Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Avant le titre Ier du livre Ier, il est inséré un article L. 101-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 101-4. - La représentativité nationale des organisations syndicales de salariés est appréciée en retenant les résultats d'une élection de représentativité organisée tous les cinq ans au niveau des branches professionnelles. Cette élection à laquelle participe l'ensemble de la population active respecte les principes généraux du droit électoral. Ne peuvent se présenter à l'élection de représentativité que des organisations syndicales, constituées conformément aux articles L. 411-1 et suivants du présent code et respectant les valeurs républicaines.
« Un décret en Conseil d'État fixe des conditions à la présentation des organisations syndicales en fonction de leur nombre d'adhérents, les modalités d'organisation du scrutin, ainsi que les modalités de participation au scrutin de la population active non concernée par les articles L. 433-4 ou L. 423-7. » ;
2° Dans l'article L. 132-2, la référence : « L. 133-2 » est remplacée par la référence : « L. 101-4 ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il ne peut être question de « moderniser le dialogue social », dans l'optique de prévenir les conflits, sans revoir les conditions de représentativité des organisations syndicales de salariés en y associant l'ensemble de la population active.
Le dialogue social ne peut avoir d'autre vertu que d'instaurer la démocratie sociale.
Cela suppose que la représentativité de tous les acteurs concernés par le contrat social soit garantie par leur vote. Cela suppose également qu'une seule organisation, même représentative, ne puisse pas engager par son accord l'ensemble du corps des votants si elle est minoritaire.
En démocratie, la légitimité d'un syndicat doit reposer sur l'élection, et non sur des critères obsolètes. Dans son avis intitulé « Consolider le dialogue social », le Conseil économique et social allait d'ailleurs dans ce sens, mais le gouvernement précédent - il y a une rupture - n'a pas souhaité engager cette réforme lors de la discussion de la loi de modernisation du dialogue social.
Cet amendement soutient la proposition principale de l'avis du Conseil économique et social, laquelle vise à modifier le mode de représentation des syndicats.
L'arrêté ministériel du 31 mars 1966 fige en effet les critères de représentativité. Celle-ci est actuellement réservée à cinq syndicats historiques, ce qui empêche l'émergence d'autres organisations, comme le syndicat SUD, Solidaires-Unitaires-Démocratiques, l'UNSA, l'Union nationale des syndicats autonomes, ou la FSU, la Fédération syndicale unitaire.
Ce blocage institutionnel rend également plus difficile la représentation dans l'espace public des travailleurs pauvres, des précaires et des chômeurs, qui dérogent aux anciens schémas du salariat des Trente Glorieuses.
Espérons donc que cette réforme, si elle est adoptée, permettra de combler les angles morts de la représentation syndicale.
Permettre aux demandeurs d'emploi de prendre part à l'élection des organisations syndicales favoriserait en outre une action réconciliant la défense des salariés en place et celle des demandeurs d'emploi.
Enfin, n'oublions pas que la représentativité des syndicats d'employeurs demeure très imparfaite : la voix du MEDEF en particulier ne doit plus écraser celle des petites et grandes entreprises de l'économie solidaire, qui défendent d'autres valeurs que le profit à tout prix.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Monsieur Desessard, vous ne serez pas surpris par l'avis défavorable de la commission, puisque nous avons eu ce même débat voilà six mois lors de la discussion du projet loi de modernisation du dialogue social dont j'étais rapporteur. Vous vous souviendrez que l'avis alors exprimé par la commission sur cette proposition était défavorable non pas sur le fond mais sur la méthode et sur le texte.
Tout le monde s'accorde à reconnaître que les critères de définition de la représentativité syndicale sont obsolètes et doivent être revus, mais encore faut-il se mettre d'accord sur les nouveaux critères. Le Conseil économique et social a remis un rapport, mais, nous, nous n'avons pas encore discuté et les syndicats doivent eux aussi négocier. Je puis en effet vous dire que, lors de la préparation de la loi de modernisation sociale, j'ai reçu tous leurs représentants - en groupe et individuellement cette fois-là -, et qu'il n'y avait pas, à cette époque en tout cas, de consensus général.
J'ajoute que, conformément à la demande que j'avais formulée pour que soit vérifiée l'efficacité de la nouvelle loi, M. Larcher, qui était alors ministre, avait immédiatement ouvert le dialogue sur la représentativité syndicale avec les représentants syndicaux pour engager la réflexion. Dans le prolongement de cette réflexion et puisque cela figurait dans le programme du candidat Nicolas Sarkozy, je présume que les critères de représentativité feront l'objet d'un projet de loi dont nous débattrons ensemble peut-être dans l'année, en tout cas très bientôt, mais l'amendement n'a pas grand-chose à voir avec le texte que nous examinons actuellement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Les propos de M. Desessard m'étonnent !
Monsieur Desessard, vous faites confiance aux organisations syndicales...
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Eh bien ! Faites-leur confiance jusqu'au bout : elles ont justement décidé de s'emparer de la question de la représentativité, dont elles vont discuter jusqu'à la fin de l'année.
Je ne pensais pas - et c'est pourquoi je m'étonne - que vous aviez un caractère dirigiste !
Vous ne pouvez pas empiéter sur le champ de la négociation sociale : il faut lui laisser le temps de se dérouler et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, si vous faisiez confiance aux syndicats, vous n'auriez pas présenté ce projet de loi auquel, d'après les déclarations que j'ai pu entendre, ils sont opposés. Voulez-vous que je répète ?... Ils le trouvent démagogique, inefficace,...
M. Charles Gautier. Très bien !
M. Jean Desessard. ...vaniteux, hypocrite... (Sourires.) Bon, peut-être ne vont-ils pas jusque-là, mais je suis sûr qu'ils seraient d'accord avec ces conclusions !
Monsieur le ministre, madame le rapporteur, si vous faisiez confiance aux syndicats, vous devriez reconnaître que vous vous êtes trompés et tout arrêter ! Admettez que vous êtes novices et que vous ne maîtrisez pas aujourd'hui toutes les conséquences de la « rupture ». Alors, reprenons le travail demain, quand vous serez en mesure de présenter de vrais services de qualité, y compris pour le transport maritime vers l'île de Ré, l'Île-d'Yeu ou Belle-Île, où, entre nous soit dit, il n'y a jamais de grève, mais - comme c'est bizarre ! - dont on parle aujourd'hui...
M. André Dulait. Pour l'île de Ré, il y a un pont ! (Rires.)
M. Jean Desessard. S'agissant par ailleurs de la modernisation sociale, sachez, mes chers collègues, que si aujourd'hui ne pouvaient se présenter aux élections que les partis qui existaient en 1946 il n'y aurait que nos amis communistes et nos amis radicaux ! Le centre n'existerait pas, le Nouveau Centre encore moins, le MoDem pas du tout, l'UMP non plus...
M. Alain Gournac. Mais les gaullistes, si !
M. Jean Desessard. Quant au parti socialiste, c'était la SFIO...
M. Dominique Braye. Les « écolos », n'en parlons même pas !
M. Jean Desessard. Les Verts, évidemment, sont arrivés bien après.
Rendez-vous compte, il n'y aurait que quarante personnes dans cet hémicycle ! Ce n'est donc pas douter de la légitimité des syndicats que de dire qu'il est nécessaire d'actualiser la représentation des salariés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 56, présenté par M. Desessard et Mme Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l'article L. 432-6 du code du travail est ainsi rédigée :
« Dans les sociétés, deux membres du comité d'entreprise, délégués par le comité, assistent avec voix délibérative à toutes les séances du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, selon le cas. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Pour aboutir à un meilleur dialogue social et prévenir les conflits, ce qui est normalement l'objet, en tout cas l'objet affiché, de ce projet de loi, il est temps que les salariés soient représentés en tant que tels, avec voix délibérative, au sein des conseils d'administration des entreprises, et non en tant qu'actionnaires ou simplement avec une voix consultative, car les salariés sont les premiers concernés par les choix de gestion de l'entreprise et donc les plus légitimes pour y participer.
Je suis cependant prêt à faire une concession : un but intermédiaire éventuel pourrait être d'arriver à une cogestion, un conseil d'administration paritaire entre les représentants des actionnaires et ceux des salariés, s'inspirant, puisque nous avons fait le tour de l'Europe, des réussites de la Mitbestimmung allemande.
Parallèlement à la réforme du conseil d'administration, c'est toute la gouvernance des entreprises qu'il convient de démocratiser.
D'une part, il faut que les comités d'entreprise soient dotés de vrais pouvoirs, tels que le droit de veto sur les décisions stratégiques, par exemple les restructurations ou la nomination du P-DG.
D'autre part, il faut adapter les structures de décision actuelles aux évolutions économiques pour leur conserver une pertinence. Face aux tendances à la sous-traitance et à l'activité multinationale des entreprises, il convient d'élargir les comités d'entreprise aux sous-traitants des entreprises donneuses d'ordre et de multiplier les comités d'entreprise européens ou mondiaux.
De plus, pour éviter le « corporatisme autogestionnaire », les comités d'entreprise doivent incorporer en leur sein toutes les « parties prenantes » concernées par l'activité de l'entreprise : les consommateurs, les collectivités locales, les associations de défense de l'environnement.
C'est ce défi que je vous propose de relever avec cet amendement.
M. Alain Gournac. C'est la révolution !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Avant de donner l'avis de la commission, je relève que M. Desessard vient de rendre hommage à Mme Debré puisqu'il cite son amendement au projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié qui visait à permettre la présence des représentants de salariés dans les conseils d'administration,...
Mme Isabelle Debré. Merci, mon cher collègue !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. ...mesure que M. Desessard voudrait étendre. « Mais ceci est une autre histoire », comme dirait Kipling, et, là encore, il faudra attendre une autre loi !
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à l'heure, monsieur Desessard, vous avez affiché une conception quelque peu expansionniste des rapports avec les syndicats puis rêvé de redessiner le paysage politique français. C'est maintenant une conception extensive des transports terrestres que vous défendez puisque votre amendement est, tout simplement, un « cavalier ».
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Pas de questions équestres ce soir ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE III
ORGANISATION DE LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC EN CAS DE GRÈVE OU AUTRE PERTURBATION PRÉVISIBLE DU TRAFIC
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans l'intitulé de ce titre, supprimer les mots :
grève ou autre
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Les auditions ont fait ressortir que les désagréments occasionnés par les perturbations étaient importants, qu'il s'agisse ou non de grèves, raison pour laquelle la commission suggère cette version un peu plus extensive de l'intitulé du titre III.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Une fois n'est pas coutume, le Gouvernement demande à Mme le rapporteur le retrait de son amendement ou sa rectification, ce qui, sans entrer dans un débat sémantique, reviendrait au même.
Madame le rapporteur, les termes « en cas de grève ou autre perturbation » permettent en fait à la rédaction gouvernementale de couvrir exactement le champ que vous visez. Je conçois que l'insistance mise sur le mot « grève » ait alimenté nombre de débats, mais elle signifie seulement qu'en cas de grève nous entrons dans une autre logique, notamment au regard de la mobilisation des personnels non grévistes. S'il était adopté, votre amendement affaiblirait en outre la portée de la déclaration individuelle qui permet de savoir si un agent va ou non faire grève.
Mais j'ai bien compris le message et, je le répète, le texte ne vise pas les seuls cas de grève. Vous allez d'ailleurs présenter d'autres amendements précisant les situations qui, en dehors des cas de grève, créent des perturbations et nous avons bien à l'esprit de couvrir le maximum de situations prévisibles.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. M. le ministre me laissant le choix entre un retrait ou une rectification, je suggère, à titre personnel puisque je ne vais pas demander une suspension de séance pour réunir la commission,...
M. Guy Fischer. Mais si !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. ...de rédiger comme suit l'intitulé : « Organisation de la continuité du service public en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève ». Cette rédaction répond aux préoccupations du ministre tout en visant un champ étendu. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédigez comme suit l'intitulé de ce titre :
Organisation de la continuité du service public en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève
Quel est maintenant l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'intitulé du titre III est ainsi rédigé.
