarifs permettant de répondre à la demande de dividendes des actionnaires. C'est ce qui explique l'envolée des tarifs du secteur ouvert à la concurrence. Aujourd'hui, la différence entre les tarifs réglementés et les prix libres atteint même 66 %, selon le cabinet d'étude NUS Consulting !
Nous estimons, pour notre part, que les usagers du service public de l'énergie ne doivent pas faire les frais des dérives du libéralisme à tous crins imposé par la Commission européenne et appliqué avec un zèle tout particulier par votre gouvernement depuis cinq années.
Ainsi, nous souhaitons, par cet amendement, permettre aux consommateurs non domestiques de revenir à tout moment, s'ils le souhaitent, aux tarifs réglementés.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 127 rectifié est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 357 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 631 rectifié est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Dans le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005, supprimer les mots :
, à sa demande,
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 127 rectifié.
M. Roland Courteau. Cet article a trait aux modalités d'application des tarifs réglementés. Il concerne tout à la fois les consommateurs domestiques et les consommateurs industriels.
Le présent amendement tend à border l'application du tarif réglementé. Nous proposons donc que le consommateur final non domestique qui souhaite être soumis au prix régulé ne soit pas contraint d'en faire la demande.
Récemment, les responsables de la CRE ont estimé qu'un rapprochement entre le tarif réglementé et le prix du marché était inévitable, et que, au regard du manque d'interconnexion entre pays européens, le prix du marché allait augmenter. Comment ne pas les croire quand NUS Consulting établit que les tarifs publics ont augmenté de 10,57 %, tandis que les prix du marché ont, eux, enregistré une hausse de 75,6 % ?
Laissons donc les entreprises qui souhaitent demeurer dans la sphère régulée après le 1er janvier prochain l'être de manière automatique. Cette exigence procède du principe de réalité, car notre économie n'est pas uniquement composée de grandes entreprises. Elle est faite de centaines de milliers de PME-PMI, qui ne possèdent pas les services administratifs permettant de suivre, pas à pas, les évolutions législatives et réglementaires, le cours des cotations en bourse, les évolutions de la concurrence...
La libéralisation du marché les soumettra à une très forte pression commerciale, qui vantera les effets de la dérégulation, de la libre concurrence, de la baisse espérée - car cela n'a jamais été le cas ! - de la facture énergétique.
Nous savons tous que les entreprises énergétiques auront tout intérêt à pousser l'ensemble des consommateurs hors des tarifs réglementés. J'en veux pour preuve le fait que, dès 2004, les agents commerciaux de GDF ne proposaient plus le tarif administré, et que, si le consommateur voulait s'y soumettre, il devait en formuler la demande par écrit.
Or, s'agissant des petites structures en situation de très forte concurrence, ne pouvant souvent pas se projeter au-delà de quelques mois, voire quelques semaines, à la trésorerie limitée et ayant du mal à répondre dans les temps aux nécessités administratives, nous ne pouvons imaginer que leur maintien dans la sphère régulée dépende d'une démarche volontaire.
Cette logique correspond expressément au troisième alinéa du I de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 modifiée, relative au développement et à la modernisation du service public de l'électricité, qui prévoit : « Lorsqu'un client éligible n'exerce pas les droits accordés au III de l'article 22 de la présente loi, il conserve le contrat en vigueur à la date à laquelle il devient éligible. »
En outre, elle est conforme au 12 de l'article 2 de la directive 2003/54/CE du 26 juin 2003, qui définit les clients éligibles comme « les clients qui sont libres d'acheter de l'électricité au fournisseur de leur choix ».
Vous l'aurez compris, face à un certain aveuglement qui vous permettait d'affirmer, dès 2004, que l'ouverture à la concurrence ferait baisser les tarifs, notre seul objectif est de protéger nos entreprises, notre économie, notre compétitivité, et l'emploi des affres d'une déréglementation dangereuse.
