Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 239, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les départements sont autorisés à expérimenter, dans le cadre d'une convention conclue avec l'État pour la durée de l'expérimentation, un contrat aidé, dénommé contrat unique d'insertion qui se substitue au contrat d'accompagnement dans l'emploi, au contrat initiative emploi, au contrat d'avenir et au contrat insertion-revenu minimum d'activité prévus respectivement aux articles L. 322-4-7, L. 322-4-8, L. 322-4-10 et L. 322-4-15 du code du travail et qui peut être conclu avec l'ensemble des personnes et employeurs qui satisfont aux conditions requises pour bénéficier de l'un de ces contrats.
Ce contrat peut être conclu pour une durée déterminée en application de l'article L. 122-2 ou indéterminée. Il est conclu pour une durée minimale de travail hebdomadaire de vingt heures. Lorsqu'il est conclu pour une durée déterminée, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 122-2 relatives au nombre maximal des renouvellements ne sont pas applicables.
La signature du contrat unique d'insertion ouvre droit pour l'employeur à une aide modulable. La convention passée entre l'État et le Conseil général définit le montant, la durée et les modalités d'attribution de cette aide en fonction de critères liés à la situation du bénéficiaire du contrat avant la signature de celui-ci, au statut juridique de l'employeur, aux engagements pris par celui-ci en matière d'accompagnement, de formation et de pérennisation de l'emploi. La convention prévoit également la répartition du financement entre l'État et le conseil général qui sont chacun chargés de la mise en oeuvre de ce contrat dans le département. La part de l'aide correspondant au revenu minimum d'insertion (RMI), à l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou à l'allocation de parent isolée (API) antérieurement versée au bénéficiaire du contrat unique d'insertion reste, en tout état de cause, à la charge de l'État ou de la collectivité débitrice de cette allocation.
II. - La charge supplémentaire pour l'État est compensée dans des conditions fixées par la prochaine loi de finances.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. L'objet principal de cet amendement est d'autoriser les départements volontaires à expérimenter un contrat unique d'insertion, qui serait ouvert à l'ensemble des personnes remplissant les critères actuels pour bénéficier de l'un des quatre contrats aidés suivants : contrat d'avenir, contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, contrat d'accompagnement dans l'emploi et contrat initiative-emploi.
L'ouverture d'une telle faculté aux départements volontaires permettra de décloisonner les dispositifs et de gagner en efficacité. Ce contrat simplifié sera également plus lisible tant pour le bénéficiaire que pour l'employeur. Pour éviter les effets de précarisation qu'induirait un contrat temporaire, le contrat unique d'insertion sera donc signé pour une durée, déterminée ou non, qui ne sera jamais inférieure à six mois.
Le contrat unique d'insertion sera assorti d'un financement modulable, en fonction, d'une part, du degré d'éloignement de l'emploi du bénéficiaire et, d'autre part, des engagements pris par l'employeur en matière d'accompagnement, de formation ou de pérennisation du contrat.
Cette aide modulable versée à l'employeur devra être clairement identifiable. Elle sera prise en charge par l'État pour les bénéficiaires de l'allocation de parent isolée, l'API, et de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, et par le département pour les bénéficiaires du RMI.
Cet amendement se situe dans la lignée des propositions qui avaient été formulées dans le rapport au Premier ministre intitulé Plus de droits et plus de devoirs pour les bénéficiaires des minima sociaux d'insertion, présenté par nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt au mois de décembre 2005.
Mme la présidente. L'amendement n° 284, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 142 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 est complété par trois paragraphes ainsi rédigés :
« XI. - Dans les départements mentionnés au II du présent article et pour une durée de trois ans, une expérimentation peut être menée selon les dispositions de l'article 37-1 de la Constitution, afin de favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation de parent isolé et de l'allocation aux adultes handicapés, à l'exception des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion visés au IV du présent article et de simplifier l'accès au contrat d'avenir institué à l'article L. 322-4-10 du code du travail et au contrat insertion-revenu minimum d'activité institué à l'article L. 322-4-15 du même code. Le représentant de l'État dans le département est autorisé dans ce cadre et dans les conditions prévues au XIII du présent article à déroger par arrêté :
« 1° Au premier alinéa de l'article L. 322-4-12 du même code, qui définit le contrat d'avenir comme un contrat à durée déterminée afin de permettre aux employeurs privés mentionnés aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 322-4-11 du même code de conclure un contrat d'avenir sous la forme soit d'un contrat à durée déterminée, soit d'un contrat à durée indéterminée, soit d'un contrat de travail temporaire ;
« 2° Aux premier et troisième alinéas du II de l'article L. 322-4-12 et au troisième alinéa du I de l'article L. 322-4-15-6 du même code, qui instituent des aides à l'employeur ayant conclu un contrat d'avenir ou un contrat insertion-revenu minimum d'activité et en fixent les modalités. Le représentant de l'État dans le département met en oeuvre une aide modulable en fonction du nombre d'heures de travail effectuées, de la catégorie à laquelle appartient l'employeur, des initiatives prises en matière d'accompagnement et de formation professionnelle en faveur du bénéficiaire, des conditions économiques locales et de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi.
