Article 37
L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :
1° Le quatrième alinéa (2°) du II de l'article 10-2 est complété par les mots : « ou respecter les conditions d'un placement dans un établissement permettant la mise en oeuvre de programmes à caractère éducatif et civique » ;
2° Après le cinquième alinéa du II du même article, sont insérés un 3° et un 4° ainsi rédigés :
« 3° Accomplir un stage de formation civique ;
« 4° Suivre de façon régulière une scolarité ou une formation professionnelle jusqu'à sa majorité. » ;
3° Les deux premiers alinéas du III du même code sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« En matière correctionnelle, les mineurs âgés de moins de seize ans ne peuvent être placés sous contrôle judiciaire que dans l'un des cas suivants :
« 1° Si la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans et si le mineur a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs mesures éducatives prononcées en application des articles 8, 10, 15, 16 et 16 bis ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine ;
« 2° Si la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à sept ans.
« Si le contrôle judiciaire comporte l'obligation de respecter les conditions d'un placement conformément au 2° du II, dans un centre éducatif fermé prévu à l'article 33, le non-respect de cette obligation pourra entraîner le placement du mineur en détention provisoire conformément à l'article 11-2.
« Dans les autres cas, le mineur est informé qu'en cas de non-respect des obligations lui ayant été imposées, le contrôle judiciaire pourra être modifié pour prévoir son placement dans un centre éducatif fermé, placement dont le non-respect pourra entraîner sa mise en détention provisoire. » ;
3° bis Dans le premier alinéa de l'article 11-2, après le mot : « dispositions », sont insérés les mots : « du quatrième alinéa » ;
4° À la fin du troisième alinéa de l'article 12, les mots : « du procureur de la République au titre des articles 8-2 et 14-2 » sont remplacés par les mots : « ou proposition du procureur de la République au titre des articles 7-2, 8-2 et 14-2 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 109 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 179 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour défendre l'amendement n° 109.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 37 est, comme d'autres articles, empreint de la négation de la spécificité inhérente au fait d'être jeune, puisqu'il étend les conditions d'application du contrôle judiciaire aux mineurs de treize à seize ans passibles d'une peine de sept ans d'emprisonnement minimum, sans que ceux-ci aient fait l'objet de mesures éducatives antérieures. Aucune gradation n'est donc prévue pour permettre une marge de manoeuvre.
En revanche, cet article prévoit une gradation inacceptable dans le traitement du mineur de moins de seize ans qui ne respecterait pas les obligations auxquelles il serait soumis. Les modalités de son contrôle judiciaire pourront être modifiées et il pourra être placé en centre éducatif fermé, puis, le cas échéant, mis en détention provisoire.
Cet article représente un véritable chantage à la détention, qui plus est pour des mineurs de moins de seize ans.
Manifestement, les inquiétudes de Mme Versini, nouvelle défenseure des enfants, en matière de détention provisoire des mineurs ne vous ont pas émus.
Elle considère que les possibilités de placer un mineur en détention provisoire prévues dans cet article sont « peu compatibles avec la convention internationale des droits de l'enfant ». Elle ajoute : « Alors que les inconvénients et les dangers de la détention avant tout jugement ont été très régulièrement soulignés, il est préoccupant d'envisager d'accroître les possibilités de placement en détention provisoire, fût-ce pour une courte période, de mineurs âgés de treize à seize ans avant tout jugement sur leur culpabilité. »
Ainsi, l'article adopté en première lecture par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale, prévoit la possibilité de placement dans « un établissement permettant la mise en oeuvre de programmes à caractère éducatif et civique », autrement dit dans des structures restant à créer. Depuis, aucune précision ne nous a été apportée quant aux échéances et aux moyens prévus. Pouvez-vous, avant de décider une nouvelle fois du contenu de cet article, nous donner les informations auxquelles il nous paraît légitime de prétendre ?
