sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
2. Saisine du Conseil constitutionnel
3. Loi de finances pour 2007. - Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances ; Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois.
MM. Adrien Giraud, Simon Loueckhote.
présidence de Mme Michèle André
M. Georges Othily, Mme Gélita Hoarau, M. Claude Lise, Mme Lucette Michaux-Chevry.
Suspension et reprise de la séance
M. Guy Fischer, Mme la présidente.
5. Loi de finances pour 2007. - Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. Jacques Gillot, Daniel Marsin, Jean-Paul Virapoullé, Serge Larcher.
6. Souhaits de bienvenue à une délégation du Parlement du Monténégro
7. Loi de finances pour 2007. - Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. Robert Laufoaulu, Soibahaddine Ibrahim, Denis Detcheverry.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer.
Amendements nos II-25 et II-24 de la commission. - MM. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Christian Cointat, Daniel Marsin, Denis Detcheverry, Philippe Marini. - Adoption de l'amendement no II-25.
Suspension et reprise de la séance
M. le rapporteur spécial. - Retrait de l'amendement no II-24.
Amendement no II-119 de M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. - M. Christian Cointat, le rapporteur pour avis. - Retrait.
M. le ministre.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Outre-mer ».
Articles 50 et 50 bis. - Adoption
Articles additionnels après l'article 50 bis
Amendements identiques nos II-26 rectifié bis de la commission, II-78 de Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, II-120 de M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, et II-194 de M. Claude Lise, rapporteur pour avis. - MM. Henri Torre, rapporteur spécial ; le ministre. - Adoption des quatre amendements insérant un article additionnel.
Amendement no II-166 de Mme Lucette Michaux-Chevry. - Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
Amendement no II-167 rectifié bis de Mme Lucette Michaux-Chevry. - Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no II-168 de Mme Lucette Michaux-Chevry. - Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
Amendement no II-226 rectifié de M. Jean-Paul Virapoullé. - MM. Jean-Paul Virapoullé, le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
8. Modification de l'ordre du jour
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mme la présidente.
9. Loi de finances pour 2007. - Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
MM. Roger Karoutchi, Gilbert Barbier, Mme Éliane Assassi, MM. Charles Gautier, François Zocchetto, Jean-Claude Carle, Louis Mermaz, Philippe Goujon, André Rouvière, Mme Catherine Troendle, MM. Paul Girod, Jean-Marie Bockel.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Roland du Luart
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.
Adoption des crédits de la mission « Sécurité ».
Article additionnel avant l'article 51 septies
Amendement no II-224 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué, Louis Mermaz. - Rejet.
MM. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances ; Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Mme Éliane Assassi, MM. Pierre-Yves Collombat, André Vallet, Paul Girod.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.
Amendement no II-212 de M. Robert Bret. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Rejet.
Amendement no II-195 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Retrait.
MM. le président de la commission, le ministre délégué.
Adoption des crédits de la mission « Sécurité civile ».
Article 51 septies. - Adoption
10. Retrait de l'ordre du jour d'une question orale
11. Transmission d'un projet de loi organique
12. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 5 décembre 2006, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative au financement de la sécurité sociale pour 2007.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine est disponible au bureau de la distribution.
3
Loi de finances pour 2007
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 77 et 78).
Outre-mer
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 50 et 50 bis).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de la mission « Outre-mer » est pour nous chaque année l'occasion d'échanger et de confronter nos points de vue sur les départements et les collectivités.
Le débat a commencé en quelque sorte samedi dernier, avec la présentation par la commission des finances et la commission des affaires sociales de deux amendements relatifs à l'indemnité temporaire. Je tiens à souligner la qualité du débat qui a eu lieu. Nous devrions enfin pouvoir avancer sereinement sur ce point, éclairés par les conclusions du rapport d'audit et par les déclarations du ministre délégué au budget.
Mes chers collègues, l'effort total de la nation en faveur de l'outre-mer s'élève à environ 15 milliards d'euros par an, dont 2,5 milliards d'euros de dépenses fiscales et 2 milliards d'euros pour la mission « Outre-mer » proprement dite.
En ce qui concerne plus spécifiquement la mission, je tiens à souligner d'emblée la relative obscurité de la présentation budgétaire. Le ministre de l'outre-mer a d'ores et déjà annoncé à l'Assemblée nationale que le budget serait modifié lors de l'examen du collectif, sur lequel nous nous prononcerons dans quelques jours. Il est donc inutile aujourd'hui de donner d'autres éléments que de grandes tendances qui, par ailleurs, s'inscrivent clairement dans la continuité.
Ainsi, on peut diviser les crédits de l'outre-mer en trois catégories.
La première catégorie, les aides à l'emploi, représente plus de la moitié des crédits de paiement, avec des dispositifs tout à fait efficaces et reconnus comme le service militaire adapté. Sans vouloir m'appesantir sur ce point, je tiens cependant à souligner que l'efficacité des exonérations de charges sociales semble avoir tendance à s'éroder avec le temps ; ce constat vaut aussi en métropole.
Une commission nationale d'évaluation, présidée par notre éminent collègue Simon Loueckhote et dont le rapporteur est le député de la Réunion, Bertho Audifax, étudie actuellement ces questions, et je tiens à rendre un hommage tout particulier au travail qu'elle mène, le rapport d'étape étant déjà remarquable.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Henri Torre, rapporteur spécial. J'en viens à la deuxième catégorie : les dotations aux collectivités. Sur ce point, le ministère a peu d'influence, un grand nombre d'entre elles relevant de dispositions législatives antérieures ou de lois organiques. Je constate cependant que leur évolution est conforme aux règles établies.
La troisième et dernière catégorie intègre plusieurs actions directement gérées par le ministère, notamment le logement sur lequel je m'attarderai quelques instants.
J'ai présenté devant la commission des finances, le 22 novembre dernier, les conclusions d'une mission d'information que j'ai menée sur les politiques en faveur du logement en outre-mer. Cette mission m'a conduit en Guadeloupe et en Guyane, afin de comprendre au mieux les enjeux de ce dossier, crucial pour les populations, mais aussi pour les économies ultramarines, qui sont insuffisamment diversifiées ; les activités de construction, qui ne sont pas délocalisables, constituent un acquis certain.
Le principal constat de ce rapport est que le logement traverse aujourd'hui une crise grave. Les élus d'outre-mer, toutes tendances confondues, l'ont signalé - il faut leur rendre cet hommage - et ont essayé de trouver des solutions pour parer au plus pressé.
Cette crise a une double origine.
D'une part, elle provient d'une gestion insuffisamment rigoureuse des crédits consacrés à l'outre-mer, mais je ne voudrais pas trop insister sur ce point, d'autant que l'outre-mer a été tenu à l'écart des grands mouvements de la métropole, en particulier du plan de cohésion sociale. Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement laissent apparaître que l'écart résultant de cette gestion est compris entre 450 millions d'euros et 800 millions d'euros. Nous avons voté trop d'engagements par rapports aux crédits disponibles ; c'est de cette situation que résulte la crise.
D'autre part, les outils sont mal adaptés, au mieux mal évalués, comme la défiscalisation dont les effets discutables sont aujourd'hui évidents.
Je rappelle tout de même que la défiscalisation en matière de logement représente 180 millions d'euros par an, soit autant que les crédits de paiement consacrés à ce secteur. C'est considérable, mais la défiscalisation n'a pas que des effets positifs. Elle a entraîné une hausse des coûts des terrains et de la construction. Il convient donc d'apprécier son efficacité avec beaucoup de rigueur et de perspicacité.
Un consensus semble se dégager sur la nécessité de recentrer le bénéfice de la défiscalisation sur le logement social, ce qui nous permettra, du moins je l'espère, d'alléger quelque peu les problèmes dans ce domaine.
On a assisté depuis 2001 à un double mouvement : des autorisations de programme ont été votées, tandis que les crédits de paiement ne suivaient pas le même rythme. Les autorisations de programme ont été engagées. Le résultat, c'est une dette, étalée certes sur plusieurs années, d'un montant compris entre 450 millions et 800 millions d'euros et correspondant à toutes les autorisations de programme engagées par le ministère. Il faudra bien les honorer, dans le futur ! À la fin de l'année 2005, le total des factures impayées s'élevait à 60 millions d'euros ; il sera peut-être de 100 millions d'euros à la fin de cette année.
Si l'on veut faire la part des choses, on peut avancer que, avant 2002, les crédits étaient peu consommés, que le ministère a pris des mesures très intéressantes afin d'améliorer sa gestion, mais que certaines « promesses » n'ont pas pu être tenues.
Je tiens ici à rendre un hommage particulier aux personnes que j'ai pu rencontrer lors de mon déplacement, notamment à celles qui travaillent dans les zones insalubres et qui mènent avec un grand dévouement une action nécessaire et difficile : il est de notre devoir de leur donner les moyens d'agir.
À ce sujet, le Premier ministre, lors de son voyage aux Antilles, a pris un certain nombre d'engagements, dont celui d'abonder de 120 millions d'euros les crédits en faveur du logement. Monsieur le ministre, vous avez apporté des précisions lors de la discussion à l'Assemblée nationale des crédits de l'outre-mer. Nous attendons de votre part tous les éclairages possibles.
À ce stade, voici ce que l'on peut en dire, sous votre contrôle, monsieur le ministre, et j'espère que vous aurez au cours du débat l'occasion de nous apporter les compléments d'information nécessaires.
Afin d'honorer la dette de l'État - il s'agit effectivement d'impayés -, vous avez dégagé 60 millions d'euros, en provenance pour moitié de la Caisse des dépôts et consignations, grâce à un prélèvement sur les sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI, et pour moitié de crédits budgétaires proprement dits, dont une partie vient de fonds de tiroirs que vous avez raclés et une autre partie d'une anticipation de 12 millions d'euros sur ce qui va être prévu dans le collectif budgétaire. Vous soldez une partie de la dette, c'est bien, car celle-ci devient inquiétante : je le répète, elle porte atteinte non seulement au logement social, auquel nous sommes attachés, mais également à l'économie locale, qui s'appuie fortement sur la construction de logements.
Nous nous posons cependant une question. D'après vos déclarations, 60 millions d'euros supplémentaires seraient ouverts en autorisations d'engagement dans le collectif pour 2006, et 60 millions ensuite répartis sur 2007, 2008 et 2009. Mais, pour « couvrir » la première tranche de 60 millions d'euros - cela figure dans le collectif, je ne l'invente pas -, vous avez inscrit 25 millions d'euros de crédits de paiement. Ces 25 millions étant déjà amputés des 12 millions prélevés pour faire face à la situation que j'ai décrite, il vous resterait théoriquement, en 2007, par rapport aux crédits inscrits au projet de budget, outre le supplément de 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement, seulement 13 millions d'euros de crédits de paiement. Cela signifie que la situation que nous déplorons aujourd'hui ne va pas s'améliorer ! Les chiffres que je viens de citer me paraissent indiscutables ; aussi, monsieur le ministre, j'attends que vous nous apportiez des précisions sur ce sujet.
L'initiative que vous avez prise avec le Premier ministre appelle de ma part deux remarques.
La première est qu'il est extrêmement satisfaisant que le Premier ministre et vous-même ayez entendu les appels lancés par les élus d'outre-mer et par nous tous. Il faut vous rendre cet hommage, monsieur le ministre : les engagements de l'État en 2006 seront beaucoup mieux tenus, grâce à l'apport cette année de ces 60 millions d'euros en crédits de paiement, c'est exact. Il s'agissait d'une nécessité absolue pour l'activité locale ; encore fallait-il qu'elle se traduise sur le plan budgétaire ! C'est aujourd'hui le cas, l'incertitude ne valant que pour l'année prochaine.
Ma seconde remarque sera plus nuancée. J'ai eu le sentiment, lors de l'élaboration du rapport d'information, qu'on avait laissé se creuser depuis plusieurs années un écart sans cesse croissant entre les autorisations de programme, devenues autorisations d'engagement, et les crédits de paiement. Cet écart a conduit de nombreux entrepreneurs au bord de la faillite, tant l'État a eu du mal à honorer sa parole.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Je constate un progrès depuis que vous avez abordé ce sujet à l'Assemblée nationale, et le projet de budget pour 2007 montrait un début de sagesse en ramenant l'écart de 97 millions d'euros en 2006 à 45 millions d'euros en 2007 ; c'est intéressant. Mais je constate également que vous recréez l'écart par ailleurs, puisque le supplément d'autorisations d'engagement promis par le Premier ministre est de 60 millions d'euros, alors que les crédits de paiement restent à 13 millions d'euros. Sur ce point aussi, monsieur le ministre, nous serons tous extrêmement attentifs à vos réponses.
Nous discuterons cet après-midi de deux amendements que je propose sur ce sujet du logement et qui visent, le premier à prélever 3 millions d'euros sur l'un des chapitres de votre budget, le second à diminuer de 10 millions d'euros les autorisations d'engagement, non pas pour porter préjudice au logement outre-mer, puisque notre but est au contraire d'en améliorer la situation, mais pour essayer de ramener à plus de raison dans les évaluations budgétaires.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, veuillez conclure, je vous prie.
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Je conclus, monsieur le président.
D'après ce que j'ai pu constater, l'outre-mer ne semble pas pouvoir se « payer le luxe » d'une crise de trésorerie des opérateurs sociaux à intervalles réguliers. Or, je le répète, monsieur le ministre, avec 60 millions d'euros en autorisations d'engagement et 13 millions d'euros en crédits de paiement, l'écart sera non plus de 45 millions d'euros, mais de plus de 90 millions d'euros. Ce n'est pas supportable. Je vous fais confiance, et j'attends sur ce point vos explications.
Comme vous l'avez compris, ma démarche se veut constructive et responsable. J'ai vu sur place des situations humainement intolérables, tandis que l'État peine à honorer sa parole. Mieux vaut prendre le temps de mener les négociations nécessaires et de disposer d'une programmation pluriannuelle réaliste des crédits, comme cela a été réalisé pour la métropole avec le plan de cohésion sociale, sous peine de briser un secteur économique et de porter atteinte à la confiance que nous attendons des populations.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, je recommande l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Claude Lise, rapporteur pour avis.
M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l'attente de leur modification annoncée et après les minorations de crédits adoptées par l'Assemblée nationale, les dotations de la mission « Outre-mer », telles qu'elles nous sont soumises, s'élèvent à 2,02 milliards d'euros en autorisations d'engagement, en baisse de 14,4 %, et à 1,95 milliard d'euros en crédits de paiement, en baisse de 2 %.
Certes, ces crédits ne représentent qu'une fraction des dépenses publiques affectées à l'outre-mer, évaluées à 12,4 milliards d'euros en crédits de paiement pour 2007. Mais il ne s'agit là que d'une évaluation. Il faut noter à ce propos que la variation entre le précédent projet de budget et celui-ci porte tout de même sur 1 milliard d'euros !
Cela m'amène, monsieur le ministre, à évoquer les critiques de la Cour des comptes sur la coordination, le suivi et l'évaluation des dépenses publiques outre-mer.
Ces critiques, je le sais, ont été entendues : vous avez entrepris une réorganisation de vos services, et une nouvelle mission d'audit de modernisation est chargée de proposer la mise en place d'un outil de suivi des dépenses adapté au cadre de la LOLF. Je m'en félicite, et j'espère que ce nouvel outil permettra aussi d'améliorer l'information du Parlement et la qualité des réponses aux questionnaires budgétaires.
J'ai centré mon rapport pour avis sur l'emploi et le logement, deux sujets cruciaux pour l'outre-mer qui sont également au coeur des interrogations sur l'évaluation de l'action publique soulevées aussi bien par les audits de modernisation que par les travaux sur l'application de la loi de programme menés par le Conseil économique et social et la commission nationale d'évaluation, sans oublier, sur la question du logement, le remarquable rapport d'information de notre collègue M. Henri Torre, rapporteur spécial.
En ce qui concerne le soutien à l'emploi et à l'activité économique, on peut regretter, outre la régression de 5 % des crédits, les déficiences constatées en matière de pilotage, de contrôle et d'évaluation de dispositifs indispensables à la compensation des handicaps qui affectent l'économie ultramarine : l'exonération de charges sociales et la défiscalisation de l'investissement productif. J'espère, monsieur le ministre, que les travaux de la commission nationale d'évaluation permettront de mieux cibler ces dispositifs, de les affiner et de les inscrire dans une véritable stratégie de développement économique outre-mer.
Je voudrais surtout faire état de nos inquiétudes concernant le logement.
Confirmant les analyses des élus d'outre-mer, un audit de modernisation et les travaux de notre collègue M. Henri Torre ont révélé toute la gravité de la situation. Je crains, avec regret, que les mesures actuellement envisagées ne soient pas à la hauteur de cette situation.
Le Premier ministre a annoncé, et nous nous en félicitons, l'apurement avant la fin de mars 2007 de la dette exigible de l'État, soit 113 millions d'euros, et l'extension outre-mer du plan de cohésion sociale.
Mais, pour apurer la dette, il reste à trouver 53 millions d'euros. S'ils sont pris sur les crédits de paiement pour 2007, que la loi de finances rectificative n'augmentera que de 13 millions d'euros, que restera-t-il pour l'application outre-mer du fameux plan de cohésion sociale ?
À plus long terme, je m'inquiète, monsieur le ministre, du réalisme des solutions que vous avez évoquées à l'Assemblée nationale pour trouver de nouvelles sources de financement.
L'orientation vers le logement social de la défiscalisation « logement » ? Je crains qu'elle ne séduise pas plus qu'aujourd'hui les investisseurs.
Une intervention accrue de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH ? Elle aurait sans doute pour contrepartie une diminution des crédits de la ligne budgétaire unique.
Une augmentation des concours du 1 % logement, que le rapport d'audit voudrait multiplier par six ? Une telle évolution, qui devrait être décidée par les partenaires sociaux, est-elle vraisemblable ?
Enfin, monsieur le ministre, en même temps qu'il a annoncé la réunion annuelle d'une conférence nationale sur le logement outre-mer, ce qui est une bonne idée, le Premier ministre a laissé présager un retour au ministère du logement de la gestion de la ligne budgétaire unique. Cela retirerait à votre ministère une compétence essentielle, dans un domaine où l'outre-mer connaît des difficultés spécifiques. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Je conclurai mon propos en indiquant que, en dépit des réserves exprimées par son rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas répéter les chiffres que nous venons d'entendre et que nous entendrons sans doute encore au cours de ce débat. La commission des affaires sociales les a estimés fort satisfaisants dans le contexte de contrainte financière que nous connaissons.
Il est un chiffre sur lequel je souhaite attirer l'attention, car il est un révélateur fiable de l'attention que porte la nation à l'outre-mer : le budget de la mission « Outre-mer » ne représente que 13 % environ de l'effort budgétaire, financier et fiscal global de l'État en sa faveur. C'est un défi pour vous, monsieur le ministre, puisque, au-delà de la gestion des crédits dont vous assurez la gestion directe, il vous faut assumer un rôle de mobilisation et d'animation interministérielles dont les rapports des missions d'audit de modernisation commanditées par le ministère des finances dans notre domaine montrent toute la difficulté et la subtilité. Je pense en particulier au rapport publié en avril dernier sur la politique du logement social outre-mer.
Le reproche a été fait, injustement à mon sens, au ministère de l'outre-mer, de ne pas avoir défini une politique adaptée pour accompagner la gestion des crédits du logement social qui lui ont été transférés il y a une dizaine d'années.
Alors, au-delà des annonces très positives faites par le Premier ministre en octobre aux Antilles, je pense à l'extension à l'outre-mer du volet logement du plan de cohésion sociale avec un financement de 120 millions d'euros sur trois ans, au-delà de la décision d'apurer, avant le 31 mars 2007, la dette de la ligne budgétaire unique en mobilisant 40 millions d'euros dès 2006, au-delà de la décision de réduire à l'avenir l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement dans le secteur du logement, au-delà de ces initiatives excellentes et bienvenues, comment envisagez-vous, monsieur le ministre, alors que la mise en oeuvre outre-mer du volet logement du plan de cohésion sociale ne vous sera pas forcément confiée - si je me réfère aux propos que vous avez tenus devant la commission des affaires sociales - comment pensez-vous centrer encore plus efficacement l'action de l'État sur l'accroissement dynamique du parc des logements locatifs sociaux, et avec quels objectifs quantitatifs ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous confirmer que les crédits de paiement de l'enveloppe annoncée par le Premier ministre s'élèveront bien à 13 millions d'euros pour 2007, et les autorisations d'engagement à 60 millions d'euros ? Pourriez-vous aussi nous assurer que les inscriptions budgétaires nécessaires seront faites dans le collectif de fin d'année avant d'être reportées ensuite sur le budget pour 2007 ? C'est que nous avons parfois tendance à nous perdre dans les méandres de la procédure budgétaire.
Vous avez indiqué à l'Assemblée nationale que les crédits du logement social pour 2007 s'élèveront en fin de compte à 281 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 201 millions d'euros en crédits de paiement. J'observe avec satisfaction que nous nous rapprochons ainsi, au moins du côté des autorisations d'engagement, du besoin de financement annuel global de 307 millions d'euros évalué par la mission d'audit dans la perspective d'un programme annuel de constructions neuves d'un peu plus de 7 000 logements en locatif social et en accession, et d'un programme de réhabilitation de 5 000 logements.
Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, de quels mouvements résultera, à partir des 175,7 millions d'euros affectés à l'action « Logement » dans le projet de budget, l'enveloppe de 201 millions d'euros en crédits de paiement que vous avez mentionnée à l'Assemblée nationale ?
Je me suis quelque peu attardée sur la politique du logement, ce qui se justifie par la situation particulière de l'outre-mer ; je vais donc devoir évoquer très rapidement les crédits de l'emploi, qui représentent près de 60 % de votre budget.
Cette politique repose très largement sur les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale : 823 millions d'euros prévus en 2007, soit un peu moins que les 830 millions d'euros inscrits en 2006. Lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que cette baisse n'entraînera pas de remise en cause du dispositif institué par la loi de programme et que la souplesse de gestion offerte par la LOLF permettra de financer les engagements de l'État. Nous en prenons acte.
Au vu des évaluations disponibles cette année, nous continuons à tenir très fermement au dispositif de la loi de programme.
En ce qui concerne les exonérations spécifiques à l'outre-mer, deux évaluations ont été menées en 2006 : l'une par le Conseil économique et social, l'autre dans le cadre des audits de modernisation. Elles constatent toutes les deux l'opportunité de ne pas bouleverser l'économie du système en place.
De fait, les exonérations de cotisations sont manifestement pour quelque chose dans la baisse du chômage dans les départements d'outre-mer : je rappelle que le nombre d'emplois salariés dans le secteur marchand a augmenté l'an dernier de 2,2 %, soit un taux trois fois et demi supérieur à celui de la métropole. J'ajoute que le mécanisme d'exonération a fait notablement reculer le travail clandestin.
Pour conclure, j'aimerais insister sur les efforts consentis les années passées, et confirmés en 2007, en faveur du service militaire adapté, le SMA. Il est sur de bons rails, nous en sommes satisfaits.
En fonction de l'ensemble de ces éléments et de bien d'autres dont notre commission a dûment pris connaissance, la commission des affaires sociales s'est prononcée en faveur de l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2007.
Elle a aussi adopté, à l'instar des autres commissions concernées et pour améliorer notre information commune, un amendement prévoyant la mention, dans le document de politique transversale consacré à l'outre-mer, de renseignements qui figuraient autrefois dans les anciens « jaunes budgétaires », et qui restent indispensables aux travaux de vos rapporteurs. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre excellent collègue Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances, ayant parfaitement explicité les crédits de la mission « Outre-mer », je me limiterai à quelques considérations au nom de la commission des lois.
Tout d'abord, nous pouvons noter que l'effort global de l'État en faveur de l'outre-mer est relativement stable, en dépit d'une conjoncture portant aux économies, avec un accent particulier sur l'emploi, dont on mesure déjà les améliorations obtenues, sur le logement social pour lutter contre l'habitat insalubre et sur le développement des collectivités territoriales.
Ce budget traduit l'engagement concret et soutenu de l'ensemble des pouvoirs publics en faveur de l'outre-mer et son écoute des élus de l'outre-mer. On peut donc s'en féliciter.
En revanche, nous sommes encore loin du compte en matière de transparence, qui est pourtant l'un des objectifs des nouvelles dispositions budgétaires.
Non seulement la mission « Outre-mer » ne représente qu'environ 15 % du total des crédits consacrés aux ultra-marins, mais les documents budgétaires sont loin d'être explicites. Les justificatifs doivent être substantiellement améliorés. La commission des lois présentera un amendement dans ce sens.
Quant à la structure du budget, on peut se demander s'il ne serait pas souhaitable de regrouper au sein de cette mission, pour une meilleure lisibilité, l'ensemble des crédits destinés à l'outre-mer ou, à tout le moins, de créer une mission interministérielle.
Je voudrais maintenant vous convier à faire avec moi un rapide tour du monde, non pas en quatre-vingts jours ni en quatre-vingts minutes, mais seulement pendant le temps de parole qui me reste.
Commençons par les départements et régions d'outre- mer. Ils consomment environ les trois quarts de l'effort global de l'État compte tenu de leur population. La Réunion reste le premier bénéficiaire avec 43 %, suivie de la Guadeloupe avec 27 %, de la Martinique avec 19 % et de la Guyane avec 11 %. Leur budget total progresse légèrement par rapport à 2006 avec une répartition relativement stable entre les différentes missions qui concourent à leur financement.
La décentralisation est en marche avec le vote par le Sénat des projets de loi organique et ordinaire sur les dispositions institutionnelles leur ouvrant la voie des habilitations dans le domaine de la loi et celle de la démocratie locale.
L'accession de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy au statut de collectivité d'outre-mer aura des répercussions sur la Guadeloupe qui demandera la compréhension de l'État. De même, ainsi que le Sénat l'a rappelé lors du débat sur les projets de lois précités, un effort financier de l'État sera nécessaire pour accompagner Saint-Martin dans son développement.
L'immigration clandestine est un grand sujet de préoccupation tout particulièrement en Guyane et en Guadeloupe, où Saint-Martin apparaît comme une porte grande ouverte compte tenu de sa frontière « libre » avec la partie néerlandaise de l'île.
On peut donc noter avec satisfaction l'accroissement prévu des moyens humains, matériels et juridiques dans ce secteur. N'oublions pas que la lutte contre l'immigration clandestine passe également par l'aide au développement des pays sources. Dans ce contexte, l'aide à la coopération régionale y compris pour les collectivités d'outre-mer mérite d'être encouragée. La commission des lois présentera un amendement à cet effet.
On assiste à une stabilisation de la délinquance dans les départements d'outre-mer - à l'exception de la Guyane, notamment en raison de cette pression migratoire illégale - et on note une amélioration de la situation carcérale par une baisse du nombre de détenus et l'aboutissement d'investissements en matière pénitentiaire. Trois projets sont bien avancés. Ils concernent la Guyane, la Martinique et la Réunion.
Poursuivons maintenant, mes chers collègues, notre voyage vers les collectivités d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises.
Mayotte est en marche vers la départementalisation ainsi que la modernisation de son statut le prévoit. Toutefois, préalablement à ce « passage », la révision de l'état civil doit être menée à bien. Des moyens sont ainsi prévus dans le budget afin d'accélérer les travaux de la commission chargée de cette tâche immense et complexe, et nous nous en félicitons.
La lutte contre l'immigration clandestine fait également l'objet d'un effort tout particulier, Mayotte comme la Guyane et la Guadeloupe, est particulièrement touchée en la matière.
Enfin, on ne peut terminer cette brève visite à cette collectivité sans évoquer, monsieur le ministre, la nécessité de procéder à son désenclavement pour favoriser son développement économique ; cela soulève évidemment la question de l'aéroport et des liaisons avec la métropole.
Après la chaleur des Caraïbes et de l'océan Indien, rendons-nous un instant vers la fraîcheur de l'Atlantique nord où se trouve la plus petite collectivité d'outre-mer à savoir Saint-Pierre-et-Miquelon.
Son statut est en cours de modernisation grâce aux projets de loi organique et ordinaire en cours de discussion. Mais le problème central qu'il convient de résoudre est celui de son développement économique depuis la réduction drastique des quotas de pêche. Des efforts en matière d'aquaculture sont entrepris. L'exploitation des hydrocarbures à proximité de l'archipel ouvre de nouvelles perspectives qu'il serait utile de saisir le plus rapidement possible. Une coopération régionale étroite avec le Canada ne peut qu'être porteuse.
Revenons vers les régions chaudes de la planète en nous dirigeant cette fois vers le Pacifique et la Polynésie française.
Malgré une certaine stagnation du secteur touristique, on peut noter un redressement de la situation économique, notamment grâce à une forte croissance de la perliculture. La modernisation des communes poursuit son cours afin de leur permettre de devenir des collectivités de plein exercice. On peut s'en réjouir.
Comme dans le reste de l'outre-mer, on assiste globalement à une baisse de la délinquance, mais avec une relative augmentation des agressions de rue, qui donne un sentiment d'insécurité aux citoyens.
Les îles Wallis et Futuna restent la seule collectivité d'outre-mer à ne pas avoir de modernisation de statut effective ou en cours. Sa structure coutumière l'explique, mais il faudra bien dans un délai raisonnable, après les consultations et concertations nécessaires et au premier chef avec nos collègues parlementaires, mettre cette collectivité en conformité avec les nouvelles dispositions constitutionnelles en vue d'un développement aussi harmonieux que possible, bien entendu dans le respect des spécificités locales. Il y va de son intérêt comme de celui des citoyens. C'est d'autant plus nécessaire que l'aide de l'État est indispensable en raison de la faiblesse structurelle de l'activité économique.
En outre, avec Saint-Pierre-et-Miquelon, la collectivité des îles Wallis et Futuna peut s'enorgueillir du taux de délinquance le plus bas de la République française.
Restons dans le Pacifique pour une rapide incursion en Nouvelle-Calédonie. L'avenir du territoire repose sur le rééquilibrage économique entre le nord et le sud, le nickel restant au centre de ce développement.
Le projet d'usine du sud pour l'exploitation des latérites continue à progresser, malgré quelques difficultés en matière de garantie pour la protection de l'environnement d'autant plus sensibles que le classement du récif corallien au patrimoine mondial de l'humanité est largement souhaité.
Quant à l'usine du nord, absolument vitale pour ce rééquilibrage, elle est encore soumise aux aléas des offres publiques d'achat, les OPA, intervenues dans le secteur du nickel. Certes, des engagements ont été pris par le nouveau partenaire, mais il importe que les incertitudes soient rapidement levées. L'enjeu est trop important, monsieur le ministre, pour que l'État ne se montre pas d'une très grande vigilance.
En matière de délinquance, la situation est comparable à celle de la plupart des autres collectivités, c'est-à-dire, il faut le souligner, avec un taux inférieur à celui de la métropole, même s'il est encore trop élevé.
Quant à la situation carcérale qui était catastrophique, elle devrait rapidement s'améliorer avec les projets d'extension et de rénovation largement engagés.
Enfin, nous terminerons notre voyage avec les régions le plus froides de la République française, à savoir les Terres australes et antarctiques françaises.
Non seulement elles apportent une immense zone économique exclusive à notre pays dans l'océan Indien et les mers voisines, elles lui donnent le statut de l'un des cinq États possessionnés de l'Antarctique, mais elles lui offrent un extraordinaire laboratoire de recherche pour mieux connaître notre planète.
Une telle richesse pour la sauvegarde du monde de demain demande donc quelques efforts financiers pourtant bien modestes face aux défis de l'environnement. Nous pouvons donc nous féliciter de l'action de notre pays en ce domaine.
Avec ces remarques, la commission des lois vous recommande d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 59 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Adrien Giraud.
M. Adrien Giraud. Nous le savons tous depuis longtemps, et vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent qu'une part modeste des ressources consacrées par l'État à l'outre-mer français.
Le budget du ministère de l'outre-mer ne dépasse guère, suivant les années, 10 % à 15 % de l'effort financier global en faveur de nos départements et collectivités d'outre-mer.
Mais la discussion et le vote de ce budget, aujourd'hui soumis à l'examen de la Haute Assemblée, demeurent l'occasion, encore trop rare, d'une réflexion d'ensemble sur la place et le rôle de l'outre-mer dans la France d'aujourd'hui et de demain, mais aussi sur nos objectifs particuliers comme sur les moyens que la nation entend y consacrer.
C'est dire combien il est essentiel, en raison des contraintes budgétaires que nous connaissons actuellement, que chacun puisse dégager et faire connaître à la représentation nationale et au Gouvernement, nos véritables priorités. C'est tout le sens du débat budgétaire ; c'est toute la portée que les Mahorais en attendent.
À cet égard, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objectif prioritaire demeure plus que jamais pour Mayotte, l'accession au statut de département français d'outre-mer.
Notre détermination ne faiblira pas, monsieur le ministre. Encore faut-il que nous obtenions les moyens de cette politique.
Mon intervention dans le débat de ce jour n'a pas d'autre objet.
Monsieur le ministre, il est désormais urgent de sortir des ambiguïtés et des contradictions où l'on cherche, depuis toujours, à enfermer Mayotte et les Mahorais.
Ainsi, la possibilité d'accéder au statut départemental, offerte par les lois de 1976 et de 1979, nous a été refusée, au motif que Mayotte souffrait de trop nombreux retards sur le plan du développement tant économique que social et sociétal.
Mais, quand les élus mahorais réclament, depuis de très longues années, les moyens d'une véritable politique de rattrapage, il leur est invariablement répondu que, en l'absence de statut de département d'outre-mer, Mayotte ne saurait les obtenir. Il en est ainsi des fonds structurels européens, qui constituent actuellement l'un des principaux éléments du financement du développement de l'outre-mer français.
En vertu des traités communautaires, la collectivité départementale de Mayotte fait partie des PTOM, les pays et territoires d'outre-mer. Elle est par conséquent tributaire du Fonds européen de développement, le FED, au même titre que les pays indépendants d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ou pays ACP, qui en sont les principaux bénéficiaires, grâce à un régime d'association à l'Europe.
En revanche, les départements français d'outre-mer sont des régions ultrapériphériques, des RUP, de la Communauté européenne et relèvent à ce titre des fonds structurels européens, lesquels visent plus précisément à réduire où à effacer les « handicaps structurels » affectant le développement de certains territoires ou régions.
Cette situation appelle de ma part une double observation.
De 2000 à 2006, l'Union européenne a accordé, au titre des fonds structurels réservés aux RUP, près de 390 millions d'euros au département de la Guyane - ne m'en voulez pas, cher collègue Georges Othily, mais je suis obligé de faire cette comparaison -, dont le nombre d'habitants est très proche de celui de Mayotte.
M. Georges Othily. Il n'y a pas de mal !
M. Adrien Giraud. Notre collectivité départementale, quant à elle, recevra, entre 2004 et 2008, environ 15 millions d'euros du FED. Cette comparaison n'a qu'une valeur indicative, mais, à mes yeux, monsieur le ministre, elle suffit à faire apparaître une inégalité de traitement qui ressemble fort à une injustice.
Au sein même de la nation française, la Communauté européenne aide beaucoup moins ceux qui en ont le plus besoin : ainsi, le département de la Réunion - je demande également à mes collègues de la Réunion de bien vouloir m'excuser pour cette nouvelle comparaison - s'est vu allouer, dans la même période, 1,5 milliard d'euros, soit cent fois plus que Mayotte.
Pour tenter de justifier de tels écarts, de savants juristes - ou prétendus tels - nous expliquent que les DOM français sont des régions ultrapériphériques, alors que Mayotte ne l'est pas. « Voilà pourquoi votre fille est muette ! » dirait Molière.
En réalité, monsieur le ministre de l'outre-mer, il est plus que temps de corriger cette anomalie, qui demeure, en dépit de nombreuses requêtes, un véritable obstacle aux progrès de la collectivité départementale de Mayotte. Il faut tenir compte des réalités économiques et sociales, ainsi que des retards structurels, évidents, au lieu de s'en tenir à des critères juridiques, nécessairement abstraits.
Comme le Président de la République s'en est lui-même expliqué lors de son dernier voyage officiel à Mayotte, à l'instar de plusieurs de vos prédécesseurs, l'engagement a été pris de négocier auprès de la Commission européenne l'éligibilité de notre collectivité départementale aux fonds structurels.
Monsieur le ministre, je vous ai moi-même interrogé sur l'évolution de ce dossier si important à nos yeux. Vous en conviendrez sans doute, pour le développement de leur territoire, les Mahorais n'ont obtenu jusqu'ici que des réponses très évasives et, finalement, incertaines. Il n'est pas douteux que la question du statut européen de Mayotte figurera, pour nous, au nombre des enjeux des prochaines consultations nationales.
En attendant, une nouvelle occasion se présente à vous de régler enfin ce problème qui n'a que trop duré.
Lors de votre récente audition par la commission des lois du Sénat, vous avez indiqué que vos services avaient reçu la mission d'engager avec la Commission européenne les négociations destinées à permettre aux collectivités antillaises de Saint-Martin et Saint-Barthélemy de conserver, en dépit de leur changement de statut, le bénéfice des fonds structurels européens pour la période 2007-2013.
Cette indication est pour nous fort éclairante : elle signifie que le statut départemental n'est pas, comme on l'a souvent prétendu, une condition d'octroi des fonds structurels européens.
En conséquence, au nom des Mahorais, je vous demande de bien vouloir évoquer devant la Commission européenne le dossier de Mayotte, en même temps que celui de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Selon nous, l'argument est simple : aucun territoire ne peut être plus ultrapériphérique que Mayotte, en raison des distances, de l'insularité, des retards historiques et des handicaps structurels qui pénalisent ses efforts.
Notre collectivité départementale doit pouvoir combler les écarts de développement qu'elle subit, du fait de l'ambiguïté et des incertitudes de notre système institutionnel. L'éligibilité de Mayotte aux fonds structurels européens est une première réponse à apporter aux attentes, aux demandes et aux besoins de la population mahoraise.
Un autre sujet de préoccupation réside, monsieur le ministre, dans la maîtrise encore bien insuffisante des flux migratoires étrangers vers Mayotte. Certes, l'immigration clandestine menace l'équilibre de plusieurs départements et collectivités d'outre-mer. Mais, ici encore, les spécificités mahoraises s'imposent à l'attention de tous : l'étroitesse de notre territoire, l'insuffisance persistante de nos équipements, les lacunes criantes de la protection sociale de notre population, les déséquilibres du marché de l'emploi, tout concourt à aggraver les inconvénients de l'afflux d'immigrés clandestins, venus pour l'essentiel des Comores voisines.
Confrontés à cette « émigration de la misère », nous voyons bien les conditions inhumaines que s'imposent ces populations déshéritées. Nous combattons, à Mayotte même, les abus dont elles sont souvent victimes. Mais nous sommes aussi contraints de limiter les atteintes portées à l'environnement mahorais par des habitats insalubres, eux-mêmes clandestins, ainsi que les surcharges abusives subies par nos établissements hospitaliers et de soins ou par notre système d'enseignement.
C'est pourquoi nous préconisons deux séries de mesures.
Tout d'abord, le renforcement de la surveillance de nos côtes s'impose désormais comme une mesure de survie pour Mayotte, qui est menacée dans tous ses équilibres et dans sa tranquillité. Une telle surveillance permettra également d'éviter bien des drames humains, liés aux multiples dangers des traversées maritimes, généralement nocturnes, entre les îles. Au demeurant, il est clair que les reconduites à la frontière des clandestins n'empêcheront pas de nouveaux départs à destination de Mayotte, de la Réunion ou du territoire métropolitain de la France.
Je souhaite d'ailleurs rendre hommage à nos forces de gendarmerie et de police pour le travail exceptionnel accompli lors de leurs difficiles missions.
M. le président. Très bien !
M. Adrien Giraud. Ensuite, une vigoureuse politique de relance de la coopération franco-comorienne doit être envisagée à long terme, en vue de permettre un meilleur équilibre des populations.
Des informations récentes laissent prévoir le lancement aux Comores de plusieurs grands projets d'investissements, financés par des pays du Golfe. La coopération française se doit d'encourager et d'accompagner ces opérations de développement, qui favoriseront la création d'emplois sur place.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après plusieurs années d'un véritable combat pour une Mayotte francaise, c'est un nouveau défi que les Mahorais entendent relever : celui du développement durable, dans le respect des principes de liberté de la France républicaine.
La devise depuis longtemps adoptée par l'écrasante majorité des Mahorais fut de se vouloir « Français, pour être libres ».
Mayotte entend aujourd'hui poursuivre son effort de développement dans un esprit de justice et de solidarité. Les progrès enregistrés chaque jour nous autorisent tous les espoirs pour l'avenir.
Monsieur le ministre, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. L'examen du budget de l'outre-mer pour l'année 2007 nous permet de constater que le Gouvernement a globalement maintenu son soutien aux populations ultramarines, dans un contexte que nous savons très tendu. Cette volonté mérite d'être soulignée.
Il est bien entendu aisé de dénoncer, çà et là, l'insuffisance de l'effort de l'État pour permettre un véritable rattrapage économique et social au sein de nos collectivités d'outre-mer.
Regretter cette situation n'exonère pas chacun d'entre nous d'user du langage de la responsabilité. Nous savons pertinemment que les handicaps structurels dont souffrent nos collectivités nécessitent non seulement la mobilisation d'importants moyens, mais aussi du temps.
Au demeurant, ce processus est arrivé à un tournant. Il est essentiel, aujourd'hui, pour les parlementaires de l'outre-mer, comme pour l'ensemble de la représentation nationale, qui vote le budget de la nation, de pouvoir évaluer l'impact sur nos collectivités de toutes les mesures sociales mises en oeuvre.
Qu'il me soit également permis de remercier personnellement M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, pour son soutien constant à l'outre-mer. Il a ainsi installé, le 5 juillet dernier, la Commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer, que nous avons appelée de nos voeux, et dont la mission est d'évaluer l'ensemble des dispositifs qui concourent au développement de l'outre-mer. Depuis le mois de septembre, cette commission a conduit toute une série d'auditions.
La logique qui anime l'ensemble de nos collègues parlementaires membres de cette commission est celle de la responsabilité : nous voulons prouver le bien-fondé de la politique de soutien de l'État, s'agissant de deux dispositifs essentiels pour le développement économique et social de l'outre-mer, à savoir la défiscalisation et les exonérations de charges sociales.
En outre, il est prévu que les membres de la commission se déplacent dans les différentes régions et collectivités, au début de l'année prochaine, pour valider sur le terrain l'ensemble des conclusions et des propositions qui donneront lieu à son rapport final. Je regrette, à cet égard, que la commission ne dispose toujours pas de moyens pour mener cette mission.
Par ailleurs, nous nous sommes d'ores et déjà heurtés à l'indisponibilité de certains outils statistiques, ce qui limitera la portée de notre démarche actuelle. Nous devrons impérativement nous doter de ces outils dans le cadre de la prochaine évaluation triennale. Nous avons conclu à la nécessité d'avoir recours à des approches économétriques, qui ne pourront être exploitables qu'en 2009.
Pour autant, les travaux de la commission seront achevés d'ici à la fin du premier trimestre 2007. Ils ont fait l'objet d'un rapport d'étape, qui sera remis en fin d'après-midi à M. le Premier ministre.
En dépit des difficultés que je viens d'énoncer, la commission est déjà en mesure de tirer les premiers enseignements de ses travaux et d'affirmer que les exonérations de charges sociales et la défiscalisation créent effectivement un contexte favorable au développement économique et social de l'outre-mer.
Sur la base des informations disponibles et au regard de l'objectif de ces dispositifs, qui est d'accélérer le développement économique de l'outre-mer, des constats très encourageants ont été enregistrés, comme la relance des investissements, l'augmentation de l'emploi salarié et la création de nouvelles activités ou entreprises, et, parallèlement, une diminution du chômage et du travail clandestin.
À titre d'exemple, en 2005, une accélération de la croissance a été observée dans l'île de La Réunion, où la seule hausse de l'investissement, hors investissements exceptionnels, a induit une hausse de 2,8 % du PIB.
Or le dispositif de défiscalisation contribue au financement de près des quatre cinquièmes des investissements de l'économie réunionnaise. Par ailleurs, la défiscalisation a eu un effet positif sur les créations d'entreprises. Sur les deux années pleines de mise en oeuvre de la loi, plus de 5 000 entreprises ont été créées, chaque année, à La Réunion, plus de 3 000 en Martinique, 4 500 en Guadeloupe et plus de 1 000 en Guyane.
Cela signifie 14 036 nouvelles entreprises dans les DOM en 2004 et 14 370 en 2005, contre 12 229 en 2002, soit un accroissement du flux annuel de 17,5 %.
De manière générale, la défiscalisation a favorisé le financement de nouveaux équipements.
Le volume des importations de biens d'équipements professionnels des entreprises situées dans les DOM, qui a retrouvé un niveau élevé en 2004 et 2005, est un bon indicateur du dynamisme de l'économie de ces collectivités.
Par ailleurs, on doit au dispositif d'exonération des charges sociales le maintien ou la création d'emplois ainsi que la réduction du travail clandestin.
Les effectifs des entreprises ultramarines ont progressé de 14 % sur la période 2000 à 2005, contre 5 % en métropole ; le dynamisme est encore plus marqué dans les entreprises de moins de onze salariés.
Autre indicateur non négligeable, le taux de chômage. Globalement, il est passé, pour les DOM, de 25,4 % en juin 2002 à 21,9 % à la fin du mois de septembre 2006.
Bien entendu, des réserves ont été exprimées sur certains points.
Dans le domaine du logement notamment, la défiscalisation n'apparaît pas adaptée aux attentes. Des difficultés ont été constatées, notamment dans la réalisation de logements sociaux ; à l'exception de la Nouvelle-Calédonie, les programmes de construction défiscalisés sont en concurrence avec les projets de logement social.
Voilà quelques illustrations des premières conclusions de nos travaux, qui s'accompagnent aussi d'une série de propositions visant à améliorer, en particulier, les procédures de mises en oeuvre de ces outils.
Ce premier bilan de l'impact de la politique de soutien de l'État en faveur des populations de l'outre-mer me conduit à évoquer la question toujours très polémique de l'indexation des retraites.
Chaque année, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, nous subissons les assauts de certains de nos collègues (Exclamations sur les travées de l'UMP.),...
M. le président. Assauts aimables et toujours courtois, monsieur Loueckhote !
M. Simon Loueckhote. Effectivement !
...qui exigent la suppression pure et simple de ce dispositif pour les nouveaux bénéficiaires et une réduction drastique du taux de l'indexation pour les bénéficiaires actuels.
Le même scénario s'est déroulé cette année et, une fois de plus, je regrette vivement les coups bas que quelques-uns d'entre vous nous ont portés (M. le président de la commission des finances proteste.), ainsi qu'à vos concitoyens ultramarins. Il était en effet entendu qu'aucune remise en cause ne devait intervenir avant les échéances électorales.
De même, vous n'ignorez pas que vos collègues parlementaires de l'outre-mer ont accepté le principe d'une révision du régime de l'indexation des retraites, à condition de disposer, avant toute réforme, de moyens statistiques fiables pour mesurer les retombées économiques de la présence des retraités dans nos collectivités ultramarines.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On sait que les statistiques sont fausses, monsieur Loueckhote, vous l'avez déjà dit !
M. Simon Loueckhote. Nous souhaitons aussi qu'une éventuelle remise en cause du système actuel résulte d'une véritable concertation. Il faudra donc démontrer en quoi la France et l'outre mer se porteront mieux avec la désindexation totale des retraites. Pour ma part, j'en doute fortement.
Cette réforme, que vous présentez comme étant le trophée d'une chasse aux privilèges, aura des effets induits qui dépasseront la fonction publique d'État et pourra se transformer, demain, en un accroissement de la dépendance de nos collectivités ultramarines à l'égard de la France métropolitaine, ce qui n'est dans l'intérêt de personne, et vous le savez bien.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois. Très bien !
M. Simon Loueckhote. La fragilité de nos économies ultramarines est telle que nous sommes particulièrement attentifs à tout ce qui peut constituer une rupture et nous avons largement prouvé, mes chers collègues, que notre préoccupation première n'est pas de maintenir des privilèges ; elle est de relever le défi du développement économique et social dans nos collectivités et de participer activement à l'effort national pour garantir un meilleur avenir à notre jeunesse.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois. Parfait !
M. Simon Loueckhote. À cet égard, je veux revenir sur la situation des étudiants ultramarins, pour lesquels l'intergroupe des parlementaires de l'outre-mer a organisé, en mai dernier, un second colloque, afin de résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés.
À cette occasion, bon nombre d'entre eux nous ont à nouveau alertés sur les discriminations qu'ils subissent en France métropolitaine, en particulier par le refus de leur accorder un bail, au motif que les parents, qui se portent caution, ne sont pas domiciliés en métropole.
En effet, malgré l'adoption, le 13 juillet 2006, de la loi portant engagement national pour le logement, dont l'article 87 interdit à tout bailleur de refuser une caution au motif que celle-ci ne réside pas sur le territoire métropolitain, le comportement des agences immobilières a très peu évolué ; elles continuent de pratiquer ouvertement la discrimination à l'égard de nos étudiants.
Un nouveau prétexte à une pratique discriminatoire est l'article 2295 du code civil, qui maintient une exigence de domiciliation de la caution, disposition qui est en contradiction avec la nouvelle législation applicable en l'espèce. J'ai donc récemment saisi à ce sujet M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; il m'a assuré qu'il veillera à modifier en ce sens cet article du code civil.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Simon Loueckhote. Mes chers collègues, je ne peux terminer mon propos sans évoquer la situation de mon territoire, la Nouvelle-Calédonie.
Voilà tout juste un an, à la tribune de la Haute Assemblée, je déplorais la dégradation du climat social en Nouvelle-Calédonie. Les répercussions sur l'activité des entreprises et la consommation des ménages sont désastreuses.
Malheureusement, cette année 2006 a encore été marquée par de trop nombreux conflits qui ont, une fois de plus, confirmé l'incapacité de ceux qui assument actuellement la responsabilité de gérer les institutions calédoniennes à instaurer les conditions du dialogue entre tous.
Si la signature de l'Accord de Nouméa a permis de maintenir la paix sur notre territoire jusqu'à ce jour, l'esprit de cet accord a aujourd'hui disparu. D'ailleurs, le débat sur le corps électoral que vous avez décidé de rouvrir, monsieur le ministre, est une nouvelle remise en cause des fondements de cet accord politique. Ce débat ne fait que raviver les tensions entre les communautés.
J'ai déjà alerté chacun d'entre vous, mes chers collègues, sur les incidences de l'adoption d'un gel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie et j'aurai l'occasion de le redire en janvier prochain, lors de l'examen de ce projet de loi constitutionnelle. Cette nouvelle initiative n'est pas un règlement consensuel de la question du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, car, actuellement, le consensus n'existe pas sur ce sujet.
Si le Parlement vote ce projet de loi, il acceptera de céder à la pression des indépendantistes. Ces derniers en ont d'ailleurs bien saisi toute l'importance. Son aboutissement sera inévitablement perçu par la grande majorité de nos compatriotes comme l'expression d'un abandon.
Ainsi, dans le contexte politique actuel calédonien, le signal que vous donnez, monsieur le ministre, est bien celui de la mort de l'Accord de Nouméa ; chacun d'entre nous en mesurera les conséquences. Nous savons qu'en dépit de tout l'attachement de la France à l'outre-mer nous devons chaque année défendre la cause de nos populations ultramarines pour justifier l'effort de l'État à leur égard.
Pour ma part, je veux croire en une évolution favorable de l'image de l'outre-mer, dans l'esprit de l'ensemble de nos compatriotes, mais nous ne sommes pas parvenus au terme de cette démarche de réhabilitation.
Mes chers collègues, vous n'ignorez pas que nos populations ultramarines doivent faire preuve d'une très forte détermination pour relever le défi du développement économique et social. Je souhaite vous avoir convaincus que ce combat, nous le livrons, chacun d'entre nous, parlementaires de l'outre-mer, responsables politiques et institutionnels, acteurs économiques, étudiants, pour nos populations ultramarines, mais aussi pour la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. M. Loueckhote a-t-il pris connaissance du rapport d'audit de modernisation que le Gouvernement a prescrit et rendu public ces dernières semaines ? Cela atténue l'expression « coup bas » qu'il a utilisée tout à l'heure !
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Je vous prie de m'excuser si les termes que j'ai employés vous ont choqué, monsieur le président de la commission. Permettez-moi seulement de rappeler que, l'année dernière, nous étions convenus que rien ne se ferait sans concertation pour l'année 2007, année électorale importante. C'est l'accord que nous avions passé entre tous, me semble-t-il.
L'arrivée au dernier moment des amendements nous a quelque peu surpris et c'est la raison pour laquelle j'ai réagi en employant ces termes.
M. le président. Je comprends votre émotion, monsieur Loueckhote, et je vous remercie d'avoir présenté vos excuses pour les termes, quelque peu excessifs, que vous avez utilisés. Tout ce qui est excessif est insignifiant, disait Talleyrand !
(Mme Michèle André remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « il est des territoires qui ont tellement plus de handicaps que, si on ne leur donne pas plus qu'aux autres, ils ne pourront pas s'en sortir. ». L'auteur de cette phrase très juste n'est autre qu'un candidat, désormais officiellement déclaré à l'élection présidentielle, qui, par ailleurs, dirige l'exécutif d'un territoire connu pour être le département le plus riche de France.
Si cette phrase constitue déjà en elle-même tout un programme pour notre pays, elle s'adapte parfaitement à la situation et aux enjeux des régions ultrapériphériques que sont les collectivités françaises d'outre-mer. Et c'est parce que ces territoires connaissent des situations spécifiques et font face à des difficultés complexes qu'ils nécessitent davantage de moyens budgétaires et financiers.