« 3° À l'article L. 351-10 du même code, ainsi qu'au troisième alinéa du I de l'article L. 524-5 et à l'article L. 821-7-2 du code de la sécurité sociale, dans le cas où une aide modulable est mise en oeuvre en vertu du 2° du présent XI. Le montant de l'allocation versée respectivement aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation de parent isolé et de l'allocation aux adultes handicapés ayant conclu un des contrats mentionnés à l'article L. 322-4-10 ou à l'article L. 322-4-15 est alors diminuée du montant de l'aide versée à l'employeur, dans la limite d'un montant égal à l'allocation de revenu minimum d'insertion garanti à une personne isolée en application de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles.
« 4° Aux douzième et treizième alinéas de l'article L. 322-4-11 du même code, en tant qu'ils fixent la durée minimale, le nombre de renouvellements et la durée maximale de la convention individuelle conclue entre le bénéficiaire du contrat d'avenir et la collectivité publique chargée de la mise en oeuvre de ce contrat, ainsi qu'aux premier et deuxième alinéas du I de l'article L. 322-4-12 du même code, en tant qu'ils fixent la durée minimale et le nombre de renouvellements du contrat d'avenir. Les contrats d'avenir conclus dans le cadre de l'expérimentation ont une durée minimale de six mois. Lorsqu'ils revêtent la forme d'un contrat à durée déterminée, ils sont renouvelables dans la limite de vingt-quatre mois.
« Les conventions individuelles de contrat d'avenir ont une durée minimale de six mois et sont renouvelables dans la limite de vingt-quatre mois ;
« 5° Au troisième alinéa de l'article L. 322-4-15-2 du même code, en tant qu'il fixe la durée maximale de la convention conclue entre la collectivité publique débitrice de la prestation et l'employeur du bénéficiaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité, et au cinquième alinéa de l'article L. 322-4-15-4 du même code, en tant qu'il fixe la durée maximale du contrat insertion-revenu minimum d'activité lorsque celui-ci est conclu pour une durée déterminée. Lorsqu'il revêt la forme d'un contrat à durée déterminée, le contrat insertion-revenu minimum d'activité est renouvelable dans la limite de vingt-quatre mois.
« Les conventions individuelles de contrat insertion-revenu minimum d'activité sont renouvelables dans la limite de vingt-quatre mois ;
« 6° Au cinquième alinéa du I de l'article L. 322-4-12 du même code, en tant que celui-ci fixe à vingt-six heures la durée hebdomadaire de travail des personnes embauchées dans le cadre d'un contrat d'avenir. Le contrat d'avenir conclu dans le cadre de l'expérimentation comprend une durée hebdomadaire du travail minimale de vingt heures sans dépasser la durée prévue au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code du travail et à l'article L. 713-2 du code rural ;
« 7° Au deuxième alinéa du IV de l'article L. 322-4-12 du même code, qui prévoit les cas dans lesquels le contrat d'avenir peut être suspendu. Lorsque le contrat d'avenir est conclu pour une durée déterminée, il peut être suspendu, outre les cas déjà énumérés par cet alinéa, afin de permettre au bénéficiaire d'effectuer des stages en entreprise ou des missions de travail temporaire lorsque celles-ci ont une durée minimale de deux semaines ;
« 8° Au premier alinéa du III du L. 322-4-8 qui définit le contrat initiative emploi comme un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée, afin de permettre aux employeurs mentionnés au I de l'article L. 322-4-8 de conclure un contrat initiative emploi, soit sous la forme d'un contrat à durée déterminée, soit d'un contrat à durée indéterminée, soit d'un contrat de travail temporaire ;
« 9° Au quatrième alinéa du L. 322-4-7 qui définit le contrat d'accompagnement dans l'emploi comme un contrat à durée déterminée, afin de permettre aux organismes de droit privé à but non lucratif et aux personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public de conclure un contrat d'accompagnement dans l'emploi soit sous la forme d'un contrat à durée déterminée, soit d'un contrat à durée indéterminée, soit d'un contrat de travail temporaire ;
« 10° Au deuxième alinéa du III du L. 322-4-8 et au dernier alinéa de l'article L. 322-4-7 qui prévoient les cas dans lesquels le contrat initiative emploi et le contrat d'accompagnement dans l'emploi peuvent être suspendus. Lorsque le contrat initiative emploi ou le contrat d'accompagnement dans l'emploi sont conclus pour une durée déterminée ils peuvent être suspendus, outre les cas déjà énumérés par ces alinéas, afin de permettre au bénéficiaire d'effectuer des stages en entreprise ou des missions de travail temporaire lorsque celles-ci ont une durée minimale de deux semaines ;
« 11° Au dernier alinéa du I du L. 322-4-8 du code du travail, les règles relatives à la durée maximale de la convention contrat initiative emploi prévue et à celle du contrat conclus pour son application, ainsi que les règles relatives aux conditions de son renouvellement. Les conventions individuelles et les contrats de travail y afférant lorsqu'ils revêtent la forme d'un contrat à durée déterminée ont une durée minimale de 6 mois et sont renouvelables dans la limite de 24 mois ;