M. Dominique Mortemousque. Braves gens !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 357.
Mme Éliane Assassi. Par cet amendement, nous souhaitons que les tarifs réglementés s'appliquent de droit lorsqu'un consommateur final non domestique n'a pas fait jouer son éligibilité. En effet, il nous paraît essentiel qu'un consommateur arrivant sur un site ne subisse pas les choix faits par le consommateur précédent.
Oui, le choix du fournisseur énergétique doit reposer sur la liberté contractuelle. Cela suppose que la volonté de s'engager de tout nouveau contractant soit clairement établie !
Nous ne comprenons d'ailleurs pas que vous imposiez par la loi l'irréversibilité de l'exercice de l'éligibilité des consommateurs non domestiques sur le marché alors même que, selon le dogme libéral, cette libéralisation se fait dans l'intérêt même des consommateurs, par un mécanisme de baisse des prix résultant du jeu de la concurrence.
Pourquoi tant de précautions ? Pourquoi piéger le consommateur dans un choix si celui-ci le regrette ? Ce procédé nous semble inacceptable, d'autant que l'énergie est un bien de première nécessité.
C'est pourquoi nous souhaitons laisser toute liberté au consommateur final non domestique.
M. le président. L'amendement n° 631 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, remplacer les mots :
au 2° de
par le mot :
à
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 363, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
À la fin du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005, supprimer les mots :
, à la condition qu'il n'ait pas été fait précédemment usage de cette faculté, pour ce site, par ce consommateur ou par une autre personne
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Deneux et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par cet article pour l'article 66 de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 par une phrase ainsi rédigée :
Tout consommateur final non domestique entrant dans un site bénéficie de cette faculté.
La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. La faculté d'entrer sur le marché libre est un choix exercé selon une stratégie propre à l'entreprise consommatrice qui en supporte les conséquences. L'interdiction de revenir au marché réglementé et la création d'un tarif majoré par rapport au prix régulé ont vocation à répondre à la notion de responsabilité.
Lier cette faculté au couple site-consommateur et non plus au seul site assure le respect d'égalité de traitement et de libre concurrence, l'entreprise entrante sur le site bénéficiant de la faculté offerte à tous ses concurrents. De plus, cela empêche qu'une entreprise ait à supporter la responsabilité d'un choix effectué par un tiers. Cela facilite aussi l'entrée d'une entreprise sur un site existant. Enfin, cela évite une différence de traitement selon l'activité de l'entreprise entrante sur le site, que rien ne justifie.
M. le président. L'amendement n° 359, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute entreprise fournissant de l'électricité ou du gaz naturel sur le territoire national est tenue d'informer les consommateurs non domestiques de l'existence du présent article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement tend à introduire, à la charge des entreprises énergétiques, un devoir d'information concernant l'existence de l'article 66 de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005. En effet, il nous paraît fondamental que les usagers exercent leur éligibilité librement et non parce que cela leur paraîtrait inévitable. Les pratiques déjà en cours chez EDF et GDF laissent présager le pire.
De plus, les entreprises énergétiques ont tout intérêt à pousser les consommateurs hors du tarif réglementé, puisqu'ils ne peuvent ensuite y revenir.
GDF s'est particulièrement distingué, dès la loi de 2004, en demandant à ses commerciaux de ne jamais proposer les tarifs administrés et de n'accepter leur application qu'en cas de demande écrite. Actuellement, la consigne donnée aux commerciaux est de ne traiter aucun dossier de clients sollicitant le tarif administré, même si cela les conduit à s'adresser à la concurrence.
Au regard de ces pratiques commerciales douteuses, il semble nécessaire de garantir juridiquement le droit d'information des consommateurs afin de leur permettre d'exercer librement leur éligibilité.
Ces pratiques existent parce qu'elles servent à pallier le manque d'attractivité des tarifs dits « libres ». En effet, on constate que, sur cinq années, l'augmentation des tarifs réglementés excède à peine les 10 %, alors même que la hausse des prix libres dépasse les 75 %. Le Danemark et la Grande-Bretagne enregistrent des augmentations encore plus importantes.