Les collectivités d'outre-mer, au même titre que le reste du territoire français, bénéficient des crédits du budget de l'État répartis dans l'ensemble des ministères. Mais, en raison de leur spécificité, ces collectivités se répartissent les crédits de leur propre ministère, crédits qui représentent donc une part, et non la totalité, de l'effort national en faveur de l'outre-mer, puisque celui-ci peut être chiffré à hauteur de 13 milliards d'euros pour 2007.
Concernant la seule fraction spécifique du budget de l'État, celle qui nous intéresse aujourd'hui et qui correspond à la mission « Outre-mer », elle s'élève en valeur absolue à 1 963 millions d'euros pour 2007, contre 1 898 millions dans le précédent budget. Aussi, globalement, il est bien de dire que notre pays maintient son effort de solidarité en direction de l'outre-mer et de ses besoins spécifiques, et ce dans un contexte budgétaire que nous savons difficile. Mais reconnaissons aussi que cela reste insuffisant, car la plus belle France ne peut donner que ce qu'elle a...
La situation des territoires d'outre-mer, vous le savez bien, monsieur le ministre, est, elle aussi, particulièrement difficile, à tel point que, dans beaucoup de secteurs, elle est proche de la crise, voire de la rupture, mais - hélas ! - pas de la « rupture tranquille » !
S'agissant de la Guyane, les crédits de l'outre-mer lui accordent 990 387 milliers d'euros, ce qui en fait le moins bien loti des quatre départements d'outre-mer. Par ailleurs, je remarque, à la lecture de l'excellent rapport de la commission des finances, que d'importantes variations de crédits existent, parfois assez surprenantes, il faut bien le dire, entre les différents types de collectivités d'outre-mer, a fortiori si on ramène cette répartition per capita.
Pourtant, je crois pouvoir dire sous votre contrôle, monsieur le ministre, que la Guyane est le département d'outre-mer qui doit faire face aux plus grandes difficultés et aux situations les plus urgentes.
Le contrat de projet 2007-2013 prévoit, c'est vrai, une dotation quatre fois supérieure à la moyenne nationale par habitant ; il prévoit aussi un pôle d'excellence rurale pour aider l'est guyanais et un pôle universitaire pour déclencher des dynamiques de développement.
Toutefois, malgré cette volonté politique réelle, force est de constater que les moyens financiers ne sont pas à la hauteur des enjeux que doivent affronter les collectivités de Guyane et que leurs dotations demeurent encore trop insuffisantes. En effet, la grande fragilité de leur situation financière constitue un frein à leur capacité d'investissement.
À cela s'ajoute la non-compensation par l'État des charges générées par le transfert des compétences. Pour le seul RMI, le département de la Guyane doit jongler avec une dette cumulée sur deux ans de plus de 25 millions d'euros. Quant au financement du transport scolaire fluvial, sur des fleuves non navigables juridiquement, il coûte à la collectivité départementale près de 2 millions d'euros.
Concernant le logement et la très grave crise que traverse son financement - question abordée déjà par nombre de mes collègues -, il en va pour la Guyane comme pour l'outre-mer en général : il faut refaire du logement une « priorité réelle ».
Comme tous mes collègues ultramarins, je me réjouis, bien sûr, de l'affectation annoncée par le Gouvernement de 120 millions d'euros de crédits supplémentaires pour le logement social et de l'application du plan Borloo outre-mer.
Ainsi, lors de son récent déplacement aux Antilles, le Premier Ministre a donné un signal fort en annonçant un plan de rattrapage exceptionnel des crédits de paiement avec des effets attendus dès le début de l'année 2007.
Enfin, pour clore ce thème essentiel du logement, vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, qu'en Guyane, au manque de logements et au mauvais état du parc immobilier, vient s'ajouter le problème sensible des occupations et des constructions illicites sur des terrains aussi bien privés que publics.
Une habilitation à légiférer par ordonnance sur cette question des constructions illicites a été adoptée par le Sénat lors de l'examen du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Mais l'Assemblée nationale ne l'a pas encore examiné, et le temps presse.
D'ailleurs, ces occupations illégales sont à mettre en relation directe avec la présence massive d'immigrés clandestins sur le territoire guyanais. Car le développement économique de la Guyane passe inexorablement par la lutte contre l'immigration clandestine, qui atteint dans ce territoire des proportions totalement inacceptables - de l'ordre de 40 000 personnes -, mettant en péril son équilibre aussi bien démographique qu'économique et social.
Cette forte immigration clandestine se caractérise par ce que j'appelle depuis longtemps une « immigration-guichets », puisque ces populations viennent exclusivement pour bénéficier de prestations sociales en tout genre, prestations qui, aussitôt touchées, sont envoyées pour une très large part vers les pays d'origine.
Bien loin de nous apporter un soutien pour accélérer notre développement économique, cette immigration clandestine l'handicape et le retarde très fortement du fait de son coût sans fin, véritable tonneau des Danaïdes.
J'ai bien conscience, monsieur le ministre, que le Gouvernement et vous-même n'êtes pas restés sans réagir, notamment en acceptant des amendements que j'avais déposés sur les derniers textes spécifiques à l'outre-mer que notre assemblée a eu à examiner.
Toutefois, nous ne pourrons faire l'économie d'un texte spécifique à la Guyane, qui donnera à ses élus les moyens d'adapter la législation à sa situation locale si particulière, dans ce domaine de l'immigration clandestine comme dans bien d'autres.
Car c'est désormais l'ordre public lui-même qui est en péril. L'insécurité explose. L'exaspération des Guyanais grandit face à la multiplication des actes de violence. Des manifestations et des opérations « ville morte » sont régulièrement organisées.
Il y a peu, les habitants de Kourou, excédés par les vols et agressions à répétition au quotidien, ont manifesté leur colère en défilant dans les rues et en fermant les commerces.
Des élus de Kourou, accompagnés du député et du maire, ont été reçus par des conseillers du ministre de l'intérieur.
La Guyane, monsieur le ministre, est un territoire français qui a besoin, plus que beaucoup d'autres, de nombreux investissements financiers de la part de l'État, selon une logique d'équité et de solidarité entre les territoires.
En ce moment, une importante grève des agents d'EDF paralyse fortement la production et la consommation d'électricité aux Antilles et en Guyane. Ces personnels sont très inquiets parce qu'ils pensent que la production du service public de l'énergie dans les territoires d'outre-mer est davantage fragilisée qu'elle ne l'est en France hexagonale.
Une fois de plus, leurs inquiétudes légitimes traduisent une crainte constante d'être les laissés-pour-compte de la République. Ils ont besoin de mesures concrètes, monsieur le ministre, mais aussi de signaux forts de la part du Gouvernement, et notamment de votre part.
Aujourd'hui, dans une conjoncture économique difficile et à la veille d'échéances électorales majeures, le budget de l'outre-mer fait plus que résister : il réaffirme malgré tout l'effort de la nation en faveur de ces territoires du bout du monde. Et même s'il ne réglera pas tout, tout de suite, ce budget a le mérite de la sincérité et de l'aveu de ses limites.
Il emprunte néanmoins le bon chemin, ce qui ne l'empêchera pas à l'avenir d'être nécessairement plus ambitieux et, bien sûr, de se donner les moyens de ses ambitions.
Aussi, mes chers collègues le sénateur de la Guyane, parce qu'il est responsable, confiant et plein d'espérances, votera les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2007. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, année après année, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer », nous posons avec gravité la complexité des enjeux liés au défi du développement des régions ultramarines.
Année après année, nous plaidons devant la représentation nationale en faveur d'une véritable ambition pour l'outre-mer, liée au rayonnement de la France et de l'Union européenne.
Année après année, nous rappelons que la valorisation de nos atouts serait profitable à la nation tout entière.
Année après année, nous tentons de tordre le cou aux idées simplistes selon lesquelles l'outre-mer coûterait cher à la France, en rappelant l'avantage économique et géostratégique incomparable d'une présence sur tous les océans.
Mais année après année, nous constatons que le saut qualitatif attendu n'est pas au rendez-vous. Pire, nous observons avec quelque inquiétude, dans le débat national, le rétrécissement de la vision et le repli sur des limites nationales et continentales.
Affaire de génération ? Peut être ! Mais nous craignons qu'une vraie ambition pour l'outre mer ne soit emportée par le désintérêt patent aujourd'hui pour le monde.
Et ce n'est pas dans la continuation d'une politique routinière, dont ce budget est l'illustration, que ce défi sera relevé.
Les limites des politiques conduites jusqu'à présent, notamment en matière de lutte contre le chômage, obligent à faire preuve d'imagination. Nous avons le devoir d'innover et d'ouvrir des perspectives pour les milliers de jeunes, souvent diplômés, qui n'ont aucune assurance de s'insérer à la Réunion dans le monde du travail.
Projetons-nous donc avec audace au-delà de nos limites insulaires, aussi bien vers les marchés des pays européens que vers ceux de nos voisins qui, les uns comme les autres, sont nos partenaires naturels.
Inventons des coopérations nouvelles, tirons parti du niveau de formation de notre jeunesse et incitons-la à se déployer là où elle peut être utile et oeuvrer avec nos voisins pour le codéveloppement.
La Réunion ne sera pas une « colonie colonisatrice ». Mais sa jeunesse doit pouvoir s'inscrire dans le mouvement du monde et des échanges. La voie est aujourd'hui ouverte par les nombreux accords de coopération initiés par la région Réunion. Une sortie par le haut dans la recherche de nouvelles frontières, c'est bien là, mes chers collègues, la voie à suivre qui mérite d'être amplifiée et soutenue.
Mais ces perspectives ne doivent pas faire oublier la réalité d'aujourd'hui à laquelle nous ramène le budget pour 2007.
La réalité, c'est que l'on ne peut se glorifier d'un taux de chômage de plus de 28 %, de l'aggravation des inégalités et de la détérioration des conditions de vie des Réunionnais, notamment en matière de logement.
S'agissant de l'emploi, l'engagement de grands chantiers d'initiative régionale, sans précédent, aura contribué à un taux également sans précédent de créations d'emplois dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
De même, des secteurs innovants comme le transport aérien ou les énergies renouvelables auront été créateurs d'emplois.
Lorsque des avancées sont au rendez-vous, elles méritent d'être soulignées, car elles témoignent de la capacité des Réunionnais à tirer le meilleur parti de certains dispositifs. À cet égard, cela devrait inciter à inclure la recherche dans le champ d'éligibilité de la défiscalisation.
La défiscalisation, il en a été beaucoup question et nous attendons avec intérêt les conclusions de la mission d'évaluation en cours.
Ces quelques motifs de satisfaction ne doivent pas occulter l'essentiel : nous conservons un taux de chômage record qui avoisine les 30 %. Combien de temps encore la société réunionnaise saura-t-elle trouver des petits arrangements pour supporter l'insupportable ?
Nous devons aussi penser à celles et à ceux qui, durant la même période, sont restés ou ont été mis sur le bord du chemin, notamment par la diminution des contrats aidés. Pour l'ensemble de l'outre-mer, le nombre de ces contrats financés par le ministère de l'outre-mer est passé de plus de 67 500 en 2000 à moins de 54 000 en 2005.
La vérité oblige à considérer que, malgré un taux de croissance dynamique de 5 %, l'économie réunionnaise ne pourra, compte tenu de notre structure démographique, absorber en totalité la demande d'emplois. Mais nous devons, de manière responsable, en tirer les conséquences en reconnaissant dans le même temps l'importance du champ de l'économie sociale.
L'extinction du dispositif de congé-solidarité a soulevé à la Réunion une mobilisation en faveur de son prolongement. Sur l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a décidé sa prorogation pour un an, assortie d'une série de conditions. La participation de l'État a été ramenée de 60 % à 50 %. À l'évidence, la précipitation, l'improvisation, les petits calculs et les effets d'annonce auront en définitive accouché d'une solution qui ne satisfait personne.
S'agissant du logement, là encore, année après année, nous revenons devant la représentation nationale porteurs des mêmes demandes et avec un diagnostic toujours aggravé. Jamais ce secteur n'aura été aussi sinistré qu'il ne l'est aujourd'hui, tant la diminution continue des moyens financiers et les effets pervers de la défiscalisation ont aggravé l'écart entre la production de logements sociaux et une demande toujours croissante.
Ce qui a manqué, c'est la volonté politique. Car les solutions, elles, sont connues et ne demandent qu'à être concrétisées pour répondre à l'aspiration légitime des milliers de familles en attente d'un logement décent.
Le Premier ministre a annoncé aux Antilles un train de mesures pour le logement social outre-mer, sans doute pour remédier à l'inégalité de traitement née de l'exclusion de l'outre-mer du bénéfice du plan Borloo.
Cela va dans le bon sens, mais reste insuffisant. Nous aurions préféré la mise en oeuvre d'une loi spécifique sur le logement outre-mer, telle qu'elle est attendue par tous les acteurs du logement social dans les départements d'outre-mer.
La flambée des loyers et l'augmentation du prix des intrants, notamment des carburants, auront contribué à la détérioration du pouvoir d'achat des Réunionnais.
Cela me conduit à évoquer de nouveau la question relative à l'installation de l'observatoire des prix et des revenus prévu à l'article 75 de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Monsieur le ministre, vous avez rappelé hier, à l'Assemblée nationale, que des études seraient engagées pour examiner la faisabilité de cette mesure.
Les données produites par cet observatoire des prix, mais aussi des revenus, de tous les revenus, seront d'autant plus essentielles que pas une ligne, pas un mot n'est consacré à l'outre-mer dans l'important rapport que le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, a récemment remis au Premier ministre.
La question des prix et des revenus est éminemment complexe à la Réunion, notamment en raison de la structure des salaires et de l'existence de surrémunérations dans la fonction publique.
Mon prédécesseur, le président Vergès, l'a rappelé plusieurs fois, ici même, devant la Haute Assemblée : la Réunion n'est rétive à aucune réforme. Au contraire, tout peut être mis sur la table, mais dans le respect scrupuleux de deux conditions : premièrement, rien ne saurait se faire sans la concertation la plus large et la production de données indiscutables, notamment sur le coût de la vie ; deuxièmement, aucune économie réalisée au budget de l'État ne devrait se traduire par un appauvrissement de notre île.
Sur ce plan, force est de constater que le précédent né de la suppression de la prime d'éloignement n'incite guère à l'optimisme.
Force est également de s'interroger sur la motivation de celles et de ceux qui, aujourd'hui, dans des sphères influentes, militent avec constance et détermination en faveur de la suppression de ces surrémunérations, dont le dernier épisode en date concerne la majoration des retraites versées outre-mer.
Aborder l'outre-mer sous le seul aspect des économies de fonctionnement que devrait faire l'État, c'est lui manifester un manque de considération qui ne l'aide pas à relever tous les défis auxquels il est confronté.
Sans ironie aucune, j'invite d'ailleurs celles et ceux qui n'ont pour seule préoccupation que de faire la démonstration que l'outre-mer coûterait cher à la France à s'interroger sur ce que nous apportons à la nation et à l'Union européenne.
Pas plus danseuses que pleureuses de la France, nous refusons l'enfermement dans des champs étroits et assumons sans complexe notre liberté d'être avant tout pleinement nous-mêmes, ici et ailleurs à la fois. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'outre-mer pour 2007 est, il faut le reconnaître, particulièrement préoccupant, non pas du seul fait qu'il accuse une baisse de ses crédits de paiement de 12 % - encore qu'il importe de tenir compte de la baisse concomitante des autorisations d'engagement de près de 14,5 % -, mais parce qu'il vient confirmer une politique de réduction de crédits, qui, à l'évidence, marquera la présente législature.
En effet, si l'on raisonne à périmètre constant, en faisant fi de tous les artifices de présentation auxquels on a eu parfois recours, c'est la quatrième année consécutive que le budget de l'outre-mer voit ses crédits diminuer, avec une baisse des chiffres réels de 7 % pour le budget de 2006 et de 7,6 % pour celui de 2005.
Mais ce budget est préoccupant surtout à cause de l'insuffisance des moyens qu'il consacre aux deux grandes priorités qu'il affiche : l'emploi et le logement.
En ce qui concerne l'emploi et le soutien de l'activité économique, les crédits régressent de 5 %, alors que la situation très difficile qui prévaut toujours, à cet égard, dans les différents départements et collectivités d'outre-mer devrait conduire, bien au contraire, à une accentuation de l'effort de l'État.
Il faut, en effet, sérieusement relativiser la baisse du taux de chômage de deux ou trois points observée outre-mer depuis 1999. Elle résulte certainement, pour une part, difficile d'ailleurs à évaluer, de la mise en oeuvre successive de la loi d'orientation pour l'outre-mer jumelée à la loi Paul de défiscalisation et de la loi de programme pour l'outre-mer de 2003. Mais elle est largement due aussi à la politique d'emplois aidés menée en partenariat avec les collectivités territoriales.
Le niveau du chômage n'en demeure pas moins en moyenne beaucoup plus élevé que dans l'hexagone, avec un taux de 27,9 % selon les chiffres du Bureau international du travail, le BIT. En Martinique, le taux est actuellement de 22 %, mais il ne va probablement pas tarder à remonter compte tenu des licenciements que l'on observe depuis plus de deux ans dans certains secteurs, notamment ceux de la banane et du BTP. Il est vrai que nous créons beaucoup d'entreprises et d'emplois, mais il est également vrai que nous en perdons une grande quantité dans le même temps.
Il faut, de surcroît, tenir compte du nombre de RMIstes - 32 500 en Martinique -, et, plus généralement, du nombre de personnes en situation de précarité : la proportion d'allocataires de minima sociaux au sein de la population âgée de vingt ans et plus atteint 25 % en Guadeloupe et à la Martinique et 29 % à la Réunion, contre 7 % en moyenne en métropole.
C'est dire l'inquiétude que peut susciter une nouvelle diminution des crédits du programme 138 portant aussi bien sur les mesures d'abaissement du coût du travail que sur les dispositifs d'insertion et d'aides directes à l'emploi.
C'est dire, surtout, l'inquiétude de voir continuer à chuter le nombre de contrats aidés financés par le budget du ministère de l'outre-mer : seulement 23 000 nouveaux contrats sont prévus en 2006.
On m'objectera sans doute que les nouveaux contrats financés dans le cadre du plan Borloo les remplacent avantageusement, notamment les contrats d'avenir et les contrats d'insertion-revenu minimum d'activité, les CI-RMA.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, j'ai salué leur mise en place. J'aurais pu plutôt ironiser sur le fait qu'avec les contrats d'avenir on semblait redécouvrir les vertus de l'emploi aidé dans le secteur non marchand, tellement stigmatisé pendant un certain temps. Au lieu de cela, j'ai accepté de signer, en juin 2005, une convention pour la mise en place de 5 000 contrats d'avenir et 300 CI-RMA sur deux ans.
Il s'agissait, m'avait-on dit - et la loi paraissait claire à ce sujet - d'activer l'allocation RMI en la versant à l'employeur et non à l'allocataire.
Depuis, j'ai véritablement mobilisé les équipes de l'Agence départementale d'insertion pour tenir mon engagement. Mais alors que nous en sommes à plus de 2 800 contrats d'avenir placés, j'apprends qu'il n'est pas question que l'État rembourse au département le montant de ²l'« allocation activée ».
Les services des administrations centrales concernées développent en effet un raisonnement - je préfère ne pas le qualifier à cette tribune - selon lequel un RMIste bénéficiant d'un contrat d'avenir n'est plus un RMIste !
À l'instar de certains de mes collègues qui se sont fortement engagés dans le dispositif, je me vois donc contraint de tout arrêter. Et il me faut maintenant trouver plus de 12 millions d'euros pour financer chaque année les contrats déjà signés.
J'aimerais évidemment, monsieur le ministre, que vous me précisiez votre position sur la situation très grave ainsi créée, une situation dans laquelle l'État ne tient pas sa parole alors que le département a respecté ses engagements.
Les réductions de crédits du programme « Emploi outre-mer » ne trouvent pas non plus de compensation dans l'évolution des autres dispositifs de soutien à l'activité et à l'emploi ne relevant pas directement du ministère de l'outre-mer, notamment dans le dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer. On relève, en effet, une assez nette baisse des investissements aidés dans ce cadre.
Et tout cela, faut-il le rappeler, au moment où l'on discute d'un futur programme européen dont l'enveloppe globale pour l'outre-mer diminue en euros constants et dont les conditions de mise en oeuvre vont se trouver compliquées par le nouveau système dit de l'earmarking.
La deuxième priorité mise en avant par ce budget, et c'est une constante depuis des années, c'est le logement. Et là - cela a été dit avant moi -, le constat est encore plus consternant.
Le montant inscrit en crédits de paiement - 175,5 millions d'euros - est presque du même ordre que celui des années précédentes. Il n'a pratiquement pas varié depuis 2003. Les autorisations d'engagement, quant à elles, baissent de 17 %.
Et pourtant, différents rapports officiels soulignent, comme ne cessent de le faire les élus d'outre mer, la gravité de la situation et l'importance des retards accumulés. Je veux d'ailleurs saluer au passage le rapport tout à fait remarquable de notre collègue Henri Torre.
On estime, au minimum, à 307 millions d'euros par an sur cinq ans les besoins de financement nécessaires pour mener une politique du logement en rapport avec la situation dans laquelle on se trouve.
Les rapports dénoncent par ailleurs le niveau élevé de la dette exigible de l'État ; celle-ci atteindra, d'ici à la fin de l'année, la somme de 113 millions d'euros. Le Premier ministre a annoncé que cette dette serait apurée avant la fin du mois de mars de l'année 2007. Mais, pour l'instant, seuls 60 millions d'euros paraissent effectivement mobilisables à cet effet ; il reste donc 53 millions d'euros à trouver.
Le Premier ministre a, par ailleurs, annoncé, dans le cadre de l'application du plan de cohésion sociale, une somme de 120 millions d'euros sur trois ans, dont 60 millions en 2007. Mais ces 60 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement, et il n'y a, à ma connaissance, que 13 millions de crédits de paiement inscrits en loi de finance rectificative et reportés, de façon d'ailleurs dérogatoire, sur 2007 ; cela porte donc les crédits de paiement pour 2007 à 188,75 millions d'euros. Mais, de toute évidence, il faudra déduire de cette somme les 53 millions d'euros manquant pour assurer l'apurement de la dette de l'État.
On devine aisément la situation catastrophique dans laquelle il va falloir aborder l'année 2007, avec les conséquences que cela ne peut manquer d'entraîner, d'un point de vue tant social qu'économique. À la Martinique, plus de 400 entreprises travaillant dans le secteur de la réhabilitation du logement social sont d'ores et déjà au bord du dépôt de bilan ; certaines ont commencé à licencier du personnel. Le montant des factures impayées grevant leur trésorerie s'élève à 17 millions d'euros ! Les sociétés d'HLM, quant à elles, totalisent 9 millions d'euros de factures impayées.
Le désengagement financier de l'État est donc outre-mer, plus encore que dans l'Hexagone, une réalité.
Les collectivités locales d'outre-mer en font évidemment les frais, mais les conséquences pour elles sont d'autant plus difficiles à supporter qu'elles doivent faire face à des demandes en matière d'équipements, et plus encore en matière sociale, sans commune mesure avec celles que connaissent leurs homologues de l'Hexagone. Elles doivent supporter également de nombreux surcoûts dus à leur situation géographique.
Il devient donc urgent de prendre la mesure de leurs difficultés financières structurelles et de leur accorder un niveau de ressources suffisant pour leur permettre de continuer à jouer le rôle essentiel qu'on leur reconnaît en matière de développement économique et social.
Il faut absolument que l'État cesse de leur transférer des charges et de les utiliser comme banquiers. À ce sujet, je veux lancer à nouveau un véritable cri d'alarme sur la situation très grave dans laquelle se trouvent les conseils généraux d'outre-mer depuis le transfert de la gestion du RMI. Les niveaux de différentiels entre le montant des allocations versées et les remboursements financés par la TIPP sont devenus véritablement insupportables. Pour le conseil général de la Martinique, ce différentiel s'élève actuellement à plus de 20,2 millions d'euros. Il est beaucoup plus important, je le sais, à la Réunion.
On le voit, pour l'élu d'un département d'outre-mer que je suis, les motifs d'insatisfaction et d'inquiétude ne manquent pas. Pour autant, je me refuse, croyez-moi, à tout pessimisme.
J'ai trop conscience, par la pratique des responsabilités que j'exerce sur le plan local, des potentialités du peuple martiniquais. J'ai trop souvent l'occasion de mesurer la capacité d'initiative dont celui-ci sait faire preuve et le refus, notamment des plus jeunes, de céder à la résignation.
Ce qui s'avère absolument indispensable, c'est que s'opère une véritable prise de conscience au niveau de l'État, c'est que, au-delà des discours et des effets d'annonce, celui-ci s'emploie à promouvoir une vision à la fois plus ambitieuse et plus réaliste de l'outre-mer.
Une vision qui incite à dépasser les clichés habituels et les raisonnements purement comptables et qui, de ce fait, doit se dégager de la seule logique de l'attribution de moyens financiers, même si ceux-ci doivent être davantage en adéquation avec la réalité des besoins.
Une vision qui intègre le rôle important que peuvent jouer les départements d'outre-mer aux quatre coins du monde ; plusieurs sénateurs l'ont souligné.
Une vision qui prenne en compte également les réelles spécificités des territoires et les aspirations profondes de leurs peuples à prendre une part plus déterminante à la construction de leur devenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à souligner le bilan positif de l'action gouvernementale, marquée, d'une part, par le respect des engagements pris et, d'autre part, par la prise en compte de l'acuité des problèmes de l'outre-mer du fait de leur particularisme.
Soulignons notamment la loi de programme pour l'outre-mer, qui a rompu avec le traitement social du développement et qui a créé les conditions de redynamisation du secteur productif.
Rappelons les efforts réalisés pour améliorer la continuité territoriale.
Évoquons par ailleurs les nouveaux dispositifs mis en place pour régler les flux migratoires et relever les infractions commises par l'entrée irrégulière des étrangers, grâce à une mesure portant notamment sur l'immobilisation des véhicules terrestres, des aéronefs et des navires.
Notons, de plus, monsieur le ministre, l'intervention pragmatique du Gouvernement auprès des instances communautaires pour maintenir le régime de l'octroi de mer jusqu'en juillet 2014, précisément pour défendre les productions locales face aux négative lists de la Caraïbe.
Relevons, enfin, la réforme constitutionnelle voulue par M. le président de la République, qui permettait la modernisation du statut des collectivités tout en respectant leurs populations, en tenant compte de leur particularisme et en maintenant leur ancrage dans la République.
Le 7 décembre 2003, la Guadeloupe a fui ses responsabilités. La France de l'outre-mer connaît, vous le savez, de nombreux handicaps structurels du fait de son éloignement, de sa dispersion, et surtout de son caractère insulaire.
Depuis 1986, sur l'initiative de l'actuel Président de la République, une attention toute particulière portée à ces terres lointaines a permis d'atténuer leur retard de développement ; je veux parler des nombreux mémorandums déposés auprès des instances communautaires. Et c'est l'action que vous poursuivez, monsieur le ministre.
Même si nous enregistrons, en Guadeloupe, une certaine tendance administrative au maintien d'un impact trop marqué sur le terrain, ce qui n'est pas tolérable, nous devons toutefois admettre votre volonté de conserver la reconnaissance de nos identités particulières et de nous soutenir dans nos responsabilités locales.
En dépit des contraintes qu'imposent les finances publiques et que nous devons avoir le courage de reconnaître, les engagements de l'État pour l'outre-mer ont été reconduits. En effet, les crédits de paiement directement gérés par votre ministère sont en hausse, particulièrement ceux qui concernent le logement, la continuité territoriale et le « passeport mobilité ».
Vous avez fait souvent acte de courage, monsieur le ministre. Souvenons-nous de la tempête déclenchée par vos propos à Mayotte relatifs aux effets dévastateurs de l'immigration. Il fallait du courage politique pour le dire ! Et vous avez eu raison, car il s'est ensuivi une réelle prise de conscience de la réalité des problèmes de l'outre-mer.
Mais notre grande inquiétude sur l'immigration clandestine et ses lourdes conséquences connaît un apaisement à la suite de l'annonce faite par le Gouvernement de mesures concrètes visant à réaffirmer l'état de droit sur nos territoires, même si nous nous devons de rester toujours très vigilants dans ce domaine.
Pour ce qui est de l'emploi, le projet de budget de la mission « Outre-mer » affecte tout de même 60 % des crédits à la lutte contre le chômage. Pourtant, il faut avoir le courage de dire que nous devons inverser la tendance à l'assistanat. Nous demandons plus de crédits en faveur du dispositif du RMI, comme si nous voulions inciter les gens à ne pas travailler ! Nous demandons plus de crédits pour le logement, comme si chacun ne devait pas, comme nos aînés, apporter sa contribution à son logement ! Certes, l'État doit accomplir des efforts, mais cela n'empêche pas une participation active ; c'est une question de dignité, et c'est là toute la force de l'outre-mer !
Votre projet de budget est donc courageux, monsieur le ministre. Il est plus juste, car il tend à gommer les inégalités qui frappent l'outre-mer. Il est cohérent et respectueux des engagements du Gouvernement.
À ce stade de mon intervention, permettez-moi d'évoquer quelques problèmes touchant en particulier au logement, à l'équipement des réseaux, à la justice, à la coopération et à la jeunesse.
Le sujet du logement ayant été abordé par tous les intervenants précédents, j'insisterai pour ma part sur l'amélioration des conditions de logement et la nécessité de trouver des solutions pour le monde agricole et les personnes âgées.
Compte tenu de la faiblesse de leurs revenus, les personnes âgées peuvent difficilement financer la réhabilitation de leur logement. Il faut donc que les préfets, qui ont compétence dans ce domaine, utilisent la ligne budgétaire unique pour permettre à une population qui n'a jamais bénéficié d'aucun soutien, ni du RMI, ni de l'aide au logement, ni même parfois de la sécurité sociale, d'accéder au moins aux logements sociaux.
S'agissant de la construction de logements, nous ne pouvons plus continuer à voir une concentration excessive de population dans certains logements, en particulier dans nos campagnes. De même, il importe de souligner le manque d'entretien de la part des bailleurs.
Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur les graves retards enregistrés en matière de réseaux d'eau potable, d'assainissement, de stations d'épuration et de gestion des déchets. Aucune mesure n'est prise en Guadeloupe dans le domaine des déchets et la situation est préoccupante : d'un côté, les deux usines de traitement existantes sont fermées, de l'autre il est proposé de créer un centre de stockage des déchets ultimes. Comment stocker ces derniers s'il n'y a pas eu de traitement des déchets ?
J'en viens à la justice. Incontestablement, un effort considérable a été réalisé en vue de l'amélioration de la situation carcérale, grâce à un certain nombre de projets d'agrandissement. En Guadeloupe, il s'agit notamment de la prison de Basse-Terre, du palais de justice et, surtout, de la rénovation extrêmement intéressante de l'ancienne gendarmerie de Pointe-à-Pitre pour accueillir les services de l'instruction judiciaire.
Il reste toutefois un effort à accomplir - et c'est la juriste qui parle - pour remédier au manque de greffiers.
En outre, les crédits font défaut pour mener à bien les expertises. L'absence d'expertise est inadmissible dans des dossiers particulièrement sensibles, comme ceux concernant les viols, puisque, faute de preuves intangibles, le juge d'instruction est obligé de libérer le prévenu au terme d'un certain délai.
Dans le domaine de la coopération, les mesures mises en place avec l'ensemble des pays de la Caraïbe permettent de lutter de façon plus intelligente contre l'immigration clandestine. La convention en matière de police signée en 2005 et les accords de réadmission et de circulation de 2006 ont donné des résultats positifs.
Cependant, compte tenu de la modification qui a été apportée au statut de Saint-Martin, l'accord franco-néerlandais est figé depuis quelques années. Même si elle n'en porte pas la responsabilité, la France doit imposer une renégociation de cet accord afin de l'étendre à de nombreux domaines. Par exemple, il n'est pas acceptable de voir des étrangers entrer dans la zone hollandaise et, après avoir acquitté les taxes aéroportuaires, venir se faire soigner gratuitement dans les hôpitaux français !
Par ailleurs, j'insiste sur la perception d'une présence française trop administrative et diplomatique au sein de l'Association des États de la Caraïbe, l'AEC. Les relations ont perdu la souplesse voulue à l'origine par le Président de la République, les présidents des collectivités régionales et départementales ayant laissé peu à peu la place aux diplomates, ce qui ne correspond pas à la réalité des problèmes dans la zone.
Le rôle de la France dans cette partie du monde est primordial, car elle doit montrer la voie de la stabilité et de l'efficacité des actions régionales.
J'évoquerai enfin une question qui me tient à coeur : la violence provoquée par l'usage des drogues qui détruisent notre jeunesse.
À cet égard, les femmes de Guadeloupe vivent dans la peur d'être souillées par de jeunes drogués, depuis qu'un certain nombre d'agressions ont été perpétrées en plein jour à l'encontre de femmes, pourtant sportives et battantes.
Je ne souhaite pas que la société que nous sommes en train de bâtir détruise le patrimoine qui nous est le plus cher et le plus précieux : notre jeunesse.
Certes, monsieur le ministre, vous avez fait mettre en place un certain nombre de structures d'information, de dialogue, d'écoute, de concertation, d'échange avec notre jeunesse. Il importe de les renforcer, particulièrement dans le domaine de la justice, pour apaiser ce climat d'agressivité et d'incompréhension entre ceux qui n'ont pas de travail et les autres. Ne l'oublions pas, la jeunesse qui vit dans le désoeuvrement a besoin de la culture de l'espoir.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, je soutiendrai votre action et je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
rappel au règlement
M. Guy Fischer. Je demande la parole, pour un rappel au règlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36, et s'adresse à M. Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Certes, monsieur le ministre de l'outre-mer, j'aurais pu l'adresser tout à l'heure à M. Estrosi.
Monsieur le ministre de l'intérieur, je proteste énergiquement contre votre acharnement à expulser M. et Mme Raba et leurs trois enfants, âgés respectivement de sept, quatre et trois ans.
Ils sont sur notre sol depuis 2001, deux de leurs enfants sont nés en France ; ils ne demandent que le droit d'asile au pays des droits de l'homme, comme l'ont obtenu les autres membres de leur famille. Ce sont non pas des terroristes, ni de dangereux criminels, mais des victimes de la guerre. Ils ont connu, dans leur pays, des violences ; ils ont été victimes d'agressions qui ont été commises par des tortionnaires ayant aujourd'hui pignon sur rue, et ils ont même été menacés de mort.
En les renvoyant au Kosovo, monsieur le ministre de l'intérieur, vous fermez les yeux sur les menaces qui pèsent sur eux. Mme Raba n'hésitera pas, d'ailleurs, à mettre sa vie en jeu pour faire valoir sa juste cause.
Je m'élève également avec la plus grande énergie contre les moyens mis en oeuvre et le recours à la violence pour procéder à leur expulsion. Samedi dernier, au matin, j'étais à l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry pour protester contre cette situation. François Auguste, vice-président communiste de la région Rhône-Alpes, se trouvant dans l'avion qui transportait la famille, s'est également opposé à cette expulsion. Menottes, bâillon et brutalité ne sont pas de mise envers des êtres humains devant leurs enfants ! Pas plus qu'il n'est de mise de disposer de l'argent public en affrétant un avion militaire pour satisfaire votre zèle à l'encontre de la famille Raba !
C'est la deuxième fois que j'ai à traiter un tel dossier !
Il est temps que la raison l'emporte, et que vous mettiez en pratique l'une de vos déclarations, en tant que candidat à l'élection présidentielle, parue, le 30 novembre 2006, dans Libération : « Faire de la France le pays où tout peut devenir possible. Et cela pour tout le monde, mais d'abord pour ceux qui ont connu des épreuves. »
L'expulsion est en cours, avec un transit à Toulouse. Je vous épargnerai les détails, mes chers collègues, mais vous seriez vraiment surpris !
Avec toutes celles et tous ceux qui sont mobilisés contre l'expulsion de cette famille, je vous demande instamment, monsieur le ministre de l'intérieur, d'accorder à M. et Mme Raba et à leurs enfants l'autorisation de vivre en France, dans la paix et la sécurité.
Madame la présidente, je souhaitais transmettre ce message d'actualité à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je vous donne acte de votre appel au règlement, mon cher collègue.
5
Loi de finances pour 2007
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Outre-mer (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 50 et 50 bis), la parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'outre-mer, en particulier la Guadeloupe, attendait de ce projet de budget des réponses concrètes à ses difficultés. Mais force est de constater que la déception est au rendez-vous face à la poursuite d'une politique qui ne répond que de façon très lacunaire aux problématiques.
Pourtant, monsieur le ministre, on a assisté, ces derniers temps, à la publication d'un nombre important de rapports sur l'outre-mer. Leurs préconisations vous auraient permis de disposer d'une matière suffisante pour la mise oeuvre d'une politique de réformes ambitieuse.
Je note toutefois que vous avez été bien avisé de maintenir l'abaissement des charges initié par la loi d'orientation relative à l'outre-mer qu'exigent les caractéristiques de nos départements.
J'avais aussi espéré que vous seriez allé plus loin en supprimant, notamment, les effets de seuil, qui freinent depuis trop longtemps le renforcement de l'encadrement des entreprises d'outre-mer.
Néanmoins, le contexte économique durant ces deux dernières années a été relativement favorable à la création d'emplois et à la lutte contre le travail dissimulé, même si, en Guadeloupe, le taux de chômage s'établit encore à plus de 24 % de la population active, alors qu'il est passé sous la barre symbolique des 10 % dans l'hexagone. Comme vous le disiez, cela n'est qu'une tendance, mais je peux d'autant moins m'en satisfaire qu'elle ne peut masquer à elle seule la dégradation parallèle des chiffres en matière sociale.
Au terme d'une progression constante depuis 2002, la part de la population bénéficiaire du RMI s'établit aujourd'hui à 16 %. S'il en était besoin, ce chiffre justifie à lui seul la nécessité de poursuivre l'effort de financement des emplois aidés du secteur non marchand, qui permettent de ramener sur le marché du travail les publics les plus éloignés. Or, alors que les chiffres du chômage restent encore trop élevés, le projet de budget prévoit une réorientation des crédits au détriment de ces emplois aidés, ce qui revient ni plus ni moins à laisser une part des exclus de l'emploi au bord du chemin.
Monsieur le ministre, 2 % d'augmentation de l'emploi salarié du secteur marchand, c'est encore trop peu pour relâcher l'effort. Dès lors, toutes les pistes doivent être explorées afin de créer un contexte économique favorable à l'emploi.
À cet égard, le projet de zone franche global élaboré par les socioprofessionnels de la Guadeloupe permettrait, par le biais de la fiscalité, de compenser et de surmonter les blocages résultant, notamment, des surcoûts liés à l'insularité et à l'étroitesse des marchés. C'est un projet dont la faisabilité mérite d'être davantage qu'un argument de campagne électorale, surtout quand on connaît l'impact que peut avoir sur l'emploi la diminution des charges des entreprises.
Monsieur le ministre, la Guadeloupe a besoin, pour son dynamisme économique et touristique, d'un réseau de transports publics moderne.
Le département a souhaité relever ce défi. Il a plaidé pour obtenir votre soutien en en appelant à votre concours financier et technique : malheureusement, je ne vois pas le moindre début de traduction de cette volonté d'accompagnement dans le projet de budget que vous nous soumettez. J'attends, encore une fois, une réponse de votre part sur ce point, tout en appréciant votre soutien technique.
La situation du logement, quant à elle, est un échec aux conséquences dramatiques pour les populations d'outre-mer.
La crise du logement concerne la France entière, mais elle connaît, dans les départements d'outre-mer, une certaine acuité, qui s'est même aggravée au cours de ces deux dernières années.
Dans ce domaine, les chiffres reflètent, eux aussi, les difficultés.
Vous le savez, en Guadeloupe, 25 000 familles restent aujourd'hui peu ou mal logées. Cette situation inadmissible n'est pas digne de notre République ! Plus de 60 % de la population de la Guadeloupe est éligible à l'accès à un logement social, contre environ 20 % dans l'hexagone.
Dans la présentation du budget pour 2007, je constate que le logement ne figure pas au rang des priorités, même affichées. Pourtant, le Gouvernement est bien conscient de l'enjeu. J'en veux pour preuve le coup d'accélérateur donné, dans l'hexagone, à la production par la loi portant engagement national pour le logement, qui, malgré les promesses, reste encore une fois non appliquée en Guadeloupe.
De plus, la « panne » du logement social ne permettra pas de bénéficier de ses effets induits sur l'emploi et le secteur des travaux publics.
À mon avis, trois mesures au moins auraient amorcé une réforme durable:
En premier lieu, je pense à la pluri-annualisation de la LBU, la ligne budgétaire unique, sur laquelle je suis encore contraint de revenir.
En deuxième lieu, dans les DOM, il faudrait étendre au prêt locatif à usage social la baisse de 0,5 point sur les prêts de la Caisse des dépôts et consignations annoncée par M. Borloo.
En troisième lieu, il faudrait mieux tenir compte des surcoûts résultant de la mise aux normes antisismiques et anticycloniques, auxquels s'ajoute l'augmentation du coût du foncier.
Vous l'aurez compris, la sortie de l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui le logement social passe par une réforme profonde de son financement. Dans ce contexte, lors de son déplacement en Guadeloupe, le Premier ministre a souligné la nécessité de répondre à l'urgence. Je crains, cependant, que le règlement du passif ne réduise pas la file des 25 000 familles de la Guadeloupe en attente d'un logement.
De plus, en dépit de vos explications sur les modalités de rattrapage de la dette, qui s'élève aujourd'hui à plus de 100 millions d'euros, le projet de budget pour 2007 ne me paraît toujours pas à la hauteur des engagements qui ont été pris, comme l'ont démontré nos collègues Claude Lise et Henri Torre. Je souhaiterais donc obtenir des éclaircissements sur ce point et que vous m'indiquiez le nombre de logements correspondant aux crédits censés financer les mesures nouvelles pour 2007.
Des éclaircissements et des engagements, c'est également ce que l'outre-mer réclame s'agissant des finances des collectivités locales.
Le département de la Guadeloupe fait face à une croissance exponentielle de ses dépenses en faveur du revenu minimum d'insertion, le RMI. Le solde laissé à la charge du conseil général suit la même évolution, car, là encore, il n'est pas compensé.
À ce sujet, le Premier ministre a annoncé le versement d'une enveloppe de 500 millions d'euros aux départements sur trois ans, mais sans en préciser les modalités ni apporter de garantie. En réponse à une première interrogation, vous aviez seulement confirmé la somme annoncée ; j'espère que votre réponse sera, cette fois, plus complète.
La refonte du régime de réassurance au titre des catastrophes naturelles préoccupe également les collectivités territoriales de la Guadeloupe. Plusieurs d'entre elles ont fait l'objet d'une résiliation, à titre conservatoire, de leur couverture par leur assureur, dans l'attente de l'issue de la réforme en cours.
Si, pour renforcer l'équilibre financier de la Caisse centrale de réassurance, le principe de solidarité nationale devait être remis en cause en outre-mer, l'économie de ces régions, exposées aux phénomènes climatiques se trouverait davantage fragilisée. Sur ce sujet, les acteurs économiques me disent avoir du mal à obtenir des réponses claires.
Par ailleurs, avec le groupe socialiste, en particulier avec MM. Lise et Larcher, je suis porteur d'un amendement visant à proroger, pour la durée du prochain contrat de projet, la taxe d'embarquement sur les passagers instituée au profit des régions d'outre-mer. Celle-ci sert, notamment, au financement de la politique touristique et des dispositifs de continuité territoriale de tout l'archipel guadeloupéen. D'ailleurs, je remarque, comme d'autres avant moi, que la politique menée par votre gouvernement en la matière reste bien timide au regard des attentes qu'elle a suscitées, notamment dans les îles du Sud.
Monsieur le ministre, tout au long de l'examen du projet de budget, j'ai bien gardé en tête le fait que les crédits gérés par le ministère de l'outre-mer ne représentent que 13 % de la dépense globale de l'État outre-mer. Il appartient, cependant, à votre ministère de coordonner la politique conduite dans ces régions de manière d'autant plus énergique qu'il s'agit d'un ministère de plein exercice.
Permettez-moi, ainsi, de soulever deux questions qui me préoccupent.
Tout d'abord, je dois vous alerter sur l'insécurité en Guadeloupe. Elle se distingue, notamment, par un taux élevé d'atteinte à la personne, supérieur aux taux constatés en métropole, sans que paradoxalement des actions fortes soient mises en oeuvre.
Ensuite, je m'inquiète de l'entrée en vigueur effective du statut de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin avant la fin de cette législature. Je souhaiterais donc que vous me rassuriez sur son aboutissement.
Monsieur le ministre, les difficultés que j'ai évoquées devant vous sont chroniques, et cette législature s'achève en ayant marqué un recul dans certains domaines. Dans ces conditions, vous comprendrez que, faute d'éclaircissements et d'engagements, je ne puisse voter votre projet de budget en l'état, car ce serait approuver une politique engendrant une déception qui n'a d'égale que les espoirs dont elle était porteuse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces derniers mois, les membres du Gouvernement ont multiplié les visites aux Antilles.
J'apprécie particulièrement ces contacts réguliers qui sont pour nous, élus, l'occasion de faire part de nos préoccupations et, surtout, de nos suggestions.
Je pense ainsi au déplacement en Guadeloupe de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine. Je songe également à la mission d'information de la commission des affaires sociales du Sénat sur les quartiers en difficulté, en juin dernier.
À cette occasion, une journée de travail a été organisée à l'hôtel de ville des Abymes, ce qui a permis de présenter le projet de renouvellement urbain que nous sommes en train de préparer afin de le soumettre à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU. Il m'a semblé essentiel que nous participions à cette réflexion sur les quartiers en difficulté.
Forts de cette expérience de terrain, nous pouvions légitimement espérer que le Gouvernement donnât un nouvel élan à sa politique pour la remise à niveau et le développement de l'outre-mer.
Ce projet de loi de finances pour 2007 est, en effet, l'occasion pour le Gouvernement de mettre en oeuvre les engagements qu'il a pris et qu'il a confirmés à l'égard de l'outre-mer.
Certes, et c'est tout à votre honneur, monsieur le ministre, les priorités que vous affichez sont conformes à nos besoins sociaux les plus urgents, à savoir l'emploi, le logement et l'immigration clandestine. Toutefois, malgré cette prise de conscience affirmée de l'urgence qu'il y a à agir, ce texte se caractérise paradoxalement par la stabilité, voire, pour être objectif, par une régression des moyens financiers mobilisés.
Ce projet de budget interpelle donc à plusieurs titres.
En premier lieu, il lui manque de l'ambition, alors même que la situation des collectivités d'outre-mer appelle une mobilisation politique et un plan d'action énergique.
Pour preuve, quand le budget de 2006 s'élevait à 1,99 milliard d'euros en crédits de paiement, celui de 2007 prévoit seulement 1,962 milliard d'euros. Les autorisations d'engagement, elles, passent de 2,36 milliards d'euros à 2,03 milliards d'euros.
Je déplore cette régression du niveau des crédits de la mission « Outre-mer », tant elle ne fait que témoigner et confirmer l'absence d'une réelle stratégie et d'une vision à long terme pour l'outre-mer.
Dois-je rappeler, une fois de plus, que taux de chômage y est trois fois supérieur à la moyenne nationale, avec, en corollaire, une période moyenne d'inactivité plus longue ?
Or, la situation se dégrade encore. Le nombre de demandeurs d'emploi enregistrés est passé de 42 000 en juin 2005 à 43 560 en juin 2006, soit une augmentation de 4 %.
Face à cette situation, les crédits alloués à l'emploi s'élèvent, en 2007, à 1,16 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, contre 1,42 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,22 milliard d'euros en crédits de paiement, en 2006.
Ainsi, malheureusement, ce budget est loin de confirmer vos déclarations devant la commission des lois le 18 octobre dernier. Je pense pourtant que vous êtes, monsieur le ministre, je tiens à le souligner, l'un des ministres en charge de ce secteur qui a le mieux compris l'outre-mer. Votre bonne volonté et votre sincérité ne peuvent donc être mises en cause.
Néanmoins, les choix qui ont dû être faits ne traduisent pas l'effort auquel nous aurions pu nous attendre. Ce constat de baisse pourrait gravement nuire au plan local d'insertion professionnelle des personnes en difficulté, ce qui n'est pas conforme à vos souhaits et à vos attentes - nous savons très bien que vous êtes vous-même obligé de vous battre vigoureusement lors des arbitrages budgétaires.
S'agissant du logement social, lors de la première lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement, j'ai alerté le Gouvernement - M. Borloo défendait alors ce texte - sur la nécessité d'abonder la ligne budgétaire unique, la LBU, afin de couvrir les dettes de 2005 et de financer les objectifs annuels dans le cadre d'une programmation pluriannuelle conforme aux besoins très largement identifiés.
J'ai noté avec satisfaction, d'une part, l'intention du Gouvernement, exprimée en Guadeloupe par le Premier ministre, d'augmenter la dotation consacrée au logement social de 120 millions d'euros, dont 60 millions d'euros dès 2007 et, d'autre part, la prise de conscience du fait que la dette accumulée, soit 113 millions d'euros, doit être épongée d'ici à la fin du premier trimestre 2007.
Toutefois, mon inquiétude persiste lorsque je lis l'analyse de M. Henri Torre, rapporteur spécial.
En effet, il considère que les modalités budgétaires particulières qui ont été adoptées faussent l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » par le Parlement. De plus, il nous met en garde, dans l'attente des précisions qui seront apportées lors de l'examen du collectif budgétaire de 2006, sur le risque d'un accroissement de l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.
Comme tous ceux qui sont intervenus avant moi, monsieur le ministre, je souhaite que, sur ces interrogations et ces zones d'ombre, vous nous apportiez les éléments d'information susceptibles de nous éclairer et de rassurer nos populations, ainsi que les opérateurs dans le domaine du logement social.
Pour l'heure, je vous l'assure, l'outre-mer garde confiance quant au respect des engagements pris. Nous avons conscience de votre engagement à nos côtés et de votre volonté, mais nous savons aussi que tout cela ne dépend pas uniquement de vous C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que les promesses faites soient effectivement tenues dans les délais annoncés, eu égard à l'urgence.
Je pourrais me réjouir également de la progression des crédits consacrés à la continuité territoriale. Néanmoins ils restent, en réalité, trop insuffisants au regard de l'objectif fondamental fixé. En effet, l'idée de continuité territoriale se réfère à la notion d'équité qui, elle-même, repose sur un principe d'égalité entre les citoyens dans l'exercice de leur droit de se déplacer dans les mêmes conditions de prix entre divers points du territoire national.
À cet égard, la comparaison avec la Corse est aussi légitime qu'édifiante. Le rapport est de un à six : 180 millions d'euros d'un côté, et seulement 32 millions d'euros de l'autre. Si l'on tient compte des populations respectives ou encore de la distance, sans faire le calcul précis, ce rapport passerait de un à dix, voire de un à quinze, selon le critère retenu !
Aujourd'hui, il faut avoir le courage politique de reconnaître que le dispositif pour l'outre-mer est inadapté aux besoins authentiques et légitimes des populations ultramarines. N'est-il pas temps, monsieur le ministre, d'envisager sérieusement la mise en place d'une vraie continuité territoriale avec l'outre-mer et de proposer une réforme en ce sens, comme le souhaitent les élus et les populations concernées ?
Dans un premier temps, cette réforme devrait se traduire, concrètement, par l'ouverture du dispositif à de nouvelles catégories de bénéficiaires.
En évoquant cette question, je veux, bien sûr, parler des personnes qui sont obligées de se déplacer entre l'outre-mer et la métropole pour des raisons de formation, initiale ou continue, ou encore de celles qui doivent se déplacer dans le cadre de leur activité professionnelle. Je pense également à nos concitoyens ultramarins gravement malades et qui doivent, le cas échéant, se faire soigner en métropole.
Je veux enfin, du moins pour le moment, parler des originaires d'outre-mer vivant en métropole et devant se rendre en urgence dans leur région de naissance pour des évènements familiaux exceptionnels tels que le décès d'ascendants ou de collatéraux.
Pour tous ces personnes, il faut envisager la conclusion de conventions de service public avec les compagnies aériennes desservant l'outre-mer, comme cela se fait avec la SNCM, qui participe au service public entre Marseille et la Corse.
La notion d'intérêt général et son corollaire, la continuité territoriale, répondent aussi à un impératif de développement économique. Dans ce budget, comme dans les précédents, s'il est fait un tant soit peu état du déplacement des personnes, la question du coût du transport des marchandises est totalement éludée.
Monsieur le ministre, cette question majeure de la continuité territoriale dans sa configuration actuelle doit pouvoir bénéficier d'une volonté politique forte du Gouvernement pour, enfin, connaître un aboutissement heureux, à la mesure des attentes des populations concernées.
À ce stade de mon intervention, je souhaite évoquer rapidement deux sujets qui me tiennent à coeur.
Le premier concerne le devenir de l'île de Saint-Martin. Le vote du budget me paraît, en effet, le moment opportun pour insister une fois de plus sur la nécessité d'un plan d'accompagnement, national et volontariste, qui sera la clé d'un passage réussi à l'autonomie.
Comme je l'ai dit lors de la discussion du projet de loi portant évolution statutaire des îles du nord de l'archipel guadeloupéen, le Gouvernement doit donc aller au terme du processus. Là encore, je ferai référence au traitement réservé en son temps à la Corse.
La loi 22 janvier 2002 prévoit, en effet, en son article 53, un dispositif exceptionnel d'accompagnement de la Corse : pour surmonter ses handicaps naturels, elle bénéficie d'un plan tout à fait exceptionnel sur quinze ans, afin de résorber son déficit en équipements publics et en services collectifs. Je demande qu'un dispositif identique soit mis en oeuvre pour Saint-Martin. Ce plan prouve que notre pays sait y faire quand il veut être objectif et juste !
