PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
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DÉsignation D'UN SÉNATEUR en mission
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 13 février 2007 par laquelle il fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre de l'outre-mer Mme Lucette Michaux-Chevry, sénateur de la Guadeloupe.
Cette mission portera sur l'organisation et les priorités d'une coopération régionale à partir des départements français d'Amérique en direction de l'espace caraïbe.
Acte est donné de cette communication.
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communication relative À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
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Mutuelle Société nationale « Les médaillés militaires »
Adoption définitive d'une proposition de loi
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires » (nos 184, 216).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi nous arrive directement de l'Assemblée nationale, où elle a été présentée par M. le député Charles Cova, et nous offre l'occasion de rendre un hommage mérité aux médaillés militaires.
Chacun connaît, dans cet hémicycle, la valeur des cadres de notre armée. Au cours des siècles, ils se sont magnifiquement illustrés sur tous les théâtres d'opérations. Il est donc juste et légitime que notre pays leur manifeste sa reconnaissance par cette décoration spécifique et exceptionnelle, la médaille militaire, qui exprime, depuis le second Empire, la gratitude de la patrie envers tous ceux qui l'ont servie avec abnégation et dignité, parfois jusqu'au sacrifice suprême.
Je veux aussi saisir l'occasion de ce débat pour saluer la mémoire de M. Orlowski, qui a présidé la Société nationale « Les Médaillés militaires » pendant des années avec dynamisme, sagesse et compétence. Sa disparition soudaine a endeuillé le monde combattant.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui vise à répondre à la situation particulière de la mutuelle des titulaires de la médaille militaire. Les responsables de cette mutuelle ont constaté que l'évolution des règles de la mutualité rend difficile la gestion de la maison de retraite dont elle a la charge. Une décision de son assemblée générale a donc demandé la dissolution de la mutuelle et l'affectation de son actif à une association reconnue d'utilité publique.
Pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, êtes-vous appelés à vous prononcer sur une telle décision ? Tout simplement parce que cette solution, qui nous paraît à tous égards la meilleure, suppose une dérogation aux dispositions de l'article L. 113-4 du code de la mutualité. Par conséquent, nous sommes obligés de vous demander de vous prononcer sur la dissolution de cette mutuelle.
Ce type de dérogation doit rester exceptionnel. (M. Fischer manifeste son scepticisme.) En effet, il ne faudrait pas fragiliser le fonds national de garantie des mutuelles, dont la finalité est d'assurer, en cas de défaillance d'une mutuelle, la couverture des droits de ses adhérents. S'agissant de ce cas très particulier, le Gouvernement a donné un avis favorable à cette réforme. Vous ayant dit l'essentiel, il ne me paraît pas utile de développer davantage la motivation de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Janine Rozier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la proposition de loi que nous allons examiner a été déposée à l'Assemblée nationale par notre collègue député Charles Cova. M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, avait lui aussi l'intention de présenter une proposition de loi similaire. Elle a été inscrite à l'ordre du jour réservé de notre assemblée par le groupe de l'UMP.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui ne comporte qu'un seul article et a un objet très simple : permettre la transformation de la Société nationale « Les Médaillés militaires », qui a aujourd'hui le statut de mutuelle, en association. Je reviendrai dans un instant sur ce dispositif.
Auparavant, je voudrais en effet profiter de cette occasion qui nous est donnée pour rappeler ce qu'est la Médaille militaire, qui sont les médaillés militaires et pourquoi nous devons affirmer notre reconnaissance à leur égard.
La Médaille militaire a été instituée par un décret du 22 janvier 1852, signé de Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, qui tenait absolument à récompenser la bravoure des soldats et des sous-officiers.
En effet, surnommée « le bijou de l'armée », cette décoration a ceci d'original qu'elle est réservée à la fois au bas de la hiérarchie militaire, c'est-à-dire aux soldats et aux sous-officiers, et aux plus hautes autorités de celle-ci. Ainsi, à titre exceptionnel, la Médaille militaire peut être concédée, par décret pris en conseil des ministres, aux maréchaux de France et aux officiers généraux grands-croix de la Légion d'honneur qui, en temps de guerre, ont exercé un commandement en chef devant l'ennemi ou ont rendu des services exceptionnels à la défense nationale. C'est assez dire l'importance que revêt la possession de cette distinction, gagnée « au feu », en particulier par beaucoup des auteurs des courriers que nous sommes nombreux ici à avoir reçus.
Depuis sa création, cette médaille a été attribuée à environ un million d'hommes de troupe et sous-officiers et à 156 généraux et maréchaux, parmi lesquels Joffre, Foch, Lyautey, de Lattre et Leclerc. Elle a également honoré des personnalités étrangères, notamment Churchill, le général Eisenhower et le président Franklin Roosevelt.
On compte actuellement environ 200 000 titulaires vivants de la Médaille militaire. Le contingent annuel est de l'ordre de 3 500 récompenses, destinées à honorer les militaires, hommes et femmes, qui ont servi au moins huit années dans l'une des trois armées ou la gendarmerie nationale et rendu des services exceptionnels.
La Médaille militaire est la troisième décoration dans l'ordre de préséance, après la Légion d'honneur et la croix de Compagnon de la Libération, mais avant l'ordre national du Mérite.
Sa gestion est, depuis l'origine, assurée par la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur. Celle-ci se borne toutefois aux questions administratives et de discipline. Aussi, pour soutenir les médaillés et affirmer leur solidarité, une société de secours mutuel a-t-elle été créée par les médaillés militaires eux-mêmes en 1904. Reconnue d'utilité publique en 1931, cette société nationale, dénommée « Les Médaillés militaires », avait pour vocation d'apporter un soutien matériel et financier aux médaillés et à leurs familles, à une époque où les assurances sociales n'existaient pas, tout en cultivant une fraternité et une solidarité entre les médaillés.
Aujourd'hui, cette société nationale compte plus de 70 000 adhérents répartis dans le monde entier. Elle poursuit son oeuvre de solidarité, essentiellement au travers de la gestion d'une maison de retraite, implantée à Hyères.
En effet, son rôle initial d'assurance sociale a pour ainsi dire disparu, principalement du fait de l'avènement de la sécurité sociale en 1945, mais aussi en raison de la fin des conflits successifs et meurtriers qui ont émaillé notre histoire au cours des cent cinquante dernières années.
Or, malgré cette évolution dans les missions de la société nationale, celle-ci reste régie, comme à l'origine, par le code de la mutualité.