« 12° Au troisième alinéa du I de l'article L 322-4-7, les règles relatives à la durée maximale de la convention contrat d'accompagnement dans l'emploi et à celle du contrat de travail conclu en application de celle-ci, ainsi que les règles relatives aux conditions de son renouvellement. Les conventions individuelles et les contrats de travail y afférant lorsqu'ils revêtent la forme d'un contrat à durée déterminée ont une durée minimale de 6 mois et sont renouvelables dans la limite de 24 mois ;
« 13° Au II de l'article L 322-4-7 et au II de l'article L. 322-4-8 qui fixent les règles relatives au montant maximal de l'aide versée par l'État pour l'embauche de personnes en contrat d'accompagnement dans l'emploi ou contrat initiative emploi ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent être modulées. Le représentant de l'État dans le département peut créer une aide modulable en fonction du nombre d'heures de travail effectuées, de la catégorie à laquelle appartient l'employeur, des initiatives prises en matière d'accompagnement et de formation professionnelle en faveur du bénéficiaire, des conditions économiques locales et de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi ;
« 14° Les contrats conclus dans le cadre de l'expérimentation prévoient obligatoirement des actions de formation et d'accompagnement au profit de leurs titulaires. Adaptées en fonction de la durée du contrat, elles peuvent être menées pendant le temps de travail et en dehors de celui-ci.
« XII. - Dans l'objectif de mettre en oeuvre un projet commun de contrat unique d'insertion, la convention de mise en oeuvre de l'expérimentation prévue au IX peut prévoir les modalités de rapprochement des règles déterminées par l'État pour les contrats dont il a la charge et dont il assure le financement en vertu du XI du présent article, et des règles déterminées par le département pour les contrats dont il a la charge et dont il assure le financement dans les conditions du IV du présent article;
« Ces expérimentations peuvent également porter sur une partie du territoire du département, qui connaît des difficultés de retour à l'emploi des publics concernés d'une importance ou d'une nature particulière.
« XIII. - Le représentant de l'État dans le département adresse pour accord au ministère chargé de l'emploi un dossier décrivant les expérimentations envisagées, les objectifs poursuivis, les résultats attendus, les dispositions législatives et réglementaires auxquelles ils entendent déroger ainsi qu'un protocole d'évaluation. Après examen de ces dossiers, le Ministre chargé de l'emploi arrête une liste de départements dans lesquels le représentant de l'État dans le département est autorisé à conduire l'expérimentation selon les dispositions du XI du présent article.
« Les représentants de l'État qui mettent en oeuvre une expérimentation sur le fondement du XI du présent article élaborent chaque année un rapport contenant les informations nécessaires à son évaluation, notamment les données agrégées portant sur les caractéristiques des bénéficiaires et sur les prestations fournies ainsi que les éléments relatifs à l'impact de ces mesures sur le retour à l'emploi.
« Avant l'expiration de la durée fixée pour l'expérimentation, ils adressent au ministre chargé de l'emploi un rapport d'évaluation de l'expérimentation. Ils peuvent à cette fin requérir l'appui du comité d'évaluation mentionné au X du présent article.
« Avant l'expiration de cette même durée, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport d'évaluation portant sur les expérimentations mises en oeuvre en application du présent article. »
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 239.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Bien entendu, le Gouvernement cherche à atteindre les mêmes objectifs que les parlementaires.
Cet amendement n° 284 respecte l'esprit du plan de cohésion sociale, qui a pour objet de simplifier et de clarifier le champ des contrats aidés.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, une expérimentation sur le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI a été ouverte ; elle pourra être mise en oeuvre dans les départements qui se porteront volontaires.
L'objet de l'amendement n° 284 est de nous permettre de franchir une étape supplémentaire, par la fusion de l'ensemble des contrats aidés en un contrat unique d'insertion.
L'amendement n° 239, qui vient d'être présenté par M. Pozzo di Borgo, ne permet pas, dans sa rédaction actuelle, la mise en oeuvre d'un contrat unique d'insertion et ne présente de garanties juridiques suffisantes ni pour les salariés, ni pour les employeurs, ni pour les collectivités locales. Or l'institution d'un contrat unique implique de définir clairement les responsabilités respectives du département et de l'État.