Article 4
I. - Après consultation des représentants des usagers, l'autorité organisatrice de transport définit les dessertes qui doivent être prioritairement assurées pour permettre, notamment, les déplacements quotidiens de la population en cas de grève ou d'autre perturbation prévisible du trafic.
Au sein des priorités de desserte ainsi définies, l'autorité organisatrice de transport détermine celles qui correspondent à un besoin essentiel de la population. L'autorité organisatrice arrête les conditions dans lesquelles une desserte doit être assurée, notamment les fréquences et les plages horaires auxquelles elle doit l'être pour qu'il ne soit pas porté, en cas de grève des salariés des entreprises de transport, une atteinte disproportionnée :
1° À la liberté d'aller et venir ;
2° À l'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement ;
3° À la liberté du travail ;
4° À la liberté du commerce et de l'industrie.
Les priorités de desserte sont rendues publiques.
II. - L'entreprise de transport élabore un plan de transport adapté aux priorités de desserte définies au I et un plan d'information des usagers. Après consultation des institutions représentatives du personnel, elle soumet ces plans à l'approbation de l'autorité organisatrice de transport.
Le plan de transport adapté indique les niveaux de service à assurer. Pour chaque niveau, sont précisés notamment les horaires et les fréquences de celui-ci.
Le plan de transport adapté est approuvé par l'autorité organisatrice de transport.
III. - Les conventions d'exploitation conclues par les autorités organisatrices de transport et les entreprises de transport après l'entrée en vigueur de la présente loi comportent le plan de transport adapté et le plan d'information des usagers.
Les conventions d'exploitation en cours sont modifiées avant le 1er janvier 2008 pour intégrer le plan de transport adapté et le plan d'information des usagers.
IV. - En cas de carence de l'autorité organisatrice de transport, et après une mise en demeure, le représentant de l'État peut arrêter les priorités de desserte dans le respect des conditions prévues au I du présent article.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. Cet article vise à confier aux autorités organisatrices de transport la mission de définir les priorités de desserte qui donneront lieu à l'élaboration, par les entreprises, de plans de transport et de plans d'information des usagers.
La définition de ces priorités doit, selon la lettre même du projet de loi, concilier plusieurs principes constitutionnels. Sont cités expressément le droit d'aller et de venir, l'accès aux services publics, la liberté du travail, la liberté du commerce et de l'industrie. J'y ajoute le droit de grève.
En effet, comment ne pas rappeler que M. Mandelkern, dans son rapport rédigé en 2004, considère que la conciliation de ces principes de valeur constitutionnelle « ne peut aboutir à une quasi-négation de l'un d'eux », en l'occurrence celui de faire grève, droit reconnu à chaque salarié ?
Ainsi, le droit de grève doit s'exercer dans le cadre des lois qui le réglementent sans nier les autres principes constitutionnels. Il en est de même de la liberté d'aller et de venir comme de la liberté du commerce et de l'industrie, pour ne citer que deux de ces principes qui doivent s'exercer en tenant compte notamment du droit que possède chaque salarié de faire grève.
Une grève ne saurait exister sans qu'aucune gêne ne soit causée aux usagers sauf à fournir un service normal et, dans ce cas, il s'agirait de la simple négation d'un droit fondamental que le juge constitutionnel ne manquerait pas de sanctionner.
Durant la campagne de l'élection présidentielle, le candidat Sarkozy avait évoqué l'idée d'un service normal aux heures de pointe. Au-delà de son caractère démagogique, cette proposition est évidemment incompatible avec l'esprit et la lettre de la Constitution. Elle a, heureusement, été écartée de la rédaction finale du projet.
Néanmoins, nous resterons très vigilants face à toute tentative de mettre en oeuvre des dispositions dont les conséquences seraient la négation du droit de grève.
En plus de la question de savoir si les limites au droit de grève, telles qu'elles figurent dans ce texte, ne sont pas disproportionnées avec l'intérêt public qui est censé les justifier, le projet de loi aura des incidences majeures sur les autorités organisatrices de transport, c'est-à-dire, bien souvent, sur les collectivités territoriales ou leurs établissements de coopération, qui devront définir non seulement les priorités de desserte, mais aussi les besoins essentiels de la population en matière de transport. J'aurais tendance à dire : vaste programme !
En effet, si chaque responsable d'autorité organisatrice est assurément très conscient de l'intérêt général et de la nécessité d'offrir un service essentiel aux habitants, il n'en reste pas moins que la définition des besoins essentiels est une tâche très difficile.
Quels arbitrages opérer entre des priorités qui, toutes, sont légitimes ?
Par exemple, quels établissements scolaires conviendra-t-il de desservir en priorité les jours de grève ? La concertation avec les parents d'élèves aboutira-t-elle à ce que les enfants scolarisés dans le collège A soient déclarés « plus prioritaires » que ceux du collège B ?
Quel service public devra-t-il être desservi en priorité : les écoles, l'hôpital, la Poste, la bibliothèque ?
En résumé, quelle sera la hiérarchie des priorités et quel sera le fondement objectif du choix effectué ?
Au-delà, et dans l'hypothèse de la définition de priorités telles que prévues par le texte, quelle attitude adopter quand un usager demandera des comptes, estimant que les priorités décidées par l'autorité organisatrice ne sont pas les bonnes ?
Sûr en quelque sorte de son droit - j'oserais presque dire de son nouveau « droit opposable au transport » -, l'usager pourra-t-il demander au juge de se prononcer sur les priorités fixées par les autorités organisatrices de transport et, si tel est le cas, sur quels critères celui-ci pourra-t-il fonder sa décision ?
Ainsi, le dispositif prévu porte en lui-même ses propres limites : sa mise en oeuvre paraît extrêmement complexe et, une fois effective, son application sera susceptible de créer un nouveau « foyer » de contentieux. Quelles seront, notamment, les conséquences financières de la mise en oeuvre de ces dispositions si l'autorité organisatrice voit sa responsabilité mise en cause ?
Les propositions du Gouvernement et de la commission spéciale ne peuvent donc recueillir l'adhésion du groupe socialiste. C'est la raison pour laquelle nous proposerons un certain nombre d'amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. L'article 4 vise à imposer aux autorités organisatrices de transports la définition de dessertes prioritaires répondant à un besoin essentiel de la population. Or, ainsi que vient de le dire mon collègue Michel Teston, comment définir ces besoins essentiels ?
Est-ce en se focalisant, par exemple, sur les heures de pointe pour permettre à nos concitoyens d'aller travailler et de rentrer chez eux le soir, comme cela a souvent été suggéré ?
Dans une région comme l'Île-de-France, où les contrats à temps partiel sont multiples, où la SNCF reconnaît elle-même que les heures de pointe ont tendance à s'étaler de plus en plus tôt l'après-midi et jusque tard le soir, on ne voit pas comment ces autorités vont pouvoir définir clairement leurs priorités.
Cet article met également en avant la nécessité de garantir la liberté d'aller et venir et la liberté du travail. Très bien ! Mais pourquoi vouloir respecter ces libertés les seuls jours de grève ?
Dans ma circonscription, la Seine-et-Marne, j'ai le triste honneur de disposer d'une partie de la seule ligne ferroviaire d'intérêt national qui ne soit pas encore électrifiée en 2007, la fameuse ligne « Paris-Bâle », ou, pour les Franciliens, la ligne « Paris-Provins » !
Sur cette ligne, les usagers rêvent d'une véritable liberté d'aller et venir, de se rendre à leur travail, et pas seulement les jours de grève, mais toute l'année. En effet, sur cette ligne, en faveur de laquelle l'État et la SNCF n'ont effectué aucun investissement pendant plus de trente ans, on ne compte plus les « prises d'otages » d'usagers. Les annulations pures et simples de trains et les retards réguliers sont tels que les employeurs exercent désormais une discrimination à l'embauche pour les salariés résidant dans les communes desservies par cette ligne.
À titre d'exemple, je ne résiste pas à l'envie de vous lire deux courriels que j'ai reçus ce matin émanant de deux responsables d'associations d'usagers. Des courriels comme ceux-là, j'en reçois tous les jours ! Ils sont adressés à M. Maurice Testu, directeur du transilien Paris-Est, qui a une bien lourde tâche.
Le premier de ces messages est ainsi rédigé :
« Bonjour,
« Ce matin, le train au départ de Mormant à 7 h 20 - arrivée Paris 8 h 00 - a été annoncé avec un quart d'heure de retard.
« De plus, il n'était composé que de 4 voitures - à la place de huit ; j'ajoute, monsieur le ministre, qu'il ne s'agit pas de voitures à double étage.
« Ce qui fait qu'à Verneuil-L'Étang les usagers étaient encore une fois debout pour 40 mn de transport !!!
« Difficile début de matinée, vous ne trouvez pas ??? »
Ce message a été envoyé à neuf heures vingt-six.
À neuf heures vingt-neuf, je recevais la copie de ce second courriel adressé, cette fois encore, à M. Testu par une autre responsable d'association d'usagers :
« Monsieur Testu,
« Effectivement, au départ de Provins, le 6 h 36 était composé de quatre voitures... À noter que ce train est parti à 6 h 39. J'en ai demandé la raison au contrôleur. Le mécanicien a refusé de partir à 6 h 36, car il n'était pas au courant de la modification de cet horaire. Il faudrait vraiment qu'une note de service soit faite dans ce sens, ce qui nous permettrait à l'arrivée à Longueville de prendre le 6 h 54 dans les meilleures conditions possibles et de ne pas courir... » (Exclamations sur les travées de l'UMP.)[...]
« J'ai bien apprécié les explications du contrôleur qui nous a même indiqué qu'un retard était annoncé dans la mesure où il y avait un problème de passage à niveau à Mormant », etc.
M. Christian Cambon. Sur quel quai ?
M. Michel Billout. Mes chers collègues, si vous le souhaitez, je peux vous inscrire sur la liste de distribution de ces courriels afin que vous puissiez vous rendre compte de ce que vivent les usagers au quotidien, et ce bien au-delà des journées de grève !
La continuité du service public que vous appelez de vos voeux, en opposant les grévistes des entreprises de transports et les autres salariés, n'est pas de nature à résoudre ces problèmes quotidiens qui perdurent dans l'ensemble de nos régions ; je ne parle pas uniquement de l'Île-de-France.
Ainsi, est-ce la faute aux grévistes si, en Normandie, seule une moitié du parc matériel était disponible au début de l'année pour assurer le trafic des trains régionaux ? Cette pénurie de matériel a provoqué des suppressions, des suroccupations et des retards sans que des mesures soient prises par l'entreprise publique tant pour assurer les liaisons régionales que pour pallier les dysfonctionnements des relations ferroviaires vers la capitale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Cela s'améliore !
M. Michel Billout. Est-ce la faute à un quelconque mouvement social si, sur les axes de Basse-Normandie, la situation est de même nature avec dix-sept trains TER supprimés début juillet, auxquels on peut ajouter les problèmes de suroccupation des trains Corail intercités ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
En région PACA, depuis le début 2007, seuls cinq cents TER sur cinq cent quarante normalement prévus chaque jour circulent effectivement. La raison principale en est l'insuffisance des personnels agents de conduite.
Sur la ligne des Alpes, les trains accusent un retard moyen de vingt-cinq à quarante-cinq minutes à la suite d'un manque de personnels et à une insuffisance d'entretien des voies.
M. Christian Cambon. Que fait le président socialiste de région ! (MM. Gérard Cornu et Dominique Braye renchérissent.)
M. Guy Fischer. Voyez plutôt Mme Idrac !
M. Michel Billout. Une situation que l'on retrouve en région Aquitaine.
M. Christian Cambon. Pas en Alsace !
M. Michel Billout. Lors du comité d'entreprise du 26 juin 2007, la direction de la SNCF annonçait l'allégement (M. Dominique Braye s'exclame.)... Ecoutez ! C'est cela le quotidien des usagers ! Respectez-les ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
...la direction de la SNCF, disais-je, annonçait l'allégement des circulations TER par rapport à ce qui est prévu normalement, cette décision étant motivée par une pénurie d'agents de conduite.