Si ce choix des médaillés fondateurs s'est longtemps avéré fort judicieux, il n'apparaît plus en être de même aujourd'hui. En effet, les dispositions du code de la mutualité, telles qu'issues de l'ordonnance du 19 avril 2001 transposant les directives européennes « assurances » pour la sphère de la mutualité, semblent particulièrement lourdes et inadaptées aux activités actuelles de la société nationale. Cela est vrai en ce qui concerne les règles de fixation des cotisations et celles qui sont applicables au versement des prestations ou au rôle de l'assemblée générale, ou encore pour ce qui est des buts visés.
C'est pourquoi la Société nationale « Les Médaillés militaires » considère aujourd'hui qu'un statut associatif serait plus approprié à la poursuite de ses activités, notamment pour la distribution d'aides liées à des besoins ponctuels ou urgents et pour le maintien d'une communauté solidaire et vivante entre les médaillés. La formule associative a d'ailleurs été choisie par les organismes équivalents que sont la Société d'entraide des membres de la Légion d'honneur et l'Association des membres de l'ordre national du Mérite.
Cette transformation de statut a été préparée par la Société des médaillés militaires, qui prévoit de se dissoudre au profit de l'Association de l'orphelinat et des oeuvres des médaillés militaires, créée en son sein il y a déjà de nombreuses années.
Néanmoins, pour que cette transformation soit effective, il reste un verrou législatif à lever : celui de l'article L. 113-4 du code de la mutualité. En effet, celui-ci rend obligatoire, après dissolution d'une mutuelle, le transfert de son actif à une autre mutuelle ou au Fonds national de garantie des mutuelles.
Par dérogation à cette disposition, la présente proposition de loi prévoit que l'actif de la Société nationale « Les Médaillés militaires » sera transféré à l'association d'utilité publique qui exercera à l'avenir les missions de cette dernière. Prévoyants, les médaillés militaires, réunis en assemblée générale le 11 décembre 2006, ont d'ailleurs su procéder à une refonte complète des statuts et du règlement intérieur de cette association.
L'approbation de cette dérogation nous a paru effectivement souhaitable. D'une ampleur limitée, elle ne remet pas en cause le fait que les biens de la société, à savoir son siège à Paris et la maison de retraite de Hyères, seront toujours utilisés dans un but non lucratif, ce qui reste conforme à l'un des grands principes fondateurs de la mutualité.
Cette mesure est, je peux vous le dire compte tenu des réactions que j'ai recueillies, très attendue par les intéressés, et il nous a semblé que c'est là un geste bien normal que nous devons à nos 200 000 médaillés militaires.
La commission des affaires sociales vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter la proposition de loi sans modification. Elle a également souhaité rendre un hommage appuyé, en séance publique, à tous nos compatriotes médaillés militaires. Il s'agit là, pour nous, de remplir un devoir de solidarité et de mémoire à leur égard. N'oublions pas avec quelle fierté légitime, lors de chaque commémoration devant les monuments aux morts, nos anciens combattants arborent cette Médaille militaire, gagnée dans des circonstances difficiles, souvent au risque de leur vie !
Aussi, pour ce que les médaillés militaires ont apporté à la France, pour le devoir de mémoire qu'ils nous aident à perpétuer et pour la solidarité, la camaraderie et le culte du souvenir qu'ils nous donnent en exemple, nous leur devons d'approuver cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'associe bien sûr à l'hommage public qui vient d'être rendu par notre rapporteur aux médaillés militaires.
Cette proposition de loi a pour objet d'apporter une modification statutaire qui permette à la Société nationale « Les Médaillés militaires », reconnue d'utilité publique, de poursuivre ses missions d'assistance et de secours à ses membres, ainsi qu'aux veuves et orphelins de médaillés militaires.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit à propos de l'histoire de cette décoration. Nous sommes bien sûr unanimes pour saluer avec le plus grand respect ces hommes et ces femmes dont la nation a reconnu les mérites ou les faits d'armes par l'attribution de cette prestigieuse distinction.
De même, nous sommes, je le pense, unanimes pour considérer que le statut d'association siérait mieux aux activités d'entraide de cette société, qui aurait pu d'ailleurs être un ordre, au même titre que l'ordre de la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite.
Cependant, l'histoire en a décidé autrement ; le statut de mutuelle, adopté à la création de la société en 1898, époque qui a d'ailleurs vu naître le secours mutuel, n'est plus adapté et se heurte aujourd'hui aux dispositions de l'article L. 113-4 du code de la mutualité, qui prévoit qu'en cas de dissolution d'une mutuelle le patrimoine de celle-ci doit obligatoirement être transféré à une autre mutuelle ou, à défaut, au Fonds national de garantie des mutuelles.
Ainsi, le strict respect de la loi qui s'impose à tous priverait la Société nationale « Les Médaillés militaires » des actifs nécessaires à ses oeuvres et de son patrimoine, constitué par son siège parisien et la maison de retraite de Hyères.
Nous ne pouvons accepter cela, d'autant que nous sommes, au sein du groupe communiste républicain et citoyen, très attachés à ce que les anciens combattants et victimes de guerre demeurent seuls responsables des affaires qui les concernent.
Je pense toutefois que la gestion de la maison de retraite aurait pu être confiée à une mutuelle d'anciens combattants promouvant la spécificité de l'entraide au sein du monde combattant et respectueuse des aspirations des médaillés militaires. C'est une solution dont je n'ai pas étudié la faisabilité technique, mais qui aurait eu le mérite de conforter l'action de ces mutuelles, tout en offrant aux médaillés militaires toutes les garanties d'une gestion adaptée, et ce sans déroger au code de la mutualité. C'est là où nos positions diffèrent quelque peu, madame le rapporteur. De nombreuses associations d'anciens combattants sont confrontées aujourd'hui à la difficulté de gérer de telles maisons de retraite.
Cela étant, le problème qui perturbe le fonctionnement de l'institution peut compromettre l'efficacité de l'action des médaillés militaires en direction de leurs membres et de leurs familles. Nous ne souhaitons donc pas nous opposer à cette proposition de loi. Nous aurions souhaité qu'il n'y ait pas de dérogation au code de la mutualité, néanmoins nous nous abstiendrons, par respect, sur ce texte. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Ce n'est pas gentil pour les médaillés militaires !
M. le président. La parole est à M. André Dulait.
M. André Dulait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de la proposition de loi relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires » nous donne l'occasion de saluer solennellement les médaillés militaires et de leur témoigner l'estime et la reconnaissance qui leur sont dues.
Depuis un siècle et demi, des hommes et des femmes se sont vu attribuer cette récompense suprême, qui vient honorer leur bravoure et leurs faits d'armes. Ils se sont battus, ont souffert et parfois ont perdu la vie pour notre pays. Je suis donc très fier d'être aujourd'hui l'orateur du groupe de l'UMP et de pouvoir leur exprimer notre reconnaissance et notre admiration. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Cette proposition de loi avait été précédée d'un certain nombre d'autres, élaborées sur l'initiative de M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Spécifique aux non-officiers, la Médaille militaire rend justice au courage et au mérite des soldats de troupe et des sous-officiers. Elle peut exceptionnellement être concédée aux maréchaux de France et aux officiers généraux grands-croix de la Légion d'honneur. Elle est ainsi devenue la troisième décoration dans l'ordre de préséance, puisque son port et sa disposition réglementaire la placent immédiatement après la croix de Compagnon de la Libération et avant l'ordre national du Mérite.
