Mme la présidente. L'amendement n° 83 rectifié bis, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Printz et Le Texier, MM. Repentin, Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article 108 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est ainsi rédigé :
« Art. 108. - Les fonctionnaires qui demanderont leur intégration dans la fonction publique territoriale relèveront du régime spécial de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales à compter de la date d'effet de l'intégration. Lorsqu'ils réuniront les conditions prévues par la réglementation de ce régime, ils pourront bénéficier d'une pension rémunérant les services effectifs accomplis, y compris à l'État, antérieurement à l'intégration. En contrepartie, afin d'assurer une compensation financière intégrale des charges ainsi assurées pour le compte de l'État, une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée visée à l'article 256 du code général des impôts sera affectée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales dans des conditions fixées par une loi de finances. »
II. La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions du I est compensée à due concurrence par le relèvement de l'impôt sur les sociétés visé à l'article 205 du code général des impôts.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. C'est la troisième fois que je présente cet amendement, qui avait été adopté une première fois par le Sénat lors du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Par la suite, il avait fait son petit bonhomme de chemin. Accepté par la commission mixte paritaire, il était devenu l'article 115 de la loi. Cependant, le Conseil constitutionnel a décidé de censurer ce dernier au motif que l'amendement dont il était issu ne prévoyait pas le financement de la mesure.
Si le présent amendement est identique aux précédents, il est néanmoins gagé cette fois-ci.
Monsieur le ministre, je n'ai pas encore eu l'occasion de m'exprimer devant vous sur ce sujet. Aussi, je rappelle que l'acte II de la décentralisation prévoit le transfert de 130 000 agents de la fonction publique de l'État vers la fonction publique territoriale. Quand ces agents prendront leur retraite, il appartiendra à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, de verser leur pension ainsi que celle des fonctionnaires hospitaliers, celle-ci couvrant également les fonctionnaires hospitaliers, et ce alors que ces agents n'y auront que très partiellement cotisé.
C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à ce que l'État, en application d'un principe désormais constitutionnel, compense à l'euro près les charges qui seront assumées pour son compte.
Notre assemblée ne peut que renouveler son vote en faveur de cet amendement. Sa rédaction ayant été améliorée, il n'encourra pas, cette fois-ci, la censure du Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission considère que cet amendement qui vise à prévoir la compensation par l'État à la CNRACL des récents transferts de charges décidés dans le cadre des lois de décentralisation correspond à sa jurisprudence traditionnelle en faveur des mesures de compensation.
Précédemment voté lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, en tant qu'article additionnel, il a été censuré pour des raisons de procédure par le Conseil constitutionnel.
Aussi, la commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement souhaite procéder à une expertise du dispositif visé dans cet amendement. Dans cette attente, il s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Certes, nous sommes en fin de session, mais est-ce bien une raison pour voter n'importe quoi, en l'occurrence des amendements qui sont sans rapport avec le texte que nous examinons depuis plusieurs jours ? Il s'agit là d'un cavalier de la plus belle eau !
Personnellement, je voterai contre cet amendement pour des raisons de principe.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je ferai observer à notre collègue que le présent projet de loi non seulement institue le droit opposable au logement, mais encore porte diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Cet amendement y a donc parfaitement sa place.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage sur l'amendement n° 83 rectifié bis ?
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 83 rectifié ter.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
L'amendement n° 223 rectifié bis, présenté par MM. Pintat, J. Blanc, Fournier, Merceron et Amoudry, Mmes Procaccia et Malovry, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par les mots : « ou de la tarification spéciale « produit de première nécessité » ».
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à lever une imprécision. En effet, dans sa rédaction actuelle, la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité n'indique pas clairement si la fourniture d'électricité au tarif social « produit de première nécessité » est comprise dans le service public de fourniture d'électricité, qui, pour sa part, comprend explicitement la fourniture d'électricité au tarif réglementé.
C'est assez paradoxal dans la mesure où la prise en considération des consommateurs domestiques les plus vulnérables est précisément au coeur même de la notion de service public et de service public de l'électricité.
Cet amendement vise à donner une base légale claire aux contrats de concession passés avec EDF afin de permettre aux autorités concédantes de traiter cette question dans le cahier des charges.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Lors de l'examen de la loi du 10 février 2000, nous avions déjà eu une longue discussion sur ce sujet, sur l'initiative de notre collègue Xavier Pintat, par ailleurs président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR.
Le législateur avait souhaité consacrer le rôle des collectivités territoriales en tant qu'autorité organisatrice du service public local de fourniture d'électricité pour les clients bénéficiant des tarifs réglementés de vente.
Il s'agissait là d'une avancée majeure, qui avait fait l'objet de discussions approfondies avec la FNCCR, le ministère de l'industrie et EDF.
En effet, les collectivités concédantes sont des acteurs de proximité incontournables dans l'organisation du service public de l'électricité. Cet amendement vise à préciser qu'elles sont également compétentes pour la fourniture d'électricité aux clients bénéficiant du tarif social d'électricité, appelé également tarification spéciale « produit de première nécessité ».
Pour mémoire, je rappelle que de nombreux ménages disposant de ressources modestes bénéficient aujourd'hui d'un tarif social sur une part de leur consommation d'électricité, alors que la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie a jeté un trouble certain quant à l'avenir du système tarifaire français.
À quelques mois de l'ouverture totale à la concurrence du marché de l'électricité dans notre pays, il me semble que cet amendement apporte une précision très utile. Toutefois, avant de donner l'avis définitif de la commission, je souhaiterais savoir si le Gouvernement partage cette analyse.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement fait observer que, à l'initiative des mêmes sénateurs que ceux qui ont déposé cet amendement, la loi du 7 décembre 2006 a prévu l'organisation des tarifs dans ce domaine. Il s'en remet cependant à la sagesse du Sénat, bien que le dispositif actuel lui paraisse devoir fonctionner.
Mme la présidente. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Sagesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est fort bienvenu. Il est question ici du service public de l'électricité, mais nous aurions pu tout aussi bien évoquer ce soir le problème de La Poste.
Nous entrons dans une zone de turbulences. On ne sait pas bien ce que deviendra ce qu'il reste de nos services publics. Pour cette raison, cet amendement de précaution sociale me paraît fort opportun.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
M. Jean Desessard. Vous voyez, nous votons votre amendement ! (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Il nous arrive aussi de voter les vôtres ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 287, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du deuxième alinéa de l'article 111 de la loi de finances pour 2005 (n° 2004-1484 du 30 décembre 2004), le montant : « 3,2 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 6,2 millions d'euros ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il s'agit d'un amendement de « cohésion corse », si j'ose dire (Sourires.), qui vise à augmenter le montant maximal des aides de soutien aux exploitations dont le niveau d'endettement compromet la pérennité. Ce plafond avait été initialement fixé à 3,2 millions d'euros. L'analyse objective des choses porte le Gouvernement à considérer qu'il est nécessaire de le porter à 6,2 millions d'euros.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Sagesse.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
Intitulé du projet de loi
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 155 rectifié est présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :
Projet de loi instituant le droit au logement opposable
et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il a semblé à la commission qu'il était préférable, dans l'intitulé du projet de loi, de faire référence au « droit au logement opposable » plutôt qu'au « droit opposable au logement ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 155 rectifié.
Mme Bariza Khiari. La sagesse voudrait effectivement qu'il soit fait référence au « droit au logement opposable ».
Mme la présidente. L'amendement n° 128, présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :
Projet de loi relatif aux politiques publiques du logement, instituant le droit au logement opposable, tendant à l'équilibre des rapports locatifs et portant diverses mesures d'ordre social.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 45 et 155 rectifié.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 45 et 155 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'intitulé du projet de loi est ainsi rédigé et l'amendement n° 128 n'a plus d'objet.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Faire du droit au logement un droit réel et opposable est un combat mené de longue date par les socialistes. Nous ne pouvons donc que nous réjouir que cette idée ait été reprise par le Gouvernement.
Inscrire dans la loi l'opposabilité d'un droit est une chose, mais le rendre effectif et réellement opposable en est une autre. Malheureusement, le texte que vous nous proposez a manifestement été élaboré dans la plus grande précipitation afin de répondre à la médiatisation du problème des sans-abri, et il ne permettra sans doute pas de faire du droit au logement un droit effectif.