Dans la région de Chambéry, à la suite d'une insuffisance d'entretien, la direction reconnaît que le dérangement des installations, notamment électriques, constitue le point noir des causes de retard des trains. Ainsi, au premier trimestre 2007, soixante-quatre trains ont été supprimés à la suite de défaillances du matériel roulant.
M. Dominique Braye. Cela n'a rien à voir avec le service minimum !
M. Michel Billout. En région Midi-Pyrénées - ainsi, il n'y aura pas de jaloux ! - les causes des suppressions des TER avancées par la direction de la SNCF sont, par ordre décroissant, les suivantes : défaut de matériel roulant, avaries de matériel, absence d'agents de conduite, absence de contrôleurs.
M. Dominique Braye. Ce sont des régions socialistes ! Que font les présidents de région ?
M. Michel Billout. Rien d'étonnant lorsqu'on sait que plus de 1 000 emplois de cheminots ont été supprimés en cinq ans, monsieur Braye !
J'ajoute que, selon le « tableau de bord TER » fourni par la direction de la SNCF au comité d'entreprise pour l'année 2006 (Exclamations sur les travées de l'UMP.), avec 5 672 journées pour un effectif de 4 735 agents, la moyenne de journées de grève par agent et par an est de 1,19 !
M. Dominique Braye. Que des régions socialistes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cessez de critiquer vos camarades ! L'union de la gauche est bien loin !
M. Michel Billout. Si la continuité du service public est mise à mal sur bon nombre de lignes régionales, c'est donc plus le fait d'un manque d'investissement en matériel et en personnels qu'en raison des conséquences de conflits pouvant découler de cette situation dégradée.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Michel Billout. Je vous remercie de votre attention, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Où est l'union de la gauche ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, sur l'article.
M. Michel Mercier. Je souhaite simplement poser une question à Mme le rapporteur et à M. le ministre.
Je comprends fort bien la teneur de l'article 4. Cela étant dit, comme un certain nombre de mes collègues sur ces travées, en tant que responsable d'une autorité de transport, je m'interroge sur la mise en oeuvre de cet article.
Définir les besoins essentiels, c'est une chose. Et si je me réfère à la façon dont est rédigé le I de cet article, l'on voit bien qu'il y a concours et opposition entre des libertés publiques fondamentales. Or, quelles que soient celles-ci, elles font toutes partie de notre arsenal juridique, de notre droit public républicain, et ce en dépit des différentes acceptions qui les caractérisent les unes et les autres.
D'ailleurs, peu des libertés mentionnées ici constituent des droits généraux et absolus, la plupart de ces derniers encourant, de par la jurisprudence du Conseil d'État, notamment, des limitations imposées par la loi.
Nous discutons ici d'un projet de loi tendant à organiser l'exercice de ces droits, qu'il s'agisse du droit de grève ou de l'ensemble des autres libertés.
Bien entendu, nous vivons dans une République...
M. Jean Desessard. Tiens donc !
M. Michel Mercier. ... unitaire. Cela veut donc dire que chacun d'entre nous a les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Or, si l'on veut éviter de tomber dans toute une série de contentieux, je m'interroge sur le point suivant : comment le Gouvernement, qui est chargé, de façon générale, du respect des lois dans le pays, va-t-il faire pour que l'appréciation des droits et des devoirs soit la même pour chacun, de façon que la conception propre à telle ou telle autorité organisatrice ne soit pas différente d'un point à un autre du territoire ?
J'ajoute que, dans de nombreux cas, plusieurs autorités organisatrices doivent concourir pour faire fonctionner l'ensemble du système de transport en commun. En effet, tel département, tel territoire peut disposer à la fois d'un réseau d'autocars, d'un réseau ferroviaire, d'un réseau de transports en commun avec des autorités différentes, même si ce sont parfois les mêmes qui les font fonctionner.
Comment va-t-on s'assurer qu'une même définition s'appliquera aux besoins essentiels, que l'équilibre ou la proportionnalité seront respectés dans l'exercice de ces différentes libertés publiques entre des autorités organisatrices de transport qui devront se mettre d'accord pour assurer la continuité de la chaîne de transport public ?
Je souhaiterais savoir si le Gouvernement entend établir une sorte de guide pour aider les milliers d'autorités organisatrices qui vont devoir mettre en oeuvre l'exercice de droits fondamentaux qui, tous, peuvent effectivement être limités par la loi : la Constitution le précise et la jurisprudence tant du Conseil constitutionnel que du Conseil d'État le confirme.
Il est clair que l'on va se trouver face à un certain nombre de décisions infralégislatives, infraréglementaires, voire, parfois, de nature juridique un peu « olé olé », et qu'il va bien falloir essayer de s'en dépêtrer si l'on ne veut pas ouvrir un contentieux général.
Ma question est donc simple : le Gouvernement entend-il, par voie de circulaire, par exemple, édicter une sorte de doctrine qui pourrait servir de référence, sans que cela comporte aucune obligation que ce soit ? Dans le cas contraire, ne va-t-on pas au-devant de grandes difficultés quant à la définition de l'ensemble des besoins essentiels ?
Par ailleurs, comment va-t-on pouvoir, eu égard aux droits fondamentaux qui sont mentionnés dans l'article 4, faire en sorte que ces besoins essentiels soient satisfaits, tout en garantissant le respect des libertés publiques ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Madame la présidente, je n'ai pas rêvé : j'ai bien entendu tous les sénateurs de droite vociférer parce que notre collègue du groupe CRC s'exprimait !
M. François Trucy. Pourquoi intervenez-vous, monsieur Desessard ?
M. Dominique Braye. Il n'était pas prévu que vous preniez la parole !
Mme la présidente. M. Desessard intervient sur l'article, mes chers collègues !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il faut suivre !
M. Jean Desessard. Nous sommes en démocratie ! Jusqu'à présent... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Robert Bret. Que faites-vous des droits de l'opposition ?
M. Guy Fischer. Voilà bien le sarkozysme qui est en marche !
M. Jean Desessard. Je disais donc que vous aviez tous crié, mes chers collègues de la majorité, et je ne comprends pas pourquoi.
M. Billout ne vous a pourtant pas accusés d'être les agents politiques du grand capital ou de vouloir casser les syndicats pour installer la précarité et supprimer les protections des salariés ! Il n'a pas prétendu non plus que vous défendiez les plus riches. S'il avait tenu de tels propos, vous auriez pu protester et je l'aurais compris... mais vous restez passifs même lorsque je le dis ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Non, M. Billout a simplement évoqué les dysfonctionnements de la SNCF, et vous avez tous protesté, comme si ce n'était pas la vérité.
Mes chers collègues de l'opposition, ne me faites pas croire que vous prenez les transports en commun uniquement lorsqu'ils sont en grève, pour être bloqués et pouvoir en parler ensuite, ce qui serait tout de même grave et provocateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Ils sont masochistes !
M. Jean Desessard. Les transports en commun fonctionnent mal, nous l'avons assez répété. Il faut améliorer les services publics, mais les grèves n'expliquent qu'une toute petite partie des dysfonctionnements constatés. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Dominique Braye. Une toute petite partie de trop !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Chers collègues de la majorité, vous ne lui demandez pas pourquoi il intervient ?
M. Jean Desessard. En effet, pourquoi intervenez-vous, monsieur Nogrix ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Nogrix a la parole !
M. Philippe Nogrix. J'assiste ce soir à des débats qui ne sont aucunement liés au texte. J'ai l'impression qu'on oppose le capitalisme au syndicalisme. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. C'est vrai !
M. Charles Gautier. Vous avez tout compris !
M. Philippe Nogrix. Mes chers collègues de l'opposition, vous vivez dans un autre monde ! Je vous le rappelle, nous sommes ici au Sénat, pour y discuter sérieusement des textes qui nous sont proposés, et non pour faire des interprétations ou de grands effets oratoires !
La question n'est pas de savoir si nous défendons ou non le droit de grève au travers de cet article, qui traite d'ailleurs d'un tout autre sujet, à savoir l'information de l'usager et la mise à sa disposition d'un plan de transports en cas d'urgence.
Personne n'interdit aux syndicats de faire usage du droit de grève ! Mes chers collègues, ne nous resservez pas les mêmes arguments pour chaque article du projet de loi, car nous les connaissons ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Par ailleurs, mettez-vous un peu à la place des gens que vous représentez ici.
Mme Catherine Tasca. C'est justement ce que nous faisons !
M. Philippe Nogrix. Vous ne représentez pas les syndicats, que je sache, ni nous le patronat ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Si !
M. Philippe Nogrix. Nous nous efforçons d'organiser la société française ...
M. Robert Bret. À la demande du MEDEF !
M. Guy Fischer. Vous appliquez le livre blanc de Mme Parisot !
M. Philippe Nogrix. ... pour que les citoyens connaissent leurs droits et leurs devoirs.
Chaque usager a le droit de savoir ce que le service public lui offre en cas de grève, quand celle-ci se produit, ce qui est normal, d'ailleurs.
Ne nous reprochez donc pas en permanence de nous élever contre le droit de grève, car nous y sommes favorables et nous le reconnaissons ! Nous demandons simplement que l'usager n'en soit pas prisonnier, qu'il sache exactement ce à quoi il a droit, ou non, et pourquoi.
Pour cela, il faut que les autorités organisatrices de transports, avec lesquelles les collectivités territoriales ont contracté, s'organisent pour informer les usagers des services auxquels ils ont droit, ou sur lesquels ils ne pourront pas compter en raison de tel ou tel mouvement social.
Mes chers collègues, ne vous excitez pas tant ! Efforcez-vous de rester aussi calmes que nous le sommes d'ordinaire dans cet hémicycle, quand nous examinons un texte pour identifier ses aspects positifs ou négatifs. N'essayez pas de dresser une moitié de l'hémicycle contre l'autre moitié, ...
M. Jean Desessard. Si encore c'était moitié-moitié ! C'est plutôt un tiers-deux tiers !
M. Philippe Nogrix. ... car ce n'est pas de la bonne gouvernance !
En ce qui concerne cet article 4, il est nécessaire, me semble-t-il, que nous aidions les autorités organisatrices de transport à mettre en oeuvre ces dispositions.
En effet, les sociétés qui leur proposent des prestations de service devront remplir un cahier des charges qui permettra, lorsque des conflits surgiront, de définir un service minimum, mais qui ne portera pas sur le droit de grève, parce que les transporteurs n'ont pas à en débattre - c'est à nous de le faire ! - et qu'il est reconnu par la loi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Mercier, vous m'avez interpellé directement, et j'ai à coeur de vous répondre.
Ce texte constitue bien une loi-cadre, qui fixe des principes. Comme je l'ai expliqué hier à la tribune, nous avons souhaité être le plus précis possible, s'agissant notamment de principes qui ont une valeur constitutionnelle ou qui constituent des principes généraux du droit, et que nous avons tenu à inscrire dans ce texte.
D'ailleurs, nous avons tout à l'heure donné un avis favorable à un amendement présenté par M. Portelli et défendu brillamment par M. Cambon, qui avait pour objet de mentionner ces principes dès l'article 1er du présent projet de loi, ce qui atteste de leur importance.
Cela dit, ce texte s'inscrit également dans un cadre décentralisé.
Mme Nicole Bricq. On en doute !
M. Xavier Bertrand, ministre. D'ailleurs, l'offre de service qui est proposée aujourd'hui diffère d'une région à l'autre. Pour ma part, je suis un élu de la Picardie, une région qui ne dispose pas de la même offre de service que l'Île-de-France, et qui ne mène pas non plus la même politique.
En vous écoutant tout à l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, j'avais le sentiment que vous remettiez en cause les dispositifs qui existent déjà, alors que ce sont des autorités organisatrices comme l'Île-de-France ou la région Rhône-Alpes qui, les premières, ont signé des contrats particuliers et mis en place des plans de transport adaptés.
M. Guy Fischer. C'est vrai.
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce que vous ne souhaitez pas voir instituer à l'avenir existe déjà dans certaines régions qui, de surcroît, sont gérées par vos amis !
