Sommaire
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
2. Dépôt d'un rapport du Conseil de la concurrence
MM. Michel Billout, François Fortassin, Paul Blanc, Dominique Braye, Jean-Luc Mélenchon, Jean-Pierre Godefroy, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ; Charles Revet, président de la commission spéciale.
4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Serbie
5. Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
MM. Jacques Gillot, Nicolas Alfonsi, Jean-Luc Mélenchon.
Amendements nos 62 rectifié de M. Bruno Retailleau et 64 rectifié de M. Nicolas Alfonsi. - MM. Bruno Retailleau, Nicolas Alfonsi, Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale ; MM. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ; Josselin de Rohan, Philippe Nogrix. - Retrait de l'amendement no 62 rectifié ; rejet de l'amendement no 64 rectifié.
Amendement n° 65 de M. Yves Krattinger. - M. Yves Krattinger, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Jacques Gillot. - Rejet.
Amendement n° 16 rectifié bis de M. Hugues Portelli. - M. Christian Cambon, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement n° 75 de M. Michel Billout. - M. Michel Billout, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Rejet.
MM. Robert Bret, Jean-Luc Mélenchon.
Amendements nos 27 de M. Yves Krattinger, 1, 2 de la commission, 68 de M. Michel Billout et 17 rectifié de M. Hugues Portelli. - M. Yves Krattinger, Mme le rapporteur, MM. Guy Fischer, Christian Cambon, le ministre, Michel Billout, Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David. - Retrait de l'amendement no 17 rectifié ; rejet des amendements nos 27 et 68 ; adoption des amendements nos 1 et 2.
Amendement n° 3 de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption.
Amendement n° 74 de M. Michel Billout. - Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, le rapporteur, M. le ministre. - Rejet.
Amendement n° 18 rectifié de M. Hugues Portelli. - M. Christian Cambon, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Retrait.
Amendement n° 4 de la commission. - Mme le rapporteur, MM. le ministre, Yves Krattinger, Jean-Pierre Godefroy, Michel Billout, Jean Desessard. - Adoption.
Suspension et reprise de la séance
7. Démission d'un membre d'une commission et candidature
8. Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Amendement n° 76 de M. Michel Billout. - Mmes Annie David, Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale ; M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendements identiques nos 28 de M. Yves Krattinger et 77 de M. Michel Billout. - Mmes Gisèle Printz, Évelyne Didier, le rapporteur, MM. le ministre, Jean-Pierre Godefroy. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 3
Amendement n° 55 de M. Jean Desessard. - M. Jean Desessard, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Rejet.
Amendement n° 56 de M. Jean Desessard. - M. Jean Desessard, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Rejet.
Amendement n° 5 rectifié de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.
MM. Michel Teston, Michel Billout, Michel Mercier, Jean Desessard, Philippe Nogrix.
Amendements identiques nos 40 de M. Yves Krattinger et 69 de M. Michel Billout ; amendements nos 41 de M. Yves Krattinger, 6 de la commission et sous-amendements nos 44 rectifié quater, 45 rectifié ter de M. Hubert Haenel, 51 rectifié, 52 rectifié de M. René Beaumont, 53 rectifié de M. Charles Revet, 85 de M. Pierre Hérisson, 66 de M. Yves Krattinger, 88, 89 du Gouvernement, 22 rectifié bis de M. Hugues Portelli et 83 de M. Jacques Gillot ; amendements nos 19 rectifié de M. Hugues Portelli et 63 de M. Roland Ries. - MM. Yves Krattinger, Robert Bret, Mmes le rapporteur, Adeline Gousseau, MM. René Beaumont, Charles Revet, Mme Isabelle Debré, MM. Christian Cambon, Roland Ries, le ministre, Guy Fischer, Jean Desessard, Philippe Nogrix. - Retrait des sous-amendements nos 44 rectifié ter, 51 rectifié, 52 rectifié et 45 rectifié ter ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 40 et 69 ; rejet de l'amendement no 41 et des sous-amendements nos 66 et 83; adoption des sous-amendements nos 53 rectifié, 85, 22 rectifié bis, 88, 89 et de l'amendement no 6 modifié rédigeant l'article, les amendements nos 19 rectifié et 63 devenant sans objet.
MM. Michel Teston, Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 29 de M. Yves Krattinger. - Mmes Gisèle Printz, le rapporteur, M. le ministre. - Rejet.
Amendement n° 7 rectifié de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission et sous-amendement no 46 rectifié quater de M. Hubert Haenel. - Mmes le rapporteur, Adeline Gousseau, M. le ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendements nos 9 rectifié de la commission, 30 et 31 de M. Yves Krattinger. - Mme le rapporteur, MM. Michel Teston, le ministre. - Adoption de l'amendement no 9 rectifié, les amendements nos 30 et 31 devenant sans objet.
Amendement n° 70 de M. Michel Billout. - M. Michel Billout, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Rejet.
Amendements identiques nos 32 de M. Yves Krattinger et 71 de M. Michel Billout ; amendement n° 10 de la commission. - M. Yves Krattinger, Mmes Annie David, le rapporteur, MM. le ministre, Jean Desessard. - Rejet, par scrutin public, des amendements nos 32 et 71 ; adoption de l'amendement no 10.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
9. Nomination d'un membre d'une commission
10. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
11. Renvoi pour avis
13. Dépôt de rapports d'information
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
1
PROCÈS-VERBAL
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Dépôt d'un rapport du Conseil de la concurrence
Mme la présidente. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. Bruno Lasserre, président du Conseil de la concurrence, le rapport pour 2006 de cette autorité.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires économiques et à la commission des finances.
3
RAPPELs AU RÈGLEMENT
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, pour un rappel au règlement.
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est impossible de reprendre nos travaux sans évoquer les annonces de M. Fillon - et de vous-même, monsieur le ministre - concernant un service minimum dans l'éducation.
Dès hier soir, le Premier ministre annonçait la couleur : le texte dont nous débattons peut servir de « modèle pour être étendu dans d'autres secteurs, dont l'éducation nationale ».
M. Paul Blanc. Et alors ?
M. Michel Billout. Ce matin même, monsieur le ministre, vous enfonciez le clou sur une chaîne de radio en estimant « indispensable » un service minimum dans l'éducation nationale. Vous concluiez en affirmant : « Oui, nous voulons renforcer les minimums, cela veut donc dire renforcer les services publics », alors que le Gouvernement prévoit, dès la rentrée prochaine, 17 000 suppressions de postes dans l'éducation nationale.
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
M. Michel Billout. Vous allez bientôt devenir un champion du grand écart, monsieur le ministre !
Nous sommes donc confirmées dans nos craintes : votre projet de loi constitue un véritable cheval de Troie, entrant dans une bataille contre ce droit constitutionnel fondamental qu'est le droit de grève. Vous cachez l'essentiel à nos compatriotes ! La construction de grands services publics est un acquis du peuple, gagné par le peuple dans la lutte, notamment par la grève. Croyez-vous, monsieur le ministre, que ce sont les maîtres de forges d'hier, le patronat, dont vous reprenez mot à mot le programme aujourd'hui, qui a encouragé la création des services publics ?
Avec une démagogie qui n'a plus de frein, vous tentez de dresser les salariés les uns contre les autres pour parvenir à vos fins : retirer un élément moteur du progrès social, le droit de grève.
Monsieur le président de la commission spéciale, les déclarations du Gouvernement modifient, à notre sens, la portée de notre discussion. L'amendement de la commission évoquant une possible extension à l'avenir du service minimum à l'éducation nationale doit maintenant être lu sous un autre éclairage. Le Gouvernement juge indispensable une telle évolution. À quoi bon faire le bilan que vous préconisez puisque tout est déjà écrit ?
Un minimum de sérieux imposerait d'auditionner dans l'urgence les organisations professionnelles d'enseignants et les associations de parents d'élèves. Nous demandons une suspension de séance... (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Non ! On bosse !
M. Michel Billout. ... pour permettre...
M. Josselin de Rohan. Pour renvoyer la réforme aux calendes grecques !
M. Michel Billout. ... à la commission spéciale d'évoquer cette lourde évolution et de prendre les décisions qui s'imposent.
M. Paul Blanc. Démago !
M. Robert Bret. Où doit se dérouler le débat ? Au Parlement ou devant la télévision ?
M. Michel Billout. Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que M. Darcos, ministre de l'éducation nationale, inquiet des premières réactions syndicales, vient d'indiquer que « pour l'heure, un seul service minimum est envisagé, celui des transports ». Qui croire ? M. Fillon, M. Bertrand ou M. Darcos ?
Enfin, n'est-il pas regrettable que le Gouvernement choisisse la voie médiatique pour modifier le cours du débat parlementaire ? Cette manière de procéder confirme une dérive inquiétante du débat démocratique ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Michel Teston applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, je ne suis pas sûr que mon intervention soit réellement un rappel au règlement, elle se veut plutôt un rappel à M. le ministre. Je me garderai, en la circonstance, de me prononcer sur le fond - mes collègues le feront tout au long du débat - et me contenterai d'évoquer la forme.
Monsieur le ministre, voilà maintenant une quinzaine de jours que nous avons commencé à débattre de ce texte en commission, notamment avec vous, lors de votre très intéressante audition. Dès lors, il est quand même assez curieux que nous apprenions par les médias une modification sensible du texte.
M. Josselin de Rohan. Mais non ! Où avez-vous lu ça ?
M. François Fortassin. Vous pouvez vociférer autant que vous voudrez ! Nous avait-on parlé, il y a quinze jours, de l'extension du service minimum à l'éducation nationale ? Non ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Calmez-vous !
M. François Fortassin. Il est inadmissible que la représentation nationale soit traitée avec une telle désinvolture ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Josselin de Rohan. C'est du cinéma !
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Madame la présidente, je trouve ces rappels au règlement totalement déplacés. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
Je ne comprends pas pourquoi, dans notre pays, lorsqu'on lance des idées et qu'on essaie d'ouvrir un débat, celui-ci est systématiquement refusé.
Je n'observe pas autant de réactions sur les travées de l'opposition lorsque Jack Lang dit qu'il ne verrait pas d'objection à la suppression du poste de Premier ministre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a pas de débat au Parlement sur le rôle du Premier ministre !
M. Robert Bret. Ce n'est pas un projet de loi !
M. Paul Blanc. Le Premier ministre a lancé une idée, point final. Alors cessons ces procès d'intention ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Que notre collègue et ami François Fortassin me pardonne, mais ses allégations sont totalement hors de propos. Ou bien ce à quoi nous venons d'assister relève d'une mise en scène, ou bien nos collègues de l'opposition sont complètement à côté de la plaque ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Au moment où l'on attend de nos dirigeants politiques qu'ils abandonnent la langue de bois dans leurs déclarations et se prononcent en toute liberté, il me paraît étrange de ne pas les laisser exposer devant les citoyens français leur conception du service public. À moins que vous ne préfériez revenir au régime antérieur, où vous vouliez que les choses soient toutes cadrées préalablement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel régime antérieur ? Celui de M. Raffarin ?
M. Dominique Braye. Personnellement, je suis très satisfait que le Premier ministre ait pu exprimer sa conception des services publics.
Quelle est la différence entre un service public et un service privé ? Ce qui caractérise essentiellement le service public, c'est la continuité et la priorité donnée à l'usager.
M. Robert Bret. C'est comme cela qu'il fonctionne tous les jours !
M. Dominique Braye. Que le Premier ministre puisse dire que l'éducation des enfants est, à ses yeux, aussi importante...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec la suppression de 17 000 postes d'enseignants ?
M. Dominique Braye. ... que le fait d'être transporté sur son lieu de travail ne me paraît pas totalement illégitime, bien au contraire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Quoi qu'il en soit, cette question n'a rien à voir avec le projet de loi dont nous discutons actuellement. Il s'agit tout simplement d'une déclaration d'un ministre devant les télévisions. Par rapport à ce qui se passait avant, je suis heureux que ce ministre puisse, pour une fois, se prononcer en toute liberté !
M. Robert Bret. Belle conception du Parlement ! Parti de godillots !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi, je suis pour la libre expression du Parlement !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Madame la présidente, monsieur le ministre, les remarques de notre excellent collègue Braye me conduisent à appuyer les déclarations de mes collègues qui siègent sur les travées de la gauche.
S'il n'était question que du service public, cher collègue, nous vous écouterions avec intérêt. Mais le service public ne se limite pas à ce que vous en dites : il ne se résume pas à la continuité, nonobstant le fait de grève ; il ne se résume pas non plus à l'opposition entre la liberté individuelle de circuler ou d'aller travailler et la liberté collective de faire grève ! Le service public, c'est aussi bien d'autres choses.
Or, sur tous ces autres points, les actes du Premier ministre prennent le contre-pied de ce qu'il affirme maintenant : la continuité du service public de l'éducation nationale est davantage compromise par la suppression de 10 000 postes à la rentrée prochaine que par le fait de grèves. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. Dix mille sur un million deux cent mille !
M. Dominique Braye. Cela n'a rien à voir ! C'est faux !
M. Jean-Luc Mélenchon. Le service public, c'est aussi l'égalité d'accès de tous les citoyens au service. Cette égalité d'accès n'est plus garantie !
Le service public, c'est aussi l'universalité de traitement : qui que vous soyez, vous êtes traité de la même manière. Cette universalité n'est plus garantie du fait de la disparité des moyens alloués au service public, voire de l'absence de moyens.
M. Dominique Braye. C'est vrai depuis que vous avez dénaturé les services publics !
M. Jean-Luc Mélenchon. Par conséquent, vous êtes en contradiction avec les principes dont vous vous réclamez. La vérité, c'est que le service public n'est pas le vrai sujet du débat qui vient d'être ouvert.
Le vrai sujet, aujourd'hui, est le suivant : vous illustrez la traditionnelle figure de la revanche sociale ! Lorsque la droite gagne les élections, elle se venge sur les syndicats.
M. Alain Gournac. C'est dépassé !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous avez voulu nous faire croire que vous vous occupiez de transports... Mais ce n'est pas la grève qui met en cause les transports !
En région parisienne, nous le savons mieux qu'ailleurs, lorsque le train n'est pas à quai, cela n'est dû à un fait de grève que dans 3 % des cas. Dans les 97 % restants, cela est dû à l'usure du matériel ou à des personnes désespérées qui se jettent sur les voies,...
M. Dominique Braye. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... c'est-à-dire à deux faits sociaux sur lesquels nous pouvons intervenir pour les corriger. Commencez donc par vous occuper de ces 97 % et, ensuite, nous discuterons des 3 % qui résultent des faits de grève !
M. Alain Gournac. Que fait le STIF ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes exclusivement préoccupés d'opposer les Français les uns aux autres : celui qui travaille dans la motrice ou dans le train à celui qui attend sur le quai. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. La lutte des classes, c'est vous ! Ce n'est pas nous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous, c'est tout pour les riches !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vous en prie, monsieur Braye, ne m'obligez pas à forcer la voix ! J'essaie de présenter des arguments de raison. S'ils ne vous paraissent pas relever de la raison, combattez-les, mais par d'autres arguments !
La vérité, c'est que vous vous en prenez au service public des transports parce qu'il regroupe aujourd'hui la classe ouvrière la plus organisée de ce pays ! Et vous voulez lui infliger une défaite...
M. Dominique Braye. Vous ne représentez plus la classe ouvrière, c'est nous qui la représentons !
M. Jean-Luc Mélenchon. Peut-être, monsieur Braye, mais vous la représentez dans sa fraction la plus vulgaire et la plus vociférante ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Vous vous attaquez à la classe ouvrière organisée, et vous commencez par les transports...
M. Dominique Braye. Vous ne représentez plus les ouvriers !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vous en prie, mon cher collègue, supportez que quelqu'un parle et abstenez-vous de vociférer quelques instants !
Vous vous en prenez aux travailleurs des transports parce que vous allez vous attaquer aux régimes particuliers de retraite. Or c'est l'affrontement sur le régime des cheminots qui va vous coûter le plus cher.
M. Dominique Braye. Vous le reconnaissez !
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela est écrit en toutes lettres dans la presse économique réactionnaire !
Par conséquent, seul les naïfs peuvent faire semblant de croire que nous parlons d'autre chose ! Vous avez gagné les élections...
M. Dominique Braye. C'est ça, la vérité !
M. Jean-Luc Mélenchon. Madame la présidente, si M. Braye ne consent pas à se taire quand un de ses collègues parle, il l'oblige à hurler, ce qui est tout à fait déplaisant !
Mon collègue peut-il accepter de se taire afin que je termine ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Mélenchon.
M. Dominique Braye. Ne « mélenchons » pas tout !
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur, vos plaisanteries sur mon nom sont tout à fait déplacées ! Il est inadmissible d'être interpellé de cette manière ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean-Luc Mélenchon. Avec votre autorisation, madame la présidente, je vais essayer de terminer mon intervention, nonobstant ces calembours d'un goût douteux.
Je ne méconnais pas les difficultés qui peuvent survenir à tel ou tel moment dans le service public : nous devons en débattre, fort légitimement et fort naturellement, mais nous ne parlons pas de cela aujourd'hui.
Il s'agit aujourd'hui de la transformation d'une victoire politique en une revanche sociale,... (Non ! sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Les ouvriers sont de notre côté !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... et le Premier ministre, en s'exprimant comme il l'a fait hier soir, puis le ministre présent aujourd'hui au banc du Gouvernement n'ont fait que le confirmer.
M. Alain Gournac. Ce n'est pas un rappel au règlement, madame la présidente !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ne prenez pas ces airs indignés, mes chers collègues, vous le savez aussi bien que moi : c'est ce qu'attendent vos mandants ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais interpeller M. le ministre, de manière très calme et très courtoise, même si mon propos n'est pas forcément de nature à le satisfaire.
Il nous a été affirmé, hier, que ce texte ne concernait que les transports terrestres.
M. Dominique Braye. Oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons dit ce que nous en pensions. Nous y reviendrons tout à l'heure, mais nous venons d'apprendre qu'un dispositif identique pourrait être élaboré pour l'éducation nationale et pour d'autres services publics.
M. Alain Gournac. Non !
M. Josselin de Rohan. C'est faux !
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est ce qui a été dit !
M. Dominique Braye. Vous fantasmez !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je peux vous renvoyer au Monde, comme l'a fait obligeamment hier M. Gournac !
Nous voudrions donc savoir, monsieur le ministre, si ce texte relatif au service public dans les transports terrestres constitue un « ballon d'essai » et si le dispositif va être étendu à d'autres services publics ?
M. Josselin de Rohan. Vous connaissez la réponse !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il faudrait que les organisations syndicales soient informées de cette possibilité d'extension, car cela pourrait changer complètement leur point de vue sur ce projet de loi, y compris les organisations modérées. N'y a-t-il pas là une volonté de faire en sorte que le droit de grève soit progressivement réduit le plus possible, alors que vous allez vous attaquer, comme le souhaite M. le Premier ministre, aux régimes spéciaux de retraite ?
MM. Josselin de Rohan et Alain Gournac. Cela n'a rien à voir !
M. Dominique Braye. Vous mélangez tout, comme je le disais tout à l'heure !
M. Jean-Pierre Godefroy. En ce qui concerne les régimes spéciaux de retraite, on pourrait d'ailleurs évoquer les positions défendues par M. Sarkozy à une certaine époque, quand il n'était pas encore Président de la République : je veux parler du cas d'Électricité de France.
En tout état de cause, il serait souhaitable, monsieur le ministre, que vous nous précisiez si vraiment seuls les transports terrestres sont visés, ou s'il s'agit d'un ballon d'essai, d'un dispositif qui sera repris pour d'autres services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Vous le savez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, même ceux d'entre vous qui n'étaient pas présents en séance hier soir : ce texte concerne les transports terrestres. Cela est tout à fait clair. Je tiens d'ailleurs à indiquer à MM. Billout et Godefroy que, s'ils venaient à présenter, au cours de la discussion, des amendements visant à étendre le service minimum à d'autres secteurs que celui des transports terrestres, le Gouvernement émettrait un avis défavorable. (Rires sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Adressez-vous à la majorité !
M. Xavier Bertrand, ministre. En effet, vous avez l'un et l'autre évoqué cette éventualité tout à l'heure.
Je vous renvoie aux propos que j'ai tenus hier soir à cette tribune, quand j'ai expliqué pourquoi il était important de s'intéresser aux besoins quotidiens de la population et pourquoi notre texte visait les seuls transports terrestres. Ma position sur ce point est très claire, même si, comme je l'ai indiqué, d'aucuns, dans cet hémicycle, auraient souhaité que l'on aille plus loin.
S'agissant maintenant de ce qu'a déclaré hier M. le Premier ministre sur l'éducation nationale - je vous y renvoie car je n'ignore pas que les sénateurs, et pas seulement ceux qui siègent sur les travées de droite, sont très attentifs aux interventions des membres du Gouvernement ! -, ses propos montrent bien que le dispositif dont nous souhaitons la mise en place ne concerne que les transports terrestres. Cela étant, si le droit de grève est constitutionnel et légitime, une question se pose : comment fait-on pour assurer l'accueil des enfants quand il y a grève ?
Mme Nicole Bricq. C'est déjà organisé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En général, ils sont accueillis !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale. Non !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je parle bien de l'accueil des enfants ! Je suis également élu local !
Je vous le dis très sincèrement, compte tenu de ce que sont aujourd'hui la société, la politique et les rapports entre l'une et l'autre, il ne me paraît plus possible de laisser des questions légitimes sans réponse.
M. Robert Bret. Pourquoi ? Les enfants ne sont pas accueillis, en cas de grève ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale. Non !
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà le sens de ce qu'a dit M. le Premier ministre hier soir.
Si les Français se sont trop longtemps désintéressés de la politique, c'est aussi parce que l'on a considéré pendant des années que des questions comme celle de l'instauration d'un service minimum dans les services publics de transports terrestres étaient taboues !
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Mes propos ne visent pas une famille politique plutôt qu'une autre ; quelles que soient nos convictions, notre action doit tendre à réconcilier nos concitoyens avec la politique. C'est ce que je m'efforce de faire, et c'est aussi pourquoi j'ai voulu faire oeuvre de clarté, comme vous l'avez demandé, les uns et les autres : seuls les transports terrestres, je vous le confirme, entrent dans le champ du texte qui est soumis cette semaine au Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Nous avons connu hier, en fin de soirée, un moment de « défoulement », la discussion s'étant quelque peu emballée sous l'impulsion de M. Desessard... Cet emballement semble renaître cet après-midi, mais je crois qu'il faut en revenir au texte.
Nous avons, les uns et les autres, été associés à la préparation de ce débat. Ainsi, nous avons reçu les représentants de toutes les organisations, de tous les partenaires sociaux qui l'ont souhaité. Ce projet de loi vise bien les transports terrestres ; si, demain, il s'avérait que le dispositif que nous allons voter est tellement satisfaisant que l'on peut souhaiter son extension à d'autres domaines, il faudra étudier la question, mais nous n'en sommes pas là ! (Exclamations et rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. C'est à la droite qu'il faut le dire !
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Vous déposerez des amendements à cette fin si vous le voulez, mais ce n'est pas l'objet du présent texte. Tous les sondages montrent que nos concitoyens, les usagers attendent de nous que nous prenions des dispositions sur la continuité du service public dans les transports terrestres. Dans cette optique, je vous propose de reprendre nos travaux sur le projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Acte est donné de ces rappels au règlement.
4
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de serbie
Mme la présidente. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d'honneur, d'une délégation de l'Assemblée nationale de Serbie, conduite par une des premières femmes élues de ce pays, Mme Natacha Vuckovic. (M. le ministre, Mme et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Cette délégation effectue auprès des deux assemblées composant le Parlement français une visite d'étude dans le cadre de l'« Initiative jointe de soutien aux institutions parlementaires », développée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Les thèmes de cette visite sont forts : Europe, agriculture, environnement, technologies et affaires étrangères.
Le Sénat français est heureux d'accueillir cette délégation d'un grand pays auquel nous attachent une amitié historique et beaucoup de souffrances partagées durant les deux guerres mondiales.
Nous espérons que cette visite d'étude permettra à la délégation de mieux connaître les institutions parlementaires françaises, notamment de percevoir l'intérêt du bicamérisme - je pense qu'elle aura pu l'apprécier, voilà quelques instants, de manière particulièrement vivante ! (Rires.) -...
M. Christian Poncelet. Très bien !
Mme la présidente. ... et de la représentation des collectivités territoriales.
En votre nom à tous, mes chers collègues, je lui souhaite la bienvenue ! (Nouveaux applaudissements.)
5
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (urgence déclarée) (nos 363, 385).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE IER
CHAMP D'APPLICATION
Article 1er
Les dispositions de la présente loi sont applicables aux services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.
Pour l'application de la présente loi, on entend par :
1° « Entreprise de transport » : toute entreprise ou toute régie, chargée d'une mission de service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique ;
2° « Autorité organisatrice de transport » : toute collectivité publique, groupement de collectivités ou établissement public compétent, directement ou par délégation, pour l'institution et l'organisation d'un service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gillot, sur l'article.
M. Jacques Gillot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous entamons l'examen des dispositions de ce projet de loi, je souhaite évoquer les difficultés auxquelles, dans les départements d'outre-mer, et plus particulièrement en milieu rural, les autorités organisatrices de transport vont être confrontées pour la définition des priorités de dessertes en matière de transport scolaire.
On comprend parfaitement les intentions du rapporteur, qui a souhaité retenir le transport scolaire au titre des priorités de dessertes en cas de grève ou de perturbation du trafic.
Cependant, comme je l'indiquais, il reviendra aux autorités de définir ces priorités, et nous savons que, dans les zones rurales où il n'existe pas de solution de rechange au transport scolaire, chaque desserte est prioritaire.