Le second sujet que je veux évoquer concerne le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD. La loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances a transformé le FASILD en Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ANCSEC.
Par des subventions, le FASILD soutenait l'action des associations qui mettent en place des ateliers linguistiques. Cependant, à partir de 2007, il est prévu pour l'outre-mer, pour les DOM en particulier, que l'apprentissage du français par les immigrés soit pris en charge par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM.
Aussi, pour permettre à cette dernière de mener à bien ses nouvelles missions, il me semble nécessaire d'abonder en conséquence les crédits qui lui sont octroyés, notamment pour assurer la création d'antennes ou de bureaux d'accueil dans chaque département d'outre-mer. Je déposerai donc un amendement en ce sens.
Pour conclure, je dirai que, globalement, ce budget se situe dans la continuité du précédent. C'est sans doute une occasion ratée d'adresser à l'outre-mer le message clair qu'attendent les populations quant à la volonté du Gouvernement de prendre enfin les décisions en rapport avec l'acuité des difficultés auxquelles sont confrontés ces territoires.
La déception risque d'être d'autant plus vive que les attentes sont grandes, légitimes, connues, largement partagées et bien relayées par les représentants de ces populations, notamment par les parlementaires - je pense, particulièrement, aux sénateurs.
Monsieur le ministre, je sais que nos compatriotes suivent attentivement nos travaux. Vous comprendrez donc que j'attende de connaître la position que vous prendrez sur toutes ces questions majeures avant de déterminer le sens que je donnerai à mon vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la législature s'achève, et il est bon de mesurer la distance parcourue grâce aux engagements pris par le chef de l'État, M. Jacques Chirac, par le Gouvernement et par la majorité qui l'a soutenu.
Plusieurs grands sujets étaient à l'ordre du jour, le terrain institutionnel était miné, le développement économique était difficile à relancer et il fallait donner un visage humain et digne à l'égalité sociale.
Dans le domaine de la paix institutionnelle, il faut reconnaître que l'objectif a été atteint. Il l'a été à la Réunion parce que le Président de la République a exigé et obtenu que la parole donnée soit respectée.
M. Nicolas About. C'est vrai !
M. Jean-Paul Virapoullé. La Réunion est restée dans le champ de l'intégration adaptée grâce à l'amendement que vous avez adopté, mes chers collègues, à une très large majorité.
La paix institutionnelle a été rétablie dans les autres départements d'outre-mer par le vote des citoyens : je ne connais pas de meilleur moyen démocratique !
Sur le plan de l'égalité économique, qui faisait partie de l'engagement du Président de la République, des avancées très substantielles ont été réalisées.
Je voudrais que l'on revienne à la réalité. Moi qui suis un élu d'un département d'outre-mer, je veux dire à la représentation nationale que les choses ne peuvent plus aujourd'hui être telles qu'elles étaient hier ! Les temps sont devenus difficiles pour tout le monde. Chacun doit balayer devant sa porte, chacun doit prendre sa part de responsabilité et participer à l'effort commun. On ne peut plus seulement demander à l'État : que faites-vous pour nous ? - je le dis à cette majorité comme je le dirais à une autre - il faut aussi se demander ce que nous faisons pour l'État !
Dans ce contexte, force est de constater que la loi de programme pour l'outre-mer, qui établit l'égalité économique et l'égalité sociale dans la dignité, a eu des résultats considérables.
L'investissement défiscalisé a augmenté de 180 millions d'euros entre la loi d'orientation pour l'outre-mer, la LOOM, et la loi dite « Girardin », voulue par le Président de la République.
En matière de continuité territoriale, il est vrai, mes chers collègues de l'opposition, que nous n'avons pas fait un bond en avant extraordinaire, mais nous sommes sur la bonne voie : 60 000 passeports mobilité ont été accordés. Un tel dispositif n'existait pas avant 2002.
Par ailleurs, une autre avancée qualitative a été réalisée, et elle n'a pas été accompagnée par les régions, sauf la Guadeloupe : 32 millions d'euros de crédits ont été mis en place, et, monsieur le ministre, vous avez majoré les dotations en faveur du passeport mobilité de 31 % dans le budget pour 2007.
Ce sont donc 32 millions d'euros de crédits qui sont consacrés à la continuité territoriale. Or la plupart des régions, sauf la Guadeloupe, je le répète, n'utilisent pas les crédits qui leur sont alloués Ce n'est donc pas la faute de l'État ! Certains n'utilisent pas la manne qui leur a été accordée pour réduire le handicap de la distance !
En matière de développement économique et touristique, les collectivités locales, les acteurs économiques locaux doivent s'investir davantage. Ce n'est pas uniquement le rôle de l'État.
Lorsque l'image d'un département est entachée par une épidémie comme celle due au chikungunya - localement, nous n'arrivons pas à relancer l'image d'île accueillante, attrayante, intense, qui est traditionnellement attachée à la Réunion -, l'État a un rôle à jouer.
Grâce à l'action du Gouvernement, la Réunion ne connaît plus - et j'espère qu'elle ne la connaîtra plus - l'épidémie qui a sévi dans l'île.
Je le dis solennellement, mes chers collègues, la représentation nationale doit savoir que le Premier ministre, le ministre de l'outre-mer et le ministre de la santé ont « mouillé leur chemise » sur le terrain, avec l'aide de l'armée française, des pompiers, des élus locaux et de toute la population. Grâce à cette mobilisation, j'espère que cette épidémie ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir et que les touristes français et européens reviendront à la Réunion, où ils seront bien accueillis parce que c'est une île qui ne cherche qu'à s'ouvrir aux autres. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Certes, il reste encore du chemin à parcourir. Mais quand je voyage, quand je regarde autour de moi, quand je vois ce qui se passe à Madagascar, en Afrique, et même dans certains pays d'Asie - voilà bientôt quarante ans que je suis élu ; nous nous sommes battus aux côtés de Michel Debré pour rester Français -, j'ai envie de remercier la France, sa représentation nationale et les gouvernements qui se sont succédé d'avoir transformé les DOM, de terres de misère, d'abandon, de ruines, en vrais départements français, en vraies régions de l'Europe qui progressent.
C'est par l'effort collectif, par un langage de vérité, par une volonté commune, que nous atteindrons nos objectifs.
Le fait que 58 % des enfants dans nos écoles primaires sont du niveau moyen métropolitain et que 42 % restent au-dessous de ce niveau ne signifie-t-il pas que des efforts doivent être accomplis pour améliorer la réussite scolaire de nos élèves ?
Lorsque 60 % des étudiants des facultés de la Réunion échouent en première année - ils sont 40 % en métropole, ce n'est guère mieux - n'avons-nous pas un effort à faire pour valoriser le facteur humain ?
L'égalité et le développement économiques passent par l'investissement premier, qui est l'investissement dans l'homme. Quand l'homme maîtrise le savoir, quand il est capable de définir son projet de vie, de construire son avenir, alors là, oui, l'argent public est bien utilisé ! (Très bien ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur deux points noirs, deux zones d'ombre majeures dans le développement économique de l'outre-mer.
Le premier de ces points noirs concerne le logement social. Ainsi que tous les orateurs l'ont souligné, notamment M. Henri Torre et Mme Anne-Marie Payet, une opération vérité doit être menée.
Il est vrai que, sur le plan de l'égalité économique, le logement a évolué grâce à la défiscalisation. Tout le monde le sait, les carnets de commandes des entreprises sont remplis, mais, sur le plan du logement social, il y a une opération vérité à mettre en oeuvre, monsieur le ministre, et nous comptons sur vous, après la mise au point du Premier ministre aux Antilles, pour, aujourd'hui, rassurer la représentation nationale.
Le second point noir, mes chers collègues --et je compte sur l'effort de tous pour nous aider -, est lié au pouvoir d'achat et au coût de la vie.
Si la solidarité nationale, européenne, est freinée par l'écran des abus de positions dominantes, des ententes illicites, qui renchérissent lourdement le coût de la vie outre-mer, nos compatriotes des DOM sont pris en étau entre deux problèmes : si les salaires du privé sont plus faibles qu'en métropole, le coût de la vie y est plus élevé. Cette situation, évidemment, crée une population de mécontents.
Je vous ai écrit à ce sujet, monsieur le ministre, ainsi qu'au Premier ministre, et vous m'avez répondu que vous alliez demander au directeur général de l'INSEE de mener une mission.
Cela m'amène à ma première question.
En métropole, où l'INSEE mesure, mes chers collègues, 200 000 prix par an, le niveau réel des prix peut être connu. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, à quelle échéance l'INSEE devra s'acquitter du travail que vous allez lui demander, afin que nous puissions, ensemble, déterminer les voies et moyens permettant de mettre en place l'observatoire des prix qui a été prévu par l'article 75 de la loi d'orientation pour l'outre-mer ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Très bonne question !
M. Jean-Paul Virapoullé. C'est une obligation légale. En effet, l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les prix sont « librement déterminés par le jeu de la concurrence ». Mais quand il n'y a plus de libre concurrence, il faut bien trouver un moyen de la rétablir.
Par ailleurs, les règlements communautaires l'imposent. Les articles 81 et 82 du Traité d'Amsterdam prévoient clairement que les ententes illicites sont interdites et qu'il faudrait y mettre un terme.
Ma deuxième question concerne l'inquiétude qui s'empare aujourd'hui des milieux économiques dans les départements d'outre-mer.
Il nous a été rappelé que les États voisins souhaitaient que l'octroi de mer et les taxes qui grèvent leurs productions soient supprimés dans le cadre de l'article 28 des accords de Cotonou. Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, quelle est votre réponse à cette demande des pays qui nous entourent et quelle est la stratégie du Gouvernement pour faire en sorte que l'économie fragile de l'outre-mer ne soit pas mise en péril.
Enfin, hasard du calendrier, Matignon examine, en ce moment même, le dossier des quinze zones franches urbaines, les ZFU. Je voudrais, quoi qu'il en soit, vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir appuyé personnellement ce dossier. Grâce à votre soutien, l'est de la Réunion, qui est dans une situation économique difficile, pourra, par le biais de la ZFU, conquérir un nouveau souffle.
Pouvez-vous me dire - et peut-être aurez-vous tout à l'heure une réponse sur ce sujet - si la ZFU sera appliquée et, dans ce cas, si elle le sera avant la fin de l'année ? Les acteurs économiques n'attendent qu'un signal pour démarrer.
Telles sont donc les quelques remarques que je voulais formuler.
J'estime que cette législature a été positive sur le plan de l'égalité économique, qu'elle a permis un sursaut en termes de solidarité nationale par rapport à l'outre-mer et que, dans les moments difficiles, nous avons pu compter sur l'aide du Gouvernement.
Rien n'est parfait en ce bas monde, il y a encore des zones d'ombre - le coût de la vie, le logement social -, mais le travail a été largement positif. C'est la raison pour laquelle je voterai votre budget et je soutiendrai l'action que vous allez mener pour l'outre-mer français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2007 étant le dernier de la législature, il est l'occasion de dresser le bilan de la politique conduite ces cinq dernières années par l'actuel gouvernement en direction de l'outre-mer.
D'aucuns pourraient penser que certains engagements du Président de la République ont été respectés.
En effet, la loi de programme pour l'outre-mer était le premier de ses engagements. Cependant, la commission d'évaluation de cette loi venant seulement d'être mise en place, rien ne nous permet d'en juger pour l'instant l'efficacité ou, au contraire, les insuffisances.
La réforme constitutionnelle de 2003 était le deuxième engagement du Président de la République. J'ai eu l'occasion, il y a peu de temps, d'exprimer mon avis sur cette « décentralisation Raffarin ».
De surcroît, cette loi n'est toujours pas applicable, puisque les deux projets de loi organique et de loi ordinaire permettant de rendre effective l'évolution statutaire de certaines collectivités ultramarines viennent seulement d'être adoptés au Sénat et n'ont pas encore été examinés à l'Assemblée nationale.
Nous pourrions reprendre les doléances des années passées puisque, depuis 2002, le budget de l'outre-mer est en baisse constante. Cette diminution est alarmante, car elle touche principalement les priorités absolues que sont le logement et l'emploi. Cela est d'autant plus inquiétant que nous le rappelons chaque année à l'occasion du débat budgétaire et que les élus d'outre-mer, monsieur le ministre, ne cessent de vous le répéter.
Ainsi, pour la quatrième année consécutive, on peut observer une baisse du budget de l'outre-mer. Pour 2007, la mission « Outre-mer » affiche 1,962 milliard d'euros, alors que le budget voté l'an dernier s'élevait à 1,990 milliard d'euros, ce qui équivaut à une diminution de 1,5 %, soit une baisse de 28 millions d'euros en crédits de paiement, c'est-à-dire plus de 3% en euros constants.
Nous constatons également une diminution des autorisations d'engagement de 14 %, même si nous savons, par ailleurs, que la mission « Outre-mer » ne représente qu'une faible partie de la contribution de l'État, qui s'élève cette année à 12,41 milliards d'euros en crédits de paiement, et à 12,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement.
Le logement constitue l'un des axes prioritaires du développement économique et social de l'outre-mer.
Or, dans ce secteur, il existe des divergences de plus en plus grandes entre les moyens mis en oeuvre dans l'hexagone, et ceux qui sont déployés en outre-mer. Ni les crédits inscrits dans la mission ni ceux qui ont été annoncés par le Premier ministre, lors de sa récente visite aux Antilles, ne sont susceptibles de modifier la donne quant à l'écart croissant entre les besoins et l'offre de logements.
Le projet de budget pour 2007 prévoit une enveloppe de 280,75 millions d'euros pour le logement. Or un audit de modernisation, consacré au financement du logement social outre-mer, évalue les besoins à 307 millions d'euros par an, sur cinq ans.
Certes, le Gouvernement a récemment promis une rallonge de 120 millions d'euros sur trois ans, mais celle-ci est très insuffisante, ainsi que l'a montré ce matin encore le rapporteur spécial, M. Henri Torre.
De plus, le rapport de cet audit stigmatise la gestion de la ligne budgétaire unique qui s'illustre par une distorsion croissante entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement. En 2007, cet écart sera de 105 millions d'euros. Cette situation laisse augurer la reconstitution d'une nouvelle dette de l'État à l'égard des opérateurs sociaux dès la fin de 2007, créant ainsi une nouvelle crise de la filière et mettant en grande difficulté les entreprises du bâtiment et des travaux publiques.
En Martinique, le montant des factures impayées de l'État s'élève, aujourd'hui, à 26 millions d'euros, ce qui place près de 400 entreprises au bord de la faillite et menace, par voie de conséquence, plus de 4 000 emplois.
Par ailleurs, toujours selon cet audit, depuis 2000, en outre-mer, la part des logements aidés a été ramenée de 30 % à 15 %, alors que, dans le même temps, la demande ne cesse de croître. Pour la seule Martinique, on enregistre, chaque année, plus de 10 000 demandes de logements HLM et plus de 3 000 demandes d'aide à l'amélioration de l'habitat. Actuellement, il faut parfois attendre dix ans avant d'obtenir un logement social.
En outre, par souci d'égalité, si l'on appliquait le plan de cohésion sociale dans les DOM, il faudrait réaliser pas moins de 27 000 logements sociaux supplémentaires pour atteindre le même niveau que dans l'hexagone. Or, depuis six ans, seuls 4 200 logements locatifs sociaux par an ont été autorisés. En 2005, 3 800 logements seulement ont été construits. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, les chiffres parlent d'eux-mêmes.
La situation du parc privé de logements n'est pas meilleure. Si la défiscalisation a apporté un certain espoir, aujourd'hui, force est de constater que ce dispositif produit des effets pervers, notamment une inflation des coûts de l'immobilier et une envolée des prix du foncier, excluant de ce fait toute une partie de la population de l'accession à la propriété. En réalité, la défiscalisation profite donc à une infime partie de la population locale et, paradoxalement, à des ménages vivants hors des territoires ultramarins.
J'évoquerai maintenant le thème de l'emploi, qui s'inscrit dans un contexte socioéconomique globalement défavorable en outre-mer.
Bien que le taux de chômage ait légèrement diminué en Martinique, il était encore de 26,5 % en 2005, soit trois fois plus que la moyenne nationale, tout comme dans le reste de l'outre-mer. Force est de constater que ceux qui représentent l'avenir de notre pays, c'est-à-dire les jeunes, sont toujours les plus durement touchés. En effet, en Martinique, le chômage des jeunes a progressé de 8 % entre juin 2005 et juin 2006.
Déclaré prioritaire par le Gouvernement, l'emploi voit pourtant ses crédits diminuer substantiellement, alors que l'on observe, notamment, une augmentation constante du nombre de RMIstes. En effet, ceux-ci représentent 26 % de la population en Martinique, contre 10 % de la population nationale.
À cela s'ajoute la crise des secteurs de la banane et du tourisme, qui sont les principaux pourvoyeurs d'emplois.
En 2007, les crédits du programme « Emploi outre-mer » diminueront de 5,2 %, soit une perte de 61 millions d'euros. Cela ne manquera pas de peser sur le financement des contrats aidés, dont les crédits ont été réduits de près de 40 % en quatre ans, ainsi que sur l'aide et le soutien aux jeunes créateurs d'entreprise.
Quoi qu'il en soit, il demeure indispensable de mener des actions fortes de soutien à l'activité et à l'emploi en outre-mer, afin de faire baisser le taux de chômage et de surmonter les handicaps liés, entre autres, aux différentiels de coûts salariaux avec les pays voisins.
À l'heure où le Gouvernement entend poursuivre le développement des biocarburants, je suggère que l'outre-mer en bénéficie tout autant que la métropole. Des études de faisabilité sont d'ailleurs en cours en Martinique ; elles devraient aboutir à des résultats très favorables.
L'industrie des biocarburants devrait pouvoir s'implanter en Martinique et créer ainsi un nombre important d'emplois. J'étais d'ailleurs intervenu auprès de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable en vue de l'inscription d'une unité de production de biocarburants en Martinique dans le programme opérationnel 2007-2013.
Je voudrais à présent évoquer l'hôpital public. Comme je l'avais déjà dit l'année dernière, celui-ci pâtit de son nouveau mode de fonctionnement. En effet, la tarification à l'activité, ou T2A, a répondu à une logique financière, et non à une réelle politique de soins.
Les conséquences de cette réforme sont aggravées par le sous-effectif, ainsi que par les retards structurels accumulés en outre-mer. Bon nombre d'établissements de santé ne répondent plus aux normes d'accueil et aux règles sanitaires. La réforme porte donc atteinte tant à l'offre qu'à la qualité des soins.
En 2005, c'est grâce à une forte mobilisation des élus et des acteurs de la santé que les hôpitaux de Martinique ont perçu 10,5 millions d'euros de crédits supplémentaires pour terminer l'année et assurer le paiement des salaires.
Cependant, rien ne garantit aujourd'hui que la dotation obtenue à l'arraché l'an dernier sera reconduite. Cela hypothèque gravement à la fois la qualité des soins, la sérénité des patients et les conditions de travail dans ces établissements.
En effet, les hôpitaux ont été contraints de signer avec l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, un « plan de retour à l'équilibre », dont les termes nous paraissent scandaleux, puisqu'il faut réaliser des économies sur tout et clôturer l'exercice 2006 sans déficits nouveaux, ni reports de charges.
Selon les termes de ce plan, le centre hospitalier universitaire, le CHU, s'engage à dégager 800 000 euros de recettes supplémentaires en 2006 et à économiser 1,2 million d'euros. En réalité, cela se traduit par des départs à la retraite non remplacés, des mensualités de remplacements supprimées, des médicaments et des réactifs de laboratoires achetés en plus petite quantité, des frais de maintenance, de missions et de déplacements réduits ! En d'autres termes, il s'agit de faire des économies sur la santé de nos concitoyens !
Quel est le résultat ? On assiste actuellement à un développement sans précédent d'escarres dans nos hôpitaux, par manque de soins directement lié au sous-effectif du personnel. Pire encore : dans certains cas, les escarres conduisent à des amputations dont nos aînés sont les premières victimes ! Les personnes âgées pâtissent cruellement du manque de personnel : dans certains établissements, leurs petits déjeuners leur sont servis seulement à dix heures, tandis qu'ils reçoivent leur premier bain en milieu de journée !
Dans ces conditions, comment peut-on demander à nos centres hospitaliers de réduire leurs moyens ?
Les hôpitaux de Martinique ont besoin de 43 millions d'euros pour répondre aux besoins de la population. Le taux de la T2A, qui est de 35% en 2006, sera porté à 50% en 2007, ce qui aggravera encore un peu plus leur situation financière.
De plus, le coefficient géographique pour la prise en charge des surcoûts spécifiques aux DOM, qui est actuellement fixé à 25%, demeure insuffisant. Par ailleurs, aucun de ces établissements de santé, qui ont pourtant pour mission d'accueillir la population en cas de catastrophe naturelle, ne répond aux normes parasismiques.
Or les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour régler la situation sanitaire des territoires ultramarins vont en diminuant. Ils s'élèveront à 59,4 millions d'euros en 2007 contre 89,5 millions d'euros en 2006, soit une baisse de 30 millions d'euros. Nous sommes donc très loin du compte : les besoins des populations ne sont pas pris en considération.
Comme vous l'avez compris, monsieur le ministre, la situation est très préoccupante. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour venir en aide à l'hôpital public en Martinique ?
Comme en 2004 et 2005, j'évoquerai cette année encore les finances locales, qui sont une très forte préoccupation pour les maires ultramarins. J'espère cette fois être entendu !
Les communes d'outre-mer se trouvent dans une situation financière très tendue. Elles doivent faire face à une augmentation très importante de leurs budgets de fonctionnement, et plus particulièrement des charges salariales, du fait de la titularisation massive des agents communaux de catégorie C. Les charges des communes ont augmenté de plus de 3 % en 2005. Le premier poste de leurs dépenses correspond à la masse salariale et varie de 57 % à 65 % de leur budget de fonctionnement. La titularisation croissante des agents entraîne un surcoût financier qui n'est pas compensé par les dotations de l'État.
Les trente-quatre maires de la Martinique ont déjà accompli, dans leur commune, des efforts considérables pour faire régresser le nombre d'emplois précaires dans la fonction publique territoriale par la titularisation du personnel communal, tout en développant les équipements structurants, répondant ainsi aux besoins urgents et parfois élémentaires des populations.
Ainsi, les communes ont joué leur rôle de « buvard social », mais elles ne peuvent plus faire face seules à ces charges supplémentaires. La piste de l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, a principalement profité à l'intercommunalité et aux communes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie, mais pas aux communes qui en avaient urgemment besoin.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le sénateur.
M. Serge Larcher. Je conclus, madame la présidente.
Je voudrais faire une proposition à M. le ministre. En 2004, nous avions adopté au Sénat un amendement déposé par M. Virapoullé tendant à instituer une dotation spécifique d'ultrapériphéricité en matière de DGF. Ce dispositif avait ensuite été rejeté par l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, il conviendrait de faire accepter le principe d'une exonération des charges sociales pour les catégories C dans les communes. Ce principe serait discuté avec les maires, qui s'engageraient à ne procéder à aucune nouvelle embauche pendant une période bien définie dans le temps.
Nous pouvons donc dire qu'avec les crises de l'emploi, du logement, de la banane, c'est toute l'organisation socio-économique de l'outre-mer qui se délite. Cette situation ne peut pas demeurer en l'état. Il n'existe pas de pire injustice que celle consistant à traiter uniformément des populations qui sont dans des situations très différentes. Une telle démarche ne peut que contribuer à accentuer les inégalités et à alimenter un sentiment d'exclusion de la solidarité républicaine.
Lorsque les inégalités s'accroissent sur une partie de son territoire, la France doit mettre en oeuvre des politiques adaptées de rattrapage et de solidarité. Cela vaut pour l'emploi et pour le logement.
Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, pour les raisons que j'ai évoquées tout au long de mon intervention, je ne serai pas en mesure d'apporter mon soutien à votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
6
Souhaits de bienvenue à une délégation du Parlement du Monténégro
Mme la présidente. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans nos tribunes d'une délégation du Parlement du Monténégro, conduite par M. Rifat Rastoder, vice-président.
Les habitants du Monténégro, vous le savez, se sont prononcés pour l'indépendance par le référendum du 21 mai 2006 et nous accueillons donc la première délégation parlementaire d'un Monténégro autonome.
Je suis certaine, mes chers collègues, de me faire votre interprète à tous en adressant aux membres de la délégation monténégrine, et à travers elle, au peuple monténégrin, nos sentiments d'amitié et de sympathie et nos chaleureux voeux de succès dans le nouveau chemin qu'ils ont choisi. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
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Loi de finances pour 2007
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Outre-mer (suite)
Mme la présidente. Nous poursuivons l'examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier nos collègues rapporteurs, qui ont effectué un excellent travail d'études sur la mission « Outre-mer », dont nous examinons aujourd'hui les crédits. La vue d'ensemble qu'ils nous offrent éclaire considérablement notre réflexion et permet ainsi aux sénateurs d'outre-mer de concentrer leurs interventions sur les problèmes de la collectivité qu'ils représentent. Je ne dérogerai pas à cette règle.
Je voudrais également saluer le volontarisme du ministre François Baroin pour maintenir à niveau le budget de son ministère, dans un contexte toujours difficile. La nation fait un effort pour aider ses collectivités les plus handicapées structurellement et géographiquement. Le territoire de Wallis et Futuna est concerné, car il souffre plus que tout autre de son éloignement de la métropole et même de ses plus proches voisins dans la région.
Ainsi, je me plais à le souligner, grâce à la solidarité nationale, les îles Wallis et Futuna seront bénéficiaires d'une dotation totale de 93,7 millions d'euros, soit un peu plus de 11 milliards de francs Pacifique, dont 36 millions d'euros, soit 4,3 milliards de francs Pacifique, au titre des crédits de la mission « Outre-mer ».
Nos compatriotes de ces îles apprécient profondément cette solidarité et sont reconnaissants vis-à-vis de tous ceux dont le travail permet ce partage. Néanmoins, je crains que cette réelle générosité ne bascule peu à peu dans la suspicion et le rejet de la part de nos concitoyens de métropole, à force d'entendre nos débats parfois peu clairs et interminables sur les avantages dont bénéficierait indûment l'outre-mer.
Monsieur le ministre, il est urgent de faire aboutir les réflexions et de tourner la page de ces débats cycliques, qui favorisent inévitablement, chez des esprits peu informés, des amalgames entre, d'une part, les avantages dont certains bénéficient peut-être s'agissant des indexations ou de la défiscalisation et, d'autre part, les dotations et les aides, qui relèvent du partage et de la solidarité. Bien évidemment, de tels amalgames nuisent à la réputation, à la crédibilité de l'outre-mer et à la cohésion nationale.
L'aide de l'État au territoire de Wallis et Futuna concerne au premier chef trois secteurs essentiels, c'est-à-dire la santé, l'éducation et la formation professionnelle.
Je voudrais souligner l'effort réalisé en direction de l'Agence de santé, dont le budget progresse significativement et se rapproche ainsi un peu plus de la réalité des besoins liés, notamment, aux évacuations sanitaires induites par la faiblesse des structures locales.
Je me projette également dans l'avenir pour me réjouir avec vous de la réalisation prochaine des deux centres hospitaliers de Sia et Kaleveleve, avec un complément de financement dans le contrat de développement 2007-2011.
L'éducation, dont le ministère de l'outre-mer contribue au financement par le biais de la convention de développement, notamment pour la réhabilitation des bâtiments scolaires du primaire, et la formation professionnelle, que le même ministère aide également, notamment à travers l'Agence nationale pour l'insertion des travailleurs d'Outre-mer, l'ANT, sont les deux « mamelles » du développement économique d'une collectivité dépourvue de potentialités et de ressources naturelles à valoriser.
Notre jeunesse, qui est instruite, éduquée et formée, détient la clé de notre développement. Je compte sur le Gouvernement - la collectivité fera également sa part - pour que les meilleures conditions de la réussite scolaire soient créées et intensifiées.
Je voudrais saisir cette occasion pour rendre un hommage reconnaissant aux directions nationale et régionales de l'ANT, ainsi qu'à tous leurs personnels, pour leur politique d'accueil et de suivi attentif, qui est particulièrement appréciée par nos jeunes stagiaires qui en bénéficient.
Nous aurions souhaité - nous l'avons souvent sollicité - qu'un tel dispositif d'accueil et de suivi relevant de la tutelle du ministère de l'outre-mer prenne également en charge nos jeunes lycéens. En effet, faute de structures scolaires, ceux-ci sont obligés de quitter le territoire pour poursuivre leur scolarité à 20 000 kilomètres de chez eux. Cet éloignement forcé occasionne de nombreuses difficultés.
J'en viens maintenant à l'emploi, qui reste l'engagement prioritaire du Gouvernement. Il convient de le remarquer, les collectivités d'outre-mer en général, et Wallis et Futuna en particulier, sont défavorisées de ce point de vue.
Je souhaite, notamment, vous remercier de la pérennisation de la dotation prévue pour les primes à la création d'emploi ou encore de la formation individualisée mobilité. Un effort significatif est également réalisé en faveur des chantiers de développement local.
En ce qui concerne le programme « 40 cadres », je souhaiterais souligner les difficultés budgétaires qu'il a connues au cours de l'année 2006. Hébergés par le service d'inspection du travail et des affaires sociales, le SITAS, les responsables du programme se sont trouvés dans l'impossibilité de payer les différents frais de fonctionnement et le problème n'a été réglé que tout récemment. En effet, c'est le SITAS qui assume financièrement, sur son budget, le programme « 40 cadres ». Il aurait été souhaitable que ce programme bénéficie, à l'avenir, d'un budget autonome, comme c'est le cas pour le programme « Cadres avenir » en Nouvelle-Calédonie.
Pensez-vous qu'il soit possible juridiquement de doter le programme « 40 cadres » d'une dotation séparée ou, à tout le moins, que l'argent destiné à ce programme soit versé au SITAS de manière régulière et spécifique ? J'en profite pour vous rappeler que le SITAS ne bénéficie d'aucune dotation de la part du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Or, ce service gère également les questions liées aux handicapés.
Dans le cadre du renouvellement de la convention qui lie le territoire à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, nous souhaitons, dans la logique des lois récemment votées et du souhait du Gouvernement, que l'on intègre un volet spécifique destiné à la formation des handicapés.
Il en résultera un coût supplémentaire, mais je compte beaucoup sur votre appui personnel, monsieur le ministre, et sur l'appui de vos collaborateurs pour nous aider à obtenir une subvention annuelle de l'ordre de 15 000 à 20 000 euros, qui serait versée par le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement au SITAS, lequel assumerait les frais de la convention signée avec l'AFPA.
Je souhaite maintenant revenir sur le problème chronique du manque de personnel d'État compétent pour faire face à la réalisation de nos projets de développement. Je suis conscient, mes chers collègues, que vous devez être fatigués de m'entendre soulever ce point à chaque budget, mais il est primordial, car cette faiblesse explique en grande partie les retards pris sur place dans la consommation des crédits. De ce fait, le développement dont nos îles ont tant besoin reste dans le monde virtuel de nos beaux ordinateurs !
Notre contrat de développement 2000-2004 a été prolongé de deux ans, faute de consommation des crédits. Les deux tiers des crédits du huitième Fonds européen de développement ont été basculés sur le neuvième et ceux du neuvième ont été menacés d'être reportés sur le dixième, pour les mêmes raisons.
Les crédits de la convention de développement 2003-2007 n'ont été délégués qu'à hauteur d'un tiers à la fin de 2005, comme le souligne l'excellent rapport de notre collègue Christian Cointat. Le cas du lycée de Wallis, dont la construction bâclée a pourtant coûté 18 millions de francs, illustre les défaillances et les lacunes dans le domaine de la conception, de la réalisation, du suivi et de l'entretien de notre patrimoine immobilier.
Dans un tout autre domaine, afin de répondre aux problèmes liés aux maladies animales, nous souhaiterions la création d'un laboratoire vétérinaire distinct de celui de l'agence de santé. Une demande conjointe du préfet, du conseil territorial et des élus sera déposée auprès de vos services et de ceux du ministère de l'agriculture et de la pêche. J'espère vivement, monsieur le ministre, que nous pourrons compter sur votre implication personnelle pour nous aider à faire aboutir ce dossier qui nécessite l'octroi d'une subvention.
En ce qui concerne la construction de la piste de Vele, qui conditionne le désenclavement de Futuna, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que le Premier ministre, qui s'est personnellement impliqué dans ce dossier, répondant à un souhait du Président de la République. J'en profite pour vous demander des précisions sur l'échelonnement des prochains versements destinés à financer la suite et la fin des travaux.
J'exprime un petit regret concernant la baisse prévue des crédits de paiement et des autorisations d'engagement: destinés au développement du sport. Elle est dommageable à la jeunesse de notre territoire, d'autant plus qu'il dispose d'un potentiel réel dans ce domaine.
Pour terminer, je ne peux passer sous silence notre politique de coopération et d'intégration dans la région du Pacifique. Au cours de cette année, deux événements majeurs ont marqué cette politique : le sommet France-Océanie, qui s'est tenu le 26 juin 2006 à Paris, à l'invitation du Président de la République, et le Forum des îles du Pacifique, qui a eu lieu à Fidji, au mois d'octobre, au cours duquel la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont accédé au statut de membre associé, et Wallis et Futuna à celui de membre observateur.
Chacun reconnaît, aujourd'hui, contrairement aux idées reçues d'il y a encore une dizaine d'années, que l'avenir du développement de ces collectivités passe désormais par leur intégration dans les dispositifs et les structures de coopération et d'union de leur environnement géographique immédiat sans, bien sûr, se couper de la France.
Cependant, les turbulences politiques, qui sont de plus en plus fréquentes et violentes dans cette région, nous ramènent aux doutes et aux hésitations d'antan. Je pense que l'on ne peut plus faire marche arrière ; il faut continuer à aller de l'avant en essayant de comprendre et d'améliorer ce qui peut l'être.
Les îles Fidji viennent de subir le quatrième coup d'État de l'histoire de leurs vingt dernières années ; il y a moins de trois mois, les îles Tonga ont été agitées par des troubles et des manifestations violentes qui ont fait huit morts et détruit 80 % de la zone commerciale de la capitale, Nukualofa ; les îles Salomon ne sont pas encore complètement sorties de leurs conflits interethniques ; sans parler des îles de Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui sont aux prises avec l'insécurité et la délinquance, après la guerre de sécession menée par les habitants de l'île Bougainville contre le gouvernement central de Port Moresby. Ce ne sont que quelques exemples, sans oublier la recrudescence des activités mafieuses et terroristes dans la zone.
La présence de la France dans la région est une chance, car elle peut lui apporter son soutien et ses conseils. Les valeurs de la République et de la démocratie, que défend notre pays, doivent être portées haut et fort pour aider, guider les îles du Pacifique, et rappeler que les retours nostalgiques à nos passés idéalisés sont source de déception et trop souvent de malheur, surtout pour les plus modestes. Les traditions et les coutumes doivent, bien entendu, être respectées, mais à condition de ne pas être une entrave au développement. La France doit montrer l'exemple dans ce domaine.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien m'apporter, et je voterai naturellement les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Soibahaddine Ibrahim.
M. Soibahaddine Ibrahim. Monsieur le ministre, ce n'est pas sans émotion que nous examinons le dernier budget de cette législature, qui intervient dans un contexte financier peu favorable mais qui, néanmoins, grâce à votre implication personnelle, maintient l'effort de l'État outre-mer
En effet, le montant des interventions de l'État outre-mer, qui s'élève à plus de 13 milliards d'euros, progresse de 11,6 % par rapport à 2006 alors que, parallèlement, les crédits et les dotations gérés directement par votre ministère, d'un montant de 1,96 milliard d'euros en crédits de paiement, se situent au niveau de 2006.
En revanche, les crédits gérés par votre ministère ne représentent plus que 13 % de l'ensemble des concours de l'État à l'outre-mer, contre 17 % en 2006. Sur le fond, cela pose le problème du poids politique du ministère de l'outre-mer et de son rôle centralisateur pour l'ensemble des interventions de l'État outre-mer.
Pour Mayotte, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, les apports de l'État, tous ministères confondus, progressent tandis que les crédits à la charge de votre ministère sont en légère baisse.
Je voudrais maintenant évoquer trois points : les dotations des collectivités locales, le rattrapage social et le contrat de projet 2007-2013, qui est en cours de discussion à Mayotte.
S'agissant des dotations, je note avec satisfaction que les collectivités de Mayotte qui sont éligibles au FCTVA, devraient, à ce titre, bénéficier de 12 millions d'euros en 2007. La dotation de rattrapage et de premier équipement des communes, le fonds intercommunal de péréquation, ainsi que les centimes additionnels à l'impôt sur le revenu des personnes physiques institués au profit des communes de Mayotte, qui arrivent à échéance en 2006, sont prorogés par la Haute Assemblée - je me souviens encore de notre discussion lors de l'examen du projet de loi organique -, avec l'accord du Gouvernement, « jusqu'à l'accession de Mayotte au régime de département d'outre-mer défini par l'article 73 de la Constitution ».
Cependant, à titre transitoire, il me paraît absolument nécessaire d'adopter l'article 50 de ce projet de loi de finances, afin d'assurer le lien entre ces dispositions que je viens d'évoquer et celles de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.
Dans la même logique, il est souhaitable d'aligner les autres dotations sur ce calendrier, d'une part, la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires du premier degré, qui progresse de 5 % dans le projet du budget qui nous est soumis, mais qui arrive à terme en 2007, et, d'autre part, la dotation exceptionnelle pour les charges liées à la réforme de l'état civil, qui prend fin en 2008, mais dont il faudrait envisager la prorogation jusqu'au terme de la mission de la Commission de révision de l'état civil, la CREC, à Mayotte.
Compte tenu de l'importance des travaux de cette commission, les Mahorais attendent de connaître le calendrier de la réforme législative de la CREC, que vous avez annoncée, ainsi que les moyens administratifs, budgétaires et financiers qui l'accompagnent.
Enfin, la dotation globale de fonctionnement des communes devrait croître de 2,5 % en 2007, conformément à l'orientation fixée par l'article 47 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003.
Pour terminer sur ce point, je voudrais attirer votre attention sur le fait que cinq communes sont placées sous la tutelle de la préfecture et que l'État n'est pas en mesure d'équilibrer leur budget, faute de recettes suffisantes, la différence entre les recettes disponibles et les dépenses obligatoires étant excessive. N'est-t-il pas possible de permettre aux communes de Mayotte d'émarger sur les crédits de l'octroi de mer, même si, je le sais, l'Union européenne semble réticente ?
S'agissant du volet social, il convient d'observer que l'évolution prochaine du régime législatif de Mayotte, de l'article 74 à l'article 73 de la Constitution, conduit à accomplir, en peu de temps, des efforts soutenus en matière de rattrapage social. Dans ce but, l'évaluation préalable des politiques publiques demandée par le Président de la République devrait intervenir sans délai, de manière à pouvoir mesurer l'écart à combler pour rapprocher progressivement Mayotte des départements, dès 2011 et, peut-être, dès 2008. Cela concerne notamment l'emploi, le logement, l'extension de l'allocation de parent isolé, l'API, la revalorisation du SMIC, la hausse des montants des allocations familiales et de rentrée scolaire.
Enfin, pour le prochain contrat de projet 2007-2013 en cours de discussion, en sus des grands équipements structurants tels que le port, la piste longue et le haut débit, il me paraît nécessaire de prévoir une annexe consacrée aux constructions scolaires du premier degré, à la mise aux normes des écoles et à l'équilibrage de l'équipement du territoire en terrains sportifs, en particulier dans les communes à forte pression démographique, migratoire et urbaine pour lesquelles les besoins sont immenses.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le ministre, je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui à la deuxième année de mise en oeuvre de la LOLF.
Ce projet de loi de finances pour 2007 permet déjà d'en apprécier les qualités. En effet, on peut constater une plus grande responsabilité dans l'attribution des autorisations d'engagement qui, certes, diminuent parfois, mais pour être finalement plus en conformité avec les crédits de paiement. Cela permet de restaurer la confiance dans la parole du Gouvernement.
L'important décalage qui persiste concerne le logement, secteur où les défauts de paiement s'accumulent et rendent difficile le rattrapage nécessaire, notamment dans les Antilles. Néanmoins, l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement passe de 36 % à 20 %, ce qui représente une nette amélioration.
Sont également à signaler certaines diminutions fortes, s'agissant notamment de l'action « Sanitaire et sociale » ou de l'action « Culture, jeunesse et sport », dont les crédits chutent respectivement de 35 % et de 22 %, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.
Il en est de même pour l'action « Coopération régionale », dont les crédits, malgré une hausse de 63 % des dépenses de fonctionnement, baissent globalement du fait d'une réduction des crédits d'intervention, à hauteur de 29 % en autorisations d'engagement et de 8 % en crédits de paiement.
Cependant, une fois de plus, cette diminution des autorisations d'engagement tend à rendre le projet de budget plus sincère. Espérons que les années à venir permettront d'améliorer la présentation et le contenu des annexes et documents de politique transversale, avec - pourquoi pas ? - un bref rappel des priorités propres à chaque département ou collectivité d'outre-mer.
En effet, vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre, l'outre-mer français est bien trop disparate pour qu'un seul et même ensemble d'objectifs puisse correspondre aux besoins et aux problématiques très variables de cette France à travers le monde.
Ces commentaires d'ordre général étant faits, je souhaiterais, comme tous les ans, évoquer devant vous, monsieur le ministre, la situation économique de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Je n'entrerai pas dans le détail des conséquences au jour le jour du marasme économique que nous vivons depuis maintenant treize ans, mon collègue député Gérard Grignon ayant fort bien décrit la situation lors de la présentation du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale.
J'évoquerai tout de même aujourd'hui ce qui m'apparaît être un obstacle majeur à tout développement économique : l'important déficit budgétaire du conseil général.
Ce déficit de presque 6 millions d'euros, que l'on peut qualifier d'abyssal s'agissant d'une si petite collectivité, a entraîné dans son sillage les budgets communaux.
Je constate de votre part, et dans vos services en général, monsieur le ministre, une prise de conscience de cette situation, puisque, malgré les difficultés budgétaires que vous rencontrez également, et bien que nous arrivions au terme de l'exercice budgétaire, vous avez d'ores et déjà accordé, cette semaine, une subvention exceptionnelle d'un montant non négligeable, qui, d'une part, permettra d'équilibrer le budget de la commune de Miquelon-Langlade, et, d'autre part, donnera un ballon d'oxygène au conseil général. Je tenais à vous remercier de ce geste. La nouvelle lisibilité obtenue grâce à la LOLF a, d'ailleurs, sans doute facilité cette opération.
En collaboration avec la préfecture, le conseil général vous a présenté un document contenant un contrat de projet associé à une convention de développement pour une durée d'au moins sept ans. Ce projet devant associer l'État à la collectivité territoriale peut paraître quelque peu ambitieux, et les sommes annoncées « rondelettes ». Vous nous conseillez de faire certains choix ; bien entendu, ils seront faits, mais j'insiste auprès de vous pour que ces choix ne consistent pas en un « déshabillage » qui viderait de sa substance ce projet, supposé conditionner le redémarrage économique de l'archipel. Dans ce cas, ces nouveaux investissements ne seraient, une fois de plus, que des « rustines », et ne déboucheraient que sur l'assistanat.
Je voudrais, à ce point de mon propos, évoquer l'un des côtés pervers de cet assistanat. En octobre dernier, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM, a engendré le premier PIB de Saint-Pierre-et-Miquelon, l'un des meilleurs de France métropolitaine et d'outre-mer. Parallèlement, l'organisme monétaire souligne, dans son rapport, l'aspect artificiel et non productif de ce PIB : c'est, à mes yeux, la conséquence de l'assistanat caractérisant cette période de l'après-pêche, qui dure depuis maintenant treize années. Ce PIB, calculé en prenant en compte des subventions, cache en réalité une économie à deux vitesses, ces deux vitesses étant très différentes !
Malheureusement, ce qui est retenu le plus souvent, à Paris, c'est le chiffre absolu, et nous apparaissons comme une collectivité prospère. Quoi qu'il en soit, était-il judicieux d'appliquer à ce qui est l'équivalent d'une très petite ville française les règles utilisées en temps normal pour des régions entières ? Je ne le pense pas, mais le mal est fait, et cela constitue une difficulté supplémentaire quand nous devons plaider nos dossiers.
J'en arrive, monsieur le ministre, à évoquer une fois encore la coopération régionale.
Nous sommes d'accord pour admettre que le développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon passe par une coopération avec nos voisins canadiens. Il y a un an, à cette même tribune, je déplorais l'absence d'organisation et de moyens ad hoc, pourtant nécessaires si nous souhaitons vraiment nous rapprocher du terrain économique.
En octobre dernier, pour la première fois, plusieurs réunions techniques ont été organisées à Ottawa, et ce sur votre initiative, monsieur le ministre, en collaboration avec le ministre des affaires étrangères. Outre les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont je fais partie, plusieurs ministères et organismes français étaient représentés. Leurs homologues canadiens ont répondu présent. Plusieurs thèmes ont été évoqués, et explorer des pistes de coopération s'avère possible et souhaitable. Cependant, cela nécessite beaucoup de travail. À cet égard, les Canadiens ont totalement souscrit à l'idée, que j'avais déjà suggérée l'année dernière, de créer une sous-commission mixte, permanente et technique cette fois, afin d'assurer un suivi efficace et régulier des dossiers intéressant conjointement le Canada et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Monsieur le ministre, comment et avec quels moyens les résolutions adoptées lors des rencontres d'octobre seront-elles mises en application ? À ma demande, vous êtes intervenu auprès du Premier ministre pour qu'une mission de coopération régionale me soit confiée. Cette mission, je l'ai acceptée, et, une fois de plus, je vous remercie de votre soutien. Compte tenu du calendrier électoral, elle durera environ deux mois et aura pour objet, dès le début de 2007, de créer les rapprochements à la fois politiques et techniques nécessaires à la mise en oeuvre de véritables projets économiques bilatéraux.
Là encore, monsieur le ministre, la volonté seule ne suffira pas : un minimum de moyens humains et financiers seront également indispensables pour pérenniser les démarches effectuées avant et pendant cette mission.
Or je vous avouerai que je suis un peu inquiet quand j'observe de plus près les crédits de l'action « Coopération régionale ». Je ne sais pas s'il s'agit d'un problème de rédaction ou de choix stratégique, mais, à la lecture de l'annexe, j'ai l'impression que le titre « Intégration des COM dans leur environnement régional » ne correspond pas du tout à l'exposé qui suit. Il semble que les fonds de coopération régionale ne s'adressent qu'aux DOM et à Mayotte ; les collectivités d'outre-mer ne seraient concernées que par la défense de leurs intérêts dans le cadre international. Évidemment, cela est nécessaire, mais vous connaissez mon sentiment, monsieur le ministre : la défense des intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon passe à mon sens, d'abord, par la coopération régionale.
Alors, quand je découvre de surcroît la proposition de M. le rapporteur spécial, notre excellent collègue Henri Torre, qui consiste à redéployer l'intégralité des crédits de l'action « Coopération régionale » en faveur du logement, je ne peux pas être d'accord, parce que Saint-Pierre-et-Miquelon a de réelles et indispensables perspectives de diversification économique en collaboration avec le Canada.
Ma question sera la suivante, monsieur le ministre : aurons nous les moyens à long terme de saisir ces chances et de remettre véritablement Saint-Pierre-et-Miquelon sur la voie d'un développement économique efficace et durable ?
Cela étant dit, malgré ces quelques inquiétudes, je ne retiendrai aujourd'hui que l'aspect positif de votre action et je vous confirme que j'approuverai les crédits que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord me tourner vers Mme et MM. les rapporteurs, pour les remercier de la qualité de leurs travaux et de la pertinence de leurs interrogations.
Par extension, je voudrais également, en cette fin de législature, rendre un hommage appuyé à toutes celles et à tous ceux, ultramarins ou métropolitains, qui ont porté, tout au long des cinq années écoulées, un regard particulièrement attentif sur le respect des engagements pris par le Président de la République et sur l'évolution et l'adaptation des politiques publiques menées par l'État, en collaboration avec les collectivités territoriales, en faveur de nos compatriotes d'outre-mer. Ils ont dû mener des combats, s'impliquer, débattre de nombreuses heures pour déboucher sur des avancées qui vont, me semble-t-il, dans le sens de l'histoire, de l'égalité économique, comme l'a indiqué M. Virapoullé, et de l'expression d'un besoin réaffirmé d'État, besoin qui n'était peut-être pas aussi évident voilà quelques années encore.
Ce besoin d'État impose à ce dernier de poursuivre sa mission et découle du constat que des efforts conjoints en vue d'un mieux-être au quotidien ont montré que l'État avait toute sa place aux côtés des élus, des collectivités territoriales et de nos compatriotes d'outre-mer.
Comme vous avez pu l'observer à la lecture du projet de loi de finances tel qu'issu de la seconde délibération à l'Assemblée nationale, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2007 atteignent un peu plus de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et un peu moins de 2 milliards d'euros en crédits de paiement.
Vous avez rappelé, messieurs Laufoaulu et Othily, qu'en maintenant à ce niveau les crédits de la mission « Outre-mer », dans un contexte marqué par de fortes contraintes pesant sur le budget de l'État, le Gouvernement a manifesté sa détermination à poursuivre l'effort de solidarité en faveur de l'outre-mer, dont les besoins sont spécifiques.
En prenant en compte les dépenses des autres ministères - cela me semble important, car cela permet de mettre en perspective l'effort de la puissance publique pour l'outre-mer -, on constate que le total des crédits consacrés à l'outre-mer approche 15 milliards d'euros. Il s'agit tant de dépenses fiscales que de contributions directes des différents ministères, qui participent outre-mer à l'autonomie financière des collectivités territoriales, à l'exercice des missions régaliennes de l'État et à la mise en oeuvre des priorités du Gouvernement.
La première de ces priorités, c'est le soutien au développement des collectivités d'outre-mer, qui passe, avant tout, par une reconnaissance des identités particulières et par un plus large exercice des responsabilités locales. C'est tout le sens des projets de loi organique et ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer qui sont actuellement soumis au Parlement. Je félicite, à cet instant, M. Cointat pour la pertinence de son rapport. Le travail accompli ensemble nous a permis d'obtenir des avancées réelles, significatives, et de bâtir sur de solides fondations de nouvelles collectivités territoriales.
Cette priorité se concrétise également par un soutien financier accentué aux collectivités d'outre-mer, que ce soit dans le cadre de l'aménagement du territoire ou dans celui de la continuité territoriale, si important, si évident et si prioritaire.
Sur ce point, je suis, pour ma part, très favorable à ce qu'une réflexion sur l'adaptation de la notion de continuité territoriale soit menée. Depuis quelques mois, j'entends des élus de Guyane expliquer que la pertinence de la continuité territoriale s'inscrit plutôt à l'intérieur du territoire de leur département qu'entre Cayenne et Paris. J'ai entendu le même discours sous d'autres formes dans le Pacifique, en Polynésie, à propos des étudiants souhaitant poursuivre leurs études pas forcément à Paris, mais peut-être à Canberra ou à Auckland. Cette notion d'imbrication régionale, d'insertion dans le tissu régional doit nous conduire naturellement à réfléchir à l'évolution de la définition de la continuité territoriale.
Dans le même esprit, nous pourrions parfaitement être amenés, monsieur Virapoullé, à envisager l'accompagnement des étudiants réunionnais en Australie, puisque vous avez déjà, à l'échelon local, passé des accords avec l'un des États de l'État fédéral australien.
Par ailleurs, je veux remercier M. Detcheverry d'avoir relevé que la LOLF avait permis, par la fongibilité des crédits, d'aider la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que la commune dont il est le maire. C'était un acte de solidarité bien nécessaire au regard de la situation. Cependant, on doit tout de même s'interroger sur la définition, à terme, de modalités permettant de ne plus avoir à intervenir sur le plan budgétaire, année après année, pour aider à résorber des déficits.
Tel est le sens de l'action que nous menons ensemble pour établir une convention, si possible décennale, qui instaurerait une meilleure lisibilité et permettrait aux élus d'assumer pleinement leurs prérogatives, nos compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon devant pouvoir toujours compter, naturellement, sur la solidarité nationale, à travers l'accompagnement de l'État.
En outre, la coopération régionale entre Saint-Pierre-et-Miquelon et les provinces atlantiques du Canada était limitée, jusqu'à une période récente, aux rencontres régionales organisées dans le cadre de la commission mixte de coopération régionale. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Detcheverry, le Gouvernement a soutenu l'insertion de l'archipel dans son environnement régional, et a décidé de développer substantiellement cette coopération à partir des projets économiques définis par la collectivité.
Les rencontres d'Ottawa avec la partie canadienne, en octobre 2006, et la feuille de route franco-canadienne fournissent désormais le cadre de travail. Dans cette perspective, une dotation de l'ordre de 800 000 euros du ministère de l'outre-mer est prévue au titre du futur contrat de plan qui succèdera au contrat actuel à partir de 2007.
Cette dotation, qui sera définie en concertation avec le conseil général, contribuera à couvrir les frais de fonctionnement des groupes de travail franco-canadiens et à renforcer les moyens humains de l'agence de développement du conseil général chargée de suivre cette coopération. Sur ce point, je partage pleinement, monsieur le sénateur, votre vision, car il s'agit bien d'une vision, et votre souhait de voir évoluer les choses, car il s'agit aussi d'une modification de la nature de nos relations avec notre grand voisin et ami canadien.
Aussi importantes pour Saint-Pierre-et-Miquelon que pour la France, les réunions franco-canadiennes dans le domaine des accords de pêche et de l'accord sur les hydrocarbures montent en puissance ; elles continueront d'être financées avec les moyens de droit commun.