D'ailleurs, mon intention n'est pas de montrer qui que ce soit du doigt, car je trouve excellent que quatre régions aient déjà mis en place des plans de transport adaptés globaux.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous voulons veiller à ce que le plan de transport adapté ne soit pas élaboré en cachette. C'est pourquoi la procédure sera transparente et se fera en concertation avec les représentants des usagers, par exemple dans le cadre du conseil économique et social régional.
Le plan de transport adapté tiendra compte des priorités de desserte et des besoins quotidiens de la population. Je vous le dis franchement, mesdames, messieurs les sénateurs : ce ne sera pas un plan a minima.
Monsieur Mercier, la situation des transports ne sera certainement pas moins bonne demain qu'aujourd'hui ! En revanche, il faut bien concevoir qu'elle est aujourd'hui différente d'une région à l'autre, et même d'un département à l'autre. C'est la logique de la décentralisation, dont la loi-cadre sur le service minimum ne remet pas en cause les principes.
Vous le savez, si le principe d'égalité venait un jour à être rompu, le juge pourrait intervenir. Toutefois, nous n'en sommes pas là, et j'ai le sentiment que le sur-mesure que nous proposons répond aux souhaits des entreprises comme des usagers.
Pardonnez-moi d'évoquer ma propre expérience, mais dans ma commune de Saint-Quentin - vous pourrez en témoigner, monsieur Pierre André - les priorités de desserte qui devront être définies ne se limiteront pas au matin et au soir, comme en région parisienne. Il sera important aussi que les usagers puissent rentrer chez eux le midi, notamment les enfants qui se rendent au collège, si la grève n'a pas lieu un mercredi, et qui doivent regagner leur domicile pour déjeuner.
Je le répète, nos priorités de desserte ne seront pas les mêmes qu'en Île-de-France. Ce texte tient compte de la diversité des situations, mais il n'empêche nullement que l'équité soit garantie sur l'ensemble du territoire, j'en suis convaincu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 40 est présenté par MM. Krattinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés et Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Mme Demontès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Printz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés et Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, MM. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Ries et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Reiner et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 69 est présenté par M. Billout et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Krattinger, pour présenter l'amendement n° 40.
M. Yves Krattinger. Nous demandons la suppression de cet article, qui vise en réalité à encadrer la faculté des autorités organisatrices de transport de définir les priorités de desserte accomplies dans le cadre d'un service minimum, en cas de grève ou de perturbations prévisibles du trafic - mais peut-être leur reprochera-t-on demain de ne pas le faire quand les perturbations sont imprévisibles !
Vous le voyez, monsieur le ministre, ces distinctions sont purement sémantiques et, en même temps, très peu lisibles pour nos concitoyens.
Ce faisant, cet article organise l'irresponsabilité de l'État dans la mise en oeuvre du service minimum et rend les élus locaux comptables des graves limitations qui seront apportées au droit de grève, alors qu'ils n'y seront pour rien ; on peut même imaginer que certaines de ces limitations portent atteinte au droit de grève.
Que se passera-t-il ? La notion de « besoins essentiels de la population » n'a aucune valeur juridique, ...
M. Yves Krattinger. ... et il n'en existe aucune définition.
Les besoins essentiels diffèrent selon les populations - vous venez d'ailleurs de le reconnaître, monsieur le ministre - ce qui justifiera toutes les inégalités et tous les abus. En effet, les principes qui présideront à la définition des priorités de desserte ne seront à l'évidence pas les mêmes partout, ce qui vous facilite la tâche.
Ici, on favorisera la desserte des services publics sanitaires ; nous pourrons tous nous accorder sur une telle priorité. Là, on privilégiera le service des écoles ; une fois encore, nous pourrons tous en être d'accord, mais comment faire lorsque les transports qui desservent un collège ne fonctionnent pas, ou à moitié seulement ! Monsieur le ministre, comment procèdera-t-on, concrètement, si l'on ne veut pas limiter l'exercice du droit de grève ? Ailleurs, les zones commerciales et les grands magasins rappelleront qu'ils payent des impôts et veulent donc être desservis. Là, on favorisera les personnes âgées, car on ne peut pas les abandonner, vu qu'elles ne disposent pas d'autre moyen de transport. Ici encore, on fera bénéficier d'une garantie à la mobilité les étudiants, en soulignant qu'ils doivent assister aux cours, car c'est important, ou ceux qui n'ont pas de voiture, les gens qui vont faire leurs courses, les clients du dimanche qui ne sont pas libres en semaine car ils travaillent...
Pis, monsieur le ministre, ne faut-il pas craindre que des intérêts particuliers président in fine à la définition de l'atteinte disproportionnée aux libertés ? Certains choix peuvent en effet être orientés par des prédispositions personnelles.
M. Yves Krattinger. Ne peut-on imaginer que des entreprises importantes, qui considèrent souvent qu'elles contribuent beaucoup au financement des transports publics urbains, fassent pression sur les élus afin d'obtenir que leur établissement soit desservi en priorité ?
Ces principes seront donc extrêmement confus et, pour tout dire, inapplicables.
M. Jean Desessard. C'est vrai !
M. Yves Krattinger. Que faire quand les commerçants du centre-ville opposeront leurs arguments aux intérêts des supermarchés de la périphérie ? Car tout le monde voudra être prioritaire !
On imagine les difficultés dans lesquelles les élus locaux, qui devront arbitrer entre toutes ces demandes, se trouveront rapidement plongés. On entrevoit déjà les abus, réels ou non, mais qui seront dénoncés dans tous les cas, ainsi que l'explosion éventuelle des contentieux.
Dans certains pays, l'État a tracé la route, c'est-à-dire qu'il a indiqué un ordre de priorité. Il serait plus simple, et plus conforme à la logique de votre démarche, d'en faire autant, sinon chacun pourra faire n'importe quoi et se voir contesté par tout le monde, ce qui posera de vrais problèmes.
Par ailleurs, à aucun moment le texte qui nous est présenté ne réaffirme le principe du droit aux transports pour tous, à savoir le droit à la mobilité des personnes socialement et économiquement les plus défavorisées, tel qu'il est posé par la LOTI, la loi d'orientation des transports intérieurs.
Ce projet de loi qui prétend promouvoir le dialogue social oublie le volet social qui était inclus dans la LOTI. Sous couvert de satisfaire les usagers - certains d'entre vous parlent fréquemment de clients -, il s'agit d'adresser des signaux à d'autres catégories, et peut-être aussi aux entreprises, à qui l'on tente de faire croire qu'en limitant le droit de grève dans les transports on éliminera la cause des interruptions de service.
Pourtant, la vérité, qui circule parmi nous depuis maintenant deux jours, et qui vient encore d'être rappelée par M. Billout, c'est que moins de 3 % des interruptions de service en Île-de-France sont dues à des grèves.
Ce chiffre est désormais public, et beaucoup de personnes s'interrogent aujourd'hui. Depuis les années 1990, le nombre des jours de travail perdus par salarié et par an est passé de 2,5 à 0,7, ce qui signifie que pour 0,7 jour par an au maximum on va mettre en place tout un dispositif destiné à encadrer les grèves, alors que tous les jours de l'année se produisent des interruptions de service dues à d'autres facteurs. Les usagers devront faire le tri entre les différentes causes d'arrêt des transports, sans savoir si une grève est organisée ou non.
M. Guy Fischer. On va leur faire croire que les grévistes sont les responsables !
M. Yves Krattinger. Je plains donc les élus locaux dans ce contexte.
En revanche, ce que nous constatons, c'est que les réseaux fonctionnent à flux tendus, qu'ils sont à la merci du moindre incident technique, et que les régions, qui ont investi massivement dans l'achat de matériels performants, souffrent du manque d'investissements de l'État dans les infrastructures - car chacun doit jouer son rôle. Nous ne nous lasserons pas de le répéter : ce n'est pas en limitant le droit de grève que l'on éliminera les causes des arrêts de services !
Mme Nicole Bricq. Voilà !
M. Yves Krattinger. En aucun cas ! Tout le monde en est convaincu ici ! On s'apercevra vite, monsieur le ministre, de la supercherie, car il s'agit bien de cela. Ou alors, vous voulez croire à ce qui n'existe pas.
D'ici là, au nom de la préservation de libertés choisies et hiérarchisées en fonction de préférences locales, les collectivités pourraient donner des coups de canif dans l'égalité des citoyens. Elles n'ont pas envie de le faire !
Les libertés individuelles et collectives garanties par la Constitution ne peuvent souffrir d'adaptations locales. Les besoins essentiels de la population locale ne sont pas ceux de la nation : il ne faut pas les confondre ! Les territoires ne vivent pas tous sur le même rythme. À l'évidence, il est des besoins essentiels au fonctionnement de la nation, mais nous ne pourrons pas tous les assurer. Les dispositions qui ont permis de limiter l'étendue du droit de grève doivent être rediscutées ; nous ne pouvons nous engager sur ce terrain.
Notre conviction est qu'il revient à l'État, et non aux élus locaux, de garantir que ces libertés soient préservées. Ce n'est pas le travail des élus locaux ! Juridiquement, même, ce raisonnement ne tient pas : leur responsabilité ne peut être mise en cause. Les libertés doivent être défendues en tout point du territoire national. Monsieur le ministre, vous verrez que les contentieux donneront raison aux élus locaux. Aujourd'hui, aucun pouvoir de réglementation locale ne leur est confié. Nous n'en sommes pas là !
Or, dans sa rédaction actuelle, l'article 4 fait l'inverse. L'État organise les inégalités territoriales et, surtout, son irresponsabilité. Il ne peut plus être mis en cause en la matière puisqu'il ne fait plus rien !
L'État fait donc reposer sur les représentants des usagers et sur les élus locaux la responsabilité d'interdire la grève à certaines catégories de personnel. On dira que c'est leur faute si cela ne fonctionne pas !
À titre d'exemple, 80 % des transports départementaux concernent le transport scolaire dans les territoires ruraux. (Marques d'impatience sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Krattinger.
M. Yves Krattinger. Je conclus, madame la présidente ! J'ai presque fini la présentation de cet amendement.
M. Robert Bret. C'est intéressant ! Poursuivez, cher collègue !
M. Dominique Braye. Cela commence à bien faire !
M. Yves Krattinger. Souvent, de nombreuses entreprises familiales assurent le service sur une ou plusieurs lignes de transport. Décider que le service d'une ligne sera maintenu plutôt que celui d'une autre reviendrait de facto à interdire aux salariés des entreprises concernées de faire grève.
M. Dominique Braye. Cela suffit !
M. Yves Krattinger. Cela ne sera pas sans poser problème. Dans les régions, les contraintes d'exploitation du réseau TER et ses connexions au réseau national interdiront la grève à certaines catégories de personnels et d'employés. Il ne peut en être autrement, car les effectifs ne sont pas suffisants.
Au cours des auditions menées par la commission spéciale, nous avons entendu les représentants des collectivités comme les représentants des usagers refuser d'assumer des responsabilités qui incombent à l'État. Tous l'ont dit : l'État doit assumer au grand jour sa volonté de mettre en cause le droit de grève dans notre pays.
M. Dominique Braye. Il faudrait que cela s'arrête !
M. Yves Krattinger. L'article 4 consacre un transfert déguisé de responsabilité politique pour détruire par petites touches, sur tout le territoire national, des garanties que nous considérons comme fondamentales pour notre démocratie sociale. C'est pourquoi nous demandons sa suppression ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Il y en a qui ne veulent pas entendre la vérité !
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 69.
M. Robert Bret. Cet article constitue le coeur même de ce texte, puisqu'il définit le cadre du service minimum, comme l'a rappelé avec raison M. le ministre voilà un instant. En effet, il confie aux autorités organisatrices de transport la compétence pour définir les dessertes prioritaires, afin de répondre aux besoins essentiels des usagers.
L'instauration de ce service minimum est justifiée par l'existence de libertés fondamentales qui doivent être garanties. Il s'agit notamment de la liberté d'aller et de venir, de l'accès au service public, de la liberté du travail, de la liberté du commerce et de l'industrie. Pourtant, la grève ne saurait porter atteinte à ces libertés. En effet, elle n'a pas les moyens d'entraver la liberté d'aller et de venir, elle peut seulement bloquer les transports terrestres de voyageurs. Son action porte donc uniquement sur une modalité de l'exercice de ce droit.