Si cet article était appliqué, le contrôle du respect des obligations deviendrait une fin en soi, alors qu'il ne peut résulter que de l'adhésion et de la négociation qui permettent d'envisager la possibilité d'évolution chez les jeunes concernés.
Tous les professionnels le disent, il est nécessaire de solliciter l'adhésion à la mesure pénale dans une certaine relation de confiance et de s'arrêter sur les circonstances du passage à l'acte.
Mais parier sur la sortie de la délinquance, sur l'avenir des jeunes concernés, avec les moyens et le temps nécessaire, ce n'est manifestement pas l'objectif de ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 179.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'article 37 apporte à l'article 10-2 de l'ordonnance de 1945 plusieurs modifications que nous ne pouvons accepter.
La loi Perben I du 9 septembre 2002 a innové doublement : d'une part, en assortissant le contrôle judiciaire de dispositions spécifiques aux mineurs et, d'autre part, en créant les centres éducatifs fermés dans lesquels les mineurs de treize ans à seize ans, qui ne respectent pas le contrôle judiciaire, peuvent se voir placés en détention provisoire dans un établissement pénitentiaire.
Le projet de loi vise à élargir les cas de figure où des mineurs de moins de seize ans pourront être placés provisoirement en prison, en dehors de la commission d'actes criminels. Pour y parvenir, il élargit le domaine du contrôle judiciaire, auparavant encadré dans des conditions strictes pour les mineurs de treize à seize ans, désormais possible dès que la peine encourue est égale à sept ans d'emprisonnement, ce qui englobe tous les vols commis en réunion dans les transports collectifs de voyageurs.
Cette disposition montre la volonté du Gouvernement d'aligner la justice des mineurs sur la justice des majeurs, un fait que nous avons déjà dénoncé.
Par ailleurs, il faut que tout soit fait pour éviter que les mineurs de moins de seize ne soient placés en détention.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ne faire appel qu'à l'adhésion du mineur sans prévoir la possibilité de pallier, dans certains cas, l'absence d'adhésion nous paraît quelque peu angélique.
En outre, le placement en centre éducatif fermé donne, d'après les premiers bilans, des résultats très intéressants, pour ne pas dire spectaculaires. Le coût de ce placement permet d'espérer que ces résultats seront améliorés.
Lorsqu'on observe, d'un côté, le travail important qui est accompli dans les centres éducatifs fermés par les éducateurs, les psychologues et, de l'autre, les résultats de ce travail, on peut estimer qu'une décision de placement en centre éducatif fermé qui peut paraître parfois lourde est une véritable chance pour le mineur.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je n'ajouterai qu'une indication à ce qu'a très bien dit M. le rapporteur en réponse à Mme Josiane Mathon-Poinat, qui s'étonne de notre position après les inquiétudes manifestées par la défenseure des enfants.
Ce sont les juges des enfants eux-mêmes qui nous ont demandé d'introduire cette disposition, autrement dit, ce sont les praticiens qui ont souhaité cet article.
On peut critiquer ce texte pour des raisons idéologiques, mais c'est un peu paradoxal sachant que les juges des enfants sont censés avoir une vision des choses qui devrait a priori être proche de la vôtre.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 109 et 179.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 37.
(L'article 37 est adopté.)
Article 39
L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :
1° L'article 15 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Mesure d'activité de jour, dans les conditions définies à l'article 16 ter. » ;
2° Après le 6° de l'article 15-1, sont insérés un 7°, un 8°, un 9° et un 10° ainsi rédigés :
« 7° Mesure de placement pour une durée de trois mois maximum, renouvelable une fois, sans excéder un mois pour les mineurs de dix à treize ans, dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation habilité permettant la mise en oeuvre d'un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel ;
« 8° Exécution de travaux scolaires ;
« 9° Avertissement solennel ;
« 10° Placement dans un établissement scolaire doté d'un internat pour une durée correspondant à une année scolaire avec autorisation pour le mineur de rentrer dans sa famille lors des fins de semaine et des vacances scolaires. » ;
3° L'article 16 est complété par un 5° et un 6° ainsi rédigés :
« 5° Avertissement solennel ;
« 6° Mesure d'activité de jour, dans les conditions définies à l'article 16 ter. » ;
4° Après l'article 16 bis, il est inséré un article 16 ter ainsi rédigé :
« Art. 16 ter. - La mesure d'activité de jour consiste dans la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public, soit auprès d'une personne morale de droit privé exerçant une mission de service public ou d'une association habilitées à organiser de telles activités, soit au sein du service de la protection judiciaire de la jeunesse auquel il est confié.