Pour répondre aux préoccupations qui ont été exprimées par M. Pozzo di Borgo, le Gouvernement propose donc à ce dernier de retirer son amendement au profit de l'amendement n° 284, qui permet de répondre à de tels problèmes juridiques.
Les expérimentations pourraient être menées en lien avec les conseils généraux dans les départements qui sont déjà volontaires pour l'expérimentation votée dans le cadre de la loi de finances. Par un partenariat entre l'État et les présidents de conseils généraux, nous rendons ainsi possible l'expérimentation de ce contrat.
C'est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de l'amendement n° 239 au profit de l'amendement n° 284, afin que cette expérimentation puisse devenir une réalité.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Comme vous le savez, je suis particulièrement sensible à la problématique du contrat unique.
À cet égard, vous me permettrez de faire référence au rapport que j'avais remis sur le sujet au Premier ministre, en 2003, en tant que parlementaire en mission auprès de François Fillon, alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Roland Muzeau. Et du chômage !
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je préconisais un contrat unique, à une époque où il était déjà difficile de le mettre en oeuvre.
Je remercie donc les auteurs de ces deux amendements. Je salue également notre collègue Louis de Broissia, qui avait déposé un amendement de même nature et qui l'a retiré.
Je partage l'avis de Mme la ministre, qui souhaite le retrait de l'amendement n° 239 au bénéfice de l'amendement n° 284. En effet, ce dernier me semble mieux adapté, car, s'agissant d'un parcours difficile, une phase expérimentale incontestable s'impose. Or l'encadrement prévu par le Gouvernement permettra, me semble-t-il, d'atteindre cet objectif. Ce sera donc un gage de succès.
Je me réjouis donc de l'initiative du Gouvernement tendant à évoluer vers un contrat unique, et je l'en remercie.
Mme la présidente. Monsieur Pozzo di Borgo, l'amendement n° 239 est-il maintenu ?
M. Yves Pozzo di Borgo. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 239 est retiré.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 284.
M. Roland Muzeau. Chacun l'aura mesuré, il ne s'agit pas d'un amendement banal ou simplement technique.
M. Roland Muzeau. Le dispositif que cet amendement tend à instituer est dans l'air du temps, et ce depuis plusieurs années.
Je pense notamment au « vrai faux » rapport rédigé par MM. Mercier et de Raincourt (Sourires.), dont ils ont toujours refusé la paternité. En effet, quand on les sollicitait à ce sujet, nos collègues se défendaient presque d'en être les auteurs. Peut-être a-t-on donné leur nom à ce rapport « à l'insu de [leur] plein gré », pour reprendre les propos d'un célèbre coureur cycliste ?... (Nouveaux sourires.)
Après cette première tentative, le sujet a été à nouveau abordé. Ainsi, la commission des affaires sociales avait mis en place un groupe de travail chargé de réfléchir sur les minima sociaux, en abordant toutes les problématiques afférentes, par exemple la question de leur unicité.
En raison des coûts supplémentaires que cela pouvait créer et de l'article 40 de la Constitution, qui avait été invoqué de manière précoce, ces tentatives avaient été abandonnées.
Puis, notre collègue Valérie Létard a récemment émis sur le sujet une nouvelle proposition, dont nous connaissons tous la destinée.
Or, à présent, dans le cadre d'un amendement tendant à instituer un dispositif faussement banal, la même mesure, qui était sortie par la porte, revient par la fenêtre, à moins que ce ne soit l'inverse ! (Sourires.)
Il est donc hors de question que nous adoptions un tel dispositif en l'absence d'une appréciation rigoureuse de ses conséquences. À lui seul, le contrat unique mériterait presque de faire l'objet d'un texte législatif accompagné de tableaux comparatifs et précédé d'un important travail préparatoire de la commission des affaires sociales, par exemple avec l'audition des grandes associations nationales travaillant sur la question de l'insertion. Or il n'y a rien eu de tel !
On nous présente cette mesure via un amendement en prétendant qu'il n'y a aucun risque, puisqu'il s'agit d'une simple expérimentation. Le problème est que nous avons de plus en plus d'« expérimentations » dès lors qu'il s'agit de textes législatifs portant sur le droit du travail ou les questions sociales.
Certes, la République a sans doute besoin d'expérimentations pour généraliser un certain nombre de dispositifs. Mais, à mon sens, mener autant d'expérimentations, avec des dispositifs dérogatoires selon les régions ou les territoires, devient véritablement insupportable.
Nous sommes à quelques semaines ou à quelques mois de la fin de ce gouvernement, dont l'action n'a que trop duré, et nous ne pouvons pas vous laisser instituer une telle mesure !
Vous le comprendrez donc bien, nous voterons résolument contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Pour ma part, je voterai évidemment cet amendement, mais je souhaiterais obtenir une précision quant à la durée de ce contrat unique.