Sur le fond, monsieur le ministre, en invoquant le respect de droits fondamentaux qui doivent être garantis uniquement en cas de grève ou de perturbations, vous oubliez une liberté fondamentale, un droit constitutionnellement reconnu depuis 1946 et porteur de nombreuses avancées sociales non seulement pour les grévistes, mais aussi pour l'ensemble des citoyens de notre pays. Vous profitez de ce droit, comme nous en profitons.
Pourtant, monsieur le ministre, vous décidez de confier aux collectivités territoriales la définition des besoins essentiels, donc le périmètre de la mise en oeuvre du droit de grève. C'est un beau cadeau que vous faites aux élus locaux, monsieur le ministre, en vous défaussant de vos responsabilités !
Mme Nicole Bricq. C'est un cadeau empoisonné !
M. Robert Bret. Or l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946 proclame : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
En effet, pour le législateur, qui incarne l'intérêt général, cette liberté fondamentale ne saurait souffrir de limite, sauf lorsque l'intérêt général est menacé.
Le pouvoir réglementaire n'est donc nullement fondé à limiter l'exercice du droit de grève.
Cette simple raison suffit à rendre cet article inacceptable. Celui-ci est même dangereux par l'iniquité qu'il entraîne dans l'exercice du droit de grève, en fonction des collectivités territoriales.
Il est une autre raison : cet article ne nous paraît pas judicieux, parce que les organisations syndicales sont uniquement consultées sur l'élaboration du plan de transport adapté et sur le plan d'information des usagers. À aucun moment, elles ne disposent d'un quelconque pouvoir pour faire valoir des contrepropositions alternatives ! Pourtant, ce sont bien les personnels qui, au quotidien, mettent en oeuvre ce service public.
Ainsi cette loi, qui est censée renforcer le dialogue social, tourne-t-elle le dos au principe même de concertation. Certains sénateurs souhaitent même que la consultation des associations d'usagers soit limitée, car elle serait trop contraignante.
Enfin, le IV de cet article permet au représentant de l'État de se substituer à l'autorité organisatrice de transport pour définir les besoins essentiels et les priorités de desserte. Cette possibilité est d'ailleurs renforcée par l'amendement déposé par la commission spéciale.
Monsieur le ministre, notre collègue Michel Mercier avait raison quand il évoquait cette contradiction majeure : soit on considère que cela relève de la compétence des collectivités, auquel cas il serait contraire au principe de libre administration des collectivités locales que le préfet intervienne en cas de carence de l'autorité organisatrice de transport,...
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Robert Bret. ...soit il s'agit d'une compétence nationale, et il revient alors au Parlement de définir ces besoins essentiels, en l'occurrence ceux du service public.
Bref, cet article 4 est inapplicable, monsieur le ministre, car il n'est pas fondé juridiquement. Non seulement il remet en cause les niveaux de compétence, mais il crée également une pression inadmissible sur le droit de grève. Pour toutes ces raisons, nous en demandons la suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 41, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'autorité organisatrice peut, sur les réseaux qui le permettent, déterminer les dessertes qui doivent être prioritairement assurées en cas de perturbation du trafic. Elle tient compte des besoins exprimés par les représentants des usagers dans le souci de la mise en oeuvre du principe du droit aux transports pour tous.
La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Madame la présidente, le vote sur les amendements identiques nos 40 et 69 s'impose, me semble-t-il, avant de poursuivre la discussion des amendements suivants qui, eux, portent sur la forme. J'espère que nos collègues sont désormais convaincus qu'ils ne sauront appliquer localement cet article 4 et qu'ils se prononceront donc pour sa suppression, ce qui rendrait les autres amendements sans objet. (Sourires.)
M. Dominique Braye. C'est lui qui décide ! Il veut présider !
Mme la présidente. Monsieur Krattinger, il s'agit d'amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Le vote interviendra une fois que tous auront été défendus, dans l'ordre de leur présentation.
M. Yves Krattinger. Dans l'hypothèse, improbable, où ces amendements de suppression ne seraient pas adoptés, il faut entrer dans une autre logique...
M. Yves Krattinger. ...celle du dialogue, monsieur le ministre, que nous vous proposons depuis hier déjà et qui devrait nous rassembler.
M. Yves Krattinger. Il faut donc prévoir une autre rédaction de l'article 4.
Il s'agit de permettre aux autorités organisatrices de transport de s'investir dans la définition des dessertes qu'elles souhaitent voir privilégiées par les entreprises de transport, dans le cas où une perturbation du trafic interviendrait, tout en reconnaissant leur liberté et l'existence de spécificités locales ou de réseaux. En d'autres termes, il faut laisser respirer le système !
Il s'agit encore de reconnaître que, sur certains réseaux, l'autorité organisatrice de transport ne peut en aucun cas définir des dessertes prioritaires sans interdire de fait le droit de grève à certaines catégories de personnels. Soucieux de garantir l'égalité des personnels devant le droit de grève et fidèles à nos positions précédentes, nous souhaitons préserver la possibilité pour les entreprises et les personnels d'organiser ensemble les conditions d'un dialogue social serein dans l'entreprise.
Ainsi, l'autorité organisatrice de transport qui ne souhaiterait pas, par ses exigences, contraindre le droit de grève de certaines catégories de personnel ne le ferait pas. La logique est donc tout autre !
À l'inverse, l'autorité organisatrice de transport qui souhaite définir les priorités qui s'imposeront aux entreprises de transport en cas de blocage des négociations et d'ouverture d'un conflit doit le faire en ayant pour principal souci d'offrir un service de mobilité aux personnes les plus dépendantes de la voiture, à savoir les personnes âgées, les écoliers, les étudiants, les personnes qui ne peuvent disposer d'un véhicule personnel pour se déplacer au quotidien, ce qui est conforme à la LOTI. Il faut donc maintenir le système actuel de référence.
C'est dans cette logique de droit aux transports pour tous que les textes visant à promouvoir l'usage des transports publics ont toujours été adoptés. Nous ne saurions nous en éloigner aujourd'hui.
Il s'agit d'un amendement de repli pour le cas où les amendements identiques n°s 40 et 69 seraient rejetés. Il vise à laisser les autorités organisatrices de transport libres d'organiser les rapports qu'elles entretiennent avec leur délégataire de service public. Par convention, elles se mettent d'accord sur les obligations de service public que doit accomplir l'entreprise de transport.
C'est seulement dans le cadre contractuel que doivent être nouées des relations de confiance entre les entreprises, les personnels, les autorités organisatrices de transport et les usagers. Nous sommes, je le répète, dans une tout autre logique !
Dans cet esprit de dialogue social, de nombreuses autorités organisatrices de transport ont déjà mis en oeuvre des dispositifs de prévisibilité de service jugés très satisfaisants - c'est le cas dans quatre régions -, dans le droit-fil du travail conduit par les deux précédents gouvernements et qui a permis l'élaboration de la charte pour une prévisibilité du service public de transport en période de perturbations le 4 juillet 2006. Ce n'est pas ancien : c'était il y a un an, monsieur le ministre ! (Plusieurs sénateurs de l'UMP protestent contre la durée de l'intervention.)
M. Dominique Braye. Il faut le débrancher !
M. Yves Krattinger. Cette charte a été lancée par M. Gilles de Robien, puis conclue par M. Dominique Perben et présentée aux principaux acteurs du secteur.
On est tout le temps en train de changer la donne dans ce pays !
M. Jean Desessard. Nous en avons assez des ruptures !
M. Yves Krattinger. Non, vous les rendez rigides en instaurant une loi là où elle n'est pas nécessaire !
Notre proposition vise à encourager le dialogue social, à propos duquel le plus fameux rapport sur la question, celui de M. Mandelkern - qui est toujours évoqué, mais pas toujours bien lu -,...
M. Yves Krattinger. ...affirme qu'il est la solution la plus adaptée à la préservation du droit de grève et de la liberté des collectivités locales. Or ces deux aspects se percuteront violemment d'ici à quelques mois.
M. Yves Krattinger. Je n'irai pas plus loin sur ce point.
Enfin, notre proposition n'affiche aucun délai, car aucun délai ne saurait être réaliste en la matière. Monsieur le ministre, l'échéance du 1er janvier 2008 cache mal la volonté du Gouvernement et de la majorité de brider tout dialogue social dans les entreprises. Tout le monde sait que c'est irréalisable !
II faut compter environ douze mois pour accomplir normalement une procédure de passation de délégation de service public, sur lesquels quatre mois entiers sont en général consacrés aux négociations. C'est le temps nécessaire ! C'est dire si la perspective d'aboutir en moins de trois mois à la conclusion d'un avenant aussi fondamental que la prévisibilité du service est mince.
En effet, la procédure proposée par le texte impose une définition de dessertes prioritaires par l'autorité organisatrice de transport avant que l'entreprise s'en saisisse pour définir un plan de transport adapté à ces priorités.
M. Christian Cambon. M. Krattinger parle depuis combien de temps ?
M. Dominique Braye. Mme la présidente est très tolérante, ce soir !
M. Yves Krattinger. Plusieurs étapes de concertation et de publicité sont en outre prévues.
M. Dominique Braye. Il faut le débrancher, maintenant !
M. Yves Krattinger. Tout ce que je vous décris se produira !
M. François Trucy. Et le respect du temps de parole !
M. Alain Gournac. Coupez le micro, madame la présidente !
M. Yves Krattinger. Il est difficile d'imaginer que la concertation soit conduite dans les meilleures conditions de sérénité. (Plusieurs sénateurs de l'UMP protestent contre la longueur de l'intervention et martèlent leur pupitre, rendant ainsi à peine audibles les propos de l'orateur.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Krattinger.
M. Yves Krattinger. Les instances concernées n'ont pas l'habitude de mener ces démarches.
Mme la présidente. Mon cher collègue, vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Dominique Braye. C'est terminé ! Obéissez !
M. François Trucy. Aucun respect !
M. Yves Krattinger. Il ne me reste que trois lignes à lire, madame la présidente.
Mme la présidente. Alors faites vite !
M. Yves Krattinger. Mes chers collègues, notre proposition vise à encourager les collectivités qui le peuvent et celles qui le souhaitent à engager un dialogue serein avec les partenaires sociaux locaux, sans contraindre celles qui ne veulent pas ajouter à la confusion d'un texte qui pourrait se révéler en maints endroits inapplicable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Après consultation des représentants des usagers, l'autorité organisatrice de transport définit les dessertes à assurer en priorité en cas de perturbation prévisible du trafic.
Sont réputées prévisibles les perturbations qui résultent :
- de grèves ;
- d'incidents techniques, dès lors qu'un délai de trente-six heures s'est écoulé depuis leur survenance ;
- d'aléas climatiques, dès lors qu'un délai de trente-six heures s'est écoulé depuis le déclenchement d'une alerte météorologique ;
- de tout événement dont l'existence a été portée à la connaissance de l'entreprise de transport par le représentant de l'État, l'autorité organisatrice ou le gestionnaire de l'infrastructure depuis trente-six heures.
Pour assurer les dessertes prioritaires, l'autorité organisatrice de transport détermine différents niveaux de service en fonction de l'importance de la perturbation. Le niveau minimal de service doit permettre d'éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, à l'accès aux services publics, à la liberté du travail, à la liberté du commerce et de l'industrie et à l'organisation des transports scolaires. Il doit également garantir l'accès au service public d'enseignement les jours d'examens nationaux.
Les priorités de desserte et les différents niveaux de service sont rendus publics.
II. - L'entreprise de transport élabore :
- un plan de transport adapté aux priorités de dessertes et aux niveaux de service définis par l'autorité organisatrice, qui précise pour chaque niveau de service les plages horaires et les fréquences à assurer ;
- un plan d'information des usagers conforme aux dispositions de l'article 7 de la présente loi.
Après consultation des institutions représentatives du personnel, elle soumet ces plans à l'approbation de l'autorité organisatrice.