Cela explique que près de trois consommateurs sur quatre se disent aujourd'hui peu convaincus d'exercer leur éligibilité. Nous souhaitons donc que les consommateurs ne soient pas soumis aux tarifs libres sans leur complet consentement.
Tel est le sens de cet amendement, qui tend à garantir un droit d'information aux consommateurs.
M. le président. L'amendement n° 360, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de catastrophe naturelle, un client non domestique qui aurait fait usage de la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ou au 2° de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie peut revenir s'il le souhaite aux tarifs réglementés.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Lors du débat, en juin 2005, sur la proposition de loi tendant à considérer comme les effets d'une catastrophe naturelle les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols, quelle que soit leur intensité, nous avions eu l'occasion d'évoquer de nouveau les défaillances et la longueur des procédures d'indemnisation.
Je ne reviendrai donc pas sur ce sujet. Je soulignerai cependant que, au regard de la situation délicate dans laquelle se trouvent les collectivités concernées, il est essentiel que leur facture énergétique ne vienne pas encore alourdir les charges qui pèsent sur elles.
C'est pourquoi, avec cet amendement, nous souhaitons permettre le retour des consommateurs non domestiques aux tarifs réglementés lorsque ceux-ci sont confrontés à une situation exceptionnelle qui peut influer sur leur consommation d'énergie.
M. le président. L'amendement n° 361, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de conflit armé, un client non domestique qui aurait fait usage de la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ou au 2° de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie peut revenir s'il le souhaite aux tarifs réglementés.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. L'amendement n° 362, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de redressement judiciaire, un client non domestique qui aurait fait usage de la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ou au 2° de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie peut revenir s'il le souhaite aux tarifs réglementés.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement s'inscrit dans la logique des précédents, puisqu'il vise à ce que, en cas de redressement judiciaire, un client non domestique puisse revenir aux tarifs réglementés.
L'augmentation des tarifs est fortement préjudiciable pour les entreprises de notre pays. La facture de gaz a augmenté de 30 % ces dix-huit derniers mois, et de 70 % depuis l'ouverture des marchés en 2000, à laquelle nous nous étions opposés.
Selon le MEDEF, dont les désirs sont bien souvent devancés par le Gouvernement, les prix de l'électricité ont augmenté depuis trois ans de 70 % pour les plus grosses entreprises consommatrices, voire de 100 % pour les plus petites.
Concernant l'électricité, permettez-moi, une fois encore, de citer les éléments qui ont été rendus publics par le cabinet d'étude NUS Consulting : les prix de gros d'électricité ont augmenté de 48 % d'avril 2005 à avril 2006 et l'écart entre les prix du marché et les tarifs « service public » réglementés par l'État vient d'atteindre 66 %. Cela ne peut que renforcer le scepticisme ambiant.
Ainsi, depuis l'ouverture du capital, les prix augmentent, des milliers d'emplois sont supprimés ou précarisés, l'organisation du système perd en efficacité, la pénurie guette, les collectifs de travail sont éclatés. Il est inutile de dire - peut-être faut-il tout de même vous le rappeler - que cela génère beaucoup de souffrance et d'inquiétude parmi les salariés.
De plus, l'état de fait actuel met en évidence que l'axiome des tenants du libéralisme, selon lequel la concurrence libre et non faussée est censée se faire dans l'intérêt des consommateurs par une baisse mécanique des prix, est tout ce qu'il y a de plus faux. En fait de concurrence, c'est à la concentration d'entreprises privées que l'on assiste et au remplacement des monopoles publics par des monopoles privés.
La logique actuelle, aggravée par ce projet de loi, tend à ne plus avoir pour priorité la satisfaction des besoins de tous, mais à répondre uniquement aux demandes des actionnaires, qui se limitent à la taille de leurs dividendes. Il faut aller à l'encontre de cette logique.
Nous vous proposons donc d'adopter notre amendement, qui vise à permettre le retour des consommateurs non domestiques aux tarifs réglementés lorsque ceux-ci sont confrontés à un redressement judiciaire.