En effet, comme je l'expliquais hier à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, nous rencontrons quelques difficultés dans la mise en oeuvre des contrats d'accompagnement dans l'emploi, les CAE.
En effet, alors que les CAE peuvent légalement durer vingt-quatre mois, le préfet de la région d'Île-de-France a, semble-t-il, adressé une circulaire aux ANPE pour leur demander de limiter le renouvellement du contrat à une seule fois. Par conséquent, dans notre région, un CAE peut durer pendant une première période de six mois, être renouvelé une fois pour la même période, et c'est tout. Cela pose tout de même un certain nombre de problèmes.
On nous demande de mettre en place, outre le CAE, des plans de formation, ce que je fais en tant que maire. Or nous avions eu l'imprudence d'instituer ces plans pour une durée supérieure à un an, et l'ANPE nous a annoncé que le deuxième renouvellement des contrats n'était pas possible ! J'aimerais donc avoir des précisions sur la durée de ce nouveau contrat unique.
Par ailleurs, madame la ministre, j'aimerais être rassuré sur un point. En effet, la collectivité que je dirige réalise des efforts importants : trente-cinq personnes bénéficient ainsi d'un CAE. Nous appliquons ce dispositif dans l'esprit des textes législatifs, c'est-à-dire en vue de « mettre le pied à l'étrier » à des bénéficiaires du contrat, auxquels nous assurons également une formation. Il faut donc que les règles soient précisées, faute de quoi nous serions totalement dépendants des ANPE, qui peuvent décider d'accorder ou non leur agrément. Cela nous pose de réelles difficultés.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, compte tenu de ce que vous venez de souligner, le dispositif mérite effectivement de faire l'objet d'une expertise, et nous y procéderons.
Par ailleurs, je vous le rappelle, la durée du contrat unique est de six mois au minimum et n'a pas de limite supérieure.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
Article 6
I. - L'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa, les mots : « Les cotisations sont calculées, chaque année, » sont remplacés par les mots : « Les cotisations sont établies sur une base annuelle. Elles sont calculées, » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux quatrième et sixième alinéas, les travailleurs non salariés, entrant dans le champ de l'exonération prévue à l'article L. 131-6-2, peuvent, pour l'année au cours de laquelle débute leur activité professionnelle et les deux années civiles suivantes, demander que l'ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le trimestre précédent la fraction visée à l'article L. 131-6-2. Ce régime reste applicable au titre de l'année civile au cours de laquelle les limites de chiffre d'affaires ou de recettes prévues par les articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont dépassées. »
II. - Au premier alinéa de l'article L. 131-6-1 du même code, après les mots : « code du travail » sont insérés les mots : « et lorsqu'il n'est pas fait application du dernier alinéa de l'article L. 131-6 ».
III. - Après l'article L. 131-6-1 du même code, il est inséré un article L. 131-6-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-6-2. - Les cotisations obligatoires de sécurité sociale applicables aux travailleurs non salariés non agricoles imposés suivant le régime visé aux articles 50-0 ou 102 ter du code général des impôts font l'objet d'une exonération égale à la différence, si elle est positive, entre le total des cotisations et contributions sociales dont ils sont redevables et une fraction de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux.
« Un décret fixe la fraction applicable aux catégories d'activités relevant du même seuil d'imposition en vertu de l'article 50-0 ou de l'article 102 ter du code général des impôts, ainsi que les conditions particulières que doivent remplir les bénéficiaires de l'exonération. Le bénéfice de l'exonération résultant de la fraction fixée par décret ne peut jouer lorsque le chiffre d'affaires de l'entreprise, au titre de chacune des activités concernées, atteint un montant égal aux seuils fixés par les articles 50-0 et l'article 102 ter du code général des impôts.
« Cette disposition n'est pas applicable au titre des périodes au cours desquelles les travailleurs non salariés non agricoles bénéficient des exonérations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 161-1-1, aux articles L. 161-1-2, L. 161-1-3, L. 756-2 et au deuxième alinéa de l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'à l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville et à l'article 146 de la loi de finances pour 2002 n° 2001-1275 du 28 décembre 2001. »
IV. - L'article L. 133-6-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, les travailleurs indépendants relevant des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 131-6 sont dispensés de la déclaration de revenus auprès du régime social des indépendants. Un décret fixe les obligations déclaratives particulières qui leur sont applicables. »
V. - L'article L. 136-3 du même code est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, les mots : « La contribution est, à titre provisionnel, assise » sont remplacés par les mots : « La contribution est établie sur une base annuelle. Elle est assise, à titre provisionnel, » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux troisième et quatrième alinéas, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 131-6 sont applicables lorsque les employeurs ou les travailleurs indépendants ont exercé l'option prévue par cet alinéa. »
VI. - Les dispositions du III s'appliquent pour la première fois pour le calcul des cotisations assises sur les revenus de l'année 2007.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. L'article 6 vise à instaurer une sorte de « bouclier social » pour les travailleurs indépendants en microentreprises.