III. - Les plans visés au II sont intégrés aux conventions d'exploitation conclues par les autorités organisatrices de transport avec les entreprises de transport. Les conventions en cours sont modifiées en ce sens avant le 1er janvier 2008.
IV. - Le représentant de l'État est tenu informé par l'autorité organisatrice de transport de la définition des dessertes prioritaires et des niveaux de services attendus, ainsi que de l'élaboration des plans visés au II et de leur intégration aux conventions d'exploitation.
En cas de carence de l'autorité organisatrice, et après une mise en demeure, le représentant de l'État arrête les priorités de desserte ou approuve les plans visés au II.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'amendement n° 6 tend à simplifier l'article 4 et à apporter plusieurs précisions qui nous paraissent indispensables.
En premier lieu, il convient de définir la notion très vague de « perturbation prévisible », car il s'agit d'un élément central dans le reste du dispositif.
En deuxième lieu, il est proposé de remplacer la notion assez floue de « desserte prioritaire correspondant à un besoin essentiel de la population », par une précision sur la capacité des AOT à prévoir des niveaux de service en fonction de l'importance de la perturbation. Telle était bien, semble-t-il, l'intention du Gouvernement, et la rédaction proposée a donc pour objet d'atteindre cet objectif plus simplement et plus clairement.
En troisième lieu, l'amendement vise à ajouter à la liste des droits auxquels il ne doit pas être porté une atteinte disproportionnée l'organisation des transports scolaires, notamment. En outre, il affirme la nécessité de garantir l'accès au service public d'enseignement les jours des deux examens nationaux que sont le brevet et le baccalauréat. Ces épreuves sont suffisamment importantes pour ne pas y ajouter une grève de transport.
En quatrième lieu, l'amendement prévoit l'information du préfet aux différents stades du processus.
Enfin, il est proposé que le préfet se substitue à l'AOT en cas de carence non seulement pour définir les dessertes prioritaires, comme le prévoit le texte, mais aussi pour approuver les propositions de l'entreprise de transport. La faculté qui était laissée au préfet paraît problématique. Car quel pourrait être le statut d'une convention entachée d'illégalité par l'absence de PTA ? Le préfet ne peut laisser subsister cette illégalité.
Madame la présidente, je pense que la durée de mon intervention a été inférieure aux cinq minutes qui sont normalement octroyées à un orateur pour la présentation d'un amendement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 44 rectifié quater, présenté par MM. Haenel, P. Blanc et Gerbaud, Mme Gousseau, M. Grignon, Mme Henneron et Keller, MM. Lardeux, Portelli et Richert et Mme Sittler et Troendle est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article :
Après consultation des représentants des usagers, l'autorité organisatrice de transport définit les niveaux de priorité de desserte qui doivent être assurés pour permettre les déplacements quotidiens de la population en cas de grève ou d'autre perturbation prévisible du trafic.
La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. La rédaction proposée permet de renvoyer directement la notion de « niveaux de priorité de desserte » à celle de « niveaux de service » dans le deuxième alinéa concernant le plan de transport adapté, ce que ne fait pas clairement le projet initial.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Beaumont, Courtois, Houel, Pierre et Portelli et Mme Gousseau est ainsi libellé :
Au début du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, supprimer les mots :
Après consultation des représentants des usagers,
La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions précédentes, qu'il s'agisse de celles de M. le ministre ou de nombreux collègues, qui souhaitent élaborer une loi qui s'applique à l'ensemble du territoire français. Or nombre d'entre eux ont noté la diversité de ce territoire. J'ai écouté attentivement, en particulier, M. Teston, président du conseil général de l'Ardèche, et M. Mercier, président du conseil général du Rhône, sans doute parce que j'ai vécu dans ces deux départements qui représentent bien la diversité de la France avec l'Île-de-France.
Notre volonté est donc de disposer d'un texte qui soit applicable sur l'ensemble du territoire.
Mme Nicole Bricq. Impossible !
M. René Beaumont. Ce n'est pas forcément simple, il est vrai, car les problèmes sont très différents d'une région à l'autre.
Madame la présidente, je présenterai en même temps le sous-amendement n° 52 rectifié bis, qui est complémentaire.
Dans un territoire rural, il est particulièrement difficile de rencontrer des représentants des usagers, notamment des personnes qualifiées. Or, en matière de représentation, c'est bien la qualification qui est importante. Il est par conséquent difficile de consulter en amont les représentants qualifiés des usagers. En revanche, il est fort possible, une fois que l'autorité organisatrice de transport a pris connaissance des lieux de desserte et des moyens dont elle dispose, de mettre en place un plan de transport et d'en informer prioritairement l'ensemble des populations. Je reviendrai, lors de la présentation d'un amendement ultérieur, sur les moyens d'information, qui me semblent tout à fait essentiels.
Le sous-amendement n° 51 rectifié a donc pour objet de supprimer la consultation en amont des représentants des usagers, parce qu'elle n'est pas possible partout.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. René Beaumont. En revanche, elle est essentielle et doit être permanente et obligatoire en aval, une fois que le plan de transport est élaboré, et tous les usagers, quels qu'ils soient, doivent être informés, même s'ils ne disposent pas de représentants qualifiés. Tel est l'objet du sous-amendement n° 52 rectifié.
La notion de « représentants des usagers » m'est apparue assez parisienne ; nous la connaissons mal en province. Elle est source de contentieux.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 53, présenté par M. Revet est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, après le mot :
usagers
insérer les mots :
et dès lors qu'existent une ou des structures représentatives
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Le Gouvernement a souhaité, en rédigeant l'article 4 - disposition reprise par la commission dans l'amendement n°6 -, que l'autorité organisatrice consulte les représentants des usagers. Or il n'existe pas nécessairement une structure représentative des usagers sur la ligne concernée. Dès lors, comment organiser la consultation ?
Cela étant, monsieur le ministre, cela pourrait susciter la constitution d'associations de consommateurs sur telle ou telle ligne, sur proposition de l'autorité organisatrice des transports. Mais c'est tout de même l'usager qui utilise régulièrement une ligne qui connaît ses besoins ! Une association de consommateurs ne connaît pas forcément les besoins sur chaque ligne.
En tout état de cause, la consultation que vous souhaitez mettre en oeuvre, monsieur le ministre, ne peut avoir lieu que dans les cas où existe une association représentative des usagers, mais il ne peut s'agir d'une obligation.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 85, présenté par MM. Hérisson, Gournac et Esneu, Mme Gousseau, MM. Fournier, Duvernois, Cornu, del Picchia et Pierre, Mme Henneron, MM. Trucy, Cambon et Béteille et Mme Debré est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, remplacer les mots :
en priorité
par les mots :
qui concernent en priorité les déplacements quotidiens de la population
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Par l'amendement n° 6, Mme le rapporteur propose une intéressante nouvelle rédaction de l'article 4. Cependant, par rapport au texte initial, la notion de « déplacements quotidiens de la population » n'apparaît plus. Le présent sous-amendement vise à réparer cet oubli.
Madame la présidente, comme vous pouvez le constater, je n'ai pas utilisé les cinq minutes auxquelles j'avais droit ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. C'est de la provocation !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 66, présenté par MM. Krattinger et Gillot, est ainsi libellé :
Après le sixième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Pour l'organisation du transport scolaire, les obligations liées aux perturbations résultant de grèves ne s'appliquent qu'aux autorités organisatrices des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Elles ne s'appliquent pas aux autorités organisatrices des départements d'outre-mer.
La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Dominique Braye. Le revoilà !
M. Yves Krattinger. Madame la présidente, je présenterai en même temps les sous-amendements nos 66 et 83, et ce en moins de cinq minutes.
Il s'agit d'exclure du champ d'application de la loi les transports scolaires départementaux en milieu rural dans les petites agglomérations de moins de 100 000 habitants et dans les territoires d'outre-mer, qui ne méritent pas qu'on les ennuie autant avec ce texte.
M. Dominique Braye. Ils représentent les trois quarts de la population française !
M. Yves Krattinger. Les conflits sont peu nombreux, voir inexistants dans certains départements, et les mesures prévues risquent de générer des tensions inutiles dans les entreprises.
Depuis que l'on discute de ce sujet avec les gouvernements successifs, les dispositions que nous proposons ont reçu l'appui du groupement des autorités responsables de transport, le GART, de sensibilités politiques diverses, et de l'ADF, dont les composantes politiques sont équilibrées.
M. Gérard Cornu. Vous vous améliorez, mon cher collègue !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 22 rectifié bis, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau et Souvet, Mme Sittler, MM. Grillot, Biwer et Huré, Mme Papon, MM. Milon, Seillier et Cléach, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et MM. de Richemont et Haenel, est ainsi libellé :
Dans le septième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, remplacer les mots :
à l'accès aux services publics
par les mots :
à la liberté d'accès aux services publics
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Il s'agit d'un sous-amendement rédactionnel. Nous souhaitons souligner le fait que l'accès aux services publics est une liberté.
M. Dominique Braye. Voilà un esprit de synthèse !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 83, présenté par MM. Gillot et Krattinger, est ainsi libellé :
Après le septième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé:
Dans les territoires ruraux et dans les départements d'outre-mer et à l'exception des agglomérations de plus de 100 000 habitants, ces dispositions ne s'appliquent à l'autorité organisatrice que si le réseau lui permet qu'il ne soit pas porté une atteinte disproportionnée à l'organisation du transport scolaire.
Ce sous-amendement a été défendu.
Le sous-amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Beaumont, Courtois, Houel, Pierre et Portelli et Mme Gousseau, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article par les mots :
et sont soumis pour avis aux représentants qualifiés des usagers selon des modalités définies par l'autorité organisatrice de transports
Ce sous-amendement a également été défendu.
Le sous-amendement n° 45 rectifié ter, présenté par MM. Haenel, P. Blanc et Gerbaud, Mme Gousseau, M. Grignon, Mme Henneron et Keller, MM. Lardeux, Portelli et Richert et Mme Sittler et Troendle, est ainsi libellé :
Au dernier alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, supprimer les mots :
l'approbation de
La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. La rédaction actuelle ne laisse pas place à une négociation du plan de transport entre l'entreprise et l'autorité organisatrice. C'est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau, Grillot, Biwer, Huré, Milon, Cléach et Souvet, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Une astreinte de service public est organisée par l'entreprise de transport concernée sur les dessertes prioritaires entre 6 heures et 9 heures, et entre 17 heures et 20 heures.
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Plusieurs pays européens ont choisi depuis longtemps d'organiser le service minimum dans les services publics de transport. C'est le cas notamment de l'Italie, de l'Allemagne, de l'Espagne et des Pays-Bas. On sait que plusieurs de ces pays ont opté pour un système d'astreinte pour les dessertes prioritaires sur des plages horaires le matin et le soir.
Les signataires de cet amendement s'interrogent sur l'opportunité d'instituer un dispositif similaire qui ne soit pas contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la protection du droit de grève.
Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par M. Ries, Mme Printz, MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès et Bricq, MM. Desessard, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du deuxième alinéa du II de cet article par les mots :
en fonction du nombre de grévistes
La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. À l'évidence, cet amendement ne pourra être adopté que si mon collègue M. Krattinger ne vous a pas convaincu de la nécessité de supprimer l'ensemble de l'article 4. Il n'aura plus d'objet si le Sénat, dans sa sagesse, décidait de supprimer ledit article.
Le présent amendement vise à préciser que les plans de transport adaptés doivent être adaptés non seulement aux situations locales, comme vous l'avez dit hier, monsieur le ministre, mais aussi au niveau de participation des salariés de l'entreprise à la grève.
Je note que n'est pas prévue, dans ce projet de loi, la possibilité d'astreinte ou de réquisition du personnel ; c'est là un point positif. Cependant, dans ces conditions, comment imaginer un service minimum, à quelque niveau que ce soit, si, par hypothèse, la grève est largement, voire unanimement suivie ?
Dans la convention entre le STIF et la RATP, de même que dans la convention entre la région Alsace et la SNCF, qui ont servi, me semble-t-il, d'exemples aux rédacteurs du projet de loi, ce qui est prévu, c'est non pas un service minimum défini à l'avance, mais des niveaux de service cohérents et tenant compte du personnel disponible dans l'entreprise lorsqu'il y a un mouvement de grève. Cela paraît logique !