Monsieur Giraud, la dotation du Fonds européen de développement pour Mayotte est effectivement de 15 millions d'euros ; elle devrait approcher les 25 millions d'euros dans le dixième fonds. Mais il faut la comparer avec l'effort de l'État qui s'est élevé, à travers les différents contrats, à 575 millions d'euros sur la même période. Pour un territoire comme Mayotte, qui est peuplé d'un peu moins de 100 000 habitants, cela représente un effort important, dans cette logique contractuelle.
Nous avions évoqué, lors de l'examen du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique. Tout le monde sera d'accord avec moi, y compris à l'échelon local : ce changement ne peut être considéré uniquement sous un angle financier. Une mise en conformité avec l'acquis communautaire est, en effet, nécessaire et un régime fiscal et social doit être mis en place progressivement. Comme le Premier ministre s'y était engagé à Mayotte, la France a déposé auprès de la Commission européenne, en juillet dernier, une demande d'examen en ce sens. Nous allons donc dans la bonne direction.
Monsieur Ibrahim, vous avez souhaité que l'évaluation des politiques publiques dans la perspective du rattrapage social soit réalisée rapidement. Je peux vous annoncer qu'une mission interministérielle se rendra à Mayotte à cet effet au premier semestre 2007. Je confirme ce que j'ai déjà annoncé à cette même tribune : je suis favorable à l'évolution de Mayotte vers la départementalisation, selon un calendrier qui doit être partagé par tous, avec une méthodologie qui doit faire l'objet d'un consensus, et avec des objectifs qui doivent être bien définis pour permettre à la société mahoraise d'assumer son choix de façon souveraine.
Il faut simplement éviter de le faire dans une période où la « température politique » est élevée, ce qui risque d'être le cas dans les mois qui viennent, en métropole comme à Mayotte et dans l'ensemble de l'outre-mer. Il conviendra donc de choisir le bon moment, au début de la nouvelle législature. Le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer reviendra alors en débat à l'Assemblée nationale ; nous pourrons, à ce moment-là, discuter d'un amendement qui permettrait de fixer dans la loi - si la représentation nationale l'accepte, naturellement - un rendez-vous anticipé.
Mayotte pourra ainsi partir sur des bases saines et solides une fois que nous aurons établi, comme vous l'avez souhaité, une évaluation précise des modalités et du chemin à parcourir pour devenir un département à part entière.
Monsieur Laufoaulu, je peux vous garantir que la piste de Vélé sera, bien entendu, financée en 2007 ; elle sera une priorité du futur contrat de développement des îles Wallis et Futuna. À cet égard, permettez-moi de vous demander de transmettre au roi et à la famille royale des voeux de prompt rétablissement. La coutume wallisienne, je le sais, veut que l'on soit très attentif à l'évolution de l'état de santé du roi ; nous le sommes, à Paris.
Messieurs Gillot, Lise et Othily, vous m'avez interrogé sur la répartition de la dotation de 500 millions d'euros annoncée par le Premier ministre pour les départements, au titre du revenu minimum d'insertion.
S'agissant des départements d'outre-mer, il y aura deux parts : une pour combler la différence entre les dépenses réelles et le montant de la compensation - 80 % de la dotation pour les dépenses de 2005, puis 70 % pour les deux années suivantes -, le reste étant destiné à compenser les efforts d'insertion des départements. Les DOM percevront ainsi une dotation exceptionnelle permettant de couvrir près de 90 % de leurs dépenses au titre de 2005.
Outre cette dotation exceptionnelle, l'État prend en charge le coût d'une partie de l'activation des dépenses du revenu minimum d'insertion au profit des titulaires d'un contrat d'avenir ou d'un contrat d'insertion-revenu minimum d'activité. Nous l'avions déjà évoqué, cette confirmation officielle du calendrier n'est donc ni une surprise ni « l'enfant trouvé », mais elle permet de suivre cet important dossier en assumant nos responsabilités, qui sont partagées.
Monsieur Lise, j'ai pris bonne note des difficultés de financement que vous avez signalées. Le Gouvernement suit avec attention les initiatives prises dans ce domaine par les collectivités locales. L'État, même au cours de la période dans laquelle nous allons entrer, continuera de vous aider dans cette politique d'accompagnement économique et de soutien de l'emploi.
Enfin, en ce qui concerne la compensation au département de ses dépenses de transport scolaire par voie fluviale, j'ai demandé au ministre d'État, ministre de l'intérieur, d'examiner si la dotation globale de décentralisation pouvait être augmentée. Je soutiens cette demande de compensation, car je l'estime légitime.
Le sujet, évoqué par M. Gillot, des zones franches globales est d'actualité et fera débat, au cours des mois qui viennent, dans le cadre des engagements pris pour les prochaines échéances. Ces zones s'inspirent des résultats encourageants des zones franches urbaines et du succès des exonérations de charges sociales et de la défiscalisation, qui ont été définies dans la loi de programme pour l'outre-mer et qu'il faut préserver.
Je profite de cette occasion pour souligner que, si les zones franches urbaines ont été un succès, c'est parce qu'elles se sont appuyées sur une référence ultramarine. La politique de défiscalisation et d'exonérations de charges menée depuis de nombreuses années outre-mer a permis de s'apercevoir que ce modèle pouvait être appliqué à des zones en difficulté de la métropole, qui connaissent une importante concentration de chômeurs et d'allocataires du RMI ou de prestations sociales, et une forte tension sur le plan du logement social.
Lorsque nous expliquons que l'outre-mer peut être une référence dans de très nombreux domaines - y compris sur le plan économique - pour favoriser la réussite et la création d'emplois, cet exemple doit être signalé. Il nous inspire, naturellement, des réflexions plutôt positives en faveur de l'évolution vers des zones franches globales. Il faudra réfléchir à des activités tournées vers l'ouverture des économies insulaires et leur intégration régionale, en partant des secteurs prioritaires retenus dans la loi de programme.
Mais, bien entendu, comme vous l'avez relevé, madame Lurette Michaux-Chevry, l'emploi constitue toujours l'effort principal du ministère de l'outre-mer. Je vous remercie pour vos propos très aimables ; je connais votre degré d'implication pour favoriser la réussite de cette priorité de mon ministère.
Doté de 1,16 milliard d'euros consacrés à l'emploi, le projet de budget de la mission « Outre-mer » consacre près de 60 % de ses crédits à la lutte contre le chômage. Avec les mesures de droit commun du ministère de l'emploi et de la cohésion sociale, le projet de loi de finances pour 2007 devrait permettre le financement de 57 400 contrats aidés, afin de lutter contre l'exclusion du marché du travail des publics prioritaires, dont 14 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi inscrits au budget de mon collègue Jean-Louis Borloo.
La relance de la création d'emplois dans le secteur productif était un engagement pour l'outre-mer du Président de la République. Les résultats doivent être confortés, mais ils sont conformes aux objectifs. L'an dernier, le nombre d'emplois salariés dans le secteur marchand a progressé de 2,2 % - ces chiffres ne sont contestés par personne - soit un rythme trois fois et demi supérieur à celui de la métropole. Le taux de chômage a continué à diminuer pour s'établir à 21,6 %.
Il ne s'agit pas de « porter en bandoulière » une fierté qui n'a pas lieu d'être, mais il convient de constater que les outils mis en place au cours de cette législature ont produit des effets positifs. Il faut maintenant les conforter pour arriver à des seuils plus conformes à ceux de la métropole, car 21,6 % de chômeurs, c'est encore beaucoup trop. Il est donc nécessaire de poursuivre cet élan, de donner une dynamique, de maintenir cette exigence d'efforts et de l'inscrire dans la durée, ce qui est la seule garantie pour obtenir des résultats.
Prolongeant une tendance constatée, ce sont, depuis 2002, 30 000 emplois salariés qui ont été créés dans les quatre départements d'outre-mer ; 38 000 personnes ne sont plus au chômage et ont trouvé un emploi.
Cette priorité accordée à l'emploi rejoint celle qui est donné au logement. En effet, s'il y a bien un secteur qui a des effets induits sur l'emploi, c'est celui du logement social où nous ne pouvons, vous l'avez tous relevé, que constater l'ampleur des besoins dans les départements d'outre-mer. Il y a certes un historique, des retards pris, une accumulation de dettes, l'État n'ayant pas toujours été exemplaire - c'est une litote - dans sa politique de règlement de ses factures.
De mon point de vue, un élément très positif doit être relevé, qui ne doit pas vous gêner : vous avez la chance d'avoir une démographie dynamique. Je parle sous votre contrôle, monsieur Othily : plus de 50 % de la population guyanaise a moins de 25 ans ; la Réunion comptera plus de un million d'habitants dans les dix ans qui viennent ; en Guadeloupe, la démographie est aussi intéressante ; en Martinique, elle n'est pas tout à fait de même nature.
Il est donc nécessaire d'anticiper sur l'évolution des besoins en matière de logement social. C'est la raison pour laquelle nous avons beaucoup travaillé, au ministère, pour favoriser des arbitrages éclairés du Premier ministre. Celui-ci a décidé de solder, dans les meilleurs délais, les retards en crédits de paiement de la dotation consacrée au logement social dans les départements d'outre-mer ; il faut saluer ce tournant décisif, que M. Henri Torre a évoqué assez longuement. Des artisans, des petites entreprises, de nombreux acteurs économiques ont peiné à maintenir leurs emplois salariés du fait des difficultés de paiement. C'est une responsabilité très lourde.
Je souhaitais terminer cette législature en ayant au moins obtenu le règlement du passif et l'ouverture de pistes intéressantes pour que, dans les quelques années qui viennent, une dynamique soit créée et que les besoins immenses constatés sur place soient satisfaits par la construction et la production de logement social.
Lorsque l'État prend un engagement de financement d'un programme de logement social, les crédits de paiement sont étalés dans le temps, au rythme de la réalisation des opérations, sur plusieurs années. Or, la dette dont vous avez fait état, monsieur le rapporteur, correspond au montant total actuel de ses engagements, qui n'appelleront des paiements que progressivement, sur les quatre années qui suivent. Il faut mettre ce point en perspective dans le « glissement » annuel.
C'est la raison pour laquelle je préfère m'en tenir, pour ma part, à la dette effective, dont le montant prévisionnel a été déterminé avec précision, en collaboration avec les services du ministère des finances ; il s'élève à 113 millions d'euros à la fin de 2006. Il s'agit des factures qui sont susceptibles d'être présentées au paiement au 31 mars 2007 par tous les acteurs concernés par le logement social.
L'objectif est de solder ces 113 millions d'euros. Toutes les factures doivent être adressées à l'échelon local, puisque cette procédure a été déconcentrée : les préfets et les trésoriers-payeurs généraux ont donc toute latitude pour engager les crédits et favoriser le règlement de cette dette.
À cette fin, les premières dotations ont été mises en place par la Caisse des dépôts et consignations, soit 30 millions d'euros, mais cela ne réglera qu'une partie des factures en instance. Aussi, le Premier ministre s'est engagé à ce que celles-ci soient acquittées en totalité avant la fin du premier trimestre 2007, ce qui représente un effort considérable.
Pour ce faire, dès 2006, 30 millions d'euros de crédits supplémentaires seront ouverts sur le programme concerné du budget de l'outre-mer : 9,6 millions d'euros en provenance de la réserve gouvernementale ont d'ores et déjà été délégués dans les départements d'outre-mer, 8,4 millions d'euros seront transférés dans les meilleurs délais, et 12 millions d'euros sont ouverts dans le collectif de fin d'année.
Ainsi, avec ces 60 millions d'euros injectés dès cette année et les crédits de la loi de finances initiale, les factures en souffrance pourront être payées en totalité.
Mais, comme M. Othily l'a souligné, le Premier ministre ne s'est pas contenté de ce rattrapage. Il a décidé d'aligner le rythme de progression des crédits sur celui qui a été fixé en métropole dès 2004 par le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo et l'engagement national pour le logement, prévu par la loi du 13 juillet 2006.
Sur ma proposition, le Premier ministre a donc décidé d'augmenter de 20 % pendant les trois prochaines années les crédits du logement social outre-mer. Pour répondre à votre interrogation, monsieur Gillot, cette augmentation totale de 120 millions d'euros se répartira en 60 millions d'euros dès 2007, 30 millions d'euros en 2008 et 30 millions d'euros en 2009.
Nous n'altérons pas le principe de l'annualité budgétaire, puisque le plan de cohésion sociale se situe dans une logique de loi de programmation pluriannuelle : les crédits sont disponibles avec des financements contrôlés. Ces engagements s'appuient non seulement sur la parole de l'État, mais aussi sur la continuité budgétaire, dans le cadre de ces lois de programmation pluriannuelles.
Pour des questions de calendrier et de contraintes budgétaires, les crédits sont ouverts dans le collectif de fin d'année et reportés en 2007, soit 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement qui, compte tenu du rythme de réalisation des opérations, ne généreront l'an prochain, au mieux, qu'un besoin de treize millions d'euros en crédits de paiement, soit un peu plus de 20 %. Nous sommes, là aussi, dans l'épure.
Pour pouvoir utiliser ces crédits en 2007, l'Assemblée nationale a voté, en deuxième délibération, une dérogation aux règles très strictes de report de la loi organique relative aux lois de finances. C'est la raison pour laquelle notre engagement sera tenu. Pardonnez-moi d'être technique, mais le sujet est essentiel.
Ainsi, avec les crédits destinés à rattraper le retard et ceux qui sont inscrits dans l'actuel projet de loi de finances, ce sont 281 millions d'euros en autorisations d'engagement et 201 millions d'euros en crédits de paiement qui seront directement consacrés en 2007 au logement social outre-mer, soit une hausse de 5 % en moyens d'engagement et de près de 20 % en moyens de paiement par rapport aux crédits votés en 2006.
Cet effort considérable ne peut bien entendu se faire, vous avez raison de le souligner, madame Payet, sans réorganisation efficace de la politique du logement.
Malgré la production soutenue de logements sociaux dans les départements d'outre-mer - en hausse de 15 % par rapport à 1999, même si cette progression est très nettement insuffisante par rapport à l'évolution des besoins -, l'audit de modernisation sur la politique du logement outre-mer a fait apparaître la nécessité d'accroître le parc social de 27 000 logements locatifs sociaux en cinq ans, soit une moyenne de 5 400 par an, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale dans les départements d'outre-mer.
Sur la seule année 2005, madame Hoarau - vous m'avez interrogé sur ce sujet -, plus de 323 millions d'euros ont été engagés en faveur du logement social. Ce montant, monsieur Gillot - vous m'avez également alerté sur ce point - doit être comparé - n'y voyez aucune malice de ma part - à celui qui a été engagé, par exemple, en 2000, à savoir 247 millions d'euros. Le différentiel n'est pas neutre. Certes, cinq ans se sont écoulés, mais nous sommes bien obligés de rattraper le retard !
L'effort budgétaire que l'État accomplira au cours des trois prochaines années permettra, en principe, de soutenir le rythme de production que je viens d'évoquer, sauf en cas de nouvelles évolutions. Mais je pense que cela ira.
S'agissant toujours de la délicate question du logement social, je crois nécessaire d'associer plus étroitement encore de nouveaux acteurs et de rechercher de nouvelles solutions pour le financement des politiques urbaines et de logement social, dans un contexte où la dépense publique est désormais durablement contrainte.
C'est dans cet esprit et dans cette perspective que Jean-Louis Borloo et moi-même mettrons très prochainement en place une conférence nationale du logement outre-mer, qui réunira l'ensemble des acteurs concernés - représentants de l'État, élus, acteurs économiques, bailleurs sociaux, représentants des établissements financiers -, afin d'explorer en commun les voies de l'avenir, mais aussi de rendre des comptes. Je crois, en effet, aux vertus de l'évaluation des politiques publiques, dans des séquences plus courtes.
L'expérience en matière de politique du logement social en outre-mer nous enseigne qu'il est impératif que nous ayons des rendez-vous annuels - cette fréquence semble être la bonne - pour faire le point. De tels rendez-vous permettent d'éviter d'accumuler du retard et des dettes. Ils permettent également de ne pas se retrouver en fin de législature dans une situation compliquée et intenable, dont il est difficile de sortir.
Monsieur Loueckhote, vous avez évoqué les travaux de la Commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer. Je tiens à vous rendre un hommage particulier. Chacun connaît le rôle qui le vôtre au sein de l'intergroupe parlementaire de l'outre-mer, que vous présidez, ainsi que votre degré d'implication. Chacun connaît également votre esprit de solidarité à l'égard de tous les territoires ultramarins et votre profond attachement aux valeurs républicaines qui, comme vous l'avez rappelé, ont guidé votre combat politique. Même si nous risquons de ne pas toujours marcher sur les mêmes chemins de crête, nous partageons des valeurs essentielles, qui nous rapprochent. Je tenais à vous le dire et à vous remercier pour la qualité de nos relations au cours de ces quinze derniers mois.
Vous remettrez tout à l'heure au Premier ministre le rapport de la Commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer, qui s'appuiera sur une démarche pragmatique et que nous accompagnerons. Comme je l'ai indiqué lors de l'installation de cette commission, il appartiendra ensuite au ministère et aux pouvoirs publics de formuler des propositions, dans le strict esprit de vos propositions.
S'agissant des déplacements de la commission, je vous indique que je suis prêt à participer à leur financement. Ce point ne pose pas de difficultés.
Des évolutions significatives interviendront, notamment en matière de logement. Il nous faut être pragmatiques. Ce qui compte, c'est ce qui marche et ce qui est efficace, c'est la correspondance entre les engagements pris et la réalité des crédits affectés.
À cet égard, je pense qu'il ne faut pas avoir de fierté mal placée. Si le logement outre-mer, notamment dans les départements, peut être géré de façon plus efficace par le ministère du logement, il nous faudra peut-être cesser de nous intéresser à des problèmes de « tuyauterie » - la LBU d'un côté, les plans de programmation en matière de logement et le plan de cohésion sociale piloté par Jean-Louis Borloo de l'autre -, comme c'est le cas actuellement, et réfléchir au glissement vers la mission « Ville et logement » d'un programme « Outre-mer ». Un tel glissement serait peut-être pertinent et plus facile pour les élus ultramarins, qui y gagneraient en lisibilité et en traçabilité. En outre, nous aurions la certitude que les crédits nécessaires seraient affectés à l'ensemble des dossiers pilotés conjointement par le ministère de l'outre-mer.
J'en viens à une autre de mes préoccupations, la question de l'immigration clandestine, très douloureuse, très humaine et très importante pour l'équilibre de notre pacte républicain. À cet égard, je remercie Lucette Michaux-Chevry d'avoir rappelé les débats qui nous avaient occupés il y a un an sur cette question.
Je tiens à indiquer clairement que nous sommes parvenus - il fallait peut-être du courage - à alerter sur ce sujet l'opinion publique française, particulièrement l'opinion métropolitaine, qui a une très grande méconnaissance de ce qui se passe dans certains de nos territoires, et, par esprit de solidarité, l'ensemble de nos compatriotes ultramarins, qui ne sont pas touchés de la même façon par le problème de l'immigration clandestine. Il concerne, en effet, de façon beaucoup plus douloureuse, la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte.
Ce débat était nécessaire. Il a permis des avancées législatives, ainsi que le déblocage de moyens matériels. Nous avons d'ores et déjà obtenu des résultats.
Permettez-moi, à cet égard, de vous communiquer les informations présentées hier en comité interministériel de contrôle de l'immigration. Une hausse de 86 % des reconduites à la frontière a été constatée entre le mois de janvier et le mois d'octobre 2006, sur la base de nos trois territoires.
Le nombre de demandes d'asile a été réduit de façon très significative, à la suite du message politique que nous avons adressé ; nous vous communiquerons, naturellement, les chiffres.
Enfin, des moyens matériels et humains supplémentaires ont été octroyés, qui nous permettent de tenir bon. Nous verrons ensuite comment évoluer au fil des années, mais au moins avons-nous fait ce que nous avions dit, et ce, dans des délais rapides, ce qui nous permet dès à présent d'obtenir des résultats parfois spectaculaires. Une politique assumée, c'est une politique maîtrisée. Il n'y a pas de fatalité, y compris en matière d'immigration clandestine.
Pour vous donner des chiffres précis, 20 744 éloignements d'étrangers en situation irrégulière sont intervenus au cours des dix premiers mois de l'année.
À Mayotte, quatre-vingt-huit kwassas-kwassas ont été interceptés durant la même période, contre seulement quarante-huit en 2005. Les kwassas-kwassas, je le dis pour ceux qui ne le savent pas, sont des petites embarcations de fortune qu'utilisent en général les Comoriens pour franchir, dans des conditions parfois extraordinairement dangereuses pour leur sécurité, les soixante ou quatre-vingt kilomètres qui les séparent de Mayotte. Nous avons donc pratiquement doublé le nombre de ces interceptions.
Effet indirect de cette maîtrise de l'immigration irrégulière, on constate également - pourquoi le taire ? - une réduction sensible de la délinquance, notamment à Mayotte, où la délinquance de voie publique a tout de même baissé de 21 % depuis le début de l'année.
Les demandes d'asiles traitées par l'antenne de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, désormais installée aux Antilles, comme nous l'avions annoncé, sont en forte chute par rapport à 2005, madame Michaux-Chevry, de 79 % aux Antilles et en Guyane et, monsieur Ibrahim, de 37 % à Mayotte. En dix mois ! Ces chiffres sont suffisamment parlants.
Monsieur Othily, le Gouvernement a beaucoup fait pour la Guyane : dispositions spécifiques sur les contrôles des personnes et des moyens de transport dans la loi du 24 juillet 2006, renforcement des effectifs de la gendarmerie et augmentation de 53 %, entre 2001 et 2005, des effectifs de la police aux frontières.
Sur le terrain, on constate les premiers effets très positifs de ces mesures. Sur le territoire guyanais, ce déploiement a permis de faire chuter la délinquance de voie publique et les violences aux personnes de 15 % en août 2006.
Concernant les constructions illicites, vous avez rappelé, monsieur le sénateur, l'habilitation à légiférer par ordonnances qui figure dans le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Cela permettra l'instauration d'une procédure simplifiée pour lutter contre ce fléau, ainsi que vous le souhaitez.
Dans les domaines sociaux, nous réfléchissons actuellement, avec le ministère des affaires étrangères, aux manières les plus efficaces de redynamiser la coopération sanitaire et hospitalière avec le Surinam et, plus particulièrement, avec la région d'Albina, afin de soulager l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni.
Toujours dans le domaine social, vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la grève des agents EDF, qui pénalise fortement nos compatriotes de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe.
Vous soulignez que ces personnels redoutent un désengagement du service public de l'électricité dans les départements d'outre-mer. Je tiens, ici, à vous affirmer très solennellement que cette crainte est infondée et que, au contraire, l'État veillera à prendre en compte toute la spécificité des besoins de ces régions dans le domaine énergétique.
Conformément aux engagements qu'il a pris dans le contrat de service public, et sur la base de la programmation pluriannuelle des investissements publiée par le Gouvernement le 7 juillet 2006, EDF a manifesté sa volonté de participer de façon très ambitieuse au renouvellement et à l'augmentation des capacités de production dans les systèmes énergétiques insulaires, en construisant près de 800 mégawatts au cours des six ans à venir.
C'est la raison pour laquelle j'appelle la direction de l'entreprise à faire en sorte de renouer sans délai un dialogue constructif avec les organisations syndicales qui sont à l'origine de la grève actuelle.
À ce stade, j'indique que je me félicite du climat apaisé dans lequel s'est déroulée l'élaboration du projet de budget pour 2007, ce qui est très satisfaisant. Il est vrai que les problèmes que nous avons rencontrés l'an passé sont derrière nous, même si d'autres débats nous attendent.
Conformément à l'engagement que le Premier ministre a pris l'an dernier, les parlementaires sont associés très étroitement à l'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer.
Comme vous avez pu le constater samedi dernier, lors du débat sur les retraites, l'État n'engagera pas de réforme sans évaluation ni concertation. C'est d'ailleurs une question de cohérence : on ne peut pas présenter un texte relatif à la modernisation du dialogue social en conseil des ministres et, dans le même temps, éluder le dialogue social à l'échelon territorial, alors que le sujet abordé, qui implique des avancés, mérite débat.
Je propose donc l'organisation d'une table ronde à l'échelon local, réunissant les représentants de l'État et les syndicats. Les propositions qu'ils formuleront seront transmises au ministère. Nous tracerons alors des pistes de réflexion sur les importantes questions soulevées, afin que des textes, qu'ils soient de nature législative ou réglementaire, soient prêts pour le début de la prochaine législature.
S'agissant du difficile problème de l'évaluation du coût de la vie et du pouvoir d'achat, je rappelle, comme je l'ai dit hier à l'Assemblée nationale, que je suis favorable à la création d'un observatoire du pouvoir d'achat, madame Hoarau, et pas simplement des prix.
C'est vrai qu'il existe déjà des outils permettant de qualifier et de quantifier le coût de la vie, ainsi que le niveau des revenus dans les départements d'outre-mer : on est capable de comparer les salaires du privé et ceux du public, d'évaluer le coût de la construction, du logement, d'obtenir un indice des prix à peu près objectif. Cependant, il ne nous est pas possible d'effectuer avec pertinence une comparaison sincère entre l'outre-mer et la métropole.
Un tel outil est donc nécessaire. Sa mise en place est d'ordre réglementaire ; je souhaite qu'elle puisse intervenir d'ici à la fin de la législature. J'ai donc demandé au directeur général de l'INSEE, voilà quelques semaines, de trouver un outil statistique pertinent et consensuel. Dès qu'il sera en notre possession, il sera possible de faire des comparaisons entre les différents territoires ultramarins, mais également entre ces territoires et la métropole. Nous pourrons alors tous parler de la même chose et mettre en oeuvre des politiques cohérentes et compatibles.
Tels sont les quelques éléments de réflexion dont je tenais à vous faire part. Je vous prie de me pardonner d'avoir été si long, mais je me suis efforcé de répondre aussi précisément que possible à chacune de vos sollicitations. J'espère n'avoir oublié personne.
Je remercie chacun des orateurs et des membres présents dans cet hémicycle. Ils nous ont permis d'avancer sur le projet de budget 2007, qui traduit les engagements pris par le Président de la République et qui va dans une direction utile à nos compatriotes ultramarins. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission «Outre-mer » figurant à l'état B.
État B
(en euros)
Mission |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Outre-mer |
2 020 454 440 |
1 952 182 440 |
Emploi outre-mer |
1 155 500 518 |
1 151 330 518 |
dont titre 2 |
85 890 000 |
85 890 000 |
Conditions de vie outre-mer |
457 926 107 |
390 426 107 |
Intégration et valorisation de l'outre-mer |
407 027 815 |
410 425 815 |
dont titre 2 |
67 640 748 |
67 640 748 |
M. le président. L'amendement n° II-25, présenté par M. Torre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Conditions de vie outre-mer |
|
10.000.000 |
|
|
Intégration et valorisation de l'outre-mer Dont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
10.000.000 |
|
|
SOLDE |
- 10.000.000 |
|
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai également l'amendement n° II-24, qui a trait lui aussi au problème du logement.
Mme la présidente. L'amendement n° II-24, présenté par M. Torre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Conditions de vie outre-mer |
|
|
3.000.000 |
|
Intégration et valorisation de l'outre-mer Dont Titre 2 |
|
3.000.000 |
|
3.000.000 |
TOTAL |
0 |
3.000.000 |
3.000.000 |
3.000.000 |
SOLDE |
- 3.000.000 |
- 0 |
Veuillez poursuive, monsieur le rapporteur.
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le ministre, de la qualité de vos réponses et de votre courtoisie. La situation est un peu moins tendue que l'an dernier, ce dont je me félicite.
Mais, ce matin, je vous ai dit pourquoi j'étais inquiet s'agissant du financement du logement. Je pensais quitter cet hémicycle en étant totalement rassuré. Malheureusement, tel n'est pas le cas et je vais vous dire pourquoi.
Vous avez tenté, cette année, de rapprocher la masse des crédits de paiement de celle des autorisations d'engagement. Vous avez réduit la différence entre ces masses à 45 millions d'euros, contre 70 millions à 80 millions d'euros autrefois. Nous ne pouvons que vous en féliciter.
Le Premier ministre a promis des crédits nouveaux, nous dites-vous, mais il s'agit en fait d'autorisations d'engagement, pour un montant de 60 millions d'euros en 2007, qui ne figurent en crédits de paiement qu'à hauteur de 25 millions d'euros, par ailleurs déjà amputés de 12 millions d'euros dans le collectif budgétaire.
Vous venez d'évoquer, je n'invente pas les chiffres, 281 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 201 millions d'euros de crédits de paiement. Cette situation m'inquiète, car elle reproduit celle que nous avons décrite ce matin, qui a été si préjudiciable à l'activité du bâtiment outre-mer.
Vous nous avez indiqué, et je vous en remercie, que vous feriez appel le moment venu au plan de cohésion sociale, en accord avec le Gouvernement. C'est une bonne voie, comme nous l'avons indiqué dans le rapport, mais je suis malheureusement obligé de constater que rien n'est encore chiffré.
Je ne suis pas là pour formuler des critiques à l'encontre du Gouvernement, je tiens seulement à souligner que, en reproduisant un tel écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, nous allons nous retrouver, à terme, dans la situation qui nous a déjà conduits à prendre des mesures d'urgence pour combler les dettes.
Malheureusement, faute de plus de précision de votre part, monsieur le ministre, je me vois dans l'obligation de maintenir les deux amendements de la commission des finances.
Je suis ennuyé de faire de la peine à mon ami Denis Detcheverry. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
L'amendement n° II-24 a pour objet de supprimer 3 millions d'euros de crédits sur le programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » pour les affecter à l'action « Logement » du programme « Conditions de vie outre-mer », que nous estimons prioritaire. Notre démarche est logique.
Monsieur Detcheverry, nous avons naturellement entendu vos arguments. Vous tenez à ce que nous ne touchions pas aux crédits de la coopération régionale, qui couvre un large domaine culturel, social, éducatif et sportif. La dilution de ces crédits dans des secteurs aussi divers ne répond pas exactement à l'efficacité que nous attendons de l'utilisation des fonds publics.
Les crédits affectés au logement nous paraissant plus essentiels encore, je maintiens donc, je le répète, cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement a le regret d'émettre un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je réaffirme que l'État honorera les engagements du Premier ministre, jusqu'au terme du plan de cohésion sociale. Je rappelle que, pour 2007, 201 millions d'euros de crédits de paiement seront disponibles, soit le niveau le plus élevé depuis sept ans. Ces crédits permettront de résorber la dette de l'État et d'engager le processus d'application, outre-mer, du plan de cohésion sociale.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter s'agissant du premier amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Torre, rapporteur spécial.
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Je comprends que vous ayez donné un avis défavorable sur cet amendement, monsieur le ministre, vous êtes dans votre rôle.
Toutefois, si nous voulons favoriser le logement outre-mer, nous devons augmenter l'ensemble des crédits, mais les crédits de paiement doivent être proches des crédits d'engagement. Dans le cas contraire, je le dis très clairement, nous courrons au désastre !
L'amendement n° II-25 vise à réduire les autorisations d'engagement de 10 millions d'euros ; il n'a pas pour objet de pénaliser le logement outre-mer. Nous voulons plus généralement attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que des autorisations d'engagement non accompagnées de crédits de paiement sont dangereuses.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est d'accord avec le sénateur Detcheverry concernant la coopération régionale.
En fait, l'amendement ne fait qu'inverser le dispositif sur les fonds de coopération régionaux. Le Gouvernement maintient donc son avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. À mon tour, je voudrais me réjouir de la qualité de cette discussion et du climat apaisé et serein qui l'a caractérisée.
Je voudrais aussi saluer l'implication et l'engagement de M. Henri Torre, en sa qualité de rapporteur spécial. Il a multiplié les missions sur place et sur pièce pour être en mesure d'éclairer nos échanges et de donner une pleine crédibilité aux positions que nous prenons.
Monsieur le ministre, vous l'avez bien compris, c'est le financement du logement qui nous préoccupe. Des entreprises se trouvent en difficulté parce que les opérateurs sont en cessation de paiement. Nous ne pouvons pas accepter cette situation. Bien sûr, des engagements peuvent être pris, mais les données que vous nous avez présentées laissent clairement en l'état l'accumulation d'engagements de programmes non suivis de paiements.
Bien sûr, il existe une inertie. Nous comprenons qu'il y ait un décalage entre l'autorisation d'engagement et la liquidation des dépenses. Cependant, nous avons atteint la cote d'alerte. Si nous voulons répondre à l'attente légitime de nos compatriotes d'outre-mer, nous devons, par le vote de ces amendements, solenniser la gravité de la situation et, ensemble, rechercher des modes de financement fondés, crédibles et réalisables.
Or, pour l'instant, les indications dont nous disposons manquent de crédibilité. En loi de finances rectificative, les autorisations d'engagement s'élèveraient à 60 millions d'euros et les crédits de paiement à 13 millions d'euros, auxquels seraient ajoutés 12 millions d'euros, c'est-à-dire 25 millions d'euros au total. L'écart se creuse de nouveau de 35 millions d'euros.
La commission des finances ne peut, en conscience, cautionner une telle situation ; c'est pour cette raison que le rapporteur spécial a déposé deux amendements que nous invitons le Sénat à adopter.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, pour explication de vote sur l'amendement n° II-24.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. Si je comprends parfaitement la volonté de la commission des finances d'améliorer la situation s'agissant des paiements en matière de logement, le choix de transférer des crédits d'un poste à un autre ne me paraît pas bon.
Nous ne pouvons pas boucher un trou en créant un trou ailleurs, et non des moindres !
MM. Henri de Raincourt et André Dulait. C'est digne du Sapeur Camembert !
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. Je voudrais tout de même rappeler que la Haute Assemblée a adopté à la quasi-unanimité, sur le rapport de Charles Guené, la proposition de loi présentée par Michel Thiollière visant à promouvoir la coopération régionale.
Nous nous sommes également rendu compte que de graves problèmes qui touchent les départements, les régions et les collectivités d'outre-mer, à savoir l'immigration illégale ou le faible développement économique, pourraient être pris en compte dans le cadre régional.
Nous avons également affirmé à l'unanimité, dans les lois organique et ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, que la coopération régionale était l'un des facteurs essentiels de son développement. Et, aujourd'hui, nous retirerions l'ensemble des crédits qui y sont affectés ! C'est alors que nous serions totalement incohérents et non crédibles, mes chers collègues !
S'il nous faut effectivement renforcer les crédits destinés au logement en raison de la différence entre les engagements et les paiements, mes chers collègues, je vous en conjure, ne les prenons pas là,...
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. ...car la coopération régionale est un élément essentiel du développement.
De surcroît, cet amendement est contraire à celui que je vous présenterai ultérieurement, au nom de la commission des lois, et qui a justement pour objet de renforcer les crédits de la coopération régionale. Cette coopération nous aidera à promouvoir la vie économique et la paix sociale dans nos départements, régions et collectivités d'outre-mer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Denis Detcheverry. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Marsin, pour explication de vote.
M. Daniel Marsin. Notre rapporteur spécial, Henri Torre, a justement attiré l'attention du Sénat et du Gouvernement sur les écarts existant entre les autorisations d'engagements et les crédits de paiement, sur les dettes qui se sont accumulées au fil du temps. Il a fait un travail excellent dans ce domaine, mais je ne peux admettre, comme l'orateur précédent, que la solution pour combler partiellement ces écarts consiste à retirer de l'argent à d'autres actions tout aussi importantes.
Je ne suis d'accord ni avec cet amendement, ni avec l'amendement précédent. Une fois l'attention du Gouvernement attirée sur ce point, je considère qu'il faut lui faire confiance pour trouver les solutions adaptées aux engagements qui ont été pris.
Transférer de façon massive des crédits d'un programme sur un autre, c'est pénaliser le premier, tout aussi important, même si le problème du logement est crucial.
C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voté l'amendement n° II-25, comme je ne voterai pas l'amendement n° II-24.
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Detcheverry, pour explication de vote.
M. Denis Detcheverry. Il n'y a pas grand-chose à ajouter aux propos que viennent de tenir mes deux collègues. J'abonde totalement dans leur sens : déshabiller la coopération régionale pour habiller le logement n'a guère de sens...
Les nombreux problèmes rencontrés en outre-mer proviennent certainement d'un manque d'intégration régionale. Il faut absolument favoriser l'intégration des régions d'outre-mer et, à terme, nous aurons certainement moins besoin de crédits pour le logement social.
Je suis donc contre l'amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais rappeler toute la difficulté de l'exercice.
Dans le cadre de la loi organique, notre examen des crédits se modifie très substantiellement et nous devons porter un jugement, ou proposer au Sénat de porter un jugement, sur l'efficacité comparée d'une même somme consacrée à tel ou à tel objectif : ce sont bien l'analyse et la proposition que le rapporteur spécial, M. Henri Torre, vient de nous présenter.
Il fait valoir, compte tenu de ses investigations, que je sais très approfondies, de ses contacts, que je sais très nombreux, qui ont eu lieu tout au long de l'année et non à la seule occasion d'un débat ou de sa préparation, qu'en son âme et conscience il lui semble - et la commission des finances a partagé ce choix - que les 3 millions d'euros dont il est question seraient plus efficaces s'ils étaient affectés à l'action « Logement » plutôt qu'à l'action « Coopération régionale ».
Il indique, et vous l'avez entendu tout à l'heure, que les 3 millions d'euros sont pour la coopération régionale, au regard des enjeux, presque insignifiants, ce qui conduit, et je partage ce jugement, à une dilution préjudiciable à l'efficacité de l'action publique. C'est d'autant plus vrai qu'il existe par ailleurs des dotations importantes à disposition du ministère de l'outre-mer pour nos départements.
Il avance en contrepartie que le redéploiement au profit de l'action « Logement » lui semble être en conformité avec les besoins qui s'expriment et que nous avons entendu commenter tout à l'heure durant la discussion générale, notamment par les élus des Antilles, où ce problème du logement est si crucial.
Il fait enfin également valoir que, compte tenu de l'ampleur des besoins, ces crédits compléteraient très utilement ce que l'on peut obtenir grâce à la procédure de la défiscalisation.
Le fait que le présent gouvernement ait vraiment pris conscience de l'ampleur des besoins en matière de logement social me paraît un élément important de son bilan, et c'est en pondérant ainsi les objectifs d'intérêt général de part et d'autre que le redéploiement des 3 millions d'euros est proposé.
Bien sûr, déplacer une somme, même très faible par rapport au total des masses budgétaires, est très difficile pour nous parlementaires, car nous sommes en quelque sorte désarmés par rapport à l'exécutif : tout le temps que nous pouvons consacrer aux études, aux analyses, aux contacts, aux concertations de toute nature, pèse très peu comparé à ce que peut faire un ministre qui a la gestion permanente, quotidienne, de son « morceau » de l'appareil d'État.
Monsieur le ministre, si cette proposition de redéploiement a été formulée, c'est parce que nous nous efforçons de jouer le jeu de la loi organique et parce que l'espace qu'elle offre aux parlementaires doit être utilisé. Il faut faire vivre cette loi organique, sinon, la revalorisation du rôle du Parlement ne serait qu'un vain mot : nous ne saurions, bien entendu, nous y résigner.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Madame la présidente, avant de demander une brève suspension de séance, je voudrais, par respect pour M. le rapporteur général, rappeler un point.
Le Sénat, en adoptant l'amendement n° II-25, vient de supprimer 10 millions d'euros de crédits qui étaient affectés à ce que tous ici ont évoqué comme une priorité nationale.
Les uns et les autres, et d'abord les parlementaires ultramarins, nous nous efforçons depuis cinq ans de rappeler que la construction de logements sociaux pose des problèmes cruciaux et que ceux-ci, pour des raisons démographiques, sont non pas derrière, mais devant nous. Des efforts considérables ont été fournis pour trouver des solutions innovantes et respectueuses de l'orthodoxie budgétaire permettant des relais, un accompagnement des bailleurs sociaux, un solde des dettes et la création d'une dynamique de rythme pour les trois années qui viennent.
Et voilà qu'on veut nous « accompagner » en supprimant 3 millions d'euros destinés à favoriser l'intégration régionale, alors que, comme le sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon l'a rappelé, la politique publique de la France en matière d'accompagnement de ses territoires est de promouvoir l'insertion dans les bassins régionaux !
Pensez-vous, mesdames, messieurs, que c'est ainsi que nous aiderons ces territoires à rechercher des accords économiques, des accords sur le plan de l'éducation, des accords sur le plan des échanges en tous genres, de financements en matière de lutte contre l'immigration clandestine, puisque justement une partie de ces fonds sert à cela ?
On veut nous expliquer que c'est rendre service que de supprimer 10 millions d'euros d'un budget qui a fortement besoin de crédits et qu'on va les compenser en affectant 3 millions d'euros. D'abord, cela ne fait pas le compte ; ensuite, vous créerez ainsi d'autres difficultés.
J'espère que tout cela pourra être réglé d'ici à la fin de la discussion budgétaire. Si je peux comprendre la logique de l'orthodoxie, je ne peux pas comprendre qu'il y ait d'un côté un discours, de l'autre des réponses apportées par le Gouvernement, et, en fin de parcours, une solution totalement déséquilibrée !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je comprends votre propos, monsieur le ministre, et je voudrais dissiper tout malentendu.
Nous adhérons aux objectifs que vous avez rappelés. L'outre-mer appelle une attention particulière et des moyens. Mais nous estimons, en conscience, que les moyens ne doivent pas se limiter aux autorisations d'engagement. Les moyens se mesurent en crédits de paiement, et c'est la responsabilité et l'honneur d'un gouvernement et de la majorité qui le soutient que de mettre en cohérence les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.
C'est une fâcheuse situation que celle que connaissent aujourd'hui les entreprises et les opérateurs du bâtiment outre-mer, qui se trouvent pratiquement en cessation de paiement.
Par conséquent, nous demandons que les arbitrages budgétaires traduisent les choix faits par le Gouvernement et sa majorité - et la loi de finances en est l'expression - en termes de crédits ouverts et de ressources pour en assurer le financement. Ce n'est que cela : c'est le signal d'alarme solennel qu'en conscience et en devoir la commission des finances a voulu donner au travers de ces deux amendements.
Encore une fois, je récuse l'idée que nous serions en désaccord avec la nécessité d'accompagner le mouvement en matière de logement. Nous avons cependant de fortes interrogations sur la défiscalisation, dont on dit le plus grand bien : n'arrive-t-il pas qu'elle conduise à des types de constructions n'ayant pas grand-chose à voir avec le logement social et participant ici ou là à la spéculation foncière qui complique singulièrement la construction de logements sociaux ?
Des réflexions sont en cours. Nous y souscrivons, et nous formons le voeu qu'elles aboutissent, de façon cohérente, crédible, et que nous puissions ainsi nous engager aux côtés de nos collègues ultramarins pour apporter les bonnes réponses à ces souhaits, à ces questions, à ces exigences, qui sans doute ne peuvent plus attendre.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Je voudrais confirmer les propos de l'éminent président de la commission des finances : nous n'avons pas l'intention de pénaliser en quoi que ce soit le logement outre-mer. Nous estimons toutefois que, lorsque la différence entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement est aussi importante, les engagements deviennent en quelque sorte irréels. C'est ce qu'aujourd'hui nous avons voulu souligner par notre vote. Nous combattons l'irréalité des autorisations d'engagement, rien de plus.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Madame la présidente, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes.
Mme la présidente. Le Sénat va bien entendu accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Cette suspension de séance a été utile non seulement, sans doute, à M. le ministre, mais aussi à nous-mêmes. Nous avons en effet pu discuter en toute décontraction. L'amendement n° II-25 a été adopté.
Quant à l'amendement n° II-24, qui vise à supprimer 3 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement affectés à l'action « Coopération régionale » pour affecter 3 millions d'euros de crédits de paiement à l'action « Logement », nous avons vu qu'il choquait une partie de nos collègues. C'est pourquoi je le retire, et je demande à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois de retirer dans le même temps l'amendement n° II-119.
Mme la présidente. L'amendement n° II-24 est retiré.
L'amendement n° II-119, présenté par M. Cointat, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer Dont Titre 2 |
||||
Conditions de vie outre-mer |
1.000.000 |
1.000.000 |
||
Intégration et valorisation de l'outre-mer Dont Titre 2 |
1.000.000 |
1.000.000 |
||
TOTAL |
1.000.000 |
1.000.000 |
1.000.000 |
1.000.000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. La voix de la sagesse vient d'être exprimée par M. le rapporteur spécial. Par conséquent, j'adopte la même position que lui, et je retire mon amendement.
M. François Baroin, ministre. Je remercie M. le rapporteur spécial et le M. le président de la commission des finances qui ont exprimé une certaine continuité de la ligne qui est la leur depuis toujours.
Ce que je souhaite, c'est que, lors des arbitrages qui seront rendus par la commission mixte paritaire, soient trouvées les solutions permettant de rétablir les engagements pris par l'État en faveur de la politique du logement social, en essayant de respecter le mieux possible, dans l'application de la politique de programmation pluriannuelle, la question de l'écart entre les autorisations d'engagement, d'une part, et les crédits de paiement, d'autre part.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer » figurant à l'état B.
Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Outre-mer ».
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J'appelle en discussion les articles 50 et 50 bis et les amendements tendant à insérer les articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».
Article 50
Dans le premier alinéa de l'article 38 et le troisième alinéa de l'article 40 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, l'année : « 2006 » est remplacée par l'année : « 2007 ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 50.
(L'article 50 est adopté.)
Article 50 bis
L'article 15 de la loi no 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer est complété par un IX ainsi rédigé :
« IX. - Par dérogation aux dispositions du 2° du III du présent article, le salarié peut adhérer à une convention de congé de solidarité jusqu'au 31 décembre 2007 dans les conditions suivantes :
« 1° Le salarié doit justifier d'une activité salariée d'au moins quinze ans et bénéficier, au plus tard à l'âge de soixante ans, d'une pension de retraite au titre de l'assurance vieillesse du régime de sécurité sociale dont il relève ;
« 2° Le montant de l'allocation de congé de solidarité ne peut pas être supérieur à 85 % du salaire antérieur de la personne bénéficiaire ;
« 3° La participation par l'État ne peut excéder 50 % du montant de l'allocation de congé de solidarité et des cotisations de retraite complémentaire afférentes aux périodes de versement de l'allocation ;
« 4° Peuvent conclure une convention les seules entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics et des secteurs mentionnés aux II et III de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale ;
« 5° L'effectif atteint à la date de la signature de la convention mentionnée au 2° du IV du présent article est déterminé selon les dispositions des articles L. 620-10 et L. 620-11 du code du travail et ne doit pas être réduit, hors décès ou démission de salariés, pendant la durée de la convention qui ne peut être inférieure à deux ans.
« L'entrée en vigueur de ce dispositif est subordonnée à la signature d'un avenant à la convention-cadre mentionnée au I du présent article.
« Les demandes de convention de congé de solidarité formées par les employeurs auprès des services gestionnaires du dispositif avant le 31 décembre 2006 et restées sans réponse à cette date peuvent être déposées à nouveau auprès de ces services après la date de la signature de l'avenant pour pouvoir être prises en compte selon les règles prévues au présent IX.
« Les conventions en vigueur avant le 1er janvier 2007 ne peuvent recueillir l'adhésion de nouveaux salariés au-delà du 31 décembre 2006 qu'après la date de la signature de l'avenant et dans les conditions prévues par le présent IX et par ledit avenant.
« Les salariés bénéficiant du congé de solidarité avant le 31 décembre 2006 continuent à en bénéficier dans les conditions prévues aux I à VIII. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 50 bis.
(L'article 50 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 50 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° II-26 rectifié bis est présenté par M. Torre, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-78 est présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° II-120 est présenté par M. Cointat, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° II-194 est présenté par M. Lise, au nom de la commission des affaires économiques.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 50 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 128 de la loi de finances rectificative pour 2005 (loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005) est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« Le document relatif à la politique mentionnée au 7° comporte également :
« - un état récapitulatif, par mission, de l'effort budgétaire et financier consacré à chaque département ou région d'outre-mer, à chaque collectivité d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises ;
« - une évaluation du coût net de chaque exonération de cotisation sociale ou d'impôt destinée à l'outre-mer ;
« - un état de la mise en oeuvre du principe de continuité territoriale en matière de transports de personnes ;
« - le détail et le coût des compléments de rémunérations, de pensions et d'indemnités temporaires applicables aux fonctionnaires en poste outre-mer ;
« - le détail des statuts fiscaux particuliers ;
« - tous les deux ans, une appréciation des différences de salaires et de prix à la consommation entre les collectivités territoriales ultramarines et la métropole. »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-26 rectifié bis.
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Les trois rapporteurs pour avis ont déposé des amendements identiques à celui-ci. Nous sommes donc unanimes.
Il s'agit d'améliorer l'information du Parlement en intégrant dans le document de politique transversale les éléments intéressants qui avaient été fournis dans les anciens « jaunes » budgétaires par l'article 135 de la loi de finances.
Monsieur le ministre, cela est d'autant plus nécessaire que le ministère de l'outre-mer avait fourni, pour réaliser ces documents, un travail de synthèse de très grande qualité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-78.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-120.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. Cet amendement de la commission des lois a été déposé pour appuyer la démarche de la commission des finances. Il est donc défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Lise, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-194.
M. Claude Lise, rapporteur pour avis. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-26 rectifié bis, II-78, II-120 et II-194.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 50 bis.
L'amendement n° II-166, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
Après l'article 50 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la troisième phrase du troisième alinéa de l'article 49 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, après les mots : « entre les communes », sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, leurs groupements lorsqu'ils exercent la compétence d'actions de développement économique ».
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Cet amendement vise la répartition de la dotation d'octroi de mer.
Il apparaît nécessaire d'attribuer directement une dotation spécifique d'octroi de mer prélevée sur le Fonds régional de développement économique aux groupements de communes, quand ces derniers mènent des actions de développement économique.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Torre, rapporteur spécial. La commission ne peut pas se prononcer sur un texte qu'elle n'a pas examiné. Dans ces conditions, elle demande l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Une simulation serait nécessaire compte tenu de la répercussion sur les établissements publics de coopération intercommunale.
Aussi, si Mme Michaux-Chevry acceptait de retirer son amendement, les calculs pourraient être effectués, et nous pourrions éventuellement en rediscuter dans d'autres occasions. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Michaux-Chevry, l'amendement n° II-166 est-il maintenu ?
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le ministre, le calcul est simple : 80 % du fonds sont affectés à la part communale et 20 % à la part régionale ! Nous demandons qu'une dotation d'octroi de mer soit attribuée aux groupements de communes menant des actions de développement. Pourrions-nous disposer des éléments nécessaires pour le collectif budgétaire ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je retire donc l'amendement !
Mme la présidente. L'amendement n° II-166 est retiré.
L'amendement n° II-167 rectifié bis, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
Après l'article 50 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du premier alinéa du D de l'article L. 4434-3 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « dépasse », le nombre : « 50 000 » est remplacé par le nombre : « 35 000 ».
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Cet amendement a pour objet d'abaisser le seuil de population permettant à des groupements de communes de bénéficier du fonds d'investissement routier, le FIR.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Torre, rapporteur spécial. La commission n'a pu se prononcer sur un amendement dont elle n'a pas eu connaissance. Comme pour l'amendement précédent, je demande l'avis éclairant du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 50 bis.
L'amendement n° II-168, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
Après l'article 50 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 2563-6 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2563-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 2563-7. - Dans les départements d'outre-mer, le plafond de population de 5 000 habitants mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 2334-40 est fixé à 15 000 habitants. »
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Il s'agit d'adapter les critères d'attribution de la dotation de développement rural pour les départements d'outre-mer et de permettre d'augmenter le seuil de 5 000 habitants à 15 000 habitants.
Je pense que le Gouvernement émettra un avis défavorable. Je suis prête à retirer mon amendement à la condition expresse d'avoir l'engagement qu'il sera réexaminé le plus rapidement possible. En effet, ce fonds profite uniquement à certaines communes rurales. Or, d'autres communes rurales devraient pouvoir en bénéficier parce qu'elles ont été frappées par les secousses sismiques et par les cyclones.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Torre, rapporteur spécial. La commission n'a pas pu se prononcer, puisqu'elle n'a pas eu l'occasion d'examiner l'amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Comme vous pouvez le constater, il y a une extraordinaire fluidité dans les relations entre le Gouvernement, la commission des finances, la commission des lois, la commission des affaires sociales et les parlementaires dans le dépôt des amendements. Dans un parallélisme des formes absolu, le même esprit anime le Gouvernement sur l'amendement n°II-166 et sur l'amendement n° II-168. Il est nécessaire de faire les comptes, d'établir des simulations dans les meilleurs délais possible et nous en reparlerons le plus tôt possible.
Le Gouvernement demande donc le retrait de l'amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Michaux-Chevry, l'amendement n° II-168 est-il maintenu ?
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je retire mon amendement par gentillesse, mais la réponse de M. le ministre ne me satisfait pas, car il n'y a aucun compte à faire !
Mme la présidente. L'amendement n° II-168 est retiré.
L'amendement n° II-226 rectifié, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
Après l'article 50 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les montants non engagés par les Régions au titre de la dotation de continuité territoriale sont affectés aux crédits destinés au financement du passeport-mobilité tel que défini par le décret n° 2004-163 du 18 février 2004 relatif à l'aide dénommée « passeport-mobilité ».
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. L'État a versé des sommes importantes au nom de la continuité territoriale. Or, le constat navrant qui a été fait, c'est que, dans de nombreuses régions - sauf la Guadeloupe, d'ailleurs -, beaucoup de crédits n'ont pas été utilisés.
Je propose donc, étant donné le succès du passeport-mobilité et la nécessité de l'ouvrir - peut-être après étude - à d'autres régions que l'Europe, que les crédits non utilisés au titre de la continuité territoriale puissent être reversés au passeport-mobilité.