Dans l'outre-mer, les entreprises qui sont chargées du transport terrestre régulier de voyageurs assurent aussi le service de transport scolaire. On peut donc prévoir que, en cas de grève ou d'incident technique, le transport scolaire sera touché comme l'ensemble du réseau.
En Guadeloupe, par exemple, 16 300 élèves des écoles primaires, des collèges et des lycées dépendent des transports collectifs, pour un total de 221 circuits de ramassage. Ainsi, nous risquons de nous retrouver dans une situation où, au sein d'une même famille, un enfant pourrait se rendre au collège, alors qu'un autre ne serait pas en mesure d'aller au lycée.
En conséquence, dans les zones rurales et dans les départements d'outre-mer, si l'on inscrit le transport scolaire comme une priorité, c'est l'ensemble du réseau qui devient prioritaire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à préciser que l'objectif n'est en aucun cas d'interdire l'exercice du droit de grève dans ces zones, mais de prendre en compte les contraintes propres à celles-ci.
De surcroît, comme on l'a déjà démontré ici, cette mesure paraît d'autant moins justifiée pour des réseaux qui sont relativement peu touchés par les grèves. Il conviendrait même de les préserver des tensions, inexistantes à ce jour, qui pourraient être induites par une mise en application généralisée du présent texte.
Par conséquent, il n'y a pas lieu, à mon avis, d'appliquer le présent dispositif au transport scolaire dans les zones en question ; il conviendrait plutôt d'exclure le transport scolaire de son champ d'application.
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord souligner que, si je n'ai pas pris part hier à la discussion générale, c'est parce que je ne nourris aucun préjugé à l'égard de ce texte. Après tout, il est dans l'air du temps ! Je ne dis pas qu'il arrive à son heure, mais enfin, après des années de cohabitation et de « ni-ni », puis les cinq années d'immobilisme qui viennent de se terminer, je ne suis pas choqué qu'il vienne en discussion.
Je me suis inscrit pour parler sur l'article 1er parce que j'ai constaté que, avec une habileté dialectique affirmée et beaucoup de bonhomie, le Gouvernement s'est borné, à cet article, à restreindre le champ d'application du texte au service public de transports terrestres, au motif qu'il est préoccupé exclusivement, je dis bien exclusivement, par les déplacements quotidiens : surgissent alors des images de métro, de trains de banlieue...
Le projet de loi pose d'emblée que deux acteurs sont nécessaires pour l'application du dispositif : une entreprise de transport et une autorité organisatrice de transport.
Je considère pour ma part qu'il aurait fallu inverser la démarche, c'est-à-dire constater l'existence d'un service public et le fait que, dans certains secteurs, et pas exclusivement celui des transports terrestres, les deux acteurs précités sont présents, afin d'en tirer toutes les conséquences, y compris pour le transport maritime et le transport aérien.
C'est ce que vous n'avez pas fait, monsieur le ministre. Votre objectif, comme l'indique le rapport de la commission, est simplement « d'améliorer la vie quotidienne des usagers dans les transports publics ». Mais vous prenez le soin de préciser : « Les transports maritime ou aérien n'étant pas considérés comme des transports publics réguliers... » Et depuis quand en serait-il ainsi ? Il existe des transports maritime ou aérien réguliers ! Les concepts de « vie quotidienne » et de « déplacements quotidiens » n'ont pas de sens : le véritable critère, c'est l'existence d'un service public. Après tout, bien des usagers du métro ne le prennent pas tous les jours !
Par conséquent, il y a là une erreur de conception, et je comprends très bien que le rapport envisage, quelque peu hypocritement à mon sens, une éventuelle extension, dans l'avenir, du dispositif du service minimum aux transports maritime ou aérien, au service postal, à l'éducation nationale... Les prémisses de la discussion que nous venons d'avoir à l'instant figuraient déjà dans le rapport de la commission.
Cela étant, puisque l'on a évoqué hier l'Alsace ou l'Île-de-France, je m'autoriserai maintenant à parler du cas de la Corse, car il existe dans cette région un service public de transport, qui donne lieu au lancement d'appels d'offres, et une autorité organisatrice de transport, la collectivité territoriale de Corse. Bref, on trouve tous les éléments qui devraient normalement conduire à l'application du dispositif. Cependant, j'ai pris la précaution, dans un amendement que je présenterai ultérieurement, de ne parler que du transport maritime, sans évoquer le transport aérien, afin de ne pas donner à penser que je voudrais aller au-delà du service minimum.
En tout état de cause, le texte qui nous est présenté vise exclusivement les transports terrestres. Si l'on n'y prend garde, il ne s'appliquera donc, en Corse, qu'à la ligne de chemin de fer Ajaccio-Bastia, ce qui aurait tout de même un côté surréaliste ! Je ne doute pas que beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, aient déjà pris l'avion ou le bateau pour se rendre en Corse, mais vous devez être bien peu nombreux à avoir emprunté la ligne de chemin de fer Ajaccio-Bastia ! Pourtant, s'agissant de la Corse, la portée du texte se limitera à cette dernière. (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous avez déclaré que ce texte n'avait pas été conçu seulement pour la SNCF, mais pour tous les services, et qu'il fallait respecter les engagements pris pendant la campagne, notamment lors d'une visite du Président de la République à Porto-Vecchio qui s'est déroulée en votre présence.
Je n'étais pas là pour vous écouter, mais ceux qui étaient présents ont sans doute compris - naïvement - que ce texte sur le service minimum allait également les concerner. Hélas, ce ne sera pas le cas ! Les engagements que vous prenez à travers ce texte ne vaudront tout simplement plus au-delà de Marseille !
Je n'ignore pas que, dans cette affaire, d'autres îles sont concernées - l'île d'Yeu, Belle-Ile... -, que Bruno Retailleau évoquera certainement tout à l'heure, mais vous comprendrez que je m'intéresse d'abord à un service qui est financé avec l'argent public, celui de la collectivité nationale, et de façon d'ailleurs assez scandaleuse, à telle enseigne que, si la Cour des comptes y mettait bon ordre, je ne m'en plaindrais pas !
Mon souci est aussi d'éviter que puissent se reproduire des actes de quasi-piraterie tels ceux que nous avons connus voilà quelques mois, lorsque, à l'occasion d'une très longue grève, des salariés de la compagnie se sont emparés d'un bateau à Marseille pour l'emmener au large. Il faudrait éviter de donner une fois de plus cette image des Corses.
Que les choses soient claires : avec ce texte, le principe d'égalité est rompu. Qu'est-ce qui justifie des degrés dans la pénalisation de l'usager au motif que l'un prendrait le métro régulièrement et l'autre, l'avion ou le bateau une fois par semaine ?
M. Bruno Retailleau. Il a raison !
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez répondre à ces interrogations à l'occasion de la discussion des amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. J'espère pouvoir, cette fois-ci, exposer mes arguments en étant un peu plus respecté.
Le président de la commission spéciale nous l'a rappelé : des sondages montrent que les personnes interrogées sont sensibilisées à la continuité de fonctionnement du service public. On ne peut lui donner tort, c'est un fait !
Cette sensibilité s'explique par toutes les perturbations que connaissent, notamment, les réseaux ferroviaires. Mais, comme Mme Nicole Bricq nous l'a expliqué hier soir de manière tout à fait probante, nous devons traiter ces dérèglements de façon globale. Si vous procédiez ainsi, nous pourrions être convaincus !
En effet, je l'ai dit, sur cent cas de perturbations, trois seulement se rapportent à un fait de grève, les autres étant liés à d'autres causes : le climat, le tirage du signal d'alarme de manière intempestive, les suicides et l'usure du matériel. Toutes ces causes devraient également être traitées si vous étiez réellement soucieux de la continuité du service public.
Or, naturellement, de cela il n'est nullement question : On ne s'occupe que du fait de grève de certains travailleurs du service public, pour en faire un exemple.
S'il s'agissait d'autre chose, le Gouvernement devrait appliquer le principe de continuité à d'autres services publics, par exemple le service public postal. Mais ce même gouvernement vient d'accepter la dérégulation postale totale et absolue, et les parlementaires de l'UMP l'ont votée, contrairement aux parlementaires socialistes, communistes ou écologistes français. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Allons, la directive, c'est Jospin !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est toujours le même sujet ! Si vous étiez vraiment soucieux de la continuité du service public, il faudrait vous demander si la dérégulation permettra de la garantir.
C'est donc le même gouvernement qui, d'un côté, organise une rupture de la continuité du service public et qui, de l'autre, ne s'intéresse qu'au fait de grève dans les transports ferroviaires.
Monsieur le ministre, comme vous l'avez très bien rappelé, les parlementaires de gauche sont très attentifs aux annonces du Gouvernement ; c'est bien normal, car nous ne sommes pas là comme un élément décoratif, mais comme une puissance de contrôle.
Ici, il ne s'agit pas de la parole de tel ou tel ministre qui aurait outrepassé la pensée du chef du Gouvernement, et qui se serait fait rappeler à l'ordre, comme j'ai eu personnellement à en connaître. Non ! Le Premier ministre nous annonce lui-même que le succès du service minimum lui permettra de l'étendre à d'autres services publics, comme l'éducation nationale.
Pour quelle raison ? On pourrait évoquer des dizaines d'autres services publics, mais il s'agit là de l'une des corporations les plus organisées et les plus syndiquées de ce pays, et l'une des plus emblématiques de l'idée que l'on se fait du service public et du travail qui peut être effectué pour le défendre.
Croyez-vous sérieusement que le problème de l'accueil des jeunes dans les écoles soit aujourd'hui à ce point insurmontable qu'il faille imaginer de contrevenir au droit de grève pour y répondre ? N'y a-t-il vraiment pas d'autre façon de s'organiser ? Localement, vous le savez aussi bien que moi, les problèmes sont réglés avec des moyens qui malmènent beaucoup moins nos libertés.
Monsieur le ministre, vous soulignez fort justement qu'il faut poser les questions légitimes et y répondre. Soit ! C'est une règle générale : lorsqu'il y a un dysfonctionnement, les usagers sont mécontents.
Un article du projet de loi prévoit qu'une consultation des travailleurs pourra être organisée après huit jours de grève pour savoir si celle-ci doit continuer ou pas. On se demande bien pourquoi : les travailleurs du service public, qu'ils soient ou non en grève, seraient-ils dépositaires à eux seuls de l'intérêt général ? Non, c'est la nation tout entière !
Si vous voulez demander aux travailleurs ce qu'ils pensent des conséquences de la gestion de l'entreprise par leurs collègues, pourquoi ne leur posez-vous pas la même question lorsqu'il s'agit de gestion patronale ? Pourquoi ne fait-on pas voter les travailleurs lorsqu'un patron envoie l'entreprise dans le mur, comme cela a été le cas dans certaines grandes entreprises ? Dans ces cas-là, on ne leur demande jamais leur avis ! Quand on délocalise, on ne cherche pas non plus à connaître leur opinion ! Quand on prépare un plan de licenciements, on ne les consulte pas ! Ce sera le cas seulement lorsqu'il s'agira de les faire voter contre leurs collègues. Et c'est évidemment le but de l'opération !
Monsieur le ministre, il y a un point sur lequel je veux vous donner absolument raison : selon vous, la pratique gouvernementale concourt à réconcilier les Français avec la politique. Sûrement ! En tout cas, elle prouve à tous les benêts qui ne se mêlent pas de politique que, très rapidement, c'est la politique qui s'intéresse à eux ! C'est exactement ce que vous êtes en train de faire en ce moment ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche est ainsi libellé :
I.- Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :
transport terrestre régulier
insérer les mots :
et maritime
II.- Après les mots :
transport terrestre régulier
procéder à la même insertion dans le troisième alinéa (1°) et dans le dernier alinéa (2°) de cet article.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je voudrais présenter mon amendement sous un angle différent de celui qu'a utilisé notre collègue Nicolas Alfonsi pour évoquer la Corse lors de son intervention sur l'article.
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur l'insularité. La France possède des îles et pas seulement l'Île-de-France ! (Sourires.) Or l'existence de ces îles pose un problème spécifique au regard de la continuité territoriale.
Pour beaucoup de nos concitoyens, les îles sont des destinations touristiques de rêve, mais il ne faut pas oublier que des milliers de gens y vivent douze mois sur douze. Or il s'agit ici d'un texte non pas de revanche sociale, mais de protection du grand public, et souvent du public le plus fragile, qui a besoin des transports et des services publics et qui n'a d'autre solution que d'y recourir.
Pensons simplement à ceux pour qui le bateau est le seul lien avec le continent : pour eux, il n'y aucune alternative, car il n'existe pas de liaison aérienne. Seul le bateau leur permet d'avoir accès à des services qui répondent à leurs besoins essentiels. En Corse, il y a des hôpitaux publics, des collèges, des lycées, alors que beaucoup d'îles sont dépourvues de toutes ces infrastructures. Ne serait-ce que pour aller consulter un médecin spécialiste ou pour accomplir un certain nombre de démarches administratives, à la préfecture ou à la sous-préfecture, il faut prendre le bateau !
Ainsi, même si ce texte va dans le bon sens, il risque malgré tout d'accroître quelque peu les inégalités. Effectivement, dès lors que le service minimum n'est assuré que pour les transports terrestres et les îliens n'ont d'autre choix que de prendre le bateau, il y aune rupture de l'égalité devant le service public.
Va-t-on créer une citoyenneté de deuxième zone pour ces insulaires ou va-t-on prendre en compte leurs besoins ? Je sais qu'un rapport doit être publié en octobre pour définir d'éventuelles extensions du champ d'application de la loi, mais je crains que ce ne soit pas suffisant.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de prendre en compte si ce n'est l'amendement, au moins ce cri des insulaires. Ils sont, certes, bien loin de Paris et de l'Île-de-France, mais leur lien avec le continent et avec les services publics fondamentaux passe par la liaison maritime. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. L'amendement n° 64 rectifié, présenté par M. Alfonsi est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
transport terrestre régulier
par les mots :
transports terrestre et maritime réguliers
II. - Procéder à la même substitution dans le troisième alinéa (1°) et dans le dernier alinéa (2°) de cet article.
III. - Procéder à la même substitution dans l'intitulé du projet de loi.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Je souhaite ajouter quelques informations à mes commentaires sur l'article.
En 1975, le Président Giscard d'Estaing et le Premier ministre Jacques Chirac ont arrêté le principe de la continuité territoriale, en vertu duquel la liaison entre Marseille et la Corse devait être subventionnée au même titre que la liaison ferroviaire entre, par exemple, Paris et Marseille.
C'est ainsi que cette subvention de continuité territoriale s'établit aujourd'hui à environ 170 millions d'euros, ce qui est considérable. Je le répète, si la Cour des comptes opérait quelques contrôles, personnellement, je n'y trouverais rien à redire...
Cette subvention destinée à assurer le service public se répartit entre le maritime, pour deux tiers, et l'aérien, pour un tiers.
Dans mon amendement, je me suis borné à viser le transport maritime. En effet, je ne souhaite pas défendre une position maximaliste : je veux simplement donner aux Corses le sentiment que, au moins sur le plan des principes, ils sont considérés comme les autres citoyens. Ainsi, même si ce service minimum n'est pas strictement appliqué, on pourra dire qu'il existe.
Nous sommes bien dans le cas où l'autorité organisatrice des transports définit l'offre de transport, le nombre de lignes, la fréquence et l'amplitude des horaires.
Je me demande bien en vertu de quels arguments cet amendement pourrait être refusé ! À partir du moment où une subvention est accordée par la collectivité nationale, où tous les Corses en profitent, où s'appliquent manifestement les arguments qui viennent d'être développés par notre collègue Bruno Retailleau, mais à une plus petite échelle, au nom de quoi ne saisirait-on pas cette occasion qui nous est offerte pour faire en sorte que le service minimum soit également assuré pour les bateaux reliant la Corse au continent.
Monsieur le ministre, j'attends avec impatience votre réponse. Je ne sais dans quel sens ira votre argumentation, mais je ne doute pas que mes collègues, toutes sensibilités confondues, seront sensibles à celle que je viens de développer.
Certes, il m'est souvent arrivé d'être seul ; je me rappelle, par exemple, que nous étions seulement deux sur cinquante et un à voter contre les accords de Matignon. Vous connaissez la suite : lorsque celui qui est depuis devenu Président de la République a organisé un référendum, sa proposition a été rejetée.
Même si, une fois de plus, je suis le seul à avancer certains arguments, ils ne sont pas nécessairement infondés. Quoi qu'il en soit, je souhaite que mon amendement soit accepté. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale. Je souhaite rassurer MM. Alfonsi et Retailleau : nous avons particulièrement réfléchi sur le sujet du transport maritime régulier de passagers. Je l'ai souligné hier soir lors de la discussion générale, les îliens ont besoin au quotidien de prendre le bateau pour accéder à l'enseignement ou aux soins médicaux.
Je n'ignore rien des problèmes qui se posent à cet égard à la Corse, mais ils n'entrent pas dans le cadre du présent projet de loi, qui porte sur les transports terrestres réguliers.
Quoi qu'il en soit, les réflexions qu'a conduites la commission à ce sujet l'ont amenée à déposer un amendement n° 15 tendant à insérer un article additionnel après l'article 9 et visant à prévoir la présentation au Parlement par le Gouvernement, avant le 1er octobre 2008, d'un bilan sur l'application de la loi que nous allons voter. Si elle se révèle efficace - en tant que rapporteur de la commission spéciale, j'aurai sans doute à me pencher sur cette question -, le dispositif sera étendu aux autres modes de transport régulier de voyageurs.
Mais, pour l'instant, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. J'émets également un avis défavorable.
Je l'ai dit hier au cours de la discussion générale, notamment lorsque j'ai répondu aux différentes motions, il est nécessaire que nous nous centrions sur les trajets quotidiens, car nous voulons viser ici les besoins essentiels de la population.
Pour autant, je ne méconnais pas la situation de certaines îles, auxquelles s'applique éventuellement aussi cette notion de quotidienneté. Cependant, si l'on étend le dispositif au transport maritime, on l'étend ipso facto au transport aérien. (M. Nicolas Alfonsi fait un signe de dénégation.) Ce n'est plus la même logique !
Vous le savez, il y a trois aspects dans ce dossier. Il y a l'aspect politique - ce que l'on veut faire, en fonction des engagements qui ont été pris et que l'on s'attache à tenir -, l'aspect juridique - ce que l'on peut faire -, qui nous contraint également, et la dimension pratique - ce que l'on sait faire.
Les uns et les autres, vous avez reconnu hier que, si l'on peut avancer aujourd'hui sur le service minimum dans les transports terrestres, c'est aussi parce que des accords ont été mis en oeuvre dans des entreprises comme la RATP et la SNCF.
Monsieur Alfonsi, s'agissant de l'île qui vous est chère, vous savez pertinemment que, en matière de dialogue, il existe des marges de progression, en dehors de tout texte législatif.
Très clairement, pour ce qui est des transports maritimes, nous ne sommes pas aujourd'hui dans la situation dans laquelle nous sommes depuis 1996 avec la RATP et la SNCF.
Si nous adoptions votre amendement, monsieur Alfonsi, alors que - je l'avoue et je l'assume - nous n'avons pas entrepris la moindre discussion avec les entreprises, les autorités organisatrices et les partenaires sociaux concernés, il nous serait difficile ensuite de tenir de grands discours sur la nécessité de la concertation !
La voie de la sagesse, et je le dis parce que ce sujet n'est pas tabou - il n'y a plus de sujet tabou, nous en sommes convenus hier à différentes reprises -, c'est l'amendement que vient d'évoquer Mme Procaccia, qui tend à prévoir la présentation d'un rapport d'évaluation. Toutefois, si les parties en présence engageaient une discussion entre elles dès à présent, ce serait une très bonne chose.
En tout cas, une chose est certaine, c'est que ce que nous sommes en train de faire n'est certainement pas inutile pour les secteurs qui vous intéressent.
M. Jean Desessard. On voit qu'on est dans le maritime, monsieur le ministre, parce qu'on rame ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Pas encore !
Mme la présidente. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. Ce débat m'a beaucoup intéressé car, dans une vie antérieure, j'ai été chef du service de la flotte de commerce à la direction générale des transports maritimes. J'ai donc vécu au quotidien les problèmes de continuité territoriale. En outre, en tant qu'élu d'une région littorale, je sais ce que sont les problèmes insulaires.
J'ai beaucoup de sympathie pour les amendements présentés par M. Retailleau et M. Alfonsi, car je sais qu'ils correspondent à des réalités très profondes, mêmes si elles ne sont pas identiques.
Je comprends parfaitement les préoccupations qui motivent l'amendement de M. Alfonsi - les troubles qui ont pu être organisés chaque année à la SNCM, en particulier au moment des départs en vacances, sont dans toutes les mémoires -, mais il ne s'agit pas des problèmes de desserte que connaissent les autres îles de nos côtes.
En effet, en Corse, il n'y a pas de monopole des transports maritimes : lorsque la SNCM est en grève, il est possible d'utiliser les services d'autres compagnies de transport maritime, Corsica ferries ou la compagnie italienne.
M. Robert Bret. Et il y a l'aérien !
M. Josselin de Rohan. En outre, comme l'a d'ailleurs dit Mme le rapporteur, le caractère régulier de ces transports n'est pas affirmé. Il ne s'agit donc pas tout à fait de la même chose.
Les autres îles sont desservies par des compagnies privées. Force est tout de même de reconnaître, cher collègue Retailleau, que les conflits sociaux n'y sont pas extrêmement nombreux !
M. Robert Bret. Surtout en Vendée !
M. Josselin de Rohan. Néanmoins, monsieur le ministre, il y a un problème maritime, sur lequel il faudra se pencher.
L'État a accompli des efforts considérables pour recapitaliser la SNCM. Aujourd'hui, si l'on est arrivé à maintenir cette entreprise à flot - on ne saurait mieux dire !-, c'est parce que le contribuable y a consacré énormément d'argent. Il est donc normal que, en contrepartie de cet effort national, ceux qui animent cette compagnie, qu'il s'agisse de ses dirigeants ou de ses salariés, fassent preuve d'un minimum de respect envers l'usager ou le client.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas ignorer que, tôt ou tard, il faudra entamer une réflexion sur ce sujet avec les syndicats des entreprises de transport maritime et qu'il faudra adopter des règles, dans la mesure où, comme l'a fort justement fait observer M. Alfonsi, la SNCM a des obligations de service public.
Nous avons bien compris que vous ne vouliez pas mêler tous les problèmes à la fois, les attaquer tous en même temps, mais, pour autant, il ne faut pas négliger cet aspect très important pour le développement économique de la Corse que représentent les liaisons entre celle-ci et le continent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. L'un d'entre nous est intervenu au sujet de la Corse, un autre à propos de la Vendée et il vient d'être question de la Bretagne. Pour ma part, j'insisterai sur le caractère quotidien des transports.
En Bretagne, les voies maritimes sont aussi importantes que les voies terrestres et, dans la plupart des cas, il n'y a pas d'autre moyen que le bateau pour rallier une île depuis le continent et inversement. Si vous voulez aller de Paris à Bordeaux et que vous avez peur en avion, vous pouvez toujours recourir au fer ou à la route ; quand vous habitez sur une île, vous n'avez d'autre choix que d'affronter la mer.
Monsieur le ministre, vous arguez du fait que vous n'avez pas entamé la concertation. Eh bien, c'était une erreur ! Il fallait le faire ! Un projet de loi sur la continuité du service public dans les transports réguliers de voyageurs devrait concerner tous les transports quotidiens et réguliers.
J'ajoute, cher collègue de Rohan, qu'en Bretagne les transports maritimes ne servent pas uniquement au moment des vacances : ils servent aussi à aller « au boulot », à l'hôpital, à l'école, bref, dans tous les lieux que l'on trouve sur le continent qui n'existent pas sur l'île.
Pourriez-vous donc prendre l'engagement, monsieur le ministre, de commencer à rencontrer les organisations syndicales de transport maritime dès la semaine prochaine ?
Je comprends très bien que ce qui compte, pour les Parisiens, c'est le métro, le RER, mais sachez que, chez nous, en Bretagne, nous sommes dépendants de la mer. Nous aimons la mer, nous avons besoin d'elle, nous avons besoin de nos îles et de nos îliens, nous avons besoin de toutes nos énergies, et cela quotidiennement.
Il faut donc engager la concertation avec les compagnies de transport maritime dès la semaine prochaine afin de garantir l'égalité sur l'ensemble du territoire, pour les habitants de toutes les îles, pas seulement pour ceux de l'Île-de-France.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je veux tout d'abord préciser que, en présentant l'amendement n° 62 rectifié, je ne songe pas à défendre spécifiquement le littoral vendéen. La France est une nation maritime : nous avons des îles normandes, bretonnes, vendéennes, méditerranéennes. Ce sujet concerne donc l'ensemble de la communauté nationale.
Il est vrai que, sur les côtes de la Manche et de l'Atlantique, il existe des compagnies privées, mais, dans le cas que je connais bien, elles ne travaillent essentiellement que l'été. En automne et en hiver, quand il y a très peu de clients, il n'y a évidemment plus que la compagnie publique qui fonctionne. Cela pose tout de même un problème.
Par ailleurs, je répète après Philippe Nogrix que, pour certaines îles, il n'existe aucune solution de remplacement, notamment aérienne.
Enfin, je rappelle que la plupart de ces îles, bien moins grandes que la Corse, sont dépourvues des services essentiels. Il n'y a pas d'hôpital public, pas de lycée, etc. Il s'agit donc d'une situation bien spécifique.
Monsieur le ministre, j'ai bien compris le problème qui est le vôtre. J'accepterai de retirer mon amendement contre l'engagement loyal et définitif - si tant est qu'il existe encore des engagements définitifs ! - selon lequel ce sujet sera pris en compte, car l'insularité est totalement oubliée dans toutes nos discussions.