La complexité de la procédure proposée et ses lacunes évidentes empêcheront de donner une réelle substance à l'opposabilité du droit au logement. (M. le ministre proteste.)
Votre procédure s'appuie sur les commissions de médiation alors qu'elles n'existent pas partout et que l'amendement visant à rendre leur création obligatoire le 1er décembre 2008 a été repoussé.
De toute évidence, ces commissions joueront un rôle de filtrage, interdisant à nombre de demandeurs d'introduire un recours devant le juge administratif, ce qui restreindra évidemment la portée du droit au logement.
Vous prétendez que l'existence d'une sanction donnera son effectivité au droit au logement. Mais le système d'astreintes que vous proposez est - pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre - une supercherie.
Mme Bariza Khiari. Condamner l'État à verser ces astreintes au fonds d'aménagement urbain, c'est le condamner à se verser une amende à lui-même. Dans l'optique d'une réelle opposabilité du droit au logement, ces astreintes devraient être versées aux demandeurs.
De même, ce texte ne permettra pas d'assurer de façon satisfaisante le suivi de la mise en oeuvre du droit au logement. Vous prévoyez bien la création d'un comité de suivi, mais le plus grand flou entoure ses attributions et sa composition.
Enfin, il est évident que la mise en oeuvre de ce droit au logement reposera essentiellement sur les communes qui sont déjà les plus mobilisées en faveur du logement social, ce qui contribuera donc à aggraver les déséquilibres entre les territoires.
Au cours de la discussion, nous avons proposé un certain nombre d'améliorations qui ont, pour la plupart, été repoussées par la majorité. L'adoption de quelques propositions socialistes a cependant permis des avancées. Par exemple, l'introduction de l'amendement n° 208 rectifié est une réelle satisfaction et un tournant décisif dans la question de l'hébergement d'urgence des personnes sans-abri. En ayant pour objet l'obligation pour les communes, sous peine de sanctions financières, de disposer d'un certain nombre de places d'hébergement d'urgence, cet amendement rappelle solennellement que la solidarité envers les plus démunis et la mixité sociale sont des devoirs qui s'imposent à tous.
Je tiens à remercier M. Borloo pour l'avancée réelle que constitue l'article 7, qui permettra aux vieux travailleurs migrants de retourner dans leur pays d'origine pour de longues périodes sans perdre le bénéfice des droits sociaux. Il était plus que temps de se soucier du sort des chibani. Nous l'avons dit tout à l'heure, c'est une question de dignité, et il est tout à fait appréciable que, dans un effort commun, nous ayons réussi à lever les incertitudes, qui se sont transformées en garanties. C'est tout à l'honneur de la Haute Assemblée.
Pour en revenir au droit opposable au logement, je tiens à rappeler que, si l'intention qui sous-tend ce projet de loi est bonne, ses modalités d'application ne nous paraissent pas garantir une réelle opposabilité. Avec une volonté politique plus affirmée, ce texte aurait pu être une réforme majeure. Mais, en l'état, il ne reste qu'un texte d'affichage dont la portée demeurera très limitée. C'est pourquoi nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je souhaite signaler que les Verts sont tout à fait favorables à l'opposabilité du droit au logement. Ce texte est une victoire pour tous les acteurs concernés et l'ensemble des associations qui se sont mobilisés dans ce sens. L'État reconnaît en effet son devoir impérieux de loger ceux qui ne peuvent pas accéder seuls au logement, devoir assorti d'une obligation de résultat et d'un calendrier et permettant aux personnes lésées de saisir le tribunal administratif pour faire condamner la puissance publique. Bref, nous aurions pu voter de manière consensuelle un texte historique « à la Ferry », comme l'a dit M. le ministre.
Hélas, nous ne pouvons pas mentir à nos concitoyens : ce texte est un leurre. Comme l'a répété ce matin la Fondation Abbé-Pierre, qui a fait la présentation de son rapport annuel - sans l'abbé - ce projet de loi est vide, en dépit de quelques amendements ayant permis une petite avancée, comme celui qui a trait à l'hébergement minimum obligatoire.
Ce projet de loi est vide, car l'opposabilité du droit au logement qu'il prévoit ne sera pas effective. En effet, le parcours du combattant du mal-logé à la recherche d'un toit s'apparente à un véritable labyrinthe. Le schéma de la commission des affaires économiques censé résumer ce dispositif parle de lui-même : c'est infaisable, inapplicable. Les pièges et les chausse-trappes sont innombrables. On veut nous faire trier les plus pauvres parmi les pauvres, les plus exclus parmi les exclus.
Les commissions de médiation prévues depuis 1998 n'existent pas partout et sont même encore rares ! Ces instances pourront écrémer les personnes justifiant d'une priorité non urgente, sans aucun critère précis, sans délai de réponse, sans motivation écrite et sans possibilité de recours, ce qui me laisse assez pantoise !
Ces commissions pourront également orienter les demandeurs vers un simple hébergement qui ne permet pas de sortir de la précarité. Le droit au logement se transforme alors en simple droit à l'hébergement. On peut même se poser la question suivante : à quand le droit à la tente opposable ?
Seul le contingent préfectoral sera mobilisé pour loger les demandeurs alors qu'il aurait pu être renforcé par le contingent patronal, celui du bailleur, des collectivités locales, le parc privé conventionné et même les locaux vacants réquisitionnés.
Enfin, si le demandeur, à la fin de ce parcours semé d'embûches, parvient à obtenir gain de cause devant le tribunal administratif, l'État pourra avoir à verser une astreinte, dont on ignore le montant, à un fonds régional qui n'a rien à voir avec la personne en difficulté, ce qui n'aidera pas celle-ci à se reloger, même de manière précaire. Avec une telle absence d'incitation à faire respecter ces droits vides, on peut parier que les tribunaux ne seront pas engorgés de mal-logés.
Bref, en dépit de l'adoption de quelques amendements, ce projet de loi n'est, en réalité, que de la poudre aux yeux, plus une opération médiatique que l'affirmation du droit effectif au logement.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Le texte aurait pu être amélioré si les mesures élémentaires que nous revendiquions dans nos amendements avaient été prises en compte.
Parmi ces mesures figurent l'augmentation et l'élargissement de la taxe sur les logements vacants, l'application de la loi de réquisition et le partage de cette compétence indispensable avec les élus locaux, l'extension et l'application réelle de l'article 55 de la loi SRU, mais aussi l'exclusion des PLS du décompte des logements sociaux.
Sur ce point, je vous rappelle que le Gouvernement prétend avoir relancé la construction des logements sociaux alors que, selon les chiffres du ministère de 2006, hors PLS et hors ANRU, le nombre de PLAI-PLUS est en baisse.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce qui explose, ce sont les PLS, dont le nombre a été multiplié par huit depuis 2000. Oui, monsieur le ministre, des constructions ont eu lieu, mais ce ne sont pas celles dont ont besoin les plus pauvres !
La soumission des démolitions à des référendums à l'échelon des quartiers concernés a été écartée. La construction de logements sociaux PLAI, pour répondre aux véritables besoins des personnes qui se trouvent en situation d'exclusion totale, n'a malheureusement pas encore été envisagée.
Enfin, le blocage à la hausse pure et simple des loyers, qui ont doublé en dix ans, a aussi été écarté.
Pourquoi ces refus ? Quelles sont les raisons de ce manque de volonté politique ? Le bilan de la gauche plurielle est, il est vrai, très insatisfaisant sur cette question...
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le reconnais tout à fait. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Mais la droite n'a pas fait mieux !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Vous ne pouvez pas dire cela !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Elle mène une politique en faveur des classes moyennes aisées, qui ne sont certainement pas les plus défavorisées.
Permettez-moi de citer quelques exemples de choix politiques à l'envers.
Le nombre des expulsions locatives avec le recours à la force publique a explosé,...
Mme Alima Boumediene-Thiery.... dépassant la barre des 10 000 par an.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sont les chiffres du ministère.
Mme Alima Boumediene-Thiery. La part du PIB que les pouvoirs publics consacrent au logement est passée sous la barre des 2 %,...
Mme Alima Boumediene-Thiery.... en raison du désengagement de l'État. Cette année, les crédits de la mission « Ville et logement » sont en baisse, même sans tenir compte de l'inflation.