Elle rend hommage à des gens célèbres comme Foch, Leclerc, Koenig ou Jean Moulin, mais aussi à tous les soldats inconnus qui ont combattu avec honneur pour notre pays et qui, aujourd'hui encore, s'illustrent dans le cadre des opérations extérieures où nos troupes sont engagées. « Valeur et discipline », telle est la devise de la médaille militaire ; elle illustre bien tout ce qui fait la grandeur de cette décoration.
Cette décoration lie ces hommes et ces femmes à travers le temps, à travers l'espace et quels que soient les grades. Chacun s'est illustré à un moment clé par un comportement exceptionnel, à l'étranger, dans le cadre d'opérations extérieures, ou sur le territoire, comme peuvent le faire gendarmes ou pompiers. Avoir la médaille militaire, c'est avoir su se transcender pour défendre des valeurs auxquelles on croit et qui font la grandeur de notre pays.
En 1904, une Société de secours mutuel fut constituée, qui devint la Société nationale « Les Médaillés militaires » ; elle développa un dispositif de solidarité envers les médaillés et leurs familles dans le besoin. Une association fut créée pour compléter ces oeuvres sociales : l'Association de l'orphelinat et des oeuvres. Celle-ci a très vite accompli un travail exemplaire, notamment à la suite des deux guerres mondiales.
L'association a notamment pu apporter une aide financière substantielle aux familles des sociétaires - à leurs veuves et à leurs enfants - lorsqu'ils sont décédés en service. Elle a pu aussi venir à l'aide de ceux qui, après une vie de travail éprouvante, ont pu se marginaliser, et leur offrir solidarité et fraternité.
La création de la sécurité sociale en 1945 a conduit la Société nationale « Les Médaillés militaires » à se concentrer sur ses oeuvres sociales et à cesser son rôle initial d'assurance sociale. Celle-ci a toutefois conservé le statut de mutuelle sous lequel elle avait été créée.
Or la transposition des directives communautaires sur les assurances, intervenue en 2001, a eu pour conséquence d'entraîner une réforme du code de la mutualité. Cette réforme, qui n'a pas épargné la Société nationale « Les Médaillés militaires », s'est révélée particulièrement inadaptée à sa spécificité. En effet, elle ne gère qu'une seule maison de retraite, et se consacre surtout à la défense des intérêts de ses 70 000 membres.
Il semble évident à tous que le statut associatif est plus approprié aux activités de la Société nationale. C'est d'ailleurs sous ce statut que fonctionnent les associations d'entraide des membres de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite, qui ont des missions identiques aux siennes.
Une idée a émergé consistant à faire absorber la Société nationale « Les Médaillés militaires » par l'Association de l'orphelinat et des oeuvres. Bien entendu, cela a pour conséquence la dissolution de la Société nationale. Or cela se heurte aux dispositions de l'article L. 113-4 du code de la mutualité, qui prévoit, en cas de dissolution d'une mutuelle, la nécessaire affectation du patrimoine de celle-ci à une autre structure mutualiste ou au fonds national de garantie des mutuelles.
Appliquée stricto sensu, cette disposition reviendrait à priver l'ensemble des médaillés militaires du patrimoine commun accumulé, qui permet à la Société nationale d'exercer son oeuvre de générosité.
Aussi, nous ne pouvons qu'approuver l'article unique de la proposition de loi qui permet, par dérogation au code de la mutualité, la dévolution du patrimoine de la Société nationale à l'association d'utilité publique qui exercera à l'avenir ses missions, défendra les intérêts des femmes et des hommes qui ont combattu pour notre pays avec force et courage - parfois au péril de leur vie -, et soutiendra leurs familles.
Nous savons bien que ce type de dérogation devra rester exceptionnel pour ne pas fragiliser le fonds national de garantie des mutuelles, dont la finalité est d'assurer la couverture des droits de ses adhérents en cas de défaillance d'une mutuelle. Mais à personnes exceptionnelles, nous nous devions de répondre par un traitement exceptionnel.
Pour conclure, permettez-moi de saluer, outre ceux qui ont pris place dans nos tribunes, tous les médaillés militaires. Je veux, au nom de notre groupe, leur dire notre respect et notre reconnaissance.
Je souhaite également saluer la mémoire de Micislas Orlowski, président général de la Société nationale « Les Médaillés militaires », décédé à la fin de l'année dernière.
La France est fière de ses médaillés militaires et il est essentiel de prouver aujourd'hui cette reconnaissance en leur montrant à quel point notre nation leur est attachée et les admire.
Le groupe UMP votera ce texte avec enthousiasme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Comme le disait Georges Clemenceau à propos des anciens combattants, « ils ont des droits sur nous ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à rendre ici hommage à tous les médaillés militaires pour leur bravoure et leur mérite.
La médaille militaire, décoration spécifiquement militaire, est créée par décret le 22 janvier 1852. À la chute de l'Empire, la République conserve ce système. Aujourd'hui, 3 500 récompenses sont décernées annuellement.
Dès 1904, les médaillés militaires s'organisent et créent une société de secours mutuel qui devient la Société nationale « Les Médaillés Militaires », reconnue d'utilité publique en 1931, ayant pour vocation un soutien matériel et financier aux médaillés et leurs familles.
Alors que ce rôle initial d'assurance sociale a progressivement disparu, la Société nationale est toujours régie par le code de la mutualité. Depuis l'entrée en vigueur en 2001 d'un nouveau code, le droit applicable aux mutuelles s'est révélé inadapté à la nature et au fonctionnement de la Société nationale « Les Médaillés militaires ».
C'est pourquoi, afin de se mettre en conformité avec les exigences du nouveau code, les médaillés militaires ont fait le choix de transférer l'activité de la Société nationale « Les Médaillés militaires » à l'association de l'orphelinat et des oeuvres qui lui sont liées. Cette démarche a été engagée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 11 décembre 2006. Il s'agit, en quelque sorte, de fusionner la Société nationale avec l'association.
Mais cette fusion se heurte à l'article L. 113-4 du code de la mutualité qui prévoit que, en cas de dissolution d'une mutuelle, l'excédent de l'actif de celle-ci est nécessairement affecté à une autre structure mutualiste ou au fonds national de garantie des mutuelles.