Le présent projet de loi vise à protéger les usagers. Je souhaite donc que les insulaires soient eux aussi couverts un jour par un texte leur garantissant la mise en oeuvre du principe de continuité territoriale, le respect de l'égalité de tous, de l'universalité du service public. (M. Michel Bécot applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Sans vouloir retenir trop longtemps l'attention de la Haute Assemblée, je tiens tout de même à rappeler deux choses.
Certes, l'assimilation des autres îles à la Corse est physiquement acceptable, mais M. le ministre et la commission devraient tout de même se soumettre au principe de réalité.
En effet, le rapport de la commission indique que le transport maritime n'est pas considéré comme un transport public régulier. De qui se moque-t-on ? Ne peut-on pas parler de transport public régulier dès lors qu'une collectivité décide des horaires, des jours de circulation, attribue des subventions ? Ressaisissons-nous, mes chers collègues, et, encore une fois, ne laissons pas de côté les réalités !
Vous me dites, monsieur le ministre, qu'un rapport d'évaluation sera soumis au Parlement dans un an et que vous déciderez alors s'il faut étendre aux services maritimes les dispositions applicables aux transports terrestres, notamment d'Île-de-France. Tout cela n'est pas très raisonnable !
La vérité est politique. La vérité, c'est que, compte tenu des événements - je le dis pudiquement - qui se déroulent en permanence en Corse, mieux vaut, autant que faire se peut, la tenir à l'écart des préoccupations nationales ! (M. le ministre fait un signe de dénégation. -- Protestations sur les travées de l'UMP.)
Je maintiendrai donc mon amendement, dans l'espoir d'être démenti.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Alfonsi, vous savez que j'ai pour vous beaucoup de respect, mais laissez-moi vous dire que, si nous étions timorés, je ne serais certainement pas devant vous aujourd'hui pour présenter ce texte sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs ! Cela fait vingt ans qu'on parle de ce problème et nous sommes précisément réunis pour le régler. Pardonnez-moi de croire au volontarisme politique !
Je vous l'ai expliqué tout à l'heure, j'ai en permanence à l'esprit les trois dimensions - politique, juridique et pratique - de ce dossier.
Monsieur Retailleau, s'il ne m'est pas possible aujourd'hui de consentir à l'extension de ce dispositif, ce n'est pas pour des raisons liées au littoral vendéen, au littoral breton ou à la Corse. C'est tout simplement parce que ce projet de loi concerne les déplacements quotidiens de la population. Force est de reconnaître que les transports réguliers de voyageurs se font par voie terrestre. Voilà la vérité juridique.
J'ai été attentif aux interventions des uns et des autres et j'ai parfaitement reçu le message envoyé par le président de Rohan, mais, comme je n'ai pas pour habitude de stipuler pour autrui et que cette question relève de Dominique Bussereau, je ne saurais prendre un engagement qui ne dépend pas seulement de moi.
En revanche, je vous l'ai indiqué très clairement tout à l'heure, si un travail est mené dès maintenant par les autorités organisatrices avec les sociétés de transport local, le Gouvernement le suivra de près.
Je ne peux pas vous dire que le secrétariat d'État chargé des transports s'occupera de cette question dès la semaine prochaine, car Dominique Bussereau n'est pas là : ma réponse n'a aucun caractère d'opportunité politique, elle est purement pratique. En tout cas, je peux vous assurer que le message a été entendu. Ce qui nous anime, c'est tout simplement la volonté d'améliorer la situation des personnes concernées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Monsieur Retailleau, l'amendement n° 62 rectifié est-il maintenu ?
M. Bruno Retailleau. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 62 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 64 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 65, présenté par MM. Krattinger et Gillot, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par deux phrases ainsi rédigées :
Pour les transports scolaires, les dispositions de la présente loi ne s'appliquent qu'aux agglomérations de plus de 100 000 habitants. Ces dispositions ne s'appliquent pas dans les départements d'outre-mer.
La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Certains proposent des extensions du périmètre d'application de la loi ; pour ma part, je vous proposerai plutôt une réduction de celui-ci.
S'agissant des transports scolaires, en particulier dans les départements ruraux qui ne comportent pas d'agglomération de plus de 100 000 habitants et en outre-mer, force est de constater aujourd'hui que l'incidence des grèves est quasi nulle voire nulle. Il n'y a pas de conflictualité avérée et, globalement, de l'avis général, tout se passe bien, sinon très bien.
Dans ce contexte, ceux qui organisent les transports dans ces territoires ou ceux qui les représentent auprès des institutions - je veux parler du groupement des autorités responsables de transport, le GART, et de l'Assemblée des départements de France, l'ADF - considèrent qu'il n'y a pas lieu, pour ces territoires, de légiférer. Ils vous demandent donc d'éviter le risque qu'un texte ne perturbe un ordre établi qui donne satisfaction à tout le monde et n'engendre, demain, des tensions ou des conflits complètement inutiles.
Le transport scolaire est par définition un service adapté, je dirais même un service minimum. Comment pourrait-on le morceler ? Ou bien on transporte les élèves le matin et on les ramène le soir, ou bien on ne le fait pas ! On ne va pas choisir parmi eux : c'est au-dessus de mes forces et, je pense, de celles de mes collègues, qu'ils soutiennent le Gouvernement ou qu'ils soient dans l'opposition.
Je ne vois pas non plus comment les petites entreprises qui assurent plusieurs circuits vont pouvoir choisir. J'aimerais que les présidents de conseils généraux m'indiquent comment ils vont choisir les circuits qui devront se voir appliquer un service minimum.
Voilà pourquoi je vous propose d'exclure du champ d'application de la loi les transports scolaires organisés dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants et dans les territoires d'outre-mer, point sur lequel mon collègue Jacques Gillot est intervenu tout à l'heure. (M. Jean Desessard applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
S'agissant de l'exclusion de l'outre-mer, monsieur Gillot, je ne vois pas pourquoi les droits des usagers n'y seraient pas les mêmes qu'en métropole. Pourquoi n'auraient-ils pas le droit à une information sur les grèves et la régularité du transport ? Pourquoi n'y aurait-il pas, outre-mer, de négociation et de dialogue social entre les entreprises de transport et les syndicalistes ? Une telle exclusion me paraît incompatible avec le principe d'égalité des citoyens.
S'agissant de l'exclusion des agglomérations de moins de 100 000 habitants, monsieur Krattinger, je ne vois pas pourquoi, dans ma commune de 45 000 habitants, les autobus ne seraient pas dotés de systèmes d'information et de régulation.
En revanche, je comprends parfaitement vos préoccupations en matière de transports scolaires. Au cours des auditions que nous avons conduites, les autorités organisatrices nous ont fait part de leurs interrogations concernant l'éventualité du choix entre le collège, le lycée et l'école primaire.
Dans un premier temps, la commission s'est demandé s'il convenait d'exclure les transports scolaires. La position de la commission - vous le savez puisque vous y participiez - a finalement été le suivant : on ne saurait légiférer sur la continuité du service de transport et dire à des parents que, sous prétexte qu'ils vivent dans une commune de 1 000, de 50 000 ou de 99 000 ou habitants, leurs enfants ne sont pas concernés par le dispositif !
Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas ainsi que cela se passe !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. À l'article 4 du projet de loi, il est inscrit que les autorités organisatrices de transport ont une large capacité d'action et peuvent déterminer elles-mêmes la façon dont elles s'organisent.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. C'est à travers cet article, amélioré, je l'espère, par l'amendement de la commission, qu'il sera répondu à ces préoccupations sur les transports scolaires.
Quoi qu'il en soit, en vertu du principe de l'égalité des citoyens, y compris dans les villes de moins de 100 000 habitants et outre-mer, nous sommes absolument défavorables à l'amendement n° 65.
M. Jacques Gillot. C'est vraiment dommage !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Même si, comme vous le dites vous-même, monsieur le sénateur, il y a peu de jours de grève dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants, que se passera-t-il en cas de grève ? Si les habitants de ces agglomérations ne sont pas visés par le dispositif, se pose aussitôt un problème juridique de rupture du principe d'égalité devant la loi, car vous ne pouvez pas vous fonder sur la différence de taille de la commune pour justifier cette interdiction. Je puis vous assurer qu'il n'est pas possible d'aller dans cette voie.
Qui plus est, si l'amendement proposé par Mme Procaccia à l'article 4 est adopté, les examens nationaux seront intégrés dans les besoins prioritaires. Or, que l'on habite dans une agglomération de moins de 100 000 habitants ou de plus de 100 000 habitants, on passe les mêmes examens dans les mêmes conditions. Il y a là une contrainte juridique dont on ne peut s'abstraire.
Voilà pourquoi, pour des raisons à la fois politiques et juridiques, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote sur l'amendement n° 65.
M. Jacques Gillot. Je tiens simplement à apporter une précision à Mme le rapporteur. Je n'ai jamais dit qu'il fallait exclure les départements d'outre-mer des dispositions concernant le droit de grève dans les transports. J'ai toujours concentré mon intervention sur le transport scolaire.
Mme Nicole Bricq. Vous n'avez pas écouté, madame le rapporteur !
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo et Retailleau, Mme Papon, M. Souvet, Mme Sittler, MM. Grillot, Biwer, Huré, Milon, Seillier, Cléach et Cazalet, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et MM. de Richemont et Haenel, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
Ces services sont essentiels à la population car ils permettent la mise en oeuvre des principes constitutionnels suivants :
- la liberté d'aller et venir ;
- la liberté d'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement ;
- la liberté du travail ;
- la liberté du commerce et de l'industrie.
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Il s'agit d'un amendement de clarification.
L'article 1er contient les définitions qui permettent de mieux appréhender les dispositions de la loi instituant l'organisation de services publics de transport. Nous souhaitons ajouter que ces services sont essentiels à la population, car ils permettent la mise en oeuvre des principes constitutionnels suivants : la liberté d'aller et venir, la liberté d'accès aux services publics, la liberté du travail, la liberté du commerce et de l'industrie.
Je rappelle que ces principes, et eux seuls, sont visés par le Conseil constitutionnel comme pouvant limiter le droit de grève.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Ces exigences sont précisées et réitérées à l'article 4. Si le fait de les inscrire à l'article 1er peut satisfaire les signataires de cet amendement, cela nous convient parfaitement. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement. Ces principes seront ainsi énoncés dès l'article 1er. En outre, la mention de la liberté d'accès me semble particulièrement bien venue.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 75, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions de la présente loi ne peuvent faire l'objet d'utilisation comme conditions de recevabilité dans le cadre de la délégation de service public par appel d'offres.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Le service public des transports peut être assuré par des entreprises de transport privées, auxquelles on délègue l'exercice d'une mission de service public. Ces délégations sont soumises à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes.
Nous savons que l'autorité organisatrice de transport adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager.
Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire.
Or nous pensons que la procédure d'appel d'offres peut difficilement conduire à la concertation des représentants du personnel prévue par le projet de loi, à l'article 4 notamment.
En effet, on voit mal une entreprise organiser de telles consultations pour répondre à l'appel d'offres, dans l'incertitude d'obtenir le marché.
De plus, le risque est grand que l'entreprise accepte des conditions extrêmement contraignantes pour les salariés afin d'être la plus concurrentielle possible. Dès lors, la procédure instituée par le projet de loi présente un réel danger de dumping social.
Même si ce n'est pas l'objet du présent amendement, je ferai remarquer notamment que les modifications par avenant des contrats, qui sont également prévues dans ce projet de loi, risquent d'entraîner des conflits entre l'entreprise et les autorités organisatrices de transport, car elles ne manqueront pas, dans la plupart des cas, de modifier l'équilibre du contrat initial. En tant qu'élus locaux, nous savons bien qu'il est extrêmement difficile de négocier des avenants sur des contrats en cours.
En conséquence, la présence des éléments relatifs au contenu du service minimum dans le cahier des charges ne devrait pas, à notre avis, constituer un critère de sélection lors de l'appel d'offres.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est défavorable dans la mesure où cet amendement vise à empêcher les autorités organisatrices de transport d'utiliser comme critères d'appel d'offres les dispositions du projet de loi que nous vous invitons à adopter aujourd'hui.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Bien sûr !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet le même avis pour les mêmes raisons : on ne peut pas exclure certaines entreprises des dispositions du texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 75.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE II
DIALOGUE SOCIAL ET PRÉVENTION DES CONFLITS DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT
Article 2
I. - Dans les entreprises de transport mentionnées à l'article 1er, l'employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Dans ces entreprises, le dépôt d'un préavis de grève ne peut intervenir qu'après une négociation préalable entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives, dans les conditions prévues par l'accord cadre.
Des négociations peuvent également être engagées au niveau de la branche pour organiser une procédure de prévention des conflits et développer le dialogue social. Les accords de branche qui prévoient des règles d'organisation ou de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa s'appliquent dans les entreprises de transport où aucun accord cadre n'a pu être signé. L'accord cadre régulièrement négocié s'applique, dès sa signature, en lieu et place de l'accord de branche.
Un décret en Conseil d'État fixe les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa dans les entreprises de transport où, à la date du 1er janvier 2008, aucun accord cadre n'a pu être signé et aucun accord de branche ne s'applique. Les règles d'organisation et de déroulement ainsi prévues respectent les conditions posées au II. L'accord de branche ou l'accord cadre régulièrement négocié après cette date s'applique, dès sa signature, en lieu et place de ce décret.
II. - L'accord cadre prévu au premier alinéa détermine notamment :
1° Les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification, à l'employeur, des motifs pour lesquels elle envisage de déposer le préavis de grève prévu à l'article L. 521-3 du code du travail ;
2° Le délai dans lequel, à compter de cette notification, l'employeur est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives. Ce délai ne peut dépasser trois jours ;
3° La durée dont l'employeur et les organisations syndicales représentatives disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I. Cette durée ne peut excéder huit jours à compter de cette notification ;
4° Les informations qui doivent être transmises par l'employeur aux organisations syndicales représentatives, en vue de favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies ;
5° Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives et l'employeur se déroule ;
6° Les modalités d'élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable, ainsi que les informations qui doivent y figurer ;
7° Les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l'employeur, de la position des organisations syndicales représentatives, ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.
III. - Les accords cadres signés les 30 mai 1996 et 23 octobre 2001 à la Régie autonome des transports parisiens et le 28 octobre 2004 à la Société nationale des chemins de fer français, ainsi que les accords relatifs à la prévention des conflits conclus dans les entreprises de transport avant le 1er juillet 2007 demeurent applicables jusqu'à la conclusion de nouveaux accords, qui seront soumis aux dispositions du présent article.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Bret, sur l'article.
M. Robert Bret. Contrairement aux propos tenus par les membres de la majorité sénatoriale et par M. le ministre, l'état de la société française n'appelle pas aujourd'hui un durcissement de la réglementation du droit de grève.
On constate, d'une part, que le nombre et la longueur des conflits dans les entreprises ont largement diminué et, d'autre part, que la prévisibilité du trafic en cas de grève s'est nettement améliorée.
Dans ces conditions, les responsables des grandes entreprises de transport public ont clairement affiché leur préférence pour que le dialogue social se fasse par voie contractuelle. Ainsi, Anne-Marie Idrac affirmait encore privilégier le dialogue social et la négociation.
De plus, les exemples étrangers d'instauration d'un service minimum se révèlent être des échecs notoires, monsieur le ministre.
L'article 2 du projet de loi, qui vise à organiser une procédure de prévention des conflits par la négociation, instaure deux périodes de préavis successifs ayant en réalité le même objet.
La première période concerne les motifs pour lesquels une organisation syndicale envisage de déposer un préavis. La seconde concerne le délai de préavis de cinq jours avant le déclenchement de la grève, déjà prévu, je le rappelle, par l'article L.521-3 du code du travail.
Cette procédure constitue un obstacle bureaucratique caractérisé au droit de grève. Il aurait été plus opportun de veiller à l'application effective de la législation existante, notamment au respect par l'employeur de son obligation de négocier.
La combinaison des dispositions des articles 2 et 3 du projet de loi entraîne une contrainte supplémentaire dans l'exercice du droit de grève.
Il est prévu que l'accord cadre précise les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit et de la position des diverses parties. Or ces prérogatives relèvent habituellement de la liberté d'expression du syndicat et des délégués syndicaux, dans le cadre de leur mission.
Le Gouvernement commet une véritable erreur de jugement en posant le principe d'une loi avant même de s'interroger sur la nature réelle des réformes souhaitables pour assurer la continuité du service public. En effet, la défense du service public ainsi que la qualité et la sécurité des prestations fournies aux usagers sont non seulement indissociables des conditions de travail, de sécurité et de vie des personnels, mais aussi du respect des droits collectifs, des droits syndicaux et de la négociation dans les entreprises.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons aux dispositions de l'article 2 du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. S'il s'agit de discuter, qui peut être contre ? Il est évident que la négociation est le meilleur moyen d'empêcher les conflits de se produire.
Néanmoins, cet article laisse transparaître l'idée que les travailleurs abusent du droit de grève. C'est, en fin de compte, le fond du problème : un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, êtes convaincus que des travailleurs recourent un peu trop facilement au droit de grève et c'est la raison pour laquelle vous estimez qu'il faut augmenter les délais pendant lesquels ils seraient contraints de discuter.
Or la réalité est tout autre. Les travailleurs n'abusent pas du droit de grève. Sachez-le, la grève leur coûte !
Tout d'abord, contrairement à ce que donne à croire une légende complaisamment diffusée, les jours de grève ne sont pas payés ; leur paiement peut éventuellement, par la suite, faire l'objet d'une négociation. Nous serons d'ailleurs amenés à aborder ce point à propos d'un autre article du projet de loi.
Ensuite, pour le gréviste, la grève est source de stress. Croyez-vous qu'il soit facile de décider de laisser un train à quai ? (M. Jean-Pierre Braye s'esclaffe.) Ceux qui le pensent ne connaissent pas les cheminots et leur conscience professionnelle. Ceux-ci mesurent le service qu'ils rendent et les conséquences d'une grève pour les usagers.
Vous vous trompez donc complètement sur l'état d'esprit des travailleurs qui décident de faire grève. D'une manière générale, n'importe quel travailleur préférera toujours un bon accord à un mauvais conflit. Lorsque le préavis a été créé, c'était justement pour obliger à négocier avant que le conflit n'atteigne sa phase aiguë.
Il faut donc se poser la question suivante : pourquoi les préavis ne fonctionnent-ils jamais ? Les trois quarts du temps, ce n'est pas le fait de la partie ouvrière ; c'est dû à l'autre partie, qui décide d'aller à l'épreuve de force.
J'estimais nécessaire de vous dire tout cela afin que ne se répande pas l'idée que la grève est un exercice facile.
Par ailleurs, vous faites continuellement référence aux expériences étrangères. Il faut dire que, en France, on adore dire du mal de ce qui se passe chez nous, et l'on se bouscule même au portillon pour cela ! (M. le ministre proteste.)
Je ne vous accuse pas, monsieur le ministre. J'interviens préventivement, connaissant le goût immodéré des uns et des autres pour dénigrer la réalité française.
M. Dominique Braye. Vous en savez quelque chose !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mon cher collègue, pendant l'examen du projet de loi relatif aux libertés des universités, c'est plutôt vous qui avez passé votre temps à dire du mal de l'université française. Moi, au contraire, je m'attachais à la défendre.
Pour en revenir à notre sujet, mes chers collègues, je suis au regret de vous dire que les expériences étrangères, qui font toujours rêver, surtout lorsqu'on ne les regarde pas de trop près, ne marchent pas du tout.
En Allemagne, le droit de grève est considérablement plus restreint qu'en France. Je tiens à l'apprendre à ceux que la réalité allemande intéresse, les syndicalistes allemands revendiquent dorénavant le droit de faire grève « comme les Français ». Ils parlent de « grèves politiques ». Autrement dit, ils réclament le droit de faire grève pour d'autres raisons que celles concernant directement leur seule entreprise. Ils considèrent donc que la démocratie n'est pas achevée chez eux et qu'elle est bien plus aboutie chez les Français, et ils ont raison
M. Jean Desessard. Pensez au référendum !
M. Alain Gournac. C'est comme ça qu'on a hérité de Cohn-Bendit !
M. Jean-Luc Mélenchon. Les Français montrent souvent la « voie » dans de nombreux domaines, même si je ne veux pas abuser de ce terme dans un débat où nous parlons des chemins de fer. (Sourires.)
On nous cite également le cas de l'Italie en nous disant : « Si les Italiens, qui n'ont pas la réputation d'avoir la rigueur prussienne, en sont capables, pourquoi, nous, Français, n'en serions-nous pas capables ? ». La raison en est simple : ce système ne fonctionne pas en Italie !
Il ne faut pas parler de la grève en général, mais s'attacher à des cas précis. Ainsi, quelles sont les grèves qui se déclenchent soudainement sans préavis ? Eh bien, ce sont celles qui sont liées à une émotion, par exemple celles qui font suite à l'agression d'un contrôleur ou à un accident. Dans ces conditions, aucune législation ne les arrêtera. Car, face à l'émotion, les travailleurs se sentent immédiatement solidaires !
M. Yves Krattinger. Bien sûr !
M. Jean-Luc Mélenchon. Le droit de grève s'apparente alors à un droit de retrait.
M. Yves Krattinger. Absolument !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous pouvez imaginer n'importe quel mode de préavis, aucun ne fonctionnera. C'est d'ailleurs ce qui se passe continuellement.
Je pourrais également prendre l'exemple portugais, autre merveille qui fait se pâmer d'aise les gens qui s'expriment sur ce sujet. Mais lui non plus ne fonctionne pas !
Dans les pays à forte tradition de discipline syndicale, la centrale syndicale a beau appeler à la raison en disant « les gars, les filles, on va d'abord discuter un peu plus », rien n'arrête les travailleurs qui ont décidé de se mettre en grève. Patatras ! Quand la coupe est pleine, elle déborde.
Résultat : dans tous les pays où le droit de grève est réglementé, les grèves sont plus sauvages et plus dures. Pourquoi ? Parce que, quand la loi est à ce point contraire aux libertés fondamentales, la liberté reste la plus forte. Vous le verrez, c'est ce qui se produira !
Si cet article part d'une bonne intention - on peut au moins vous rendre cette grâce -, à savoir élargir le champ de la discussion, il n'aboutira en fait qu'à une aggravation de la situation. C'est la raison pour laquelle la loi ne sera pas respectée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 27, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mmes Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I de cet article :
Des négociations sont engagées au niveau de la branche des entreprises de transport terrestre de personnes pour organiser une procédure de prévention des conflits dans le cadre du développement du dialogue social avant le 1er janvier 2009.
Dans les entreprises de transport mentionnées à l'article premier, l'employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature d'un accord cadre organisant une procédure de prévention des conflits. L'entreprise en informe l'autorité organisatrice de transports. Pour être valable, l'accord cadre doit avoir été signé par une ou des organisations ayant recueilli plus de la moitié de suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles.
Dans ces entreprises, le dépôt d'un préavis de grève pour des motifs liés au fonctionnement de l'entreprise ne peut intervenir qu'après une négociation préalable entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives dans les conditions prévues par l'accord cadre.
Les accords de branche qui prévoient des règles d'organisation ou de déroulement de la négociation préalable s'appliquent dans les entreprises de transport.
La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Il nous a semblé que le souhait du Gouvernement et de sa majorité d'aller vite, conformément au voeu du Président de la République - puisque c'est ainsi que vous nous présentez les choses -, pourrait conduire à entraver la réalisation du dialogue social.
Nous observons, avec les organisations syndicales et les représentants des employeurs que nous avons auditionnés en commission spéciale, que le délai imposé au 1er janvier 2008 est impossible à tenir. Tous l'ont dit ! Dans les entreprises où des accords ont été conclus, il a fallu au moins douze à dix-huit mois, voire davantage, pour parvenir à régler tous les problèmes techniques.
Tout le monde le sait, il n'est pas possible d'envisager de contraindre toutes les entreprises à conclure un accord en six mois, à moins que le Gouvernement, sous couvert de dialogue social, n'ait en fait décidé que les règles de la négociation préalable seraient fixées par décret en Conseil d'État. C'est un point qu'il conviendrait d'éclaircir, monsieur le ministre. Nous aimerions en effet connaître vos intentions en la matière.
Nous proposons donc que la date butoir soit reportée d'un an, au 1er janvier 2009, et, surtout, que la procédure de prévention des conflits soit d'abord négociée au niveau de la branche, et ce pour trois raisons.
La première raison est que, même si la fixation d'une date butoir est une forme d'injonction à l'égard des partenaires sociaux, le souci permanent qu'on a des usagers conduit à souhaiter que des négociations se tiennent réellement, et dans des conditions acceptables.
La deuxième raison est pratique. La RATP, la SNCF et les grosses régies d'agglomération ne sont pas les seules entreprises concernées par votre texte. Le transport terrestre régulier de voyageurs est réalisé par une multitude de petites sociétés, voire de micro-entreprises, tout particulièrement dans le secteur rural. Malheureusement, elles sont souvent dépourvues de représentant du personnel. Elles ne seront donc pas en mesure de négocier et de mettre en place un accord cadre. Les y contraindre, c'est s'en remettre en fait au décret, comme nous l'avons déjà dit.
La troisième raison concerne un aspect fondamental du droit du travail sur lequel vous êtes revenus depuis la loi Fillon de 2004, déjà consacré au dialogue social : le principe de faveur. Jusqu'alors, un accord d'entreprise ne pouvait déroger à un accord de branche que pour des dispositions plus favorables. L'accord de branche avait donc une fonction de garantie, tant à l'égard des salariés de la branche qu'en matière de sécurité juridique.