« Cette mesure peut être ordonnée par le juge des enfants ou par le tribunal pour enfants à l'égard d'un mineur en matière correctionnelle.
« Lorsqu'il prononce une mesure d'activité de jour, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants en fixe la durée, qui ne peut excéder douze mois, et ses modalités d'exercice. Il désigne la personne morale de droit public ou de droit privé, l'association ou le service auquel le mineur est confié.
« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application de la mesure d'activité de jour.
« Il détermine, notamment, les conditions dans lesquelles :
« 1° Le juge des enfants établit, après avis du ministère public et consultation de tout organisme public compétent en matière de prévention de la délinquance des mineurs, la liste des activités dont la découverte ou auxquelles l'initiation sont susceptibles d'être proposées dans son ressort ;
« 2° La mesure d'activité de jour doit se concilier avec les obligations scolaires ;
« 3° Sont habilitées les personnes morales et les associations mentionnées au premier alinéa. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 111, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 39 crée de nouvelles sanctions éducatives à l'égard des mineurs en modifiant l'ordonnance de 1945.
Le principal défaut de cette ordonnance tient non pas à son supposé laxisme ou à son inadéquation avec les formes actuelles de la délinquance juvénile, ni même à son décalage avec la société d'aujourd'hui, puisqu'elle a été remaniée une trentaine de fois, mais bel et bien au manque de moyens inhérents à la justice des mineurs, parce que sa philosophie était juste.
Cela empêche-t-il la mise en oeuvre effective des dispositifs prévus par cette ordonnance qui conserve encore toute sa pertinence et sa modernité ?
Nous assistons aujourd'hui dans d'autres pays à la dérive des enfants de la guerre. Les jeunes qui vivaient en France en 1945 avaient connu cette violence et cette errance. Quant à dire qu'ils étaient moins évolués, j'en doute : ils avaient connu la guerre, la privation, ils avaient appris à se débrouiller pour vivre, lorsqu'ils n'étaient pas orphelins.
Il est donc inutile d'ajouter de nouvelles dispositions à la palette des mesures concernant les mineurs d'autant que les mesures existantes ne sont guère appliquées, essentiellement faute de moyens et de programmation adéquate. Les services de la protection judiciaire de la jeunesse réclament haut et fort ces moyens.
Dès lors, avant de légiférer de nouveau dans le domaine de la justice des mineurs, les parlementaires auraient souhaité disposer à la fois d'un bilan précis et d'informations plus détaillées sur les centres éducatifs fermés, ainsi que d'une évaluation sur les effets des lois votées depuis 2002.
L'arsenal juridique de toutes les mesures nouvelles concernant les mineurs âgés de moins de dix ans, de treize ans et de plus de treize ans, n'aura pas l'effet éducatif préventif escompté, parce qu'il n'existe qu'en réaction à certains faits divers médiatisés, sans une réelle prise en charge de la violence sociale existante.
Nous sommes opposés à l'article 39, ainsi qu'à une modification de l'ordonnance de 1945 en dehors de toute réflexion de fond, car ce sujet aurait mérité à lui seul un véritable débat sur le plan national.
M. le président. L'amendement n° 180, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :
de trois mois maximum, renouvelable une fois, sans excéder un mois pour les mineurs de dix à treize ans,
par les mots :
laissée à l'appréciation du juge et qui ne peut excéder six mois
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. J'approuve les propos de Mme Josiane Mathon-Poinat sur les mineurs de 1945, car je suis agacé d'entendre que les mineurs ont changé.