M. le président. L'amendement n° 364, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de difficultés économiques, un client non domestique qui aurait fait usage de la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ou au 2° de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 peut revenir s'il le souhaite aux tarifs réglementés. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement a pour objet de renforcer la compétitivité des entreprises. Vous ne pourrez donc que souscrire à nos arguments.
En effet, nous vous proposons que, lorsque des entreprises sont confrontées à des difficultés économiques majeures mettant en cause leur pérennité, elles puissent, si elles le désirent, revenir aux tarifs réglementés.
Actuellement, l'écart entre ces deux types de tarifs atteint 66 %. Vous conviendrez donc qu'il serait franchement utile pour les entreprises concernées de pouvoir revenir aux tarifs réglementés et de réduire leurs dépenses énergétiques dans les mêmes proportions.
De plus, ce poste de dépenses est très important pour certaines entreprises, notamment celles que l'on appelle « électro-intensives » dans le domaine de la plasturgie ou de la métallurgie.
Nous ne pouvons donc admettre l'amendement qui prévoit, en quelque sorte, le maintien de sous-tarifs réglementés.
Mais dans deux ans, les questions seront les mêmes : comment accepter que les consommateurs ayant fait confiance au choix du Gouvernement en matière énergétique se trouvent égorgés financièrement afin que les actionnaires puissent toucher toujours plus de dividendes ?
C'est inacceptable et, dans le cadre d'une politique d'aide à l'emploi et à la croissance, il ne faut pas faire payer aux entreprises un choix qu'elles auront pu faire et qui ne se révélera pas être le bon.
Nous souhaitons donc que des entreprises qui connaissent de graves difficultés puissent - et c'est bien peu - retourner au tarif réglementé.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 350 est un amendement de suppression, tout comme l'amendement n° 348 sur lequel je me suis exprimé. La commission émet un avis défavorable.
Sur l'amendement n° 365, dans la pratique, on ne peut instaurer le parallélisme proposé au bénéfice des consommateurs non domestiques, car l'impossibilité d'exercer un contrôle pourrait permettre à certains d'entre eux de bénéficier d'une réversibilité totale, ce que nous ne voulons pas. L'application du principe site-personne doit être réservée aux ménages.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 127 rectifié, l'article 4 prévoit en effet que les tarifs réglementés s'appliquent de droit aux particuliers et à la demande aux consommateurs non domestiques. Le parallélisme instauré à cet égard par l'amendement est une bonne chose.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement, de même que sur l'amendement identique n° 357.
En ce qui concerne l'amendement n° 363, comme je l'ai dit à propos de l'amendement n° 365, la commission ne souhaite pas l'application du principe site-personne aux consommateurs non domestiques. C'est pourquoi elle émet un avis défavorable.
Sur l'amendement n° 70, comme je viens de l'expliquer, le contrôle de l'application du principe site-personne aux entreprises étant difficile à mettre en oeuvre, il est délicat de permettre la réversibilité dans ces conditions.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demanderai, mon cher collègue, de retirer votre amendement, faute de quoi je serais contraint d'émettre un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 359, je précise que, d'une part, l'article 13 bis rend applicables aux petites entreprises les dispositions de protection des consommateurs prévues par le projet de loi et que, d'autre part, pour permettre une application pleine et entière des tarifs, il me semble préférable d'adopter l'amendement n° 357 sur lequel la commission a émis un avis favorable.
Je sollicite donc le retrait de l'amendement n° 359.
Enfin, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 360, 361, 362 et 364, qui ont le même objet. Ces amendements permettent d'offrir aux consommateurs domestiques une réversibilité, en cas de catastrophe naturelle pour le premier, de conflit armé pour le deuxième, de redressement judiciaire pour le troisième et de difficultés économiques pour le dernier.