La loi de 2004, conformément à une revendication récurrente du MEDEF, a fait sauter ce bouclier. Aujourd'hui, nous n'avons plus rien !
Votre texte peut donc proposer que l'accord de branche devienne subsidiaire à l'accord d'entreprise. Nous sommes bien sûr opposés à cette démarche, qui a d'ailleurs commencé à être prise en compte dans les discussions au sein de la commission spéciale.
Je le répète, cette démarche sera source d'incohérence et d'insécurité juridique, d'autant que la validité d'un accord d'entreprise n'est subordonnée qu'à l'absence d'opposition d'un ou de syndicats non signataires représentatifs dans l'entreprise, ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles, et ce à condition que le quorum ait été atteint, conformément à un arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2006.
Sans revenir aujourd'hui sur les questions complexes de hiérarchie des normes, puisque tel n'est pas le sujet, nous tenons à rappeler que la prééminence des accords de branche majoritaires est un principe essentiel du droit du travail. Dans le cas qui nous intéresse, ce système serait meilleur et apporterait plus de garanties pour l'avenir.
Dans le dernier alinéa de notre amendement, nous rappelons simplement que les accords de branche prévoyant des modalités d'organisation et de déroulement de la négociation préalable ont vocation à s'appliquer de manière automatique dans toutes ces petites entreprises. Ainsi, le problème serait réglé.
Du système proposé par votre texte il résulte qu'il n'y a pas d'incitation réelle pour un accord de branche et que les accords d'entreprise seront difficiles à négocier et à mettre en oeuvre, car ils peuvent ne pas être cohérents.
Visiblement, la phrase principale de l'article 2 est celle qui est relative au décret en Conseil d'État. C'est ce à quoi on aboutira finalement. En fait, le dialogue social est un rideau de fumée.
Afin de lui rendre malgré tout un peu de vigueur, nous proposons que, dans les entreprises où il pourra aboutir, l'accord cadre fasse l'objet d'une majorité d'engagement, c'est-à-dire qu'il soit signé par une ou des organisations majoritaires. Il nous semble aussi que, sur un sujet aussi délicat que l'exercice du droit de grève, en pratique, cette précaution ne serait pas superflue, je l'ai déjà dit hier.
En outre, il nous semble indispensable de rappeler que la procédure restrictive au dépôt d'un préavis de grève, que vous mettez en place, ne s'appliquera que si les motifs du préavis sont liés au fonctionnement de l'entreprise. Jean-Luc Mélenchon vient en effet de l'évoquer. Si tel n'était pas le cas, quel serait le contenu de la négociation entre les représentants des salariés et l'employeur ? Un constat d'échec serait alors inévitable.
Enfin, si les motifs du préavis ne sont pas liés à l'entreprise, il n'y a pas lieu d'empêcher que le droit de grève soit exercé par les salariés immédiatement, à moins que vous ne souhaitiez - il faudrait aussi éclaircir ce point, monsieur le ministre - qu'une grève interprofessionnelle devienne illégale dans les entreprises de transport. Ce point ne figure pas noir sur blanc dans le texte, mais il mérite que l'on s'y arrête compte tenu des intentions que l'on pressent dans les propos de certains.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du I de cet article, après les mots :
et les organisations syndicales représentatives
insérer les mots :
qui envisagent de déposer le préavis
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte une pratique existante dans les entreprises de transport : avant le dépôt d'un préavis de grève, la négociation préalable entre l'employeur et tous les syndicats représentatifs doit être limitée à la direction et aux syndicats qui envisagent le dépôt du préavis.
Cette mesure permettra d'alléger la procédure de négociation et évitera d'avoir à débattre avec certains syndicats de revendications qu'ils ne partagent pas nécessairement, ou qui ne les concernent pas s'il s'agit de syndicats catégoriels. Faute d'une telle précision, des syndicats représentant des conducteurs, par exemple, seraient amenés à négocier sur des revendications concernant les conditions de travail des commerciaux.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa du I de cet article :
Des négociations sont également engagées au niveau de la branche en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement, qui prend en compte une des préoccupations du groupe socialiste et de M. Krattinger, prévoit qu'un accord de branche sera également signé avant le 1er janvier 2008 pour toutes les petites entreprises qui n'ont pas de structure de négociation.
Aux termes du texte proposé pour l'article 2 du projet de loi, des négociations « peuvent » être engagées au niveau de la branche. La commission souhaite qu'un tel accord soit signé, ce qui permettra d'éviter le recours au décret en Conseil d'État.
Mme la présidente. L'amendement n° 68, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du I de cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à supprimer le troisième alinéa du I de l'article 2.
Selon nous, il n'appartient pas au pouvoir réglementaire de fixer les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa de cet article.
Dans sa décision en date du 22 juillet 1980, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il appartient au législateur de déterminer les limites du droit de grève, lequel a valeur constitutionnelle, et que la loi ne saurait comporter aucune délégation au profit du Gouvernement, de l'administration ou de l'exploitant du service en vue de la réglementation du droit de grève.
L'intervention du législateur est donc indispensable pour aménager l'exercice du droit de grève.
De plus, ce principe est posé par l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946 et par l'article 34 de la Constitution.
En effet, l'article 34 de la Constitution réserve à la loi le soin de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale, et de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques.
En renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable, l'article 2 du projet de loi ne se borne pas à laisser au Gouvernement le soin de déterminer les modalités d'application des conditions d'exercice de la négociation préalable. Il laisse au pouvoir réglementaire le soin d'édicter des normes relatives à la négociation préalable qui constituent un élément substantiel des modalités d'exercice du droit de grève
Par conséquent, le législateur en se déclarant incompétent au profit du pouvoir réglementaire viole l'article 34 de la Constitution.
De surcroît, il serait plus pertinent, au regard de l'objectif d'amélioration du dialogue social, de renoncer à ce que des actes unilatéraux s'imposent, voire s'opposent, aux différents partenaires sociaux.
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau et Souvet, Mme Sittler, MM. Grillot, Biwer, Huré, Milon, Seillier et Cléach, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du I de cet article :
Un décret en Conseil d'État fixe les règles transitoires d'organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa dans les entreprises de transport. Il entrera en vigueur lors de la promulgation de la présente loi et s'applique à défaut d'un accord de branche ou un accord cadre régulièrement négocié.
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Nous souhaitons que l'esprit du dialogue social entre en vigueur le plus rapidement possible.
Il convient de prévoir une mise en oeuvre rapide de ces nouvelles règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable afin de ne pas attendre le 1er janvier 2008 pour l'application effective des dispositions de la loi.
À cet effet, le présent amendement prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe des règles transitoires, lesquelles s'appliqueraient à défaut d'un accord de branche ou d'un accord cadre régulièrement négocié.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 27, 68 et 17 rectifié ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 27, qui vise à réécrire le I de l'article 2, car il réécrit également les dispositions relatives aux négociations de branche que nous appelons de nos voeux pour aider les petites entreprises.
Vous imposez la conclusion d'accords majoritaires. Cela risque de compliquer la signature des accords. De plus, l'ensemble des syndicats veulent réexaminer le principe des accords majoritaires dans le cadre du dialogue social - nous l'avons entendu en janvier dans toutes les discussions sur le dialogue social -, et je ne crois pas que cette question puisse être envisagée au détour d'un amendement déposé sur ce projet de loi.
Enfin, vous restreignez le champ d'application de la négociation préalable.
Vous proposez, s'il s'agit d'une grève interprofessionnelle ou si le motif de la grève est national, que la procédure de négociation préalable ne s'applique pas. Nous pensons au contraire qu'elle doit s'appliquer. Il faut qu'au moins l'entreprise et le syndicat puissent discuter.
Effectivement, la discussion ne pourra pas porter sur l'abrogation d'une loi qui ne les concerne pas. Néanmoins elle pourra peut-être, dans un premier temps, amener le syndicat et l'entreprise à s'organiser un peu mieux et à déterminer quelle est l'étendue de la grève, et, dans un second temps, conduire le syndicat à donner des consignes qui tiennent compte de la réalité du terrain.
En ce qui concerne l'amendement n° 68, monsieur Fischer, le risque n'existe pas, puisque, théoriquement, tous les accords de branche devraient être signés avant le 1er janvier 2008.
M. Guy Fischer. Ça va être dur !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Nous souhaitons tout de même prévoir dans le texte la possibilité de recourir à un décret en Conseil d'État pour le cas où il y aurait un problème de délai. Il s'agit simplement d'un filet de sécurité.
Aussi, j'émets un avis défavorable sur votre amendement.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 17 rectifié. Ce que vous proposez, monsieur Cambon, est un peu trop rapide. J'espère que les accords seront signés. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait aller encore plus vite.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Xavier Bertrand, ministre. En ce qui concerne l'amendement n° 27, je veux dire à M. Krattinger que j'aime bien le terrain et donc les accords d'entreprise.
Il faut savoir que, grâce à un amendement qui sera adopté tout à l'heure, nous sommes d'accord sur l'obligation d'ouvrir des négociations de branche. Cette disposition ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. C'est la preuve de l'ouverture que j'ai évoquée hier à la tribune.
En revanche, l'accord de branche sera supplétif : il pourra y avoir l'un ou l'autre, l'un et l'autre, mais, en tout état de cause, il n'y aura aucun problème si quelqu'un souhaite aller directement vers l'accord d'entreprise.
D'ailleurs, je ne crois pas à la fatalité de l'échec ou du non-engagement des accords d'entreprise. Si j'en juge par les très nombreux contacts que nous avons eus au titre de la concertation, les faits risquent de donner tort à ceux qui aujourd'hui s'inquiètent à ce sujet.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, d'autant que je ne vous rejoins pas sur l'allongement du délai de négociation. Cela fait vingt ans qu'on en parle : si en cinq mois on n'est pas capable de se mettre d'accord, on n'y arrivera jamais !
Voilà pourquoi nous pensons que cinq mois doivent suffire à établir très clairement les modalités de cette négociation.
Pour la même raison, je me vois contraint de demander à M. Cambon de bien vouloir retirer l'amendement n° 17 rectifié. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Certains trouvent le délai de cinq mois trop long, d'autres le jugent trop court : c'est donc que la proposition que vous fait le Gouvernement n'est certainement pas loin de la meilleure solution ! (Sourires.)
L'amendement n° 1 est ambigu. Vous proposez que ce soit l'organisation qui dépose le préavis qui soit associée à la négociation préalable. Or il ne faut pas oublier qu'au titre de la loi du 4 mai 2004 chaque négociation, et pas seulement celle qui porte sur le préavis de grève, implique la convocation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives. Il existe donc une différence entre le préavis - vous proposez qu'éventuellement une seule organisation participe à la négociation - et la négociation des accords proprement dits qui, justement, implique la présence de l'ensemble des organisations syndicales.
C'est en raison de cette ambiguïté que le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 2.
Quant à l'amendement n° 68, j'ai bien entendu l'argumentation qui est la vôtre, monsieur Fischer, mais je n'adhère pas à votre conclusion.
Vous l'avez compris, avec ce texte, nous nous en tenons aussi à une obligation de résultat. Si nous avons prévu la possibilité d'agir par décret, c'est tout simplement pour ne pas dire : « on a essayé, ils n'ont pas réussi, tant pis ! » Nous devons absolument aboutir à un résultat.
Je vous ferai néanmoins une confidence : je suis persuadé que nous n'aurons pas à utiliser cette voie de recours que constitue le décret en Conseil d'État. En effet, comme vous, je souhaite que le dialogue social se porte bien et je suis convaincu qu'il sortira renforcé de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de cet amendement, la commission propose que seules les organisations syndicales représentatives qui ont notifié leur intention de déposer un préavis de grève participent à la négociation préalable prévue au présent article.
Nous ne pouvons que nous opposer à une telle mesure.
En effet, eu égard à l'objectif prétendu du texte, à savoir l'instauration d'un dialogue social plus abouti et une meilleure prévisibilité de service, cette disposition nous paraît totalement contre-performante.
S'il s'agit de prévenir les conflits, nous estimons que l'ensemble des organisations syndicales doivent participer à cette négociation. J'avoue ne pas très bien comprendre l'argumentation de Mme le rapporteur. En effet, plusieurs organisations syndicales peuvent représenter la même catégorie de personnel. C'est d'ailleurs assez fréquent dans le paysage syndical français.
Imaginez la situation !
Une organisation syndicale représentative notifie à la direction son intention de déposer un préavis. Celle-ci entreprend donc la négociation préalable et un accord est trouvé. Or si cet accord ne convient pas aux autres organisations syndicales et qu'elles notifient à leur tour en réponse leur intention de déposer un préavis de grève, la situation deviendra ubuesque.
Nous estimons que, pour prévenir effectivement toute conflictualité, l'ensemble des organisations syndicales doivent pouvoir participer à la négociation préalable dès lors qu'une organisation syndicale représentative du personnel a notifié son intention de recourir à la grève.
Pour aller plus loin, nous proposons également - c'est l'objet de l'un de nos amendements - que, à l'issue de la négociation préalable, seuls les accords majoritaires puissent être validés. Il s'agit, là encore, de prévenir la conflictualité au sein de l'entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis tout à fait d'accord avec M. Billout et j'avais l'intention de faire les mêmes remarques que lui.
Si vous voulez véritablement ouvrir le dialogue au sein de l'entreprise, toutes les organisations syndicales présentes dans l'entreprise doivent pouvoir participer à la négociation, même si la sollicitation n'émane que d'une organisation syndicale.
À défaut, comme l'a souligné mon collègue, un accord pourrait intervenir entre une seule organisation et la direction, accord qui ne conviendrait pas aux autres organisations syndicales.
Et là, madame le rapporteur, il y a un piège : si on se réfère par anticipation à l'article 3 du projet de loi, on se rend compte qu'il ne sera pas possible à des organisations syndicales non consultées préalablement de pouvoir redéposer un préavis de grève sur le même sujet. Cela signifie que l'accord obtenu avec une seule organisation sera réputé valable, et que ceux qui n'ont pas été consultés préalablement et qui n'ont pas pu négocier ne seront pas autorisés à déposer un nouveau préavis de grève.
Il est donc indispensable, monsieur le ministre, de consulter l'ensemble des organisations syndicales présentes dans l'entreprise et de toutes les faire participer à la négociation, quitte à ce que chacun reprenne « ses billes » à l'issue de celle-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement répond à une demande formulée, devant la commission, par la RATP et la SNCF, qui ont sept, huit ou neuf organisations syndicales. Il est vrai qu'en province, quand il n'existe qu'une ou deux organisations syndicales, une telle disposition ne posera jamais de problème. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Par ailleurs, cet amendement vise à ouvrir une possibilité et à apporter un peu de souplesse.
Pour répondre à M. le ministre, il s'agit bien du préavis de grève. Envisager de déposer le préavis ne veut pas dire qu'on a déposé le préavis. Rien n'empêchera une organisation syndicale qui souhaite associer d'autres syndicats de le faire ou à un syndicat qui serait éventuellement intéressé par ce préavis de s'y associer.
Donc, j'estime que cet amendement est un élément de souplesse, qu'il n'interdit rien, et qu'il peut tout de même permettre, lorsqu'il existe de nombreuses organisations syndicales, et de multiples métiers...
Mme Évelyne Didier. Ce qui est le cas partout !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Non, dans les petites entreprises de transport, il n'y a pas forcément de personnels chargés de la communication, de la publication assistée par ordinateur, ou PAO, etc.
M. Guy Fischer. Cela n'est vrai que pour les très petites entreprises !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. En tout cas, je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 68.
Mme Annie David. Mme la rapporteur nous a dit tout à l'heure que le délai supplémentaire de préavis permettrait, notamment aux organisations syndicales, de prendre en compte la réalité du terrain.
Madame la rapporteur, je vous renvoie à vos propos en vous disant qu'à votre tour il vous faudrait prendre en compte la réalité du terrain : lorsque les organisations syndicales engagent une grève avec les salariés qui veulent bien les suivre, elles ont pris en compte la réalité du terrain avant de s'engager dans ce mouvement.
Bien évidemment, je voterai l'amendement n° 68, comme j'ai voté l'amendement n° 27 du groupe socialiste.
Sincèrement, je crois qu'il faut mettre un terme aux clichés concernant les organisations syndicales. Vous nous faites souvent le reproche d'être sectaires ou d'user de clichés en ce qui concerne le MEDEF.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Pas moi !
Mme Annie David. Je ne parle pas précisément de vous, madame la rapporteur, mais, dans l'ensemble, nous, sénateurs, sommes...
M. Guy Fischer. Archaïques !
Mme Annie David. ...archaïques, en effet. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. C'est bien de le reconnaître !
M. Josselin de Rohan. Quel aveu !
Mme Annie David. Chacun, dans cette assemblée, doit véritablement prendre en compte la réalité : lorsque les organisations syndicales décident de proposer aux salariés une grève, ce n'est pas de gaieté de coeur, et c'est après avoir pris en compte la réalité du terrain. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)
Mme la présidente. Monsieur Cambon, l'amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, cet amendement était sûrement le fruit d'un excès d'enthousiasme de ses signataires à l'égard de votre projet de loi. Nous revenons à des sentiments plus modérés, et je profite de l'absence de M. Portelli pour retirer l'amendement. (Sourires sur l'ensemble des travées et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Courage, fuyons !
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié est retiré.
L'amendement n° 3, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Au troisième alinéa (2°) du II de cet article, après les mots :
les organisations syndicales représentatives
insérer les mots :
qui ont procédé à la notification
II. Après les mots :
les organisations syndicales représentatives
procéder à la même insertion au quatrième alinéa (3°), au cinquième alinéa (4°), au sixième alinéa (5°) et au huitième alinéa (7°) du II de cet article.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 1 qui a été adopté voilà quelques instants.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Au nom du parallélisme des formes et pour les raisons que j'ai évoquées, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. L'amendement n° 74, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le septième alinéa (6°) du II de cet article par les mots :
attendu que seuls les accords majoritaires peuvent prétendre être validés
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les membres du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent affirmer, par cet amendement, le caractère majoritaire de l'accord qui peut aboutir entre les organisations syndicales représentatives et la direction de l'entreprise durant le délai de négociation préalable selon les dispositions du présent article.
Les auteurs de cet amendement souhaitent donc que cet accord soit accepté par la majorité des organisations représentatives du personnel pour être validé et, par conséquent, qu'un accord signé par un seul syndicat ne puisse prévaloir.
Dans un état d'esprit tout à fait contraire, les amendements proposés par la commission prévoient que seuls les syndicats ayant notifié leur intention de déposer un préavis de grève soient amenés à discuter avec la direction de l'entreprise dans le cadre de la négociation préalable.
Cette proposition nous semble contre-performante et nous sommes en total désaccord avec la commission.
En effet, si l'objectif de ce texte est de renforcer le dialogue social, dont on parle beaucoup, il apparaît au contraire opportun de se prémunir contre toute possibilité de conflit.
De plus, il s'agit là d'une revendication posée par les organisations syndicales depuis de nombreuses années.
Une telle mesure aurait toute sa place dans un projet de loi portant sur le dialogue social.
Aussi, nous vous proposons que l'accord qui peut être négocié entre la notification et le dépôt du préavis de grève ne puisse être adopté que s'il est accepté de manière majoritaire par les organisations syndicales représentatives du personnel.
C'est pourquoi je vous demande d'adopter l'amendement n° 74.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui est en contradiction avec l'esprit de ceux qu'elle a elle-même déposés, puisqu'il pose la règle de l'accord majoritaire. Ainsi que je l'ai évoqué tout à l'heure, dans leur principe, ces accords doivent être envisagés dans un cadre plus global.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement, s'il était adopté, contreviendrait à la loi de mai 2004.
À travers cet amendement, le groupe CRC entend redéfinir les règles de représentativité, au moment même où les partenaires sociaux dans leur ensemble engagent entre eux des négociations qui doivent s'étendre jusqu'à la fin de l'année. Ce serait, en définitive, ne pas leur accorder confiance, ce qui n'est pas le but de l'opération.
M. Guy Fischer. Oh là là !
Mme la présidente. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo et Retailleau, Mme Sittler et Papon, MM. Grillot, Biwer, Milon, Seillier, Cléach et Huré, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'accord cadre prévu au premier alinéa du I est transmis, dans un délai de 15 jours à compter de sa signature par les parties, pour avis conforme au Représentant de l'État afin qu'il apprécie le respect de l'intégralité des dispositions prévues par le II de l'article 2.
En cas d'avis non conforme, les parties disposent d'un délai de trois mois pour répondre aux observations du Représentant de l'État.
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Nous sommes très attentifs aux conditions dans lesquelles ces accords, qui doivent intervenir avant le 1er janvier 2008, pourront respecter les termes de la loi.
Aussi, nous souhaitons, à travers cet amendement, donner la possibilité au représentant de l'État de contrôler le respect des conditions fixées par la loi pour la rédaction des accords cadres ou de branche pour la prévention des conflits, dans les mêmes conditions que le représentant de l'État se verra notifier l'accord ou le plan de prévisibilité du service.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je demande aux auteurs de l'amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
En effet, cet amendement tend à introduire une formalité supplémentaire qui risque de ralentir la procédure, alors que l'amendement n° 17 rectifié visait à aller plus loin et à accélérer la négociation. En outre, il donne au représentant de l'État un pouvoir de contrôle de légalité. Pour ma part, je crois à la négociation.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. À l'argumentation développée par Mme le rapporteur vient s'adjoindre un autre argument juridique.
Cette disposition aboutirait à donner un contrôle de légalité au préfet. Or ces accords collectifs seront soumis au ministère du travail, qui sera compétent pour recevoir l'accord collectif en question. On ne pratiquera pas non plus un contrôle de légalité a priori, mais on examinera les modalités de conclusion de l'accord collectif, et non pas son contenu.
Cet amendement contreviendrait donc à ces règles qui, aujourd'hui, s'articulent plutôt bien entre elles.
Voilà pourquoi, monsieur Cambon, je vous prie - sans vouloir en faire une habitude - de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi je serai contraint d'en demander le rejet.
M. Robert Bret. M. Portelli n'est toujours pas là ! (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Cambon, l'amendement n° 18 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Cambon. Pour les raisons déjà exposées à propos de l'amendement précédent, je retire cet amendement. (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 18 rectifié est retiré.
L'amendement n° 4, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le III de cet article par les mots :
, et, au plus tard, jusqu'au 1er janvier 2009
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Il s'agit de fixer une date limite pour la durée d'application des accords cadres, cette date étant le 1er janvier 2009.
À la RATP, l'accord qui a été conclu sera renégociable en 2011. En revanche, à la SNCF, aucune date limite n'est prévue.
Il nous paraît souhaitable de fixer un délai à ces deux entreprises de telle sorte qu'elles puissent organiser des négociations. Même si des accords existent à l'heure actuelle, ils ne sont pas complètement satisfaisants. Si on ne leur fixe pas de délai, la RATP renégociera des accords apparemment convenables en 2011. En quelle année la SNCF le fera-t-elle ? En 2015 ? En 2020 ?
Nous avons donc estimé qu'il fallait fixer un délai à toutes les entreprises, qui prenait fin en 2008, un an de plus étant laissé à la RATP et à la SNCF, qui auront d'autant moins de difficulté à négocier qu'elles ont déjà conclu des accords.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis partagé sur cet amendement, madame le rapporteur.
Je sais effectivement que l'alarme sociale existe. D'ailleurs, je l'ai dit, nous nous en sommes inspirés pour ce texte. Mais, pour moi, l'alarme sociale doit valoir partout et pour tous. Je souhaitais donc la rendre obligatoire le plus tôt possible, donc dès 2008.
Cela étant, compte tenu des arguments que vous avez brillamment développés à l'instant et que je comprends, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.
M. Yves Krattinger. Madame la rapporteur, cet amendement démontre la nécessité de reporter d'un an la conclusion de nouveaux accords. Vous venez vous-même d'en faire la démonstration puisque, dans les deux entreprises où des accords existent déjà, il va falloir les modifier et cela devrait prendre environ dix-sept mois. (M. Robert Bret marque son approbation.)
La commission reprend là des demandes formulées par les directions de la SNCF et de la RATP qui, en toute sagesse, ont souligné qu'il n'était pas possible de renégocier les accords d'ici à la fin du mois de décembre 2007 et qu'il fallait donc leur donner un an de plus.
Mme Nicole Bricq. Qu'est-ce que c'est, alors ?
M. Yves Krattinger. Par conséquent, est-il stupide de défendre la position qui a été la nôtre en ce qui concerne l'accord de branche, dont la renégociation nécessite dix-huit mois ?
J'irai même plus loin : lorsque des accords existent, comme à la SNCF et à la RATP, n'est-ce pas ouvrir une boîte de Pandore, alors que les partenaires se sont mis d'accord ?
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je suis un peu surpris que vous vous en remettiez à la sagesse du Sénat.
M. Jean-Pierre Godefroy. Moi aussi, mais je m'étonne que vous le fassiez aujourd'hui. En effet, en commission, je vous ai interrogé très clairement sur ce sujet qui me semblait très important. Le fait de ne pas remettre en cause les accords signés à la RATP et à la SNCF est un recul par rapport à ce qui avait été initialement prévu. Lorsque je vous ai demandé si un délai avait été fixé, vous m'avez répondu - comme on pourra le vérifier en se reportant au compte rendu de votre audition - qu'il n'y aurait pas de délai. Or, aujourd'hui, en vous en remettant à la sagesse du Sénat, vous risquez d'être en contradiction avec vous-même puisque, si cet amendement est adopté, un délai sera institué.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, lorsque des accords ont été conclus - parfois difficilement, comme à la RATP, où ils ont été jugés satisfaisants par tous puisque le délai prévu ne mène finalement que jusqu'en 2011 -, est-il véritablement judicieux de reprendre la discussion en prenant le risque de perturber ce qui fonctionne à peu près bien ?