C'est une question de bonne gestion des crédits publics. Je ne vois pas pourquoi on se plaint que la continuité territoriale ne va pas assez loin, et qu'on n'utilise pas les crédits, quand on en a, alors qu'il y a des besoins de financement pour le passeport-mobilité. En effet, de nombreux jeunes forgent leur avenir là où ils estiment que c'est possible. On ne doit pas les paralyser.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Je ne sais pas ce que dit Bruxelles. Mais, s'agissant de la continuité territoriale, il faut être extrêmement prudent, car cela peut mener très loin.
L'amendement n° II-226 rectifié vise à reporter les reliquats, s'il y en a, sur le passeport-mobilité pour les jeunes. À titre personnel, cela me paraît une bonne orientation, mais j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement émet un avis très favorable. Cette continuité territoriale est un succès. Quant à la redéfinition de ses modalités d'application, nous en avons parlé et nous en reparlerons.
L'utilisation des passeports-mobilité - plus de 60 000 en quatre ans - a bien montré la pertinence de cette mesure. Il n'est pas concevable que des crédits qui ont été fléchés ne soient pas utilisés. Il faut donc, en logique pure et en logique pratique, permettre l'utilisation d'une année sur l'autre. Le Gouvernement soutient donc l'initiative de M. Virapoullé.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 50 bis.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
8
Modification de l'ordre du jour
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Quand on aime, on ne compte pas et on ne voit pas le temps passer. (Sourires.) Nous avons eu un débat tout à fait riche, mais nous y avons consacré cinq heures, et non les trois heures trente prévues.
Dans ces conditions, l'examen des crédits de la mission « Sécurité » va nous conduire jusqu'au dîner et peut-être au-delà. Par conséquent, nous aborderons les crédits de la mission « Sécurité civile » ce soir, à la reprise de la séance.
À l'évidence, l'examen des crédits de la mission « Politique des territoires » ne pourra pas commencer avant minuit. Or la conférence des présidents a posé le principe selon lequel la discussion des crédits d'une mission ne peut débuter après minuit. Dans ces conditions, madame la présidente, mes chers collègues, nous pourrions reporter à demain matin, à neuf heures trente, l'examen des crédits de cette mission.
Si nous parvenons à rattraper le retard pris aujourd'hui, peut-être pourrons-nous éviter de consacrer une partie du samedi, journée pour laquelle aucune discussion n'est prévue, aux éventuelles discussions reportées. Mais, si nous continuons à prendre du retard, nous serons obligés de siéger samedi.
Mme la présidente. Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Le Sénat examinera donc les crédits de la mission « Politique des territoires » demain, jeudi 7 décembre, à neuf heures trente.
9
Loi de finances pour 2007
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Sécurité
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je présenterai tout d'abord les principales caractéristiques de cette mission, puis j'aborderai plus spécifiquement les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », qui la composent.
Après quelques tâtonnements lors de la conception initiale de la maquette budgétaire, le caractère interministériel de la mission « Sécurité », rassemblant police et gendarmerie nationales, est désormais une réalité tangible. Une véritable politique de mutualisation des forces de sécurité est désormais en oeuvre et les réflexes de travail en commun sont acquis.
Les groupements d'intervention régionaux, les GIR, constitués à parité de policiers et de gendarmes, illustrent la mise en application sur le terrain de cette interministérialité.
Seule la « reventilation » de 53 % des crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », soit 244,8 millions d'euros, vers le programme « Police nationale » de la présente mission témoigne de la survivance d'une ancienne logique ministérielle, en contradiction avec l'esprit de la LOLF.
La mission « Sécurité » est dotée de 16,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une augmentation de 1,5 % par rapport à 2006, et de 15,6 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 2,6 % par rapport à l'exercice précédent.
L'essentiel de ces moyens, c'est-à-dire 13 milliards d'euros, soit 83,4 % de la mission, est consacré aux dépenses en personnel. Je veux une fois de plus rappeler que les moyens supplémentaires ne constituent pas une fin en soi. Ils ne doivent être conçus que par rapport à un meilleur emploi des effectifs, des crédits et des locaux disponibles.
Dans cette perspective, je relève que, lors de son audition, M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, a témoigné de l'intérêt de l'audit mené, à la demande de la commission des finances, sur l'organisation et les systèmes d'information de la police et de la gendarmerie.
Au total, en 2005, la délinquance constatée a baissé de 0,77 % en zone police et de 2,67 % en zone gendarmerie, si l'on se fonde sur les statistiques fournies par l'état 4001. Je souligne que ce baromètre de la délinquance existe depuis 1972. Il est par conséquent incontestable. Le nombre de crimes et de délits constatés est ainsi passé de 3 825 442 en 2004 à 3 775 838, soit une baisse de 49 604 faits constatés.
Parallèlement, le taux d'élucidation global a enregistré, en 2005, une légère progression : il est désormais de 30,39 % en zone police et de 40,62 % en zone gendarmerie.
Il faut avoir à l'esprit que ce taux global recouvre toutefois de grandes différences de performance selon les catégories d'infraction. Ainsi, pour le programme « Police nationale », le taux d'élucidation varie de 12,37 % pour les vols, y compris le recel, à 51,37 % pour les escroqueries et les infractions économiques et financières, et à 51,96 % pour les violences contre les personnes.
Plus largement, je souhaite, à l'occasion de cette discussion budgétaire, insister une nouvelle fois sur l'importance, s'agissant des réseaux de communication des forces de sécurité, de disposer à terme d'un réseau unique commun à la police et à la gendarmerie, ainsi qu'aux personnels de sécurité civile.
J'en viens maintenant au programme « Police nationale ».
Ce programme comporte, hors fonds de concours, 8,2 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2,3 %.
Au sein de ce programme, la lutte contre l'immigration clandestine, en particulier, mobilise 91,2 millions d'euros, cette dotation incluant les coûts de fonctionnement des centres de rétention administrative, les CRA, et des zones d'attente, pour 40,8 millions d'euros, ainsi que les frais d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, pour 50,4 millions d'euros. Il est utile de préciser que, hors frais de voyage, le coût de l'expulsion d'un clandestin s'élève à 1 800 euros environ.
S'agissant des effectifs, le taux de réalisation de la LOPSI, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, est satisfaisant, puisqu'il atteindra, en 2007, 95,4 % pour la police nationale, avec 6 200 emplois créés, dont 4 200 emplois de fonctionnaires actifs.
En matière de dépenses d'investissement, le taux de réalisation de la LOPSI ne mérite toutefois pas le même satisfecit, puisqu'il n'est que de 66 %. En 2006, la fongibilité des crédits s'est essentiellement opérée de l'investissement vers le fonctionnement, notamment en faveur de l'interopérabilité.
Ici encore, il faut rappeler que les efforts consentis par les contribuables pour le renforcement des forces de sécurité doivent déboucher sur des progrès tangibles en termes d'efficacité.
Dans cette perspective, le développement des violences urbaines doit inciter à une réflexion approfondie et à une large concertation, menée sans pesanteur idéologique, mais avec pragmatisme. Si de nombreux commissariats de proximité ont été fermés en raison de leur faible fréquentation, le rôle de la police nationale ne saurait pourtant se réduire à la répression. Le travail de prévention est également fondamental dans les quartiers en difficulté.
En matière de performance du programme « Police nationale », il convient de relever que le coût moyen d'une rétention administrative, qui s'élevait, en 2005, à 802 euros, connaît une tendance à la hausse. Cette évolution tient notamment à l'amélioration des prestations hôtelières et à l'augmentation de la durée moyenne de rétention liée à la multiplication des recours.
En ce domaine, la création d'un indicateur relatif à l'évaluation du taux d'exécution des mesures administratives et des décisions judiciaires d'éloignement du territoire pourrait se révéler judicieuse. Serait alors mesuré le « taux de réponse » donnée par la police à la mission qui lui est confiée, à savoir l'éloignement de personnes identifiées.
J'aborderai maintenant le programme « Gendarmerie nationale », qui comporte, hors fonds de concours, 7,4 milliards d'euros de crédits de paiement, ce qui représente une progression de 2,9 %.
Parmi les innovations concernant ce programme en 2007, figure, à partir de l'année prochaine, la prise en charge par la gendarmerie des dépenses de fonctionnement des trois CRA placés sous sa responsabilité. Les crédits de fonctionnement de ces derniers, qui s'élèvent à 1,3 million d'euros, dépendaient auparavant de la mission « Justice », plus précisément du programme « Administration pénitentiaire ».
Force est de reconnaître que le niveau de création d'emplois pour ce programme, par rapport aux mesures prévues par la LOPSI, enregistrera au total, en 2007, un déficit de 950 postes, ce qui représente un taux de réalisation de 86,4 %.
Le financement du développement et de la modernisation du parc immobilier de la gendarmerie nationale représente l'une des questions clefs de ce programme. Ce financement s'appuie de manière croissante sur les partenariats public-privé, les PPP, via le recours, notamment, à des opérations sur bail emphytéotique administratif.
Concernant la mise en oeuvre des chantiers en lien avec ces PPP, des retards sont, comme beaucoup d'élus locaux le savent, à déplorer. En outre, ce mode de financement a pour conséquence un renchérissement du prix de ces opérations pour la gendarmerie, du fait du coût de la prime de risque de l'opérateur privé. Ce surcoût a été estimé à 30 % environ par le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Guy Parayre.
Concernant les opérations extérieures, les OPEX, qui témoignent du caractère militaire de la gendarmerie nationale, 522 hommes en moyenne auront été déployés en 2006. Les missions hors du territoire continental pèsent significativement sur la disponibilité de la gendarmerie mobile.
Concernant la performance de ces OPEX, on ne peut, en outre, que regretter que les deux indicateurs qui leur sont rattachés mesurent plus une activité qu'une performance. Sur ce dernier point, l'« esprit » de la LOLF n'a pas encore fait sentir tous ses effets... (Sourires.)
En conclusion, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2007, l'effort budgétaire consacré à la mission « Sécurité » connaîtra une augmentation significative de 2,6 %.
Cet effort renouvelé devrait permettre de mener à son terme l'exécution de la LOPSI. Rarement, je tiens à l'indiquer, une loi de programmation aura été aussi bien respectée. Je dois d'ailleurs dire que tous les syndicats que nous avons rencontrés l'ont souligné. La persévérance et la constance dans la conduite de la politique de sécurité sont l'une des principales explications des succès obtenus.
Pour la cinquième année consécutive, les chiffres de la délinquance sont bons, en dépit d'un ralentissement du rythme de la baisse. Seule ombre au tableau, les crimes et délits contre les personnes continuent de progresser de manière inquiétante.
Je me contenterai de dresser un bilan rapide de l'exécution de la LOPSI. L'ensemble des grandes orientations de la politique de sécurité ont été menées à leur terme, même si une année supplémentaire sera nécessaire pour respecter la totalité des engagements pris en faveur de la gendarmerie, notamment en matière d'effectifs et d'immobilier.
Le principal apport de la LOPSI aura sans doute été de redonner un cap à la politique de sécurité intérieure. À cet égard, un grand succès aura été de parvenir simultanément à rendre son identité à la gendarmerie et à la replacer au coeur de cette politique, ce que l'on vous doit, madame la ministre. Je rappelle qu'en 2002 la gendarmerie nationale traversait une crise profonde, à la fois morale, culturelle et matérielle.
Ce bilan très positif de la LOPSI ne signifie bien entendu pas que tout soit parfait. À mon sens, l'un des domaines où les résultats n'ont pas été atteints est le recentrage des policiers et des gendarmes sur des missions liées à la sécurité.
En premier lieu, il est nécessaire d'aller encore plus loin dans le recrutement de personnels administratifs au sens strict, afin de libérer des policiers et des gendarmes des tâches de gestion.
En second lieu, je regrette qu'aucun résultat réellement significatif n'ait été obtenu pour réduire certaines charges qualifiées d'« indues », en particulier les extractions et les transfèrements judiciaires.
La tendance observée n'est d'ailleurs pas bonne. En 2005, les concours à la justice de la direction centrale de la sécurité publique ont augmenté de 9,5 %.
Au cours de la réunion de la commission des lois, j'ai fait part de ma conviction que le principe prescripteur - payeur devrait s'appliquer en l'espèce, conformément à l'esprit de la LOLF. Les escortes judiciaires devraient par conséquent être effectuées par l'administration pénitentiaire.
Je ne cacherai pas que de nombreux membres de la commission n'ont pas partagé cette idée. L'un de mes collègues a suggéré de responsabiliser financièrement le ministère de la justice en tarifant à la vacation les opérations d'escorte et de transfèrement. Toutefois, tous ont partagé le diagnostic selon lequel il était possible et nécessaire de réduire le volume des escortes judiciaires en rationalisant la façon dont elles sont organisées.
Ma première question, monsieur le ministre, est donc celle-ci : quelles solutions envisagez-vous avec le ministère de la justice pour réduire le volume des escortes judiciaires et le poids de ces missions pour la police et la gendarmerie ?
Je continuerai par quelques remarques sur le choix des indicateurs de performance.
L'année dernière, j'avais fait un certain nombre d'observations et de critiques à l'encontre du choix de ces indicateurs. Force est de constater que peu d'entre elles ont été suivies.
Toutefois, un indicateur m'avait semblé très pertinent pour évaluer la qualité des procédures d'éloignement des étrangers : le « taux de remise en liberté de personnes placées en rétention administrative par le juge des libertés et de la détention pour vice de procédure imputable aux services de police ». Il permet en effet de mesurer à la fois la qualité de la formation juridique des policiers, le respect de la légalité et, pour une part, le respect de la déontologie. Rien ne sert de lancer beaucoup de procédures si celles-ci sont bâclées ou faites dans la précipitation. Au final, elles sont inefficaces, puisqu'elles ont un coût, démoralisent les personnels et renforcent le sentiment d'impunité. Je note avec regret que cet indicateur n'est toujours pas renseigné cette année.
J'avais proposé de créer un indicateur de ce type pour évaluer, de manière plus générale, l'action de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales. Serait ainsi mesuré le nombre de procédures annulées pour vice de procédure imputable aux services de police et de gendarmerie. Je souhaite donc savoir si, sur cette question, une réflexion a été engagée par les services.
De manière plus générale, quels progrès ont-ils été accomplis depuis quatre ans pour assurer un meilleur continuum entre les statistiques des forces de sécurité et celles de la justice ? En effet, la politique de sécurité ne s'arrête pas aux portes des commissariats, mes chers collègues !
J'en viens maintenant à un thème que j'ai souhaité étudier de façon plus approfondie cette année : la police technique et scientifique, ou PTS.
Monsieur le ministre, vous m'avez autorisé - ce dont je vous remercie - à aller à Ecully, où se situe la sous-direction de la police technique et scientifique de la police nationale. Au cours de mon déplacement, j'ai pu constater l'importance de la révolution en cours pour les méthodes de travail de nos forces de sécurité.
Ma première question porte sur la signature par la France du traité de Prüm, le 27 mai 2005. Ce traité, signé entre les États du Benélux, l'Allemagne, l'Espagne, l'Autriche et la France, prévoit notamment la consultation automatisée des fichiers nationaux des empreintes génétiques et des empreintes digitales des États parties. Pouvez-vous nous dire si, sur ce point, des évolutions sont à attendre rapidement, notamment du fait de la présidence allemande de l'Union européenne au début de 2007 ?
Ma seconde question porte sur le fichier STIC - système de traitement des infractions constatées. À la demande du ministre de l'intérieur, un rapport récent de M. Alain Bauer a montré que ce fichier de police judiciaire était encore insuffisamment mis à jour, ce qui peut avoir des conséquences graves pour les individus lorsque ce fichier est consulté à l'occasion d'enquêtes administratives.
Ce rapport fait état d'un certain nombre de recommandations. Quelles conséquences comptez-vous en tirer ? Le futur système ARIANE, qui remplacera le STIC, permettra-t-il de résoudre ces problèmes, notamment d'établir des liaisons informatiques entre les parquets et les gestionnaires du fichier ?
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable aux crédits inscrits au titre de la mission « Sécurité » dans le projet de loi de finances pour 2007. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 pour la gendarmerie est marqué par une progression des crédits qui, avec 2,5 %, est supérieure à celle du budget de l'État - 0,8 %.
Les dépenses de personnel s'élèvent à 6 milliards d'euros pour 2007 contre 5,8 milliards en 2006, soit une augmentation de 3,1 %. Elles représentent 80 % des crédits de paiement du programme 152 « Gendarmerie nationale » et résultent principalement de la mise en oeuvre de la LOPSI et du plan d'adaptation aux responsabilités exercées.
Les dépenses de fonctionnement hors loi de programmation militaire s'élèvent à 560 millions d'euros. Elles permettront notamment le passage du réseau SAPHIR 2G au réseau SAPHIR 3G, qui assurera le raccordement intranet des unités élémentaires de gendarmerie. En 2007, 85 000 personnels de la gendarmerie disposeront ainsi d'un accès à l'intranet.
J'aborderai maintenant les dépenses relevant du périmètre financier de la loi de programmation militaire et de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Pour l'entretien programmé du personnel et du matériel, les autorisations d'engagement s'élèvent, en 2007, à 65 millions d'euros et les crédits de paiement à 81 millions d'euros. Je rappelle que l'entretien programmé du matériel regroupe les crédits de maintien en condition opérationnelle, notamment en ce qui concerne les matériels aériens,
Pour l'informatique et les télécommunications, les autorisations d'engagement s'élèvent à 68 millions d'euros et les crédits de paiement à 101 millions d'euros. Ces crédits seront consacrés au développement de nouveaux projets d'ampleur nationale conditionnant l'efficacité opérationnelle.
Je citerai, en particulier, le projet d'application de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs, ou ARIANE, qui reposera sur la fusion des fichiers actuels de gendarmerie, JUDEX - système judiciaire de documentation et d'exploitation -, et de police, STIC - système de traitement des infractions constatées -, et la mise à niveau du réseau de radiocommunication RUBIS, qui est caractérisé notamment par la confidentialité et la disponibilité, et qui couvre plus de 80 % du territoire.
Le déploiement de chacun des réseaux RUBIS, pour la gendarmerie, et ACROPOL- automatisation des communications. radiotéléphoniques opérationnelles de la police -, pour la police, a représenté un coût de l'ordre de 600 millions d'euros ; la prochaine génération d'infrastructures de communication devra évidemment être commune à la police et à la gendarmerie.
Les dépenses d'équipement s'élèvent à 190 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 174 millions d'euros en crédits de paiement.
Elles concernent les véhicules : près de 2 000 voitures de brigades et de police de la route vont être acquises en 2007, ainsi que 300 véhicules de groupe pour la gendarmerie mobile. Par ailleurs, de nouveaux véhicules blindés légers vont remplacer les véhicules blindés à roues de la gendarmerie, ou VBRG : 78 engins vont être commandés en 2007 et les livraisons devraient débuter en 2008.
Les dépenses d'équipement concernent également les hélicoptères et, enfin, les armes individuelles : l'arme de poing SIG PRO 2022 et le pistolet TASER, qui paralyse.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Dans le domaine immobilier, les autorisations de paiement s'élèvent à 617,50 millions d'euros.
La répartition par actions des crédits de la gendarmerie est la suivante : 55 % pour l'ordre et la sécurité publics, 14 % pour la sécurité routière, 28 % pour la police judiciaire et le concours à la justice, 3 % pour l'exercice des missions militaires. En ce qui concerne ces dernières, il convient de relever avec satisfaction - nous l'avions demandé l'année dernière - que les dépenses d'opérations extérieures font, pour le budget 2007, l'objet de provisions s'élevant au total à 15 millions d'euros. La lisibilité budgétaire sur les OPEX est ainsi améliorée.
En conclusion, je souhaiterais obtenir des précisions sur quelques points.
Depuis 2004, on observe un très net glissement des investissements des collectivités locales vers la procédure des baux emphytéotiques administratifs, les BEA. Dans l'ensemble des financements des constructions neuves du parc locatif, la part de ces BEA est ainsi passée de 3,8 % en 2005 à 47,9 % en 2007, c'est-à-dire en deux ans. Cela ne risque-t-il pas, à terme, de poser le problème du coût des loyers inhérents à cette modalité de financement ?
Comment sera assurée l'interopérabilité des réseaux de communication de la gendarmerie et de la police ?
Le nombre de postes créés dans le cadre de la LOPSI s'élevait à 7 000 pour la période 2003-2007. La gendarmerie s'est vu doter de 6 050 personnes et la création des 950 postes supplémentaires devra être lissée sur l'année 2008. Cela provient-il de contraintes budgétaires ou d'un problème de recrutement du personnel de gendarmerie ?
Enfin, je souhaite rendre hommage à la gendarmerie française (Mme la ministre approuve.), force de sécurité à statut militaire qui assure la sécurité de 46 % des Français sur 95 % du territoire national.
M. Roland du Luart. Tout à fait !
M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale », au sein de la mission interministérielle « Sécurité », et a rappelé sa profonde satisfaction pour le travail effectué par la gendarmerie française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 36 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion que nous avons aujourd'hui sur la mission « Sécurité » nous permet, à la suite de Jean Faure, de rendre hommage à l'ensemble des policiers et des gendarmes qui, tous les jours, assurent la tranquillité publique et la sécurité de nos concitoyens.
La mission « Sécurité » est dotée de 16,312 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 15,703 milliards d'euros en crédits de paiement.
La répartition entre les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » est relativement équilibrée, démontrant la volonté de ne pas faire de différences entre ces deux corps, qui ont tous deux pour objectif de réduire la délinquance et la criminalité.
Policiers et gendarmes travaillent déjà en bonne intelligence au sein des groupes d'intervention régionaux, les GIR, créés en 2002. Cette coopération devrait également s'illustrer par le lancement du projet d'application, de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs, ARIANE, résultant de la fusion des deux fichiers actuels, JUDEX et STIC.
En cette dernière année d'exécution de la LOPSI, on ne peut que se réjouir du bilan établi, qui, il faut bien le dire, est très satisfaisant. La LOPSI a en effet permis de refonder les principes régissant l'organisation de la sécurité intérieure sur le territoire national.
En termes de personnel, il est prévu, pour 2007, 1 000 emplois supplémentaires dans la police, portant à 6 200 le total de créations de postes depuis 2002, pour un objectif fixé à 6 500 postes, tandis que, dans la gendarmerie, ce sont 950 emplois nouveaux qui doivent être créés.
On peut donc considérer que les objectifs fixés par la LOPSI sont quasiment atteints, les taux de réalisation de création d'emplois étant de l'ordre de 95 % dans la police et de 86 % dans la gendarmerie.
Par conséquent, il me paraît tout à fait normal que les dépenses en personnel représentent l'essentiel des moyens de la mission pour 2007, avec 13 milliards d'euros.
Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie au niveau local et le recentrage des forces de sécurité sur leur mission fondamentale au niveau national sont de véritables réussites.
Certes, les forces de police ont une nécessaire mission de prévention, connue et reconnue, mais leur mission prioritaire est de permettre l'arrestation et la traduction devant les tribunaux des délinquants et des criminels. À ce titre, le débat qui a eu lieu récemment sur la police de proximité n'a en réalité pas lieu d'être. Chacun sait ce qu'attend la population de nos quartiers des forces de police.
Ce recentrage a en tout cas permis d'accroître l'activité judiciaire des forces de police et de faire diminuer sensiblement la délinquance et la criminalité.
Ainsi, la délinquance de voie publique a baissé entre 2004 et 2005 de près de 5 % - près de 4 % en zone police et plus de 7 % en zone gendarmerie, madame la ministre -, tandis que le taux d'élucidation a progressé en 2005, pour atteindre près de 31 % en zone police et près de 41 % en zone gendarmerie.
Il convient de noter des différences importantes selon la nature des infractions. Par exemple, dans le programme « Police nationale », le taux d'élucidation varie d'environ 13 % pour les vols à 52 % - taux extraordinairement significatif - pour les violences contre les personnes. Mais il est probable qu'on classe dans la première catégorie tous les vols « légers », qui, quoique influant sur le sentiment d'insécurité, ne déclenchent pas d'enquêtes approfondies.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi. Cet effort en matière de lutte contre la délinquance doit être soutenu à l'encontre tant des majeurs que des mineurs, notamment les multirécidivistes.
Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, que la Haute Assemblée a adopté en première lecture en septembre dernier, prévoit à ce titre une réponse plus ferme .à l'encontre de ces mineurs.
Naturellement, je félicite le Gouvernement d'avoir créé le service de police ferroviaire, dans un premier temps en région d'Île-de-France, puis sur tout le territoire national. Fort de 2 500 policiers, il a obtenu des résultats considérables dans la sécurisation du réseau des trains de banlieue, du RER et du métro. Il obtiendra sans doute des résultats identiques pour la sécurité des bus.
Cette politique de sécurisation des transports publics est essentielle non seulement en Île-de-France, mais encore dans l'ensemble de notre pays.
M. Philippe Goujon. Absolument !
M. Roger Karoutchi. La réussite de la LOPSI se traduit également en matière de matériel et d'équipement. La tenue des policiers et des gendarmes a été transformée pour faire face à l'évolution de la violence : ces derniers disposent maintenant d'un gilet pare-balles, de nouvelles armes et de 400 véhicules équipés de caméras embarquées. De plus, le système de transmission sécurisé propre à la police, ACROPOL, a progressé, et il est prévu que l'ensemble du territoire soit couvert dès le second semestre de 2007.
En ce qui concerne l'immobilier, je félicite le ministère de son gros effort en faveur notamment de l'installation des jeunes policiers. Il est prévu de lancer la construction d'un commissariat de police à Clichy-sous-Bois et dans le XXe arrondissement de Paris, et de poursuivre le grand chantier de la direction départementale de la sécurité publique de Seine-Saint-Denis à Bobigny.
Là encore, nous avons besoin d'accroître nos efforts pour conserver nos forces de police, pour faire en sorte que les commissariats, notamment dans les grandes zones urbaines, soient modernes, opérationnels et proches de la population.
La réhabilitation des cellules de garde à vue, comme le préconise notre collègue Jean-Patrick Courtois dans le rapport sur l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue qu'il a remis au ministre d'État, est une nécessité. Je souligne à ce titre la politique ambitieuse engagée, notamment en région d'Île-de-France, puisque sur les 524 cellules qui sont actuellement en cours de réhabilitation, 220 le sont dans cette région. À terme, il est prévu que 2 500 cellules seront restaurées.
Là encore, l'action d'un certain nombre de parlementaires s'est révélé être une réussite en cette matière difficile mais nécessaire.
Si le budget pour 2007 permet l'amélioration des conditions de travail, il prévoit également de fidéliser et de remotiver les forces de sécurité.
On sait pertinemment que de nombreux jeunes policiers se retrouvent dans des quartiers difficiles. On l'a vu l'année dernière, on le voit de nouveau cette année. Il est nécessaire de fidéliser ces fonctionnaires, ce que permet le budget du programme « Police nationale » pour 2007, notamment en consacrant plusieurs dizaines de millions d'euros à l'action sociale. Je me réjouis que soient prévus pour la région d'Île-de-France 200 prêts à taux zéro supplémentaires, plus de places en crèche, plus de logements réservés. Il faut naturellement que nos forces de sécurité disposent des moyens nécessaires à une vie aussi normale que possible, y compris dans les régions difficiles.
Afin de remotiver les forces de sécurité, le Gouvernement a eu la bonne idée de consacrer 20 millions d'euros à la « prime de résultat », ce qui est innovant pour notre pays. Cette prime, dont le montant est de 400 euros en moyenne, a un effet non négligeable.
Madame la ministre, monsieur le ministre, sachez combien les élus de l'ensemble de la France vous sont reconnaissants des efforts que vous faites pour nos gendarmes et nos policiers. Sincèrement, au-delà des polémiques sur la politique de répression ou sur la politique de prévention, nous avons tous le souci de faire de la sécurité une priorité nationale, justement pour qu'elle ne soit plus un sujet de polémiques et de débats politiciens. Si la sécurité pouvait être le bien de tous, des plus modestes comme des autres, et si elle pouvait ne plus faire débat, cela signifierait que vous avez réussi. C'est ce que je vous souhaite.
En tout état de cause, le groupe UMP votera naturellement les crédits de la mission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 28 mars dernier, à l'occasion d'une question orale avec débat sur le bilan des violences urbaines de novembre 2005, je plaidais à cette même tribune pour un élargissement du rôle des maires dans le dispositif de sécurité sur le territoire de sa commune.
C'est l'un des enseignements majeurs de la gestion de la crise de novembre 2005, dans laquelle les maires ont joué un rôle essentiel d'apaisement et de coordination.
À l'occasion de ces dramatiques événements, les maires ont souvent été en première ligne, réaffirmant sur le terrain leur statut d'acteurs incontournables de toute politique de sécurité et apportant la preuve qu'ils devaient être placés au centre du dispositif.
Ce devrait être bientôt chose faite, puisque, pas plus tard qu'aujourd'hui, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, à la suite du Sénat, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui consacre enfin le rôle pivot du maire en matière de sécurité et de lutte contre la délinquance.
Il reste maintenant à examiner au plus vite ce texte en deuxième lecture, malgré un calendrier parlementaire raccourci, et plus encore à permettre son entrée en vigueur à grand renfort de décrets.
C'est en prenant en compte les dispositions contenues dans ce projet de loi qu'il faut apprécier la politique de sécurité et ses crédits pour 2007, tant ce texte ouvre de nouvelles perspectives en permettant de développer la coordination des acteurs locaux, de renforcer l'efficacité du « couple » maire-préfet, de clarifier le rôle des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, des groupes locaux de traitement de la délinquance et des contrats locaux de sécurité.
L'année 2007 sera la cinquième et dernière année d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, laquelle aura été une priorité constante du quinquennat.
L'objectif pour 2007 est d'abord que soient poursuivis les bons résultats enregistrés depuis 2002. En ce domaine, les statistiques sont assez éloquentes ; elles viennent d'ailleurs d'être rappelées par les orateurs précédents.
L'effort sera donc poursuivi en 2007 puisque, une fois de plus, les crédits de la mission « Sécurité » augmentent, de surcroît plus fortement que le budget de l'État.
D'une certaine façon, ces chiffres obligent nos forces de sécurité en termes de résultats. Parce qu'ils disposent du monopole de la violence physique légitime, policiers et gendarmes sont les garants de la première des libertés que constitue la sécurité, sans laquelle il n'y aurait pas d'État de droit.
L'effort de recrutement important accompli depuis 2002 permettra de porter les effectifs policiers à plus de 150 000 fonctionnaires en 2007. Quant à la gendarmerie, elle aura vu ses effectifs renforcés en cinq ans, puisque ces derniers s'élèveront à 106 000 à la fin de 2007.
De plus, le redéploiement sur le territoire des effectifs de police et de gendarmerie est sur le point d'être achevé puisque soixante-cinq départements sont d'ores et déjà concernés. Ainsi, nos dispositifs sont plus lisibles, plus clairs et, surtout, plus rationnels.
S'agissant toujours des forces de l'ordre, je voudrais vous suggérer, monsieur le ministre, que, après avoir accru nettement leurs effectifs, vous étudiiez le problème des personnels.
Même si, statutairement, une obligation de rester cinq ans en poste pèse sur les personnels, il n'en demeure pas moins que, passé ce délai, il existe une rotation trop importante, qui est préjudiciable au bon fonctionnement de l'action de police.
En effet, beaucoup de jeunes policiers se trouvent affectés dans des quartiers difficiles. Or, quand ils commencent à connaître de manière satisfaisante leur quartier d'affectation ainsi que sa population, ils demandent à être mutés ailleurs.
Il faudrait donc réfléchir à des dispositifs financiers ou statutaires permettant d'encourager leur maintien dans les quartiers difficiles, ce qui ne serait pas sans incidence sur la qualité de l'ordre et de la sécurité qui y règnent.
D'ailleurs, cette idée participe de la même logique que celle qu'a mise en avant la mission commune d'information sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années, mission présidée par notre collègue Alex Türk et dont j'étais membre. Dans son rapport intitulé Un nouveau pacte de solidarité pour les quartiers, elle formule soixante-dix propositions s'articulant autour de sept orientations. L'une d'entre elles vise à permettre de « mieux assurer la sécurité dans les quartiers en difficulté » en réactivant « une véritable police de proximité », condition nécessaire et suffisante pour pacifier ces quartiers, réconcilier leur population et la police et ainsi rétablir l'ordre et la sécurité.
Il est essentiel, en effet, que les policiers puissent connaître le mieux possible les quartiers dans lesquels ils sont amenés à évoluer.
Bien entendu, il ne s'agit pas de supprimer la répression et la sanction ; il faut donner plus de force au respect de la loi en y associant en amont la prévention et la dissuasion. L'indispensable fermeté de la répression est d'autant plus efficace qu'elle ne constitue pas le seul pilier de notre politique de sécurité.
Il ne s'agit pas non plus de confier aux forces de sécurité le rôle dévolu aux associations, aux travailleurs sociaux ou encore aux élus. De même, il ne faut pas confier à d'autres les missions qui doivent revenir aux forces de sécurité. C'est à l'État d'assumer ses fonctions régaliennes.
Dans ma ville, par exemple, c'est la police municipale qui a dû, de fait, se substituer à la police de proximité pour occuper le terrain dans les quartiers difficiles, mais avec ses moyens et ses prérogatives, qui ne sont évidemment pas les mêmes.
Une semaine après la remise de notre rapport, le Premier ministre a plaidé en faveur d'une « police de tranquillité publique » qui doit créer « un lien de confiance avec les populations » en étant « à la fois plus présente et plus à l'écoute ».
Faut-il y voir une convergence de vues entre le Gouvernement et le rapport sénatorial ? Au-delà de la terminologie, les propositions visant à instaurer une « police de tranquillité publique », s'agissant du Premier ministre, ou à réactiver la police de proximité, s'agissant du rapport de la mission, ne procèdent-elles pas du même constat et ne visent-elles pas au même but ?
Monsieur le ministre, quelle est votre appréciation ? Ne faut-il pas, en matière de violences urbaines et de police de proximité, privilégier, au-delà de tout dogmatisme, le pragmatisme, comme le recommande M. le rapporteur spécial, Aymeri de Montesquiou ?
Pour une meilleure sécurité des Français, il nous faut également des forces de sécurité mieux équipées. La question des dotations ayant été évoquée précédemment, je n'y reviendrai pas.
À propos de caméras, je souhaiterais évoquer le rôle d'appoint que peut jouer la vidéosurveillance.
Depuis la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, les collectivités publiques n'ont cessé de renforcer les moyens de vidéosurveillance et de considérer cette dernière comme un outil privilégié, jusqu'à la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, qui intensifie le recours à celle-ci.
Cependant, près d'un an après l'entrée en vigueur de cette loi, certains décrets en Conseil d'État relatifs à la vidéosurveillance sont toujours en attente de publication. Je ne peux que regretter ce retard et espérer que ces décrets ne tarderont pas à paraître. Disposez-vous d'informations particulières à ce sujet, monsieur le ministre ?
Enfin, je voudrais vous faire part d'une difficulté que nous rencontrons s'agissant de la formation des policiers municipaux habilités à porter une arme.
En effet, le décret du 24 mars 2000 fixant les modalités d'application de l'article L. 412-51 du code des communes et relatif à l'armement des agents de police municipale prévoit que les agents de la police municipale autorisés à porter une arme de quatrième catégorie reçoivent une « formation dispensée par l'État ou des groupements sportifs agréés », formation correspondant à deux séances d'entraînement et à cinquante cartouches tirées par an.
Or je suis confronté, madame le ministre, monsieur le ministre, aux refus de la gendarmerie comme de la police nationale de former les agents de police municipale, au motif que cela n'entrerait pas dans leurs prérogatives.
Pour conclure, je voudrais souligner, après M. Karoutchi, que, s'il faut poursuivre l'effort réalisé en matière d'investissement pour les commissariats situés dans les grandes zones urbaines, il ne faut pas négliger pour autant les commissariats situés dans les villes moyennes. À cet égard, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur les négociations qui ont été engagées à Dole pour aboutir rapidement à la création d'un commissariat digne de ce nom.
Tels sont les différents sujets que je souhaitais aborder sur ce thème de la sécurité, si essentiel pour le bon fonctionnement de notre société et la qualité de notre « vivre ensemble ».
La majorité des membres du groupe du RDSE, y compris moi-même, voteront les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, dernière tranche de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 complétée par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003, le budget « Sécurité » que nous examinons aujourd'hui est aussi le dernier de la présente législature.
C'est donc l'heure des bilans.
Voilà tout juste un mois, lors d'un débat sur une question orale de notre collègue Jean-Claude Peyronnet, nous avons déjà discuté ici même du bilan de la politique de sécurité menée depuis 2002 par la droite.
Les propos que j'ai tenus à cette occasion, comme ceux qui avaient été les miens l'an dernier sur le budget « Sécurité » pour 2006, sont, hélas ! toujours d'actualité.
Ce bilan, votre bilan en matière de lutte contre l'insécurité, sujet dont le Président de la République avait pourtant fait son cheval de bataille lors de la campagne électorale de 2002, est, quoi que vous en disiez, négatif.
Votre échec en matière de sécurité, déjà mis en exergue l'an dernier avec les violences urbaines qu'ont connues certaines villes de France, a été confirmé par les nouvelles flambées de violences qui se sont déroulées voilà quelques semaines.
Ainsi donc, en dépit de l'arsenal législatif que vous avez fait voter à marche forcée depuis 2002 par la majorité parlementaire, on ne peut pas dire que vous ayez réussi à prévenir la délinquance ni la récidive, encore moins à lutter contre l'insécurité.
Les textes sécuritaires et judiciaires, tous plus répressifs les uns que les autres, existent pourtant, qu'il s'agisse de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, de la loi pour la sécurité intérieure, des lois Perben I et II, de la loi sur le traitement de la récidive des infractions pénales, de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, et du projet de loi sur la prévention de la délinquance amendé par vos soins à la suite du drame de Marseille, sans parler de la loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.
Ces lois, tout aussi dangereuses pour les libertés fondamentales qu'inefficaces au regard du traitement de l'insécurité, n'ont à l'évidence rien réglé. J'en veux pour preuve, premièrement, que le drame de Marseille n'a pu être évité, deuxièmement, que les violences urbaines continuent, et, troisièmement, que les violences dans les stades et à l'extérieur de ceux-ci sont en recrudescence.
Toutes vos lois, censées lutter contre l'insécurité et bien trop souvent prises au gré des faits divers, n'auront fait, en définitive, que vous permettre d'occuper le terrain politique, laissant accréditer l'idée selon laquelle le Gouvernement s'occupe de l'insécurité, qu'accentuer la stigmatisation et la discrimination envers les jeunes en général, et ceux issus de l'immigration en particulier, que pénaliser les pauvres gens et aggraver les sanctions pénales.
Regardez les faits en face : en dépit de l'« arsenal de guerre » que vous avez déployé, rien n'y a fait. En dépit de votre autosatisfaction et des tours de passe-passe concernant les chiffres de la délinquance, la réalité vous rattrape.
Vous n'avez pas su prévenir ni même anticiper les événements de novembre 2005 et ceux de novembre 2006. Mais tel n'est sans doute pas votre objectif !
En effet, loin de répondre aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens en matière de sécurité, votre politique pénale axée essentiellement sur la répression se révèle pour ce qu'elle est : injuste et inefficace.
Chacun sait pourtant que la répression seule ne suffit pas. Vous aurez beau multiplier les réformes pénales, augmenter autant que vous voudrez le quantum des peines, accroître le nombre de places en prison, rien n'y fera si l'on ne replace pas la répression - elle est, certes, nécessaire - au sein du triptyque « prévention-dissuasion-sanction/réparation », si l'on ne met pas en oeuvre une politique économique et sociale digne de ce nom.
En ne traitant pas les causes profondes de la violence, celles qui font notamment le terreau de la délinquance comme le chômage, la précarité, l'échec scolaire, la dégradation de l'habitat, la suppression des services publics de proximité, les inégalités sociales, la ségrégation, en n'apportant pas les réponses adéquates aux problèmes des quartiers populaires pourtant posés avec force à l'occasion des violences urbaines, en ne proposant que des réformes pénales répressives, vous conduisez le pays dans une impasse très dangereuse. Il s'agit là d'une véritable fuite en avant qui ne mène nulle part !
Le budget « Sécurité » pour 2007 est malheureusement loin d'inverser la tendance observée, tant les orientations qu'il contient privilégient encore la répression et l'enfermement, au détriment de la prévention de la délinquance et de la dissuasion.
Mais j'oubliais que vous avez une autre façon de lutter contre la délinquance : il s'agit de renforcer la lutte contre l'immigration clandestine...
Mme Éliane Assassi. ...en accentuant un peu plus encore les contrôles concernant notamment les mariages mixtes, l'accueil des étudiants étrangers, les procédures d'asile.
Si nous avions encore des doutes sur un éventuel amalgame opéré par le Gouvernement entre immigration et délinquance, nous n'en avons plus !
Mme Éliane Assassi. Votre budget consacre cette année encore l'essentiel de son augmentation au chantier de la lutte contre l'immigration clandestine.
Voyez les chiffres : l'objectif gouvernemental de 28 000 reconduites à la frontière en 2007 - uniquement pour la métropole - et l'augmentation significative du nombre de places en centres de rétention administrative, les CRA, pour les porter à 2 400 à l'été 2008, induisent pour la lutte contre l'immigration clandestine un montant de dépenses de fonctionnement de 107, 228 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 91, 228 millions d'euros en crédits de paiement !
À cela, il convient d'ajouter les crédits d'investissement qui couvrent les coûts de construction des CRA - 21,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,5 millions d'euros en crédits de paiement - et les coûts de développement des systèmes d'information destinés à la lutte contre l'immigration clandestine et au contrôle aux frontières.
Il est clair que, au lieu de construire des commissariats qui font tant défaut dans certaines communes, vous préférez bâtir des centres de rétention administrative pour y placer les immigrés en situation irrégulière avant de les renvoyer chez eux, pour un montant qui s'élève à 1 801 euros par éloignement ! C'est un choix que, pour ma part, je ne peux accepter.
La répartition géographique des commissariats et des effectifs entre communes est, à nos yeux, une question essentielle.
Il est évident qu'il faut revoir la répartition des effectifs de police sur le territoire, qui est inchangée depuis cinquante ans, cesser d'affecter dans les quartiers les plus difficiles les jeunes fonctionnaires de police tout juste sortis de l'École de police et fidéliser ceux qui, par leur expérience de terrain, ont acquis une bonne connaissance des quartiers les plus difficiles.
À ce titre, j'ai bien noté l'arrivée au 1er décembre de 300 gardiens de la paix stagiaires dans mon département, la Seine-Saint-Denis. Cela dit, vous avouerez que cette augmentation des effectifs aurait dû intervenir plus tôt compte tenu de l'évolution de la délinquance dans ce département, délaissé depuis trop longtemps par l'État dans tous les domaines : école, habitat, emploi, services publics de proximité...
Mais plus que l'augmentation du nombre de policiers, ce sont surtout les missions de service public de la police nationale qu'il faut revoir.
En effet, la France étant le pays le plus policé d'Europe avec ses 180 000 policiers, dont 13 000 CRS, ses 90 000 gendarmes, dont 10 000 gendarmes mobiles, sans compter ses 25 000 policiers appartenant à la police municipale, le problème qui se pose n'est pas tant de connaître le nombre de policiers que de savoir à quoi ils servent.
Il faut impérativement donner une nouvelle orientation aux missions de la police nationale afin de mettre en oeuvre une véritable politique de prévention et de dissuasion.
Il faut arrêter la culture du chiffre, la rentabilité à tout prix, le détournement de statistiques et cette politique du rendement axée sur la seule répression ; cette attitude est dangereuse pour tous et fait peser sur les forces de l'ordre une forte pression hiérarchique, sans parler d'une course aux résultats qui est loin de ressembler à une saine émulation !
D'ailleurs, permettez-moi de souligner ici le mécontentement qui gagne les forces de l'ordre en sous-effectif chronique dans les zones dites sensibles, qui se font agresser sur le terrain et paient ainsi, d'une certaine manière, le prix des propos tenus par leur ministre de tutelle. Les résultats des dernières élections professionnelles en sont d'ailleurs une flagrante illustration.
Il faut arrêter la surenchère sécuritaire qui est contre-productive et dangereuse pour tout le monde.
Pour ma part, je pense qu'il faudrait ouvrir un grand débat public sur l'utilisation démocratique de la force publique dans le respect des règles déontologiques.
Si le maintien de l'ordre est nécessaire, ce ne peut cependant pas être l'unique voie à suivre en matière de sécurité. On ne réglera rien uniquement avec les brigades anti-criminalité, ou BAC, les CRS, et les groupements d'intervention régionaux, ou GIR !
Il faut rétablir une police de proximité avec des missions de service public, en y apportant bien évidemment certaines adaptations au regard de l'expérience passée. En ce sens, chacun doit se rappeler tout l'intérêt du travail de l'îlotage. Mais vous avez préféré vider cette police de proximité de son sens pour la remplacer par les GIR, les BAC et les CRS.
Je l'affirme une nouvelle fois, nous avons besoin d'une police républicaine, respectée et dont les agents soient formés.
Il est temps de passer d'une police d'ordre au service de l'État à une police au service du citoyen. À cet égard, il est indispensable de retisser le lien entre le citoyen et la police, qui s'est évanoui en même temps que disparaissaient les adjoints de sécurité, et de mettre à nouveau en place un travail de discussion avec les associations de locataires, les groupements sportifs et culturels.
Ces objectifs ne peuvent être atteints avec votre budget, qui continue de privilégier la culture du chiffre, donc la seule répression. J'en veux pour preuve la prime de résultats exceptionnels qui passe de 10 millions d'euros en 2005 à 15 millions d'euros en 2006, pour atteindre 20 millions d'euros en 2007.
Vous le savez, nous sommes profondément opposés à cette prime qui, versée en guise de récompense, n'en constitue pas moins une véritable incitation à « faire du chiffre », comme s'il s'agissait d'objectifs commerciaux alors même que sont en jeu les libertés individuelles et publiques. C'est le statut de la fonction publique qui risque, à terme, d'être remis en cause.
Telles sont les observations que je tenais à formuler sur le budget « Sécurité » pour 2007 contre lequel, vous l'aurez compris,...
Mme Éliane Assassi. ...votera le groupe communiste républicain et citoyen, étant entendu que ce vote négatif concerne moins les crédits en tant que tels que la nature même de la politique de sécurité mise en oeuvre, essentiellement axée sur la rentabilité, l'unique répression et la lutte contre l'immigration. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons la dernière année de la législature. Nous examinons donc aujourd'hui le dernier budget « Sécurité » du gouvernement actuel. Il peut être l'occasion de se tourner sur l'action accomplie depuis quatre ans et d'évaluer la situation à l'issue de cette période, avec ces cinq budgets.
Monsieur le ministre, vous vous targuez toujours de résultats formidables depuis 2002.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Charles Gautier. Prenons acte non pas des résultats, mais de vos propos.
M. Charles Gautier. Pas moins de onze lois ont émané du ministère de l'intérieur ou de la justice, accompagnées à chaque fois de l'assurance que chaque nouveau texte allait tout régler.
La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, les trois lois Perben, la loi pour la sécurité intérieure, les deux lois sur l'immigration, la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et une autre loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives... Et nous attendons le texte qui, enfin, permettra de prévenir toute délinquance !
Vu l'arsenal législatif dont dispose aujourd'hui la France, nous devrions vivre dans le pays le plus sûr du monde. Français, dormez tranquilles !
M. René Garrec. Bonne nouvelle !
M. Charles Gautier. Malheureusement, que constate-t-on ?
En dépit de l'habileté et de l'intensité des discours, vous n'avez rien réglé, le discours du retour à l'ordre est contredit par la réalité.
M. Jean-Claude Carle. L'ordre juste ?
M. Charles Gautier. Les résultats ne sont pas au rendez-vous. En cinq ans, vous n'avez fait qu'attiser le feu. Vous avez cassé la police de proximité. Vous avez vidé les quartiers les plus en difficulté des forces de police, au bénéfice des beaux quartiers. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Oh !
M. Charles Gautier. Pourtant, malgré ses imperfections, le système mis en place antérieurement commençait à produire certains effets encourageants.
Monsieur le ministre, en cinq ans, vous n'avez en réalité fait qu'augmenter la défiance envers l'action politique. Vous avez creusé le fossé entre les jeunes des quartiers et les forces de l'ordre. Vous avez monté les communautés les unes contre les autres. Vous avez érigé des frontières entre les générations. Vous avez même dressé les métiers de la sécurité les uns contre les autres. N'a-t-on pas assisté à une bataille rangée en plein Paris entre policiers et pompiers ?
Même dans les stades, la violence revient, jusqu'à endeuiller les manifestations sportives.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Ce n'est tout de même pas de notre faute !
M. Charles Gautier. La loi du 5 juillet 2006, sur laquelle nous vous avions pourtant suivis, n'est toujours pas mise en oeuvre, du fait de l'absence des décrets d'application !
Les épisodes de flambée de violence se sont multipliés depuis deux ans : tout d'abord, en mars 2005, de jeunes manifestants contre la loi « Fillon » ont été agressés par d'autres jeunes venus des banlieues parisiennes ; puis, en octobre et novembre 2005, trois semaines d'émeutes ont eu lieu dans les villes les plus défavorisées de France. L'état d'urgence a même été décrété ; ensuite, de jeunes casseurs ont agressé violemment les manifestants contre le contrat première embauche, ou CPE.
Les tensions sont de plus en plus vives dans les quartiers, surtout lorsque, pour seule réponse, le Gouvernement leur envoie des cars de CRS, ce qui ne résout rien !
Comment expliquez-vous ces violences ? Comment expliquez-vous que les maires de banlieues, de droite comme de gauche, se plaignent d'une baisse continue des effectifs des personnels de sécurité dans leur ville ?
Monsieur le ministre, vous prônez par-dessus tout la rupture, ai-je cru comprendre.
Pourtant, la seule qui soit d'actualité, c'est la rupture entre les citoyens abandonnés et ceux qui sont privilégiés, entre les quartiers abandonnés et les quartiers privilégiés.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous prenez de gros risques, là ! Je serais plus modeste, à votre place !
M. Charles Gautier. Les commissariats de quartier sont vidés ou fermés ! Les quartiers sont surveillés depuis leur périphérie par les cordons de CRS multipliant les opérations de contrôle aux entrées et sorties, stigmatisant ainsi toute une population.
Même les policiers se rendent compte de votre échec.
M. Charles Gautier. Tous ceux que nous avons auditionnés, et ils sont nombreux, nous ont dit que la violence n'avait jamais été aussi importante dans les quartiers de nos grandes villes.
M. Charles Gautier. C'est sans doute la raison pour laquelle, chez les gardiens de la paix comme chez les officiers, l'Union nationale des syndicats autonomes, l'UNSA, est arrivée en tête aux récentes élections professionnelles, déstabilisant ainsi les syndicats réputés proches de vos idées.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Non, elle a perdu des voix !
M. Charles Gautier. J'y vois une défiance à l'égard de votre action durant ces quatre dernières années.
Les policiers ne comprennent pas votre politique du chiffre...
M. Charles Gautier. Vous pourrez me répondre un peu plus tard, monsieur le ministre !
M. André Rouvière. Laissez parler l'orateur !
M. Charles Gautier. Je le répète, les policiers ne comprennent pas votre politique du chiffre, qui ne se traduit par aucune amélioration ni des conditions de travail des policiers ni de la vie dans les quartiers les plus difficiles.
Vous n'avez réussi, en quatre ans, qu'à créer de la défiance. Cette dernière entraîne une surenchère de la violence et de la peur.
Or il faudrait envisager des solutions à long terme, envisager, comme pour l'environnement, la sécurité durable, selon l'expression de Michel Marcus, délégué général du Forum européen pour la sécurité urbaine.
Nous devons cesser de nous arrêter seulement aux chiffres. Il importe d'envisager un changement plus en profondeur, plus long à réaliser certes, mais passant par l'amélioration des conditions de travail des agents de la force publique dans leur ensemble, permettant de mieux accueillir, de mieux prévenir et de mieux intervenir.
Ces améliorations permettront enfin d'assurer un service public de sécurité de qualité.
Aujourd'hui, on peut le dire, vous êtes discrédités, et ce projet de budget ne changera rien à l'affaire. Nous devrons donc reparler de tout cela pendant la campagne électorale qui démarre et très certainement encore plus ultérieurement, avec des interlocuteurs qui auront enfin à coeur de respecter les populations qu'ils veulent protéger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité est un sujet très concret, qui concerne tous les Français, sans exception, dans leur vie quotidienne.
Le drame de l'autobus de Marseille et la mort d'un jeune homme après un match au Parc des Princes sont venus nous rappeler la gravité des faits qui se déroulent sous nos yeux.
Mais au-delà de ces événements largement médiatisés, de nombreux Français sont également confrontés à des actes de violence qui rendent insupportable leur quotidien et conduisent à exacerber les tensions entre nos concitoyens.
Dans le projet de budget pour 2007, les crédits de la mission « Sécurité » s'élèvent à près de 15,7 milliards d'euros en crédits de paiements, soit une hausse de 2,6 %.
Si nous ne pouvons que nous féliciter de cet effort financier en faveur de la politique de sécurité, nous devons également nous interroger sur l'utilisation de ces crédits.
À cet égard, je veux saluer deux actions dans le cadre du budget pour 2007.
La première, qui a déjà été soulignée à l'occasion de l'examen des crédits d'une autre mission, concerne la lutte contre l'immigration clandestine.
Ce phénomène n'est pas à sous-estimer. L'augmentation de 28 % des crédits qui lui sont consacrés montre bien d'ailleurs qu'il s'agit d'une priorité pour le Gouvernement.
Avec un total de 687 millions d'euros, ces crédits sont parfaitement justifiés, même s'ils ne suffiront malheureusement pas à endiguer le phénomène, en particulier dans les départements d'outre-mer, dont la situation à cet égard a été longuement évoquée voilà quelques instants par M. le ministre de l'outre-mer.