Dans une région de résistance à l'occupant, comme l'a été la mienne, en Haute-Vienne, les jeunes qui avaient pris les armes à seize ans, qui se sont engagés dans les Forces françaises libres et qui se sont retrouvés en 1945 après avoir fait la guerre sans avoir fait d'études ou les avoir terminées et sans travail n'étaient pas plus faciles à mener que certains jeunes d'aujourd'hui.
Il est trop facile de dire que les jeunes ont changé. Ce n'est pas si sûr et, en tout cas, les circonstances influent souvent sur le caractère et le comportement.
Pour ce qui concerne l'article 39, le projet de loi modifie les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance de 1945, qui fixe la liste des sanctions éducatives applicables aux mineurs âgés de moins de dix ans.
Parmi les nouvelles sanctions figure la mesure de placement dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation situé en dehors du lieu de résidence habituel.
Concrètement, cela signifie qu'un enfant de dix ans et un jour pourra désormais être éloigné, sous la contrainte, de son domicile et de ses parents, et ce pour une durée d'un mois.
Nous vous proposons que ce soit le juge qui détermine la durée de cet éloignement.
Je ne conteste pas que cela puisse être bénéfique. Toutefois, un éloignement d'un mois ne saurait constituer une mesure éducative. C'est une mesure de coercition. Il s'agit de punir le mineur !
Pour l'éduquer, monsieur le garde des sceaux, il vous faudrait plus d'un mois. Cet éloignement pourrait certes constituer un traumatisme, mais le mineur sera alors entouré, protégé, ce qui est parfois nécessaire.
Je souhaite que l'on discute de ce sujet. Un éloignement d'un mois n'a d'autre sens que la sanction. C'est la raison pour laquelle nous demandons au Sénat d'adopter notre amendement de suppression de l'article 39.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les accusations d'angélisme agacent toujours le parti socialiste. Pourtant, monsieur Peyronnet, vous venez d'illustrer cette appréciation.
Vous êtes un élu de longue date de Limoges. Vous connaissez certainement des cas de mineurs qui pourrissent la vie d'un immeuble ou d'un quartier.
On connaît ces jeunes, on les repère. Ils sont insupportables. Leurs parents n'y peuvent rien, les éducateurs concernés non plus. Dès lors, que faire ?
Nous ne demandons ni la prison ni le centre éducatif fermé. Nous proposons, en fait, la pension pendant un mois au maximum si le mineur a moins de treize ans et pendant trois mois à partir de treize ans. Et, vous hurlez, en déclarant que c'est scandaleux.
Monsieur Peyronnet, je suppose que vous êtes, comme moi et nombre d'entre nous, père de famille. N'avez-vous jamais mis un de vos enfants en pension parce que cela commençait à bien faire ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cette mesure relève du bon sens. Vous parlez de sanction : mieux vaudrait raison garder.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 111, la commission estime que la création de nouvelles sanctions éducatives qui pourront être décidées par le tribunal pour enfant permet davantage de souplesse et d'adaptation à la situation. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 180 tend à laisser à l'appréciation du juge, dans la limite maximale de six mois, le soin de fixer la durée de la mesure de placement dans une institution permettant la mise en oeuvre d'un travail psychologique. L'Assemblée nationale a prévu que cette mesure de placement ne devrait pas excéder trois mois au maximum, renouvelables une fois. Comme M. le garde des sceaux vient de le rappeler, pour les mineurs de dix à treize ans, la durée du placement ne pourra excéder un mois.
L'amendement n° 180 nous semble moins précis. Il pourrait permettre de placer un enfant âgé de dix ans pendant six mois. Or cette durée nous semble excessive.