Il en est de même pour la SNCF. Nous avons tous des critiques à formuler sur son fonctionnement, mais, bien souvent, les dysfonctionnements sont plus liés à des problèmes techniques qu'aux mouvements de grève, comme tout le monde l'a souligné.
Vous êtes en train d'agiter un chiffon rouge, ce qu'il est absolument inutile de faire à l'occasion du texte qui nous est proposé aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Moi non plus, je ne comprends pas la position du Gouvernement.
En effet, le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat avait le mérite d'avoir été corrigé par rapport à sa version initiale, afin d'éviter que son adoption ne remette en cause les accords de prévention des conflits déjà en vigueur dans plusieurs entreprises de transports publics.
Cela concernait les accords cadres signés à la RATP le 30 mai 1996 et le 23 octobre 2001 et à la SNCF le 28 octobre 2004, ainsi que tous les accords signés avant le 1er juillet 2007.
Or, par cet amendement, la commission souhaite obliger les partenaires sociaux à négocier de nouveaux accords au plus tard le 1er janvier 2009.
Alors que les accords existants ont, de l'avis même des organisations syndicales et des directions des entreprises, permis de diminuer sensiblement la conflictualité au sein des entreprises concernées, Mme le rapporteur ne les juge pas satisfaisants. À cet égard, on se demande bien ce qu'elle pourrait qualifier d'« accords satisfaisants ».
Le dispositif que cet amendement tend à instituer nie complètement les bénéfices de la concertation ; il tourne le dos au dialogue social tant sur la forme que sur le fond. Compte tenu des ambitions affichées du présent projet de loi, c'est tout de même un comble. Mais il est vrai que vous n'en êtes plus à une contradiction près !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Tout d'abord, avec cet amendement, nous ne remettons pas en cause les pratiques sociales existantes à la RATP et à la SNCF, nous les mettons en conformité avec la loi.
Si la SNCF, la RATP et les autres entreprises de transport ayant signé des accords étaient exclues du dispositif, leur mode de fonctionnement ne correspondrait plus à ce qui se pratique dans l'ensemble des autres entreprises, ce qui - il est vrai - ne serait pas forcément satisfaisant.
Ensuite, comme l'a précisé Mme la présidente de la SNCF lors de son audition devant la commission spéciale, si la procédure de demande de concertation immédiate existe, elle demeure insuffisamment utilisée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le nombre de conflits et de jours de grève reste important. Dès lors, si le principe du dialogue était étendu et devenait obligatoire, une véritable concertation pourrait avoir lieu.
Mes chers collègues, souvenons-nous de ce que nous avons entendu en commission spéciale. En matière de dialogue social, nous ne pouvons tout de même pas nous satisfaire du fonctionnement de la SNCF. Le présent projet de loi vise donc à l'améliorer en étendant la négociation et la concertation.
En l'occurrence, la RATP, la SNCF et les autres entreprises de transport ayant signé des accords bénéficieront d'une année supplémentaire pour se mettre en conformité avec la loi. D'ailleurs, elles en ont déjà adopté les principes ; il suffit juste de les améliorer et d'aller un peu plus loin. Vous en conviendrez, ce n'est tout de même pas complètement impossible !
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, depuis le début de ce débat, vous vous réclamez, tout comme le Président de la République, de la « culture du résultat ».
Or des résultats, à la RATP, il y en a ! L'accord institué fonctionne bien ; il satisfait à la fois la direction de l'entreprise et les syndicats de salariés et son application a permis de faire diminuer le nombre de jours de grève. Les résultats sont donc positifs.
Pourtant, monsieur le ministre, alors que vous vous prétendez favorable à la culture des résultats, vous suggérez de modifier un système qui a fait ses preuves !
M. Dominique Braye. Non ! De l'améliorer !
M. Jean Desessard. Au nom d'un dispositif virtuel, vous ne tenez pas compte des résultats obtenus par l'accord de la RATP. Ce n'est pas cela, la culture du résultat !
Monsieur le ministre, vous êtes donc pris en défaut : vous êtes non pas pour la culture du résultat, mais pour des changements virtuels.
Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, le présent projet de loi n'est en réalité que la première étape d'une politique de restriction générale du droit de grève destinée à s'étendre à l'ensemble du secteur public.
Je maintiens donc ce que j'affirmais hier. Le présent projet de loi est à la fois démagogique, inefficace, vaniteux et hypocrite. Démagogique, parce qu'il vise à faire plaisir à la population, alors qu'il n'assure pas le service minimum. Inefficace, parce qu'il est inapplicable. Vaniteux, parce qu'il ne réglera pas tous les problèmes du service public. Hypocrite,...
Mme Isabelle Debré. Tout ça ?
M. Jean Desessard. ...parce que son véritable objectif, à savoir la restriction du droit de grève dans l'ensemble du secteur public, n'est pas avoué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Mes chers collègues, en complément de ce que j'indiquais tout à l'heure, permettez-moi de rappeler les chiffres qui nous ont été communiqués par la SNCF.
Dans cette entreprise, l'accord instituant la demande de concertation immédiate avant le dépôt d'un préavis de grève a des limites, puisque la procédure demeure facultative. Ainsi, l'an dernier, 84 % des préavis qui ont été déposés n'ont pas fait l'objet d'une concertation préalable.
Par conséquent, notre objectif est bien de faire précéder tout dépôt d'un préavis de grève d'une concertation. Actuellement, la procédure existe, mais elle n'est pas toujours appliquée. À partir du 1er janvier 2009, elle le sera.
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Desessard, comme je vous ai déjà répondu hier, je ne le referai pas aujourd'hui. Toutefois, puisque je vous vois sourire, sachez que le plaisir est partagé. (Sourires.)
Pour ma part, je ne souhaite pas priver le législateur de sa compétence. En effet, l'objectif est bien de donner une base légale aux accords en question. Vous n'avez certainement pas envie de renoncer à une telle possibilité, ni de permettre à certains de s'exonérer de l'application des accords.
Vous avez tous rappelé votre attachement au dialogue social. Nous voulons simplement qu'il s'applique obligatoirement.
M. Dominique Braye. C'est la culture du résultat !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il s'agit là, me semble-t-il, d'une approche pragmatique, qui peut même, une fois n'est pas coutume, nous rassembler.
Mme Nicole Bricq. Et là, vous n'êtes plus partagé ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, compte tenu de la réunion de la conférence des présidents, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Conférence des présidents
Mme la présidente. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Jeudi 19 juillet 2007 :
Le matin, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (Urgence déclarée) (n° 363, 2006-2007).
Éventuellement, vendredi 20 juillet 2007 :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Lundi 23 juillet 2007 :
À 15 heures et le soir :
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de règlement du budget de l'année 2006 (n° 389, 2006-2007) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 23 juillet 2007, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe) ;
Par ailleurs, sur la proposition de la commission des finances, la conférence des présidents a décidé d'organiser, dans le cadre de la discussion de l'article 4, deux débats de contrôle de l'exécution des crédits des missions suivantes :
- « Sécurité » (l'après-midi)
- « Culture » (le soir).
(Ces débats seront organisés selon le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Chaque débat aura lieu sous la forme de quinze questions-réponses. Les questions seront réparties entre les groupes et la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe selon le principe de la répartition proportionnelle. Les orateurs interviendront pendant 3 minutes. La durée de la réponse du Gouvernement sera fixée à 3 minutes, chaque orateur disposant d'un droit de réplique de 2 minutes.
Les inscriptions de parole pour la discussion générale et les deux débats devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 20 juillet 2007).
Mardi 24 juillet 2007 :
À 10 heures :
1°) Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à vingt minutes le temps réservé respectivement au président et au rapporteur général de la commission des finances, ainsi qu'au président et au rapporteur de la commission des affaires sociales chargé des équilibres financiers généraux de la sécurité sociale ;
- à dix minutes le temps réservé à chacun des présidents des autres commissions permanentes intéressées ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 23 juillet 2007) ;
À 16 heures et, éventuellement, le soir :
2°) Éloge funèbre de Daniel Goulet ;
3°) Suite de l'ordre du jour du matin.
Mercredi 25 juillet 2007 :
À 15 heures et le soir :
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (n° 390, 2006-2007) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 24 juillet 2007, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 24 juillet 2007).
Jeudi 26 juillet 2007 :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ;
2°) Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Vendredi 27 juillet 2007 :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Éventuellement, samedi 28 juillet 2007 :
À 9 heures 30 et à 15 heures :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Mardi 31 juillet 2007 :
À 10 heures :
1°) Projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté (n° 371, 2006-2007) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 30 juillet 2007, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 30 juillet 2007) ;
À 16 heures :
2°) Allocution du Président du Sénat ;
3°) Scrutin pour l'élection d'un membre suppléant de la délégation française aux Assemblées parlementaires du Conseil de l'Europe et de l'Union de l'Europe occidentale en remplacement de Daniel Goulet ;
(Ce scrutin se déroulera dans la salle des conférences. Les candidatures devront être remises au service de la séance au plus tard le lundi 23 juillet 2007, à 17 heures) ;
4°) Suite de l'ordre du jour du matin.
Mercredi 1er août 2007 :
À 15 heures :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités des universités ;
2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ;
(Pour les dix projets de loi suivants, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée.
Selon cette procédure simplifiée, le projet de loi est directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le lundi 30 juillet 2007 à 17 heures, que le projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle) ;
3°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc relatif au statut de leurs forces (n° 265, 2006-2007) ;
4°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 268, 2006-2007) ;
5°) Projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la mise à disposition de ressources de télécommunication pour l'atténuation des effets des catastrophes et pour les opérations de secours en cas de catastrophe (n° 298, 2006-2007) ;
6°) Projet de loi autorisant l'approbation du septième protocole additionnel à la Constitution de l'Union postale universelle (n° 289, 2006-2007) ;
7°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique sur la coopération sanitaire transfrontalière (n° 257, 2006-2007) ;
8°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation des amendements à la constitution et à la convention de l'Union internationale des télécommunications adoptés à Marrakech le 18 octobre 2002 (n° 264, 2006-2007) ;
9°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion au protocole relatif à la convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche (n° 266, 2006-2007) ;
10°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et les États-Unis du Mexique sur le mécanisme de développement propre dans le cadre du protocole de Kyoto (n° 267, 2006-2007) ;
11°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada sur l'exploration et l'exploitation des champs d'hydrocarbures transfrontaliers (n° 275, 2006-2007) ;
12°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux implantations communes de missions diplomatiques et de postes consulaires (n° 294, 2006-2007) ;
13°) Projet de loi autorisant la ratification de l'acte constitutif de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (ensemble une annexe) (n° 243, 2006-2007) ;
14°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux transports routiers internationaux et au transit des voyageurs et des marchandises (n° 222, 2006-2007) ;
15°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif à l'Ensemble de lancement Soyouz (ELS) au Centre spatial guyanais (CSG) et lié à la mise en oeuvre du programme facultatif de l'Agence spatiale européenne intitulé « Soyouz au CSG » et à l'exploitation de Soyouz à partir du CSG (n° 273, 2006-2007).
Jeudi 2 août 2007, l'après-midi, et, éventuellement, vendredi 3 août 2007, le matin :
- Navettes diverses.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
7
Démission d'un membre d'une commission et candidature
Mme la présidente. J'ai reçu avis de la démission de M. Christian Gaudin, comme membre de la commission des affaires économiques.
Le groupe intéressé a par ailleurs communiqué à la présidence le nom du candidat proposé pour siéger à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation à la place laissée vacante par M. Maurice Blin, démissionnaire de son mandat de sénateur.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
8
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Article 2 (suite)
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 2, à l'amendement n° 76, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions prévues par le présent article ne s'appliquent pas dans le cas où les motifs pour lesquels la ou les organisations syndicales envisagent de déposer un préavis de grève relèvent de conflits interprofessionnels ou de société.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L'article 2, je le rappelle, a pour objet affiché de prévenir les conflits dans les entreprises de transport, d'une part, en instaurant la signature d'un accord cadre entre la direction et les syndicats avant le 1er janvier 2008 et, d'autre part, en prévoyant la tenue obligatoire de négociations avant tout dépôt d'un préavis de grève.
Or, monsieur le ministre, vous n'êtes pas sans le savoir, d'autant que plusieurs orateurs l'ont rappelé avant moi, aux termes de l'article L. 521-3 du code du travail, aucune grève dans la fonction publique et les services publics ne peut être déclenchée sans le dépôt préalable d'un préavis de cinq jours francs, ce qui exclut du décompte le samedi et le dimanche.
Il est, certes, précisé que la nouvelle procédure se déroule avant le dépôt d'un tel préavis. Néanmoins, si ce dernier a été prévu afin que l'employeur puisse prendre des dispositions à l'égard des usagers, notamment en termes d'information et de mise en place de services de substitution, il a également été institué pour permettre la négociation. À ce titre, le quatrième alinéa de l'article L. 521-3 du code du travail précise : « Pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier. »
De fait, la loi impose déjà aux organisations syndicales et à l'employeur de négocier pendant cette durée, laquelle devrait donc être mise à profit pour redonner tout son sens à la négociation. À cet égard, l'article 2 pose donc plus de questions qu'il n'apporte de réponses, comme l'a très bien démontré mon collègue Robert Bret tout à l'heure.
Par ailleurs, nous savons, de manière empirique, qu'aucune direction n'accepte de négocier véritablement « à froid », et que, le plus souvent, les négociations n'ont lieu qu'après un conflit dur.
Par conséquent, l'instauration d'une période de négociation plus longue, portant à treize jours le délai entre le déclenchement de la grève et la notification des motifs par les organisations syndicales, ce qui est vraiment trop long aux yeux des sénatrices et des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, n'y changera rien. Mieux vaut plutôt travailler à redonner tout leur rôle aux cinq jours de préavis.
En outre, au-delà de l'existence d'une période de négociation obligatoire, je voudrais insister sur le fait que le choix de faire grève, au regard de ses conséquences, notamment sur les salaires, n'est pas un acte spontané et irréfléchi. Au contraire, il découle de longues concertations en amont entre les parties.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous l'ai déjà dit hier soir, je vous le redis aujourd'hui : on ne choisit pas de faire grève par plaisir !
Dans tous les cas, la grève est un acte grave. Ce moyen, destiné à faire valoir les droits sociaux, est utilisé à bon escient, avec circonspection, en toute connaissance de cause, après de longues discussions et un examen très attentif de la situation. (Marques d'ironie sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean Bizet. On va finir par être séduits !
Mme Annie David. Je le soulignais également hier soir, la grève reste un outil ultime au service des agents et des salariés, un moyen de pression envers leurs employeurs.
Bien qu'il existe donc déjà légalement un préavis destiné à la négociation, dans les faits, c'est en amont que la concertation a lieu, entre les syndicats porteurs des revendications et les directions concernées.
De plus, monsieur le ministre, et c'est l'objet de cet amendement, certains motifs de grève échappent à la compétence propre de l'entreprise. C'est notamment le cas quand les agents du service public font grève pour protester contre les projets de recul social organisés par le Gouvernement.
Ainsi, l'actuelle présidente de la SNCF reconnaissait dans un article publié dans Le Monde que, l'année passée, la moitié des jours de grève était imputable au CPE. Un constat analogue pourra sans doute être fait lorsque vous proposerez la création du contrat unique ou la réforme des régimes dits spéciaux.
Dans ce cadre, malgré la bonne volonté des organisations syndicales et même celle de l'entreprise, il semble qu'aucun accord ne pourra être trouvé durant le délai entre la notification des motifs de grève et le dépôt du préavis. En effet, l'entreprise ne sera pas en capacité de répondre aux revendications syndicales puisque celles-ci dépasseront ses compétences.
Nous souhaitons donc que, dans une telle hypothèse, les dispositions prévues au présent article ne soient pas applicables, car elles contraindraient l'exercice du droit de grève sans motif et constitueraient de ce fait une pression inadmissible.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, puisque, à notre grande satisfaction, le dialogue social va pouvoir s'établir en toutes circonstances, quel que soit le motif de la grève.
Il importe effectivement que les partenaires sociaux puissent dialoguer et que, dans la mesure du possible, les salariés du secteur public des transports s'engagent dans une grève pour des motifs qui les concernent. Ce faisant, ils seront beaucoup mieux compris par les usagers.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Par souci de simplicité et de lisibilité, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Robert Bret. M. le ministre est pressé !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, madame le rapporteur, s'agissant des grandes réformes qui seront proposées, notamment sur les régimes spéciaux, les agents du service public seront tout de même concernés au premier chef et auront toutes les raisons de faire grève ! Or, dans ce cas précis, les entreprises ne pourront en aucune façon répondre directement à leurs revendications.
Par conséquent, le « préavis au préavis » que vous voulez instaurer ne servira à rien dans l'optique de la négociation. Il s'agit simplement d'un outil supplémentaire dont vous voulez vous doter pour empêcher les salariés de pouvoir entrer en grève.
Je voterai évidemment cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Lorsqu'un préavis a été déposé dans les conditions prévues à l'article L. 521-3 du code du travail, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs avant l'échéance du préavis en cours et avant que la procédure prévue à l'article 2 n'ait été mise en oeuvre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'histoire de cet article est particulièrement éclairante. Il s'agit, en fait, d'interdire la pratique des préavis dits « glissants » et, certainement, d'aller bien au-delà.
L'avant-projet de loi prévoyait qu'un préavis de grève ne pouvait plus être déposé avant l'échéance du précédent et avant la mise en oeuvre de la procédure de négociation préalable. À partir du jour de la notification d'intention, auquel s'ajoutaient huit jours de négociation et, au minimum, une journée de grève, nous pouvions donc arriver, au total, à une période de dix jours pendant laquelle aucune autre sorte de préavis n'était possible. Cette version initiale du projet de loi nous montre bien l'intention « primaire » du Gouvernement en la matière !
À juste titre, une telle disposition a soulevé l'indignation des syndicats, puisque le fait d'interdire, fût-ce momentanément, à une organisation représentative de déposer un préavis de grève constituait une atteinte directe au droit de grève.
En effet, un préavis de grève peut avoir pour objet une revendication précise, telle que les conditions de travail, et ne concerner qu'une catégorie de personnel. Selon l'avant-projet de loi, il devenait exclu qu'un autre préavis puisse être déposé par n'importe laquelle des organisations syndicales, par exemple pour une revendication salariale couvrant l'ensemble des personnels de l'entreprise ou pour un motif extérieur.
Aucune disposition légale n'interdit aujourd'hui à plusieurs syndicats de présenter chacun un préavis de grève pour une date différente. Dans deux arrêts en date du 4 février 2004 et du 7 juin 2006, la Cour de cassation a explicitement autorisé « l'envoi de préavis de grève successifs » et l'envoi d'un préavis unique portant « sur des arrêts de travail d'une durée limitée étalés sur plusieurs jours ».
Par conséquent, comme nous avons eu l'occasion de l'évoquer en commission, le Gouvernement a bien été obligé d'admettre le risque certain d'inconstitutionnalité d'une telle disposition et a revu sa copie. Aujourd'hui, le texte de l'article 3 est apparemment « dans les clous constitutionnels », même si cela reste tout de même à vérifier !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, cette péripétie démontre en fait clairement l'état d'esprit général qui a prévalu pour la rédaction du texte, à savoir la défiance à l'égard des organisations syndicales et la volonté de réduire leur marge d'action.
Ainsi, si la nouvelle version de l'article 3 qui nous est soumise ce soir peut sembler plus acceptable, car plus sociale, le débat que nous avons eu cet après-midi démontre cependant que ces dispositions demeurent extrêmement dangereuses.
En effet, à la suite de l'adoption à l'article 2 d'un amendement de la commission, l'ensemble des organisations syndicales ne sera plus consulté dans le cadre de la concertation mise en place. On peut donc imaginer la situation suivante : un syndicat prend part à la négociation, mais menace la direction de l'entreprise d'aller jusqu'au dépôt du préavis de grève parce qu'il n'obtient pas satisfaction ; finalement, dans le délai qui court jusqu'au préavis de grève, les deux parties parviennent à trouver un accord, mais les autres organisations syndicales s'y déclarent défavorables.
En l'état actuel du texte, les organisations syndicales qui auront été écartées de la négociation préalable ne pourront plus déposer un préavis de grève. Si vous voulez vraiment ouvrir le dialogue social dans l'entreprise, il convient donc de supprimer l'article 3.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 28 est présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mmes Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 77 est présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 28.
Mme Gisèle Printz. Entre l'avant-projet de loi et le texte qui nous est parvenu à l'issue de l'examen par le Conseil d'État, cet article a subi une modification de détail, mais d'importance.
Il était en effet prévu, dans la rédaction initiale, qu'aucun nouveau préavis ne pouvait être déposé par la ou les mêmes organisations ayant déposé le préavis en cours avant l'échéance de celui-ci. L'objectif poursuivi était l'interdiction de la pratique dite des « préavis glissants ».
Cette disposition, qui constituait une atteinte frontale et manifeste au droit de grève, vous aurait certainement fait encourir les foudres du Conseil constitutionnel. Vous avez donc ajouté à cette rédaction la formule « et pour les mêmes motifs ».
Le ou les mêmes syndicats pourront donc déposer un nouveau préavis de grève, pour un autre motif. En outre, un syndicat qui n'aura pas signé le premier préavis pourra en déposer un nouveau pour le même motif.
Les syndicats présents dans l'entreprise ont tout intérêt, en fait, à ne pas tous signer le premier préavis. En un mot, il y a toujours moyen de s'arranger.
Cet article étant, par conséquent, devenu tout à fait superflu, nous vous proposons de le retirer du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 77.
Mme Évelyne Didier. Nous souhaitons, par cet amendement, supprimer l'article 3 du projet de loi. Mais pour que les choses soient bien claires, je tiens à préciser que nous ne sommes pas des défenseurs zélés des « préavis glissants ». Ces pratiques posent, en effet, un certain nombre de problèmes, et nous le reconnaissons volontiers.
Cependant, nous estimons que l'application conjuguée des articles 2 et 3 du présent projet de loi aura pour conséquence l'instauration d'un délai trop long entre la notification du premier préavis et l'éventuel dépôt d'un second préavis. Ce délai sera, en effet, de vingt et un jours, c'est-à-dire huit jours de négociation préalable, auxquels il faut ajouter cinq jours de préavis et, de nouveau, huit jours de négociation préalable. Vous semblez d'ailleurs avoir pris conscience de cette longueur, monsieur le ministre, puisque vous avez finalement décidé de ramener le délai applicable à la négociation préalable à huit jours, au lieu de dix.
Cette disposition aboutira, à terme, à une restriction très importante de l'exercice du droit de grève puisqu'elle limite les modalités de mise en oeuvre de ce droit dans le temps.
Comme je le faisais précédemment remarquer, la législation actuelle impose de mener une négociation durant le délai du préavis de grève, soit cinq jours. Avant toute autre chose, il serait utile que cette législation soit enfin respectée par les entreprises.
De plus, dans le cadre de revendications à caractère national, une telle mesure apparaît comme une contrainte excessive allant à l'encontre de l'exercice du droit de grève. En effet, quelles que soient les précautions prises et la qualité du dialogue engagé, aucun accord ne pourra aboutir si l'entreprise n'est ni responsable ni en mesure de répondre aux revendications des syndicats.
En tout état de cause, cette disposition sera également inefficace puisqu'elle incitera, de fait, les organisations syndicales à entreprendre des grèves illimitées afin d'échapper aux règles contraignantes posées par cet article. Elle conduira donc, nécessairement, à une crispation dans les conflits opposant organisations syndicales et direction, ce qui est contraire à l'intitulé de ce projet de loi en faveur du dialogue social.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements. Je rappelle que l'objectif du projet de loi est de lutter contre d'éventuels abus, et non contre le droit de grève ou les préavis de grève.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous sommes tous d'accord pour jouer le jeu de la négociation et du dialogue social. Mais encore faut-il que cette négociation puisse se dérouler jusqu'à son terme ! D'où cette logique des « préavis glissants ». À cet égard, je vous remercie, madame Didier, d'avoir bien voulu reconnaître les risques liés aux préavis glissants.
Aussi, le Gouvernement, j'en suis désolé, est défavorable à ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je comprends que vous soyez désolé, monsieur le ministre, mais je ne sais si c'est parce que vous ne nous avez pas donné satisfaction, ou à cause de la situation que vous allez faire naître dans les entreprises.
M. Jean-Pierre Godefroy. Comme je vous l'avais dit en commission, cette nouvelle rédaction de l'article 3 méritait d'être mûrement réfléchie par rapport à l'avant-projet de loi.
Je rappelle que, lors de la discussion sur l'amendement n° 1 de Mme Procaccia, déposé à l'article 2, vous vous en êtes remis, monsieur le ministre, à la sagesse du Sénat. Or cet amendement, qui a été adopté, change complètement la donne. Le fait de ne pas consulter toutes les organisations syndicales dès le départ constitue une atteinte évidente au droit de grève, puisque les organisations qui ne seront pas favorables à tel préavis de grève ne pourront pas déposer un autre préavis.
M. Jean-Pierre Godefroy. Non ! Si plusieurs organisations syndicales ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le dépôt d'un préavis de grève, le préavis déposé par l'une de ces organisations empêchera les autres de déposer, à leur tour, un préavis sur le même sujet. Vous aurez du mal à me convaincre du contraire, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Godefroy. La pratique me donnera raison !
Je ne critique d'ailleurs pas la rédaction que vous proposez. J'avais même admis en commission que celle-ci représentait un recul tout à fait judicieux par rapport à la disposition de l'avant-projet de loi. Mais l'adoption de l'amendement n° 1, auquel vous n'étiez pas favorable a priori puisque vous vous en êtes remis à la sagesse du Sénat, remet tout en cause.