Je tiens néanmoins à souligner l'effort qui est fait en la matière et je forme le voeu que nous puissions trouver, conjointement avec les services de police et de gendarmerie, les moyens de répondre à ces flux d'immigration clandestine, souvent massifs et s'expliquant par bien d'autres raisons que les contraintes administratives et de police.
Le second point que je salue, à l'instar de M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, a trait aux progrès considérables accomplis par la police technique et scientifique.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. François Zocchetto. Ils sont le résultat des efforts budgétaires importants qui y sont consacrés depuis plusieurs années.
M. Jean-Claude Carle. Oui !
M. François Zocchetto. Particulièrement sensible à la protection des libertés individuelles, la commission des lois du Sénat est très satisfaite lorsqu'elle constate le passage d'une culture de l'aveu et du témoignage à celle de la preuve.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. François Zocchetto. Les résultats spectaculaires du fichier national automatisé des empreintes géniques, le FNAEG, s'agissant de la lutte non seulement contre le grand banditisme ou la grande criminalité mais aussi contre la petite délinquance, sont un réconfort pour ceux qui participent au travail de la justice.
Ce fichier a une autre incidence qu'il convient de souligner : il permet d'innocenter des personnes qui subiraient les foudres de la justice à tort, ce qui s'est malheureusement produit en maintes occasions.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Bien sûr ! Cela marche dans les deux sens !
M. François Zocchetto. Nous espérons ainsi voir diminuer le nombre d'erreurs judiciaires. Ne serait-ce que de ce point de vue, la police technique et scientifique est donc une bonne chose.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. François Zocchetto. D'ailleurs, le taux d'élucidation des crimes et délits est en hausse, et les juges et magistrats sont considérablement confortés par ces moyens utilisés, parmi d'autres dispositifs, par la police et la gendarmerie.
Pour autant, ces moyens ne dispensent évidemment pas les services de police et de gendarmerie de mener une enquête complète, et encore moins le juge d'instruction de procéder par une instruction à charge et à décharge.
Permettez-moi d'évoquer à présent deux problèmes qui nous tiennent à coeur.
Tout d'abord, sans vouloir polémiquer sur les statistiques, une tendance lourde nous inquiète : il s'agit de l'augmentation importante et continue des crimes et délits contre les personnes. Durant le premier semestre de 2006, ces derniers ont malheureusement progressé de plus de 5 %, accentuant ainsi une tendance que nous avions observée ces dernières années. Force est de constater la croissance des vols avec violence et des atteintes volontaires à l'intégrité physique.
C'est une situation que nous ne pouvons accepter et que nos concitoyens, dans leur majorité, ne tolèrent pas ! Il y a ainsi des réactions très vives à cet égard.
Même si les atteintes aux biens sont en diminution manifeste depuis plusieurs années et si les chiffres globaux de la lutte contre la délinquance présentent des aspects satisfaisants, nous ne pouvons que vous interpeller sur ce problème, monsieur le ministre. Nous attendons par conséquent une réponse de votre part.
Par ailleurs, il existe un problème quant à l'âge des policiers envoyés dans les quartiers difficiles - ce sujet a d'ailleurs été évoqué par M. Barbier tout à l'heure.
Nombre d'élus locaux rapportent que trop de policiers jeunes et peu expérimentés sont affectés dans ces quartiers. J'imagine que ce n'est pas, à l'évidence, le résultat d'une décision du ministère de l'intérieur !
Certes, la jeunesse apporte certaines convictions et témoigne d'un engagement fort et d'une foi dans la mission de policier, mais le manque d'expérience peut être préjudiciable et, surtout, conduire à décourager très vite ceux qui s'étaient engagés au service de leurs concitoyens. D'ailleurs, comme cela a été excellemment souligné tout à l'heure, c'est au moment où ces jeunes policiers commencent à connaître le quartier dans lequel ils évoluent qu'ils demandent une nouvelle affectation.
Or il importe que les policiers aient une bonne connaissance du quartier dans lequel ils travaillent et qu'ils soient à même d'identifier ceux à qui ils ont affaire. La présence durable, la fidélisation du personnel policier sur un secteur contribue à faire baisser les tensions sur le terrain.
Dès lors, que faut-il faire ? Le mécanisme des primes ne suffit pas à atteindre cet objectif. En effet, après les « professeurs TGV », les « policiers TGV » ont fait leur apparition : ils vont travailler trois ou quatre jours sur le site en question, où ils occupent des logements temporaires, et retournent chez eux une fois la mission accomplie.
Ce mode de vie, qui existe aussi dans le monde médical, est peut-être inhérent aux contraintes de notre époque.
Il n'en reste pas moins que nous nous devons de lutter contre le nomadisme de ces personnels de police, qui risque de s'accentuer dans les prochaines années : peut-être en aidant à leur sédentarisation, soit en facilitant les locations dans un parc locatif correct, soit en favorisant leur accession à la propriété, ou tout simplement, pour répondre à certaines de leurs revendications à cet égard, en leur attribuant des places de crèche, puisqu'ils sont nombreux à avoir ou à souhaiter avoir des enfants. Efforçons-nous, surtout, de leur donner envie de rester dans ces quartiers, plutôt que d'attendre impatiemment le terme de la période de cinq ans pour les quitter.
Tels sont, monsieur le ministre, les deux sujets de préoccupation sur lesquels je vous remercie par avance de bien vouloir me répondre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Sécurité ». Avant d'aborder ces derniers, je souhaite évoquer le contexte dans lequel nous allons - ce n'est pas une révélation - les adopter.
À cet égard, je veux saluer le bilan et la réussite de la politique volontariste conduite par Nicolas Sarkozy et par vous-même, monsieur le ministre, en dépit de l'incrédulité initiale de certains. Cela couronne d'abord le succès d'une méthode !
Au temps des formules péremptoires sur le « tout éducatif » ou le « tout répressif » a succédé le temps de l'action et du pragmatisme. Ne l'oublions jamais, voilà seulement quatre ans, un dimanche soir d'avril, nos compatriotes nous adressaient un message d'une clarté absolue.
Ceux qui, par angélisme ou « naïveté », ont voulu faire croire que l'insécurité était pour le moins un « sentiment » ou tout au plus « un fantasme » ont payé chèrement ce soir-là le refus systématique et idéologique d'appréhender la réalité sociale et l'insécurité quotidienne que subissent tous les Français.
Quoi qu'en pensent les « beaux esprits » qui s'arrogent le rôle de censeurs de notre action, les seuls juges sont nos concitoyens. Et ceux-ci sont satisfaits ! En effet, au-delà du seul chiffre implacable de 9 % de baisse de la délinquance depuis 2002, alors que celle-ci avait augmenté de 16 % pendant les années Jospin, le sentiment d'insécurité, lui aussi, recule.
Quelles sont les raisons de cette réussite ?
Premièrement, monsieur le ministre, vous avez replacé la victime au centre de votre action. Il n'est pas normal en effet d'accorder plus de droits, d'attention et de respect aux délinquants qu'aux victimes. La victime est toujours le parent pauvre des réformes de la justice pénale alors même que c'est elle qui devrait alimenter nos réflexions.
Deuxièmement, vous vous êtes attaché à restaurer l'autorité, le prestige et la dignité des forces de sécurité intérieure. Être policier ou gendarme est presque un sacerdoce. Leur action repose sur la foi du bien-fondé de leur mission. Mépriser ou affaiblir leur action, c'est émousser leur détermination. À l'heure où poignent des velléités d'enregistrer les gardes à vue, jetant ainsi le discrédit sur leur travail, je ne peux que m'inquiéter des conséquences sur leur motivation, et donc sur le taux d'élucidation. À cet égard, je tiens à saluer le remarquable travail de notre collègue Jean-Patrick Courtois, qui a parfaitement su mettre en évidence la nécessité de respecter le travail de ceux qui ont fait le choix de nous protéger.
Troisièmement, monsieur le ministre, vous avez dépassé les vieux antagonismes idéologiques en associant prévention et sanction. Vous n'avez eu de cesse d'appliquer ce principe. Avec pragmatisme, nous avons jeté aux orties les vieilles théories pour apprendre à conjuguer toutes les facettes de l'action publique.
C'est particulièrement vrai avec la justice des mineurs. La commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, l'avait d'ailleurs mis en évidence. Dans son rapport, elle affirmait que la délinquance des jeunes était non pas un fantasme, contrairement à ce que certains voulaient faire croire, mais une réalité.
Cette délinquance se caractérise par ce que j'appelle les « trois plus » : elle est plus importante - les actes de délinquance des jeunes ont augmenté de 80 % depuis 1994 -, elle est plus violente - les actes de violence ont été multipliés par dix entre 1998 et 2002 - et les auteurs de ces actes sont de plus en plus jeunes, la moitié d'entre eux étant âgés de moins de seize ans. En un mot, la délinquance de l'an 2000 n'a plus rien à voir avec celle de 1945.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Les raisons sont multiples.
L'une des raisons majeures est liée à l'insuffisance, à la défaillance, voire à la faillite des trois cercles de proximité qui structurent notre société autour du jeune : la famille, l'école et le tissu associatif. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer avec vous les conséquences de cette faillite.
Cette défaillance des trois cercles de proximité, certains jeunes l'ont parfaitement intégrée et s'en prennent aujourd'hui au cercle suivant, à savoir le quartier ou la ville ; la crise des banlieues en a d'ailleurs été l'illustration.
Pour restaurer l'autorité de l'État, il faut adresser des signaux forts. Cela passe notamment par trois axes.
Premier axe, il faut être ferme sur le principe du respect de la loi. Il est impératif que les coupables soient jugés pour les infractions commises : un incendie volontaire d'un bus ou l'aspersion d'essence d'une personne handicapée, ces actes fussent-ils perpétrés par des mineurs, sont des homicides et doivent être sanctionnés comme tels.
Deuxième axe, la minoration de peine pour un jeune ne doit pas pour autant se transformer en excuse de minorité. La sanction doit être rapide afin d'être comprise par le délinquant, par la victime et par la société.
Troisième axe, il faut responsabiliser tous les acteurs. Si la justice des mineurs n'est pas particulièrement laxiste, elle reste cependant trop erratique. Les réponses pénales ne sont ni suffisamment claires, ni progressives, ni assez rapides, ni même quelquefois mises en oeuvre.
Je conclurai en indiquant que je suis satisfait par les crédits de la mission pour 2007. En effet, sans moyens pour les mettre en oeuvre, ces principes ne sont rien. Or, pour la cinquième année consécutive, les engagements de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, sont respectés. De mémoire, je ne peux pas citer d'autre exemple de plan quinquennal intégralement respecté. C'est pourtant ainsi qu'il faudrait procéder !
Nicolas Sarkozy l'a indiqué jeudi soir dernier : « Il faut sans doute promettre moins, mais tenir plus ce qu'on dit ». Tel est le cas aujourd'hui ! Sur cinq ans, les engagements ont été respectés et les résultats sont au rendez-vous, ce qui est de bon augure pour l'avenir. Nos concitoyens nous en saurons gré.
À l'instar de Roger Karoutchi et de mes autres collègues du groupe de l'UMP, je voterai les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en entendant des opinions différentes que l'on parvient finalement à établir un constat objectif de la situation. Ayant travaillé sur la presse et les débats parlementaires sous la IIIe République et entendu des échanges parfois contradictoires, je suis arrivé à la conclusion que c'est ainsi que l'on parvient à connaître la vérité. Je suis sûr qu'il en ira de même avec le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
La question qui vient tout naturellement à l'esprit en examinant les crédits de la mission « Sécurité » est celle-ci : le Gouvernement a-t-il pris la mesure des difficultés rencontrées depuis les événements de l'automne 2005 ?
Les causes de l'insécurité grandissante - rien n'indique au demeurant qu'elles disparaîtront - sont connues et viennent de loin. En l'occurrence, nous nous accorderons tous ici à relever la pauvreté et la précarité, l'exclusion de catégories de la population de plus en plus nombreuses, la déshérence culturelle, l'échec scolaire ou l'absence de débouchés pour ceux - nombreux pourtant - qui ont réussi, les discriminations, donc la formation durable dans notre pays de poches de pauvreté avec la révolte et la désespérance de tant de gens enfermés, à l'écart de notre société.
Mes chers collègues, la seule question qu'il importe au fond de se poser est la suivante : le Gouvernement a-t-il choisi la politique qui permettrait de faire reculer la misère ? Tout se tient, en effet : la politique économique et sociale et, au bout de la chaîne seulement, le contenu des missions de sécurité. Je vous laisse donc juge !
Les lois répressives se succèdent, exacerbant les tensions et le sentiment de ciblage qu'éprouve une partie de nos compatriotes. Or cette frénésie législative ne règle rien, bien au contraire.
Les orientations budgétaires que vous défendez, monsieur le ministre, ne vont rien arranger non plus. La répartition des crédits destinés à la police nationale pour 2007 ne permettra pas de regagner le terrain perdu dans les quartiers dits sensibles.
Le ministre de l'intérieur s'obstine à refuser de laisser sa part à la prévention, à la présence et au dialogue, à l'alerte - appelez cela comme vous voudrez -, à la proximité, au vivre et agir au milieu des habitants, préférant privilégier l'investigation, si possible spectaculaire et médiatisée, qui ne résout rien durablement, qui abandonne ensuite les habitants de quartiers entiers aux pires déboires, qui provoque à leur encontre troubles, menaces ainsi qu'amalgames injustes et dangereux.
L'investigation ponctuelle, voire répétée, est bien sûr nécessaire, mais elle ne dispense pas, bien au contraire, d'une présence permanente des forces de police dans certains quartiers, tard le soir et parfois vingt-quatre heures sur vingt-quatre, afin d'assurer la tranquillité, de faire reculer le sentiment de peur et la délinquance au quotidien.
Et quand la situation est devenue intenable, faute de prévention et d'anticipation, le Gouvernement en a été réduit à faire intervenir CRS et gendarmes mobiles dans un climat quasi guerrier. Hélas ! il était trop tard.
En outre, l'encadrement continu de certains quartiers par des unités de CRS, auxquelles ordre est donné de procéder à des contrôles d'identité répétés souvent ressentis comme des contrôles au faciès, accroît le sentiment d'exclusion et d'humiliation dans un corps social malade.
Monsieur le ministre, la police de proximité, qui insupporte votre collègue ministre de l'intérieur, avait commencé à rétablir un lien et un dialogue avec les jeunes. Mais par idée préconçue, par rigidité et dogmatisme, il l'a cassée. Ce projet de budget démontre qu'il entend persévérer.
Le souhait du Premier ministre de voir s'établir une police « de tranquillité publique », « en contact régulier avec la population, les commerçants, les familles, les gardiens d'immeubles et les responsables d'associations », restera donc lettre morte. Du moins le Premier ministre, lui, aura-t-il lu le récent rapport de la mission commune d'information du Sénat sur les quartiers en difficulté, s'intitulant Un nouveau pacte de solidarité pour les quartiers.
Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, contrairement à son titre, est porteur d'un nouvel arsenal répressif. Agressif et sans nuance, il va creuser davantage le fossé entre la police et les pouvoirs publics, d'une part, les jeunes, d'autre part, les élus étant sommés de mettre en oeuvre une politique qu'ils désapprouvent très souvent.
Dans ce climat, la tâche des policiers se trouvera alourdie, les interventions sporadiques et soudaines ne pouvant compenser l'insuffisance des effectifs dans des secteurs où leur présence permanente serait si nécessaire. Ne manque-t-il pas de nombreux fonctionnaires dans le seul département de la Seine-Saint-Denis, pour ne citer que celui-là, où plusieurs communes très peuplées sont encore dépourvues de commissariat ?
En fait, le ministère de l'intérieur, dans des opérations coups-de-poing de plus en plus aléatoires et périlleuses, engage des jeunes fonctionnaires - gardiens de la paix et commissaires - là où il faudrait assurer la présence pérenne de policiers chevronnés, forts de leur expérience et d'une bonne dose d'autorité au meilleur sens du terme.
Mais comment fidéliser les jeunes policiers dans la région parisienne après leur temps d'apprentissage sur le terrain quand le ministère fait si peu pour leur logement, leur accession à la propriété, la mise à disposition de services sociaux indispensables ? Comment faire quand la prime « aux résultats exceptionnels » est souvent attribuée de façon obscure à 10 % des effectifs, quand il n'est toujours rien prévu pour le paiement des heures supplémentaires - elles sont seulement récupérées, et au bout de combien de temps ? -, quand les salaires des gardiens de la paix demeurent médiocres, la prime de risque faible et la fixation de l'âge de la retraite toujours en suspens ?
Bref, à l'angoisse des populations répond le découragement de beaucoup de policiers. Dans le même temps, le divorce se confirme entre les habitants de nos banlieues et la police, qui devrait leur apparaître comme leur police, tandis qu'un autre commence à s'esquisser entre la police et les pouvoirs publics dont vous avez la charge.
C'est pourquoi nous réclamons des effectifs mieux répartis et plus expérimentés. Nous demandons également que des perspectives de carrière valorisantes soient offertes aux jeunes.
Nous savons que la police ne peut réussir seule des missions de plus en plus difficiles. Une coordination doit s'établir sans tarder entre les différents acteurs institutionnels. Or, le ministre de l'intérieur, en dénonçant un prétendu manque de sévérité chez certains juges vis-à-vis des délinquants ou des lenteurs dues, comme on le sait, au manque de moyens des tribunaux, en opposant les institutions les unes aux autres, comme il l'a fait en septembre, affaiblit indistinctement l'autorité de l'État, qui doit former un tout.
Je veux dire un dernier mot de la situation que subissent certains immigrés.
Dans les zones d'attente et les centres de rétention administrative, là aussi, la politique du chiffre conduit trop souvent le Gouvernement à enfreindre la déontologie, le respect des droits de l'homme et le respect dû à la loi.
En outre, que dire du sort cruel réservé aux enfants scolarisés des familles de sans-papiers ? Ces dernières vivent dans l'angoisse d'une reconduite à la frontière, alors qu'à la veille des grandes vacances leur avait été promis l'examen de leur cas, promesse bientôt trahie par les quotas fixés par le ministre de l'intérieur.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, faisant fonction de vice-ministre de l'intérieur,...
M. Louis Mermaz. ... vous comprendrez que nous ne puissions approuver les crédits de la mission dite de « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, écouter les socialistes donner des leçons comme on vient encore de l'entendre, ...
M. Louis Mermaz. Des leçons gratuites !
M. Philippe Goujon. ... eux qui ont été les « fossoyeurs » de la sécurité dans notre pays...
M. Louis Mermaz. Je fais du soutien scolaire ! (Sourires.)
M. Philippe Goujon. ... du temps de la « naïveté » me laisse toujours absolument pantois !
M. Louis Mermaz. Oui, mais il faut être doué pour la pratiquer !
M. Philippe Goujon. Tout à fait, il y a des personnes très douées dans cet hémicycle ! (Nouveaux sourires.)
Si la politique consiste à rendre possible ce qui est souhaitable, alors on peut dire que le Gouvernement et sa majorité y sont parvenus en matière de sécurité, tellement les changements ont été notables depuis cinq ans.
Le premier succès de la politique de sécurité menée depuis 2002 tient tout simplement à l'existence même d'une politique de sécurité, ce qui nous change véritablement !
Une nouvelle architecture de la sécurité intérieure, fondée sur la coordination et le partenariat, en particulier à l'échelon local avec les conseils locaux de sécurité et de la prévention de la délinquance, a été mise en place.
La police nationale et la gendarmerie travaillent désormais ensemble alors qu'on nous expliquait depuis toujours que c'était impossible. On en est même à mutualiser les moyens !
Cette unité d'action se traduit également en matière budgétaire, par l'effet de la LOLF, avec la création de cette mission interministérielle unique « Sécurité » dont nous examinons aujourd'hui les crédits.
Quant à la nature de leurs activités, les forces de sécurité sont désormais recentrées sur leurs missions fondamentales, même si des progrès restent encore à accomplir, par exemple pour les extractions de détenus. Un recours accru à la visioconférence devrait y contribuer.
À cet égard, il me semble que notre assemblée pourrait engager une réflexion, peut-être par le biais d'une mission d'information, sur les conditions d'un transfert effectif de ces tâches à l'administration pénitentiaire.
L'emploi des CRS et des gendarmes mobiles a enfin été déconcentré et ceux-ci ont été affectés à des missions de sécurisation. Les effets positifs ne se sont pas fait attendre.
Il nous faudra dépasser le stade de la fidélisation et réfléchir au transfert d'effectifs que je considère comme pléthoriques directement à la sécurité publique, sans omettre pour Paris une réflexion sur un meilleur engagement de la garde républicaine au profit de la sécurité des Parisiens.
Je dirai un mot sur le débat concernant la police de proximité, puisque c'est un thème récurrent.
N'oublions pas que c'est sous le gouvernement d'Édouard Balladur, lorsque Charles Pasqua était ministre de l'intérieur, qu'a été adoptée la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, qui a permis de passer d'une police d'ordre à une police de proximité.
M. André Rouvière. C'est vous qui l'avez supprimée !
M. Philippe Goujon. M. le ministre a évidemment raison, par nature et par fonction !
Si sa mise en place n'a pas eu les effets escomptés, c'est que les moyens nécessaires ont manqué - rien qu'à Paris, il manquait 1 000 hommes ! -, que la théorie du policier généraliste, idéalisée au colloque de Villepinte, s'est révélée être un mythe et que la police judiciaire a été sacrifiée.
La meilleure démonstration de l'échec de la police de proximité, la « polprox », version socialiste, c'est que la délinquance a augmenté de 15 % entre 1997 et 2002. Voilà qui devrait nous garder de tout intégrisme !
Il fallait revenir à l'efficacité, comme à Marseille où c'est la brigade anticriminalité qui a permis de retrouver en trois jours les agresseurs de la jeune femme brûlée vive dans un bus.
Comme l'a exposé excellemment M. le rapporteur, pour la première fois, une loi de programmation ambitieuse aura été respectée jusqu'au bout.
Les créations d'emplois sont au rendez-vous. La réforme des corps et carrières a permis d'étoffer l'encadrement intermédiaire. C'était indispensable.
Les indicateurs d'activité de la police - la culture du résultat n'y est pas étrangère - se sont tous considérablement améliorés. Ainsi, en 2005, un fait sur trois a été élucidé contre moins d'un fait sur quatre en 2002. Depuis 2002, la délinquance générale a reculé de près de 9 % et celle de voie publique de plus de 23 %.
À Paris, les résultats sont encore plus spectaculaires : au mois d'octobre 2006, il y a eu presque moitié moins de délits de voie publique qu'au mois d'octobre 2001, et le résultat s'est établi à son niveau le plus bas depuis vingt ans !
Grâce à la création du SRPT dont a parlé mon collègue Roger Karoutchi, la délinquance dans le métro et le RER a encore chuté de 12,5 % au cours des douze derniers mois.
Toutefois, la délinquance connaît des mutations. Les violences aux personnes, même si elles progressent beaucoup moins qu'entre 1998 et 2002, période au cours de laquelle elles avaient augmenté de 42 %, doivent être traitées absolument en priorité.
C'est plus spécifiquement le cas pour les violences non crapuleuses commises dans la sphère familiale, très difficiles à appréhender par la police étant donné qu'elles se produisent dans des lieux où cette dernière n'intervient traditionnellement pas.
L'effort doit donc aujourd'hui porter sur ces violences intrafamiliales et conjugales. Les dispositions dont le Sénat est à l'origine et celles qui sont contenues dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance permettront de combattre plus efficacement ces violences par l'accueil et l'accompagnement des victimes aussi bien que par le suivi des auteurs, dont vous faites, monsieur le ministre, l'un des axes majeurs de votre politique.
Si le volume des forces de sécurité est important, en particulier avec la consolidation des 2 000 emplois d'adjoints de sécurité recrutés en 2006, la fidélisation, à Paris et en région d'Île-de-France - j'insiste sur ce point -, demande des mesures fortes, indemnitaires, statutaires et sociales.
À ce propos, monsieur le ministre, quel bilan dressez-vous du partenariat avec la Mairie de Paris en matière de crèches et de logements ?
Un autre sujet me tient particulièrement à coeur : celui de la « vidéo-tranquillité ».
M'appuyant sur l'exemple de Strasbourg, où cette pratique a permis de réduire la délinquance de 50 % dans les secteurs où elle a été mise en oeuvre, et tirant les enseignements des attentats de Londres, où la police dispose de plusieurs dizaines de milliers de caméras, contre 295 caméras à Paris, je puis affirmer que la vidéosurveillance représente un enjeu majeur pour la sécurité de la capitale.
Qu'en est-il du projet d'équipement de 1 000 caméras en cinq ans et de la participation de la Mairie de Paris à ce programme ?
La Ville de Paris pourrait déjà consacrer les 3 millions d'euros qu'elle attribue au PSG à l'amélioration des équipements vidéo et de sécurité au Parc des Princes et aux alentours !
De façon générale, en matière d'aide à la police, le département de Paris pourrait utilement s'inspirer de celui des Alpes-Maritimes. (M. le ministre délégué acquiesce.)
Enfin, les conditions de circulation dans la capitale sont tellement dégradées, résultat d'un intégrisme incompréhensible, qu'il est urgent de donner à la préfecture de police les moyens d'y faire face, en renforçant les effectifs des compagnies de circulation dissoutes en 2001 et en affectant des Agents de surveillance de Paris « circulation » dans les arrondissements.
La sécurité, mes chers collègues, premier devoir de l'État, était la priorité de ce gouvernement, répondant ainsi aux aspirations légitimes des Français.
L'objectif a été atteint avec un million de victimes de moins depuis 2002.
Au-delà des polémiques stériles, l'enjeu est bien là, et c'est ce qui importe finalement pour nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, il est exact que vos statistiques indiquent une baisse globale de la délinquance. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Toutefois, les crimes et les délits contre les personnes depuis que vous êtes au gouvernement progressent de près de 17 %, ce qui est énorme au regard des mesures annoncées et prises !
D'ailleurs, le sentiment d'insécurité grandit dans la population.
Il y a donc un décalage, monsieur le ministre, entre vos résultats et ce que ressentent les Françaises et les Français. Ces derniers sont traumatisés par les formes nouvelles que revêtent les agressions.
Les agresseurs, de plus en plus jeunes, évoluent vers plus de violence. De plus, à l'agresseur isolé se substitue le groupe, voire le commando, qui organise des guets-apens contre les sapeurs-pompiers et, nouveauté sous votre gouvernement, contre la police !
Cette escalade inquiétante atténue donc la portée de vos statistiques. Il serait d'ailleurs éclairant, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez comment ces statistiques sont élaborées.
Par exemple, si dix agresseurs s'en prennent à deux sapeurs-pompiers, de quoi s'agit-il : de deux agressions, de dix agressions multipliées par deux, ou d'une agression ? Suivant ce que l'on prend en compte, bien sûr, les résultats obtenus sont tout à fait différents !
M. André Rouvière. Ce simple exemple souligne la valeur relative, donc contestable, des statistiques dans un domaine où la réalité est complexe et peu facile à traduire en chiffres.
Les statistiques, monsieur le ministre, ont donc leurs limites. Le tout répressif a également ses limites, et il les a atteintes, hélas !
D'ailleurs, même dans les pays les plus répressifs, à toutes les époques, dans les pays les plus féroces en matière de sanctions, là où les châtiments se déroulent en public, les criminels et les voleurs n'ont pas pour autant disparu !
Monsieur le ministre, si vous êtes profondément persuadés que la sanction aggravée, la condamnation alourdie sont suffisantes pour faire baisser de manière importante la criminalité, ...
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous avez raison : il faut les récompenser et les remercier !
M. André Rouvière. ... je crains que vous ne proposiez bientôt de revenir sur l'abolition de la peine de mort !
La répression-sanction ne doit pas effacer la valeur irremplaçable de la prévention. Je suis intimement convaincu qu'il faut user des deux, en accordant toutefois une priorité à la prévention.
Or vous avez mis la prévention entre parenthèses. Ce qui manque, c'est la formation, l'éducation du citoyen. Le respect de l'autre n'est pas inné, il s'apprend. L'assemblée générale des Nations unies n'affirme pas autre chose dans sa résolution 53/25 adoptée à l'unanimité, et donc par la France.
Cette résolution proclame la décennie 2001-2010 décennie internationale de la promotion d'une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde.
Cette résolution invite tous les États membres, dont la France, à prendre les mesures nécessaires pour que la pratique de la non-violence et de la paix soit enseignée - enseignée et non pas imposée ! - à tous les niveaux de la société, dans chaque pays.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il commencé à appliquer cette directive qu'il a votée ? Je pense que non ! Vous avez même fait tout le contraire ! Vous avez affaibli ou supprimé les structures et les organisations, qui contribuaient à la formation du citoyen. Vous avez réduit le nombre d'éducateurs. Vous avez diminué ou supprimé les aides aux associations de quartier. Vous avez supprimé le service militaire, qui aurait dû être un creuset d'intégration et un cadre pour la formation citoyenne. Vous avez allégé ou supprimé la présence permanente des forces de police dans certains quartiers et la présence de la gendarmerie dans le monde rural.
Les communautés de brigades ne permettent plus ce contact du gendarme et de la population. Connaître et être connu est pourtant un élément fondamental de la prévention et de l'intervention. Lorsque le gendarme en patrouille intervient sur le territoire d'une brigade qui n'est pas la sienne, il ne connaît ni les lieux ni les gens.
J'aurais souhaité demander à Mme la ministre de la défense si, comme elle s'y était engagée l'an dernier, elle a fait réaliser un bilan d'étape des communautés de brigades. D'après les informations qui me sont parvenues, il semblerait que tel soit le cas. Mais alors, pourquoi les parlementaires n'en ont-ils pas eu connaissance ?
Les parlementaires, les éducateurs, les associations, services et organisations qui oeuvrent dans le domaine de la justice sont des compléments indispensables à l'action des forces de l'ordre.
Monsieur le ministre, tout seul, vous ne gagnerez pas le combat contre la délinquance. Vous êtes même en train de le perdre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi qu'il ressort de l'excellent rapport de notre collègue Aymeri de Montesquiou, si le caractère interministériel de la mission « Sécurité », rassemblant police et gendarmerie nationales, est désormais une réalité tangible et si l'exemple des groupements d'intervention régionaux, les GIR, constitués à parité de policiers et de gendarmes, illustre bien la mise en application sur le terrain de cette interministérialité, il apparaît également que les dépenses en personnel composent l'essentiel des moyens de la mission, avec 13,084 milliards d'euros, soit 83,4 % de la mission.
Pour autant, il est clairement mis en évidence que les moyens supplémentaires ou la réorganisation des forces sur le terrain ne constituent pas une fin en soi, de sorte qu'ils ne sauraient se concevoir que dans un souci de meilleur emploi des effectifs, des crédits et des locaux disponibles.
C'est précisément dans cet esprit que je souhaite évoquer la difficulté posée par la fermeture de plusieurs postes de police au sein de communes et de bourgs suburbains autour de Mulhouse, et ce en raison d'un manque d'effectifs.
À ce jour, il manquerait environ trente fonctionnaires de police.
En effet, d'année en année, force est de constater que les postes vacants ne sont plus pourvus, faute de demandes de mutations sur cette région sensible. L'affectation d'office de jeunes fonctionnaires sortant de l'École demeure très faible et, dans tous les cas, ceux-ci demandent leur changement le plus rapidement possible.
Il en résulte que les postes vacants sur la ville ont été occupés par des fonctionnaires alors en poste sur les sites suburbains, où ils remplissaient un vrai rôle de dissuasion et de prévention de la délinquance, qui, par voie de conséquence, a tendance à glisser vers ces sites dès lors que la présence policière est importante et efficace sur l'emprise de la ville.
On comprend aisément que cet équilibre puisse être définitivement rompu, par insuffisance d'effectifs. C'est la raison pour laquelle mon regard ne peut s'empêcher de se tourner vers ce qui se pratique pour l'administration de la police de Paris et de Versailles, à savoir la gratification d'une indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques, qui se substitue notamment à celle qui est attribuée pour exercice sur poste difficile.
Dans la mesure où tous les critères d'attribution d'une telle prime semblent réunis au regard de la ville de Mulhouse, voire des autres circonscriptions de sécurité publique du Haut-Rhin, je souhaite que puisse être étendue l'application de cette indemnité aux fonctionnaires qui demanderaient leur affectation sur cette région particulièrement délicate, pour ne pas dire difficile.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour la bienveillante attention que vous porterez à cette requête, qui n'a d'autre objet que d'apporter une solution concrète aux problèmes rencontrés sur le terrain par les élus que nous sommes et de contribuer à l'instauration d'un climat de sécurité pour nos concitoyens. Ce serait, de surcroît, se situer plus largement dans la même logique que celle qui préside à notre combat pour la prévention de la délinquance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Carle. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, permettez-moi d'abord de joindre mes félicitations personnelles à celles qui ont été exprimées à la fois par les rapporteurs et par les membres de la majorité sénatoriale et d'indiquer que, comme eux, je voterai les crédits de la mission « Sécurité » et des programmes qui la composent.
J'aimerais vous faire part de mes réflexions sur la notion de « sécurité » qui nous est présentée dans le cadre de cette mission, mais également ailleurs.
La notion de sécurité telle qu'elle découle de la réalité de la mission dont nous discutons renvoie à la prévention, la répression et l'encadrement des crimes et délits de toutes sortes, ainsi qu'à la surveillance des frontières, et l'on peut y ajouter les désordres affectant notre société. Ce périmètre me semble intéressant, parce qu'il permet de cerner les actions et les programmes ; mais, en même temps, il est un peu étroit par rapport à la réalité de ce que nous vivons au jour le jour ou que nous risquons de vivre à un moment ou à un autre.
L'interministériel dans cette mission fonctionne bien.
Dans d'autres domaines, malheureusement, je crains que nous n'en soyons pas exactement au même niveau. La sécurité se décline selon différentes directions ; nous avons, hier soir, discuté de sécurité sanitaire et nous discuterons tout à l'heure de sécurité civile. Pour nos concitoyens, la sécurité, à l'évidence, a d'autres dimensions que celles de la mission dont nous parlons en cet instant.
Nous voyons, au fur et à mesure qu'est décliné ce concept, apparaître de nouveaux intervenants : les pompiers, pour la sécurité civile, les hôpitaux, les ambulanciers et toute une série d'associations, pour la sécurité sanitaire. Il y a déjà là un élargissement de la préoccupation sécuritaire.
Au-delà, si l'on réfléchit sur l'intrusion éventuelle dans notre vie de catastrophes naturelles, de catastrophes technologiques qui, malheureusement, constituent une grave menace, du terrorisme, qu'il soit classique, cybernétique, nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique, on voit immédiatement, là encore, apparaître de nouveaux intervenants : l'équipement, le ministère de l'industrie, les services de renseignements.
Il est donc nécessaire d'accroître la coordination entre les différents intervenants éventuellement concernés. Cette coordination doit porter aussi bien sur la réflexion en amont que sur la réponse concrète, c'est-à-dire l'exercice, l'entraînement. Elle doit permettre une conception globale, anticipant la réaction de la population, car, à un moment ou à un autre, toute la population risque d'être concernée, surtout en cas d'actes de terrorisme massif ou de catastrophes technologiques en cascade.
Je prendrai un exemple très précis.
À Toulouse, nous avons eu l'extraordinaire chance que deux ingénieurs aient réussi à convaincre, quelques années avant l'accident d'AZF, la Société nationale des poudres et des explosifs d'enterrer un réservoir de phosgène, alors qu'aucune consigne de sécurité ne l'imposait à l'entreprise. Actuellement encore, des réservoirs de phosgène sont stockés à l'air libre dans notre pays.
Si ces personnes n'avaient pas pris une telle précaution, la catastrophe aurait été d'une tout autre ampleur, le réservoir de phosgène étant enterré exactement à 150 mètres de l'endroit où s'est produite l'explosion de l'usine AZF !
Dans ce type d'accident, la population entière peut se trouver concernée. Or, à mon avis, elle n'est pour l'instant que peu informée et, en tout cas, elle n'est certainement pas incitée à réfléchir au niveau nécessaire. J'en veux pour preuve, en particulier, le système d'alerte, qui, dans l'état actuel des choses, est obsolète ou absent et dont le langage, en tout cas, n'est pas connu des populations qui peuvent être concernées. Il y a là, à l'évidence, un problème majeur.
Monsieur le ministre, comme je l'ai déjà dit, je voterai les crédits de votre mission, mais je souhaite que l'aspect interministériel, qui s'exerce bien dans le cadre de cette mission, s'exerce mieux dans d'autres cas.
Ayant eu assez souvent l'occasion de réunir des responsables de la sécurité appartenant à l'administration centrale ou décentralisée, ou venant d'entreprises privées, à des niveaux d'ailleurs assez élevés, je me suis aperçu que la communication ne passait pas toujours bien entre eux. Ils n'ont pas tout à fait le même langage et n'ont pas les connaissances réciproques de leurs responsabilités.
À cet égard, je citerai deux exemples malheureusement vécus.
Le premier est l'étiolement du projet de Cambrai qui, actuellement, commence à renaître mais ne sera pas conduit au niveau initialement souhaité.
Le second exemple est lié au Livre blanc sur le terrorisme, qui a été publié par le Gouvernement et remarquablement préparé sous l'égide du Secrétariat général de la défense nationale. Monsieur le ministre, cet ouvrage n'est pas connu de vos propres administrations ! Je m'en suis aperçu lors des colloques que j'ai eu l'honneur d'organiser, voilà quelques mois, à Saint-Denis, où de très hauts responsables de l'administration française présents dans la salle ignoraient jusqu'à l'existence de ce Livre blanc !
L'interministérialité sur la sécurité prise au sens large me semble donc, à l'heure actuelle, fonctionner encore insuffisamment. C'est ce que je voulais dire ce soir, en vous renouvelant encore une fois mon soutien, monsieur le ministre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a été dit, aujourd'hui ou à l'occasion de précédents débats, notamment par moi-même, sur cette problématique de la sécurité. Je n'y reviendrai donc pas.
J'aimerais toutefois insister sur un point qui me tient à coeur et qui fait actuellement l'objet d'une polémique à mon avis peu constructive : la police au plus près du terrain, une police adaptée à la réalité de nos territoires.
La polémique - je n'y reviens pas - a trait à la police de proximité, expression que je n'emploie pas. Je me demande si l'on ne ferait pas mieux de parler, à l'instar d'autres pays européens, d'une « police de contact ». Sortons de cette vision franco-française qui consiste, en caricaturant les positions mutuelles, à parler d'une police de proximité qui n'aurait pas toujours rempli son rôle, qui n'exercerait pas une vraie mission de police et, à l'inverse, à la réclamer avec force.
Nous n'avons pas suffisamment réfléchi, me semble-t-il, aux missions qui devront tôt ou tard - à mon sens, le plus tôt sera le mieux - incomber à une telle police de contact dans notre pays.
S'agissant de l'emploi des forces, nous voyons bien aujourd'hui que, malgré les efforts accomplis par les personnels de police et de gendarmerie sur le terrain, efforts qu'il faut évidemment saluer, le format des actions menées n'est plus tout à fait adapté à la réalité de nos territoires et de nos quartiers.
De mon point de vue, une stratégie d'implantation durable dans les territoires, y compris dans les plus difficiles, est plus que jamais nécessaire. Mais cela suppose au préalable une définition claire des missions de ces forces. Bien entendu, il faut une approche globale. Cela nous ramène à des débats que nous avons déjà eus et que nous aurons certainement encore, par exemple sur le triptyque « prévention-répression-réparation ». Mais l'enjeu de la discussion ne se limite pas seulement à cela.
La question qui se pose est la suivante : quel type d'intervention policière ces forces doivent-elles opérer ?
Dans le cadre des travaux que j'ai autrefois menés, et que je mène toujours, au sein du Conseil de l'Europe, j'ai eu l'occasion d'observer le fonctionnement des polices de contact dans certains pays européens voisins de la France. Celles-ci sont loin des caricatures que certains en dressent parfois. En réalité, ce sont des polices extrêmement professionnelles, en lien constant avec les différentes polices spécialisées. Elles peuvent d'ailleurs faire appel à ces dernières et disposent pour cela de moyens technologiques perfectionnés, y compris dans les voitures. Ce sont donc des forces adaptées, qui évoluent au plus près du terrain. Les citoyens le savent d'ailleurs fort bien.
Bien entendu, dans l'idée de police de contact, il y a également une dimension de dialogue et de connaissance du terrain. Il s'agit de connaître et d'être connu. Mais le rôle de cette police ne se réduit pas à cela, faute de quoi nous pourrions effectivement en pointer rapidement les limites.
La police de contact doit mener une action ordonnée autour de territoires bien identifiés, établir un contact permanent avec la réalité du terrain et de la délinquance et faire preuve d'une polyvalence accrue. Cela revient donc à valoriser son rôle pour lui permettre d'exercer la plénitude de ses missions, y compris en matière de police judiciaire, sur une zone géographique donnée. Bien entendu, cela implique également une clarification des fonctions des différents acteurs, donc la désignation pour chaque secteur d'un responsable identifié avec des objectifs précis.
Dans un certain nombre de pays que j'ai pu visiter, j'ai constaté l'efficacité de ce dispositif en termes de résolution de problèmes, de recherche de coupables et de dissuasion. Dès lors qu'elle est professionnelle, que l'ensemble de la hiérarchie la soutient et que les moyens nécessaires y sont affectés, une telle démarche est prise au sérieux et respectée.
Permettez-moi de revenir au débat que j'évoquais tout à l'heure. Certes, chacun doit balayer devant sa porte. Pour ma part, j'avais soutenu la politique qui avait été engagée par Daniel Vaillant lorsqu'il était ministre de l'intérieur, car c'était une démarche de qualité. A-t-elle eu le temps d'être mise en oeuvre ? La définition des missions avait-elle été suffisamment claire à l'époque ? C'est un vaste débat, qui, de toute façon, cela appartient désormais à l'histoire. Quoi qu'il en soit, par rapport à nos objectifs et aux réussites constatées dans d'autres pays, nous voyons bien aujourd'hui les limites d'un tel exercice sur le terrain, et ce quels que soient les efforts réalisés et les résultats obtenus.
C'est pourquoi, au-delà de nos débats par définition parfois très politiques, auxquels je participe également moi-même - je l'ai d'ailleurs encore fait récemment ici même -, nous devrions mener une réflexion sur ce sujet. Je dis cela en tant qu'élu de terrain, qui perçoit les difficultés, les manques, mais également les possibilités d'avoir une action plus efficace.
Certes, je ne mésestime évidemment pas le rôle des polices qui agissent aujourd'hui auprès de nos concitoyens, comme les compagnies républicaines de sécurité. Lorsqu'elles sont fidélisées à un territoire sur lequel elles reviennent régulièrement, ces forces peuvent se révéler extrêmement utiles.
Pour autant, la police de contact peut, à mon sens, représenter un plus et offrir une nouvelle perspective. Je suis même certain qu'une telle démarche, si elle se révélait efficace, nous permettrait de réaliser de véritables économies.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous incite fortement à ne pas exclure d'emblée le projet d'une police de contact digne de ce nom en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Sécurité », la parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d'entrer dans le vif du sujet de la mission « Sécurité », permettez-moi d'exprimer mes remerciements à vos trois rapporteurs, MM. Aymeri de Montesquiou, Jean-Patrick Courtois et Jean Faure, ainsi qu'à tous les orateurs qui sont intervenus ce soir.
La politique que nous menons depuis quatre ans - M. Karoutchi l'a parfaitement rappelé - porte ses fruits : depuis 2002, la délinquance générale a reculé de 8,8 % et la délinquance de voie publique a baissé de 23,7 %. Entre le début du mois de janvier et la fin du mois de novembre 2006, la délinquance générale a encore baissé de 0,8 % et la délinquance de voie publique de 4,2 %. Si ces résultats sont confirmés à la fin de ce mois de décembre, 2006 sera la quatrième année consécutive où nous pourrons revendiquer une telle baisse.
Vous vous interrogez, monsieur Rouvière, sur le mode d'élaboration des statistiques. Vous pourrez recevoir une réponse très précise de la part de MM. Chevènement, Joxe ou Vaillant, puisque la méthode n'a pas changé depuis 1972. Le thermomètre, l'état 4001, est exactement le même, mais avec vous, il monte, il monte, il monte. Avec nous, il baisse, il baisse, il baisse !
De surcroît, pour éviter les polémiques stériles sur les statistiques de la délinquance, c'est ce gouvernement qui a créé, au sein de l'Institut national des hautes études de sécurité, l'INHES, un Observatoire national de la délinquance, suivant les recommandations du rapport rendu par MM. Caresche et Pandraud.
Quant à vous, madame Assassi, vous allez plus loin encore. Je reconnais dans votre intervention le déni de réalité qui vous est coutumier, malheureusement trop caractéristique de votre famille politique. Vous dénoncez les principes mêmes de la lutte contre l'insécurité au motif qu'elle serait une guerre contre les pauvres !
Mme Éliane Assassi. N'inversez pas les rôles !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Quel mépris pour les gens modestes que de supposer que la délinquance est le seul choix possible pour les pauvres ! Madame Assassi, notre pays compte, heureusement, des familles modestes et honnêtes, qui travaillent dur, en particulier dans votre département. Ce sont ces familles courageuses qui souffrent tous les jours de la loi des bandes et des caïds, et qui ne tolèrent plus depuis longtemps votre culture de l'excuse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Au passage, madame Assassi, je suis assez surpris de vous entendre, d'un même souffle, demander plus de policiers en Seine-Saint-Denis et déplorer qu'il y ait trop de policiers en France. Finalement, vous êtes contre l'État policier en France, mais vous êtes pour en Seine-Saint-Denis !
Mme Éliane Assassi. Caricature !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Enfin, je regrette, au nom des policiers qui ont travaillé, pris des risques et qui toucheront la prime de résultat, que vous leur refusiez la récompense de leur courage et de leur abnégation. Ils apprécieront, car tous les indicateurs démontrant le professionnalisme et l'implication des policiers et des gendarmes s'inscrivent à la hausse. En 2005, un fait sur trois a été élucidé, contre moins d'un fait sur quatre en 2002. Sur les onze premiers mois de l'année 2006, le taux d'élucidation augmente encore d'un point par rapport à l'année dernière.
Je n'omettrai pas de rappeler également les résultats de notre politique de sécurité routière, qui nous a permis de sauver 8 500 vies et d'éviter 120 000 blessés sur les routes depuis 2002.
S'agissant de la lutte contre l'immigration clandestine, nous avons réalisé près de 20 000 reconduites à la frontière l'an dernier. Nous dépasserons ce chiffre en 2006 et, pour 2007, le ministre d'État a fixé l'objectif de 28 000 reconduites exécutées.
Mme Éliane Assassi. Et vous en êtes fier !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En 2002, il y en avait eu à peine 10 000... Nos résultats sont concrets et incontestables, contrairement à ce que vous prétendez, madame Assassi et monsieur Gautier. À cet égard, le bilan de la majorité que vous souteniez devrait vous inviter à davantage d'humilité.
J'entends certains élus de l'opposition demander le « retour » d'une police de proximité qui a pourtant fait la preuve, entre 1999 et 2002, d'une efficacité toute relative. Loin de tout parti pris idéologique, le ministre d'État l'a réorientée, avec pragmatisme, dans le sens d'une plus grande efficacité.
Monsieur Mermaz, vous faisiez référence à « votre » police de proximité. Employer le mot « proximité » sans l'expliciter n'a aucun sens. Chacun pourrait utiliser sa propre phraséologie. D'ailleurs, M. Bockel a utilisé l'expression « police de contact ». Je pourrais vous parler de police « d'apaisement », de police de « sérénité », de police de « rapprochement »...
M. Louis Mermaz. M. de Villepin parle de police de « tranquillité » !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. M. le Premier ministre a parlé de police de tranquillité publique. Il précisait ainsi que la conception qu'il se fait de la police de tranquillité publique reflète l'attitude actuelle de la police nationale, telle qu'elle est administrée par le ministre d'État. Nous sommes bien dans le prolongement de la politique de proximité que nous avions mise en oeuvre, ainsi que l'a rappelé M. Goujon tout à l'heure, dans la loi d'orientation et de programme relative à la sécurité du 21 janvier 1995.
En 1997, monsieur Mermaz, vous avez enlevé toute sa consistance et son contenu à cette police de proximité. Avec la police de proximité telle que vous la conceviez, un fait sur quatre était élucidé. Aujourd'hui, avec notre politique de sécurité de proximité, c'est un fait sur trois. Ce que vous nous proposez, monsieur Mermaz, c'est de revenir à un fait élucidé sur quatre !
Les Français ne voudraient à aucun prix d'un retour en arrière. Ils savent ce qu'ils ont eu à subir, notamment les plus modestes d'entre eux, de votre politique d'ignorance. Pendant près de cinq ans, vous avez donné des instructions à la police nationale pour qu'elle passe à côté des quartiers difficiles, des cités, sans jamais y pénétrer, laissant livrée à elle-même l'immense majorité de la population, composée d'honnêtes citoyens mis en coupe réglée par des caïds et des malfrats. Les Français ne veulent plus revenir à cette politique, ils auront l'occasion de vous le dire avec la fermeté nécessaire !
Monsieur Mermaz, vous citez à juste titre le rapport du Sénat sur les banlieues. Ce fut le moment le plus pertinent de votre intervention, puisque nous sommes en accord avec les constats de ce rapport et que nous en appliquons d'ores et déjà les propositions. Des partenariats renforcés ont déjà été conclus avec l'éducation nationale, les bailleurs sociaux, les transports publics de voyageurs et les services hospitaliers. Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance - l'avez-vous voté, monsieur Mermaz ? - met en oeuvre nombre de propositions de ce rapport, comme l'ouverture aux résidents étrangers du service volontaire citoyen de la police nationale ou la coordination renforcée entre police nationale et police municipale. Que de contradictions de votre part !
Je relève le caractère mesuré des propos de M. Bockel sur ce sujet, trop souvent caricaturé. Son approche critique mais constructive tranche sur les polémiques stériles. Le ministre d'État engage d'ores et déjà une réflexion sur une nouvelle loi de programmation qui fixerait un cadre stratégique à partir de 2008. Les pistes qu'a ouvertes M. Bockel me paraissent très intéressantes à explorer dans ce cadre.
Vous avez raison, monsieur Zocchetto, les violences aux personnes sont la seule catégorie de délits en augmentation. Monsieur Rouvière, vous prétendez que ces crimes et délits ont augmenté de 17 % depuis 2002. À votre place, j'aurais essayé de rester modeste parce que vous omettez, malheureusement, de rappeler qu'ils avaient augmenté de 42 % entre 1998 et 2002. Alors, quelle est la meilleure politique : la nôtre ou la vôtre ?
Je vous rappelle, au demeurant, que les violences aux personnes ne représentent qu'un fait délictueux sur neuf et qu'elles augmentent trois fois moins vite qu'entre 1998 et 2002. Je précise surtout que, parmi elles, les violences sexuelles et les violences crapuleuses, c'est à dire liées aux vols, ne sont pas en hausse, monsieur Zocchetto, mais en baisse, respectivement de 11 % pour les violences sexuelles et de 9 % pour les violences crapuleuses, entre 2002 et 2006.
Les violences qui progressent le plus sont les violences gratuites, notamment celles qui se commettent dans la sphère privée. Ce phénomène de société nous inquiète, je ne vous le cache pas, et fait l'objet de plusieurs dispositions du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui vous sera prochainement présenté en deuxième lecture.
Je note par ailleurs avec intérêt, monsieur Rouvière, que vous semblez avoir votre propre solution. Vous attribuez la délinquance à la suppression du service militaire.
M. André Rouvière. Entre autres !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dois-je en conclure que le parti socialiste souhaite un encadrement militaire pour les délinquants ?
Je connais, monsieur Carle, votre intérêt pour la question de la prévention de la délinquance, en particulier celle des mineurs. Je partage votre constat : il est temps de sortir des polémiques idéologiques et stériles sur cette question.
Le rapport de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs que vous avez remis en juin 2002 avec M. Schosteck constitue une référence dans l'analyse de la délinquance juvénile et formule des propositions intéressantes sur les moyens de la prévenir et d'y remédier. L'action que le ministre d'État a conduite depuis quatre ans va dans le sens des préconisations que vous formuliez alors. Il a tenu à ce que la législature soit marquée par l'adoption d'une loi forte en ce domaine, qui responsabilise les familles et les conforte pour prévenir les dérives et les violences intrafamiliales, qui renforce l'action de la police dans les quartiers sensibles, qui soit sans faiblesse à l'égard des adultes utilisant les mineurs à des fins de mendicité ou de prostitution, qui rende plus efficace la justice à l'encontre des mineurs multirécidivistes. Voilà des objectifs que nous avons en commun et qui se sont traduits par des mesures concrètes depuis 2002 !
La violence frappe aussi de plus en plus les forces de l'ordre. Je veux, devant vous, rendre hommage au travail, au courage et à l'abnégation des policiers et des gendarmes qui se font agresser parce qu'ils font leur travail, entrent dans les cités, arrêtent les délinquants.
C'est bien le signe que, dans les cités, là où la police n'intervenait pas, elle intervient aujourd'hui ! Pourquoi le nombre de policiers et de gendarmes blessés augmente-t-il de 35 % lorsqu'ils pénètrent dans les cités ? Parce qu'auparavant, ils n'allaient pas au coeur des cités démanteler un certain nombre de réseaux mafieux ! Depuis que la mission des forces de l'ordre est d'intervenir pour protéger les honnêtes citoyens, les agressions et les guets-apens dirigés contre elles sont beaucoup plus nombreux.
Dois-je rappeler d'ailleurs que, dans ces cités, 5 % des délinquants commettent 50 % des actes de délinquance ?