Le dispositif qui nous est proposé s'appuie sur la proportionnalité des cotisations sociales au chiffre d'affaires dans les premières années d'activité de l'entreprise.
En effet, durant les deux premières années, le montant des cotisations sociales des entreprises est fixé de façon forfaitaire et peut se révéler supérieur au revenu du créateur d'entreprise. Nous le savons, les rémunérations des travailleurs indépendants en microentreprises sont particulièrement faibles durant les premières années d'activité.
Les règles relatives à l'assiette des cotisations sociales sont justifiées, et il n'est nullement question de les remettre en cause. Pourtant, elles sont souvent contraignantes pour les jeunes microentreprises.
Dans l'objectif de favoriser le retour à l'emploi par la création d'entreprise, il était donc nécessaire de remédier à ce problème et d'établir, pour les premières années d'exercice, une assiette des cotisations sociales proportionnelle au chiffre d'affaire.
Ce nouveau dispositif nous paraît justifié, puisqu'il lèvera une partie des contraintes financières à la création de microentreprises, tout en permettant à ces nouveaux travailleurs indépendants de bénéficier de droits sociaux équivalents. La mise en place d'un régime plus simple de déclaration et de paiement des cotisations sociales pour les microentreprises nous semble également constituer une avancée.
Dans l'ensemble, le dispositif proposé paraît donc aller dans le bon sens. Je tiens pourtant à observer qu'il se surajouterait à un ensemble foisonnant et peu lisible d'aides déjà existantes. Voilà quelques jours, une mission d'audit menée conjointement par l'Inspection générale des finances, l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale de l'administration a rendu un rapport sur les aides publiques aux entreprises. Ce rapport souligne le poids financier et le manque de lisibilité de ces dispositifs d'aide directe et d'exonération de charges.
L'ensemble des aides publiques aux entreprises représente 65 milliards d'euros par an, dont 90 % sont financés par l'État, soit plus que le budget de l'éducation nationale. La mission recommande surtout que ces dispositifs, aujourd'hui très nombreux, soient harmonisés et que l'information du public soit améliorée.
Le dispositif que vous nous présentez aujourd'hui constitue certes une avancée, d'autant que, pour une fois, il concerne la création de microentreprises et pourra peut-être réellement favoriser des initiatives individuelles et le retour à l'emploi.
Mais si l'on veut assurer son succès, il faudra prendre garde à ce qu'il ne soit pas noyé parmi les aides déjà existantes. L'harmonisation et l'évaluation de toutes les aides publiques aux entreprises constituent donc, selon nous, une priorité à laquelle il faudra répondre rapidement. Cette réserve exceptée, ce dispositif nous semble le bienvenu.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 6 du présent projet de loi vise à introduire une mesure qui n'a pu l'être dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
C'est apparemment pour des raisons de forme que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l'article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale, que l'on nous invite à adopter à nouveau au travers de cet article 6. En clair, c'est au détour d'un amendement déposé bien après l'examen du texte par le Conseil d'État, et en vue de tenir une promesse à l'intention d'un électorat précis, que cet article 13 avait été introduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ces dispositions sont-elles plus recevables dans le cadre du présent projet de loi ? Nous ne le croyons pas, et ce pour des raisons de fond que le Conseil constitutionnel n'a pas eu besoin d'invoquer, car il a motivé sa censure en relevant un vice de procédure dans l'adoption de ces dispositions.
Sur le fond, cet amendement méconnaît le principe d'égalité entre assurés sociaux, au regard de la sécurité sociale. Nous n'y sommes donc pas favorables.
Parce qu'ils seraient travailleurs indépendants, certains seraient, en s'en tenant aux termes de l'article 6, en situation de pouvoir moduler leur participation au financement de la sécurité sociale proportionnellement à la réalité de leurs revenus.
Pour le coup, l'État crée d'ailleurs les conditions de la couverture éventuelle de cette « exonération », car certains déclareront un peu plus au titre de leurs revenus d'activité non salariée, avec tout ce que cela implique pour les recettes fiscales de l'État.
L'évidence, c'est que ces entrepreneurs vont moins payer pour leur protection sociale : en fait, on adapte le principe de mutualisation, principe général fondateur de la sécurité sociale, à la situation particulière des bénéficiaires de la couverture !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement de suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 64, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après les mots :
code général des impôts
supprimer la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Les conditions que devront remplir les bénéficiaires de l'exonération, prévues par l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, semblent suffisamment claires et précises. Je les résume : ne pas relever de l'un des deux régimes de la microentreprise et ne pas bénéficier d'autre exonération légale. Il ne nous semble donc pas utile que la loi prévoie des conditions particulières supplémentaires ; ces dernières seront fixées par décret.