M. Jean-Pierre Godefroy. La situation créée par l'amendement de la commission sera certainement différente de ce que vous souhaitiez mettre en place, monsieur le ministre !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 et 77.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 113 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Avant le titre Ier du livre Ier, il est inséré un article L. 101-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 101-4. - La représentativité nationale des organisations syndicales de salariés est appréciée en retenant les résultats d'une élection de représentativité organisée tous les cinq ans au niveau des branches professionnelles. Cette élection à laquelle participe l'ensemble de la population active respecte les principes généraux du droit électoral. Ne peuvent se présenter à l'élection de représentativité que des organisations syndicales, constituées conformément aux articles L. 411-1 et suivants du présent code et respectant les valeurs républicaines.
« Un décret en Conseil d'État fixe des conditions à la présentation des organisations syndicales en fonction de leur nombre d'adhérents, les modalités d'organisation du scrutin, ainsi que les modalités de participation au scrutin de la population active non concernée par les articles L. 433-4 ou L. 423-7. » ;
2° Dans l'article L. 132-2, la référence : « L. 133-2 » est remplacée par la référence : « L. 101-4 ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il ne peut être question de « moderniser le dialogue social », dans l'optique de prévenir les conflits, sans revoir les conditions de représentativité des organisations syndicales de salariés en y associant l'ensemble de la population active.
Le dialogue social ne peut avoir d'autre vertu que d'instaurer la démocratie sociale.
Cela suppose que la représentativité de tous les acteurs concernés par le contrat social soit garantie par leur vote. Cela suppose également qu'une seule organisation, même représentative, ne puisse pas engager par son accord l'ensemble du corps des votants si elle est minoritaire.
En démocratie, la légitimité d'un syndicat doit reposer sur l'élection, et non sur des critères obsolètes. Dans son avis intitulé « Consolider le dialogue social », le Conseil économique et social allait d'ailleurs dans ce sens, mais le gouvernement précédent - il y a une rupture - n'a pas souhaité engager cette réforme lors de la discussion de la loi de modernisation du dialogue social.
Cet amendement soutient la proposition principale de l'avis du Conseil économique et social, laquelle vise à modifier le mode de représentation des syndicats.
L'arrêté ministériel du 31 mars 1966 fige en effet les critères de représentativité. Celle-ci est actuellement réservée à cinq syndicats historiques, ce qui empêche l'émergence d'autres organisations, comme le syndicat SUD, Solidaires-Unitaires-Démocratiques, l'UNSA, l'Union nationale des syndicats autonomes, ou la FSU, la Fédération syndicale unitaire.
Ce blocage institutionnel rend également plus difficile la représentation dans l'espace public des travailleurs pauvres, des précaires et des chômeurs, qui dérogent aux anciens schémas du salariat des Trente Glorieuses.
Espérons donc que cette réforme, si elle est adoptée, permettra de combler les angles morts de la représentation syndicale.
Permettre aux demandeurs d'emploi de prendre part à l'élection des organisations syndicales favoriserait en outre une action réconciliant la défense des salariés en place et celle des demandeurs d'emploi.
Enfin, n'oublions pas que la représentativité des syndicats d'employeurs demeure très imparfaite : la voix du MEDEF en particulier ne doit plus écraser celle des petites et grandes entreprises de l'économie solidaire, qui défendent d'autres valeurs que le profit à tout prix.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Monsieur Desessard, vous ne serez pas surpris par l'avis défavorable de la commission, puisque nous avons eu ce même débat voilà six mois lors de la discussion du projet loi de modernisation du dialogue social dont j'étais rapporteur. Vous vous souviendrez que l'avis alors exprimé par la commission sur cette proposition était défavorable non pas sur le fond mais sur la méthode et sur le texte.
Tout le monde s'accorde à reconnaître que les critères de définition de la représentativité syndicale sont obsolètes et doivent être revus, mais encore faut-il se mettre d'accord sur les nouveaux critères. Le Conseil économique et social a remis un rapport, mais, nous, nous n'avons pas encore discuté et les syndicats doivent eux aussi négocier. Je puis en effet vous dire que, lors de la préparation de la loi de modernisation sociale, j'ai reçu tous leurs représentants - en groupe et individuellement cette fois-là -, et qu'il n'y avait pas, à cette époque en tout cas, de consensus général.
J'ajoute que, conformément à la demande que j'avais formulée pour que soit vérifiée l'efficacité de la nouvelle loi, M. Larcher, qui était alors ministre, avait immédiatement ouvert le dialogue sur la représentativité syndicale avec les représentants syndicaux pour engager la réflexion. Dans le prolongement de cette réflexion et puisque cela figurait dans le programme du candidat Nicolas Sarkozy, je présume que les critères de représentativité feront l'objet d'un projet de loi dont nous débattrons ensemble peut-être dans l'année, en tout cas très bientôt, mais l'amendement n'a pas grand-chose à voir avec le texte que nous examinons actuellement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Les propos de M. Desessard m'étonnent !
Monsieur Desessard, vous faites confiance aux organisations syndicales...
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Eh bien ! Faites-leur confiance jusqu'au bout : elles ont justement décidé de s'emparer de la question de la représentativité, dont elles vont discuter jusqu'à la fin de l'année.
Je ne pensais pas - et c'est pourquoi je m'étonne - que vous aviez un caractère dirigiste !
Vous ne pouvez pas empiéter sur le champ de la négociation sociale : il faut lui laisser le temps de se dérouler et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, si vous faisiez confiance aux syndicats, vous n'auriez pas présenté ce projet de loi auquel, d'après les déclarations que j'ai pu entendre, ils sont opposés. Voulez-vous que je répète ?... Ils le trouvent démagogique, inefficace,...
M. Charles Gautier. Très bien !
M. Jean Desessard. ...vaniteux, hypocrite... (Sourires.) Bon, peut-être ne vont-ils pas jusque-là, mais je suis sûr qu'ils seraient d'accord avec ces conclusions !
Monsieur le ministre, madame le rapporteur, si vous faisiez confiance aux syndicats, vous devriez reconnaître que vous vous êtes trompés et tout arrêter ! Admettez que vous êtes novices et que vous ne maîtrisez pas aujourd'hui toutes les conséquences de la « rupture ». Alors, reprenons le travail demain, quand vous serez en mesure de présenter de vrais services de qualité, y compris pour le transport maritime vers l'île de Ré, l'Île-d'Yeu ou Belle-Île, où, entre nous soit dit, il n'y a jamais de grève, mais - comme c'est bizarre ! - dont on parle aujourd'hui...
M. André Dulait. Pour l'île de Ré, il y a un pont ! (Rires.)
M. Jean Desessard. S'agissant par ailleurs de la modernisation sociale, sachez, mes chers collègues, que si aujourd'hui ne pouvaient se présenter aux élections que les partis qui existaient en 1946 il n'y aurait que nos amis communistes et nos amis radicaux ! Le centre n'existerait pas, le Nouveau Centre encore moins, le MoDem pas du tout, l'UMP non plus...
M. Alain Gournac. Mais les gaullistes, si !
M. Jean Desessard. Quant au parti socialiste, c'était la SFIO...
M. Dominique Braye. Les « écolos », n'en parlons même pas !
M. Jean Desessard. Les Verts, évidemment, sont arrivés bien après.
Rendez-vous compte, il n'y aurait que quarante personnes dans cet hémicycle ! Ce n'est donc pas douter de la légitimité des syndicats que de dire qu'il est nécessaire d'actualiser la représentation des salariés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 56, présenté par M. Desessard et Mme Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l'article L. 432-6 du code du travail est ainsi rédigée :
« Dans les sociétés, deux membres du comité d'entreprise, délégués par le comité, assistent avec voix délibérative à toutes les séances du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, selon le cas. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Pour aboutir à un meilleur dialogue social et prévenir les conflits, ce qui est normalement l'objet, en tout cas l'objet affiché, de ce projet de loi, il est temps que les salariés soient représentés en tant que tels, avec voix délibérative, au sein des conseils d'administration des entreprises, et non en tant qu'actionnaires ou simplement avec une voix consultative, car les salariés sont les premiers concernés par les choix de gestion de l'entreprise et donc les plus légitimes pour y participer.
Je suis cependant prêt à faire une concession : un but intermédiaire éventuel pourrait être d'arriver à une cogestion, un conseil d'administration paritaire entre les représentants des actionnaires et ceux des salariés, s'inspirant, puisque nous avons fait le tour de l'Europe, des réussites de la Mitbestimmung allemande.
Parallèlement à la réforme du conseil d'administration, c'est toute la gouvernance des entreprises qu'il convient de démocratiser.
D'une part, il faut que les comités d'entreprise soient dotés de vrais pouvoirs, tels que le droit de veto sur les décisions stratégiques, par exemple les restructurations ou la nomination du P-DG.
D'autre part, il faut adapter les structures de décision actuelles aux évolutions économiques pour leur conserver une pertinence. Face aux tendances à la sous-traitance et à l'activité multinationale des entreprises, il convient d'élargir les comités d'entreprise aux sous-traitants des entreprises donneuses d'ordre et de multiplier les comités d'entreprise européens ou mondiaux.
De plus, pour éviter le « corporatisme autogestionnaire », les comités d'entreprise doivent incorporer en leur sein toutes les « parties prenantes » concernées par l'activité de l'entreprise : les consommateurs, les collectivités locales, les associations de défense de l'environnement.
C'est ce défi que je vous propose de relever avec cet amendement.
M. Alain Gournac. C'est la révolution !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Avant de donner l'avis de la commission, je relève que M. Desessard vient de rendre hommage à Mme Debré puisqu'il cite son amendement au projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié qui visait à permettre la présence des représentants de salariés dans les conseils d'administration,...
Mme Isabelle Debré. Merci, mon cher collègue !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. ...mesure que M. Desessard voudrait étendre. « Mais ceci est une autre histoire », comme dirait Kipling, et, là encore, il faudra attendre une autre loi !
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à l'heure, monsieur Desessard, vous avez affiché une conception quelque peu expansionniste des rapports avec les syndicats puis rêvé de redessiner le paysage politique français. C'est maintenant une conception extensive des transports terrestres que vous défendez puisque votre amendement est, tout simplement, un « cavalier ».
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Pas de questions équestres ce soir ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE III
ORGANISATION DE LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC EN CAS DE GRÈVE OU AUTRE PERTURBATION PRÉVISIBLE DU TRAFIC
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans l'intitulé de ce titre, supprimer les mots :
grève ou autre
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Les auditions ont fait ressortir que les désagréments occasionnés par les perturbations étaient importants, qu'il s'agisse ou non de grèves, raison pour laquelle la commission suggère cette version un peu plus extensive de l'intitulé du titre III.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Une fois n'est pas coutume, le Gouvernement demande à Mme le rapporteur le retrait de son amendement ou sa rectification, ce qui, sans entrer dans un débat sémantique, reviendrait au même.
Madame le rapporteur, les termes « en cas de grève ou autre perturbation » permettent en fait à la rédaction gouvernementale de couvrir exactement le champ que vous visez. Je conçois que l'insistance mise sur le mot « grève » ait alimenté nombre de débats, mais elle signifie seulement qu'en cas de grève nous entrons dans une autre logique, notamment au regard de la mobilisation des personnels non grévistes. S'il était adopté, votre amendement affaiblirait en outre la portée de la déclaration individuelle qui permet de savoir si un agent va ou non faire grève.
Mais j'ai bien compris le message et, je le répète, le texte ne vise pas les seuls cas de grève. Vous allez d'ailleurs présenter d'autres amendements précisant les situations qui, en dehors des cas de grève, créent des perturbations et nous avons bien à l'esprit de couvrir le maximum de situations prévisibles.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. M. le ministre me laissant le choix entre un retrait ou une rectification, je suggère, à titre personnel puisque je ne vais pas demander une suspension de séance pour réunir la commission,...
M. Guy Fischer. Mais si !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. ...de rédiger comme suit l'intitulé : « Organisation de la continuité du service public en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève ». Cette rédaction répond aux préoccupations du ministre tout en visant un champ étendu. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédigez comme suit l'intitulé de ce titre :
Organisation de la continuité du service public en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève
Quel est maintenant l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'intitulé du titre III est ainsi rédigé.
Article 4
I. - Après consultation des représentants des usagers, l'autorité organisatrice de transport définit les dessertes qui doivent être prioritairement assurées pour permettre, notamment, les déplacements quotidiens de la population en cas de grève ou d'autre perturbation prévisible du trafic.
Au sein des priorités de desserte ainsi définies, l'autorité organisatrice de transport détermine celles qui correspondent à un besoin essentiel de la population. L'autorité organisatrice arrête les conditions dans lesquelles une desserte doit être assurée, notamment les fréquences et les plages horaires auxquelles elle doit l'être pour qu'il ne soit pas porté, en cas de grève des salariés des entreprises de transport, une atteinte disproportionnée :
1° À la liberté d'aller et venir ;
2° À l'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement ;
3° À la liberté du travail ;
4° À la liberté du commerce et de l'industrie.
Les priorités de desserte sont rendues publiques.
II. - L'entreprise de transport élabore un plan de transport adapté aux priorités de desserte définies au I et un plan d'information des usagers. Après consultation des institutions représentatives du personnel, elle soumet ces plans à l'approbation de l'autorité organisatrice de transport.
Le plan de transport adapté indique les niveaux de service à assurer. Pour chaque niveau, sont précisés notamment les horaires et les fréquences de celui-ci.
Le plan de transport adapté est approuvé par l'autorité organisatrice de transport.
III. - Les conventions d'exploitation conclues par les autorités organisatrices de transport et les entreprises de transport après l'entrée en vigueur de la présente loi comportent le plan de transport adapté et le plan d'information des usagers.
Les conventions d'exploitation en cours sont modifiées avant le 1er janvier 2008 pour intégrer le plan de transport adapté et le plan d'information des usagers.
IV. - En cas de carence de l'autorité organisatrice de transport, et après une mise en demeure, le représentant de l'État peut arrêter les priorités de desserte dans le respect des conditions prévues au I du présent article.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. Cet article vise à confier aux autorités organisatrices de transport la mission de définir les priorités de desserte qui donneront lieu à l'élaboration, par les entreprises, de plans de transport et de plans d'information des usagers.
La définition de ces priorités doit, selon la lettre même du projet de loi, concilier plusieurs principes constitutionnels. Sont cités expressément le droit d'aller et de venir, l'accès aux services publics, la liberté du travail, la liberté du commerce et de l'industrie. J'y ajoute le droit de grève.
En effet, comment ne pas rappeler que M. Mandelkern, dans son rapport rédigé en 2004, considère que la conciliation de ces principes de valeur constitutionnelle « ne peut aboutir à une quasi-négation de l'un d'eux », en l'occurrence celui de faire grève, droit reconnu à chaque salarié ?
Ainsi, le droit de grève doit s'exercer dans le cadre des lois qui le réglementent sans nier les autres principes constitutionnels. Il en est de même de la liberté d'aller et de venir comme de la liberté du commerce et de l'industrie, pour ne citer que deux de ces principes qui doivent s'exercer en tenant compte notamment du droit que possède chaque salarié de faire grève.
Une grève ne saurait exister sans qu'aucune gêne ne soit causée aux usagers sauf à fournir un service normal et, dans ce cas, il s'agirait de la simple négation d'un droit fondamental que le juge constitutionnel ne manquerait pas de sanctionner.
Durant la campagne de l'élection présidentielle, le candidat Sarkozy avait évoqué l'idée d'un service normal aux heures de pointe. Au-delà de son caractère démagogique, cette proposition est évidemment incompatible avec l'esprit et la lettre de la Constitution. Elle a, heureusement, été écartée de la rédaction finale du projet.
Néanmoins, nous resterons très vigilants face à toute tentative de mettre en oeuvre des dispositions dont les conséquences seraient la négation du droit de grève.
En plus de la question de savoir si les limites au droit de grève, telles qu'elles figurent dans ce texte, ne sont pas disproportionnées avec l'intérêt public qui est censé les justifier, le projet de loi aura des incidences majeures sur les autorités organisatrices de transport, c'est-à-dire, bien souvent, sur les collectivités territoriales ou leurs établissements de coopération, qui devront définir non seulement les priorités de desserte, mais aussi les besoins essentiels de la population en matière de transport. J'aurais tendance à dire : vaste programme !
En effet, si chaque responsable d'autorité organisatrice est assurément très conscient de l'intérêt général et de la nécessité d'offrir un service essentiel aux habitants, il n'en reste pas moins que la définition des besoins essentiels est une tâche très difficile.
Quels arbitrages opérer entre des priorités qui, toutes, sont légitimes ?
Par exemple, quels établissements scolaires conviendra-t-il de desservir en priorité les jours de grève ? La concertation avec les parents d'élèves aboutira-t-elle à ce que les enfants scolarisés dans le collège A soient déclarés « plus prioritaires » que ceux du collège B ?
Quel service public devra-t-il être desservi en priorité : les écoles, l'hôpital, la Poste, la bibliothèque ?
En résumé, quelle sera la hiérarchie des priorités et quel sera le fondement objectif du choix effectué ?
Au-delà, et dans l'hypothèse de la définition de priorités telles que prévues par le texte, quelle attitude adopter quand un usager demandera des comptes, estimant que les priorités décidées par l'autorité organisatrice ne sont pas les bonnes ?
Sûr en quelque sorte de son droit - j'oserais presque dire de son nouveau « droit opposable au transport » -, l'usager pourra-t-il demander au juge de se prononcer sur les priorités fixées par les autorités organisatrices de transport et, si tel est le cas, sur quels critères celui-ci pourra-t-il fonder sa décision ?
Ainsi, le dispositif prévu porte en lui-même ses propres limites : sa mise en oeuvre paraît extrêmement complexe et, une fois effective, son application sera susceptible de créer un nouveau « foyer » de contentieux. Quelles seront, notamment, les conséquences financières de la mise en oeuvre de ces dispositions si l'autorité organisatrice voit sa responsabilité mise en cause ?
Les propositions du Gouvernement et de la commission spéciale ne peuvent donc recueillir l'adhésion du groupe socialiste. C'est la raison pour laquelle nous proposerons un certain nombre d'amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. L'article 4 vise à imposer aux autorités organisatrices de transports la définition de dessertes prioritaires répondant à un besoin essentiel de la population. Or, ainsi que vient de le dire mon collègue Michel Teston, comment définir ces besoins essentiels ?
Est-ce en se focalisant, par exemple, sur les heures de pointe pour permettre à nos concitoyens d'aller travailler et de rentrer chez eux le soir, comme cela a souvent été suggéré ?
Dans une région comme l'Île-de-France, où les contrats à temps partiel sont multiples, où la SNCF reconnaît elle-même que les heures de pointe ont tendance à s'étaler de plus en plus tôt l'après-midi et jusque tard le soir, on ne voit pas comment ces autorités vont pouvoir définir clairement leurs priorités.
Cet article met également en avant la nécessité de garantir la liberté d'aller et venir et la liberté du travail. Très bien ! Mais pourquoi vouloir respecter ces libertés les seuls jours de grève ?
Dans ma circonscription, la Seine-et-Marne, j'ai le triste honneur de disposer d'une partie de la seule ligne ferroviaire d'intérêt national qui ne soit pas encore électrifiée en 2007, la fameuse ligne « Paris-Bâle », ou, pour les Franciliens, la ligne « Paris-Provins » !
Sur cette ligne, les usagers rêvent d'une véritable liberté d'aller et venir, de se rendre à leur travail, et pas seulement les jours de grève, mais toute l'année. En effet, sur cette ligne, en faveur de laquelle l'État et la SNCF n'ont effectué aucun investissement pendant plus de trente ans, on ne compte plus les « prises d'otages » d'usagers. Les annulations pures et simples de trains et les retards réguliers sont tels que les employeurs exercent désormais une discrimination à l'embauche pour les salariés résidant dans les communes desservies par cette ligne.
À titre d'exemple, je ne résiste pas à l'envie de vous lire deux courriels que j'ai reçus ce matin émanant de deux responsables d'associations d'usagers. Des courriels comme ceux-là, j'en reçois tous les jours ! Ils sont adressés à M. Maurice Testu, directeur du transilien Paris-Est, qui a une bien lourde tâche.
Le premier de ces messages est ainsi rédigé :
« Bonjour,
« Ce matin, le train au départ de Mormant à 7 h 20 - arrivée Paris 8 h 00 - a été annoncé avec un quart d'heure de retard.
« De plus, il n'était composé que de 4 voitures - à la place de huit ; j'ajoute, monsieur le ministre, qu'il ne s'agit pas de voitures à double étage.
« Ce qui fait qu'à Verneuil-L'Étang les usagers étaient encore une fois debout pour 40 mn de transport !!!
« Difficile début de matinée, vous ne trouvez pas ??? »
Ce message a été envoyé à neuf heures vingt-six.
À neuf heures vingt-neuf, je recevais la copie de ce second courriel adressé, cette fois encore, à M. Testu par une autre responsable d'association d'usagers :
« Monsieur Testu,
« Effectivement, au départ de Provins, le 6 h 36 était composé de quatre voitures... À noter que ce train est parti à 6 h 39. J'en ai demandé la raison au contrôleur. Le mécanicien a refusé de partir à 6 h 36, car il n'était pas au courant de la modification de cet horaire. Il faudrait vraiment qu'une note de service soit faite dans ce sens, ce qui nous permettrait à l'arrivée à Longueville de prendre le 6 h 54 dans les meilleures conditions possibles et de ne pas courir... » (Exclamations sur les travées de l'UMP.)[...]
« J'ai bien apprécié les explications du contrôleur qui nous a même indiqué qu'un retard était annoncé dans la mesure où il y avait un problème de passage à niveau à Mormant », etc.
M. Christian Cambon. Sur quel quai ?
M. Michel Billout. Mes chers collègues, si vous le souhaitez, je peux vous inscrire sur la liste de distribution de ces courriels afin que vous puissiez vous rendre compte de ce que vivent les usagers au quotidien, et ce bien au-delà des journées de grève !
La continuité du service public que vous appelez de vos voeux, en opposant les grévistes des entreprises de transports et les autres salariés, n'est pas de nature à résoudre ces problèmes quotidiens qui perdurent dans l'ensemble de nos régions ; je ne parle pas uniquement de l'Île-de-France.
Ainsi, est-ce la faute aux grévistes si, en Normandie, seule une moitié du parc matériel était disponible au début de l'année pour assurer le trafic des trains régionaux ? Cette pénurie de matériel a provoqué des suppressions, des suroccupations et des retards sans que des mesures soient prises par l'entreprise publique tant pour assurer les liaisons régionales que pour pallier les dysfonctionnements des relations ferroviaires vers la capitale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Cela s'améliore !
M. Michel Billout. Est-ce la faute à un quelconque mouvement social si, sur les axes de Basse-Normandie, la situation est de même nature avec dix-sept trains TER supprimés début juillet, auxquels on peut ajouter les problèmes de suroccupation des trains Corail intercités ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
En région PACA, depuis le début 2007, seuls cinq cents TER sur cinq cent quarante normalement prévus chaque jour circulent effectivement. La raison principale en est l'insuffisance des personnels agents de conduite.
Sur la ligne des Alpes, les trains accusent un retard moyen de vingt-cinq à quarante-cinq minutes à la suite d'un manque de personnels et à une insuffisance d'entretien des voies.
M. Christian Cambon. Que fait le président socialiste de région ! (MM. Gérard Cornu et Dominique Braye renchérissent.)
M. Guy Fischer. Voyez plutôt Mme Idrac !
M. Michel Billout. Une situation que l'on retrouve en région Aquitaine.
M. Christian Cambon. Pas en Alsace !
M. Michel Billout. Lors du comité d'entreprise du 26 juin 2007, la direction de la SNCF annonçait l'allégement (M. Dominique Braye s'exclame.)... Ecoutez ! C'est cela le quotidien des usagers ! Respectez-les ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
...la direction de la SNCF, disais-je, annonçait l'allégement des circulations TER par rapport à ce qui est prévu normalement, cette décision étant motivée par une pénurie d'agents de conduite.
Dans la région de Chambéry, à la suite d'une insuffisance d'entretien, la direction reconnaît que le dérangement des installations, notamment électriques, constitue le point noir des causes de retard des trains. Ainsi, au premier trimestre 2007, soixante-quatre trains ont été supprimés à la suite de défaillances du matériel roulant.
M. Dominique Braye. Cela n'a rien à voir avec le service minimum !
M. Michel Billout. En région Midi-Pyrénées - ainsi, il n'y aura pas de jaloux ! - les causes des suppressions des TER avancées par la direction de la SNCF sont, par ordre décroissant, les suivantes : défaut de matériel roulant, avaries de matériel, absence d'agents de conduite, absence de contrôleurs.
M. Dominique Braye. Ce sont des régions socialistes ! Que font les présidents de région ?
M. Michel Billout. Rien d'étonnant lorsqu'on sait que plus de 1 000 emplois de cheminots ont été supprimés en cinq ans, monsieur Braye !
J'ajoute que, selon le « tableau de bord TER » fourni par la direction de la SNCF au comité d'entreprise pour l'année 2006 (Exclamations sur les travées de l'UMP.), avec 5 672 journées pour un effectif de 4 735 agents, la moyenne de journées de grève par agent et par an est de 1,19 !
M. Dominique Braye. Que des régions socialistes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cessez de critiquer vos camarades ! L'union de la gauche est bien loin !
M. Michel Billout. Si la continuité du service public est mise à mal sur bon nombre de lignes régionales, c'est donc plus le fait d'un manque d'investissement en matériel et en personnels qu'en raison des conséquences de conflits pouvant découler de cette situation dégradée.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Michel Billout. Je vous remercie de votre attention, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Où est l'union de la gauche ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, sur l'article.