Certes, il faudrait alors reconnaître qu'en cas de grève massive la seule manière d'assurer une continuité du service serait, pour l'opérateur, de passer des marchés de sous-traitance à des entreprises qui se substitueraient pour un temps au service public. J'espère ne pas me tromper, monsieur le ministre, en pensant que vous n'êtes pas dans cette logique.
Dans ce cas, vous allez sans aucun doute donner un avis favorable à cet amendement, qui n'a pas d'autre objet que l'adaptation du niveau de service aux personnels réellement disponibles dans l'entreprise. Je considère qu'il s'agit d'un amendement de bon sens.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis désolé de bouleverser le déroulement normal du débat, madame la présidente, mais je tiens à répondre à M. Ries.
Vous avez parlé de bon sens, monsieur le sénateur : comment connaîtrez-vous le nombre de grévistes ?
M. Roland Ries. Par la prévisibilité !
M. Xavier Bertrand, ministre. Non, la prévisibilité vous donne une idée du plan de transport à élaborer ! Mais comment connaîtrez-vous le nombre de grévistes ?
Mme Nicole Bricq. En téléphonant ! C'est ce qu'a dit la présidente !
M. Roland Ries. Je demande la parole.
M. Xavier Bertrand, ministre. Si vous le permettez, madame la présidente, j'aimerais juste y voir clair.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Ries, pour répondre à M. le ministre.
M. Roland Ries. Je constate que, d'ores et déjà, la RATP, comme, dans certaines régions, la SNCF, sont capables de prévoir avec beaucoup de précision le niveau de service. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Les moyens utilisés sont peut-être artisanaux, mais les usagers peuvent être informés, la veille ou l'avant-veille, du déroulement de la grève.
Peut-être les mécanismes existants sont-ils perfectibles, mais ce que je veux dire, monsieur le ministre, c'est qu'il faut distinguer prévisibilité et niveau minimum de service. Ce n'est pas la même chose ! Si vous prévoyez un niveau minimum de service sans être capable de préjuger le niveau de participation à la grève, il arrivera un moment où il sera impossible de respecter ce niveau de service. C'est une question de logique !
Imaginez, demain, une grève suivie par 100 % des personnels. Vous avez dit hier, monsieur le ministre, que cela se produisait de moins en moins. Tant mieux ! Cependant, admettons, par hypothèse, qu'une telle grève ait lieu : comment, dans ces conditions, offrir un service, quel qu'il soit ? C'est impossible !
C'est pourquoi cet amendement vise à préciser que les niveaux de service des plans de transports adaptés seront fonction du nombre de grévistes.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, désormais, j'y vois clair et je comprends votre logique. J'éviterai donc de vous mettre dans l'embarras plus tard dans la discussion.
Si l'on va au bout de votre logique, il faut nécessairement une déclaration individuelle des salariés en cas de grève. C'est la seule façon de pouvoir donner un contenu concret à l'amendement que vous présentez !
M. Roland Ries. Aujourd'hui, ça marche !
M. Xavier Bertrand, ministre. Non ! Je ne sais pas s'il s'agit d'une position individuelle ou de la position de votre groupe, mais si vous voulez justifier cet amendement, vous êtes obligé d'imposer la déclaration individuelle. Vous étiez contre hier soir ; ce soir, vous êtes plutôt pour. Les soirées se suivent et ne se ressemblent pas. Pour ma part, j'y prends goût !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Madame la présidente, je souhaite rectifier l'amendement n° 53, afin de remplacer le mot : « des » par le mot : « plusieurs » s'agissant des structures représentatives.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° 53 rectifié, présenté par M. Revet, et ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, après le mot :
usagers
insérer les mots :
et dès lors qu'existent une ou plusieurs structures représentatives
Quel est l'avis de la commission sur les amendements et sous-amendements autres que celui qu'elle a présenté ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques nos 40 et 69.
Si j'ai bien compris, leurs auteurs préfèrent laisser à l'entreprise de transport le soin de décider quelles seront les dessertes assurées en cas de grève, plutôt que de donner aux élus locaux cette responsabilité. En tant qu'élue locale, je trouve cela choquant. Telle n'est pas ma conception de la responsabilité des élus locaux : j'estime que cette décision incombe aux élus locaux et non à l'entreprise de transport.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est également défavorable à l'amendement n° 41. Cet amendement du groupe socialiste énonce un principe général, alors que l'amendement de la commission prévoit un dispositif plus ambitieux. Je suis déçue, car je pensais que l'amendement n° 6 aurait pu donner satisfaction à nos collègues socialistes.
J'en viens au sous-amendement n° 44 rectifié quater. La commission en demande le retrait au profit du sous-amendement n° 85, qui apporte une précision utile.
Le sous-amendement n° 51 rectifié traite des consultations des représentants des usagers. La commission estime nécessaire de les consulter en amont plutôt qu'en aval. C'est chose plus aisée ! Les usagers, quels qu'ils soient, auraient du mal à comprendre que l'AOT détermine des priorités sans leur demander leur avis.
La commission approuve l'esprit qui a présidé à la rédaction du sous-amendement n° 53 rectifié et aimerait entendre l'avis du Gouvernement.
La commission est favorable au sous-amendement n° 85, qui apporte, je le répète, une précision utile.
La commission est défavorable au sous-amendement n° 66.
La commission est favorable au sous-amendement n° 22 rectifié bis, qui insiste sur la notion de liberté d'accès, chère à M. Cambon.
La commission est défavorable au sous-amendement n° 83.
J'en viens au sous-amendement n° 52 rectifié. M. Beaumont et ses collègues préfèreraient que les représentants qualifiés des usagers soient consultés en aval plutôt qu'en amont. La commission est défavorable à cette façon de procéder.
Le sous-amendement n° 45 rectifié ter vise à supprimer la notion d'approbation de plan de transport adapté. La commission y est défavorable.
Je veux rassurer ceux de mes collègues qui sont un peu inquiets quant à la rédaction de l'amendement de la commission : pour l'élaboration des plans de transport, des échanges auront lieu entre les entreprises de transport, qui prendront connaissance des priorités de desserte définies par l'AOT, et cette dernière.
Même en cas d'approbation des plans par l'AOT, ces derniers doivent être intégrés dans les conventions, ce qui ne peut naturellement pas se faire sans une négociation entre l'entreprise et l'AOT. Pour moi, il n'y a pas de doute sur le fait qu'il y a bien une négociation. Il me semble donc que ce sous-amendement pourrait être satisfait par l'amendement n° 6 de la commission.
L'amendement n° 19 rectifié tend à instaurer une astreinte de service public entre six heures et neuf heures et entre dix-sept heures et vingt heures.
La commission y est défavorable. En effet, si ces tranches horaires correspondent à une réalité dans un département, tel n'est pas le cas dans d'autres départements. Il a été dit, notamment, lors des auditions auxquelles a procédé la commission, que, dans certains départements, rentrer déjeuner le midi était une obligation, alors que cela ne l'était pas dans d'autres, ou encore que l'heure de rentrer chez soi pouvait être à vingt et une heures ici, mais dix-neuf heures ailleurs. Certains horaires sont propres à l'Île-de-France. Or le projet de loi doit s'appliquer à l'ensemble de la France.
Enfin, l'amendement n° 63 tend à préciser que les niveaux de service des plans de transports adaptés seront fonction du nombre de grévistes. M. le ministre a déjà répondu en grande partie sur ce point, de façon plus brillante que je ne le ferais. La commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis gêné par les dernières déclarations de Mme le rapporteur.
S'agissant tout d'abord des amendements identiques nos 40 et 69, je ne voudrais pas refaire le débat que nous avons eu à différentes reprises. Je me bornerai à dire, notamment à M. Krattinger, que je ne partage absolument pas sa vision des choses.
Il estime que la responsabilité d'arrêter les priorités de desserte étant délicate à assumer, il ne faut pas la confier aux élus locaux. Je suis désolé : ce n'est pas parce qu'une difficulté se présente qu'il faut renoncer.
M. Philippe Nogrix. Bravo !
M. Xavier Bertrand, ministre. Sinon, à quoi serviraient les sacrifices que vous consentez, les uns et les autres, en faisant de la politique ?
Il ne faut pas oublier non plus qu'en 1982 c'est Charles Fiterman qui a transféré cette compétence aux élus locaux. À cette époque, certains prônaient la décentralisation. Or, quasiment vingt-cinq ans après, les choses ont changé, et ce ne sont plus les mêmes qui souhaitent confier des responsabilités supplémentaires aux acteurs locaux. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Tiens tiens...
M. Xavier Bertrand, ministre. J'ai donc été particulièrement surpris par votre propos, monsieur le sénateur.
J'en viens à la question des besoins essentiels. Il convient de prendre garde à une différence qui n'est pas seulement sémantique : il était fait référence, en 1979, aux besoins essentiels du pays, ce qui intégrait la défense nationale. Ici, il s'agit des besoins essentiels de la population. Ce n'est pas tout à fait la même chose, et les conséquences ne sont pas les mêmes.
Je tiens à dire, sans passion aucune, que, pour élaborer ce service minimum, le Gouvernement s'est inspiré, d'une part, des conclusions du rapport Mandelkern et, d'autre part, des bonnes pratiques, que vous reconnaissez, les uns et les autres. Nul ne niera le fait que les unes et les autres sont consensuelles et dépassent les clivages politiques.
Voilà pourquoi, dans cet article 4, nous avons choisi de rester en cohérence avec les bonnes pratiques et les recommandations de la commission Mandelkern. Sur ces deux aspects, je suis désolé de ne pouvoir vous suivre parce que, si l'on veut respecter la logique du sur-mesure, il faut se rapprocher du terrain. Dans ce cas, le soin de déterminer les dessertes prioritaires doit aussi être confié aux autorités organisatrices, c'est-à-dire également aux élus locaux.
Monsieur le président Mercier, je n'ai pas été tout à fait exhaustif sur ce point, tout à l'heure. La carence ou l'absence de plan de transport adapté peut être constatée par le représentant de l'État, et pas seulement par le juge, ce qui permet d'éviter le recours à la voie contentieuse. Je tenais à vous le préciser.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable sur les amendements identiques nos 40 et 69.
S'agissant de l'amendement n° 41, monsieur le sénateur Krattinger, son adoption représenterait aussi un recul pour les clients du service public. (M. Yves Krattinger manifeste son désaccord.) Vous m'adressez un signe négatif, mais je voudrais terminer mon argumentation, car j'avais quelque espoir de vous convaincre...
M. Yves Krattinger. Essayez !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous remercie de votre confiance ! Elle m'avait été attribuée avec parcimonie jusqu'à présent, mais tous les espoirs restent donc permis ! (Sourires.)
Quand vous remplacez l'obligation par une simple possibilité, quelle garantie offrez-vous aux clients du service public ? Aucune !
Qui plus est, vous en avez peu parlé tout à l'heure, mais vous avez aussi supprimé la référence à une date. Or, encore une fois, nous pensons, quant à nous, que ce service minimum doit être mis en place pour le 1er janvier 2008. C'est pourquoi, à mon grand regret, l'avis du Gouvernement sera également défavorable.
Concernant l'amendement n° 6, présenté par Mme le rapporteur, je voudrais juste proposer deux sous-amendements portant sur la forme. Je vais en donner lecture à la Haute Assemblée.
Le premier sous-amendement tend à insérer, après les mots : « en fonction de l'importance de la perturbation », une phrase ainsi rédigée : « Pour chaque niveau de service, elle fixe les fréquences et les plages horaires. »
Le second sous-amendement apporte la précision suivante : « Il correspond à la couverture des besoins essentiels de la population. »
Ces sujets ont déjà été évoqués ! Si ces sous-amendements sont adoptés, le Gouvernement donnera un avis favorable à l'amendement n° 6, qui est important.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de deux sous-amendements présentés par le Gouvernement.