Mme la présidente. L'amendement n° 65, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Au VI de cet article, remplacer la référence :
III
par les mots :
présent article
La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un simple amendement de clarification, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Houel, Dulait et Bécot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions sont également applicables aux groupements d'employeurs visés à l'article L. 127-1 du code du travail pour les salariés mis à la disposition de ceux de leurs membres qui ont un effectif inférieur à vingt salariés. »
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Cet amendement vise les groupements d'employeurs et, particulièrement, les entreprises artisanales.
Les groupements d'employeurs sont des associations constituées dans le but exclusif de recruter un ou plusieurs salariés afin de les mettre à disposition de leurs adhérents en fonction de leurs besoins respectifs. Cette formule leur permet de couvrir leurs besoins fluctuants de main-d'oeuvre pour lesquels ils ne possèdent pas de capacité d'embauche. Elle permet également à plusieurs entreprises de partager les compétences spécifiques d'un salarié. L'objectif est de permettre aux petites entreprises de se regrouper pour employer une main-d'oeuvre qu'elles n'auraient pas, seules, les moyens de recruter.
Le contrat de travail est signé entre le salarié et le groupement. Ces groupements peuvent donc employer plus de vingt salariés, alors qu'en réalité ces embauches sont destinées à de très petites entreprises. Les salariés sont effectivement recrutés par le groupement d'employeurs, mais il ne s'agit en réalité que d'un rattachement juridique, leur affectation économique étant celle des entreprises.
Or, l'esprit initial de cet article 6 est bien de soulager les plus petites entreprises d'une partie de leurs charges sociales afin de les aider à recruter davantage et à produire mieux. Dans ces conditions, ne pas appliquer les mêmes mesures aux groupements d'entreprises revient à discriminer les petites entreprises désirant se grouper pour partager une compétence qui, autrement, leur serait inaccessible.
L'adoption brute d'une telle mesure est de nature à détourner les entreprises de la formule du groupement qui, par ailleurs, a fait ses preuves en termes de mutualisation des compétences. Il serait donc juste de prévoir que les groupements d'employeurs bénéficieront de l'exonération de l'ensemble des cotisations sociales pour les salariés qu'ils mettent à la disposition de leurs adhérents dont le nombre de salariés est inférieur à vingt.
Les groupements d'employeurs disposent des données relatives à leurs adhérents. Ces données sont indispensables pour moduler au cas par cas l'application des différentes réglementations. Tel est notamment le cas lorsqu'ils mettent un salarié à la disposition d'un adhérent installé en zone urbaine pour lequel il est nécessaire d'effectuer un versement de taxe transport ; le même salarié, mis à la disposition d'un adhérent employant moins de dix salariés, n'entraînera pas le paiement de cette taxe.
L'application de cette pondération serait donc de nature à encourager les plus petites entreprises à former des groupements, tout en maintenant le principe de la participation à l'effort de tous sur les charges sociales.
Je voudrais simplement ajouter, pour répondre à notre collègue Roland Muzeau, que cet amendement s'adresse en particulier aux entreprises artisanales. En France, l'artisanat représente aujourd'hui 930 000 entreprises qui emploient 2,5 millions de salariés. Dans le bâtiment, 94 % des entreprises comptent moins de dix salariés. Ce dispositif peut donc leur permettre de se regrouper.
N'oublions pas que le secteur du bâtiment a pu créer 150 000 emplois dans les dernières années. Ses effectifs ont augmenté de 5 % en 2006 et, en espérant que 2007 soit aussi favorable, une telle mesure pourrait permettre de créer encore près de 15 000 emplois.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission des affaires sociales est tout à fait favorable à la mesure présentée par le Gouvernement.
J'y suis personnellement d'autant plus favorable que j'ai été sensibilisé depuis plusieurs années à cette question. Cette mesure revêt une importance capitale pour la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
En effet, dans le rapport que j'avais remis en 2003 au Premier ministre et que j'ai déjà cité, j'avais préconisé une mesure de cette nature. Je n'en étais pas l'inventeur, car elle m'avait été suggérée par Maria Nowak, qui a transposé et créé en France le microcrédit afin de permettre aux personnes dépourvues de ressources et de tous moyens de subsistance de créer une entreprise.
Maria Nowak m'avait convaincu très facilement du fait que deux obstacles s'opposaient à la création et au succès de ces petites entreprises : d'une part, les formalités administratives - mais il n'est pas question de renoncer au passage devant les services d'hygiène ou à la vérification d'autres formalités -, et, d'autre part, les charges qui pèsent instantanément sur les entreprises dès leur création et les empêchent de démarrer en les plongeant tout de suite dans les déficits.
La solution que je préconisais à l'époque est reprise dans la disposition qui nous est soumise aujourd'hui. Je la salue donc avec une particulière émotion, d'autant plus que le prix Nobel de la paix vient d'être accordé à l'inventeur du microcrédit ! Cette mesure s'inspire bien de la même philosophie, ce qui lui confère, en cette année, une portée symbolique considérable.
Évidemment, l'amendement n° 14 qui s'oppose à la mise en place et au succès de cette mesure ne peut que recevoir un avis défavorable de la commission. Les amendements nos 64 et 65, en revanche, reçoivent un avis favorable puisqu'ils confortent cette disposition.
S'agissant de l'amendement n° 88 rectifié, compte tenu de sa technicité et de sa spécificité, la commission souhaiterait recueillir l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je voudrais d'abord m'associer aux propos de M. le rapporteur ainsi qu'à l'hommage qu'il a rendu à Mohammed Yunus et à Maria Nowak, dont on ne peut que saluer le remarquable travail.
Alors que l'on parle beaucoup de la remontée massive de la création d'entreprise, il convient d'insister sur le nombre de petits projets portés grâce au microcrédit qui offre à nombre de nos concitoyens, et surtout de nos concitoyennes, l'occasion de retrouver un emploi.
Monsieur Muzeau, la cotisation sociale proportionnelle proposée dans cet article ne touche pas aux droits sociaux et permet incontestablement de réduire les charges pesant sur l'entreprise. De plus, c'est un concept vraiment dédié aux petites entreprises, qui étaient hier les plus taxées et que nous souhaitons développer. C'est la raison pour laquelle je ne peux qu'être tout à fait défavorable à votre amendement.
En revanche, le Gouvernement est tout à fait favorable à l'amendement n° 64. Il partage le souci de la commission des affaires économiques de ne pas subordonner l'application de la cotisation sociale proportionnelle au seul fait de relever du régime fiscal de la microentreprise. M. le rapporteur pour avis a compris l'intérêt d'élargir cette approche.
L'amendement n° 65 est un simple amendement de coordination auquel le Gouvernement est favorable.
S'agissant de l'amendement n° 88 rectifié, je reconnais que je l'ai lu avec d'autant plus d'intérêt qu'il s'inspire de principes d'équité tout à fait fondamentaux. En revanche, son adoption reviendrait à permettre à un groupement d'employeurs de plus de dix-neuf salariés de bénéficier de l'exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale, hors cotisations d'accident du travail, instituée par la loi de finances pour 2007 en faveur des très petites entreprises, dès lors que les salariés employés sont mis à disposition d'entreprises de moins de vingt salariés.
Cela ne me paraît pas satisfaisant. Peut-être suis-je trop encline à soupçonner des risques de détournement du dispositif ; toujours est-il que ce risque existe incontestablement. C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, je souhaiterais que vous acceptiez de retirer cet amendement, faute de quoi le Gouvernement serait conduit à émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 14.
M. Roland Muzeau. Je suis tout ouïe quand j'entends l'intense satisfaction exprimée par Mme la ministre et M. le rapporteur. Fermant les yeux, je me demande si je ne suis pas en train de siéger au parlement de New Delhi !
Il ne faut quand même pas exagérer ! Nous sommes en France, l'une des principales puissances mondiales ! Il existe déjà divers dispositifs, qui ont même été renforcés par les différentes lois de décentralisation, attribuant aux régions la compétence pour créer des dispositifs d'aide au développement économique. Le gouvernement actuel et les gouvernements précédents ont largement multiplié les mesures en faveur de l'« assouplissement » - c'est le terme qui est systématiquement employé - des règles régissant la qualité du travail et la pression fiscale et sociale qui s'exercerait sur les petites entreprises.
Vous oubliez de rappeler toutes ces avancées : elles se chiffrent en millions, voire en centaines de millions d'euros, et sont incontestables. Vous exagérez donc un peu en prétendant que rien n'a été réalisé à cet égard dans ce pays !
En revanche, ce qui ne s'est jamais fait dans notre pays en faveur des artisans et des très petites entreprises et que nous considérons depuis des années comme une nécessité, c'est faciliter l'accès au crédit à des conditions plus avantageuses et améliorer les rapports, tout à fait épouvantables à l'heure actuelle, entre les donneurs d'ordre, d'une part, et les PME, les très petites entreprises et les artisans, d'autre part.
Ce sont ces petites entreprises que vous défendez vous aussi, monsieur Houel, qui sont les premières victimes des tensions existant sur le terrain économique. En la matière, rien n'est fait puisque les donneurs d'ordre sont toujours les grands vainqueurs. Peut-être y a-t-il là une voie à explorer ?
Mme la présidente. Monsieur Houel, l'amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Houel. Je regrette très sincèrement que l'on me demande de retirer cet amendement, car il vise à défendre l'emploi dans notre pays, particulièrement l'emploi non délocalisable. Cela intéresse donc notamment nos petites entreprises. C'est pourquoi je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6, modifié.