Nous avons déjà débattu de la réversibilité et j'ai souligné qu'elle avait pour conséquence de refermer définitivement le marché. C'est également vrai dans les cas très précis que vous visez, mon cher collègue, dont certains ont un champ d'application assez large, compte du libellé des amendements, notamment celui qui tend à autoriser la réversibilité en cas de difficultés économiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. S'agissant de l'ensemble des amendements nos 350, 365, 363, 70, 359, 360, 361, 362 et 364, je me contenterai de formuler un commentaire général, car ils tendent tous au retour au tarif régulé.
Dans la situation actuelle, si l'on autorisait ce retour, de nombreux opérateurs n'auraient plus un seul client et ne devraient plus leur existence qu'aux subventions, qui constitueraient leur seul revenu d'activité, ce qui n'est absolument pas imaginable.
M. Roland Muzeau. Ils vivaient auparavant !
M. François Loos, ministre délégué. Je ne souhaite donc pas le retour systématique au tarif régulé, y compris dans les cas présentés par chacun de ces textes.
Pour cette raison de fond, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
En revanche, il donne un avis favorable sur l'amendement n° 21 rectifié de la commission.
Quant aux amendements nos 127 rectifié et 357, ils sont certes pertinents, mais la demande du consommateur non domestique est satisfaite de toute façon. C'est le sens du texte.
Par conséquent, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Roland Courteau. C'est déjà mieux !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 127 rectifié et 357.
(Les amendements sont adoptés.)
M. Daniel Raoul. À l'unanimité !
M. le président. Monsieur Deneux, l'amendement n° 70 est-il maintenu ?
M. Marcel Deneux. Non, monsieur le président, je le retire, puisqu'il est satisfait.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Merci !
M. le président. L'amendement n° 70 est retiré.
Monsieur Coquelle, les amendements nos 359, 360, 361, 362 et 364 sont-ils maintenus ?
M. Yves Coquelle. Non, monsieur le président, je les retire.
M. le président. Les amendements nos 359, 360, 361, 362 et 364 sont retirés.
Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 351, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nos inquiétudes sont grandes concernant l'inévitable augmentation des prix de l'énergie que les particuliers devront subir une fois que l'ouverture du marché de l'énergie sera totale.
Mais il se trouve que les Français eux-mêmes émettent des réserves croissantes quant à cette ouverture. En effet, une étude récente fait apparaître que de plus en plus de nos concitoyens s'interrogent sur la capacité du marché à améliorer le service public et à créer une véritable concurrence.
Trois Français sur quatre ne souhaitent pas changer de fournisseur d'énergie lors de l'ouverture des marchés. Seules 24 % des personnes interrogées affichent encore leur volonté de changement, contre 33 % en juin 2004.
En outre, la quasi-totalité des clients qui ont plongé dans le grand bain du marché souhaitent en sortir. Les gros industriels viennent, pour leur part, d'obtenir en partie satisfaction par la mise en place d'un consortium.
Comment est-il possible d'imposer aux particuliers un système qui n'a pas démontré - c'est un euphémisme - sa capacité à répondre aux attentes des clients ? Comment est-ce possible au moment où les gros consommateurs font tout pour y échapper ?
Certes, l'article 4 prévoit de maintenir des tarifs réglementés, mais plusieurs détails montrent que la volonté du Gouvernement n'est pas si claire.
Ainsi, aucun dispositif n'est prévu pour assurer la transparence de ces tarifs et pour vérifier qu'ils sont fondés sur les coûts constatés. Rappelons que la formule tarifaire actuelle, qui a pour base une modélisation virtuelle, surestime les hausses tarifaires.
Un tarif administré n'offre donc pas en soi une garantie, s'il n'est pas transparent et explicitement fondé sur les coûts ; il serait facile, dans un système opaque, de faire converger rapidement les tarifs administrés vers les prix de marché.
Notre position concernant les particuliers est donc la même que pour les professionnels : nous jugeons que le maintien de tarifs réglementés n'est qu'un artifice, qui n'atténuera en rien les méfaits de l'ouverture du marché énergétique en 2007.