La part de logements sous plafond de ressources ou sous plafond de loyers est en chute libre ; elle est passée de 60 % des constructions nouvelles en 2000 à 40 % en 2006. En chiffre absolu, le nombre de ces logements accessibles chute également, passant de 208 000 à 178 000.
Les deniers publics ont été gaspillés par les défiscalisations « Robien » au profit des riches propriétaires, sans contrepartie sociale - cela coûte cette année 400 millions d'euros à l'État -, ou au profit des classes moyennes.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il faut aussi rappeler que la bulle immobilière, si elle fait de nombreuses victimes parmi les jeunes, les personnes en situation de précarité et les classes populaires, en arrange tout de même bien d'autres : les spéculateurs, les propriétaires, les rentiers.
Il va bien falloir que les pouvoirs publics choisissent ce qu'ils veulent faire : concentrer leurs efforts sur ceux qui en ont le plus besoin ou non. Il est important de s'arrêter sur cette question, car il ne suffit pas de clamer le droit au logement, il faut aussi donner les moyens pour que ce droit devienne effectif. Et ce n'est malheureusement pas le cas !
Telle est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de la discussion du projet de loi annoncé à la fin de l'année 2006 sous la pression de l'évidente et insupportable crise du logement et de ses manifestations les plus criantes, nous sommes partagés quant à l'appréciation à porter sur ce texte tel qu'il a été modifié par le Sénat.
Nous sommes d'autant plus perplexes que certaines dispositions introduites dans le texte résultent de propositions que nous avons formulées et qui ont été acceptées. Je pense, entre autres, à l'amendement n° 8 rectifié bis.
Comment ne pas souligner que l'amendement relatif à la réalisation de centres d'accueil des sans-abri a été adopté au Sénat par scrutin public, à la quasi-unanimité des voix, alors que cette proposition avait été balayée d'un revers de main voilà à peine quelques mois ?
De la même manière, les dispositions accroissant le nombre de communes devant se conformer à l'obligation de construction de logements locatifs sociaux participent de la volonté de diversification de l'habitat telle que nous la concevons et telle qu'elle répond réellement aux attentes sociales.
Quand 70 % des demandeurs de logement disposent de ressources inférieures à 60 % des plafonds de ressources HLM, il est normal que les politiques publiques se fixent comme objectif de résoudre ce problème de logement.
Peut-être le climat si particulier des élections majeures à venir est-il suffisamment lourd et prégnant pour que quelques lignes soient modifiées.
Notons que nous n'en sommes qu'au stade de la lecture au Sénat et que celle qui aura lieu à l'Assemblée nationale peut encore changer les choses, ce que l'on peut craindre, ou espérer, pour peu que certaines dispositions non adoptées ici soient prises en compte. Mais dans quel sens ?
Comment d'ailleurs ne pas regretter que notre proposition constante d'inéligibilité des maires se refusant à appliquer la loi SRU n'ait pas été adoptée (M. Philippe Dallier s'exclame), alors même qu'elle reprend une proposition de loi d'un député UDF de Seine-Saint-Denis,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un vilain coup bas ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Je vous avais dit, monsieur About, que je ferais cette remarque !
Rien, décidément, ne peut justifier objectivement que les élus locaux...
M. Philippe Dallier. C'est une obsession !
M. Roland Muzeau. J'ai bien vu qu'il existait des dissensions entre l'UMP et l'UC-UDF en Seine-Saint-Denis. Mais vous vous en arrangerez, monsieur Dallier...
Je disais donc que rien ne peut justifier objectivement que les élus locaux ne se conforment pas aux lois que nous votons ici.
Au demeurant, il n'est pas inutile de rappeler que la plupart des mesures ainsi ajoutées au cadre législatif du logement n'auront de sens qu'à compter de l'après période électorale, ce qui veut dire que c'est un autre gouvernement que celui-ci qui les mettra en application.
À la vérité, c'est la ténacité et la pugnacité de nombre des acteurs du droit au logement qui s'avère en partie satisfaite avec l'adoption de telles dispositions ; en partie seulement, parce que le processus d'affirmation de l'opposabilité du droit au logement sera complexe, long, difficile à mettre en oeuvre et, manifestement, insuffisamment universel.
L'exemption dont risquent de bénéficier certains territoires du fait de la suppression des articles 4 et 5 tels qu'ils ont été modifiés pèsera en effet sur l'universalité du droit et l'égalité des demandeurs de logement devant la loi. Dans les Hauts-de-Seine, par exemple, le droit au logement opposable sera quasiment inapplicable.
Mais l'acquis de la lutte et de la pugnacité est là, et les obstacles dressés sur la route de l'opposabilité - l'opposition à l'opposabilité en quelque sorte - témoignent surtout de la volonté, minoritaire dans le pays, de faire passer le droit de propriété avant le droit au logement et de s'arc-bouter sur des fantasmes dépassés concernant tantôt les demandeurs de logement, tantôt le logement social.
Notre approbation, monsieur le ministre, aurait pu être gagnée sans ces entraves à l'opposabilité et la réécriture de l'article 1er, comme elle aurait pu être obtenue sans l'ajout, dans la seconde partie du projet de loi, de dispositions qui ont beaucoup à voir avec la remise en cause des droits fondamentaux mais n'ont que peu de rapport avec l'équilibre des relations sociales.
Le groupe CRC se félicite, en revanche, de l'adoption des amendements concernant la situation des vieux travailleurs migrants. À l'issue de ce débat très intéressant qui a donné lieu à un vote unanime, nous pouvons être satisfaits d'avoir consacré plusieurs jours et quelques morceaux importants de nuit pour parvenir à cette avancée importante.
Nous nous sommes opposés à plusieurs dispositions de la seconde partie du projet de loi et nous restons convaincus de leur caractère profondément injuste. Je pense aux exonérations de cotisations et au crédit d'impôt concernant les entreprises de services, ainsi qu'aux dispositions ségrégatives à l'égard des salariés des nouveaux pays entrants.
La mobilisation continuera donc à la fois sur le droit au logement opposable - le débat à l'Assemblée nationale y contribuera probablement - et sur des dispositions de la seconde partie qui sont déjà remises en question par nombre des acteurs de la lutte pour les droits sociaux.
Sous le bénéfice de ces observations, les membres du groupe CRC s'abstiendront sur l'ensemble de ce projet de loi tel qu'il a été modifié par le Sénat, ce qui n'était pas, a priori, la position que nous comptions prendre.
Nous considérons que les luttes actuelles et à venir transformeront la reconnaissance partiellement acquise au début de ce projet de loi et mèneront à un futur débat public sur un droit au logement opposable dont le contenu pourra être encore plus concret et ambitieux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, tel que nous l'avons amendé, apporte quelques mesures bienvenues de justice, comme l'article 7, et de perfectionnement du dispositif de cohésion sociale. Sur le plan pratique, il prévoit aussi des améliorations, dont il faut se féliciter, s'agissant de l'hébergement des plus démunis.
Au fil de la discussion, un quasi-consensus, impensable voilà quelques semaines, a pu se dégager sur quelques dispositions améliorant les mesures visant à favoriser la construction de logements sociaux.
Et pourtant nous sommes loin de compte, si l'on attendait vraiment du présent projet de loi qu'il apporte une réponse à la hauteur de cet extraordinaire paradoxe : jamais on n'aura autant construit en France, jamais les Français n'auront eu autant de mal à se loger ! Ceux qui en douteraient encore peuvent consulter, entre autres, le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre : quelque six millions de Français sont mal logés !
C'est qu'avec un soutien financier de l'État, à travers des réductions d'impôt qui représentent des sommes supérieures à celles qui sont accordées au logement social, la promotion privée bat des records.
Le problème, c'est que la masse de nos concitoyens peuvent de moins en moins en profiter. Les ménages qui, il n'y a pas si longtemps, après avoir passé quelques années dans le secteur social rejoignaient le secteur privé, libérant ainsi des logements, ne peuvent plus le faire, ce qui bloque l'ascenseur social.
Tel est, monsieur le ministre, le fameux « parcours » qui, hier, vous a fourni un thème de leçon à destination de l'opposition. Comme le rappelait ma collègue tout à l'heure, selon le rapport de la Fondation Abbé-Pierre, la part de logements accessibles sous plafond de revenus est tombée de 67 % en 2000 à 40,8 % en 2006. Cela se passe de commentaires !
À vous en croire, monsieur le ministre, à en croire les orateurs de la majorité, l'effort en matière de construction de logements sociaux aurait été, depuis 2002, sans commune mesure avec celui des cinq années précédentes.
M. Pierre-Yves Collombat. J'attendais que vous donniez des chiffres, monsieur le ministre, car ce ne sont là que des effets de tribune !
N'ayant pas eu vos chiffres, j'ai consulté la presse d'aujourd'hui et j'ai pu y voir qu'au cours de l'année 2000 33 200 logements HLM - non compris les logements PLS et ceux des programmes de reconstruction et de rénovation urbaine - ont été mis en chantier. Ils représentaient 10,8 % de l'ensemble des mises en chantier. En 2006, ces chiffres sont respectivement de 31 400 - contre 33 200 - et de 7,5 % - contre 10,8 % !
Conséquence de cette insuffisance globale de l'offre de logements et, plus encore, de son inadaptation à la demande : la mise en oeuvre du droit opposable au logement reposera essentiellement sur les communes qui se sont déjà le plus mobilisées en faveur du logement social, souvent les plus en difficulté, contribuant à aggraver les déséquilibres entre territoires, entre communes parfois limitrophes, suscitant aussi une forme de concurrence entre les pauvres et mettant à mal le principe de mixité sociale.
Mais, nous dit-on, inscrire dans une loi le principe du droit au logement opposable est une révolution. À l'ère médiatique, peut-être !
À y regarder de près, cependant, ce droit au logement n'est, pour l'heure, qu'un nouveau mode d'emploi du contingent préfectoral de logements sociaux.
Vous-même, monsieur le ministre, vous n'êtes pas si convaincu de son caractère opposable. Ce que vous avez déclaré, le 11 janvier dernier, devant le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qui devait donner son avis sur le projet de loi, m'incite en tout cas à le penser.
Après avoir rassuré sur l'augmentation de leurs charges de travail les magistrats administratifs, inquiets de ne disposer d'aucun moyen supplémentaire pour remplir leur mission de gardiens de ce nouveau droit, vous avez déclaré : « Le recours au juge ne devrait être qu'ultime. La commission de médiation devra jouer un rôle de filtre ; notamment, les intéressés ne seront pas reconnus prioritaires sur n'importe quel logement. Et si un mal-logé refuse un logement qui lui a été accordé, le juge devra lui faire comprendre qu'il n'a pas un droit absolu à un logement. »
Un mal-logé n'aura pas un droit absolu à un logement ! Tout est dit ! Un droit qui n'est pas absolu, est-ce encore un droit ?
M. Pierre-Yves Collombat. Comme je ne dispose pas des données des Renseignements généraux, j'ai simplement consulté le site internet de l'Union syndicale des magistrats administratifs !
M. Pierre-Yves Collombat. Peut-être ont-ils eu des visions !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Cela ne vous empêche pas de dire des choses fausses ! Je comprends votre embarras !
M. Pierre-Yves Collombat. Pour les raisons que j'ai énoncées au début de mon explication de vote et pour saluer l'ouverture de M. le ministre sur quelques dispositions de justice très significatives, nous ne voterons pas contre ce texte, mais pour les raisons les plus essentielles, nous ne pourrons pas voter pour ; comme l'a dit Bariza Khiari, le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Madame la présidente, monsieur le ministre et cher ami, mes chers collègues, ce texte, très attendu, marque une véritable avancée en termes de lutte pour l'intégration sociale.
Une telle initiative mérite d'être saluée, comme tous les efforts déployés depuis plusieurs années par vous-même et par notre ami Bernard Seillier, rapporteur du projet de loi.
Ce texte est marqué par la continuité - vous l'avez évoqué à différentes reprises -, la générosité, ainsi que par le réalisme.
Il va susciter un immense espoir chez ces milliers d'hommes et de femmes en attente d'un toit, tant chez les plus démunis, qui relèvent tout particulièrement du domaine social, que chez tous ceux qui travaillent et ont besoin de se loger. En effet, dans toutes les municipalités, dans tous les départements, le logement des actifs constitue un problème non résolu, compte tenu de l'augmentation massive des prix et de la difficulté de trouver des terrains adéquats.
Espoir, volonté et capacité doivent guider votre effort. Celui-ci doit s'articuler autour d'une politique du logement ambitieuse, accompagnant la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine et du plan de cohésion sociale.
Cet effort sans précédent, déjà amorcé par le Gouvernement et par vous-même, monsieur le ministre, fait suite à l'action très énergique menée dernièrement, dont les premiers résultats chiffrés sont déjà visibles.
J'émets toutefois quelques réserves sur les mesures en faveur de la cohésion sociale votées en fin de débat, car je me demande si elles ont toujours fait l'objet des concertations indispensables. Ces points mériteraient d'être éclaircis, notamment à l'occasion de la commission mixte paritaire.
Malgré cette réserve, le groupe du RDSE approuve bien évidemment votre démarche et, dans son immense majorité, il votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite expliquer le vote du groupe UMP sur ce texte que nous avons examiné au cours des trois derniers jours, car il constitue une nouvelle étape déterminante d'une politique dynamique en faveur du logement et du logement social, menée depuis 2002 par les gouvernements Raffarin et Villepin.
Si nous pouvons consacrer aujourd'hui le droit opposable au logement, c'est bien parce que cette réelle avancée sociale a été rendue possible par l'effort sans précédent fourni au cours de cette législature.
Je rappelle que la loi de programmation de cohésion sociale a été le point de départ de la réalisation concrète d'un programme de construction sans précédent. Entre 2005 et 2009, 500 000 logements sociaux auront été construits dans le parc public et 200 000 dans le secteur à loyer maîtrisé. En 2006, 144 000 logements à loyer accessible ont été produits, dont 106 000 dans le parc public, contre 50 000 logements sociaux au total, en 2000 !
Au-delà de ces chiffres historiques en matière de construction, je tiens aussi à rappeler les actions engagées tout au long de la chaîne du logement, tant au niveau de la rénovation qu'à celui de la modération et de la sécurisation des loyers ou encore à celui de l'accès à la propriété.
Mes chers collègues, sans vouloir ni donner de leçons à quiconque, ni en recevoir, je tiens à affirmer que nous sommes fiers de concrétiser un droit légitime à posséder un toit, étape essentielle de la socialisation de tout citoyen.
Les débats ont été riches et animés. Ils ont permis à notre Haute assemblée d'approuver le principe d'un droit opposable au logement opérationnel.
Nous avons ainsi confirmé le calendrier proposé par le Gouvernement. Dès 2008, ce droit sera ouvert aux catégories de personnes les plus fragiles, en situation d'urgence, pour qui le droit à l'hébergement est prioritaire. Dès 2012, il sera étendu à tous les autres mal-logés. Ce calendrier est réaliste ; nous pourrons en tenir les délais si la volonté politique est au rendez-vous, et nous ne doutons pas de la vôtre, monsieur le ministre !
Il faudra, bien sûr, veiller scrupuleusement à sa compatibilité avec le rythme de construction de logements sociaux et ne jamais relâcher l'effort engagé.
Nous nous félicitons que la distinction entre hébergement d'urgence et logement soit clarifiée. Il était, en effet, important de bien définir, sans ambiguïté, les missions qui allaient être confiées aux commissions de médiation.
À cet égard, nous saluons l'action du Gouvernement sur les créations supplémentaires de places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale, qui viendront rapidement compléter les places existantes.
Nous nous donnons ainsi les moyens de répondre aux demandes et de ne laisser personne sans toit dès l'hiver prochain. C'est une décision exemplaire et je tiens, notamment, à saluer l'implication de Catherine Vautrin dans cette action...
M. Ladislas Poniatowski.... à laquelle elle consacre toute son énergie.
M. Ladislas Poniatowski. S'agissant de l'obligation de créer des places d'hébergement, il faudra se montrer vigilants pour laisser aux communes le temps de s'adapter et ne pas les pénaliser trop fortement en termes financiers, ce qui serait contre-productif.
Il était également essentiel pour nous de prévoir une responsabilité exclusive de l'État plutôt qu'un transfert automatique de la responsabilité du droit au logement aux collectivités signataires d'une convention de délégation du contingent préfectoral.
Ne disposant pas des moyens coercitifs du préfet, tel le pouvoir de réquisition, pour mettre en oeuvre le droit au logement, aucune collectivité locale n'a les moyens d'exercer cette responsabilité. Selon nous, la garantie de l'État est le gage d'une application équitable du droit au logement sur l'ensemble du territoire national.
Pour la réussite de ce nouveau droit, nous nous sommes dotés des outils de suivi et des clauses de rendez-vous indispensables pour en assurer l'effectivité. Ainsi, avant le 1er octobre 2010, le Conseil économique et social remettra au Président de la République et au Parlement un rapport d'évaluation relatif à la mise en oeuvre de la loi.
En outre, il est institué un comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement opposable, qui associera, dans des conditions prévues par décret, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, les associations représentatives d'élus locaux et les associations et organisations oeuvrant dans le domaine du logement.
Plusieurs autres mesures importantes ont été adoptées, comme le renforcement de la garantie des risques locatifs, la nouvelle indexation de l'APL sur l'indice des loyers, une mesure qui permet de lutter efficacement contre les squats de logements habités, un nouveau contrat unique d'insertion à titre expérimental dans les départements et un nouveau statut pour les accueillants familiaux.
S'agissant des quatre articles en faveur de la cohésion sociale, nous nous félicitons de ces mesures de bon sens.
Concernant les vieux travailleurs migrants, il était important de clarifier la rédaction de cette disposition prise en faveur de ceux qui ont reconstruit notre pays avec nous et à qui il était normal de ne plus imposer des séjours prolongés en France pour qu'ils puissent bénéficier de leurs droits.
Quant à la cotisation sociale professionnelle, nous ne pouvons qu'approuver cette simplification en faveur de ceux qui créent leur entreprise, en invitant cependant à une grande vigilance pour que la cotisation proportionnelle demeure toujours plus intéressante qu'une cotisation forfaitaire.
Je tiens enfin à saluer et à féliciter nos trois rapporteurs pour la qualité de leurs travaux, qui ont permis d'éclairer et d'enrichir nos débats.
Pour l'essentiel, ce texte est un immense progrès social, qui va contribuer à faire avancer encore notre politique en faveur du logement.
Monsieur le ministre, soyez assuré du soutien du groupe UMP, qui votera ce projet de loi en saluant votre investissement personnel dans ce combat pour que les choses changent vraiment. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviens non seulement comme membre du groupe auquel j'appartiens, mais également en tant que membre, depuis plusieurs années, du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et, à ce titre, témoin des démarches de cet organisme, dont je me dois de rendre compte.
Institution créée en 1992, sur l'initiative de l'abbé Pierre, ce Haut comité déploie, dans sa façon d'être, des qualités remarquables.
J'aborderai pour commencer ses objectifs. Aucun de ses membres n'accepte la situation de mal-logement, de non-logement, qui constitue, aujourd'hui, une véritable plaie nationale.
Pour chacun de ses membres, cette situation est inadmissible, injuste, intolérable, parce que destructrice d'individualités innombrables. C'est là notre socle de pensée, et quand nous nous réunissons, nous qui sommes divers, c'est pour régler les problèmes qui ont trait à ce fait.
Nous avons, ensuite, une pratique. J'en discutais avec certains d'entre nous, à l'occasion des suspensions de séance, et plusieurs fois je me suis servi de cette phrase du maire de Venise, par ailleurs philosophe, Massimo Cacciari, selon qui le pluralisme serait un malheur si chacune de ses composantes, tout en gardant son opinion, n'avait pas d'hospitalité pour les autres. Eh bien, si le Haut comité est productif d'idées positives, acceptables, acceptées et opératoires, c'est qu'il pratique un pluralisme de construction et non un pluralisme où chacun se compte et, voulant triompher de l'autre, n'écoute plus l'autre.
Cette pratique-là pourrait être entendue ici ! Car, pendant une partie du débat, j'ai senti comme une volonté, de la part de certains membres de la majorité, que nous ne puissions nous entendre. Or, vous l'avez remarqué, les pas en avant qui ont été faits sont le résultat de discussions où nous avons été francs les uns avec les autres, mais où nous avons voulu résoudre la question : nous avons eu une volonté politique que nous avons su, à ce moment précis, rendre commune.
La pratique du Haut comité, c'est aussi le contact avec les intéressés. Il émet une opinion, mais parallèlement à lui s'est créée une plate-forme de soixante associations avec laquelle s'est instauré non pas un jeu, le mot ne serait pas approprié, mais un échange réciproque d'idées qui, finalement, enrichit les uns et les autres. Parmi ces associations, je ne peux pas ne pas singulariser la Fondation Abbé-Pierre, qui, aujourd'hui, a présenté un livre que, vraiment, tout le monde doit lire ; car nous avons évoqué des situations graves, mais c'est encore plus grave quand on les lit dans ce document, dont on sait bien qu'il est indiscutable.
Je citerai aussi les Enfants de Don Quichotte : moi qui aime tant les questions culturelles, je trouve bien d'avoir Cervantès comme allié ! D'ailleurs, on a vu que cela poussait...
Enfin, j'évoquerai le DAL, parce que c'est un organisme qui, depuis un certain nombre d'années, ne cède jamais, en quelque endroit que ce soit. Il ne cède pas ! On a besoin, dans un pays, de gens qui ne cèdent pas sur un certain nombre de valeurs.
Pour en revenir à la pratique du Haut comité, celui-ci a travaillé depuis 2002 sur le droit au logement opposable, dont l'idée a été lancée par l'un de ses membres, Paul Bouchet. Il a établi quatre rapports qui ont été remis au Président de la République, aux Premiers ministres. Juste avant Noël, il en a présenté un dernier dans lequel il examinait comment ce droit pouvait être appliqué.
Enfin, le Haut comité a des relations avec les pouvoirs publics. C'est ainsi que j'ai pu évoquer récemment comment, monsieur le ministre, vous avez reçu Paul Bouchet et Bernard Lacharme, un dimanche soir, et accepté une modification fondamentale de l'article 1er et l'ajout d'un nouvel article, l'article 5. (M. le ministre approuve.)
Je voulais dire cela dès le début, car, lorsque je parle de cette question, je suis tout de même habité par cet arrière-plan - qui pousse, savez-vous !
Le texte qui a été déposé sur le bureau du Sénat était différent de celui de ce beau dimanche soir. Le Haut comité a émis un avis, que j'ai ici, mais que je ne vous lirai pas ce soir, faites-moi confiance. Il a été donné par des femmes et des hommes - la parité est d'ailleurs presque atteinte au sein du Comité - qui voulaient moins faire de l'histoire, si précieux cela soit-il, que contribuer, pour la part qui leur revenait, à faire l'histoire, et ce n'est pas une petite remarque.
Nous avons émis un avis favorable, mais nous l'avons assorti d'un certain nombre de remarques qui ne sont pas négligeables.
La première, maintenant résolue, était fondamentale : il faut un comité de suivi. Nous regrettions par ailleurs que des limites soient posées à cette loi, qui n'établit que la responsabilité de l'État, cela n'a pas changé ; qui n'a pas d'effet sur le développement de l'offre, cela n'a pas changé ; qui laisse l'attribution des logements sociaux comme le seul endroit où existe une voie de recours, cela n'a pas changé ; qui ne tient pas compte de la spécificité francilienne - elle est énorme, tout le monde le sait -, cela n'a pas changé ; qui ne prévoyait pas de comité de suivi et ne définissait pas de deuxième étape, cela a changé.
À l'issue du débat, que, malheureusement, j'ai trouvé jumelé avec des mesures pour la cohésion sociale - elles ont d'ailleurs été corrigées, et l'intervention des parlementaires de gauche, notamment celle de mon groupe, a été décisive -, je constate qu'il y a eu une compréhension réelle de la part du ministre et de la part de « la majorité de la majorité », si j'ose dire. Demeure tout de même cet amendement qui me reste en travers de la gorge, et là je m'exprime à titre personnel : c'est celui qui vise à faire des Bulgares et des Roumains des sous-Européens.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qui a fait cela ?
M. Jack Ralite. C'est quelque chose qui ne passe pas !
M. Jack Ralite. Quel est le bilan, ce soir ?
Le premier élément, l'avancée principale, c'est la question du droit au logement opposable. Est-il total ? Est-il aussi fin que nous l'avions défini ? Je ne le pense pas. Mais il existe ! C'est une nouvelle liberté qui est mise au jour dans notre pays : à ceux qui peuvent l'utiliser de la prendre en main et de la porter plus avant !
Quand on a une liberté nouvelle, c'est bien de souligner ce qui lui manque, mais c'est bien aussi de dire le coeur qu'elle porte en elle et qui peut être un point d'appui décisif et multiplicateur. Je suis pour que les Don Quichotte aient encore beaucoup plus d'enfants... De surcroît, le droit au logement opposable a été défini comme droit fondamental et non comme droit catégoriel. Le danger existait, il a été évité, et c'est très important.
Deuxième élément, la juridiction choisie est la juridiction administrative. C'est bien. Et c'est sans compter la naissance de ce que l'on appelle désormais le « référé logement » ! Cela n'existait pas, maintenant cela existe. Il faut l'utiliser, il faut se battre là-dessus !
Troisième élément, le comité de suivi. Non seulement le décret l'instituant sera publié en même temps que la loi, mais j'ai ici la lettre que le Premier ministre a adressée à notre président, Xavier Emmanuelli, et dans laquelle il précise que le Gouvernement souhaite que le premier rapport du comité de suivi soit remis au plus tard le 1er juillet 2007. C'est très important ! C'était notre volonté, elle a été entendue, tant mieux ; mieux encore, l'assemblée l'a inscrite dans la loi. J'espère seulement que le Conseil constitutionnel n'adoptera pas une position négative sur ce point !
S'est donc produit un lever de rideau incontestable, que pour ma part j'apprécie.
Il y a enfin quelques autres avancées dont nous sommes assez contents sur les travées de ce côté-ci de l'hémicycle.
Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.
M. Jack Ralite. J'ai encore quelques mots à ajouter, madame la présidente. (Protestations.)
Mme la présidente. Il serait néanmoins utile que vous alliez vers votre conclusion !
M. Jack Ralite. Il y a donc quelques avancées, que je ne vais qu'énumérer.
Qu'une sorte d'article 55 ait été adopté pour l'hébergement ; qu'un programme de constructions ait été voté, à travers un amendement, qui met davantage l'accent sur les PLAI ; que l'APL soit versée dès le premier mois et indexée sur une nouvelle base tenant compte du prix du loyer et non sur un indice du prix de la construction dont vous savez comme il était dangereux ; que le risque locatif soit garanti : ce sont là des choses intéressantes.
Cela étant, la majorité a opposé certains refus, ce qui, bien sûr, ne nous plait pas. J'évoquerai d'abord le refus de prendre en considération le privé - c'est tout de même une sacrée question ! -, encore que les propos de M. Borloo sur les logements vacants laissent à penser qu'un travail est possible qui nous permettra peut-être de nous rapprocher. Il y a le refus de l'accompagnement des personnes par les différentes associations. Il y a le refus de la responsabilité des maires quand ils ont choisi la délégation préfectorale, et c'est pour moi un point capital : ce refus-là risque d'être un danger, de miter le droit opposable au logement. Il y a le refus de mettre en place une sorte de protection pour les villes qui font leur travail depuis des années et qui doivent être traitées d'une manière à part. Enfin, il y a eu le refus à l'article 1er, pour les travailleurs migrants qui ne totalisent pas dix ans de séjour, d'un statut identique à celui des autres citoyens.
La question est donc : que faire ? Et j'arrive ainsi à ma conclusion ! (Exclamations.)
Je pense que ce texte est une avancée, que c'est un lever de rideau, que les lignes ont bougé, mais que le changement de cap n'est pas encore pris avec l'ampleur que la situation rend nécessaire. Maintenant, il faut aller plus loin. Le comité de suivi va organiser des séminaires toutes les trois semaines sur les questions fondamentales qui ont été abordées ou qu'il avait déjà abordées auparavant, avec les associations, de façon que le premier rapport soit prêt le 1er juillet 2007.
Donc, c'est clair : je ne voterai pas contre le projet de loi. Je m'abstiendrai. Mais je veux qualifier mon abstention. C'est une abstention positive (Rires sur les travées de l'UMP.), je le dis parce que je le pense. Oui, elle est positive, et vous ne devriez pas rire, parce qu'il faut savoir ce que cela signifie quand, dans un Parlement, un membre de l'opposition dit : « abstention positive ». C'est une réflexion, c'est une action personnelle, comme celle des autres membres du Haut Comité, que j'entends voir respectée dans ses valeurs et dans sa volonté d'être productive. J'en ai fait un frein éthique en moi. Le rideau, si vous vous rappelez mon image, n'a pas été, à mon avis, levé jusqu'au cintre. Il faut faire plus. Toutes les associations et le Haut comité doivent travailler sur la base de leur expérience, sur la base du rapport de la Fondation Abbé-Pierre, sur la base de la richesse de nos interventions.
C'est donc une abstention positive et ouverte que j'émettrai, et j'espère des avancées nouvelles à l'Assemblée nationale, qui pourra s'appuyer sur ce que nous avons fait. Cela dépendra beaucoup de M. Borloo, qui, ici, par moments, a permis l'ouverture d'une solution.
Mme la présidente. Terminez, monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. Il me reste encore un mot à dire, madame la présidente !
Mme la présidente. Vous avez utilisé trois fois plus de temps qu'il ne vous en est imparti. J'ai été très indulgente, mais je vais vous demander d'arrêter là.
M. Jack Ralite. Laissez-moi dire encore une petite phrase et c'est terminé !
Un grand intellectuel, Jean-Pierre Vernant, qui vient de décéder, disait : « Entre les rives du même et de l'autre, l'homme est un pont. » Il manque encore une ou deux arches fondamentales au pont qu'il y avait à construire. C'est ce qui explique mon abstention, que j'appelle positive. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cette explication de vote, je m'en tiendrai à l'aspect « droit opposable au logement ».
Sur ce point, l'intérêt de ce projet de loi est incontestable. Alors que de plus en plus de gens souffrent de ne pas avoir de toit et que d'autres sont logés dans des conditions précaires, comment ne pas être favorable à la création d'un véritable droit au logement, d'un droit au logement opposable ? C'est impossible.
Mais qu'y a-t-il derrière cette loi ? Le fait de donner un droit donnera-t-il un toit ? C'est là la vraie question, et c'est là que nous disons qu'il faut être honnête. Le problème du logement, c'est avant tout l'absence de logement et une absence de logement à coût possible.
Je formulerai une remarque sur la construction des logements. Je voudrais, pour ma part, féliciter les gouvernements de cette législature du nombre de logements qui ont été construits en cinq ans. J'en suis d'autant plus fier qu'il s'agit de deux ministres de courant de pensée UDF, Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo ; même si ce dernier a quitté nos rangs, il vient de l'UDF, et je le félicite de son action.
M. Jean Desessard. L'un a quitté l'UDF, l'autre le fera bientôt !
M. Yves Pozzo di Borgo. Je m'attache plus aux courants de pensée qu'aux appareils.
Il faut construire des logements, c'est ce que prévoit la loi de programmation pour la cohésion sociale que nous avons votée, et c'est très bien. Mais il faudra construire aussi en fonction des besoins réels. Or nous craignons que trop peu de logements très sociaux soient construits, c'est pourtant de ces logements-là que nous aurons besoin. Nous avons présenté des amendements dans ce sens ; ils n'ont malheureusement pas été retenus.
Mais cela n'est valable que pour le moyen et le long terme. Dans l'immédiat, que faire ? Le projet de loi contourne le problème en ne distinguant pas assez « droit au logement » et « droit à l'hébergement » ; nous le déplorons. Une telle confusion - mais en est-ce une ? - pourrait le vider de sa substance et le rendre incantatoire. C'est un véritable risque.
Sur le fond, reste la question délicate de la relation entre droit au logement opposable et responsabilité des communes.
La solution de dissocier l'action d'attribution du contingent préfectoral en cas de délégation et la responsabilité liée à cette action, adoptée par le Sénat sous l'impulsion de la commission des affaires sociales, est meilleure que celle qui nous était proposée au départ. La première mouture du texte aurait dissuadé les collectivités d'accepter la délégation du contingent préfectoral.
La nouvelle rédaction est meilleure, mais elle constitue une curiosité juridique et elle sera certainement de nature à ne pas beaucoup améliorer les relations, déjà parfois très tendues, entre les mairies et les préfectures. Les préfets, après avoir vu la responsabilité de l'État engagée, pourront se retourner contre les communes. Ne voit-on pas là se profiler une recentralisation de la politique du logement ? Dans l'affirmative, la seconde étape de la décentralisation aurait vite fait long feu...
Ce texte pose un autre problème et non des moindres : celui de la mixité sociale. En créant un public de « super-prioritaires », ne risque-t-il pas d'engendrer l'émergence de nouveaux ghettos de personnes en difficulté ?
L'impératif de mixité sociale devra toujours être respecté dans l'attribution des logements. Malheureusement, le projet de loi, telle qu'il se présente, ne la garantit pas suffisamment à nos yeux, mais la loi ne peut pas tout faire.
En outre, nous nous réjouissons que les travaux du Sénat aient pu améliorer le projet de loi à propos de l'accompagnement des titulaires du droit au logement. C'est là un point fondamental. Lorsque l'on se trouve en état d'exclusion, on ne connaît pas ses droits ni les moyens de les faire valoir. De plus, chacun doit avoir droit à un traitement différencié car tout le monde n'est pas en état d'occuper un logement normal sans un accompagnement spécifique. Sur cette question, les travaux de notre Haute Assemblée ont été fructueux.
La rapidité d'élaboration de ce texte pourrait peut-être mettre en question sa pertinence et son effectivité. Toutefois, dans son immense majorité, le groupe UC-UDF le votera, parce qu'il constitue une avancée juridique, mais nous resterons extrêmement vigilants pour qu'il ne reste pas une coquille vide.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue de ces trois journées de discussion sur le projet de loi instituant le droit au logement opposable, je souhaiterais à mon tour vous faire part des réflexions que m'inspirent les nombreux échanges que nous avons eus à cette occasion.
En première analyse, je ne méconnais pas l'importance de l'instant : nous nous apprêtons, en effet, à inscrire dans notre droit un principe fondamental qui, s'il est mis en oeuvre de manière efficace et pragmatique, est de nature à changer la vie de nombre de nos concitoyens touchés par le phénomène du « mal-logement ».
Au terme de ce processus législatif, pour la première fois dans le domaine du logement, nous allons fixer à l'État une obligation de résultat et non plus une simple obligation de moyens. Il s'agit là d'une avancée capitale en matière de droits économiques et sociaux à mettre au crédit du Gouvernement et, en particulier, de nos ministres chargés du pôle de cohésion sociale.
Avec ce texte, le Parlement adresse un message clair aux Français : nous leur garantissons à terme - mais pas immédiatement - que l'État sera tenu de leur apporter sécurité et stabilité dans le domaine du logement.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, je suis bien obligé d'admettre que le calendrier que le Sénat a retenu n'a pas été celui qui aurait eu ma préférence. Toutefois, j'ai bien entendu les déclarations des uns et des autres et je constate qu'une mobilisation générale a été déclarée afin de mettre les acteurs du logement et l'État sous pression.
Je ne doute pas d'ailleurs que le prochain gouvernement, quel que soit le résultat des prochaines échéances électorales, aura à coeur de s'inscrire pleinement dans cette dynamique, même si, personnellement, je dois bien avouer que je ferai plus confiance à une majorité qu'à une autre, compte tenu de leurs résultats respectifs récents dans le domaine du logement.
Cela étant dit, je ne dois pas vous cacher, mes chers collègues, un certain sentiment d'étonnement.
Étant membre de notre Haute assemblée depuis bientôt douze ans, je pensais avoir vu un certain nombre de choses et être bien au fait des surprises que peut offrir le débat parlementaire : eh bien, je me trompais !
J'ai assisté, plus particulièrement au cours des débats qui se sont tenus hier, à des revirements plutôt surprenants, conduisant notre assemblée à voter des dispositifs en totale contradiction avec les positions qu'elle avait défendues dans un passé très récent.
Alors que s'est-il passé ?
M. Jean Desessard. Il y a eu le CPE !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Pourquoi ceux qui, hier, défendaient les collectivités territoriales ont-ils subitement décidé, dans un grand élan, d'ajouter dans notre législation plusieurs couches supplémentaires de contraintes pour les maires ?
Le rôle de notre assemblée n'est-il pas au contraire de faire en sorte que nos élus locaux puissent, dans les meilleures conditions possibles, assumer leurs missions d'intérêt général, dans l'intérêt quotidien des Français qui les ont choisis ? N'ont-ils pas le droit à une certaine stabilité du cadre juridique régissant l'exercice de leurs missions, au risque - nous le voyons tous les jours - d'être perdus, voire noyés par les changements incessants de la législation applicable ?
Je me demande aussi pourquoi ceux qui hier affirmaient ne pas vouloir remettre en cause, au détour d'un amendement et sans aucune analyse, des équilibres délicats et difficilement obtenus ont brusquement changé du tout au tout.
Je trouve, mes chers collègues - je le dis très calmement - que nous légiférons parfois de manière bien inconséquente. La réaction de notre collègue Hugues Portelli doit tous nous interpeller.
Certains ont eu parfois la « tentation de Venise ». Pour ma part, je dois bien avouer que ces errements m'ont amené, à titre personnel, à avoir la tentation de l'abstention.
Cela étant, tous ces revirements aussi surprenants qu'inattendus ne me conduisent pas pour autant à négliger les avancées substantielles qui ont été réalisées lors de la discussion devant notre Haute assemblée.
Je pense tout particulièrement à l'indexation des aides au logement sur l'évolution de l'indice de référence des loyers.
Certes, on nous avait dit il y a seulement un mois et demi, lors de la discussion de la dernière loi de finances, qu'une telle mesure était impossible, inenvisageable, compte tenu de l'état de nos finances publiques.
M. Roland Muzeau. C'est pour cela qu'il ne faut pas les croire !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. On reconnaît aujourd'hui que c'est une mesure indispensable pour maintenir le pouvoir d'achat des locataires les plus modestes.
Je crois, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous ne pouvons que nous féliciter que nos finances publiques se soient rétablies aussi rapidement (Mme Raymonde Le Texier rit.), en deux mois seulement, et qu'elles soient aujourd'hui en état de permettre une telle avancée majeure ! D'ailleurs, cela a été si rapide, mes chers collègues, que nous n'avons plus aucun souci à nous faire sur le problème de la dette publique, parce que si la même pente est suivie, elle sera rapidement comblée !
Je pense aussi à la mise en place - fait là encore historique - d'un mécanisme de garantie contre les risques locatifs, qui va permettre de limiter les expulsions locatives et les situations dramatiques sur le plan social d'impayés et de surendettements liés au logement.
J'interprète ce dispositif comme un nouveau pacte entre les bailleurs et les locataires, un pacte rééquilibré, de nature à remettre un certain nombre de personnes sur le chemin de l'investissement locatif et de redonner confiance aux propriétaires, parfois découragés de mettre leur bien en location. À l'évidence, il s'agit là d'un élément qui va stimuler le développement de l'offre locative dans notre pays, qui en a bien besoin - et vous n'avez peut-être pas jugé ce phénomène à sa juste valeur.
Enfin, je n'oublie pas non plus les amendements que nous avons votés en faveur du parc social, avec l'augmentation du nombre de logements sociaux prévus par le plan de cohésion sociale ou encore les fonds supplémentaires alloués par l'État pour la réhabilitation des quartiers en difficulté. Là encore, mes chers collègues, on peut reconnaître que ces avancées sont très importantes.
Au total, monsieur le ministre, même si ma préférence aurait été très nettement - j'y insiste - en faveur d'un texte resserré, compatible avec le peu de temps qui nous a été laissé pour l'examiner, et qui aurait inscrit le principe du droit au logement opposable et la création d'un comité de suivi dont les réflexions auraient éclairé le prochain gouvernement, qui, lui, aurait dû mettre en place les modalités d'application de ce droit au logement, je suis persuadé que si vous aviez fait cela, ce texte aurait été voté à l'unanimité par notre assemblée.
M. Jean Desessard. J'en doute !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Quoi qu'il en soit, je le voterai. Je ne peux néanmoins m'empêcher de penser, au vu de la complexité des problèmes évoqués, que ces sujets auraient certainement mérité d'être débattus dans des conditions plus sereines et dans un contexte politique moins particulier.
Monsieur le ministre, le droit opposable au logement méritait mieux que ce que nous avons fait au cours de ces trois jours.
M. Jean Desessard. C'est un vote « pour » négatif !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux m'associer aux propos très consensuels qui ont été tenus.
Je saluerai d'abord le mérite de M. Jean-Louis Borloo, sans lequel - soyons clairs - il n'y aurait pas ce soir de texte sur le droit opposable au logement. Je saluerai ensuite Mme Catherine Vautrin, qui a largement contribué à nos travaux. Mais permettez-moi aussi de remercier la commission des affaires sociales, qui a fait confiance à Bernard Seillier en le nommant rapporteur, Bernard Seillier dont chacun connaît l'engagement et la compétence. Il est - d'autres le diraient peut-être mieux que moi - le plus compétent d'entre nous sur les questions de l'exclusion, son engagement fait l'admiration de tous et je lui sais gré d'avoir mis son expertise au service de ce texte majeur.
Il a largement contribué à l'amélioration de ce texte, les propositions les plus importantes émanent de lui et je le remercie du fond du coeur d'avoir su donner le ton qu'il fallait tant en commission que dans cet hémicycle, sur ce texte compliqué, qui exige à la fois tolérance et mesure et qui - je n'en doute pas - évoluera encore lors de son passage à l'Assemblée nationale et en commission mixte paritaire.
Ensemble, nous parviendrons à en faire un texte équilibré, respectueux des droits des collectivités mais aussi respectueux de ce nécessaire engagement en faveur des plus défavorisés.
Mes chers collègues, je souhaite que, par un vote le plus large possible, nous donnions tout son éclat à ce texte tout à fait historique. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?....
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Mme Bariza Khiari. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Madame la présidente, je tiens, avec des mots auxquels la fatigue m'empêchera peut-être de donner la puissance et la force qu'ils mériteraient, à me réjouir de la grande qualité de nos travaux et à adresser mes profonds remerciements à tous ceux qui ont participé à la discussion de ce texte et contribué à son élaboration.
Permettez-moi d'évoquer rapidement quelques mesures qui ont été acquises et qui me semblent significatives : le renforcement du programme de construction des logements sociaux et très sociaux, l'évaluation à mi-parcours par le Conseil économique et social, l'extension de la garantie des risques locatifs, la domiciliation des sans domicile fixe, la mobilisation du parc privé, l'indexation des aides au logement sur l'indice de référence des loyers, la sécurisation de l'aide créée au bénéfice des chibani.
Je veux surtout m'arrêter sur la méthode de travail qui a été retenue et sur l'atmosphère dans laquelle se sont déroulés nos débats, car elles me semblent caractéristiques d'un échange exceptionnellement riche. Je rejoins là les propos très sensibles qu'a tenus tout à l'heure Jack Ralite.
Lorsque nous débattons de la construction et de la cohésion sociale, nous sommes au coeur d'une mécanique qui, par bien des aspects, reste très mystérieuse et dont les ressorts nous échappent. Nous devons aborder ces questions avec beaucoup de respect, car nous édifions une oeuvre commune, dans une dialectique substantielle, loin d'un dialogue purement formel et superficiel. Nous allons au fond des choses, tendant vers un but aux contours encore incertains, mais qui est un bien commun qu'il nous faut bâtir ensemble, sans nier nos différences ni les valeurs spirituelles et culturelles qui donnent un sens à notre vie. Nous recherchons, par cet échange sans fard, sans masque, mais au contraire dans une quête de vérité, à oeuvrer pour la construction du « vivre ensemble », de l'« habiter ensemble ».
Bien sûr, une société n'est jamais parfaite : n'attendons pas de réaliser des miracles, contentons-nous de chercher à atteindre le meilleur possible dans l'instant présent. C'est à cette construction vivante, prenant en compte ce qui fait l'actualité d'aujourd'hui, que j'ai été le plus sensible, car les uns et les autres y ont pris part, sur toutes les travées de notre assemblée.
En effet, nous n'avons pas été de simples spectateurs. Nous ne sommes pas restés extérieurs à l'événement que constitue la création d'un droit opposable au logement. Nous nous sommes efforcés de l'instituer sans nous considérer comme supérieurs aux personnes qui sont à l'extérieur de cet hémicycle, dans le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains, dans le respect aussi de notre belle devise.
Je crois que, dans ce débat, nous avons fait plus que transmettre un message : nous avons aussi fait en sorte de donner un exemple.
De ce point de vue, je tiens à remercier les deux ministres, Jean-Louis Borloo et Catherine Vautrin, dont l'apport a été essentiel. Je suis frappé par l'interactivité qui a marqué notre discussion. Cette interactivité exige que personne ne reste étranger à l'autre, que chacun essaie de comprendre ce que l'autre veut dire, afin de trouver le plus possible de points de convergence.
Il n'est pas étonnant que des ministres qui sont en charge la cohésion sociale témoignent de ces valeurs existentielles qui permettent de nouer des relations de qualité, de construire une cohérence sociale pour une société libre.
Je tiens également à remercier notamment nos collègues Catherine Procaccia et Christian Cambon, qui n'ont pas hésité à aller discuter avec les représentants des associations qui suivaient nos débats, afin d'éviter qu'un amendement soit mal compris. C'est un acte suffisamment important et symbolique pour que je leur rende en cet instant un hommage particulier.
Bien entendu, je remercie également tous les collègues qui ont pris part à nos travaux, les présidents de séance, toujours très attentifs, qui ont su conduire des discussions parfois difficiles - j'ai moi-même failli être un moment submergé par le flot des amendements et sous-amendements ! -, sans oublier les deux rapporteurs pour avis, qui ont accompli un important travail.
Je remercie enfin tous les services du Sénat et ceux des ministères qui, par leur dévouement, leur attention et leur disponibilité nous ont permis d'accomplir un travail de qualité.
Madame la présidente, monsieur le ministre, ce texte est sans aucun doute très innovant. Après la santé, l'éducation, c'est avec le logement que nous faisons un nouveau pas essentiel dans le sens de l'édification d'une protection sociale nouvelle.
Je pense que les années prochaines nous permettront de continuer dans cette direction afin de préserver la liberté de notre pays et - c'est le plus précieux - de construire l'avenir dans le respect de l'égale dignité des êtres humains, quels que soient leur statut, leur religion ou leurs opinions. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame la présidente, je serai bref puisque nous avons six heures de retard - je prie M. le garde des sceaux et tous ceux d'entre vous qui attendent le début de la discussion suivante de bien vouloir nous en excuser -, mais ce sont six heures de retard pour un beau texte !
Je remercie M. Christian Poncelet, qui a tenu à présider la séance lors de l'ouverture de ce débat, ainsi que les différents présidents qui se sont succédé : MM. Richert, du Luart, Fischer et vous-même, madame la présidente.
Je remercie également les rapporteurs des commissions qui, avec des regards forcément différents, ont néanmoins, avec des tensions positives, construit un grand texte.
Je remercie aussi le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées qui, depuis trois ou quatre ans, va à l'essentiel. Il a su laisser du temps au temps afin que les choses avancent, que la machine à construire soit relancée, sans exiger d'emblée une rédaction parfaite parce qu'il savait que c'était quasiment impossible.
Je remercie toutes les associations qui contribuent à la vie de ce secteur.
Je ne saurais conclure ce bref propos sans dire un mot de M. Bernard Seillier, qui, non seulement dans l'exercice de son mandat de sénateur, mais aussi dans d'autres fonctions, honore la République. Comme vous l'avez souligné à juste titre, monsieur le président About, il est particulièrement heureux que M. Bernard Seillier, qui oeuvre beaucoup à la lutte contre l'exclusion, ait été désigné rapporteur de ce grand texte, texte de dignité pour les chibani, texte qui inverse la charge de la preuve pour tous les responsables, quels qu'ils soient.
Je souhaite que les abstentions soient exclusivement positives, de façon que chacun, là où il sera demain, fasse en sorte que l'on puisse vraiment faire vivre cette loi. (Applaudissements.)