Le sous-amendement n° 88 est ainsi libellé :
Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 4, après les mots :
en fonction de l'importance de la perturbation
insérer une phrase ainsi rédigée :
Pour chaque niveau de service, elle fixe les fréquences et les plages horaires.
Le sous-amendement n° 89 est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 4 insérer une phrase ainsi rédigée :
Il correspond à la couverture des besoins essentiels de la population.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Concernant le sous-amendement n° 44 rectifié quater, l'avis du Gouvernement est identique à celui de la commission, à savoir défavorable, surtout si l'amendement n° 6 est adopté.
S'agissant du sous-amendement n° 51 rectifié, présenté par M. Beaumont, je serais au regret d'émettre un avis défavorable si vous le mainteniez, monsieur le sénateur. Je comprends votre logique, mais je pense qu'il est important de prévoir une consultation préalable des représentants des usagers. D'autant qu'après les échanges qu'il a eus avec les parlementaires le Gouvernement a veillé à ne pas encadrer strictement les modalités de cette consultation pour laisser une grande souplesse.
Si cette consultation n'a pas lieu en amont, des reproches pourront être adressés aux uns ou aux autres quant à l'absence de consultation. Nous savons que ces plans de transport adapté sont connus grosso modo. Nous avons donc tout intérêt à les mettre en oeuvre dans la transparence et à organiser cette consultation en amont. Je le répète, les choses n'ont pas été précisées trop strictement pour laisser de grandes marges de manoeuvre sur le plan local.
Le sous-amendement n° 53 rectifié est important aux yeux de Charles Revet. Initialement, le Gouvernement voulait s'en remettre à la sagesse du Sénat mais, compte tenu des explications qui lui ont été données, il émettra un avis favorable.
Le sous-amendement n° 85, présenté par Isabelle Debré, n'est pas seulement un sous-amendement de précision : il porte aussi sur le fond, je tiens à le dire. Le Gouvernement y est favorable.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 66, l'avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons que j'ai déjà indiquées dans l'après-midi.
En revanche, l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 22 rectifié bis, présenté par M. Christian Cambon, est favorable.
Le sous-amendement n° 83 recueille un avis défavorable, ainsi que le sous-amendement n° 52 rectifié, pour des raisons similaires à celles que j'ai exposées auparavant.
Le Gouvernement demande le retrait du sous-amendement n°45 rectifié ter, dans la mesure où il tend à supprimer l'approbation du plan de transport par l'autorité organisatrice de transport. Au contraire, je pense que ce plan doit être validé par ladite autorité. Dans le cas contraire, on s'en remettrait complètement au choix de l'entreprise, alors que ce choix a intérêt à être validé par l'autorité organisatrice, c'est-à-dire aussi par les élus. Si ce sous-amendement était maintenu, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
L'amendement n° 19 rectifié est d'importance et je souhaite y consacrer un peu plus de temps. J'ai bien compris votre interrogation, monsieur Cambon. Ce sujet a été évoqué à différentes reprises et je crois qu'il convient de s'en expliquer.
L'instauration d'un service minimum, au-delà de la volonté politique qu'exprime cet engagement fort du président de la République, représente un double enjeu, juridique et pratique.
S'agissant de l'enjeu juridique, nous savons que l'astreinte constitue une remise en cause du droit de grève, compte tenu de la façon dont ce droit est encadré en France. Les pays que vous avez cités rencontrent d'ailleurs de réelles difficultés à appliquer cette astreinte, notamment certains pays situés en Europe du sud.
Par ailleurs, se posent aussi de véritables problèmes pratiques. Si vous imposez une astreinte comme celle-ci, quel besoin de service voulez-vous couvrir ? Si le besoin de service n'est pas total, comment choisira-t-on les salariés concernés : par tirage au sort ? Comment appliquera-t-on l'ordre du tableau de service ? Cela ne va pas sans poser de réelles difficultés.
Permettez-moi enfin d'évoquer un autre aspect : les tranches horaires que vous prévoyez ne correspondent pas aux besoins essentiels rencontrés en province. Je suis un usager régulier de certains trains, notamment des trains Corail, et je sais pertinemment - excusez-moi de citer un exemple personnel - que si l'astreinte s'applique à certaines heures, on omet parfois un train partant une demi-heure plus tôt, mais qui est plus important pour la desserte de certaines destinations. Il n'est pas possible, si l'on respecte la logique du sur-mesure, d'introduire une telle précision dans le projet de loi, d'autant qu'elle n'aborde pas la situation des transports le midi, en particulier.
Pour des raisons juridiques, mais aussi pratiques, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable. Je reconnais cependant qu'il était important d'évoquer cette question.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 63, l'avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure. Je ne partage pas le point de vue de M. Ries ; celui-ci me sera particulièrement utile dans la suite de la discussion.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les deux sous-amendements nos 88 et 89 présentés par le Gouvernement ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 et 69.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC et, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 114 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 122 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 41.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Madame Gousseau, le sous-amendement n° 44 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Adeline Gousseau. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 44 rectifié quater est retiré.
Monsieur Beaumont, le sous-amendement n° 51 rectifié est-il maintenu ?
M. René Beaumont. Je le retire, ainsi que le sous-amendement n° 52 rectifié.
Je renonce aisément au sous-amendement n° 51 rectifié, puisque vous avez accepté le sous-amendement n° 53, monsieur le ministre.
En revanche, le sous-amendement n° 52 rectifié ne sera pas satisfait. J'y reviendrai à l'article 7, à propos des mesures indispensables d'information du public en certains cas, en particulier en milieu rural lors de perturbations météorologiques.
Mme la présidente. Les sous-amendements nos 51 rectifié et 52 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 53 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 66.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 22 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 83.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 45 rectifié ter.
Mme Adeline Gousseau. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 45 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 88.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.
M. Guy Fischer. L'amendement n° 6 tend à réécrire en totalité l'article 4. Il précise notamment ce que recouvre la notion de perturbations prévisibles, notion qui conditionne l'application des mesures prévues au titre III. Cette précision était particulièrement nécessaire d'un simple point de vue juridique : en l'état, le texte était inapplicable.
Par ailleurs, vous proposez d'introduire, madame le rapporteur, l'obligation de desserte les jours d'examens nationaux, ce qui est évidemment contestable, car on ne peut pas interdire la grève les jours d'examens nationaux. Cette disposition est juridiquement très contestable et sera certainement censurée par le juge constitutionnel.
Enfin, cet amendement vise à renforcer les pouvoirs des représentants de l'État, autrement dit les préfets. Il tend à transformer en une véritable obligation la possibilité, pour les préfets, de suppléer aux carences des autorités organisatrices de transport dans la définition des dessertes prioritaires.
Nous avons soulevé, au travers de notre amendement de suppression de l'article, les contradictions de cette double compétence pour la définition des priorités de desserte, et par conséquent du périmètre d'exercice du droit de grève. Ce renforcement des pouvoirs du préfet aura pour conséquence directe de rendre ces contradictions encore plus nettes.
Cependant, sur le fond, la teneur des dispositions n'a pas évolué. Vous maintenez que les autorités organisatrices de transport, et à défaut le préfet, doivent définir les dessertes prioritaires, autrement dit le service minimum au regard des besoins essentiels.
Nous estimons, pour notre part, que l'exercice du droit de grève ne peut subir une telle « balkanisation », car, selon l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
Par conséquent, nous voterons contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Le groupe socialiste, auquel je suis rattaché, ne votera pas l'amendement n° 6 pour trois raisons essentielles.
En premier lieu, on prévoit que sera dressé à l'avance un plan virtuel de dessertes prioritaires, comme s'il était possible de le faire sans tenir compte du nombre de grévistes, de leurs compétences, des lignes auxquelles ils sont habituellement affectés, du matériel disponible, etc. C'est irréalisable !
De surcroît, différents niveaux de service seront établis en fonction de l'importance de la perturbation : ce sont donc en fait plusieurs plans de dessertes prioritaires qu'il faudra mettre en place après consultation des représentants des usagers. C'est irréalisable, ce n'est pas pragmatique, ce n'est pas sérieux !
On aurait pu nous présenter une disposition intéressante, que j'aurais sans doute approuvée, en prévoyant un contrôle a posteriori, c'est-à-dire un recensement par les responsables des transports et les représentants des usagers, après une grève, des dessertes qui pouvaient être assurées avec les moyens disponibles. En effet, les directions de la SNCF ou de la RATP et le Gouvernement ont parfois fait en sorte, dans le passé, de ne pas exploiter toutes les possibilités, afin de rendre la grève impopulaire.
M. Guy Fischer. On vous connaît, monsieur le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Faites-moi confiance, monsieur Fischer, vous en avez envie ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Il serait donc normal qu'un contrôle soit prévu, associant même les grévistes, pour vérifier que les dessertes ont été assurées autant que possible.
En deuxième lieu, à la lecture du texte présenté, je relève que les auteurs de l'amendement semblent maîtriser les conditions climatiques. J'estime donc qu'ils devront participer au « Grenelle de l'environnement », où ils pourront jouer un rôle très utile pour les dix à quinze ans à venir ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. En troisième et dernier lieu, j'aurais aimé que l'on soit plus précis s'agissant des grèves.
On a distingué les grèves qui surviennent lorsque le dialogue social a échoué, les grèves « émotionnelles », que l'on ne peut maîtriser et qui ne sont donc pas prévisibles, et les grèves nationales, avec manifestations. Pour ce dernier cas, vous auriez pu indiquer, madame le rapporteur, que les lieux de manifestation figureront parmi les dessertes prioritaires. En effet, dans la mesure où est prévue, à un article ultérieur, la possibilité de procéder à une consultation des salariés sur la poursuite de la grève, il importe que l'on puisse évaluer le nombre des participants au mouvement, et l'on ne va donc pas empêcher ces derniers de se rendre à une manifestation. Dans de telles circonstances, les dessertes prioritaires, ce sont évidemment les lieux de manifestation. (Rires au banc de la commission.)
M. Jean Desessard. S'agissant toujours des grèves, j'estime enfin que doit être considéré comme perturbation prévisible et très grave, et ce deux ou trois semaines à l'avance, l'examen de projets de loi antisociaux tels que celui dont un article tendait à instaurer le contrat première embauche, dénoncés par l'opposition parlementaire et par les syndicats, et risquant d'engendrer une paralysie de l'ensemble de l'économie française.
Voilà pour cet amendement dont le dispositif est irréaliste et qui n'est pas assez précis en ce qui concerne la nature des grèves. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Cet amendement me paraît très sensé.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Tout à fait ! (Sourires.)
M. Philippe Nogrix. En le lisant, on s'aperçoit que Mme le rapporteur a tout à fait compris le sens positif du texte. En effet, ce qui me surprend, c'est que l'on choisisse toujours l'ombre au lieu de se mettre au soleil. Pourquoi toujours regarder le côté négatif plutôt que le côté positif ?
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Pourquoi toujours opposer les syndicats à la population ? Pourquoi toujours soupçonner que l'on veut supprimer le droit de grève, alors que, finalement, cet amendement permettra surtout de consulter à la fois les représentants des usagers et les syndicats en cas de perturbation du trafic : ils vont enfin pouvoir discuter ensemble du bien-fondé ou non de telle ou telle revendication.
Je pense que les syndicats sortiront grandis d'un tel débat. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ils vont pouvoir expliquer pourquoi ils déclenchent une grève d'une ampleur donnée et, selon le cas, la population acceptera ou non de supporter les contraintes qu'imposera le mouvement de grève.
Où sont passés les partisans du débat participatif ? Où sont ceux qui clamaient qu'un tel débat est sans doute l'une des clés de la réconciliation de nos concitoyens ? (Mme Nicole Bricq s'exclame.) Cet amendement ne vise, à mon sens, qu'à permettre le débat participatif. Ce texte ouvrira la voie à une réconciliation de la population (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.),...
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Philippe Nogrix. ... au regard de la défense des revendications et de l'acceptation des contraintes que celle-ci peut entraîner. C'est pourquoi je voulais absolument soutenir l'amendement n° 6. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé et les amendements nos 19 rectifié et 63 n'ont plus d'objet.