C'est pourquoi nous demandons la suppression du paragraphe II de l'article 66 de la loi de juillet 2005 tel qu'il est prévu par l'article 4 du projet de loi, tout cela - vous l'avez compris - au bénéfice d'un grand service public de l'énergie.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 130 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 634 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Au début du II du texte proposé par le I cet article pour l'article 66 de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005, ajouter les mots :
Sauf renonciation expresse et écrite de sa part,
La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 130.
M. Daniel Raoul. Par cet amendement, nous souhaitons protéger le consommateur domestique des conséquences prévisibles de l'ouverture du marché. Aussi, nous proposons qu'il soit maintenu automatiquement dans le dispositif de tarif régulé.
Cette exigence est de mise lorsque l'on observe combien le Gouvernement a eu du mal à maîtriser les hausses de tarifs demandées par Gaz de France. C'est une chose que d'ouvrir le marché à la concurrence pour les entreprises qui sont grosses consommatrices d'énergie ; c'en est une autre que de l'ouvrir à tous les consommateurs.
Gageons que les acteurs de cette jungle sauront faire preuve d'ingéniosité pour cacher le fait que, durant les cinq dernières années, le tarif réglementé a augmenté de 10 %, alors que celui du marché libre a crû de 75,6 %, comme l'a rappelé notre collègue Roland Courteau, oenologue de l'Aude.
Comment croire que tous les consommateurs qui seront soumis, demain, à une folle concurrence commerciale sauront séparer le bon grain de l'ivraie, en toute connaissance de cause ?
M. Dominique Mortemousque. Très bien !
M. Daniel Raoul. C'est ce qui explique d'ailleurs la demande de notre collègue Daniel Reiner, élu de Meurthe-et-Moselle - les Marches de Lorraine -, pour une information claire et concise du consommateur.
L'ouverture à la concurrence du marché européen de l'électricité sur les tarifs appliqués aux entreprises éligibles a contraint le Gouvernement, dans la plus grande précipitation, à donner la possibilité à ces dernières de se regrouper afin d'acheter à moindre coût.
Comment ne pas tirer les conséquences de ce qui s'est passé pour ces entreprises ? Nous avons vu, ce soir, les contorsions qui sont nécessaires pour en atténuer les effets néfastes.
Dans un contexte où la précarité n'a cessé de s'aggraver, où de plus en plus de nos concitoyens connaissent de grandes difficultés pour vivre, comment ne pas redouter que, à la suite de la privatisation et de l'ouverture du marché envisagées, certaines familles ne basculent pas dans de plus sérieux problèmes financiers en cédant à des offres fallacieuses telles que celles qui nous ont été présentées ?
Parce que nous sommes réalistes, nous estimons donc absolument nécessaire que, sauf demande expresse de sa part, le maintien au tarif régulé du consommateur final domestique soit automatique.
M. le président. L'amendement n° 634 n'est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 128 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 632 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, après les mots :
pour un site
insérer les mots :
résidentiel domestique,
La parole est à M. Roland Ries, pour présenter l'amendement n° 128.
M. Roland Ries. Il s'agit d'un amendement de précision. Nous considérons, en effet, que si le mot « site » convient bien pour une entreprise, il paraît beaucoup moins pertinent pour les ménages.
Il nous semble donc nécessaire de préciser que tout consommateur, qu'il soit locataire ou propriétaire, et quel que soit le type de sa résidence, peut bénéficier de ces tarifs réglementés.
Je prends quelques exemples précis : qu'en sera-t-il si, demain, un locataire, dans une copropriété, se voit imposer l'éligibilité, alors qu'au regard de la législation actuelle aucun lien juridique direct n'existe entre la copropriété, ou l'administrateur de biens, et le locataire ?
De même, qu'en sera-t-il lorsqu'il s'agira d'un logement de fonction pour lequel les factures d'énergie sont acquittées par l'établissement de rattachement du logement - par exemple, l'entreprise, un centre hospitalier - ou bien par l'occupant ?
Nous pensons donc qu'il est nécessaire de préciser la notion de « site » pour les ménages, afin de prévenir toute confusion possible et tout contentieux. C'est pourquoi nous vous proposons de compléter la rédaction de l'article en introduisant les mots « résidentiel domestique ».
M. le président. L'amendement n° 632 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 778, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, remplacer les mots :
au 2° de
par le mot :
à
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 129 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 633 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter in fine le II du texte proposé par le I cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 par une phrase ainsi rédigée :
Il peut à tout moment renoncer à l'exercice de son éligibilité sans pénalité, en résiliant son contrat pour se fournir en énergie aux tarifs réglementés de vente, auprès des fournisseurs agréés.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 129.
M. Daniel Reiner. Nous sommes bien d'accord sur le fait que le consommateur domestique entre automatiquement dans le système réglementé. Cela dit, des cas particuliers peuvent se présenter.
Nous traitons actuellement du binôme « client-site », ou plutôt « client-résidence », ce dernier terme étant préférable quand il s'agit du consommateur domestique.
La faculté de renoncer au tarif éligible pour revenir au tarif régulé pourrait être offerte, par exemple, à un ménage qui ne changerait pas de résidence mais qui modifierait le nom du titulaire de l'abonnement, ce dernier passant, par exemple, du nom de l'époux à celui de l'épouse. En revanche, cette faculté serait évidemment interdite à un célibataire, à une personne vivant seule.
Nous proposons, pour notre part, de mettre tout le monde à égalité. En effet, l'on ne peut exclure l'hypothèse selon laquelle des consommateurs entreraient dans le système éligible parce qu'ils auraient mal rempli le formulaire qui leur a été fourni ou qu'ils auraient été éventuellement poussés par un agent commercial préférant vendre ce type de contrat.
Cet amendement tend donc à introduire une formule qui précise clairement que tout client domestique peut, à tout moment, renoncer à l'exercice de son éligibilité sans pénalité, en résiliant son contrat pour se fournir en énergie aux tarifs réglementés de vente auprès des différents fournisseurs agréés.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 131 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 635 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 par une phrase ainsi rédigée :
Les consommateurs domestiques qui ont fait usage de ce droit peuvent y renoncer sans pénalité, en résiliant leur contrat dans un délai d'un an à compter de la date de l'exercice de leur éligibilité, pour se fournir en électricité, sur une période minimale d'un an, aux tarifs réglementés de vente mentionnés à l'article 4 de la présente loi, auprès des fournisseurs agréés.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 131.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à protéger le consommateur domestique, qui, quoi que l'on puisse dire, risque de basculer dans le tarif non régulé.
Nous souhaitons donc poser des garde-fous et faire en sorte que le choix du tarif non régulé soit réversible en permettant aux ménages de revenir au tarif régulé dans un délai d'un an à compter de la date d'exercice de l'éligibilité.
En leur donnant la possibilité de se rétracter pendant une année, la disposition proposée devrait limiter les risques pour les ménages de quitter par erreur le tarif régulé.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 351, dont l'adoption menacerait la sécurité juridique des tarifs pour les particuliers à compter du 1er juillet 2007.
L'amendement n° 130, monsieur Raoul, est très largement satisfait par l'article 13 du projet de loi. En effet, les offres précontractuelles des fournisseurs d'électricité et de gaz devront faire mention de la nature réglementée ou non des prix proposés et du caractère irréversible de la renonciation aux tarifs régulés. Par ailleurs, l'exigence d'une renonciation expresse et écrite à ces tarifs, telle que vous la souhaitez, est également prévue à l'article 13 ou le sera, si l'amendement de la commission est adopté, à l'article 4.
Par conséquent, je vous demanderai, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
Monsieur Ries, l'amendement n° 128 apporte une précision qui me paraît inutile, le texte de l'article 4 étant, me semble-t-il, parfaitement clair : par définition, un site de consommation recouvre, pour un particulier, sa résidence principale ou secondaire.
Il n'y a donc pas lieu d'alourdir la rédaction de la loi. C'est la raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable.