La commission des lois souhaite que le Sénat s'en tienne à la solution préconisée par l'Assemblée nationale. C'est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il n'est tout de même pas scandaleux, monsieur le garde des sceaux - et ce n'est pas vous qui soutiendrez le contraire -, de laisser à l'appréciation du juge le soin de fixer la durée d'une peine. Si, comme le souligne le rapporteur, les juges peuvent prononcer une peine de six mois, cela prouve qu'ils sont moins laxistes que vous ne le dites habituellement.
M. Jean-Claude Peyronnet. Si ce n'est vous, c'est votre collègue de l'intérieur !
Reconnaissez, monsieur le ministre, hors de toute polémique, qu'une peine d'éloignement d'un mois n'a aucun sens. Vous avez évoqué la pension. Pour ma part, je n'ai pas eu assez d'enfants pour penser à me défaire de certains d'entre eux. Il est vrai que ma famille n'a pas les caractéristiques des familles dont nous parlons.
Un éloignement d'un mois, monsieur le ministre, c'est une sanction. Nous sommes vraiment au coeur du sujet. Vous avez déclaré, avec votre franchise habituelle, qu'il fallait éloigner ces enfants pendant un certain temps parce que l'on ne savait pas quoi en faire. Croyez-vous vraiment qu'à leur retour ils se seront amendés. Ne redoutez-vous pas qu'ils restent des petits caïds ?
La naïveté n'est pas du côté que l'on pense, monsieur le ministre. Vous êtes une fois encore en plein effet d'affichage. Et pourquoi pas les placer en centre éducatif fermé à huit ans ? Certains enfants sont insupportables dès le berceau !
M. le président. Je mets aux voix l'article 39.
(L'article 39 est adopté.)
Article 39 bis
Le deuxième alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi rédigé :
« Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs peuvent décider qu'il n'y a pas lieu de faire application du premier alinéa, soit compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne et qu'ils ont été commis en état de récidive légale. Cette décision, prise par le tribunal pour enfants, doit être spécialement motivée, sauf si elle est justifiée par l'état de récidive légale. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 112 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 181 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 112.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article a été ajouté par l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du Gouvernement.
Il s'agit, en fait, de permettre au juge d'écarter plus facilement le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs de seize ans lorsque ceux-ci sont en état de récidive légale.
De plus, le juge des enfants n'aurait plus à justifier sa décision si celle-ci était motivée par la récidive légale, ce qui est assez surprenant.
La dérogation au principe de l'atténuation de responsabilité pénale doit être exceptionnelle et le juge ne peut donc y déroger que dans des hypothèses strictement encadrées. Selon le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale, qui a d'ailleurs été constitutionnalisé en 2002, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent prononcer à l'encontre des mineurs âgés de plus de treize ans une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue.
Ce principe est apparemment devenu tout à fait insupportable pour le ministre de l'intérieur, qui n'a de cesse de vouloir le remettre en cause.
Nous sommes inondés de déclarations, toutes plus virulentes les unes que les autres, contre l'ordonnance de 1945 et les principes qu'elle porte : inadaptation, laxisme, impunité.
Or, la mission sénatoriale de 2000, dont il n'a jamais été vraiment tenu compte, soulignait pourtant très clairement qu'au lieu de modifier la loi mieux vaudrait prévoir des moyens pour appliquer l'ordonnance de 1945.
La remise en cause de cette ordonnance, en particulier du principe de l'atténuation de la responsabilité pénale, qui est un des fondements de la justice des mineurs, constitue le cheval de bataille du ministre de l'intérieur, mais aussi, je le constate, du ministre de la justice.
Je citerai l'article 1er de la Convention internationale des droits de l'enfant : « Au sens de la présente convention, un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plutôt en vertu de la législation qui lui est applicable. »
L'article 40 de la convention précise : « Les États parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle [...] et qui tienne compte de son âge. »
Nous sommes donc particulièrement inquiets du sort de notre justice des mineurs. Nos craintes se confirment lorsque M. Philippe Houillon, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, évoque une remise en cause partielle de l'excuse de minorité et une solution d'étape. Nous ne sommes pas dupes : la prochaine étape est la suppression pure et simple de l'excuse de minorité pour les mineurs de seize ans et, a fortiori, l'abaissement de la responsabilité pénale à seize ans.