L'objet de l'article unique de la proposition de loi est donc d'autoriser la Société nationale à déroger à cet article du code de la mutualité afin que, après sa dissolution et le transfert de ses activités à l'association de l'orphelinat et des oeuvres, elle puisse transmettre à celle-ci le patrimoine accumulé depuis plus d'un siècle par ses sociétaires et poursuivre ainsi son travail de solidarité et de mémoire.
Le groupe socialiste approuve l'objet de la proposition de loi qui vise à donner les moyens aux médaillés militaires de faire fonctionner leur maison de retraite et de poursuivre leur oeuvre.
Mais si cette proposition de loi est dictée par des motifs juridiques et techniques, la méthode proposée n'est peut-être pas des plus pertinentes dans la mesure où elle implique une dérogation législative au code de la mutualité. Il n'est pas raisonnable d'ouvrir ainsi la porte aux dérogations. Il aurait été possible que des mutuelles d'anciens combattants plus importantes se substituent à celle des médaillés militaires.
Cependant, prenant acte de la nécessité de l'évolution proposée par la proposition de loi, il n'est pas souhaitable d'entraver la mise en place de la mesure proposée. Le groupe socialiste s'abstiendra donc.
M. Dominique Braye. Merci pour eux !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Janine Rozier, rapporteur. Après avoir écouté mes collègues, je suis déçue et étonnée. En effet, voilà une demi-heure à peine, M. Guy Fischer me faisait part, au nom de son groupe, de son intention de voter cette proposition de loi. Le groupe socialiste avait pris le même engagement à l'issue de la réunion de la commission. Ils ont changé d'avis !
M. Dominique Braye. Ce n'est pas la première fois !
Mme Janine Rozier, rapporteur. Un tel texte me semblait mériter l'unanimité du Sénat. Êtes-vous certains, mes chers collègues, de ne pas vouloir une nouvelle fois changer d'avis et voter avec nous ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Lors de la dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires », l'excédent de l'actif net sur le passif peut, par dérogation à l'article L. 113-4 du code de la mutualité, être dévolu à une association reconnue d'utilité publique.
M. le président. Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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Fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Nicolas Alfonsi tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (nos 156, 214).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Alfonsi, auteur de la proposition de loi.
M. Nicolas Alfonsi. Mes chers collègues, avant d'entrer dans le détail de la proposition de loi sur le mode de scrutin en Corse, que j'ai pris l'initiative de déposer, je formulerai trois observations liminaires.
Tout d'abord, ce texte est le produit des circonstances. Nous avons récemment discuté d'un projet de loi sur la parité et, à cette occasion, j'avais pris l'initiative de déposer des amendements qui constituaient, je le savais bien, des cavaliers budgétaires. Le président Patrice Gélard me l'avait gentiment fait remarquer et m'avait invité à déposer une proposition de loi. Nous avons donc profité d'une fenêtre de tir - enfin, n'exagérons rien, surtout s'agissant de nous (Rires.) -, disons d'une fenêtre d'opportunité.
Toutefois, je tiens à dissiper tout malentendu, et je m'adresse en particulier à M. le ministre : il ne faut voir aucune malice de ma part dans le dépôt de cette proposition de loi ; j'ai bien pris soin de préciser, dans l'exposé des motifs, qu'il ne fallait pas considérer ces quelques modifications techniques comme une nouvelle réforme institutionnelle ; il faut donc chasser cette idée de notre esprit.
Sans doute partagez-vous mon point de vue à cet égard, monsieur le ministre, et, en l'absence de réponse de votre part, je considérerai que cela vaut approbation : il n'y aura pas de réforme institutionnelle en Corse au cours de la prochaine mandature.
Cette proposition de loi est le fruit de l'expérience d'une vingtaine d'années ; je pense être la mémoire de la collectivité territoriale de Corse. Si l'on étudie d'un point de vue historique les textes des vingt dernières années concernant la Corse, on observe qu'ils sont tantôt en avance, tantôt en retard sur les textes nationaux.
Ainsi, quand le statut Defferre a été adopté, dans l'attente des textes sur la régionalisation, nous étions en avance, monsieur le ministre. On avait alors inventé un système électoral qui n'existait nulle part ailleurs. Dans une décision interprétative, le Conseil constitutionnel avait considéré que le mode de scrutin prévu pour la Corse devait impérativement être adapté au futur mode de scrutin national. Cela a été fait en 1985 par Pierre Joxe, alors ministre de l'intérieur, qui était alors revenu au droit commun, sans que personne ne s'en émeuve.
En 1991, le nouveau « statut Joxe » ne fixait aucun seuil aux listes pour pouvoir fusionner avec d'autres listes au second tour. Le texte que je vous présente prévoit la possibilité de fusionner pour les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Il s'agit donc bien d'une modification technique.
À ce stade, je ferai deux observations complémentaires pour bien éclairer le débat.
Tout d'abord, les mesures sur le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse auront un effet neutre. À l'évidence, il serait vain de donner tous les dix ans des pouvoirs, des compétences supplémentaires, des moyens financiers, etc., à l'Assemblée de Corse si aucun dispositif efficace ne lui permet d'exercer ses compétences et de mettre en oeuvre les moyens mis à sa disposition.
Ensuite, les droits des citoyens en Corse doivent être au moins égaux à ceux des citoyens des autres régions françaises. Pour quelle raison seraient-ils pénalisés par un mode de scrutin ne permettant généralement pas de dégager une majorité claire ?
Quel que soit le résultat du vote, cette proposition de loi aura eu au moins le mérite de nous permettre de revenir sur l'histoire des vingt dernières années.
Les dispositions que je propose sont simples ; dans son rapport, dont je salue la qualité, M. le rapporteur propose de les adopter. Il s'agit d'instituer un seuil, fixé à 5 % des suffrages exprimés, à partir duquel les listes pourront fusionner entre les deux tours et de porter à 7 % le seuil permettant à une liste de se maintenir au second tour ; j'avais suggéré de fixer ce dernier seuil à 7,5 %, mais nous ne sommes pas à une décimale près. Il s'agit également d'augmenter la prime accordée à la liste arrivée en tête.
À l'échelon national, en vertu de la loi de 2003, le seuil permettant à une liste de se maintenir au second tour est fixé à 10 % et celui permettant à une liste de fusionner est fixé à 5 %. En Corse, ces seuils sont de 5 % pour se maintenir et de 0 % pour fusionner. Par ailleurs, alors que la prime à la liste arrivée en tête est de 25 % à l'échelon national, elle est de 5,80 % en Corse, soit trois sièges.
L'expérience prouve que l'on est généralement très près de la majorité absolue, mais que l'on ne l'atteint pas souvent, tout simplement parce qu'il manque quelques sièges.