Pour lutter contre les attaques les plus lâches, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition du Gouvernement, un amendement tendant à faire des guets-apens contre policiers, gendarmes et pompiers un crime. J'espère - mais je n'en doute pas un seul instant, s'agissant en tout cas du côté droit de l'hémicycle -, que le Sénat votera à son tour cette disposition.
La violence, l'actualité nous le rappelle, frappe malheureusement aussi les stades.
La réponse passe d'abord par un effort des clubs et des municipalités en matière de vidéosurveillance dans les enceintes sportives.
Ensuite, la loi du 23 janvier 2006 et son décret d'application du 16 mars 2006 ont donné aux préfets la possibilité de prononcer des interdictions administratives de stade à l'encontre de personnes qui, par leur comportement, menacent l'ordre public.
Enfin, monsieur Gautier, un décret d'application de la loi Goasguen sera prochainement signé, pour permettre la dissolution des associations de supporteurs qui se seraient signalés par leur comportement pendant et à l'issue d'un match de football. C'est d'ailleurs le fond d'une réponse que j'ai apportée jeudi dernier à une question d'actualité de M. Goujon.
Le code pénal permet de punir les hooligans, les vrais supporteurs n'attendant rien d'autre, pour leur sécurité et pour l'image de ce merveilleux sport qu'est le football.
Cela étant, monsieur Gautier, vous déplorez la mort dramatique d'un supporteur, intervenue récemment à l'issue d'un match du Paris Saint-Germain. Vous êtes bien le seul à exploiter ainsi un événement aussi tragique à des fins politiciennes, mais, puisque vous avez souhaité vous engager dans cette voie, il est de mon devoir de poser les questions suivantes : combien de morts aurait-on évitées si vos amis, avant 2002, avaient adopté les méthodes de police scientifique que les lois que vous dénoncez tant ont mises en place depuis ? Combien de morts aurait-on évitées s'ils avaient développé, par exemple, le fichier des empreintes génétiques ? On aurait probablement arrêté Guy Georges, on aurait sans doute aussi arrêté Michel Fourniret, on aurait tout simplement sauvé des vies innocentes. En votant contre les projets de loi que nous avons présentés, ce sont ces vies, celles d'innocentes victimes, que vous avez mises en danger !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous continuerons, par ailleurs, à mener une action de fond contre les trafics et l'économie souterraine.
Je prendrai pour exemple de cette action le travail des groupes d'intervention régionaux, les GIR, dans lesquels M. de Montesquiou voit, à juste titre, une preuve tangible du caractère interministériel de la mission « Sécurité ». Les GIR ont permis l'interpellation de 17 651 délinquants, dont 4 132 ont été placés sous mandat de dépôt.
J'en reviens maintenant aux objectifs de résultats du projet annuel de performance pour 2007. Je citerai, parmi ces objectifs, faire baisser la délinquance de voie publique d'au moins 2 %, réaliser 4 000 interpellations d' « aidants » à l'immigration irrégulière, augmenter encore d'un point le taux d'élucidation des crimes et délits.
Pour atteindre ces objectifs, les moyens financiers que je vous propose d'allouer en 2007 à la police nationale s'élèvent à 8,19 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une progression de 2,3 % par rapport au budget de 2006.
J'ai pris bonne note des remarques du rapporteur pour avis de la commission des lois et du rapporteur spécial de la commission des finances, qui souhaitent que l'on aille plus loin en matière d'indicateurs communs à la police et à la gendarmerie. Même si 80 % des indicateurs sont d'ores et déjà partagés par les deux programmes de la mission « Sécurité », nous pouvons faire mieux encore.
En tout état de cause, des réunions de coordination se tiendront dès le début de l'année prochaine, afin de préparer le projet annuel de performance pour 2008, dans une perspective de convergence accrue entre les deux forces.
Nous pouvons sans doute, comme vous le mentionnez, messieurs Courtois et de Montesquiou, améliorer nos indicateurs pour mieux mesurer l'efficience de nos procédures. Les pistes que vous indiquez sont intéressantes, et nous avons commencé à les exploiter.
En matière de rétention administrative, le travail en cours mené sur le logiciel ELOI, pour « éloignement », devrait nous permettre d'avancer dans le sens que vous souhaitez.
S'agissant des vices de procédure, il faut savoir qu'ils n'apparaissent souvent que dans la phase d'instruction ou de jugement des affaires, c'est-à-dire, dans la plupart des cas, plusieurs mois, voire plusieurs années, après la transmission du dossier à la justice.
II faut mettre en place un outil statistique « police-justice », à travers les systèmes d'information ARIANE, en ce qui concerne la police et la gendarmerie, et CASSIOPEE, en ce qui concerne la justice, pour suivre chaque dossier de l'interpellation au jugement et calculer ainsi l'indicateur.
Je sais que vous accordez, monsieur Courtois, une grande importance à la création de ce système ARIANE, commun à la police et à la gendarmerie, dédié à l'identification, aux rapprochements judiciaires et à l'analyse criminelle, en remplacement des applications STIC et JUDEX. Comme vous le savez, l'accord formalisant ce projet a été signé, il y a un peu plus d'un mois, le 30 octobre dernier. Le système ARIANE sera donc opérationnel dès décembre 2007 ou janvier 2008, au plus tard.
Comme vous l'avez dit, monsieur Karoutchi, il faut rappeler une autre performance, le respect des engagements stratégiques votés par le Parlement : pour la première fois, une loi de programmation, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, aura été scrupuleusement et intégralement respectée jusqu'à son terme ; 2007, dernière année d'exécution de cette loi, verra la mise en oeuvre du budget de la parole tenue.
S'agissant des effectifs, la remise à niveau se poursuivra l'an prochain avec 1 000 nouveaux recrutements, dont 850 gardiens de la paix. Ce sont 6 200 fonctionnaires supplémentaires qui auront ainsi été recrutés en cinq ans, dont 4 200 fonctionnaires actifs. En comptant les adjoints de sécurité, les effectifs de la police nationale pourront ainsi, pour la première fois, dépasser 150 000 unités l'an prochain. Qu'il me soit d'ailleurs permis de rappeler que, en 2002, nous avions perdu l'équivalent de près de 9 000 éléments dans la police nationale, du seul fait du passage aux 35 heures ; nous avons quasiment compensé cette perte aujourd'hui. L'engagement a été respecté et tenu.
Ces effectifs sont répartis de façon rationnelle sur l'ensemble du territoire, au regard de critères objectifs réexaminés annuellement. C'est dans ce cadre, madame Troendle, que, le 1er décembre dernier, dix-huit gardiens de la paix supplémentaires sont venus renforcer les effectifs de la circonscription de Mulhouse. Je connais d'ailleurs la valeur et le mérite des policiers de Mulhouse, qui, à deux reprises en trois ans, ont bénéficié, à titre collectif, de la prime de résultats exceptionnels. Je veux vous remercier du soutien que vous avez apporté à notre politique, madame la sénatrice. D'une certaine façon, les policiers de Mulhouse vous doivent beaucoup.
Le nombre des policiers est une question importante, leur utilisation dans le cadre des missions qui leur incombent en est une autre.
Vous avez, monsieur Courtois, attiré mon attention sur les escortes et transfèrements judiciaires ; à juste titre, car la réduction des missions qui détournent les policiers et les gendarmes de leurs fonctions prioritaires est une orientation stratégique de la LOPSI. Nous progressons enfin dans cette voie : à la demande du ministre d'État, ministre de l'intérieur, ainsi que de Mme la ministre de la défense, le Premier ministre a récemment décidé de transférer à l'administration pénitentiaire les tâches d'escorte et de garde des détenus hospitalisés. Le ministre d'État a aussitôt donné des instructions aux préfets pour que des mesures d'application immédiates soient prises au plan local.
En ce qui concerne l'équipement, nous achèverons en 2007 les grands programmes prévus dans la LOPSI. En particulier, tous les policiers auront le pistolet Sig-Sauer, et tous les policiers en tenue recevront la nouvelle tenue.
Pour lutter contre les violences urbaines, il sera procédé à l'acquisition supplémentaire de 500 pistolets à impulsion électrique, afin que les policiers disposent en plus grand nombre d'armes à létalité réduite.
Par ailleurs, 400 véhicules légers ont été équipés, dès 2005, de caméras embarquées pour identifier les auteurs de ces violences urbaines, et aussi pour protéger les policiers, dont l'action est souvent mise en cause. En 2007, nous achèverons aussi la couverture du territoire métropolitain par le réseau ACROPOL.
Je remercie M. Courtois d'avoir consacré une partie substantielle de son rapport à la thématique de la police technique et scientifique.
Vous avez, monsieur le sénateur, après votre visite à Écully, bien mis en exergue les progrès réalisés, que vous qualifiez de « spectaculaires » concernant les empreintes génétiques. Ce sont 350 000 profils qui sont inscrits dans le fichier national automatisé, soit cent fois plus qu'en 2002. Le nombre des affaires résolues grâce à lui est passé, mesdames, messieurs les sénateurs, de trois au total avant mai 2002 à 400 ou 500 affaires par mois en 2006. J'attire votre attention sur ces chiffres ! Or, sur les travées de gauche, non seulement on n'a cessé de dénoncer les textes que nous avons présentés, concernant par exemple les fichiers STIC ou le fichier national des empreintes génétiques, mais on a souvent, aussi, déposé des recours devant le Conseil constitutionnel pour tenter de retarder la mise en oeuvre des politiques qui, aujourd'hui, nous permettent de résoudre de 400 à 500 affaires par mois !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous avez également mentionné, monsieur Courtois, les nouveaux gisements d'efficacité que nous explorons activement avec la mise à jour plus systématique des informations contenues dans les fichiers, la modernisation du fichier des empreintes digitales, pour intégrer la photographie et les empreintes palmaires - je signale au passage que plus de 300 terminaux y seront connectés à la mi-2007 -, le renforcement de la coopération judiciaire et policière européenne dans le cadre des traités existants, notamment le traité de Prüm, signé par la France et ses partenaires le 27 mai 2005.
J'ajouterai, à propos de ce traité de Prüm, dont j'ai signé hier matin, à Bruxelles, au nom du ministre de l'intérieur, l'accord d'exécution, qu'il sera désormais possible de « balayer » instantanément, chaque fois qu'une demande de consultation sera présentée, l'ensemble des fichiers des empreintes génétiques des sept pays signataires, qui ne sont pas tous dirigés par un gouvernement du centre ou de centre-droit partageant nos convictions idéologiques, mais qui, tous, ont eu suffisamment de pragmatisme pour comprendre que la criminalité est transfrontalière et que, dès lors, nous devons pouvoir mettre en commun nos outils en matière d'identification des empreintes génétiques. Cela nous permettra de mettre hors d'état de nuire beaucoup plus de criminels agissant sans se soucier des frontières.
Vous avez donc eu raison, monsieur Courtois, d'insister sur ce traité. Les ministres de l'intérieur des sept pays concernés ont signé hier, à Bruxelles, l'accord d'exécution qui permet la mise en oeuvre effective de ses dispositions. La future présidence allemande a fait savoir qu'elle souhaite, au cours du premier semestre de 2007, proposer l'intégration des dispositions les plus substantielles du traité dans une ou plusieurs décisions du Conseil.
Concernant la France, le traité et son accord d'exécution sont actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État, qui devrait rendre son avis avant la fin du mois de décembre. Du fait des délais de ratification et de mise en place des outils informatiques, la mise en oeuvre effective des dispositions contenues dans le traité devrait intervenir à la fin de 2007 ou au début de 2008. Or notre pays exercera la présidence de l'Union en 2008 : il pourra la mettre à profit pour aller plus loin, si le gouvernement qui sera alors en place fait preuve d'un engagement aussi ferme que le nôtre pour la sécurité des Français.
Au total, le projet de budget du programme « Police nationale » qui vous est présenté, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit, hors masse salariale, 1,14 milliard d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 3,1 %, soit 35 millions d'euros.
Cela étant, nous sommes d'accord avec M. de Montesquiou : il ne suffit pas d'augmenter les moyens, il faut aussi les utiliser mieux et autrement. Nous avons fait le choix des économies structurelles et des gains de productivité. Je rappelle, à cet égard, le redéploiement des effectifs entre police et gendarmerie, désormais achevé en métropole depuis le 1er septembre, la zonalisation de l'emploi des forces mobiles, la réorientation pragmatique de la police de proximité, et, bien sûr, la réforme des carrières, que j'évoquerai dans un instant.
Je prendrai l'exemple de la commande publique : le regroupement des commandes avec la gendarmerie permet des économies significatives, à hauteur de 130 millions d'euros en quatre ans en ce qui concerne l'achat des armes.
Je rappellerai aussi les gains de productivité obtenus. Par exemple, la sécurité publique, à effectifs constants, a augmenté de 7 % en un an le volume horaire total de sa présence sur la voie publique ; c'est donc là un gain de productivité de 7 % en un an. Pour rendre le même service à productivité constante, il aurait fallu embaucher 6 000 fonctionnaires : qui niera l'effort entrepris et le résultat obtenu ?
Le développement de la vidéosurveillance permet de nouveaux gains de productivité. Comme M. Goujon l'a souligné avec raison, un plan d'équipement est nécessaire : il est en préparation à la préfecture de police de Paris. Il me paraît souhaitable que la Ville de Paris s'y associe.
Monsieur Barbier, je veux vous indiquer que le décret d'application prévu sur ce point par la loi anti-terrorisme a été publié au Journal officiel du 29 juillet 2006.
Sur ce sujet de la lutte anti-terroriste que vous avez aussi évoqué, monsieur Girod, je voudrais simplement rappeler que le Livre blanc, loin d'être resté confidentiel, a été publié à la Documentation française et diffusé afin de lui donner une large audience. Ce document, qui a précisé à nouveau les menaces et clarifié la doctrine, inspire continûment l'action gouvernementale.
Monsieur Goujon, vous avez évoqué à juste titre le partenariat entre la police nationale et la Ville de Paris au sujet des crèches et des logements, dans l'objectif essentiel de fidéliser les policiers à Paris. Je crois que les marges de progression de la Ville de Paris en la matière sont importantes.
Le budget pour 2007 du programme « Police nationale » comportera à cet effet, comme vous l'avez souligné monsieur Karoutchi, 33,2 millions d'euros consacrés à l'action sociale, avec un effort prononcé en Île-de-France. Comme l'ont rappelé Mme Assassi, MM. Barbier et Zocchetto, il est aussi nécessaire pour l'efficacité de la police nationale de mettre en place des prêts à taux zéro, des places en crèche et des logements réservés supplémentaires. Nous avons engagé ces actions, ce qui devrait vous inciter à soutenir le budget que nous vous présentons.
Comme la fidélisation est un objectif primordial, nous avons créé pour les gardiens l'obligation statutaire de rester cinq ans dans leur première région d'affectation. Et c'est pour inciter financièrement les policiers à rester en poste qu'existent par exemple la prime de fidélisation - qui peut atteindre 800 euros par an pour un gardien de la paix - et l'avantage spécifique d'ancienneté, qui atteint un à deux mois par année passée dans la même circonscription.
Monsieur Carle, je vous rappelle l'attention particulière que le ministre d'État a souhaité porter aux victimes. Il y a un an, il installait la délégation aux victimes. Depuis, cinquante espaces de confidentialité ont été aménagés dans les commissariats et de nombreux services ont mis en place des dispositifs de prise de plainte plus importants à certaines heures de la journée. Vingt-trois permanences d'associations d'aide aux victimes fonctionnent aujourd'hui. Nous avons le souci permanent et impératif de faciliter le dépôt de plainte et d'offrir aux victimes l'écoute et l'assistance qu'elles sont en droit d'attendre.
Comme chacun l'a rappelé dans cet hémicycle, ce budget de la mission « Sécurité », avec son programme « Police nationale », est le dernier de la législature et de la LOPSI. Il parachève le travail de réforme et de modernisation entrepris depuis plus de quatre ans, lorsque les Français ont marqué dans les urnes leur inquiétude face à l'insécurité.
L'engagement financier a été tenu, celui sur les résultats aussi. Dans un temps où le scepticisme sur la parole politique est immense, c'est un domaine où un Gouvernement a dit ce qu'il allait faire, et fait ce qu'il avait dit. Nous ne pouvons que souhaiter, le ministre d'État et moi-même, que cette volonté perdure au-delà de l'exercice budgétaire qui nous occupe aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier les rapporteurs et chacun des intervenants de l'attention qu'ils ont manifestée à l'égard de la gendarmerie.
Nous examinons aujourd'hui le dernier budget de la législature pour la gendarmerie, c'est aussi le dernier de la période de programmation prévue par la LOPSI. Il conforte quatre années d'action destinées à donner à la gendarmerie les moyens de ses missions.
Ce budget, qui accompagne aussi un renouveau de grande ampleur de la gendarmerie, s'inscrit strictement dans l'exécution de la LOPSI.
Les crédits du programme « Gendarmerie nationale » augmentent de 2,9 %, c'est-à-dire plus fortement que ceux de l'ensemble de la mission « Sécurité », dont la hausse est déjà supérieure à celle de bien d'autres missions. Cette augmentation correspond à ma détermination à donner à la gendarmerie les moyens nécessaires à l'exercice de ses missions.
Depuis 2002, les crédits que vous avez votés pour la gendarmerie ont toujours été sanctuarisés et utilisés conformément à ce qui était prévu. Cet argent n'a pas été utilisé, comme je l'entends dire parfois, pour les besoins des armées, qui ont bénéficié de crédits dans le cadre de la loi de programmation militaire, la LPM. Comme j'ai eu l'occasion de vous l'exposer hier, ici même, la LPM entre, elle aussi, dans sa dernière année d'une exécution tout à fait conforme aux prévisions.
Quels sont les moyens de la gendarmerie ?
La gendarmerie, c'est tout d'abord plus de 100 000 hommes et femmes. Moins nombreux que leurs collègues policiers, les gendarmes assurent la sécurité des Français sur 96 % du territoire, dans des conditions parfois difficiles et risquées.
En cet instant, nous serons tous d'accord pour leur rendre un hommage solennel. Depuis un an, douze gendarmes sont morts en service et 1 645 autres ont été blessés. Ne les oublions pas !
En 2007, 950 emplois de gendarmes seront créés. Cela porte à 6 050 le nombre d'emplois créés pour la gendarmerie en cinq ans, soit une augmentation des effectifs de 6 %. Bien peu de corps de fonctionnaires, militaire ou civil, ont connu une évolution comparable depuis 2002.
Monsieur Faure, cette augmentation est quasiment le maximum que l'on puisse faire, compte tenu de la capacité d'accueil des écoles de la gendarmerie. On peut certes créer des postes, mais encore faut-il que ces personnels soient formés avant d'être envoyés sur le terrain. Les 950 derniers postes ne seront donc créés qu'en 2008, en raison de cette insuffisante capacité d'absorption.
Monsieur Barbier, nous avons des difficultés à nous occuper de la formation des policiers municipaux puisque nous n'arrivons déjà pas à assurer celle de la totalité des gendarmes dont les emplois peuvent être mis à notre disposition.
Je voudrais rassurer M. Courtois : les gendarmes recrutés sur ces nouveaux emplois sont affectés prioritairement aux missions d'ordre et de sécurité publics. Je tiens à ce qu'ils soient prioritairement affectés à ces missions au plus près du terrain, comme je le rappelle régulièrement à la direction générale de la gendarmerie nationale. Ce n'est pas dans les états-majors que nous avons le plus besoin de gendarmes, mais bien sûr le terrain, dans nos communes.
L'effort porte aussi sur la réserve. Les réservistes de la gendarmerie jouent un rôle particulièrement actif. Leur importance est reconnue : les crédits, en 2007, atteindront 41 millions d'euros. Les 25 000 réservistes représenteront un doublement de leur nombre par rapport à 2002.
En faisant défiler, pour la première fois, des réservistes de la gendarmerie le 14 juillet dernier sur les Champs-Elysées, j'ai voulu que la nation leur rende hommage pour leur participation directe à la sécurité des Français. Ils y ont été sensibles.
Au-delà des effectifs, il est essentiel de veiller à la condition des personnels.
Le plan d'adaptation des grades aux emplois que j'ai lancé en 2004, mis en oeuvre pour la troisième année consécutive, renforce la capacité d'encadrement en ouvrant notamment de nouvelles perspectives aux sous-officiers : 750 postes d'officiers et 634 de sous-officiers supérieurs seront créés par transformation de postes de sous-officiers. En trois ans, 64 millions d'euros auront été consacrés à ce plan.
Les crédits d'investissement, qui sont les moyens matériels mis à la disposition des gendarmes, ouverts au titre de la LOPSI augmentent de 10 % en 2007. Ils s'élèvent à 220 millions d'euros. La gendarmerie bénéficie de plus, au même titre que les armées, de l'effort budgétaire réalisé par la LPM. Au total, la gendarmerie recevra 570 millions d'euros.
Ces crédits permettront de commander en 2007 les nouveaux véhicules blindés de la gendarmerie. Ceux-ci doivent remplacer les véhicules actuels, qui datent de la fin des années soixante et dont le taux de disponibilité est inférieur à 60 %.
Comme l'a souligné M. Jean Faure, les 97 millions d'euros d'autorisations d'engagement permettront de commander les 78 premiers véhicules sur les 122 attendus. Le marché sera notifié en début de l'année 2007, pour une première livraison en 2008.
Le remplacement des véhicules blindés s'ajoute au renouvellement du parc d'hélicoptères. En 2006, les marchés de renouvellement des hélicoptères d'intervention et de surveillance ont été mis en oeuvre comme prévu.
Il s'agit ensuite des équipements de terrain, comme les nouvelles tenues, les gilets pare-balles et les pistolets de nouvelle génération. Les escadrons de gendarmerie mobile sont progressivement équipés du nouveau véhicule de groupe. Les télécommunications et l'informatique ne sont pas oubliées : 100 millions d'euros y seront consacrés l'an prochain.
En matière d'immobilier, élément clé de la gendarmerie et de la disponibilité des personnels, j'ai obtenu les moyens de dynamiser notre politique. En plus des 220 millions d'euros, 400 millions d'euros permettront cinq opérations immobilières de grande ampleur réalisées selon l'article 3 de la LOPSI.
Parmi elles, le transfert du siège de la gendarmerie nationale à Issy-les-Moulineaux permettra de regrouper en 2008 douze sites aujourd'hui dispersés à Paris et en banlieue.
En 2007, plus de 4 000 unités de logement seront mises en chantier. Les constructions domaniales augmenteront de 130 % et, comme cette politique a été lancée depuis un certain temps, le nombre de livraisons fera plus que doubler en 2007 par rapport à la moyenne de 2003-2006, avec près de 3 000 unités de logement livrées.
Le succès des la formule des baux emphytéotiques administratifs, les BEA, n'est plus à démontrer. Comme l'ont remarqué MM. Faure et de Montesquiou, il faut être vigilant car les BEA contribuent à l'augmentation des charges de loyers, d'autant plus que certains opérateurs se montrent particulièrement gourmands. Il n'est pas admissible qu'un intervenant opérateur s'installe en situation de quasi-monopole, en particulier au motif de son statut public. Il doit y avoir une mise en concurrence.
J'ai proposé au ministre délégué au budget d'aménager le décret de 1993 relatif aux subventions d'investissement afin de le rendre plus attractif pour les collectivités locales, car elles nous permettent de renouveler plus rapidement le parc immobilier de la gendarmerie, qui laisse encore beaucoup à désirer dans certains endroits. Nous manquons de moyens parce que des constructions sont nécessaires, mais aussi parce que le parc est mal entretenu.
Afin d'améliorer la qualité de l'entretien du parc immobilier, j'ai décidé de lancer une première phase d'externalisation de la gestion des logements de gendarmerie, en commençant en particulier par les lieux où l'entretien laissait le plus à désirer. Le mauvais état du parc prouvait l'inefficacité de l'ancien système. L'externalisation est une nouvelle voie très pragmatique pour améliorer la situation.
La première phase concernera trois ensembles : les gendarmeries du Nord et de Picardie, quatorze casernes domaniales d'Île-de-France et six casernes domaniales de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ces trois appels d'offres aboutiront à la sélection des lauréats à la fin du premier trimestre prochain.
Au bilan, la mise en oeuvre de la LOPSI pour la gendarmerie représente une des réussites du Gouvernement. Bien entendu, comme pour la police, les objectifs quantitatifs n'ont pas encore été totalement atteints. Ainsi que je le soulignais à l'été 2002, la mise en oeuvre de la LOPSI aurait été plus facile si elle avait été annualisée, comme la LPM, ce qui aurait permis un meilleur suivi.
Néanmoins, le coup d'accélérateur que j'ai donné à la LOPSI depuis deux ans, avec votre soutien, ce dont je vous remercie, a quasiment permis d'effacer les retards résultant des négociations budgétaires de l'été 2004.
Aujourd'hui, la gendarmerie nationale est prête à répondre aux missions qui lui ont été fixées, ce qui représente un bel effort et un bon résultat depuis 2002.
Cette amélioration budgétaire s'est accompagnée d'un renouveau profond de la gendarmerie.
D'abord, nous constatons que, aujourd'hui, la gendarmerie est encore plus efficace. Les principaux objectifs en matière de délinquance sont atteints. Les résultats en matière de sécurité routière sont remarquables. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit à ce sujet Christian Estrosi.
Je note ensuite les succès récents de la gendarmerie, en complément d'ailleurs de la police nationale, dans la lutte contre l'immigration irrégulière. Au cours des huit premiers mois de l'année, le nombre de personnes mises en cause par la gendarmerie pour avoir facilité l'immigration illégale a augmenté de 60 %.
Je veux enfin souligner la participation de la gendarmerie dans la lutte contre le terrorisme, à travers notamment l'action quotidienne des unités, l'emploi des unités spécifiques et la protection des points sensibles, aussi bien en France qu'à l'étranger.
Au-delà de ces résultats concrets, je tiens également à souligner devant vous les changements majeurs qui font que la gendarmerie de 2007 ne ressemble plus à la gendarmerie de 2002.
D'abord, le caractère militaire de la gendarmerie est confirmé. Le retour au recrutement des officiers par les écoles supérieures militaires, la place significative de la gendarmerie dans le nouveau statut général des militaires et la nomination d'un officier général à sa tête renforcent son caractère militaire.
Dans le même temps, la coopération avec les armées est devenue une réalité quotidienne, qui va bien au-delà des 5 % d'activité militaire dont j'entends parler de temps à autre. Par exemple, la gendarmerie maritime et la marine travaillent main dans la main pour la défense de nos côtes et de nos ports.
La gendarmerie de l'air et l'armée de l'air assurent la continuité de la défense de l'espace aérien, comme l'a d'ailleurs montré l'interception récente d'un ULM aux environs de la centrale nucléaire de Flamanville.
L'action de la gendarmerie sur certains territoires, notamment outre-mer, requiert, comme je l'ai constaté il y a peu dans les Antilles et en Guyane, un lien étroit avec l'armée de terre. Ce lien se manifeste de plus en plus.
Je tiens à dire que je suis favorable à une interarmisation poussée de nos moyens. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai demandé à l'armée de l'air et à l'armée de terre de mettre de façon permanente des moyens aéroportés à la disposition du GSIGN, le groupe de sécurité et d'intervention de la gendarmerie nationale, à Satory.
Le caractère militaire de la gendarmerie n'empêche pas une excellente collaboration avec la police, monsieur Goujon, notamment dans les groupements d'intervention régionaux, dans le réseau des attachés de sécurité intérieure ou encore concernant le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
Mais, plus que jamais, la gendarmerie est une force armée parmi d'autres, conformément à nos principes républicains, qui ont toujours su éviter le regroupement des forces de sécurité. La gendarmerie doit donc demeurer sous la responsabilité du ministre de la défense.
Dans le même temps, les cadres d'emploi de la gendarmerie se sont diversifiés. L'action de la gendarmerie ne se limite pas à ses missions de police. Elle intervient d'abord dans le cadre des opérations intérieures, les OPINT, lors des sommets internationaux ou en cas de catastrophe naturelle.
Grâce à la réaffirmation de son caractère militaire, les missions exercées sous l'autorité du chef d'état-major des armées sont en pleine expansion.
Près de 600 gendarmes sont actuellement en opérations extérieures. Sur des théâtres en cours de stabilisation, leur présence est extrêmement utile et appréciée, compte tenu de l'éventail des actions qu'ils sont susceptibles de mener, depuis les actions de simple police jusqu'aux actions de haute intensité. Je compte favoriser ces déploiements.
M. Faure a raison de le souligner : le budget que j'ai l'honneur de vous présenter comporte une provision pour les OPEX de 15 millions d'euros pour la gendarmerie. C'est une grande première ! Le budget s'en trouve ainsi clarifié. Cette provision facilitera les OPEX menées par la gendarmerie.
La gendarmerie exerce aussi ses missions dans un cadre européen, au sein de la Force de gendarmerie européenne. Cette force, dont la création avait été proposée par la France à Rome, est devenue une réalité depuis 2004.
Les évolutions que j'ai lancées depuis 2002, mesdames, messieurs les sénateurs, sont appelées à se poursuivre.
Je suis convaincue que, à l'avenir, la gendarmerie devra continuer de travailler de façon de plus en plus étroite avec les armées, comme avec la police, et que ses missions seront de plus en plus liées à l'Europe de la défense et de la sécurité.
Depuis 2002, l'organisation interne de la gendarmerie a profondément évolué.
Avec Nicolas Sarkozy, nous avons réussi dans les délais prévus les redéploiements police - gendarmerie. C'est un véritable succès, comme l'a souligné M. Karoutchi.
Les communautés de brigade ont toutes été mises en place. Je crois que la réforme a été bien comprise par les autorités administratives et judiciaires, mais aussi - je le constate au cours de mes déplacements - par les élus locaux.
Monsieur Rouvière, je pense que les résultats parlent d'eux-mêmes : augmentation des heures de patrouille, de jour comme de nuit, baisse de la délinquance. Toutefois, et je veux bien le reconnaître, cette réforme n'est pas totalement achevée. La mise en réseaux informatiques se termine. Elle facilitera désormais à la fois le commandement et le partage de l'information entre les gendarmes.
La réorganisation du commandement territorial a pris effet au 1er juillet 2005. Là aussi, les premiers retours d'expérience de cette nouvelle organisation sont positifs.
Enfin, la gendarmerie est engagée, avec le reste du ministère, dans la stratégie ministérielle de réforme. La politique d'externalisation - je vous en parlais tout à l'heure - et d'interarmisation a permis d'économiser 371 emplois en cinq ans et de supprimer 502 emplois vacants, sans aucun impact sur la capacité de la gendarmerie à remplir ses missions, ce qui prouve qu'on peut se renforcer tout en étant économe.
En conclusion, je vous dirai, mesdames, messieurs les sénateurs, que la gendarmerie a été l'une de mes priorités depuis cinq ans. Engagée tous azimuts, elle représente un élément important de notre politique de défense et de sécurité. Elle contribue à la tranquillité d'esprit et à la sécurité concrète des Français, ainsi qu'à la préservation de la paix intérieure et de nos institutions. Sa disponibilité totale, sa discipline militaire, son moral retrouvé, son encadrement renforcé en font une force d'avenir.
Permettez-moi de vous adresser à tous un message : tout cela a été fait et bien fait. Il ne faudra pas relâcher l'effort dans les années à venir. Nous devons tous rester mobilisés, parce qu'il y va de la sécurité des Français et de celle de la France. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité » figurant à l'état B.
État B
(en euros)
Mission |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Sécurité |
16 312 002 491 |
15 703 314 658 |
Police nationale |
8 400 401 440 |
8 191 713 607 |
dont titre 2 |
7 054 108 134 |
7 054 108 134 |
Gendarmerie nationale |
7 911 601 051 |
7 511 601 051 |
dont titre 2 |
6 058 028 794 |
6 058 028 794 |
J'ai été saisi d'une demande d'explication de vote de la part de Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je renonce à la parole, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Sécurité ».
(Ces crédits sont adoptés.)
Article additionnel avant l'article 51 septies
M. le président. J'appelle en discussion l'amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 51 septies qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Sécurité ».
L'amendement n° II-224, présenté par Mmes Mathon - Poinat, Assassi, Borvo Cohen - Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Avant l'article 51 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2002-1094 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, après les mots : « des personnels », sont insérés les mots : « actifs et retraités ».
II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :
Sécurité
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. À l'occasion de la présentation de cet amendement, permettez-moi d'évoquer la question des pensions des fonctionnaires retraités de la police nationale.
La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a modifié les articles L. 15 et L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite et instauré le principe d'une revalorisation annuelle automatique des pensions du montant de la hausse des prix évaluée par l'INSEE.
En application de cette réforme, les anciens retraités de la police nationale ne bénéficient plus des revalorisations des personnels actifs de la police nationale.
À ce jour donc, la pension acquise au moment de la liquidation des droits des retraités est gelée, à l'exception de la revalorisation annuelle du montant de la hausse des prix évaluée par INSEE.
En vertu de la nouvelle loi, la pension des retraités ne pourra pas être revalorisée en fonction des nouveaux indices de traitement des corps d'origine de chaque retraité tels qu'ils résultent de la réforme des corps et carrières, alors même que les retraités de la police appartiennent à la réserve statutaire et qu'ils sont, par conséquent, toujours liés à leur administration, le ministère de l'intérieur.
Il apparaît donc que, à échelon égal, et alors qu'ils font partie du même corps et qu'ils ont le même grade, des fonctionnaires de police perçoivent des pensions d'un montant différent selon la date de leur départ en retraite, décidée par l'administration en fonction de leur âge, ce qui entraîne une rupture d'égalité pour les retraités de la police nationale.
À titre d'exemple, un capitaine de police qui a pris sa retraite le 10 juillet 2005 perçoit une pension au taux de 75 % de l'échelon exceptionnel, soit 2 263,95 euros. Celui qui est parti en retraite le 1er novembre 2005, soit trois mois plus tard, perçoit une pension de 2 293,48 euros, soit 29,53 euros de plus.
Au fil des mois et des années, compte tenu notamment des augmentations indiciaires importantes résultant de la réforme des corps et carrières, la disparité des pensions va se creuser davantage entre policiers du même corps, ayant satisfait au même concours, suivi la même formation et accompli une carrière identique.
Cette réforme des pensions est donc injuste. L'État a rompu ses engagements vis-à-vis de ses fonctionnaires, dont les salaires très bas en début de carrière étaient compensés par des pensions de retraite indexées sur le traitement des actifs. La revalorisation INSEE qui a cours actuellement ne permet pas de préserver leur pouvoir d'achat.
Par conséquent, dans un souci de justice salariale à l'égard des retraités de la police nationale, il conviendrait de rétablir les dispositions des articles L. 15 et L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui prévoyaient avant la réforme de 2003 l'indexation des pensions sur le traitement des actifs, tant d'un point de vue salarial que d'un point de vue catégoriel.
Tel est le l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Chère collègue, cet amendement, dont l'objet indique qu'il s'agit d'un amendement de précision, est en réalité un amendement d'appel. S'il était adopté, il n'emporterait aucun effet juridique dans la loi Fillon puisqu'il vise à modifier la LOPSI !
Cet amendement tend en fait à ouvrir un débat dépassant largement le cadre d'une loi de finances et touche au régime des retraites de la fonction publique.
Un débat sur ce sujet aura lieu en 2008, comme le prévoit la loi Fillon.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Assassi, il est surprenant en effet que vous qualifiiez cet amendement d'amendement de précision ! Ce n'est pas ainsi que je l'ai interprété.
Le Gouvernement émet, vous le comprendrez, un avis défavorable, et ce pour deux raisons.
D'abord, il n'apparaît pas raisonnable de modifier la LOPSI si près de son échéance.
Ensuite et surtout, les retraites constituent un sujet délicat, qui mérite d'être traité dans la concertation, en procédant à toutes les études d'impact nécessaires. On ne peut traiter une matière aussi grave à l'aveuglette. Avec sagesse, la loi Fillon prévoit un réexamen global du dossier en 2008, sur le fondement d'études précises et surtout à l'issue d'une concertation approfondie avec les partenaires sociaux, au sein du Conseil d'orientation des retraites.
Je suis donc surpris que vous présentiez cet amendement sans que la moindre concertation ait été engagée.
Pour notre part, nous sommes très attachés au dialogue social et au respect des procédures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. Alors, engagez-le !
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Nous voterons cet amendement. La réaction qu'il a provoquée chez le vice-ministre de l'intérieur (Sourires) prouve d'ailleurs qu'il était très utile !
Monsieur Estrosi, la gauche ne vous a pas attendu pour fournir à la République de grands ministres de l'intérieur, que ce soit Georges Clemenceau, Georges Mandel, Gaston Defferre ou Pierre Joxe. Je pourrais en citer de nombreux autres. Nous avons fait aussi bien que vous aujourd'hui !
Pour conclure, je souhaite que les conseils que vous a donnés notre excellent collègue Jean-Marie Bockel, sur un ton qui m'a fait penser à celui que l'on emploie à l'Académie des sciences morales et politiques, puissent vous servir, car en matière de proximité et de tranquillité publique, tranquillité publique qu'appelle de ses voeux le Premier ministre, il y aurait des choses à revoir. Vous pourriez progresser dans votre réflexion !
Mme Éliane Assassi. Bravo !
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité civile » (et article 51 septies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité civile est une préoccupation majeure de nos concitoyens, qui attendent des autorités qu'elles mettent tout en oeuvre pour les protéger contre les risques de toute nature.
À l'occasion de la mission de contrôle sur l'état de la flotte aérienne de sécurité civile que j'ai effectuée, je me suis rendu à la fois sur la base de Marignane pour les Canadairs, sur celle de Nîmes pour les hélicoptères, ainsi qu'auprès des démineurs de Toulon, en passant par les formations militaires de la sécurité civile de Brignoles.
Je tiens d'ailleurs à rendre ici à ces personnels un hommage tout particulier, pour la qualité de leur engagement et leur extraordinaire dévouement.
Je souhaiterais, ensuite, rappeler que le Sénat avait proposé la création d'une mission interministérielle « Écologie et maîtrise des risques ». Monsieur le ministre, au mois de janvier 2006, vous avez engagé une réflexion sur le sujet. Les échanges entre les ministères concernés ayant fait apparaître des difficultés, le Premier ministre avait annoncé qu'il confierait une mission à une personnalité qualifiée dont les conclusions devaient être rendues avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2007. Ce calendrier n'a pas été tenu. Pourriez-vous nous préciser les raisons de cet abandon ?
Je me permettrai, maintenant, de formuler quelques observations.
L'évolution générale des crédits de la mission, détaillée dans mon rapport, illustre le caractère cyclique des programmes d'investissement lourd, avec une période creuse pour l'année 2007. En effet, l'achat de Dash ou de Canadairs devrait être achevé en 2006 et les futurs contrats ne devraient pas être encore réellement lancés. En conséquence, il faudra s'attendre à une hausse des crédits de paiement pour 2008 et 2009.
Dans mon rapport de contrôle, je vous avais signalé l'existence d'une polémique autour de l'avion Dash qui avait opposé l'administration et les pilotes, ces derniers jugeant les spécifications de l'avion peu adaptées aux missions de lutte contre les incendies. L'efficacité de cet appareil a donc été testée pendant la saison des feux de 2006.
Aux dires d'une grande partie des acteurs, les capacités de cet appareil présentent une bonne adéquation avec les besoins actuels. Certains pilotes manifestent pourtant encore leur opposition. C'est pourquoi j'ai l'intention de les rencontrer dès le début de l'année 2007.
Par ailleurs, je tiens à vous faire part d'une certaine perplexité quant au financement du douzième Canadair. Monsieur le ministre, je suis bien sûr favorable à cette acquisition que vous aviez confirmée en mai dernier. Toutefois, les crédits nécessaires sont introuvables et n'apparaissent nulle part pour le moment ! Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Permettez-moi ensuite d'évoquer le programme « Coordination des moyens de secours » et la réforme du fonds d'aide à l'investissement, le FAI. Actuellement en cours de préparation sous votre autorité, une telle réforme se traduit, dans le projet de loi de finances pour 2007, par une baisse des crédits de paiement de 65 millions d'euros à 37,5 millions d'euros.
La justification de ce coup de frein apporté au soutien des SDIS, services départementaux d'incendie et de secours, serait la récurrence des retards constatés dans la consommation de ces crédits. Notons toutefois que ces retards tendent à diminuer ! Par ailleurs, il faut relativiser : des retards sont également signalés dans les délégations de crédits aux préfets de zone. De surcroît, les échanges avec le ministère, nécessaires à la validation des équipements retenus, augmentent aussi ces délais.
Enfin, ce n'est pas l'adjonction des 13 millions d'euros affectés à la mise en oeuvre du projet ANTARES, visant à adosser le réseau de communication des SDIS au réseau ACROPOL, qui apaisera nos craintes ! En effet, nécessaires pour adapter leurs propres réseaux, les charges complémentaires pesant sur les SDIS vont être importantes et entraîner, une nouvelle fois, des financements conséquents pour les départements.
Monsieur le ministre, vous serait-il possible de nous apporter des précisions sur cette réforme ?
Ainsi, deux questions essentielles - l'une relative au financement du douzième Canadair, l'autre relative à la réduction des crédits du FAI - étant encore sans réponse suffisante, je serai personnellement réservé quant à l'adoption de ces crédits.
Par ailleurs, l'article 51 septies rattaché à la mission et introduit par l'Assemblée nationale prévoit que le document de politique transversale sur la sécurité civile présentera un état détaillé des dépenses engagées par les collectivités au titre des SDIS. Je ne peux qu'être favorable à une plus large diffusion de cette information.
La commission des finances, quant à elle, vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Sécurité civile » ainsi que l'article 51 septies rattaché. (Applaudissements sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais insister avant tout sur l'entreprise de modernisation de la sécurité civile menée collectivement depuis 2002, notamment grâce à la loi du 13 août 2004. Une telle démarche a conduit notre organisation des secours à s'adapter à des menaces toujours plus complexes.
Dans cette mise en oeuvre, je souhaiterais retenir à la fois un motif de satisfaction et un regret qui perdure...
Tout d'abord, à l'actif, signalons que la plupart des dispositions de la loi de 2004 sont désormais applicables. Près de 80 % des décrets d'application ont été pris. Toutefois, parmi les décrets restants, il subsiste deux mesures dont la publication semble particulièrement urgente.
Il s'agit, d'une part, du décret qui doit préciser les obligations des exploitants chargés de services au public pour satisfaire les besoins prioritaires de la population en cas de crise ; d'autre part, du décret qui doit préciser les mesures appropriées à prendre dans les établissements médico-sociaux pratiquant un hébergement collectif permanent pour garantir la sécurité des personnes hébergées en cas de défaillance énergétique.
Pourriez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, sur le calendrier de publication de ces deux mesures ?
Ensuite, en revanche, je me dois d'insister sur la nécessité de revoir la définition trop étroite de la mission, et ce alors que la sécurité civile est, par nature, interministérielle. La constitution d'une grande mission est urgente pour favoriser les synergies entre les différents acteurs de la prévention des risques et de la protection des populations. Je n'ose croire que les réticences de certains services ministériels suffisent à bloquer cette adaptation de bon sens.
En outre, il faut rappeler que cette mission ne comprend pas l'essentiel des dépenses de secours assumées par les SDIS. À cet égard, je souligne que le total des contributions des collectivités locales aux SDIS s'élève à 3,5 milliards d'euros.
Le budget de la mission « Sécurité civile » stricto sensu, qui s'élève à 429,38 millions d'euros en crédits de paiement, constitue un budget de transition, qui fait suite à l'achèvement de grands programmes d'investissement. Je ne reviendrai pas sur la remise à niveau des capacités de la flotte aérienne, déjà commentée par M. le rapporteur spécial.
Sur le plan transversal, je souhaite évoquer la refonte du fonds d'aide à l'investissement des SDIS.
Chacun comprend que l'on doive éviter d'adopter une logique de saupoudrage pour assurer le financement d'équipements prioritaires comme le programme ANTARES, lequel doit aboutir à l'interopérabilité des communications de tous les acteurs des secours que nous appelons de nos voeux. Toutefois, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer qu'une part du FAI, non négligeable souhaitons-le, restera sanctuarisée pour une répartition entre les SDIS ? En effet, il y va de la solidarité et de la péréquation entre les départements, leurs besoins et leurs niveaux d'équipement étant hétérogènes.
De même, il faut concilier les éventuelles avancées statutaires en faveur des sapeurs-pompiers professionnels et les moyens des SDIS. Le compromis qui, au terme de longues négociations, avait été trouvé pour l'application des accords Jacob me semblait équilibré. Aussi, comme un grand nombre de mes collègues, je regrette l'attitude de certaines organisations professionnelles qui ont rompu les négociations le 15 novembre dernier et se sont engagées dans une certaine surenchère de revendications qu'il était impossible d'accepter en raison de leur coût pour la population et de l'écart qui en aurait résulté avec le reste de la fonction publique.
Permettez-moi de profiter de cette occasion pour déplorer les violences qui ont marqué la manifestation du 21 novembre, au cours de laquelle certains comportements ont choqué nos concitoyens dans la sympathie qu'ils éprouvent pour le courage des sapeurs-pompiers. J'espère que, sur ce point, le bon sens l'emportera.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il s'agissait en effet de violences invraisemblables, intolérables, honteuses...
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. En contrepoint, qu'il me soit permis de rendre hommage aux sapeurs-pompiers volontaires qui composent l'écrasante majorité des pompiers et sans lesquels les secours de proximité seraient impossibles !
Les inquiétudes sur le financement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance semblent désormais levées, notamment par les assurances qui ont été données à cette tribune durant les jours passés.
Dans ce contexte tendu, en tant que membre de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, je voudrais témoigner de l'importance de cette instance présidée avec compétence par notre collègue Éric Doligé. Elle permet aux élus, aux sapeurs-pompiers et à l'État de travailler de concert pour préparer l'avenir des SDIS. Au-delà de la gestion de certaines tensions, elle pourrait à l'avenir, me semble-t-il, valider les bonnes pratiques opérationnelles ou managériales constatées dans certains SDIS cependant que la base de données Infosdis du ministère facilitera les comparaisons. Je me félicite de la création de cette base qui répond à la culture d'évaluation que je défends depuis longtemps.
Monsieur le ministre, vous savez que je suis très attaché au concept de la sécurité civile pour tous que développe le Gouvernement. Vous serait-il possible de faire un point rapide sur la mise en oeuvre de la formation scolaire aux gestes de premier secours et aux risques, qui constitue un pas important dans le sens de cette nouvelle citoyenneté ?
Monsieur le ministre, il semble possible d'affirmer que le pari de dessiner une politique de défense et de sécurité civiles adaptée à son temps est gagné. Je tiens donc à vous faire part de mon soutien et à vous confirmer que la commission des lois s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 9 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.
Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des Présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, évoquer la mission « Sécurité civile » en sept minutes, puisque tel est le temps imparti au groupe CRC, relève de la gageure, vous en conviendrez !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dites-nous quelque chose de sympathique, pour une fois ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Cela va être difficile, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
Aussi, plutôt que de commenter les chiffres du budget, qui ont déjà été largement cités par les intervenants précédents, j'axerai mon propos sur la situation des sapeurs-pompiers de mon département, la Seine-Saint-Denis.
Toutefois, au nom des sénateurs de mon groupe, je tiens auparavant à saluer le dévouement et le courage des pompiers même si je regrette les débordements qui ont eu lieu le 21 novembre dernier, débordements orchestrés par quelques individus qui ne sont pas représentatifs de l'ensemble du corps des sapeurs-pompiers et qui ne doivent pas servir de prétexte pour rester sourd à leurs revendications.
Mme Éliane Assassi. Voyez, monsieur le ministre délégué, vous avez tout de même de quoi être content !
Si je rends hommage aux sapeurs-pompiers, je considère aussi qu'il est urgent de satisfaire leurs revendications.
Service indispensable pour la sécurité des populations, l'activité des sapeurs-pompiers évolue au rythme des grandes mutations qui affectent les modes de vie, y compris dans leur dimension sociale et comportementale. La notion de secours aux personnes et, par là même, le cadre des missions des sapeurs-pompiers se sont sensiblement modifiés.
Ainsi, et alors que les sapeurs-pompiers professionnels sont très souvent en première ligne, notamment dans les quartiers difficiles, les chefs des sapeurs-pompiers ont été exclus - par décret - du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire instituée au mois de juillet dernier pour les agents des collectivités territoriales appelés à intervenir dans les zones sensibles.
On peut donc légitimement comprendre la déception de l'ensemble des pompiers, qui sollicitent la réouverture de négociations en vue d'obtenir, dans la continuité de la reconnaissance de la dangerosité de leur métier par la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, le rétablissement de la nouvelle bonification indiciaire, mais aussi un vrai plan de carrière et un départ à la retraite à cinquante-cinq ans dans des conditions acceptables. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Quant aux sapeurs-pompiers volontaires, ils demandent le versement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, la PFR, instituée par la loi du 13 août 2004 précitée.
Répondre à ces justes revendications est légitime au regard de la qualité de leur travail, effectué dans des conditions de plus en plus difficiles.
Une fois encore, nous avons ici l'illustration d'une charge dévolue à une collectivité territoriale et non compensée.
Alors que la loi précise le partage à parité du coût de cette prestation, il s'avère que, sur les deux exercices 2005 et 2006, la contribution de l'État n'a pas couvert la moitié du coût de la PFR - 40,6 % au lieu de 50 % - laquelle sera versée à l'avenir aux seuls sapeurs-pompiers volontaires qui justifieront de vingt ans de service alors que la cotisation portera sur l'ensemble des effectifs.
Qu'il me soit permis de me féliciter de l'adoption, la semaine passée, de l'amendement, présenté par mon groupe, visant à abonder la DGF de 12 millions d'euros afin de rattraper enfin l'écart de 2005.
Au-delà, le budget national de la sécurité civile reste bien modique : les effectifs stagnent et les crédits de paiement baissent de 8,7 %.
Cette attitude est à mettre en relation avec la logique de désengagement de l'État et de départementalisation des politiques publiques.
Le présent budget occulte complètement le rôle des collectivités territoriales qui, par l'intermédiaire des SDIS, prennent en charge la plus grande part des missions de secours et des dépenses qui en découlent.
L'État a pourtant le devoir d'assurer ses missions régaliennes de sécurité civile afin que la population bénéficie sur tout le territoire d'une même qualité de secours. Pour ce faire, il est nécessaire de rééquilibrer ses dotations aux SDIS et de rechercher des financements complémentaires.
La demande de protection contre les risques naturels ou technologiques augmente, commandant des normes de sécurité de plus en plus exigeantes.
Face aux nouveaux risques qui émergent depuis quelque temps, les pouvoirs publics doivent réfléchir à l'organisation et à l'optimisation d'un service public performant en matière de protection civile.
Ces risques, qu'ils soient la conséquence du développement économique déréglementé, des modifications environnementales ou climatiques, des mutations de l'agriculture, doivent faire l'objet d'une gestion cohérente de la part de l'État et disposer des moyens d'intervention les plus performants.
Or, il est avéré que les SDIS, dont les agents sont souvent parmi les premiers à intervenir dans les secours apportés à la population, doivent sans cesse revoir à la baisse le budget consacré aux recrutements, à la formation et au reclassement des personnels.
Permettez-moi d'évoquer maintenant plus particulièrement la situation de mon département, qui participe au financement de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, la BSPP, à hauteur de 29 millions d'euros par an.
Augmenter la participation de l'État permettrait de remédier au déficit de sapeurs-pompiers en Seine-Saint-Denis, qui est le territoire où il y a le moins de pompiers par habitants.
L'État doit également s'attaquer aux conditions de travail des pompiers, qui sont trop souvent catastrophiques, singulièrement dans les casernes de la Seine-Saint-Denis.
Je rappellerai simplement que la réfection de la caserne de Pierrefitte n'est prévue que pour 2010... Ce n'est pas acceptable ! Il est temps d'accélérer la reconstruction de ces locaux.
Par ailleurs, les activités opérationnelles de la BSPP connaissent une augmentation continuelle. Ainsi, le nombre d'interventions annuelles est passé de 252 347 en 1985 à 415 868 en 2004, soit une augmentation de 65 % en vingt ans.
Les moyens humains, matériels et techniques mis à disposition ont dû progresser en conséquence.
L'essentiel de la croissance de leurs interventions concerne le secours aux victimes. Cette situation s'explique pour partie par le développement de la précarité, la détérioration de la vie sociale dans notre pays et le désengagement d'un certain nombre d'acteurs de la mission de secours aux victimes, dont les médecins libéraux et les ambulanciers privés, voire la faiblesse des moyens du SAMU.
Dans certains quartiers, les pompiers sont bien souvent les derniers acteurs extérieurs à intervenir. On fait appel à eux dans tous les domaines. Il est devenu humainement difficile pour les pompiers de travailler dans de telles conditions.
Il paraît donc indispensable de recentrer les missions des sapeurs-pompiers sur l'essentiel. Le manque d'effectifs ajouté à l'augmentation des missions qui ne sont pas propres aux pompiers entraîne une situation difficile à laquelle il convient de remédier de façon urgente.
Il est indispensable de revoir à la hausse la participation de l'État au financement de la BSPP, participation qu'il a décidé de manière unilatérale de réduire de 37,5 % à 25 % à l'occasion de la loi de finances pour 1995, les 75 % restants étant répartis au prorata de la population entre Paris, les communes et les départements de la petite couronne.
En ce domaine, comme dans bien d'autres, l'État se décharge de ses compétences sur les collectivités territoriales sans assumer la compensation à un niveau suffisant.
Pour conclure, parce que le présent budget n'est pas à la hauteur des enjeux en matière de sécurité civile et qu'il ne répond ni aux attentes des citoyens, qui souhaitent avoir accès à un service public de qualité, ni aux revendications des sapeurs-pompiers, nous voterons contre les crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, mon intervention est principalement destinée à expliquer le vote du groupe socialiste. Nous gagnerons ainsi du temps, monsieur le ministre, et vous pourrez vous coucher plus tôt, puisque vous êtes apparemment le seul à travailler dans ce ministère ! (Sourires.)