Pour ce qui est de l'amendement n° 129, je rappellerai que, au cours des travaux menés par M. Jean-Claude Lenoir en tant que président du Conseil supérieur de l'énergie, un consensus s'est dégagé en faveur de la solution retenue dans le projet de loi, qui repose sur l'application de l'éligibilité, pour chaque consommateur, pour un site de consommation donné.
Il me semble que les associations de consommateurs ne l'ont pas contestée et qu'elles ont été pleinement associées aux travaux du Conseil. C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur Reiner, de retirer cet amendement ; dans le cas contraire, la commission émettrait un avis défavorable.
Monsieur Courteau, l'amendement n° 131 vise, lui aussi, à remettre en cause le principe de l'irréversibilité appliqué à un consommateur pour un site donné. Même sur cette version de repli par rapport à l'amendement précédent, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je m'étonne de l'amendement n° 351, dont l'adoption conduirait à supprimer une disposition visant à protéger les consommateurs domestiques en leur permettant de bénéficier de nouveau du tarif réglementé lorsqu'ils déménagent.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
L'amendement n° 130 est satisfait par d'autres dispositions du projet de loi, ainsi que l'a indiqué M. le rapporteur. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
Monsieur Ries, je considère que la notion de site est déjà suffisamment claire. En outre, elle peut signifier autre chose que « résidentiel domestique », puisque l'électricité ne concerne pas forcément des locaux d'habitation. Cette version large étant la plus avantageuse, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 128.
Le Gouvernement est, bien sûr, favorable à l'amendement rédactionnel n° 778 de la commission.
L'adoption de l'amendement n° 129, qui traite de la réversibilité pour les consommateurs domestiques, autoriserait ceux-ci à faire de multiples allers-retours entre tarifs et prix de marché sur le même site. Je ne le souhaite pas, car cela remettrait en cause la survie des opérateurs alternatifs à EDF et à GDF en les plaçant dans une insécurité économique permanente et conduirait à la suppression de toute incitation à l'investissement pour EDF et GDF ou pour leurs concurrents.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Même avis sur l'amendement n° 131, présenté par M. Courteau.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130.
M. Daniel Raoul. Je le retire, monsieur le président.
M. Roland Ries. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 128 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 778.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote sur l'amendement n° 129.
M. Daniel Reiner. J'entends bien les explications qui nous sont fournies. Je crois cependant que nous nous heurterons parfois à des cas difficiles. Je prendrai un exemple : un ménage a choisi l'éligibilité pour l'appartement qu'il occupe ; il divorce ; l'un des deux reste seul dans le logement et, se rendant compte qu'il ne peut pas tenir, demande le tarif réglementé. Que fait-on ? La formulation actuelle de l'article 4 rendra la solution difficile.
Si vous m'assurez, monsieur le ministre, que les cas de ce type seront traités « intelligemment », je suis prêt à retirer mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Reiner, vous avez raison : il y aura sûrement des cas difficiles tel celui que vous avez décrit, ou parce qu'on aura mal expliqué aux intéressés quels sont exactement leurs droits. Je ne le nie pas.
Néanmoins, l'amendement n° 129 est trop « facile », si je puis dire, car son adoption permettrait de passer à tout moment du prix du marché aux tarifs régulés. Cela reviendrait, en pratique, à supprimer le marché, situation que le Gouvernement ne souhaite pas. C'est la raison pour laquelle je reste défavorable à votre amendement.
Pour autant, je suis d'accord avec vous, monsieur Reiner : nous n'avons aucune garantie qu'il n'y aura jamais de problème.
M. le président. Monsieur Reiner, maintenez-vous votre amendement ?
M. Daniel Reiner. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 129 est retiré.
La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l'amendement n° 131.
M. Roland Courteau. Je crois savoir qu'en Espagne il est très facile de revenir au tarif régulé, que l'Allemagne semble s'apprêter à faire de même, et que les instances européennes n'ont pas réagi à cette situation. Pouvez-vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le confirmer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. L'Espagne fait l'objet d'une mise en demeure de la part de la Commission européenne, procédure dont on ignore pour l'instant sur quelle solution elle va déboucher. Mais ce n'est pas accepté.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.