Je propose donc non pas de revenir au droit commun, c'est-à-dire aux seuils de 10 % pour le maintien et de 5 % pour la fusion, mais d'adopter ce que M. le rapporteur a qualifié de « solution équilibrée », à savoir un seuil de 7 % pour le maintien et de 5 % pour la fusion.
Aujourd'hui, la démographie étant ce qu'elle est - chaque consultation électorale mobilise 120 000 électeurs -, un conseiller à l'Assemblée de Corse - je rappelle qu'un conseiller à l'Assemblée de Corse n'est pas un conseiller territorial, comme on le dit parfois - est le « produit », si j'ose dire, de 3 000 ou 4 000 suffrages. Dans ces conditions, l'environnement local, la faible démographie, le peu de prix que l'on attache au suffrage, le fait que tout individu se croie investi d'un destin et que, par conséquent, il prenne l'initiative de déposer une liste, quitte à donner ensuite ses suffrages au plus offrant s'il n'a recueilli que 3 % des voix, conduit à un grand nombre de situations extraordinairement perverses, comme l'a montré la dernière élection en 2004.
On a même dit que la gauche était majoritaire, et presque tout le monde avait fini par le croire. En fait, dès le lendemain de l'élection, de nombreuses listes qui avaient recueilli 2 % ou 3 % des suffrages avaient fusionné avec des listes de gauche pour y retrouver leur famille d'esprit. Cela explique le trouble permanent de l'opinion, qui a de quoi être découragée.
Cette proposition de loi contient par ailleurs d'autres dispositions techniques.
Certains prétendront que ce n'est pas le moment de modifier le mode de scrutin ; je pense en particulier au Gouvernement, bien que je ne connaisse pas sa position, car je me suis dispensé de la lui demander.
M. le président. Vous la connaîtrez dans un instant !
M. Nicolas Alfonsi. Mais ce n'est jamais le moment ! Après l'élection présidentielle auront lieu, l'an prochain, les élections municipales.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Puis les régionales !
M. Nicolas Alfonsi. En 2010, on invoquera les élections sénatoriales !
J'ai pris l'initiative de déposer ce texte au moment où les passions étaient apaisées
Aux autres qui diront que toutes les sensibilités doivent être représentées, y compris les plus homéopathiques, les plus extrêmes, je répondrai que c'était vrai il y a vingt ans - Gaston Defferre, je le rappelle, avait accepté le quotient -, mais que, depuis, ces sensibilités ont eu tout le temps de prospérer et de s'exprimer. On ne peut pas attendre encore, au détriment des mécanismes démocratiques les plus élémentaires !
Je sais que l'opinion de mes collègues sur cette question, au Sénat et à l'Assemblée nationale, est globalement positive, à quelques nuances près.
Il s'agit d'un texte équilibré. Le Sénat ferait donc oeuvre utile, me semble-t-il, en l'adoptant. Je n'ose pas espérer l'unanimité, encore que sur un sujet aussi technique, mais dont la portée politique est importante, je ne suis pas loin de la souhaiter. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder le contenu de cette proposition de loi modifiant certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse, je ferai quelques remarques préliminaires.
Première remarque préliminaire, le texte dont nous sommes saisis est une proposition de loi, et non un projet de loi, ce qui implique un certain nombre de conséquences.
Ainsi, l'Assemblée de Corse n'a pas été préalablement saisie de ce texte, ce qui aurait été obligatoire s'il s'était agi d'un projet de loi.
Par ailleurs, cette proposition de loi est le résultat des amendements que notre collègue Nicolas Alfonsi avait déposés sur deux textes, le projet de loi relatif à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse et le projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Il les avait alors retirés et avait accepté l'invitation qui lui avait été faite de déposer une proposition de loi.
Enfin, s'agissant d'une proposition de loi, le Gouvernement n'est pas engagé dans cette procédure.
Deuxième remarque préliminaire, il ne s'agit naturellement pas de porter atteinte aux droits des Corses. C'est la raison pour laquelle je souhaite que, entre l'adoption de cette proposition de loi par le Sénat et son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, l'Assemblée de Corse soit saisie du texte pour qu'elle puisse donner son avis.
J'en viens à ma troisième remarque préliminaire. J'ai sollicité l'avis soit oralement, soit par écrit, des députés et des sénateurs de Corse, ainsi que du président de l'Assemblée de Corse. Leur point de vue est très proche de celui de notre collègue Nicolas Alfonsi. Tout au plus convient-il de mentionner qu'un certain nombre de parlementaires souhaitent que le statut de la Corse se rapproche progressivement du statut régional. D'autres ont trouvé que les propositions de notre collègue n'allaient pas suffisamment loin. D'autres encore considèrent que le moment n'est pas propice à une telle proposition de loi et qu'il conviendrait peut-être d'attendre la fin de la période électorale.
En conséquence, après avoir écouté les uns et les autres, j'estime que la proposition de loi de notre collègue est bienvenue. Elle permettra de mettre fin aux anomalies qui affectent le fonctionnement de l'Assemblée de Corse en entraînant la multiplication du nombre des forces politiques qui se présentent aux élections et en empêchant pour l'instant la formation de véritables majorités.
Par ailleurs, cette proposition de loi ne porte atteinte à personne. Au contraire, elle permet d'ouvrir un débat qui pourra utilement se poursuivre le jour où l'Assemblée nationale l'inscrira à son ordre du jour ou celui où le Gouvernement acceptera de l'inscrire à l'ordre du jour prioritaire.
Quant au contenu même de la proposition de loi, celle-ci ne comprend que deux articles.
Tout d'abord, l'article 1er augmente la prime majoritaire, en la portant de trois à six sièges pour les membres du conseil de l'Assemblée de Corse, ce qui d'ailleurs ne permet pas, dans la situation actuelle, de dégager une véritable majorité.
Ensuite, cet article porte de 5 % à 7 % des suffrages exprimés le seuil permettant à une liste de se présenter au second tour ; M. Alfonsi avait proposé de fixer ce seuil à 7,5 % dans sa proposition de loi, mais il a été ramené à 7 %, les décimales ne paraissant pas souhaitables dans une loi. C'est tout de même le seuil le plus bas pour toutes nos élections ! À cet égard, peut-être faudra-t-il, monsieur le ministre, que l'on se penche un jour sur l'harmonisation de ces seuils, tant les différences sont nombreuses selon les modes de scrutin ? C'est le cas en particulier à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, où les seuils sont encore différents de ceux qui sont prévus pour les autres collectivités territoriales.
Enfin, l'article 1er concerne la fusion des listes. À l'heure actuelle, il n'existe aucun seuil, ce qui permet naturellement la multiplication des listes au premier tour. La proposition de loi de Nicolas Alfonsi fixe à 5 % des suffrages exprimés le seuil à partir duquel la fusion sera possible au second tour, ce qui est à peu près la norme pour toutes les élections.