Non pas qu'il n'y ait rien à dire sur ce sujet majeur, particulièrement dans le monde dans lequel nous évoluons - inondations, tempêtes de plus en plus fréquentes et violentes, problèmes environnementaux, risques sanitaires, interventions à l'extérieur du territoire... -, mais cette mission se résume à si peu, tant par son champ d'action que par les moyens financiers dont elle est dotée, qu'elle ne permet pas d'avoir une lisibilité sur l'ensemble des moyens consacrés à la sécurité civile.
Tout a déjà été dit et, sur bien des sujets, les constats s'accordent. Ce budget peut faire l'unanimité au moins sur les points suivants : la faiblesse des moyens engagés par rapport aux dépenses des collectivités territoriales et l'absence de prise en compte des observations formulées l'année dernière sur la présentation des moyens de la sécurité civile.
Le poids financier réel de la sécurité civile n'est pas présenté. Les moyens engagés par les collectivités territoriales ne figurent nulle part alors que leur participation à travers les SDIS s'élève à 3,5 milliards d'euros. Dans le même temps, l'effort de l'État pour 2007 passe de 463 millions d'euros à 429 millions d'euros, soit une diminution de plus de 7 %.
Si je prends l'exemple de mon département, on peut noter dans le projet de budget pour 2007 une augmentation considérable - de 18 % - des charges de fonctionnement des SDIS, atteignant 38,4 millions d'euros, chiffres plus élevés que ceux de la Seine-Saint-Denis, pour un département pourtant moins peuplé. Ces charges augmentent d'année en année.
Je veux bien que l'on nous présente ce budget, ainsi que l'a fait notre rapporteur pour avis, comme un budget de transition. Une chose est certaine, ce sont encore les collectivités territoriales qui devront continuer, dans ce domaine, d'assumer les désengagements de l'État.
Il en va de même, je vous le rappelle incidemment, de la politique de prévention en matière d'incendies de forêt. Je clame en vain que l'on ne saurait traiter efficacement ces incendies sans traiter les deux bouts de la chaîne, de l'entretien régulier de la forêt à l'intervention. Sans une politique permanente dans ce domaine, nous ne progresserons pas.
Que ce budget soit au moins l'occasion de saluer le courage des pompiers professionnels et volontaires et de rendre hommage à ceux qui sont morts dans l'exercice de leur fonction ! Je ne peux pas ne pas évoquer, à mon tour, les trois pompiers du Var qui sont décédés cette année en service commandé.
Tous les rapports, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, s'accordent sur la faiblesse des moyens alloués à cette mission, sur la situation déséquilibrée entre l'État, qui prend des décisions, et les collectivités territoriales, qui en supportent les conséquences financières. Pour autant, l'ensemble des commissions appelle à voter pour ce budget. Comprenne qui pourra !
Pour sa part, le groupe socialiste, tirant les conséquences logiques de ces remarques, votera contre les crédits de la mission « Sécurité civile » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. Il faut, bien sûr, monsieur le ministre, relativiser les 429 millions d'euros de crédits de la sécurité civile et les comparer à l'effort financier global consenti par les contribuables en ce domaine.
Les départements dépensent 4,7 milliards d'euros pour les services départementaux d'incendie et de secours, les autres ministères dépensent, pour le même objectif, 473 millions d'euros, soit un total de 5,6 milliards d'euros. Ce montant est à rapprocher du budget de l'agriculture - presque le double -, du budget de la culture - le double - et du budget de la justice - presque autant !
Nos concitoyens n'ont pas toujours conscience de ce que représente la sécurité civile dans leurs contributions fiscales locales. Est-il bien normal qu'ils l'ignorent ? Ne pourrait-on envisager, monsieur le ministre, de consacrer sur la feuille d'imposition locale une ligne spéciale à cette contribution ?
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Tout le monde le demande mais personne n'en veut !
M. André Vallet. Ce sera ma première question, monsieur le ministre.
Les services départementaux d'incendie et de secours ont vu leurs charges s'alourdir dans de fortes proportions ces dernières années, et le désengagement progressif de l'État fait peser sur les départements des charges nouvelles considérables.
Ainsi, la part départementale est passée de 43,7 % à 52,9 %. Une étude commandée par l'Assemblée des départements de France prévoit une augmentation de la contribution des départements de 7 % à 8 % par an pendant trois ans.
Ma deuxième question est la suivante : l'État prévoit-il, si ces prévisions pessimistes se confirment, d'atténuer les charges départementales ?
À cet égard, je me réjouis que l'amendement de Michel Mercier, adopté la semaine dernière en première partie du projet de loi de finances, permette d'abonder la dotation de compensation des départements, au sein de la DGF, de 12 millions d'euros supplémentaires, au vu des engagements de l'État lors de la mise en place du régime de retraite applicable aux sapeurs-pompiers volontaires. Cette mesure, même si elle ne règle pas tout, permettra de donner un peu de souffle aux départements, qui sont contraints d'augmenter tous les ans leurs impôts.
L'élu des Bouches-du-Rhône que je suis est sensible, monsieur le ministre, au problème posé par le parc des bombardiers d'eau, considéré aujourd'hui comme insuffisant et mal adapté. Il fait l'objet de ma troisième question.
M. le rapporteur spécial a abordé tout à l'heure le sujet des Dash 8, qui, c'est le moins que l'on puisse dire, sont mal acceptés par les pilotes ; on se demande pourquoi n'ont pas été choisis les Canadair de la nouvelle génération ! Par ailleurs, va-t-on remplacer rapidement les six Tracker ayant atteint aujourd'hui la limite d'âge ?
J'aimerais aussi, monsieur le ministre, évoquer les revendications des sapeurs-pompiers qui ont récemment, d'une matière très condamnable, manifesté sur la voie publique. Je crois qu'il n'est pas bon, quelle que soit la sympathie qu'inspire cette profession, de voir des pompiers mettre le feu à des poubelles, il n'est pas bon de voir des pompiers barrer des routes, il n'est pas bon de voir des pompiers caillasser des forces de police.
Nous devons néanmoins, au-delà de la forme excessive de leur protestation, être attentifs aux problèmes qu'ils expriment. Oui, ce métier est dangereux, tout autant que d'autres. Il faut que l'État le reconnaisse et apporte à cette profession des réponses concrètes. Y êtes-vous prêt, monsieur le ministre ? Ce sera ma quatrième question.
Je voudrais enfin revenir sur les dérapages de votre ministère au sujet des règles de bonification s'appliquant aux adjudants-chefs. Le 7 novembre, à l'Assemblée nationale, votre collègue M. Hortefeux a déclaré que, « en raison d'un défaut de rédaction et de l'absence d'un examen par la conférence nationale, le nombre de bénéficiaires est passé de 3 000 à 28 000 », ce qui a entraîné un surcoût de 50 millions d'euros. Au moment où le ministre de l'intérieur évoque la nécessaire « responsabilité des fonctionnaires », j'aimerais connaître les mesures qui ont été prises à l'encontre de ceux qui ont si mal rédigé ce texte ! Ce sera là ma cinquième question.
Je terminerai, monsieur le ministre, en vous demandant d'accentuer votre attachement à une véritable culture de sécurité civile - M. le rapporteur pour avis a déjà mentionné ce point -, afin que cette préoccupation trouve un écho dans la population hors des circonstances dramatiques. La loi de modernisation de la sécurité civile prévoit la sensibilisation des jeunes aux gestes de premier secours. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
La France peut être fière de sa sécurité civile, de ses 250 000 pompiers, de leur dévouement, de leur courage, de leur abnégation, de leur conscience professionnelle.
Je souhaite, quels que soient les prochains gouvernements, que les mutations de la sécurité civile se poursuivent sereinement dans les années à venir.
C'est la raison pour laquelle, malgré quelques inquiétudes, nous ne voulons pas refuser les crédits nécessaires à cette évolution. Le groupe de l'UC-UDF, monsieur le ministre, votera donc les crédits que vous proposez, mais sera très attentif aux réponses que vous voudrez bien apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je ne vous surprendrai pas, monsieur le ministre, en annonçant d'ores et déjà que, suivant en cela l'avis de la commission des finances et celui de la commission des lois, le groupe UMP vous apportera son soutien et votera les crédits de la mission que vous nous avez présentés.
Je dirai, si vous me le permettez en cet instant, ma satisfaction personnelle d'avoir entendu M. le rapporteur pour avis entonner une certaine chanson que je vous ai déjà chantée cet après-midi quant à l'interministérialité et à la nécessité d'élargir la notion de sécurité pour rassembler dans une réflexion beaucoup plus large l'ensemble des questions qui se posent à notre pays du fait que le monde dans lequel nous vivons est un monde dangereux qui se complexifie et dans lequel les réponses ne sont désormais plus « sécables » entre différents corps d'intervention.
Je dirai aussi ma satisfaction, personnelle, mais également d'ordre général, devant les résultats obtenus cet été dans la lutte contre les feux de forêts, résultats dans lesquels on peut déceler la convergence de plusieurs éléments : la politique menée en matière d'équipement des SDIS ; la solidarité interdépartementale, qui a permis au Midi d'avoir à sa disposition les moyens terrestres dont il avait besoin ; le renforcement des systèmes de veille et d'intervention préventive ; le renforcement de l'action de la justice, qui a très largement découragé un certain nombre d'apprentis incendiaires de consacrer leur activité à cette vocation coupable. Enfin, l'intervention du corps aérien a été d'une efficacité particulière.
Certes, un conflit, ou semi-conflit, est né autour des Dash. J'ai cependant l'impression, tout comme le rapporteur spécial, que, d'une certaine manière, ce débat est derrière nous.
Un autre débat, en revanche, est devant nous, comme M. Vallet vient de le souligner : celui que suscite l'obsolescence des Tracker. Je crois, monsieur le ministre, qu'il nous faut mener une réflexion globale et plus poussée sur l'ensemble du corps aérien et peut-être sur son unification. Je rappelle que le Tracker avait été choisi en son temps parce que c'est un avion terrestre, alors que le Canadair avait la réputation d'être un hydravion pompeur d'eau : en réalité, le Canadair est un ancien avion de brousse qui a été transformé pour les missions que nous connaissons !
En ce qui concerne les SDIS, monsieur le ministre, je voudrais souligner un point. Certes, l'État négocie un certain nombre de moyens et soutient, à travers le fonds d'aide à l'investissement, diverses opérations d'investissement. Non sans raison, celles-ci ont d'ailleurs été réorientées pour porter plus particulièrement sur l'échelon interdépartemental, de façon à ne pas répéter les effets de saupoudrage et les doublons un peu excessifs qui se sont produits ces dernières années. Cela permettra de disposer à relative proximité de quelques moyens lourds d'intervention en cas de catastrophe majeure.
Pour le reste, monsieur le ministre, ce sont les conseils généraux qui assurent le financement des SDIS, et les décisions que vous prenez, que vous prendrez ou que vous serez amené à considérer - certes, en tenant compte des observations de la conférence générale -, même si elles valent à l'échelon national, trouveront en définitive leur traduction financière au niveau local. Dans l'état actuel des choses, je suis obligé de souligner la tristesse qu'éprouvent nombre d'élus devant ce qui vient de se passer et devant les dérives que l'on sent latentes.
Il est certaines choses que l'on n'ose pas dire. Il faut tout de même savoir en faire parfois état.
Je ne considère pas comme tout à fait normale la fameuse grille qui impose au sein des corps des sapeurs-pompiers professionnels un nombre de gradés déterminé en fonction du nombre de volontaires qui travaillent à leurs côtés, même si plusieurs de ceux-ci ont fait l'effort de formation et de prise de responsabilité suffisant pour avoir mérité des grades de sous-officier ou d'officier. Ainsi, je connais un département - dont un représentant se trouve dans cette salle - qui se voit obligé de recruter tous ses sapeurs-pompiers professionnels au-dessus du grade de sergent au seul motif qu'il compte un nombre considérable de sapeurs-pompiers volontaires. Il faut que cela se sache !
Peut-être pourrait-on, à la lumière de ces observations, tempérer quelque peu les excès d'un certain nombre de revendications, par ailleurs fort mal exprimées et dans des conditions que nous considérons les uns et les autres comme déplorables. Le risque, sinon, est d'entacher un corps que tout le monde aime, que tout le monde considère comme efficace, que tout le monde estime dévoué, mais au sein duquel certaines dérives se sont accumulées au fil du temps. Celles-ci ne permettent pas aux pompiers, si méritants soient-ils, de revendiquer n'importe quoi, n'importe comment, à n'importe quel instant.
Reste un dernier point, monsieur le ministre, sur lequel je voudrais vous interroger : la dimension européenne de la sécurité civile.
M. Barnier, ancien ministre, a déposé voilà quelque temps un rapport sur ce que pourrait être une politique européenne de sécurité civile. Quel est votre sentiment, monsieur le ministre, sur ce qu'il est possible d'envisager, sur ce qu'il serait souhaitable d'envisager, et, surtout, sur la façon de procéder pour éviter, en cas d'intervention couplée de différents corps européens, les malentendus qui peuvent surgir ? Je citerai l'exemple des difficultés de mise en oeuvre des grandes pompes allemandes lors des inondations dans le sud-est français...
Quels moyens peut-on envisager, avec la Commission ou, à côté d'elle, à travers des accords intergouvernementaux, pour que la sécurité civile soit une oeuvre certes nationale, mais aussi européenne ? N'oublions pas les catastrophes potentielles qui sont devant nous, d'une part, à travers les risques technologiques que notre civilisation nous impose et, d'autre part, du fait du caractère parfaitement vicieux des terroristes qui sont en face de nous ? Ceux-ci sauront très rapidement modifier l'occurrence des catastrophes accidentelles d'ordre technologique, quelle qu'en soit la nature, catastrophes qui, de ce fait, déboucheront sur des drames de masse, faisant plusieurs milliers de morts, ce que malheureusement nous ne sommes pas encore tout à fait prêts à traiter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie les rapporteurs de leur analyse approfondie et pertinente des enjeux de la mission « Sécurité civile », et je vais m'efforcer de leur répondre, ainsi qu'aux orateurs, tout en apportant un éclairage sur les principales articulations du budget pour 2007 de cette mission.
Je commencerai par évoquer les grands programmes d'équipement en moyens aériens. En cinq ans, de 2002 à 2007, notre gouvernement aura à la fois remis à niveau et considérablement diversifié et modernisé la flotte de bombardiers d'eau.
Nous acquerrons en 2007 le douzième Canadair, perdu en 1997 mais qui n'a jamais été remplacé. Le rapporteur spécial, M. Haut, a demandé à juste titre des précisions sur le schéma de financement de l'acquisition de ce dernier aéronef, schéma qui n'était pas fixé au moment de la discussion devant l'Assemblée nationale. Un Canadair coûte environ 25 millions d'euros. Son financement fera appel, pour une part significative, soit environ 10 millions d'euros, à des économies réalisées par les services opérationnels de la sécurité civile et, pour une autre part, d'environ 15 millions d'euros, à des économies de constatation sur les dépenses du titre 2 des deux programmes de la mission « Sécurité civile ».
Le projet de loi de finances qui vous est soumis prévoit aussi l'achat de trois hélicoptères de type EC 145 afin de remplacer deux hélicoptères accidentés en 2003 et 2006 et d'amorcer le remplacement des Alouette III, qui seront retirés du service en 2008.
En 2005, 10 000 personnes ont été secourues par les personnels navigants de la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile, soit une toutes les heures. Une telle performance ne va pas sans risque : je songe, en ce moment précis, aux agents du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire morts à Gavarnie en juin dernier dans un accident d'hélicoptère.
Les personnels navigants du Groupement d'hélicoptères de la sécurité civile font, vous le savez, un métier très exposé ; ils le font avec générosité, ils le font avec un professionnalisme reconnu et dans le respect des procédures rigoureuses dans lesquelles ils effectuent efficacement des missions délicates ; malheureusement, cela n'a pas évité des accidents tragiques.
À MM. Haut et Vallet, je veux dire que nous achèverons aussi en 2007 le programme Dash, d'un montant de 58 millions d'euros. Cet avion ayant fait l'objet d'un certain nombre d'inquiétudes, le ministre d'État a voulu qu'il soit expérimenté cet été avant de prendre une décision définitive. Il s'est révélé rapide, puissant, précis, généralement décisif et a été apprécié par les sapeurs-pompiers en intervention. Il vient donc d'être officiellement intégré dans la flotte opérationnelle de la sécurité civile.
Nous avons conjugué cette modernisation des équipements avec un quadrillage préventif systématique des zones à risque, un engagement rapide des moyens aériens sur les feux naissants et une participation croissante des services de police et de gendarmerie à titre répressif. Cela a donné des résultats remarquables cette année, comme l'a noté M. Guené dans son rapport pour avis. Seuls 5 200 hectares ont été touchés par le feu en 2006 dans les départements méditerranéens, ce qui représente moins du quart de la moyenne décennale. Nous avons touché cette année les dividendes des efforts cohérents de stratégie et d'équipement menés depuis plusieurs années.
L'effort sur le contre-terrorisme continue. Le service du déminage a renforcé de 24 démineurs les postes chargés du déminage à Roissy et Orly. Il poursuivra en 2007 la modernisation de ses équipements avec l'achat de deux embarcations équipées pour l'intervention sur les ferries et la mise en place d'une deuxième chaîne de décontamination à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.
Ce budget poursuit et parfois achève le travail entrepris dans le domaine du pilotage, de la coordination de l'ensemble des moyens de secours en France. En 2002, à Martigues, j'avais annoncé la mise en place du projet ANTARES. Il s'agissait de mutualiser l'infrastructure déployée par l'État au profit de la police et au profit de tous les services publics qui concourent aux missions de sécurité civile.
C'est un pas de géant en termes de coordination des secours, comme le souligne à juste titre M. Guéné dans son remarquable rapport, alors que des SDIS voisins, en 2006 - au XXIe siècle ! - n'ont même pas de réseaux interopérables !
Ce projet représente 118 millions d'euros financés par un prélèvement consenti pour neuf ans, par vos représentants à la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, la CNSIS, sur le fonds d'aide à l'investissement des SDIS. Et c'est en trois ans seulement qu'ANTARES sera déployé sur tous les territoires non couverts par le réseau police.
ANTARES permet d'ailleurs une meilleure géolocalisation des sapeurs-pompiers en intervention et améliorera donc leur sécurité. Les expérimentations conduites avec succès en 2006 l'ont démontré.
Je voudrais, à ce stade, répondre aux interrogations exprimées par le président de la commission des finances et par les deux rapporteurs, MM. Claude Haut et Charles Guéné, sur le fonds d'aide à l'investissement des SDIS, le FAI.
On a adressé à ce fonds un certain nombre de critiques, pas toujours illégitimes d'ailleurs. La première est celle du saupoudrage. Pourtant, le FAI était au départ destiné à financer des priorités structurantes. C'est pour cela qu'il avait été créé dans la loi de finances de 2003.
Mais la totalité des équipements et matériels nécessaires aux missions des SDIS sont éligibles. Dès lors, la plupart des zones se limitent à répartir les subventions du fonds au prorata de la population DGF des départements, et peu d'entre elles sélectionnent réellement les catégories d'opérations à subventionner en fonction de leur intérêt structurel pour la zone de défense. On aboutit donc à un saupoudrage des crédits.
Nous devons mettre fin à ce saupoudrage et revenir à l'esprit initial du FAI. M. le rapporteur pour avis a eu raison de le rappeler. Un projet de réforme du décret du 16 septembre 2003, en cours d'écriture, permettra prochainement de recentrer ce fonds vers les orientations nationales partagées de la sécurité civile. Il sera prochainement discuté au sein de la Conférence nationale des services d'incendies et de secours, où siègent vos représentants.
On a ensuite dit du FAI qu'il ne consommait pas assez ses crédits, pour cause de complexité des circuits.
Sans attendre la réforme des principes, Nicolas Sarkozy a demandé au directeur de la défense et de la sécurité civile de simplifier et de dynamiser, en 2006, la gestion financière du fonds, notamment de déléguer les crédits beaucoup plus tôt, contrairement à ce qu'a indiqué M. le rapporteur spécial. Les résultats sont probants : en 2006, la consommation de crédits de paiement aura sans doute augmenté de 50 % par rapport à 2005.
Mais ce sursaut n'apparaît pas encore suffisant : il restera probablement en fin d'année 16 millions d'euros de crédits de paiement non consommés. Cela veut dire que les services départementaux d'incendie et de secours n'ont pas pu ou pas su faire « sortir » les projets à temps, ou ont revu à la baisse des projets surévalués au départ.
Je voudrais qu'il soit simplement bien noté que l'État était au rendez-vous, avec des crédits de paiement disponibles en 2006, et que la sous-consommation n'est plus de son fait dès lors qu'il a simplifié les circuits au maximum.
Cette faible performance doit nous faire réfléchir et milite, au minimum, pour que l'on se concentre sur les projets structurants, projets qui feront l'objet de la réforme dont je vous ai parlé il y a un instant. Au moins, les crédits seront vite engagés et payés, pour le profit de chacun.
S'agissant des négociations relatives à l'application des accords Jacob aux sapeurs-pompiers professionnels, je ne peux qu'exprimer mon accord sur ce qu'a indiqué M. le rapporteur pour avis : l'avancée acceptée par les élus et par deux syndicats était non seulement équilibrée, mais démontrait par un contenu très substantiel, la volonté partagée de l'État et des financeurs locaux, de réellement aboutir.
Cette proposition de compromis est toujours sur la table et je souhaite, tout comme vous, que les organisations qui ont rompu les négociations pour s'engager dans une surenchère dangereuse puissent enfin retrouver la voie de la raison. Nous nous employons sans relâche, aux côtés des employeurs, à enfin faire accepter le fait qu'avancées et raison ne sont pas inconciliables.
Mme Assasi est intervenue sur la bonification indiciaire en zone urbaine sensible. La brigade des sapeurs-pompiers de Paris intervient sur Paris et les départements de la petite couronne, qui compte plus de 100 zones urbaines sensibles.
L'attribution d'une nouvelle bonification indiciaire au titre des interventions en zone urbaine sensible à des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris suppose une analyse et une évaluation préalables qui sont en cours.
Surtout, il est nécessaire de s'assurer de la cohérence nationale des dispositifs applicables à l'ensemble des 750 zones urbaines sensibles puisque, je vous le rappelle, cet élément fait partie des propositions formulées par les élus et le Gouvernement dans le cadre de la concertation en cours avec les organisations représentatives des sapeurs-pompiers professionnels civils.
La modernisation de la sécurité civile se poursuit activement. Je rappelle à cet égard que 80 % des décrets d'application de la loi de modernisation de 2004 ont été publiés à ce jour. La sécurité civile se modernise, mais qu'en est-il de ses structures financières et des conseils délivrés par le président Arthuis l'an dernier afin que les deux programmes soient fusionnés au sein d'une mission interministérielle regroupant toutes les contributions aux risques, de la prévention de ceux-ci à leur gestion ? M. le rapporteur pour avis a de nouveau évoqué la question.
Nicolas Sarkozy n'a pas attendu longtemps pour reprendre à son compte la proposition du président Arthuis et a écrit en ce sens dès le mois de février. Mais la complexité des ajustements à prévoir, quelle que soit la justesse de l'objectif, a retardé un projet qui, à ma connaissance, n'est pas abandonné.
Je voudrais répondre maintenant à M. Colombat, qui a regretté que les dépenses des collectivités locales ne soient pas retracées dans les documents budgétaires qui vous sont soumis. Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le député Georges Ginesta a fait adopter un amendement tendant à ce que cet effort des collectivités locales en faveur des secours soit retracé dans le document de politique transversale de la mission « Sécurité civile ».
Dans le même registre, celui de l'amélioration de l'information des contribuables, j'ai bien entendu la suggestion formulée par M. Vallet de mentionner sur les rôles d'imposition l'effort en faveur des services d'incendie et de secours. Techniquement, il sera très difficile de mettre en oeuvre une telle mesure. Mais les ressources des technologies de l'information nous permettront d'y apporter une réponse prochainement.
La défense civile se modernise aussi. Le pôle de défense civile de Cambrai, qui sera consacré à la formation à la lutte contre les effets du terrorisme, notamment NRBC - nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique - répond à un impératif de défense et de sécurité auquel le ministre d'État est tout particulièrement attaché. Il ouvrira début janvier, je vous rassure sur ce point, monsieur Girod.
Sous l'égide de l'Institut national des hautes études de sécurité, l'INHES, l'objectif est de former dans un délai de trois ans 800 à 900 stagiaires. Ce sera le noyau dur du pôle auquel pourront s'agréger d'autres formations afin de développer la culture de défense civile.
Je voudrais enfin insister sur l'effort d'indemnisation des conséquences de la sécheresse de 2003. Un effort exceptionnel a été entrepris pour indemniser les propriétaires sinistrés qui n'entraient pas dans le schéma de la procédure classique d'indemnisation : 218,5 millions d'euros devraient à terme y être consacrés, après un abondement additionnel de 38,5 millions d'euros en loi de finances rectificative.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous m'avez interrogé sur la mise en oeuvre de la sensibilisation des élèves à la prévention des risques et de l'apprentissage des gestes de premiers secours.
Pour répondre aux objectifs de l'article 5 de la loi de modernisation de la sécurité civile, les textes réglementaires nécessaires ont été publiés. La circulaire crée un comité de pilotage national qui est installé depuis début décembre en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la santé. Je le sais d'autant mieux qu'à titre personnel, dès lundi dernier, j'ai signé dans mon département ma propre convention avec ces deux ministères.
Ces aspects réglementaires viennent ainsi consolider et harmoniser de nombreuses initiatives locales déjà existantes. Cela m'a permis de revendiquer la mienne au passage.
Madame Assassi, je vous rassure, la prestation de fidélité et de reconnaissance sera versée dès le mois de décembre 2006. Par ailleurs, nous souhaitons, tout comme vous, que les pompiers continuent à intervenir dans les quartiers. J'espère pour cela que vous nous aiderez en votant l'article du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui criminalise les guets-apens dont ils sont l'objet.
M. Paul Girod a très légitimement évoqué le rapport Barnier, qui a été présenté à l'ensemble des ministres de l'intérieur de l'Union européenne. J'étais présent lors de la réunion qui a eu lieu à Bruxelles. Vous avez raison, monsieur Girod, il serait temps que l'Union européenne aille vers une mutualisation ou, en tout cas, une mise en commun d'un certain nombre de moyens.
Que propose dans un premier temps la France - c'est moi qui ai présenté cette proposition ? Que chaque pays identifie dans ses domaines de compétence en matière de sécurité civile ce qu'il sait le mieux faire pour pouvoir le mettre en commun lorsqu'il sera nécessaire d'additionner les moyens des uns et des autres.
Ainsi, durant l'été 2005, lorsque le Portugal a connu des incendies dramatiques contre lesquels il n'était pas particulièrement préparé à lutter, nous avons envoyé un certain nombre de nos aéronefs et mobilisé nos techniciens. Les Portugais nous en ont été fort reconnaissants.
Un grand nombre de nos partenaires du pourtour méditerranéen sont d'ores et déjà favorables à ce que nous nous engagions dans cette voie en cas de séismes, de tremblements de terre, d'intempéries, de tsunami... C'est le cas de nos amis portugais, espagnols, italiens et maltais ; au reste, nos amis allemands y sont également très favorables.
Malheureusement, tous nos partenaires ne sont pas prêts à entamer cette démarche ; les pays scandinaves, notamment, demandent un temps de réflexion. Quoi qu'il en soit, au cours de l'année écoulée, nous avons déjà accompli un grand nombre d'avancées qui pourraient, dès l'année 2007, déboucher sur un embryon d'organisation de sécurité civile au sein de l'Union européenne. En tout cas, monsieur le sénateur, je vous remercie de soutenir et d'encourager cette démarche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la mission « Sécurité civile » marque un effort d'investissement ambitieux sur des équipements très structurants. C'est la raison pour laquelle j'espère, au nom du Gouvernement, que vous voterez les crédits qu'il vous propose de lui consacrer en 2007.
Je terminerai par un mot personnel au nom de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur un sujet qui a été évoqué par un certain nombre d'entre vous, y compris par Mme Assassi.
Le comportement inqualifiable d'un nombre limité de sapeurs-pompiers professionnels doit être condamné avec la plus grande fermeté, alors que le Gouvernement, dans le cadre des négociations engagées, n'a cessé d'être ouvert et que des propositions concrètes ont déjà été formulées.
Nous avons vécu, en novembre 2005, les violences urbaines que vous connaissez tous. Nous avons vu à cette occasion l'immense solidarité des sapeurs-pompiers, des gendarmes, de la police nationale, qui, ensemble, pendant des semaines, ont oeuvré pour rétablir la sécurité de nos concitoyens.
Que des pompiers se soient livrés à des exactions sur des gendarmes qui souffrent aujourd'hui dans leur chair - je souhaiterais que nous ayons une pensée pour eux - est inacceptable, alors que nous savons que les gendarmes comme les pompiers font partie de ces grandes institutions de la nation qui sont parmi les plus aimées et les plus appréciées par l'ensemble de nos concitoyens.
Nous ne pouvons pas accepter que quelques individus seulement viennent salir l'image d'une institution tout entière ; pas une seule cause ne peut justifier une telle attitude. Plus que jamais, le dialogue, la concertation doivent être le maître mot.
Je le répète, en aucun cas, ce type de comportement ne peut être toléré, et je remercie tous ceux et toutes celles qui, ici ce soir, ont condamné ces agissements. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et moi-même, sommes déterminés en tout état de cause à ne pas les accepter, parce qu'il y va de la dignité de cette grande institution que constituent les pompiers professionnels ou volontaires comme ceux qui sont engagés à Paris ou à Marseille dans les forces de la défense nationale.
Bien évidemment, nous devons faire la différence entre les comportements de quelques-uns et la conduite de l'ensemble de celles et de ceux qui se dévouent sans compter pour assurer la sécurité des personnes et des biens, qui ont fait un choix de vie, qui se sont engagés au service des autres, et auxquels il nous appartient de témoigner en toute circonstance notre totale solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Sécurité civile » figurant à l'état B.
État B
(en euros)
Mission |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Sécurité civile |
564 551 464 |
427 905 464 |
Intervention des services opérationnels |
269 578 633 |
239 068 633 |
dont titre 2 |
136 101 592 |
136 101 592 |
Coordination des moyens de secours |
294 972 831 |
188 836 831 |
dont titre 2 |
26 548 443 |
26 548 443 |
M. le président. L'amendement n° II-212, présenté par M. Bret, Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Intervention des services opérationnels Dont Titre 2 |
1.000.000 |
1.000.000 |
||
Coordination des moyens de secours Dont Titre 2 |
||||
TOTAL |
- 1.000.000 |
- 1.000.000 |
||
SOLDE |
- 1.000.000 |
- 1.000.000 |
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, je me fais le porte-voix de mon ami Robert Bret, qui ne peut être présent ce soir.
La perte accidentelle de deux bombardiers d'eau en 2004 et en 2005 et la grande vétusté de nombreux appareils démontrent que le renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile est une priorité. Certes, j'ai bien entendu les propos de M. le ministre, mais j'insiste sur le fait que les crédits budgétaires alloués doivent être pleinement consacrés à cet objectif.
Cet amendement vise donc à réajuster en ce sens le budget que nous examinons.
Le dispositif complet de lutte contre les feux se compose de 26 appareils, dont, notamment, 11 Canadair acquis depuis 1995, auxquels s'ajoute un douzième programmé pour l'été 2007, 9 Tracker acquis dans les années quatre-vingt - alors qu'ils devaient être remplacés en 2008, ils seront maintenus jusqu'en 2020 ! - 2 Dash 8 acquis en 2004 et 2005.
Inutile d'épiloguer sur la vétusté de la flotte ; les périodes d'acquisition parlent d'elles-mêmes ! La situation est donc inquiétante, d'autant qu'aucune programmation à long terme n'est prévue et que les revendications des professionnels en matière de lutte aérienne contre les incendies ne sont pas entendues à bon escient.
En effet, alors que les pilotes contestent les critères de résistance, de rapidité d'intervention, de sécurité des missions, de transport de matériels et de personnes du Dash 8, celui-ci est considéré comme étant l'appareil le plus approprié aux tâches dévolues à la sécurité civile ! Pourtant, les essais de chargement pour les opérations spéciales de secours n'ont pas été concluants et les essais opérés lors des incendies de cet été ne sont pas significatifs, puisque le vent était, comme les feux, de faible importance. De fait, les pilotes maintiennent que cet avion est inapproprié aux reliefs les plus tourmentés et qu'il ne permet pas de couvrir la totalité des zones à risques. En outre, le Dash 8 ne bénéficie toujours pas de la certification propre au transport mixte.
Qui faut-il croire ? Ceux qui risquent leur vie pour défendre la nôtre ou ceux qui n'ont jamais piloté d'avion dans pareilles conditions ?
Par ailleurs, alors que les dispositions de la LOPSI permettaient l'achat, chaque année, d'un Canadair pour renouveler progressivement la flotte, cette perspective est abandonnée, au grand dam des pilotes, qui estiment que cet appareil répond le mieux possible aux difficiles conditions d'approche des incendies d'été.
Enfin, le non-renouvellement des six Tracker avant 2020 serait compensé par la location d'appareils agricoles américains Air Tractor, monopilote et monomoteur. Si tel est le cas, la France s'illustrerait en utilisant des avions supposés, dès l'origine, ne pas répondre parfaitement aux besoins, alors que des Canadair de nouvelle génération seraient bien plus appropriés, comme en témoigne le choix effectué par l'Espagne, qui a commandé dix Canadair pour faire face aux situations dramatiques de ces dernières années.
Nous sommes confrontés, c'est un fait, à la volonté récurrente du Gouvernement de ne pas prendre en considération les besoins liés aux missions de service public pour s'en tenir à une gestion comptable du problème. En louant ou en achetant des appareils inappropriés et donc inefficaces, voire dangereux, l'État respectera peut-être son budget, mais il ne parviendra certainement pas à conduire une politique efficace et pérenne en matière de lutte contre les incendies.
Surtout, la priorité est à l'évidence donnée aux Dash 8, au détriment d'appareils bien plus adaptés. Nous savons que le Dash 8 est principalement utilisé, hors période de feux, pour assurer des opérations de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, en provenance notamment d'Europe de l'Est. Nous sommes donc en droit de nous interroger sur les critères retenus dans le choix de ces appareils. S'agit-il de faciliter la politique de reconduite à la frontière du ministre de l'intérieur, qui s'est fixé pour objectif la reconduite de 25 000 personnes par an ?
Au-delà de l'effet d'annonce, cette politique d'affichage a un coût élevé. En effet, le montant moyen d'un éloignement administratif incluant le coût du transport s'élève à 4 000 euros. Les 25 000 renvois coûtent donc 100 millions d'euros : autant d'argent qui permettrait de financer chaque année quatre Canadair, le coût de chaque appareil étant évalué de 20 millions à 25 millions d'euros !
Bien entendu, ce constat nous conduit, monsieur le ministre, à vous demander sur quel budget sont financées les heures de vol des pilotes et la maintenance des Dash 8 lors des opérations de reconduite à la frontière. Car, au-delà de l'aspect politique et humain de la question, il ne saurait être question d'accepter que cette procédure ampute le budget de la sécurité civile, qui connaît suffisamment d'impondérables.
Compte tenu de tous ces éléments, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Haut, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas eu le temps de se prononcer sur cet amendement.
Madame Assassi, dans mon rapport écrit, je crois avoir d'ores et déjà répondu à un certain nombre de points que vous avez soulevés concernant la qualité des appareils, leur état et leur renouvellement ; nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir.
Au demeurant, sur l'amendement lui-même, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous proposez, madame Assassi, de diminuer les crédits affectés aux services opérationnels consacrés à la lutte contre les feux de forêt, qui sont retracés dans le programme « Intervention des services opérationnels » de la mission « Sécurité civile ».
Je vous rappelle que ces crédits s'élèvent à 133 millions d'euros et qu'ils comprennent les dépenses de personnel. Vous proposez de les amputer de 1 million pour abonder le programme « Coordination des moyens de secours ». Or il n'existe aucune marge de manoeuvre sur ce programme, d'autant plus que l'activité opérationnelle étant difficilement prévisible, l'exécution de certaines lignes budgétaires peut dépasser les crédits initialement prévus, sous l'effet d'un été particulièrement propice aux incendies, comme celui de 2003.
Vous estimez que la saison 2006 a été plutôt favorable, raison pour laquelle moins d'hectares auraient été dévastés. Or l'été dernier a été caractérisé par une forte sécheresse, personne ne peut le contester. (MM. Paul Girod et Jean-Jacques Hyest approuvent.) Les demandes au titre de la solidarité nationale peuvent en témoigner. Il s'agissait donc, madame Assassi, d'une saison à très haut risque. Pour notre part, nous estimons que les moyens mis en oeuvre ont permis d'aboutir à ces excellents résultats.
Vous abordez ensuite le problème du Dash 8. Je précise, pour contrebalancer vos propos, qui figureront aux comptes rendus des débats, que toutes les personnes qui ont piloté cet avion ont estimé qu'il s'agissait d'un appareil de très haute qualité et de très haute performance. Les seuls pilotes qui l'ont critiqué sont ceux qui ne l'ont jamais piloté. Les premiers sont, me semble-t-il, plus qualifiés pour donner leur avis.
Vous affirmez que cet appareil est parfois, en dehors de la saison des incendies, mis à la disposition des services actifs de la police nationale pour des missions de police administrative. Vous semblerait-il anormal que l'État rentabilise des appareils dont le coût d'acquisition est supérieur à 20 millions d'euros ? Le Dash 8 est un avion polyvalent qui transporte des unités de police et de secours. Ses missions sont d'ailleurs facturées aux utilisateurs, comme cela a été le cas en 2006, pour un montant de 200 000 euros.
Compte tenu de ces explications, je vous demande, madame Assassi, de bien vouloir retirer l'amendement n° II-212. Si vous souhaitez que la sécurité civile dispose de moyens aériens plus importants, il ne faut pas amputer ses crédits de 1 million d'euros.
M. le président. L'amendement n° II-212 est-il maintenu, madame Assassi ?
Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite rendre la Haute Assemblée attentive à la bonne influence exercée par la LOLF. En effet, c'est la première fois que le groupe CRC dépose un amendement tendant à réduire les crédits, c'est-à-dire le déficit public.
Je souhaitais rendre hommage à cette démarche, qui va dans le sens de la maîtrise de la dépense publique.
Mme Éliane Assassi. Vous savez bien qu'il ne s'agit pas d'une réduction !
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Claude Haut, rapporteur spécial. Défavorable.
M. le président. L'amendement n° II-195, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Intervention des services opérationnels Dont Titre 2 |
30.000.000 |
30.000.000 |
||
Coordination des moyens de secours Dont Titre 2 |
30.000.000 |
30.000.000 |
||
TOTAL |
30.000.000 |
30.000.000 |
30.000.000 |
30.000.000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement, qui vise à procéder à un redéploiement des crédits destinés à la sécurité civile, concerne l'indemnisation des victimes de la sécheresse de 2003.
L'article 110 de la loi de finances de 2006 a en effet créé les conditions d'une indemnisation des victimes de la sécheresse. Mais l'alimentation du fonds correspondant s'avère - c'est une évidence - largement insuffisante, compte tenu de la complexité et de l'état d'avancement des dossiers.
La situation est particulièrement critique dans les communes du département de l'Essonne concernées par la sécheresse. Ainsi, sur les 103 communes ayant déposé une demande, 46 seulement ont obtenu le classement en catastrophe naturelle. C'est là une première injustice qu'aucun critère scientifique, que ce soit la nature des sols ou la réserve hydrique, ne peut justifier, quand il s'agit de communes voisines dont la continuité géologique et la proximité climatique sont établies.
Par ailleurs, 55 communes qui ont vu leur demande rejetée ont demandé à bénéficier de la procédure exceptionnelle d'indemnisation. Sur les 575 dossiers déposés en préfecture, seuls 246 ont été déclarés éligibles, soit 43 % d'entre eux.
Conformément à l'article 110 de la loi de finances de 2006, l'indemnisation est envisagée « lorsque ces dommages compromettent la solidité des bâtiments ou les rendent impropres à leur destination ». Cela signifie que les dommages sur les éléments périphériques comme les clôtures, les terrasses, les allées, les garages ou les fissures sur le bâti qui ne mettent pas en péril l'habitabilité des bâtiments n'ont pas été retenus, ce qui constitue une deuxième injustice.
En outre, cet article 110 est si restrictif que « les aides portent exclusivement sur les mesures de confortement nécessaires au rétablissement de l'intégrité de la structure, du clos et du couvert ». Aucun des autres frais, comme les études de sol, d'expertise ou de maîtrise d'oeuvre, ne seront pris en charge. C'est là une troisième injustice.
Je pourrais continuer d'énumérer la longue liste des injustices qui jalonnent le traitement des conséquences de la sécheresse de 2003. Elles trouvent toutes leur origine dans l'insuffisance des fonds destinés aux indemnisations. C'est le cas, notamment, de l'instauration d'une différence de traitement entre les communes limitrophes du périmètre classé en état de catastrophe naturelle, qui peuvent prétendre à une indemnité de 100 %, et les autres communes, qui seront au mieux indemnisées à 58 %.
Et comment ne pas évoquer l'indécente institution d'une franchise de 1 500 euros pour les sinistrés, qui sont déjà pénalisés par une aide financière partielle ?
Face à l'ampleur de cette catastrophe et au nombre de sinistres en suspens, l'aide exceptionnelle de 180 millions d'euros instaurée par la loi de finances de 2006 est très nettement insuffisante.
Le paradoxe, comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler ici, c'est que le régime des catastrophes naturelles a rapporté, en vingt ans, la somme de 1,4 milliard d'euros à l'État et aux compagnies d'assurance. Cette situation rend d'autant plus inacceptable la limitation du nombre de communes reconnues en état de catastrophe naturelle et les procédures choisies, qui restreignent le nombre de sinistres éligibles et indemnisent à la baisse de trop nombreux foyers, pénalisant notamment les familles déjà endettées et les retraités.
Certes, la loi de finances rectificative prévoit de procéder, pour cette année, à la majoration de la ligne de trésorerie du fonds pour un montant de 38,5 millions d'euros. Mais nous serons encore loin du compte !
Notre proposition vise donc à s'assurer, au travers de l'abondement, que les crédits ultérieurs seront suffisants pour faire face à la conclusion des indemnisations. Il y va de l'intérêt même des personnes confrontées à ces difficultés, notamment des particuliers, dont la vie et les conditions de logement familial ont été largement dégradées depuis 2003.
Nous devrions d'ailleurs, à notre sens, réfléchir à la constitution de fonds susceptibles de couvrir ces risques dans les années à venir, notamment du fait, avéré et largement constaté, de la lenteur du traitement des dossiers d'indemnisation.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Haut, rapporteur spécial. Il paraît difficile d'émettre un avis favorable sur un amendement visant à supprimer 30 millions d'euros du programme « Intervention des services opérationnels ».
J'ai cru comprendre, dans le discours de M. le ministre, qu'une solution était prévue dans le collectif. Je lui laisse donc le soin de le confirmer en donnant l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous avez apporté vous-même la réponse : nous procédons à la majoration de la ligne de trésorerie du fonds pour un montant 38,5 millions d'euros, cela pour venir en aide aux victimes de la sécheresse de 2003. Je n'y reviens donc pas.
Je préfère justifier le rejet de cet amendement par un autre argument : les 30 millions d'euros que vous voulez supprimer du programme « Intervention des services opérationnels » correspondent à la totalité de la maintenance des avions bombardiers d'eau et à cinq ans de carburant de tous les aéronefs de la direction de la défense et de la sécurité civile.
M. Paul Girod. Bravo !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Par conséquent, si l'on suivait votre raisonnement et si votre amendement était adopté, il n'y aurait plus de lutte aérienne contre les feus de forêt pendant la saison feux 2007 ni d'hélicoptères de la sécurité civile, lesquels sauvent pourtant une personne par heure, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours par an.
Si c'est à ce résultat que vous souhaitez aboutir, il faut effectivement maintenir votre amendement ! Pour sa part, le Gouvernement en demande le retrait et, à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Vera, l'amendement n° II - 195 est-il maintenu ?
M. Bernard Vera. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et je prends acte de vos propos.
La LOLF présente la caractéristique, que nous avons maintes fois dénoncée, de contraindre les parlementaires à effectuer des choix souvent difficiles quant à l'affectation des moyens financiers de l'État entre des programmes dont l'importance respective ne peut évidemment pas être contestée.
Chacun l'aura compris, cet amendement était un amendement d'appel destiné à évoquer, dans cet hémicycle, la nécessité de réévaluer à la hausse le montant des sommes affectées au traitement des conséquences de la sécheresse de 2003 et de réexaminer le contenu même de l'article 110 de la loi de finances pour 2006 dans le sens d'une plus grande justice dans le traitement des sinistres. J'aurai l'occasion d'y revenir le moment venu.
J'ajoute, monsieur le ministre, que les associations de sinistrés de l'Île-de-France, qui se sont regroupées en coordination, manifesteront le 13 décembre prochain, afin de faire prévaloir leurs droits. Naturellement, je serai à leur côté et j'espère, monsieur le ministre, que vous saurez les entendre.
Cela dit, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-195 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais remercier M. le ministre pour toutes les précisions qu'il a bien voulu livrer au Sénat ce soir et qui ne font que renforcer notre confiance.
Toutefois, monsieur le ministre, sur le terrain, notamment dans les services départementaux d'incendie et de secours, il peut y avoir des moments d'interrogation dus aux nombreux textes qui sont la conséquence des décisions prises par le ministre en charge de cet important dossier et qui tendent à éprouver l'idée que nous nous faisons de la décentralisation.
En effet, cette dernière est, pour nous, une responsabilité qui s'exerce localement. Par conséquent, la transcription par les services départementaux d'incendie et de secours des décisions prises par le ministre sous forme de décrets ou d'arrêtés engendre des moments de surchauffe, si vous me permettez l'expression, voire d'incompréhension.
C'est formidable de décider de répondre à des revendications, mais celles-ci sont parfois à la lisière du corporatisme ! C'est en tout cas la perception que nous en avons.
Nous souhaitons que les marges de responsabilités locales soient plus larges et nous mettons en garde le ministre de l'intérieur contre ce que peuvent engendrer des déclarations devant un congrès national des sapeurs-pompiers.
Ceux d'entre nous qui ont une relation étroite avec les départements peuvent témoigner des difficultés que nous éprouvons aujourd'hui pour équilibrer les budgets. Permettez-moi d'insister sur un point : les crédits que nous votons ce soir contribuent incontestablement à la sécurité civile, mais la mobilisation des moyens se fait sur le terrain, dans chaque département. Nombre d'élus territoriaux ont le sentiment d'être condamnés à transcrire des décisions prises à l'échelon ministériel et à en assumer les conséquences, ce qui peut susciter une forme d'exaspération.
Monsieur le ministre, je connais votre attachement à la décentralisation et à l'exercice des responsabilités locales. Nous souhaitons que le ministre de l'intérieur prenne du recul par rapport à toutes ces questions et fasse confiance aux élus territoriaux pour trouver, avec le préfet, les bons accords. Je me permets vraiment d'insister sur ce point, car, face à une inflation de moyens, de textes encadrant les interventions, de nouvelles bonifications indiciaires, nous voulons mettre en garde le ministre de l'intérieur contre la tentation qui pourrait l'habiter de répondre à certaines revendications corporatistes.
Nous avons la plus grande estime pour les sapeurs-pompiers et nous oublions ce qui vient de se passer, ces images inqualifiables, intolérables, qui sont de nature à détruire la sympathie que nos concitoyens portent légitimement aux sapeurs-pompiers, mais tous les excès doivent être combattus avec détermination.
Voilà ce que je souhaitais exprimer avant le vote des crédits de la mission dont vous avez la charge, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le président, permettez-moi, par courtoisie, de répondre en deux mots à M. le président de la commission des finances.
Monsieur Arthuis, je vous remercie de votre contribution. La réflexion dont vous venez de nous faire part n'est pas très éloignée de celle du ministre de l'intérieur. Sachez qu'il est animé de la même ambition, de la même détermination et qu'il réfléchit activement à la nécessité de confier un pouvoir réglementaire aux collectivités locales.
Ce serait, dans ce domaine comme dans bien d'autres, le moyen de résoudre un certain nombre de problèmes auxquels sont confrontées nos collectivités locales aujourd'hui. Mais, nous le savons, tout passe - réflexions, négociations et autres - par la CNIS, où les collectivités sont représentées et siègent.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Aussi, dans l'immédiat, le ministre de l'intérieur ne prend des décisions ou ne fait des propositions dans le cadre législatif actuel que dans le respect des accords qui sont passés au sein même de cette conférence.
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà !
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité civile » figurant à l'état B.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Sécurité civile ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 51 septies, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Sécurité civile ».
Sécurité civile
Article 51 septies
Le document de politique transversale sur la sécurité civile, prévu au 4° du I de l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, présente également un état détaillé des dépenses engagées par les collectivités territoriales au titre des services départementaux d'incendie et de secours. Il comporte en outre une vision d'ensemble de la stratégie définie, en matière de gestion par la performance, par les services d'incendie et de secours, sur la base d'indicateurs normalisés au niveau national. - (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Sécurité civile ».
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Retrait de l'ordre du jour d'une question orale
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 1181 de M. Gérard Miquel a été retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 19 décembre 2006 et du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
11
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention de la délinquance.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 102, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
12
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l'amiante pendant le travail (version codifiée).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3348 et distribué.
13
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de Mme Joëlle Garriaud-Maylam un rapport, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif au Corps européen et au statut de son Quartier général entre la République française, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume de Belgique, le Royaume d'Espagne et le Grand-Duché de Luxembourg (n° 478, 2005-2006).
Le rapport sera imprimé sous le n° 99 et distribué.
J'ai reçu de Mme Joëlle Garriaud-Maylam un rapport, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la construction d'un pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane française et l'État de l'Amapá (n° 68, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 100 et distribué.
J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les recherches sur le fonctionnement des cellules vivantes établi par M. Alain Claeys, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 101 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-François Le Grand un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution (n° 66, 2006-2007), présentée par M. Bertrand Auban, M. Jean-Pierre Bel, Mme Maryse Bergé Lavigne, M. Jean-Pierre Plancade, M. Marc Massion, M. Jean-Pierre Masseret, M. Bernard Angels, Mme Nicole Bricq, M. Michel Charasse, M. Jean-Pierre Demerliat, M. Jean-Claude Frécon, M. Claude Haut, M. François Marc, M. Gérard Miquel, M. Michel Moreigne, M. Michel Sergent, M. Didier Boulaud, M. Jean-Louis Carrère, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, Mme Josette Durrieu, M. Jean-Noël Guérini, M. Louis Le Pensec, M. Philippe Madrelle, M. Pierre Mauroy, M. Louis Mermaz, M. Daniel Percheron, M. Gérard Roujas, M. André Rouvière, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à la création d'une commission d'enquête sur le Groupe EADS, et sur les raisons des retards de production et de livraison du groupe Airbus.
Le rapport sera imprimé sous le n° 103 et distribué.
J'ai reçu de M. Ladislas Poniatowski un rapport, fait au nom de la commission des affaires économiques, sur une proposition de résolution (n° 63, 2006-2007), présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Michel Billout, M. Yves Coquelle, Mme Michelle Demessine, Mme Evelyne Didier, M. Gérard Le Cam, Mme Eliane Assassi, Mme Marie-France Beaufils, M. Robert Bret, Mme Annie David, M. Guy Fischer, M. Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, M. Robert Hue, Mme Hélène Luc, Mme Josiane Mathon, M. Roland Muzeau, M. Jack Ralite, M. Ivan Renar, M. Bernard Vera, M. Jean François Voguet, M. François Autain, M. Pierre Biarnès, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes de la panne d'électricité du 4 novembre 2006, et sur l'état de la sécurité d'approvisionnement de l'électricité en France dans le cadre des politiques européennes d'ouverture à la concurrence du secteur énergétique.
Le rapport sera imprimé sous le n° 104 et distribué.
14
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 7 décembre 2006, à neuf heures trente, quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 77 et 78, 2006-2007) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Seconde partie. - Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales :
- Politique des territoires :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 78, annexe n° 18) ;
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 80, tome V) ;
M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 80, tome V) ;
M. Dominique Mortemousque, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 80, tome V).
- Administration générale et territoriale de l'État :
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial (rapport n° 78, annexe n° 2) ;
M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 83, tome I).
- Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 51 bis, 51 ter, 51 quater, 51 quinquies et 51 sexies),
- Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales :
M. Michel Mercier, rapporteur spécial (rapport n° 78, annexe n° 23) ;
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 83, tome VII).
- Action extérieure de l'État :
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial (rapport n° 78, annexe n° 1) ;
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 79, tome I) ;
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Moyens de l'action internationale, avis n° 81, tome I) ;
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Action culturelle et scientifique extérieure, avis n° 81, tome II).
- Développement et régulation économiques (+ articles 44, 45, 46, 46 bis, 46 ter, 46 quater et 47) :
M. Eric Doligé, rapporteur spécial (rapport n° 78, annexe n° 9) ;
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 80, tome II) ;
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 80, tome II) ;
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 80, tome II).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à onze heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits des missions pour le projet de loi de finances pour 2007
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits des missions et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2007 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à onze heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie, non joints à l'examen des crédits des missions du projet de loi de finances pour 2007
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie, non joints à l'examen des crédits des missions du projet de loi de finances pour 2007 est fixé au vendredi 8 décembre, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 7 décembre 2006, à zéro heure vingt-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD