M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa du II de l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation, les mots : « , le cas échéant, » sont supprimés.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La loi ENL - encore elle ! - a modifié assez profondément l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation et a fait de l'Agence nationale de l'habitat, l'ANH, un outil essentiel de constitution d'un parc locatif social privé à loyers maîtrisés.
Il faut toutefois s'entendre sur les termes. Ce que l'on appelle un loyer maîtrisé, éligible au dispositif dit « Borloo populaire », c'est, par exemple, un logement de 70 mètres carrés loué 1 145 euros dans la capitale, là où un logement social de type PLUS est loué 413 euros ! Je ne sais pas si le loyer est véritablement maîtrisé, mais, en tout cas, la rentabilité de l'investissement est largement assurée !
Pour en revenir au secteur ANH, rappelons qu'il s'agit aujourd'hui de loyers dont le montant est équivalent à ceux qui sont pratiqués dans le cadre des programmes PLS. Le risque existe donc qu'un certain nombre de locataires modestes ne soient exclus de ce parc.
Une famille de quatre personnes désireuse de demeurer dans un logement conventionné ANH de 80 mètres carrés, loué 715 euros par mois, doit disposer de ressources mensuelles proches de 3 000 euros pour être en mesure de payer ce loyer. Or ce montant est nettement supérieur au revenu moyen des résidents en logement social !
Pour autant, un parc locatif privé accessible, dont nous soutenons le développement, ne peut se constituer sans que l'on apporte de réponse au problème de l'attribution des logements. Outre les conditions de ressources du locataire et de plafonnement du loyer, il nous semble en effet nécessaire que la loi fixe une obligation d'attribution des logements dans le cadre d'une gestion transparente des flux de peuplement.
Avec ce projet de loi, l'État est pleinement responsable de l'effectivité du droit au logement. Quand il passe convention avec un propriétaire privé sur la bonification fiscale de l'investissement immobilier, il est porteur de cette responsabilité. Il est donc naturel qu'il puisse, par le biais de ses services, proposer le logement conventionné aux demandeurs normalement et réglementairement inscrits dans le fichier des mal-logés.
Le logement locatif privé conventionné peut permettre d'atteindre les objectifs fixés dans le présent texte. L'objet de cet amendement est d'y contribuer. Je vous propose donc de l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car elle pense que le propriétaire doit être libre de choisir son locataire, tout en respectant les conditions de loyer et de ressources.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. J'ai toujours beaucoup de mal à comprendre pourquoi il faudrait tuer un dispositif qui fonctionne, en tout cas mieux que lorsque vous l'aviez mis en place. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Excusez-moi, mais c'est la vérité simple !
Vous aviez fait 9 500 logements privés conventionnés à l'époque. Si vous aidiez ce dispositif, c'est bien parce que vous estimiez alors qu'il était pertinent.
Vous vouliez le développer, mais vous n'y parveniez pas. Nous en réalisons 38 000 ; il ne faut absolument pas créer maintenant de la rigidité, car cela aboutirait à ce que l'on ne construise plus du tout de ces logements-là !
Nous en avons réalisé quatre fois plus, en loyers sociaux pour la moitié et en loyers un peu plus élevés pour l'autre moitié. Sincèrement, j'ai beaucoup de mal à comprendre votre position par rapport à l'objectif que vous visez.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Vera, Mme Demessine, MM. Muzeau, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le h) du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est abrogé.
II. - L'article 11 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002) est abrogé.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement porte sur la question, importante, de la fiscalité et notamment de la dépense fiscale attachée au logement.
Dans un contexte d'insuffisance de la construction neuve locative sociale, l'importance de la demande en matière de logement social conduit aujourd'hui à un engorgement des fichiers de demandeurs.
Face à cette situation de blocage, la solution qui est aujourd'hui mise en avant par le Gouvernement est le développement de l'offre sur un créneau spécifique : l'offre locative privée, très largement défiscalisée.
Cette volonté est très nettement exprimée dans l'article 31 bis du code général des impôts et dans l'article 11 de la loi de finances pour 2003.
Avec la première de ces dispositions, monsieur Borloo, le Gouvernement avait choisi de modifier les règles en vigueur en matière d'investissement locatif des particuliers en majorant sensiblement l'incitation fiscale issue du dispositif Besson.
En fait, il s'agissait essentiellement de permettre aux investisseurs de capter une clientèle moyennement ou relativement fortunée en proposant des loyers de première mise en location particulièrement attractifs.
Deux mesures essentielles ont été prises à cette fin : la non-prise en compte d'un quelconque plafond de ressources pour les locataires et le sensible relèvement des loyers autorisés.
On connaît le coût fiscal de cette politique pour l'État : il s'élève tout simplement à 300 millions d'euros, si l'on en croit l'évaluation des voies et moyens. Il semble qu'il soit, en réalité, bien plus important. Selon certaines estimations indiscutables, le montant de la dépense fiscale associée à la réalisation du moindre logement « Robien » s'élève à plus de 33 000 euros par logement !
Et la mise en place, par le biais de la loi ENL, du « Borloo populaire » n'a rien changé au fond ! Un loyer « Borloo populaire » pour un logement de 55 mètres carrés, ce peut être 635 euros par mois dans l'agglomération de Lille ou 910 euros dans la capitale !
Quant à la seconde disposition, elle consiste à diviser par deux le taux de l'impôt sur les sociétés pour les sociétés d'investissement immobilier cotées, dont les profits sont désormais taxés à hauteur de 16,5 %, au lieu de 33,33 % auparavant ; et ce, bien entendu, pour les opérations soumises à la taxation des plus-values...
Cette législation, vous le savez, a largement encouragé les opérations de vente à la découpe. Rappelons, par exemple, que la société Gecina, spécialisée dans cette activité, a ainsi réalisé une économie d'impôt de 400 millions d'euros en 2004 !
M. Robert Bret. On peut en faire des choses, avec cette somme !
M. Roland Muzeau. Il y a des actionnaires de Gecina, ici ? (Sourires.) Malgré une légère contraction du résultat imposable de l'entreprise, l'économie réalisée au titre de l'année 2005 reste tout à fait substantielle. Là encore, le coût pour l'État en termes de dépense fiscale n'est pas négligeable puisqu'il atteint près de un milliard d'euros.
Au demeurant, l'annonce récente de la réalisation par l'État d'une plus-value fiscale directe de 1,7 milliard d'euros depuis la création du dispositif dissimule assez mal la perte de ressources équivalente liée à la franchise d'imposition.
Par ces dispositions, le Gouvernement a donc opté pour une politique de dépense fiscale au profit de quelques ménages très fortunés et de quelques entreprises spécialisées dans la spéculation. Un trait a été tiré sur une dépense publique pourtant nécessaire.
Si l'on veut lutter efficacement contre l'instauration d'un marché du logement profondément ségrégatif, si l'on veut éradiquer la paupérisation des quartiers d'habitat collectif, les dépenses publiques pour le logement doivent être réorientées vers les priorités que sont l'offre locative sociale et l'accession sociale à la propriété.
Nous ne pouvons trouver de solution durable à la crise du logement en laissant dépérir la dépense publique pour le logement et en laissant croître la dépense fiscale pour la spéculation, dépense fiscale que les mal-logés paient avec leurs propres impôts !
C'est le sens de cet amendement de justice sociale que nous ne pouvons que vous inviter à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a souhaité connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le dispositif « Robien » a contribué, en son temps, à la relance de la construction. Je me permets tout de même de vous rappeler que c'est dans les logements que l'on loge les gens !
M. Roland Muzeau. Lesquels ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Vous en construisiez 270 000 ; nous en avons mis en chantier 430 000 et nous avons délivré 568 000 permis de construire.
M. Robert Bret. Ce n'est pas du logement social !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous avons triplé les logements sociaux, monsieur le sénateur ! Alors ?
M. Roland Muzeau. Ne faites pas semblant de vous fâcher, monsieur le ministre !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je vous réponds, monsieur le sénateur, et d'autant plus volontiers que j'allais vous donner partiellement raison. Nous avons déjà eu ce débat lors de la discussion de la loi ENL : bien que ce dispositif ait permis une forte relance, il n'est en effet plus adapté dans un certain nombre de bassins.
Nous avons proposé deux mesures : d'une part, recentrer le dispositif Robien sur des prix au mètre carré à l'euro modifié qui ont été approuvés par presque tous les experts ; d'autre part, mettre en place un nouveau dispositif plus social, sous plafond de ressources, à moins de 7 euros le mètre carré, dit « Borloo ancien ».
Ces mesures, instaurées voilà six mois, visent à corriger la situation que vous évoquez. Nous proposons évidemment de les maintenir.
Quant au reste, il s'agit de recettes fiscales de l'État sans incidence directe sur le logement et le droit opposable.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission suit l'avis du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la deuxième phrase du quatrième alinéa du m) du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, remplacer les mots : « des plafonds fixés à des niveaux inférieurs à ceux prévus au premier alinéa du j » par les mots : « ceux des logements financés dans le cadre d'un programme social thématique ».
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je vais essayer de convaincre M. Borloo, cette fois-ci ! Il n'a d'ailleurs pas démenti qu'un logement « Robien » coûtait 33 000 euros !
M. Roland Muzeau. Au regard des constats sociaux et des chiffres alarmants qui nous sont donnés à entendre à l'occasion de la discussion de ce texte, il serait bon, une fois n'est pas coutume, de reconnaître que l'équation entre les moyens engagés par le Gouvernement pour le logement social et les besoins de la population tels que nous les connaissons n'est franchement pas résolue.
Le contingent préfectoral ne saurait assurer le logement des quelque un million de demandeurs de logements sociaux et très sociaux, puisqu'il ne représente que 100 000 logements.
Il est plus que nécessaire d'ouvrir le parc locatif privé à cette offre de logement - vous avez donné votre accord, tout à l'heure, sur cette mesure - faute de quoi ce texte restera vain et vous aurez une fois de plus fait la démonstration que, au-delà d'un effet d'annonce, vous ne souhaitez en aucun cas mobiliser les outils adaptés à la réalisation du droit au logement
C'est pourquoi cet amendement vise simplement à centrer plus précisément la mesure d'exonération de la contribution sur les revenus locatifs, en la limitant aux logements loués à des niveaux équivalents à ceux qui sont pratiqués pour les logements locatifs sociaux du voisinage.
Avec cet amendement, nous respectons à la lettre le titre de cette loi !
Vous le savez bien, la part du loyer prend dans le budget des foyers une place qui devient insupportable ! Le déficit de logements sociaux adaptés aux conditions de ressources confine des milliers de familles dans des conditions de vie indignes.
Aussi, il nous semble juste que l'exonération ne puisse intervenir dans le cas où le bailleur du logement conventionné sans travaux par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat pratique le loyer maximal autorisé par la loi. Elle ne doit donc être applicable qu'à ceux qui opteront clairement pour la modération des loyers.
Ce type de logement se situe en moyenne plus de 30 % au-dessus des loyers sociaux : comment voulez-vous que les salariés pauvres, les femmes seules avec enfant, les jeunes débutant leur vie professionnelle puissent y accéder ?
Je vous rappelle, pour mémoire, que le loyer d'un PLS est de 8,64 euros par mètre carré dans Paris et la petite couronne, tandis qu'il s'élève à 15,90 euros en « Besson ancien » et atteint 19,89 euros en « Robien ».
Même si le niveau des loyers se situait aux alentours des seuils du « Besson » ou en dessous du « Robien », il resterait très largement supérieur aux possibilités financières des demandeurs de logement.
Il convient donc que la mise en oeuvre des dispositifs d'incitation fiscale soit plus exactement centrée sur les propriétaires acceptant de pratiquer les loyers les plus bas.
Et ne nous rétorquez plus, s'il vous plaît, que cette mesure effraierait « les investisseurs privés », car la demande est telle qu'ils seront certains de trouver des candidats à la location qui ne présenteront pas de risque majeur quant à l'encaissement des loyers !
Et si cet effroi vous tracasse à ce point, vous pouvez également assortir cette disposition d'une couverture des risques locatifs étendue aux bénéficiaires des minima sociaux !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Le dispositif d'incitation fiscale actuel est équilibré et la modification proposée risquerait d'avoir un effet contraire en n'incitant plus la mise en location des logements par les propriétaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 5 (précédemment réservé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Vera, Mme Demessine, MM. Muzeau, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le I de l'article 232 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« I. - Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, une taxe annuelle sur les logements vacants dans les communes appartenant à des zones d'urbanisation de plus de deux cent mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées. Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée. »
II. - Le IV du même article est ainsi rédigé :
« IV. - L'assiette de la taxe est constituée par la valeur locative du logement mentionnée à l'article 1409. Son taux est fixé à 20 % la première année d'imposition, 25 % la deuxième année et 30 % à compter de la troisième année. »
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. La vacance est l'une des questions essentielles que nous pose l'actuelle crise du logement dans notre pays.
Comment comprendre, en effet, que des demandeurs de logement puissent se retrouver sans solution, alors même que des milliers, voire des centaines de milliers de logements sont vides, pour des raisons très diverses.
Si ces logements, pour une partie, ne correspondent plus aux normes de décence et d'habitabilité fixées par la loi, c'est loin d'être le cas de la totalité de ces logements vacants.
L'exemple encore récent de l'occupation, symbolique à plus d'un titre, d'un immeuble appartenant à un important établissement de crédit, rue de la Banque, face à la Bourse, le montre suffisamment.
Des logements vides, immédiatement habitables, répondant aux normes de confort et adaptés à la situation des familles en souffrance de logement, il y en a dans toutes les grandes villes de ce pays !
L'INSEE dénombrait, à la fin de l'année 2004, 916 000 logements individuels vacants et 996 000 logements vides situés dans un immeuble collectif.
Si l'on en croit l'INSEE, dans le VIe arrondissement de Paris, plus de 4 000 logements étaient vacants au recensement 1999 ; ce nombre était équivalent dans l'arrondissement voisin du Ve et s'élevait à plus de 12 500 dans le XVe arrondissement.
Les grandes villes de province ne sont pas en reste. Lille comptait en effet 14 500 logements vides, le quart étant constitué de logements de quatre pièces et plus, le cinquième de logements de trois pièces. Lyon recensait plus de 27 000 logements vides, dont le quart en version trois pièces, et plus de 5 500 logements comprenant quatre pièces et plus. Quant à Marseille, on y dénombrait plus de 32 000 logements vides, dont un tiers de trois pièces, et plus de 8 000 logements de plus grande capacité.
Nous l'avons dit, ces logements ne présentent pas nécessairement toutes les garanties de confort. Nombre d'entre eux exigent sans doute d'importants travaux de réhabilitation, mais une bonne part de ces logements pourraient être reloués directement, mais restent tout aussi directement vacants, parce que leurs propriétaires laissent délibérément les lieux vides.
La taxation des logements vacants, prévue par l'article 232 du code général des impôts, introduite par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, visait par principe à conduire les propriétaires fonciers et immobiliers à remettre plus rapidement en location leurs biens.
Nombre de logements sont aujourd'hui vides parce que leurs propriétaires attendent tranquillement de dégager une importante plus-value à la revente, plus-value qui s'avère bien plus fructueuse que l'encaissement de loyers auprès de locataires aux ressources hypothétiques.
C'est évidemment pour ces raisons que la taxe annuelle n'a finalement qu'assez peu de portée sur la situation réelle de la mise en location, le régime de faveur dont profitent les plus-values immobilières permettant largement de supporter les contraintes de son paiement.
Notre amendement vise donc à doubler le poids de cette taxe, la vacance de logements étant parfaitement insupportable dans les zones dites de forte tension sur le « marché » du logement.
Nous faisons cette proposition parce qu'il est temps d'améliorer la fluidité du secteur du logement et de développer l'offre locative. Il est temps, grand temps de renforcer le caractère essentiel du droit au logement. C'est d'ailleurs une manière de répondre à la question du droit opposable dans un autre registre.
C'est là l'objet principal de cet amendement que je ne peux que vous inviter à adopter.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 259, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la seconde phrase du IV de l'article 232 du code général des impôts, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 20 % », le taux : « 12,5 % » est remplacé par le taux : « 25 % », et le taux : « 15 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Notre amendement vise à doubler le taux de la taxe annuelle sur les logements vacants afin de libérer ces logements vides et de décourager la vacance spéculative.
À l'heure où la spéculation sur les logements vides côtoie l'envolée des prix du logement et l'augmentation incessante du nombre de personnes sans domicile fixe, rappelons que les logements taxés sont ceux qui restent vacants au moins deux années consécutives.
Tout d'abord, il faut le savoir, la loi dispose que la taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable. Ensuite, au bout de deux années de vacance constatée, les propriétaires sont taxés à 10 % de la valeur locative du logement, ce qui n'est pas très décourageant. Enfin, l'augmentation que nous proposons améliorera le financement de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, qui en est bénéficiaire.
Cette année, la taxe annuelle sur les logements vacants n'a rapporté que 20 millions d'euros, c'est-à-dire quasiment rien. Si l'on regarde la moyenne, cela représente à peu près 10 euros par logement vacant, ce qui est ridicule. Lorsqu'on sait que, d'un côté, il y a 2 millions de logements vides et, de l'autre, 86 500 SDF, on comprend qu'un tel scandale ne peut plus durer.
Monsieur le ministre, notre dispositif s'inspire de l'une de vos idées. Vous nous aviez dit ici même, au Sénat, en novembre 2005, que la production de logements neufs n'atteindrait jamais un rythme aussi élevé que la remise sur le marché d'un certain nombre de logements vacants.
Mme Alima Boumediene-Thiery. En outre, au cours de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement, le Parlement a adopté une mesure d'incitation fiscale favorisant les propriétaires qui remettent un logement vacant sur le marché. M. Braye avait jugé cette mesure plus efficace.
Les deux dispositions que nous présentons sont complémentaires : d'une part, les logements vacants sont taxés et, d'autre part, une prime est accordée pour les logements qui ne sont plus vacants. On établit ainsi une sorte de « bonus-malus ». Toutefois, si l'on ne conserve que la partie « malus », on ne parvient pas à l'équilibre : on dépense encore de l'argent public au bénéfice des propriétaires, qui ne sont quand même pas les plus à plaindre, surtout en regard de la population défavorisée ici concernée et qui ne cesse de croître.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'adoption de l'amendement n° 3 rectifié introduirait une rupture d'égalité entre les communes, d'une part, et les propriétaires privés, d'autre part. La commission a donc émis un avis défavorable.
Elle a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 259.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sujet est absolument crucial.
Il y a trois ans, nous avions mis en place des dispositifs pour reconquérir des logements laissés vacants en raison du coût des travaux à réaliser ou de leur état insalubre. Nous avions prévu d'arriver à 40 000. En fait, nous en sommes à 42 000. Ils ne figurent pas dans les comptes sociaux, car ils ne sont pas conventionnés par l'ANAH. En ce qui concerne le parc privé, le nombre de conventions passées avec l'ANAH était de 9 800. Nous en sommes aujourd'hui à 38 000, et j'espère que nous serons à 60 000 ou 70 000 l'année prochaine.
Lors du débat sur la loi ENL, le bail et le fonds de commerce avaient été dissociés, pour résoudre une difficulté juridique tenant à l'absence d'autonomie entre le logement du premier étage et le fonds. Le dispositif est en place, et l'ANAH suit sa mise en oeuvre. En 2007, on envisage entre 15 000 et 20 000 opérations de ce type, ce qui permettra autant de mises en location.
Pour ce qui concerne les autres logements vacants - pour des raisons très diverses, en effet, monsieur Ralite -, comme nous nous y étions engagés, une expérimentation a été conduite avec les partenaires sociaux dans les Yvelines. À cette occasion, un dispositif de garantie universelle des risques locatifs a été mis en place. La Haute Assemblée sera d'ailleurs conduite à se prononcer tout à l'heure ou demain sur un amendement visant à créer un fonds de garantie des risques locatifs.
De quoi s'agit-il ? Comme il a été demandé sur toutes les travées du Sénat et comme je m'y étais engagé, il s'agit d'un dispositif de substitution piloté par les partenaires sociaux, mais financé par l'État. Ainsi, d'un côté, tout propriétaire, de l'autre, toute personne en CDD, en intérim, à la recherche d'un emploi, tout jeune, quelle que soit sa situation, bénéficieront d'une garantie contre le risque.
C'est une vraie garantie ! Dès le premier mois du premier impayé, le dispositif substitutif entre immédiatement en action et le paiement est transféré automatiquement. Par conséquent, il n'est pas nécessaire, comme en matière assurantielle, d'essayer de savoir le pourquoi ou le comment. Dans le même temps, comme cela été mis en place avec succès il y a trois ans pour les logements locatifs sociaux en cas d'impayé, une équipe de soutien social assistera la personne en difficulté et deviendra le médiateur du système.
Les partenaires sociaux seront amenés à gérer ce dispositif. Le conseil d'administration de l'UESL, qui s'est réuni il y a quinze jours - les premiers locaux sont en cours d'installation à Bordeaux, mais le dispositif sera totalement national -, estime que trois millions de contrats de bail seront concernés dans les trois années à venir, dont 500 000 à 600 000 pour des logements vacants. Il n'y aura plus aucune raison pour un propriétaire de s'inquiéter de la situation d'un locataire, car on se retrouvera dans un climat de confiance intégrale grâce à l'automaticité des paiements. Cette forme de garantie publique est pratiquée par les länder allemands, et nous l'avons adaptée à la mode française.
Les partenaires sociaux ont réalisé un travail énorme. Et, si nous avons choisi ce système plutôt qu'une solution strictement assurantielle, c'est pour nous assurer qu'il y aura un accompagnement social immédiat. Lorsque nous avions demandé qu'il n'y ait plus d'expulsion de locataires de bonne foi rencontrant des difficultés sociales dans les organismes d'HLM et que l'on puisse rétablir immédiatement l'APL en cas de signature d'une convention, certains avaient craint que l'on n'entre ainsi dans un système d'irresponsabilité. Or on s'est rendu compte que le nombre d'incidents s'est considérablement réduit.
Nous sommes donc très confiants. C'est pourquoi nous vous proposerons de voter la mise en place d'un fonds de garantie des risques locatifs financé à 100 % par l'État. Pour être honnête, je suis incapable de dire s'il y en aura 300 000, 600 000 ou 800 000. D'ailleurs, aucun expert ne peut le dire. Cela étant, cet effort majeur représente une véritable révolution. J'espère que les contentieux latents ou ceux qui existent entre les locataires et les propriétaires seront réglés une fois pour toutes dans ce pays.
L'organisme tiers gardera quand même sa capacité d'entamer des poursuites. Il y a en effet des personnes de mauvaise foi qui peuvent créer des préjudices. En l'occurrence, il ne s'agit pas de transférer la charge des paiements locatifs à l'État. Nous visons des situations dans lesquelles les gens qui rencontrent des difficultés sociales sont de bonne foi et nous voulons aplanir les difficultés entre le propriétaire et le locataire grâce à l'intervention d'un organisme tiers garantissant les paiements. Dans ces conditions, je suis convaincu que nous allons massivement débloquer la situation.
Je peux vous le dire, la tâche n'a pas été aisée. Les arbitrages ne furent pas si simples à prendre, car nous sommes là à guichet ouvert. Mais j'ai une grande confiance dans la capacité des partenaires sociaux à gérer le dispositif. C'est une véritable révolution dans notre pays qui aura des incidences, y compris sur la production de logements neufs.
Quand on sait le nombre de retraités qui hésitent à louer leur bien, même s'ils finissent par le faire... Imaginez les centaines de milliers de logements que représente une année d'hésitation ! Nous cherchons donc à réduire le délai de mise ou remise en location.
Le paiement par l'organisme tiers, je le répète, se fera dès le premier mois d'impayé et ne s'arrêtera qu'une fois le logement à nouveau disponible. La sécurité sera donc de 100 %.
Pour vous dire le fond de ma pensée, et je rejoins ce que disait Mme Boumediene-Thiery tout à l'heure, je n'aurais peut-être pas eu autant d'allant pour présenter ce texte très important si, en plus de la production, qu'il faut maintenir, soutenir, amplifier et même recentrer à certains égards - je pense aux amendements concernant les PLAI -, je n'avais pas eu la garantie du déblocage massif du secteur privé dans toutes ses catégories. Car n'oubliez jamais que ce sont les propriétaires du petit secteur privé, les propriétaires de logements de petite superficie, qui sont les plus inquiets. Le blocage n'a pas lieu pour les appartements dont les loyers vont de 3 000 à 10 000 euros.
M. Guy Fischer. Oh non !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est sur les deux ou trois studios du retraité, sur les deux pièces, qu'il y a blocage, dû à une véritable inquiétude.
Voilà pourquoi j'ai tenu à prendre cette décision, absolument cruciale, avant de quitter ce ministère. L'avenir nous dira ce qu'il en sera de ce mécanisme de garantie des risques locatifs pour tous en termes quantitatifs. En attendant, je vous propose de laisser le reste de la loi ENL en l'état et de diffuser fortement ce nouveau dispositif, qui sera complètement opérationnel dans les quatre semaines qui viennent.
Pour répondre plus précisément aux auteurs des amendements, je ne propose pas de faire disparaître la taxe annuelle sur les logements vacants, même si l'on voit bien que son efficacité est quasiment nulle. Il est vrai que les valeurs locatives n'évoluent pas et qu'il existe des possibilités d'exonération si les conditions ne sont pas bonnes.
Bref, je suis convaincu que, avec le système qui vous est proposé, nous tenons le moyen d'un déblocage qui nous permettra d'assumer le droit opposable au logement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)