L'article 2 procède à une harmonisation avec les élections régionales : en cas d'incompatibilité pour cause de cumul de mandats, l'intéressé dispose d'un mois pour choisir l'un ou l'autre des mandats.
Comme vous le savez, le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse est incompatible avec la fonction de membre du conseil exécutif de Corse. Ainsi, après que l'Assemblée territoriale a élu le conseil exécutif, toute une série de ses membres se retire pour laisser la place aux « suivants de liste », ce qui n'est pas tout à fait souhaitable. Je crois donc qu'il convient de suivre, sur ce point, notre collègue Alfonsi.
Cette dernière remarque étant faite, je vous demande, au nom de la commission des lois, de voter en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Alfonsi, permettez-moi d'abord de vous féliciter pour votre persévérance, puisque le texte dont nous allons débattre aujourd'hui trouve en partie son origine dans des amendements que vous avez défendus, voilà maintenant deux mois, lors de l'examen du projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Mon propos sera bref pour deux raisons essentielles : d'abord, il s'agit d'une séance dont l'ordre du jour est réservé à l'initiative parlementaire et je ne voudrais pas, naturellement, brider cette initiative ; ensuite, le sujet a déjà été abordé il y a quelques semaines à peine.
Cette proposition de loi, qui a bénéficié de l'excellent travail du doyen Patrice Gélard et qui a reçu l'aval de la commission des lois, comporte, vous l'avez souligné, deux volets.
Le premier vise à modifier le mode d'élection de l'Assemblée de Corse pour ce qui concerne les seuils de fusion des listes et d'accès au second tour, ainsi que la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête.
Une liste devrait ainsi réunir 7 % des voix, contre 5 % aujourd'hui, pour pouvoir se maintenir au second tour. Par ailleurs, seules les listes ayant obtenu 5 % des voix pourraient fusionner, alors qu'aucun seuil n'existe à ce jour. Enfin, la liste arrivée en tête du scrutin se verrait attribuer une prime de six sièges, au lieu de trois actuellement.
Comme je l'avais déjà indiqué lors du débat relatif à la parité, et comme mes services ont pu le signaler au rapporteur - vous l'avez d'ailleurs un peu anticipé, monsieur Alfonsi -, le Gouvernement n'entend pas s'engager sur la voie d'une réforme des modes de scrutin à quelques mois d'échéances électorales majeures pour notre pays.
Vous le savez aussi bien que moi, tout mouvement en ce sens serait immédiatement disséqué et interprété à l'aune des prochaines échéances, ce qui ne peut être le souhait ni de la représentation nationale ni du Gouvernement. En cette matière sans doute plus qu'ailleurs, la sérénité doit toujours prévaloir.
Comprenez-moi bien : je ne prétends pas, naturellement, que le mode de scrutin actuel soit parfait. Je note toutefois qu'il a déjà fait l'objet de plusieurs modifications depuis 1991 afin de mieux prendre en compte les spécificités de la Corse. S'il est indéniable que des aménagements sont nécessaires, je suis convaincu qu'un véritable débat ne pourra s'engager qu'à partir du second semestre. Il exige, en effet, une très large concertation avec tous les acteurs concernés, en particulier l'Assemblée de Corse, afin d'assurer la « stabilité de l'Assemblée et [le] respect du pluralisme d'idées et d'opinions en son sein. »
J'ajoute que c'est aussi ce que prévoit la loi, puisque l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales dispose : « L'Assemblée de Corse est consultée sur les projets et les propositions de loi [...] comportant des dispositions spécifiques à la Corse ».
Ce sera au prochain gouvernement de mener ce travail en s'appuyant, bien évidemment, sur les propositions des parlementaires, en particulier sur celles que vous venez de formuler.
Le second volet comporte une série de dispositions techniques visant à améliorer le fonctionnement de l'Assemblée et du conseil exécutif de Corse.
Grâce à l'expertise juridique du doyen Patrice Gélard, le texte que nous étudions modifie quelque peu la proposition de loi que vous portiez, monsieur Alfonsi, sans perdre de vue l'objectif qui est le vôtre.
Il en ressort, d'abord, le souhait d'encadrer l'incompatibilité entre le mandat de conseiller de l'Assemblée de Corse et la fonction de conseiller exécutif.
La proposition de loi prévoit ainsi un délai d'option d'un mois à partir de la date à laquelle l'élection au conseil exécutif est devenue définitive, ce qui pourrait par exemple permettre à un conseiller exécutif de continuer à prendre part aux scrutins organisés au sein de l'Assemblée. Ce cumul pourrait d'ailleurs s'étirer dans le temps, puisque l'élection au conseil exécutif est susceptible de recours contentieux. En ce cas, la règle commune s'applique.
Dès lors, c'est le principe même de la séparation des pouvoirs qui serait ainsi mis en cause, ce qui ne paraît pas opportun. J'imagine que nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des articles.
Il est ensuite prévu d'instaurer un délai maximal d'un mois pour remplacer les conseillers exécutifs dont le siège est vacant. Pour le président, la procédure est différente. Le Gouvernement n'a pas d'objection sur ce point et s'en remettra donc à la sagesse des sénateurs.
L'ultime proposition, qui visait à fixer au vendredi, au lieu du jeudi, la première réunion de l'Assemblée de Corse afin d'éviter toute concomitance avec la réunion des conseils généraux, n'a pas été retenue par votre commission des lois. L'actuel calendrier électoral disjoint en effet les élections régionales et cantonales et rend donc inutile cette disposition.
Tels sont les quelques éléments dont je voulais vous faire part au nom du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. La proposition de loi présentée par Nicolas Alfonsi, comme vous le rappeliez à l'instant, monsieur le ministre, est issue de nos débats sur la loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Notre collègue avait eu l'occasion d'expliquer à cette tribune pourquoi il déposait des amendements et pourquoi il les reprendrait dans une proposition de loi.
Sur le fond, l'approche de M. Alfonsi est intéressante : celui-ci met l'accent sur trois points importants.
Le premier point concerne la prime à la liste arrivée en tête. M. Alfonsi nous propose, dans le but, nous dit-il, de renforcer la stabilité de la majorité de l'Assemblée, de doubler la prime, qui passerait de 6 % à 12 % des sièges.
Le deuxième point vise à éviter ce qu'il a qualifié de « perversions » - la lutte contre la perversion, on le sait, est un travail difficile, sans doute lui-même un peu pervers -, en créant un seuil de fusion des listes, puis en harmonisant, notre rapporteur y a veillé, le seuil de fusion et le seuil de maintien.