Le Gouvernement cherche désespérément, depuis cinq ans, à calquer la justice des mineurs sur celle des majeurs et nous y arrivons, hélas ! de manière progressive. Cette dérive est très dangereuse. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter notre amendement de suppression de l'article 39 bis.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 181.
Mme Catherine Tasca. Le droit positif actuel prévoit l'excuse de minorité, en vertu de laquelle un magistrat peut prononcer, pour un mineur, la moitié de la peine prévue pour les majeurs, avec une exception pour les jeunes de seize à dix-huit ans. Pour ces derniers, le tribunal ou la cour d'assises des mineurs peuvent ne pas tenir compte de cette atténuation de responsabilité, à titre exceptionnel, en fonction de l'espèce, de l'âge et de la personnalité du mineur.
Lorsque cette excuse n'est pas retenue, le tribunal pour enfants doit s'en expliquer par une décision spécialement motivée, ce qui n'est pas le cas pour la cour d'assises, les arrêts de cette dernière n'ayant pas à être motivés.
L'Assemblée nationale a modifié les critères permettant de faire sauter de fait l'excuse de minorité. Pour les mineurs âgés de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs pourront ne pas retenir l'excuse de minorité, soit compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne et qu'ils ont été commis en état de récidive légale. La décision du tribunal pour enfants doit être spécialement motivée, sauf si elle est justifiée par l'état de récidive légale.
Monsieur le ministre, nous tirons le signal d'alarme face à cet abandon croissant de l'excuse de minorité. D'ailleurs, plus qu'une excuse, il faudrait parler de l'état réel de minorité. J'estime que cet état est à l'heure actuelle souvent prolongé par la situation sociale, économique, familiale. Les mineurs d'aujourd'hui ne sont pas plus sûrs d'eux-mêmes, pas mieux préparés à la vie que ceux de 1945.
Il n'est pas pensable que notre justice considère cet état de mineur comme une excuse marginale. C'est une question de fond qui est posée à notre société. Quel regard portons-nous sur nos enfants, qui restent des enfants, et quelles solutions mettons-nous en oeuvre pour les garder dans le droit chemin ?
Il s'agit de fait, pour vous, avec ce texte, d'aller le plus loin possible dans la restriction du champ d'application de l'excuse de minorité en prétendant ne pas sortir du cadre de l'ordonnance de 1945 et en avançant dans le domaine de la répression. Nous ne pouvons accepter pareille modification. C'est pourquoi nous avons présenté un amendement de suppression de l'article 39 bis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ces amendements m'inspirent deux observations.
Tout d'abord, même les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, dans la catégorie à laquelle appartiennent les trois principes essentiels et bien connus de l'ordonnance de 1945, doivent se concilier, selon la jurisprudence même du Conseil constitutionnel, avec la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions et de prévenir les atteintes à l'ordre public.
Ensuite, la disposition proposée dans cet article ne remet pas en cause le principe d'atténuation de la responsabilité. Elle se contente d'étendre la portée de la dérogation actuelle prévue par l'ordonnance de 1945.
Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 112 et 181.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'article 39 bis, introduit par l'Assemblée nationale, vise non pas à supprimer l'excuse de minorité, mais à la tempérer. L'objectif est que les magistrats y recourent s'il en est besoin, qu'ils s'en affranchissent s'ils l'estiment nécessaire et que cette excuse soit purement et simplement supprimée en cas de récidive.
Cet article vise donc à renforcer la peine en cas de récidive, ce qui est assez logique en droit pénal. Il modifie le principe d'excuse de minorité, mais il n'y porte pas atteinte. Ce principe est conservé.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 112 et 181.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 39 bis.
(L'article 39 bis est adopté.)
Chapitre VIII
Dispositions organisant la sanction-réparation et le travail d'intérêt général