M. Michel Mercier. Je souhaite simplement poser une question à Mme le rapporteur et à M. le ministre.
Je comprends fort bien la teneur de l'article 4. Cela étant dit, comme un certain nombre de mes collègues sur ces travées, en tant que responsable d'une autorité de transport, je m'interroge sur la mise en oeuvre de cet article.
Définir les besoins essentiels, c'est une chose. Et si je me réfère à la façon dont est rédigé le I de cet article, l'on voit bien qu'il y a concours et opposition entre des libertés publiques fondamentales. Or, quelles que soient celles-ci, elles font toutes partie de notre arsenal juridique, de notre droit public républicain, et ce en dépit des différentes acceptions qui les caractérisent les unes et les autres.
D'ailleurs, peu des libertés mentionnées ici constituent des droits généraux et absolus, la plupart de ces derniers encourant, de par la jurisprudence du Conseil d'État, notamment, des limitations imposées par la loi.
Nous discutons ici d'un projet de loi tendant à organiser l'exercice de ces droits, qu'il s'agisse du droit de grève ou de l'ensemble des autres libertés.
Bien entendu, nous vivons dans une République...
M. Jean Desessard. Tiens donc !
M. Michel Mercier. ... unitaire. Cela veut donc dire que chacun d'entre nous a les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Or, si l'on veut éviter de tomber dans toute une série de contentieux, je m'interroge sur le point suivant : comment le Gouvernement, qui est chargé, de façon générale, du respect des lois dans le pays, va-t-il faire pour que l'appréciation des droits et des devoirs soit la même pour chacun, de façon que la conception propre à telle ou telle autorité organisatrice ne soit pas différente d'un point à un autre du territoire ?
J'ajoute que, dans de nombreux cas, plusieurs autorités organisatrices doivent concourir pour faire fonctionner l'ensemble du système de transport en commun. En effet, tel département, tel territoire peut disposer à la fois d'un réseau d'autocars, d'un réseau ferroviaire, d'un réseau de transports en commun avec des autorités différentes, même si ce sont parfois les mêmes qui les font fonctionner.
Comment va-t-on s'assurer qu'une même définition s'appliquera aux besoins essentiels, que l'équilibre ou la proportionnalité seront respectés dans l'exercice de ces différentes libertés publiques entre des autorités organisatrices de transport qui devront se mettre d'accord pour assurer la continuité de la chaîne de transport public ?
Je souhaiterais savoir si le Gouvernement entend établir une sorte de guide pour aider les milliers d'autorités organisatrices qui vont devoir mettre en oeuvre l'exercice de droits fondamentaux qui, tous, peuvent effectivement être limités par la loi : la Constitution le précise et la jurisprudence tant du Conseil constitutionnel que du Conseil d'État le confirme.
Il est clair que l'on va se trouver face à un certain nombre de décisions infralégislatives, infraréglementaires, voire, parfois, de nature juridique un peu « olé olé », et qu'il va bien falloir essayer de s'en dépêtrer si l'on ne veut pas ouvrir un contentieux général.
Ma question est donc simple : le Gouvernement entend-il, par voie de circulaire, par exemple, édicter une sorte de doctrine qui pourrait servir de référence, sans que cela comporte aucune obligation que ce soit ? Dans le cas contraire, ne va-t-on pas au-devant de grandes difficultés quant à la définition de l'ensemble des besoins essentiels ?
Par ailleurs, comment va-t-on pouvoir, eu égard aux droits fondamentaux qui sont mentionnés dans l'article 4, faire en sorte que ces besoins essentiels soient satisfaits, tout en garantissant le respect des libertés publiques ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Madame la présidente, je n'ai pas rêvé : j'ai bien entendu tous les sénateurs de droite vociférer parce que notre collègue du groupe CRC s'exprimait !
M. François Trucy. Pourquoi intervenez-vous, monsieur Desessard ?
M. Dominique Braye. Il n'était pas prévu que vous preniez la parole !
Mme la présidente. M. Desessard intervient sur l'article, mes chers collègues !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il faut suivre !
M. Jean Desessard. Nous sommes en démocratie ! Jusqu'à présent... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Robert Bret. Que faites-vous des droits de l'opposition ?
M. Guy Fischer. Voilà bien le sarkozysme qui est en marche !
M. Jean Desessard. Je disais donc que vous aviez tous crié, mes chers collègues de la majorité, et je ne comprends pas pourquoi.
M. Billout ne vous a pourtant pas accusés d'être les agents politiques du grand capital ou de vouloir casser les syndicats pour installer la précarité et supprimer les protections des salariés ! Il n'a pas prétendu non plus que vous défendiez les plus riches. S'il avait tenu de tels propos, vous auriez pu protester et je l'aurais compris... mais vous restez passifs même lorsque je le dis ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Non, M. Billout a simplement évoqué les dysfonctionnements de la SNCF, et vous avez tous protesté, comme si ce n'était pas la vérité.
Mes chers collègues de l'opposition, ne me faites pas croire que vous prenez les transports en commun uniquement lorsqu'ils sont en grève, pour être bloqués et pouvoir en parler ensuite, ce qui serait tout de même grave et provocateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Ils sont masochistes !
M. Jean Desessard. Les transports en commun fonctionnent mal, nous l'avons assez répété. Il faut améliorer les services publics, mais les grèves n'expliquent qu'une toute petite partie des dysfonctionnements constatés. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Dominique Braye. Une toute petite partie de trop !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Chers collègues de la majorité, vous ne lui demandez pas pourquoi il intervient ?
M. Jean Desessard. En effet, pourquoi intervenez-vous, monsieur Nogrix ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Nogrix a la parole !
M. Philippe Nogrix. J'assiste ce soir à des débats qui ne sont aucunement liés au texte. J'ai l'impression qu'on oppose le capitalisme au syndicalisme. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. C'est vrai !
M. Charles Gautier. Vous avez tout compris !
M. Philippe Nogrix. Mes chers collègues de l'opposition, vous vivez dans un autre monde ! Je vous le rappelle, nous sommes ici au Sénat, pour y discuter sérieusement des textes qui nous sont proposés, et non pour faire des interprétations ou de grands effets oratoires !
La question n'est pas de savoir si nous défendons ou non le droit de grève au travers de cet article, qui traite d'ailleurs d'un tout autre sujet, à savoir l'information de l'usager et la mise à sa disposition d'un plan de transports en cas d'urgence.
Personne n'interdit aux syndicats de faire usage du droit de grève ! Mes chers collègues, ne nous resservez pas les mêmes arguments pour chaque article du projet de loi, car nous les connaissons ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Par ailleurs, mettez-vous un peu à la place des gens que vous représentez ici.
Mme Catherine Tasca. C'est justement ce que nous faisons !
M. Philippe Nogrix. Vous ne représentez pas les syndicats, que je sache, ni nous le patronat ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Si !
M. Philippe Nogrix. Nous nous efforçons d'organiser la société française ...
M. Robert Bret. À la demande du MEDEF !
M. Guy Fischer. Vous appliquez le livre blanc de Mme Parisot !
M. Philippe Nogrix. ... pour que les citoyens connaissent leurs droits et leurs devoirs.
Chaque usager a le droit de savoir ce que le service public lui offre en cas de grève, quand celle-ci se produit, ce qui est normal, d'ailleurs.
Ne nous reprochez donc pas en permanence de nous élever contre le droit de grève, car nous y sommes favorables et nous le reconnaissons ! Nous demandons simplement que l'usager n'en soit pas prisonnier, qu'il sache exactement ce à quoi il a droit, ou non, et pourquoi.
Pour cela, il faut que les autorités organisatrices de transports, avec lesquelles les collectivités territoriales ont contracté, s'organisent pour informer les usagers des services auxquels ils ont droit, ou sur lesquels ils ne pourront pas compter en raison de tel ou tel mouvement social.
Mes chers collègues, ne vous excitez pas tant ! Efforcez-vous de rester aussi calmes que nous le sommes d'ordinaire dans cet hémicycle, quand nous examinons un texte pour identifier ses aspects positifs ou négatifs. N'essayez pas de dresser une moitié de l'hémicycle contre l'autre moitié, ...
M. Jean Desessard. Si encore c'était moitié-moitié ! C'est plutôt un tiers-deux tiers !
M. Philippe Nogrix. ... car ce n'est pas de la bonne gouvernance !
En ce qui concerne cet article 4, il est nécessaire, me semble-t-il, que nous aidions les autorités organisatrices de transport à mettre en oeuvre ces dispositions.
En effet, les sociétés qui leur proposent des prestations de service devront remplir un cahier des charges qui permettra, lorsque des conflits surgiront, de définir un service minimum, mais qui ne portera pas sur le droit de grève, parce que les transporteurs n'ont pas à en débattre - c'est à nous de le faire ! - et qu'il est reconnu par la loi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Mercier, vous m'avez interpellé directement, et j'ai à coeur de vous répondre.
Ce texte constitue bien une loi-cadre, qui fixe des principes. Comme je l'ai expliqué hier à la tribune, nous avons souhaité être le plus précis possible, s'agissant notamment de principes qui ont une valeur constitutionnelle ou qui constituent des principes généraux du droit, et que nous avons tenu à inscrire dans ce texte.
D'ailleurs, nous avons tout à l'heure donné un avis favorable à un amendement présenté par M. Portelli et défendu brillamment par M. Cambon, qui avait pour objet de mentionner ces principes dès l'article 1er du présent projet de loi, ce qui atteste de leur importance.
Cela dit, ce texte s'inscrit également dans un cadre décentralisé.
Mme Nicole Bricq. On en doute !
M. Xavier Bertrand, ministre. D'ailleurs, l'offre de service qui est proposée aujourd'hui diffère d'une région à l'autre. Pour ma part, je suis un élu de la Picardie, une région qui ne dispose pas de la même offre de service que l'Île-de-France, et qui ne mène pas non plus la même politique.
En vous écoutant tout à l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, j'avais le sentiment que vous remettiez en cause les dispositifs qui existent déjà, alors que ce sont des autorités organisatrices comme l'Île-de-France ou la région Rhône-Alpes qui, les premières, ont signé des contrats particuliers et mis en place des plans de transport adaptés.
M. Guy Fischer. C'est vrai.
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce que vous ne souhaitez pas voir instituer à l'avenir existe déjà dans certaines régions qui, de surcroît, sont gérées par vos amis !
D'ailleurs, mon intention n'est pas de montrer qui que ce soit du doigt, car je trouve excellent que quatre régions aient déjà mis en place des plans de transport adaptés globaux.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous voulons veiller à ce que le plan de transport adapté ne soit pas élaboré en cachette. C'est pourquoi la procédure sera transparente et se fera en concertation avec les représentants des usagers, par exemple dans le cadre du conseil économique et social régional.
Le plan de transport adapté tiendra compte des priorités de desserte et des besoins quotidiens de la population. Je vous le dis franchement, mesdames, messieurs les sénateurs : ce ne sera pas un plan a minima.
Monsieur Mercier, la situation des transports ne sera certainement pas moins bonne demain qu'aujourd'hui ! En revanche, il faut bien concevoir qu'elle est aujourd'hui différente d'une région à l'autre, et même d'un département à l'autre. C'est la logique de la décentralisation, dont la loi-cadre sur le service minimum ne remet pas en cause les principes.
Vous le savez, si le principe d'égalité venait un jour à être rompu, le juge pourrait intervenir. Toutefois, nous n'en sommes pas là, et j'ai le sentiment que le sur-mesure que nous proposons répond aux souhaits des entreprises comme des usagers.
Pardonnez-moi d'évoquer ma propre expérience, mais dans ma commune de Saint-Quentin - vous pourrez en témoigner, monsieur Pierre André - les priorités de desserte qui devront être définies ne se limiteront pas au matin et au soir, comme en région parisienne. Il sera important aussi que les usagers puissent rentrer chez eux le midi, notamment les enfants qui se rendent au collège, si la grève n'a pas lieu un mercredi, et qui doivent regagner leur domicile pour déjeuner.
Je le répète, nos priorités de desserte ne seront pas les mêmes qu'en Île-de-France. Ce texte tient compte de la diversité des situations, mais il n'empêche nullement que l'équité soit garantie sur l'ensemble du territoire, j'en suis convaincu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 40 est présenté par MM. Krattinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés et Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Mme Demontès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Printz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés et Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, MM. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Ries et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Reiner et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 69 est présenté par M. Billout et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Krattinger, pour présenter l'amendement n° 40.
M. Yves Krattinger. Nous demandons la suppression de cet article, qui vise en réalité à encadrer la faculté des autorités organisatrices de transport de définir les priorités de desserte accomplies dans le cadre d'un service minimum, en cas de grève ou de perturbations prévisibles du trafic - mais peut-être leur reprochera-t-on demain de ne pas le faire quand les perturbations sont imprévisibles !
Vous le voyez, monsieur le ministre, ces distinctions sont purement sémantiques et, en même temps, très peu lisibles pour nos concitoyens.
Ce faisant, cet article organise l'irresponsabilité de l'État dans la mise en oeuvre du service minimum et rend les élus locaux comptables des graves limitations qui seront apportées au droit de grève, alors qu'ils n'y seront pour rien ; on peut même imaginer que certaines de ces limitations portent atteinte au droit de grève.
Que se passera-t-il ? La notion de « besoins essentiels de la population » n'a aucune valeur juridique, ...
M. Yves Krattinger. ... et il n'en existe aucune définition.
Les besoins essentiels diffèrent selon les populations - vous venez d'ailleurs de le reconnaître, monsieur le ministre - ce qui justifiera toutes les inégalités et tous les abus. En effet, les principes qui présideront à la définition des priorités de desserte ne seront à l'évidence pas les mêmes partout, ce qui vous facilite la tâche.
Ici, on favorisera la desserte des services publics sanitaires ; nous pourrons tous nous accorder sur une telle priorité. Là, on privilégiera le service des écoles ; une fois encore, nous pourrons tous en être d'accord, mais comment faire lorsque les transports qui desservent un collège ne fonctionnent pas, ou à moitié seulement ! Monsieur le ministre, comment procèdera-t-on, concrètement, si l'on ne veut pas limiter l'exercice du droit de grève ? Ailleurs, les zones commerciales et les grands magasins rappelleront qu'ils payent des impôts et veulent donc être desservis. Là, on favorisera les personnes âgées, car on ne peut pas les abandonner, vu qu'elles ne disposent pas d'autre moyen de transport. Ici encore, on fera bénéficier d'une garantie à la mobilité les étudiants, en soulignant qu'ils doivent assister aux cours, car c'est important, ou ceux qui n'ont pas de voiture, les gens qui vont faire leurs courses, les clients du dimanche qui ne sont pas libres en semaine car ils travaillent...
Pis, monsieur le ministre, ne faut-il pas craindre que des intérêts particuliers président in fine à la définition de l'atteinte disproportionnée aux libertés ? Certains choix peuvent en effet être orientés par des prédispositions personnelles.
M. Yves Krattinger. Ne peut-on imaginer que des entreprises importantes, qui considèrent souvent qu'elles contribuent beaucoup au financement des transports publics urbains, fassent pression sur les élus afin d'obtenir que leur établissement soit desservi en priorité ?
Ces principes seront donc extrêmement confus et, pour tout dire, inapplicables.
M. Jean Desessard. C'est vrai !
M. Yves Krattinger. Que faire quand les commerçants du centre-ville opposeront leurs arguments aux intérêts des supermarchés de la périphérie ? Car tout le monde voudra être prioritaire !
On imagine les difficultés dans lesquelles les élus locaux, qui devront arbitrer entre toutes ces demandes, se trouveront rapidement plongés. On entrevoit déjà les abus, réels ou non, mais qui seront dénoncés dans tous les cas, ainsi que l'explosion éventuelle des contentieux.
Dans certains pays, l'État a tracé la route, c'est-à-dire qu'il a indiqué un ordre de priorité. Il serait plus simple, et plus conforme à la logique de votre démarche, d'en faire autant, sinon chacun pourra faire n'importe quoi et se voir contesté par tout le monde, ce qui posera de vrais problèmes.
Par ailleurs, à aucun moment le texte qui nous est présenté ne réaffirme le principe du droit aux transports pour tous, à savoir le droit à la mobilité des personnes socialement et économiquement les plus défavorisées, tel qu'il est posé par la LOTI, la loi d'orientation des transports intérieurs.
Ce projet de loi qui prétend promouvoir le dialogue social oublie le volet social qui était inclus dans la LOTI. Sous couvert de satisfaire les usagers - certains d'entre vous parlent fréquemment de clients -, il s'agit d'adresser des signaux à d'autres catégories, et peut-être aussi aux entreprises, à qui l'on tente de faire croire qu'en limitant le droit de grève dans les transports on éliminera la cause des interruptions de service.
Pourtant, la vérité, qui circule parmi nous depuis maintenant deux jours, et qui vient encore d'être rappelée par M. Billout, c'est que moins de 3 % des interruptions de service en Île-de-France sont dues à des grèves.
Ce chiffre est désormais public, et beaucoup de personnes s'interrogent aujourd'hui. Depuis les années 1990, le nombre des jours de travail perdus par salarié et par an est passé de 2,5 à 0,7, ce qui signifie que pour 0,7 jour par an au maximum on va mettre en place tout un dispositif destiné à encadrer les grèves, alors que tous les jours de l'année se produisent des interruptions de service dues à d'autres facteurs. Les usagers devront faire le tri entre les différentes causes d'arrêt des transports, sans savoir si une grève est organisée ou non.
M. Guy Fischer. On va leur faire croire que les grévistes sont les responsables !
M. Yves Krattinger. Je plains donc les élus locaux dans ce contexte.
En revanche, ce que nous constatons, c'est que les réseaux fonctionnent à flux tendus, qu'ils sont à la merci du moindre incident technique, et que les régions, qui ont investi massivement dans l'achat de matériels performants, souffrent du manque d'investissements de l'État dans les infrastructures - car chacun doit jouer son rôle. Nous ne nous lasserons pas de le répéter : ce n'est pas en limitant le droit de grève que l'on éliminera les causes des arrêts de services !
Mme Nicole Bricq. Voilà !
M. Yves Krattinger. En aucun cas ! Tout le monde en est convaincu ici ! On s'apercevra vite, monsieur le ministre, de la supercherie, car il s'agit bien de cela. Ou alors, vous voulez croire à ce qui n'existe pas.
D'ici là, au nom de la préservation de libertés choisies et hiérarchisées en fonction de préférences locales, les collectivités pourraient donner des coups de canif dans l'égalité des citoyens. Elles n'ont pas envie de le faire !
Les libertés individuelles et collectives garanties par la Constitution ne peuvent souffrir d'adaptations locales. Les besoins essentiels de la population locale ne sont pas ceux de la nation : il ne faut pas les confondre ! Les territoires ne vivent pas tous sur le même rythme. À l'évidence, il est des besoins essentiels au fonctionnement de la nation, mais nous ne pourrons pas tous les assurer. Les dispositions qui ont permis de limiter l'étendue du droit de grève doivent être rediscutées ; nous ne pouvons nous engager sur ce terrain.
Notre conviction est qu'il revient à l'État, et non aux élus locaux, de garantir que ces libertés soient préservées. Ce n'est pas le travail des élus locaux ! Juridiquement, même, ce raisonnement ne tient pas : leur responsabilité ne peut être mise en cause. Les libertés doivent être défendues en tout point du territoire national. Monsieur le ministre, vous verrez que les contentieux donneront raison aux élus locaux. Aujourd'hui, aucun pouvoir de réglementation locale ne leur est confié. Nous n'en sommes pas là !
Or, dans sa rédaction actuelle, l'article 4 fait l'inverse. L'État organise les inégalités territoriales et, surtout, son irresponsabilité. Il ne peut plus être mis en cause en la matière puisqu'il ne fait plus rien !
L'État fait donc reposer sur les représentants des usagers et sur les élus locaux la responsabilité d'interdire la grève à certaines catégories de personnel. On dira que c'est leur faute si cela ne fonctionne pas !
À titre d'exemple, 80 % des transports départementaux concernent le transport scolaire dans les territoires ruraux. (Marques d'impatience sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Krattinger.
M. Yves Krattinger. Je conclus, madame la présidente ! J'ai presque fini la présentation de cet amendement.
M. Robert Bret. C'est intéressant ! Poursuivez, cher collègue !
M. Dominique Braye. Cela commence à bien faire !
M. Yves Krattinger. Souvent, de nombreuses entreprises familiales assurent le service sur une ou plusieurs lignes de transport. Décider que le service d'une ligne sera maintenu plutôt que celui d'une autre reviendrait de facto à interdire aux salariés des entreprises concernées de faire grève.
M. Dominique Braye. Cela suffit !
M. Yves Krattinger. Cela ne sera pas sans poser problème. Dans les régions, les contraintes d'exploitation du réseau TER et ses connexions au réseau national interdiront la grève à certaines catégories de personnels et d'employés. Il ne peut en être autrement, car les effectifs ne sont pas suffisants.
Au cours des auditions menées par la commission spéciale, nous avons entendu les représentants des collectivités comme les représentants des usagers refuser d'assumer des responsabilités qui incombent à l'État. Tous l'ont dit : l'État doit assumer au grand jour sa volonté de mettre en cause le droit de grève dans notre pays.
M. Dominique Braye. Il faudrait que cela s'arrête !
M. Yves Krattinger. L'article 4 consacre un transfert déguisé de responsabilité politique pour détruire par petites touches, sur tout le territoire national, des garanties que nous considérons comme fondamentales pour notre démocratie sociale. C'est pourquoi nous demandons sa suppression ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Il y en a qui ne veulent pas entendre la vérité !
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 69.
M. Robert Bret. Cet article constitue le coeur même de ce texte, puisqu'il définit le cadre du service minimum, comme l'a rappelé avec raison M. le ministre voilà un instant. En effet, il confie aux autorités organisatrices de transport la compétence pour définir les dessertes prioritaires, afin de répondre aux besoins essentiels des usagers.
L'instauration de ce service minimum est justifiée par l'existence de libertés fondamentales qui doivent être garanties. Il s'agit notamment de la liberté d'aller et de venir, de l'accès au service public, de la liberté du travail, de la liberté du commerce et de l'industrie. Pourtant, la grève ne saurait porter atteinte à ces libertés. En effet, elle n'a pas les moyens d'entraver la liberté d'aller et de venir, elle peut seulement bloquer les transports terrestres de voyageurs. Son action porte donc uniquement sur une modalité de l'exercice de ce droit.
Sur le fond, monsieur le ministre, en invoquant le respect de droits fondamentaux qui doivent être garantis uniquement en cas de grève ou de perturbations, vous oubliez une liberté fondamentale, un droit constitutionnellement reconnu depuis 1946 et porteur de nombreuses avancées sociales non seulement pour les grévistes, mais aussi pour l'ensemble des citoyens de notre pays. Vous profitez de ce droit, comme nous en profitons.
Pourtant, monsieur le ministre, vous décidez de confier aux collectivités territoriales la définition des besoins essentiels, donc le périmètre de la mise en oeuvre du droit de grève. C'est un beau cadeau que vous faites aux élus locaux, monsieur le ministre, en vous défaussant de vos responsabilités !
Mme Nicole Bricq. C'est un cadeau empoisonné !
M. Robert Bret. Or l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946 proclame : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
En effet, pour le législateur, qui incarne l'intérêt général, cette liberté fondamentale ne saurait souffrir de limite, sauf lorsque l'intérêt général est menacé.
Le pouvoir réglementaire n'est donc nullement fondé à limiter l'exercice du droit de grève.
Cette simple raison suffit à rendre cet article inacceptable. Celui-ci est même dangereux par l'iniquité qu'il entraîne dans l'exercice du droit de grève, en fonction des collectivités territoriales.
Il est une autre raison : cet article ne nous paraît pas judicieux, parce que les organisations syndicales sont uniquement consultées sur l'élaboration du plan de transport adapté et sur le plan d'information des usagers. À aucun moment, elles ne disposent d'un quelconque pouvoir pour faire valoir des contrepropositions alternatives ! Pourtant, ce sont bien les personnels qui, au quotidien, mettent en oeuvre ce service public.
Ainsi cette loi, qui est censée renforcer le dialogue social, tourne-t-elle le dos au principe même de concertation. Certains sénateurs souhaitent même que la consultation des associations d'usagers soit limitée, car elle serait trop contraignante.
Enfin, le IV de cet article permet au représentant de l'État de se substituer à l'autorité organisatrice de transport pour définir les besoins essentiels et les priorités de desserte. Cette possibilité est d'ailleurs renforcée par l'amendement déposé par la commission spéciale.
Monsieur le ministre, notre collègue Michel Mercier avait raison quand il évoquait cette contradiction majeure : soit on considère que cela relève de la compétence des collectivités, auquel cas il serait contraire au principe de libre administration des collectivités locales que le préfet intervienne en cas de carence de l'autorité organisatrice de transport,...
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Robert Bret. ...soit il s'agit d'une compétence nationale, et il revient alors au Parlement de définir ces besoins essentiels, en l'occurrence ceux du service public.
Bref, cet article 4 est inapplicable, monsieur le ministre, car il n'est pas fondé juridiquement. Non seulement il remet en cause les niveaux de compétence, mais il crée également une pression inadmissible sur le droit de grève. Pour toutes ces raisons, nous en demandons la suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 41, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'autorité organisatrice peut, sur les réseaux qui le permettent, déterminer les dessertes qui doivent être prioritairement assurées en cas de perturbation du trafic. Elle tient compte des besoins exprimés par les représentants des usagers dans le souci de la mise en oeuvre du principe du droit aux transports pour tous.