Ces interrogations de bon sens correspondent à de réels problèmes. Pour autant, la proposition de loi qui nous est présentée épuise-t-elle le sujet ? Je ne le pense pas ! Elle a le mérite de mettre l'accent sur les questions essentielles, mais le débat doit être plus profond et plus large.
S'agissant de la prime - nous en débattions la semaine dernière - vous disposez d'un large éventail, monsieur le ministre !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Bernard Frimat. La prime à 12 %, si nous suivons la proposition de Nicolas Alfonsi, une prime à 25 % pour les conseils régionaux, une prime à 33 % pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin, une prime à 50 %, jurisprudence « Grignon », pour Saint-Pierre-et-Miquelon, pour les conseils municipaux. Nous avons même pour la Polynésie française, si vous me permettez ce mauvais jeu de mots, la prime à « zéro », de façon à se mettre à la hauteur de ceux qui gouvernent.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La « déprime » ! (Sourires.)
M. Bernard Frimat. On nous dit que la prime a pour objet d'assurer la stabilité de la majorité en place et de permettre aux exécutifs locaux d'être gouvernés ; je peux le comprendre. Ce que je ne comprends pas, c'est que l'on puisse atteindre le même but avec une prime de 0 %, 6 %, 12 %, 25 %, 33 % ou 50 % !
Le Conseil constitutionnel s'exprimera, je l'espère, à partir de la loi relative à l'outre-mer. Sur ce point, il conviendrait de définir un système cohérent. Faut-il appliquer une prime de droit commun, comme c'est le cas pour les régions, ou une prime particulière ? Je n'en sais rien ! La question mérite une concertation, un débat, mais la prime ne saurait être à géométrie variable, de surcroît révisable.
La création d'un seuil de fusion me semble constituer un progrès. Certes, je salue le travail réalisé par le rapporteur, qui a évoqué dans son rapport la liste de personnes consultées, mais la consultation a tout son charme quand elle est engagée a priori ; la consultation a posteriori, les décisions étant prises, a une saveur plus limitée...
Il serait intéressant d'avoir l'avis du Conseil d'État, même si cet avis reste inconnu, comme chacun le sait.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n'y aurait plus de propositions de loi !
M. Bernard Frimat. Mais il s'agit d'une proposition de loi, et seuls les projets de loi requièrent l'avis du Conseil d'État. Y a-t-il un avis officiel de l'Assemblée de Corse ? Non ! Il serait pourtant utile de le connaître avant de se prononcer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Après, au cours de la navette parlementaire !
M. Bernard Frimat. L'ensemble des formations politiques ont-elles été consultées officiellement ? Pas davantage ! Toute une série de contacts, d'éléments ont été établis, des choses positives ont émergé, mais il ne me semble pas que nous soyons parvenus, à ce stade, à un état d'achèvement.
Votre proposition de loi, mon cher collègue, devrait connaître un sort favorable, si l'on en juge par le vote de la commission des lois. Ce sera le début d'une navette parlementaire dont nul ne peut prévoir la fin. Nous savons tous qu'un certain nombre de textes de fin de législature sont encore, plusieurs années après, en cours de navette ! C'est un beau destin, mais ce n'est sans doute pas celui que vous recherchiez...
Monsieur le ministre, nous pouvons sans crainte nous accorder sur le fait qu'il y aura un prochain gouvernement, après, c'est plus compliqué... Le prochain gouvernement serait bien inspiré, à partir de la proposition de loi de Nicolas Alfonsi, après une consultation générale, de nous proposer ce qui ne sera jamais qu'un ultime élément.
Je ne pense pas que la Corse ait besoin d'une nouvelle réforme institutionnelle. Un certain nombre d'ajustements sont peut-être nécessaires pour que la vie démocratique, que nous y savons très vive, puisse être un peu plus ordonnée.
Pour le groupe socialiste - Mme Alima Boumediene-Thiery s'exprimera au nom des Verts -, les conditions qui permettraient d'adopter une position tranchée ne sont pas rassemblées aujourd'hui. J'ai montré les aspects positifs de cette proposition de loi, j'ai souligné le manque de concertation. Par conséquent, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'étonne de l'examen d'une telle proposition de loi à quelques semaines de scrutins importants qui ont notamment pour enjeu l'évolution institutionnelle de notre pays. J'y vois plutôt un ballon d'essai. En effet, selon notre rapporteur Patrice Gélard, le présent texte ne pourra être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avant la fin de la législature et il sera souhaitable de le soumettre, une fois adopté, pour consultation à l'Assemblée de Corse.
Cette conception de la politique n'est pas conforme à l'idée que je me fais de la démocratie : le Sénat propose un texte sans aucun débat préalable approfondi avec les Corses et leurs représentants élus.
La présente proposition de loi sous-entend de manière évidente une logique de bipolarisation, alors que le statut Joxe de 1991 avait substitué au droit commun un scrutin régional à la proportionnelle à deux tours, avec l'obligation pour les listes d'obtenir au moins 5 % au premier tour afin de pouvoir être présentes au second tour, en vue de permettre l'expression de toutes les sensibilités politiques. À l'époque, le Conseil constitutionnel avait validé ces mesures.
Ce dispositif spécifique à la Corse n'a pas été modifié par la loi de 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux.
En augmentant le seuil qui permettra le maintien au second tour de l'élection à l'Assemblée de Corse, en créant un seuil pour les fusions de listes au second tour et, enfin, en accroissant la prime majoritaire, vous battez en brèche le pluralisme.
Instituer un seuil de 7 % des suffrages exprimés pour le maintien au second tour, voire de 7,5 % comme le propose M. Alfonsi, restreindra la représentativité de l'Assemblée de Corse en favorisant la règle des négociations et des débauchages aujourd'hui en vigueur au détriment du débat politique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Bret, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Robert Bret. Je vous en prie, monsieur le président de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit à propos de l'absence de concertation. Si nos collègues parlementaires qui connaissent bien un sujet ne pouvaient plus déposer de proposition de loi, cela remettrait totalement en cause le droit d'initiative parlementaire.
Cette procédure n'empêche pas ensuite la concertation. Au reste, le rapporteur a procédé à un certain nombre d'auditions sur ce texte, ce qui permet quand même de se faire une idée.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Bret.
M. Robert Bret. Le droit d'initiative parlementaire est l'une des rares prérogatives du Parlement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne le remettez donc pas en cause !
M. Robert Bret. Mais un sujet aussi sensible que la Corse, sujet que vous connaissez bien, monsieur le président de la commission,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Robert Bret.... mérite une approche sinon plus prudente, du moins plus pointue et qui prenne en compte, au-delà des auditions du rapporteur, la réalité politique et sociale en Corse.
Selon l'auteur de la proposition de loi, c'est cette restriction démocratique qui permettrait de débloquer l'institution. Mais est-ce en raison du mode de scrutin actuel, monsieur Alfonsi, qu'il n'y a pas eu d'alternance en Corse, contrairement aux autres régions de France métropolitaine, ou bien est-ce en raison des jeux politiciens ?
Le référendum de 2003 portant sur la création d'une collectivité unique a démontré que, quand on donne la parole au peuple dans des conditions où il peut se forger sa propre opinion, il sait se faire entendre. La présente proposition de loi peut ressembler à une revanche sur le résultat de cette consultation. Si tel est le cas, il faut changer le peuple ! Mais, on le sait, la tâche est difficile.
Il reste donc le mode de scrutin, comme si la question était de nature électorale, alors que les difficultés de la Corse sont d'un tout autre ordre. Ce dont nous devrions discuter aujourd'hui, c'est de la réalité économique et sociale désastreuse de la Corse, des violences indépendantistes, sources de dérives affairistes et maffieuses qui créent les difficultés de la Corse.
Notre attitude, comme celle des élus communistes de la collectivité territoriale de Corse, est de proposer, à l'opposé de cette démarche, un mode de scrutin qui permette l'expression de toute la diversité. Nous sommes donc favorables à l'instauration d'un mode de scrutin proportionnel avec une assemblée composée de soixante et un membres, comme auparavant, et non de cinquante et un membres, comme aujourd'hui. Nous proposons également de porter le nombre de membres du conseil exécutif issu de l'Assemblée de Corse à neuf au lieu de huit actuellement.
Une telle réforme, importante, doit s'accompagner d'un effort de transparence, de participation citoyenne aux décisions à la gestion.
Mes chers collègues, cette problématique n'est pas spécifique à la Corse. La vie politique de notre pays, la crise des institutions, la dérive présidentialiste à laquelle nous assistons exigent une révision en profondeur du mode de représentation dans notre pays.
L'attente populaire est grande en Corse, comme dans l'ensemble du pays. La proposition de loi qui nous est soumise et les conclusions de la commission des lois vont dans le sens inverse, celui d'une limitation de l'exercice du pouvoir à quelques-uns. Nous ne pouvons donc approuver un texte qui s'éloigne plus encore de l'extension du fait démocratique auquel nous aspirons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette également qu'une telle proposition de loi, dont on connaît la sensibilité politique, soit examinée en fin de législature.
Pour accéder au deuxième tour de l'élection territoriale, une liste de candidats doit actuellement obtenir 5 % des suffrages exprimés au premier tour, alors que ce seuil est fixé à 10 % dans l'Hexagone. M. Alfonsi proposait de porter ledit seuil de 5 % à 7,5 % ; la commission a opté pour 7 %.
Pour fusionner entre le premier et le deuxième tour, aucun minimum n'est aujourd'hui exigé en Corse. Ainsi, une liste qui a obtenu 1 % des suffrages peut fusionner avec une liste qui a franchi le seuil de 5 %, alors que, dans l'Hexagone, le droit commun prévoit un seuil de 5 % pour pouvoir fusionner. La proposition de loi vise également à fixer pour la Corse le seuil de 5 % à l'issue du premier tour pour qu'une liste puisse fusionner avec une liste ayant franchi le seuil de 7 % des suffrages.
La liste arrivée en tête à l'issue du second tour bénéficie aujourd'hui, en Corse, d'une prime de trois élus, alors que, dans l'Hexagone, une prime de 25 % est attribuée à la liste arrivée en tête. Le présent texte tend à ce que la prime passe de trois à six élus en Corse en faveur de la liste arrivée en tête.
Il n'y a pas lieu de s'attarder sur les autres modifications proposées par M. Alfonsi. Je m'en tiendrai donc à celles que je viens de mentionner, car elles requièrent une analyse de fond.
Il s'agit tout d'abord de considérations d'ordre général propres au principe de l'exercice de la démocratie.
Je le rappelle, les Verts sont par principe favorables à la proportionnelle intégrale, qui, par définition, peut traduire au mieux les aspirations de tout corps électoral.
En effet, la proportionnelle intégrale offre, de fait, un cadre d'expression au maximum de courants d'idées qui traversent une société. Elle constitue également une véritable école de la responsabilité citoyenne, car elle met les acteurs en présence dans l'obligation d'élaborer des compromis afin de gérer la cité. C'est ainsi que peuvent se mettre en place de véritables dynamiques. In fine, un maximum d'électeurs se sentiront partie prenante en fonction de l'aptitude à construire ensemble.
Nous sommes nombreux à penser qu'il y a matière à expliquer en bonne partie la désaffection grandissante de l'électorat à l'égard des urnes par le fait que les partis politiques ayant le plus d'électeurs mènent aujourd'hui le jeu avant le premier tour, et même après. On ne tient en effet pas compte des aspirations de l'électorat des formations de moindre importance, qui semblent souvent n'avoir aucun poids : plus les seuils exigés sont élevés, plus nombreux sont les électeurs qui se sentent exclus du champ de la démocratie. En outre, une forte prime à la liste arrivée en tête aggrave considérablement cette situation.
Il s'agit ensuite de considérations propres à la situation particulière de la Corse, qui, il faut le dire, nécessite la reconnaissance politique de cette question et une solution politique.
La proposition de loi ne constitue pas une bonne réponse à la situation de l'île, d'autant que le seuil actuel de 5 % se situe déjà bien au-dessus du seuil de la proportionnelle intégrale. Cependant, le législateur de 1991 a considéré, à juste titre, qu'il fallait favoriser au mieux l'expression de la diversité politique dans une île où il apparaissait essentiel d'encourager la participation active d'un maximum de Corses au débat public en dérogeant au droit commun des régions en la matière.
Les Verts, quant à eux, sont attachés depuis toujours à la prise en considération de la spécificité de la Corse. Est-il nécessaire de rappeler que les autres îles. de l'Union européenne sont dotées de véritables compétences législatives, ce qui est loin d'être le cas de la Corse ?
Aussi comprenons-nous très mal que, tout en affirmant qu'il ne faut plus toucher aux institutions de l'île, M. Alfonsi veuille réduire très fortement les possibilités d'expression de la diversité politique de la Corse.
Pour notre part, nous considérons que l'efficacité politique commande de favoriser les meilleures conditions possibles d'écoute des aspirations locales dans leur diversité. Nous ne pensons pas que le fait de casser le thermomètre puisse supprimer la fièvre.
Nous avons confiance en la capacité des Corses à construire leur avenir en élaborant un véritable projet de société. Les Verts voteront donc contre les modifications proposées en ce qui concerne tant les seuils que l'augmentation de la prime majoritaire.
Pour conclure, je dirai simplement qu'il nous faut très vite avoir le courage de rouvrir le dialogue concernant l'évolution institutionnelle de la Corse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?....
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.