La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Madame la présidente, le vote sur les amendements identiques nos 40 et 69 s'impose, me semble-t-il, avant de poursuivre la discussion des amendements suivants qui, eux, portent sur la forme. J'espère que nos collègues sont désormais convaincus qu'ils ne sauront appliquer localement cet article 4 et qu'ils se prononceront donc pour sa suppression, ce qui rendrait les autres amendements sans objet. (Sourires.)
M. Dominique Braye. C'est lui qui décide ! Il veut présider !
Mme la présidente. Monsieur Krattinger, il s'agit d'amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Le vote interviendra une fois que tous auront été défendus, dans l'ordre de leur présentation.
M. Yves Krattinger. Dans l'hypothèse, improbable, où ces amendements de suppression ne seraient pas adoptés, il faut entrer dans une autre logique...
M. Yves Krattinger. ...celle du dialogue, monsieur le ministre, que nous vous proposons depuis hier déjà et qui devrait nous rassembler.
M. Yves Krattinger. Il faut donc prévoir une autre rédaction de l'article 4.
Il s'agit de permettre aux autorités organisatrices de transport de s'investir dans la définition des dessertes qu'elles souhaitent voir privilégiées par les entreprises de transport, dans le cas où une perturbation du trafic interviendrait, tout en reconnaissant leur liberté et l'existence de spécificités locales ou de réseaux. En d'autres termes, il faut laisser respirer le système !
Il s'agit encore de reconnaître que, sur certains réseaux, l'autorité organisatrice de transport ne peut en aucun cas définir des dessertes prioritaires sans interdire de fait le droit de grève à certaines catégories de personnels. Soucieux de garantir l'égalité des personnels devant le droit de grève et fidèles à nos positions précédentes, nous souhaitons préserver la possibilité pour les entreprises et les personnels d'organiser ensemble les conditions d'un dialogue social serein dans l'entreprise.
Ainsi, l'autorité organisatrice de transport qui ne souhaiterait pas, par ses exigences, contraindre le droit de grève de certaines catégories de personnel ne le ferait pas. La logique est donc tout autre !
À l'inverse, l'autorité organisatrice de transport qui souhaite définir les priorités qui s'imposeront aux entreprises de transport en cas de blocage des négociations et d'ouverture d'un conflit doit le faire en ayant pour principal souci d'offrir un service de mobilité aux personnes les plus dépendantes de la voiture, à savoir les personnes âgées, les écoliers, les étudiants, les personnes qui ne peuvent disposer d'un véhicule personnel pour se déplacer au quotidien, ce qui est conforme à la LOTI. Il faut donc maintenir le système actuel de référence.
C'est dans cette logique de droit aux transports pour tous que les textes visant à promouvoir l'usage des transports publics ont toujours été adoptés. Nous ne saurions nous en éloigner aujourd'hui.
Il s'agit d'un amendement de repli pour le cas où les amendements identiques n°s 40 et 69 seraient rejetés. Il vise à laisser les autorités organisatrices de transport libres d'organiser les rapports qu'elles entretiennent avec leur délégataire de service public. Par convention, elles se mettent d'accord sur les obligations de service public que doit accomplir l'entreprise de transport.
C'est seulement dans le cadre contractuel que doivent être nouées des relations de confiance entre les entreprises, les personnels, les autorités organisatrices de transport et les usagers. Nous sommes, je le répète, dans une tout autre logique !
Dans cet esprit de dialogue social, de nombreuses autorités organisatrices de transport ont déjà mis en oeuvre des dispositifs de prévisibilité de service jugés très satisfaisants - c'est le cas dans quatre régions -, dans le droit-fil du travail conduit par les deux précédents gouvernements et qui a permis l'élaboration de la charte pour une prévisibilité du service public de transport en période de perturbations le 4 juillet 2006. Ce n'est pas ancien : c'était il y a un an, monsieur le ministre ! (Plusieurs sénateurs de l'UMP protestent contre la durée de l'intervention.)
M. Dominique Braye. Il faut le débrancher !
M. Yves Krattinger. Cette charte a été lancée par M. Gilles de Robien, puis conclue par M. Dominique Perben et présentée aux principaux acteurs du secteur.
On est tout le temps en train de changer la donne dans ce pays !
M. Jean Desessard. Nous en avons assez des ruptures !
M. Yves Krattinger. Non, vous les rendez rigides en instaurant une loi là où elle n'est pas nécessaire !
Notre proposition vise à encourager le dialogue social, à propos duquel le plus fameux rapport sur la question, celui de M. Mandelkern - qui est toujours évoqué, mais pas toujours bien lu -,...
M. Yves Krattinger. ...affirme qu'il est la solution la plus adaptée à la préservation du droit de grève et de la liberté des collectivités locales. Or ces deux aspects se percuteront violemment d'ici à quelques mois.
M. Yves Krattinger. Je n'irai pas plus loin sur ce point.
Enfin, notre proposition n'affiche aucun délai, car aucun délai ne saurait être réaliste en la matière. Monsieur le ministre, l'échéance du 1er janvier 2008 cache mal la volonté du Gouvernement et de la majorité de brider tout dialogue social dans les entreprises. Tout le monde sait que c'est irréalisable !
II faut compter environ douze mois pour accomplir normalement une procédure de passation de délégation de service public, sur lesquels quatre mois entiers sont en général consacrés aux négociations. C'est le temps nécessaire ! C'est dire si la perspective d'aboutir en moins de trois mois à la conclusion d'un avenant aussi fondamental que la prévisibilité du service est mince.
En effet, la procédure proposée par le texte impose une définition de dessertes prioritaires par l'autorité organisatrice de transport avant que l'entreprise s'en saisisse pour définir un plan de transport adapté à ces priorités.
M. Christian Cambon. M. Krattinger parle depuis combien de temps ?
M. Dominique Braye. Mme la présidente est très tolérante, ce soir !
M. Yves Krattinger. Plusieurs étapes de concertation et de publicité sont en outre prévues.
M. Dominique Braye. Il faut le débrancher, maintenant !
M. Yves Krattinger. Tout ce que je vous décris se produira !
M. François Trucy. Et le respect du temps de parole !
M. Alain Gournac. Coupez le micro, madame la présidente !
M. Yves Krattinger. Il est difficile d'imaginer que la concertation soit conduite dans les meilleures conditions de sérénité. (Plusieurs sénateurs de l'UMP protestent contre la longueur de l'intervention et martèlent leur pupitre, rendant ainsi à peine audibles les propos de l'orateur.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Krattinger.
M. Yves Krattinger. Les instances concernées n'ont pas l'habitude de mener ces démarches.
Mme la présidente. Mon cher collègue, vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Dominique Braye. C'est terminé ! Obéissez !
M. François Trucy. Aucun respect !
M. Yves Krattinger. Il ne me reste que trois lignes à lire, madame la présidente.
Mme la présidente. Alors faites vite !
M. Yves Krattinger. Mes chers collègues, notre proposition vise à encourager les collectivités qui le peuvent et celles qui le souhaitent à engager un dialogue serein avec les partenaires sociaux locaux, sans contraindre celles qui ne veulent pas ajouter à la confusion d'un texte qui pourrait se révéler en maints endroits inapplicable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Après consultation des représentants des usagers, l'autorité organisatrice de transport définit les dessertes à assurer en priorité en cas de perturbation prévisible du trafic.
Sont réputées prévisibles les perturbations qui résultent :
- de grèves ;
- d'incidents techniques, dès lors qu'un délai de trente-six heures s'est écoulé depuis leur survenance ;
- d'aléas climatiques, dès lors qu'un délai de trente-six heures s'est écoulé depuis le déclenchement d'une alerte météorologique ;
- de tout événement dont l'existence a été portée à la connaissance de l'entreprise de transport par le représentant de l'État, l'autorité organisatrice ou le gestionnaire de l'infrastructure depuis trente-six heures.
Pour assurer les dessertes prioritaires, l'autorité organisatrice de transport détermine différents niveaux de service en fonction de l'importance de la perturbation. Le niveau minimal de service doit permettre d'éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, à l'accès aux services publics, à la liberté du travail, à la liberté du commerce et de l'industrie et à l'organisation des transports scolaires. Il doit également garantir l'accès au service public d'enseignement les jours d'examens nationaux.
Les priorités de desserte et les différents niveaux de service sont rendus publics.
II. - L'entreprise de transport élabore :
- un plan de transport adapté aux priorités de dessertes et aux niveaux de service définis par l'autorité organisatrice, qui précise pour chaque niveau de service les plages horaires et les fréquences à assurer ;
- un plan d'information des usagers conforme aux dispositions de l'article 7 de la présente loi.
Après consultation des institutions représentatives du personnel, elle soumet ces plans à l'approbation de l'autorité organisatrice.
III. - Les plans visés au II sont intégrés aux conventions d'exploitation conclues par les autorités organisatrices de transport avec les entreprises de transport. Les conventions en cours sont modifiées en ce sens avant le 1er janvier 2008.
IV. - Le représentant de l'État est tenu informé par l'autorité organisatrice de transport de la définition des dessertes prioritaires et des niveaux de services attendus, ainsi que de l'élaboration des plans visés au II et de leur intégration aux conventions d'exploitation.
En cas de carence de l'autorité organisatrice, et après une mise en demeure, le représentant de l'État arrête les priorités de desserte ou approuve les plans visés au II.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'amendement n° 6 tend à simplifier l'article 4 et à apporter plusieurs précisions qui nous paraissent indispensables.
En premier lieu, il convient de définir la notion très vague de « perturbation prévisible », car il s'agit d'un élément central dans le reste du dispositif.
En deuxième lieu, il est proposé de remplacer la notion assez floue de « desserte prioritaire correspondant à un besoin essentiel de la population », par une précision sur la capacité des AOT à prévoir des niveaux de service en fonction de l'importance de la perturbation. Telle était bien, semble-t-il, l'intention du Gouvernement, et la rédaction proposée a donc pour objet d'atteindre cet objectif plus simplement et plus clairement.
En troisième lieu, l'amendement vise à ajouter à la liste des droits auxquels il ne doit pas être porté une atteinte disproportionnée l'organisation des transports scolaires, notamment. En outre, il affirme la nécessité de garantir l'accès au service public d'enseignement les jours des deux examens nationaux que sont le brevet et le baccalauréat. Ces épreuves sont suffisamment importantes pour ne pas y ajouter une grève de transport.
En quatrième lieu, l'amendement prévoit l'information du préfet aux différents stades du processus.
Enfin, il est proposé que le préfet se substitue à l'AOT en cas de carence non seulement pour définir les dessertes prioritaires, comme le prévoit le texte, mais aussi pour approuver les propositions de l'entreprise de transport. La faculté qui était laissée au préfet paraît problématique. Car quel pourrait être le statut d'une convention entachée d'illégalité par l'absence de PTA ? Le préfet ne peut laisser subsister cette illégalité.
Madame la présidente, je pense que la durée de mon intervention a été inférieure aux cinq minutes qui sont normalement octroyées à un orateur pour la présentation d'un amendement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 44 rectifié quater, présenté par MM. Haenel, P. Blanc et Gerbaud, Mme Gousseau, M. Grignon, Mme Henneron et Keller, MM. Lardeux, Portelli et Richert et Mme Sittler et Troendle est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article :
Après consultation des représentants des usagers, l'autorité organisatrice de transport définit les niveaux de priorité de desserte qui doivent être assurés pour permettre les déplacements quotidiens de la population en cas de grève ou d'autre perturbation prévisible du trafic.
La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. La rédaction proposée permet de renvoyer directement la notion de « niveaux de priorité de desserte » à celle de « niveaux de service » dans le deuxième alinéa concernant le plan de transport adapté, ce que ne fait pas clairement le projet initial.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Beaumont, Courtois, Houel, Pierre et Portelli et Mme Gousseau est ainsi libellé :
Au début du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, supprimer les mots :
Après consultation des représentants des usagers,
La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions précédentes, qu'il s'agisse de celles de M. le ministre ou de nombreux collègues, qui souhaitent élaborer une loi qui s'applique à l'ensemble du territoire français. Or nombre d'entre eux ont noté la diversité de ce territoire. J'ai écouté attentivement, en particulier, M. Teston, président du conseil général de l'Ardèche, et M. Mercier, président du conseil général du Rhône, sans doute parce que j'ai vécu dans ces deux départements qui représentent bien la diversité de la France avec l'Île-de-France.
Notre volonté est donc de disposer d'un texte qui soit applicable sur l'ensemble du territoire.
Mme Nicole Bricq. Impossible !
M. René Beaumont. Ce n'est pas forcément simple, il est vrai, car les problèmes sont très différents d'une région à l'autre.
Madame la présidente, je présenterai en même temps le sous-amendement n° 52 rectifié bis, qui est complémentaire.
Dans un territoire rural, il est particulièrement difficile de rencontrer des représentants des usagers, notamment des personnes qualifiées. Or, en matière de représentation, c'est bien la qualification qui est importante. Il est par conséquent difficile de consulter en amont les représentants qualifiés des usagers. En revanche, il est fort possible, une fois que l'autorité organisatrice de transport a pris connaissance des lieux de desserte et des moyens dont elle dispose, de mettre en place un plan de transport et d'en informer prioritairement l'ensemble des populations. Je reviendrai, lors de la présentation d'un amendement ultérieur, sur les moyens d'information, qui me semblent tout à fait essentiels.
Le sous-amendement n° 51 rectifié a donc pour objet de supprimer la consultation en amont des représentants des usagers, parce qu'elle n'est pas possible partout.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. René Beaumont. En revanche, elle est essentielle et doit être permanente et obligatoire en aval, une fois que le plan de transport est élaboré, et tous les usagers, quels qu'ils soient, doivent être informés, même s'ils ne disposent pas de représentants qualifiés. Tel est l'objet du sous-amendement n° 52 rectifié.
La notion de « représentants des usagers » m'est apparue assez parisienne ; nous la connaissons mal en province. Elle est source de contentieux.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 53, présenté par M. Revet est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, après le mot :
usagers
insérer les mots :
et dès lors qu'existent une ou des structures représentatives
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Le Gouvernement a souhaité, en rédigeant l'article 4 - disposition reprise par la commission dans l'amendement n°6 -, que l'autorité organisatrice consulte les représentants des usagers. Or il n'existe pas nécessairement une structure représentative des usagers sur la ligne concernée. Dès lors, comment organiser la consultation ?
Cela étant, monsieur le ministre, cela pourrait susciter la constitution d'associations de consommateurs sur telle ou telle ligne, sur proposition de l'autorité organisatrice des transports. Mais c'est tout de même l'usager qui utilise régulièrement une ligne qui connaît ses besoins ! Une association de consommateurs ne connaît pas forcément les besoins sur chaque ligne.
En tout état de cause, la consultation que vous souhaitez mettre en oeuvre, monsieur le ministre, ne peut avoir lieu que dans les cas où existe une association représentative des usagers, mais il ne peut s'agir d'une obligation.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 85, présenté par MM. Hérisson, Gournac et Esneu, Mme Gousseau, MM. Fournier, Duvernois, Cornu, del Picchia et Pierre, Mme Henneron, MM. Trucy, Cambon et Béteille et Mme Debré est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, remplacer les mots :
en priorité
par les mots :
qui concernent en priorité les déplacements quotidiens de la population
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Par l'amendement n° 6, Mme le rapporteur propose une intéressante nouvelle rédaction de l'article 4. Cependant, par rapport au texte initial, la notion de « déplacements quotidiens de la population » n'apparaît plus. Le présent sous-amendement vise à réparer cet oubli.
Madame la présidente, comme vous pouvez le constater, je n'ai pas utilisé les cinq minutes auxquelles j'avais droit ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. C'est de la provocation !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 66, présenté par MM. Krattinger et Gillot, est ainsi libellé :
Après le sixième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Pour l'organisation du transport scolaire, les obligations liées aux perturbations résultant de grèves ne s'appliquent qu'aux autorités organisatrices des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Elles ne s'appliquent pas aux autorités organisatrices des départements d'outre-mer.
La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Dominique Braye. Le revoilà !
M. Yves Krattinger. Madame la présidente, je présenterai en même temps les sous-amendements nos 66 et 83, et ce en moins de cinq minutes.
Il s'agit d'exclure du champ d'application de la loi les transports scolaires départementaux en milieu rural dans les petites agglomérations de moins de 100 000 habitants et dans les territoires d'outre-mer, qui ne méritent pas qu'on les ennuie autant avec ce texte.
M. Dominique Braye. Ils représentent les trois quarts de la population française !
M. Yves Krattinger. Les conflits sont peu nombreux, voir inexistants dans certains départements, et les mesures prévues risquent de générer des tensions inutiles dans les entreprises.
Depuis que l'on discute de ce sujet avec les gouvernements successifs, les dispositions que nous proposons ont reçu l'appui du groupement des autorités responsables de transport, le GART, de sensibilités politiques diverses, et de l'ADF, dont les composantes politiques sont équilibrées.
M. Gérard Cornu. Vous vous améliorez, mon cher collègue !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 22 rectifié bis, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau et Souvet, Mme Sittler, MM. Grillot, Biwer et Huré, Mme Papon, MM. Milon, Seillier et Cléach, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et MM. de Richemont et Haenel, est ainsi libellé :
Dans le septième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, remplacer les mots :
à l'accès aux services publics
par les mots :
à la liberté d'accès aux services publics
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Il s'agit d'un sous-amendement rédactionnel. Nous souhaitons souligner le fait que l'accès aux services publics est une liberté.
M. Dominique Braye. Voilà un esprit de synthèse !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 83, présenté par MM. Gillot et Krattinger, est ainsi libellé :
Après le septième alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé:
Dans les territoires ruraux et dans les départements d'outre-mer et à l'exception des agglomérations de plus de 100 000 habitants, ces dispositions ne s'appliquent à l'autorité organisatrice que si le réseau lui permet qu'il ne soit pas porté une atteinte disproportionnée à l'organisation du transport scolaire.
Ce sous-amendement a été défendu.
Le sous-amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Beaumont, Courtois, Houel, Pierre et Portelli et Mme Gousseau, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article par les mots :
et sont soumis pour avis aux représentants qualifiés des usagers selon des modalités définies par l'autorité organisatrice de transports
Ce sous-amendement a également été défendu.
Le sous-amendement n° 45 rectifié ter, présenté par MM. Haenel, P. Blanc et Gerbaud, Mme Gousseau, M. Grignon, Mme Henneron et Keller, MM. Lardeux, Portelli et Richert et Mme Sittler et Troendle, est ainsi libellé :
Au dernier alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, supprimer les mots :
l'approbation de
La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. La rédaction actuelle ne laisse pas place à une négociation du plan de transport entre l'entreprise et l'autorité organisatrice. C'est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau, Grillot, Biwer, Huré, Milon, Cléach et Souvet, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Une astreinte de service public est organisée par l'entreprise de transport concernée sur les dessertes prioritaires entre 6 heures et 9 heures, et entre 17 heures et 20 heures.
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Plusieurs pays européens ont choisi depuis longtemps d'organiser le service minimum dans les services publics de transport. C'est le cas notamment de l'Italie, de l'Allemagne, de l'Espagne et des Pays-Bas. On sait que plusieurs de ces pays ont opté pour un système d'astreinte pour les dessertes prioritaires sur des plages horaires le matin et le soir.
Les signataires de cet amendement s'interrogent sur l'opportunité d'instituer un dispositif similaire qui ne soit pas contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la protection du droit de grève.
Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par M. Ries, Mme Printz, MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès et Bricq, MM. Desessard, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du deuxième alinéa du II de cet article par les mots :
en fonction du nombre de grévistes
La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. À l'évidence, cet amendement ne pourra être adopté que si mon collègue M. Krattinger ne vous a pas convaincu de la nécessité de supprimer l'ensemble de l'article 4. Il n'aura plus d'objet si le Sénat, dans sa sagesse, décidait de supprimer ledit article.
Le présent amendement vise à préciser que les plans de transport adaptés doivent être adaptés non seulement aux situations locales, comme vous l'avez dit hier, monsieur le ministre, mais aussi au niveau de participation des salariés de l'entreprise à la grève.
Je note que n'est pas prévue, dans ce projet de loi, la possibilité d'astreinte ou de réquisition du personnel ; c'est là un point positif. Cependant, dans ces conditions, comment imaginer un service minimum, à quelque niveau que ce soit, si, par hypothèse, la grève est largement, voire unanimement suivie ?
Dans la convention entre le STIF et la RATP, de même que dans la convention entre la région Alsace et la SNCF, qui ont servi, me semble-t-il, d'exemples aux rédacteurs du projet de loi, ce qui est prévu, c'est non pas un service minimum défini à l'avance, mais des niveaux de service cohérents et tenant compte du personnel disponible dans l'entreprise lorsqu'il y a un mouvement de grève. Cela paraît logique !
Certes, il faudrait alors reconnaître qu'en cas de grève massive la seule manière d'assurer une continuité du service serait, pour l'opérateur, de passer des marchés de sous-traitance à des entreprises qui se substitueraient pour un temps au service public. J'espère ne pas me tromper, monsieur le ministre, en pensant que vous n'êtes pas dans cette logique.
Dans ce cas, vous allez sans aucun doute donner un avis favorable à cet amendement, qui n'a pas d'autre objet que l'adaptation du niveau de service aux personnels réellement disponibles dans l'entreprise. Je considère qu'il s'agit d'un amendement de bon sens.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis désolé de bouleverser le déroulement normal du débat, madame la présidente, mais je tiens à répondre à M. Ries.
Vous avez parlé de bon sens, monsieur le sénateur : comment connaîtrez-vous le nombre de grévistes ?
M. Roland Ries. Par la prévisibilité !
M. Xavier Bertrand, ministre. Non, la prévisibilité vous donne une idée du plan de transport à élaborer ! Mais comment connaîtrez-vous le nombre de grévistes ?
Mme Nicole Bricq. En téléphonant ! C'est ce qu'a dit la présidente !
M. Roland Ries. Je demande la parole.
M. Xavier Bertrand, ministre. Si vous le permettez, madame la présidente, j'aimerais juste y voir clair.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Ries, pour répondre à M. le ministre.
M. Roland Ries. Je constate que, d'ores et déjà, la RATP, comme, dans certaines régions, la SNCF, sont capables de prévoir avec beaucoup de précision le niveau de service. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Les moyens utilisés sont peut-être artisanaux, mais les usagers peuvent être informés, la veille ou l'avant-veille, du déroulement de la grève.
Peut-être les mécanismes existants sont-ils perfectibles, mais ce que je veux dire, monsieur le ministre, c'est qu'il faut distinguer prévisibilité et niveau minimum de service. Ce n'est pas la même chose ! Si vous prévoyez un niveau minimum de service sans être capable de préjuger le niveau de participation à la grève, il arrivera un moment où il sera impossible de respecter ce niveau de service. C'est une question de logique !
Imaginez, demain, une grève suivie par 100 % des personnels. Vous avez dit hier, monsieur le ministre, que cela se produisait de moins en moins. Tant mieux ! Cependant, admettons, par hypothèse, qu'une telle grève ait lieu : comment, dans ces conditions, offrir un service, quel qu'il soit ? C'est impossible !
C'est pourquoi cet amendement vise à préciser que les niveaux de service des plans de transports adaptés seront fonction du nombre de grévistes.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, désormais, j'y vois clair et je comprends votre logique. J'éviterai donc de vous mettre dans l'embarras plus tard dans la discussion.
Si l'on va au bout de votre logique, il faut nécessairement une déclaration individuelle des salariés en cas de grève. C'est la seule façon de pouvoir donner un contenu concret à l'amendement que vous présentez !
M. Roland Ries. Aujourd'hui, ça marche !
M. Xavier Bertrand, ministre. Non ! Je ne sais pas s'il s'agit d'une position individuelle ou de la position de votre groupe, mais si vous voulez justifier cet amendement, vous êtes obligé d'imposer la déclaration individuelle. Vous étiez contre hier soir ; ce soir, vous êtes plutôt pour. Les soirées se suivent et ne se ressemblent pas. Pour ma part, j'y prends goût !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Madame la présidente, je souhaite rectifier l'amendement n° 53, afin de remplacer le mot : « des » par le mot : « plusieurs » s'agissant des structures représentatives.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° 53 rectifié, présenté par M. Revet, et ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 6 pour cet article, après le mot :
usagers
insérer les mots :
et dès lors qu'existent une ou plusieurs structures représentatives
Quel est l'avis de la commission sur les amendements et sous-amendements autres que celui qu'elle a présenté ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques nos 40 et 69.
Si j'ai bien compris, leurs auteurs préfèrent laisser à l'entreprise de transport le soin de décider quelles seront les dessertes assurées en cas de grève, plutôt que de donner aux élus locaux cette responsabilité. En tant qu'élue locale, je trouve cela choquant. Telle n'est pas ma conception de la responsabilité des élus locaux : j'estime que cette décision incombe aux élus locaux et non à l'entreprise de transport.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est également défavorable à l'amendement n° 41. Cet amendement du groupe socialiste énonce un principe général, alors que l'amendement de la commission prévoit un dispositif plus ambitieux. Je suis déçue, car je pensais que l'amendement n° 6 aurait pu donner satisfaction à nos collègues socialistes.
J'en viens au sous-amendement n° 44 rectifié quater. La commission en demande le retrait au profit du sous-amendement n° 85, qui apporte une précision utile.
Le sous-amendement n° 51 rectifié traite des consultations des représentants des usagers. La commission estime nécessaire de les consulter en amont plutôt qu'en aval. C'est chose plus aisée ! Les usagers, quels qu'ils soient, auraient du mal à comprendre que l'AOT détermine des priorités sans leur demander leur avis.
La commission approuve l'esprit qui a présidé à la rédaction du sous-amendement n° 53 rectifié et aimerait entendre l'avis du Gouvernement.
La commission est favorable au sous-amendement n° 85, qui apporte, je le répète, une précision utile.
La commission est défavorable au sous-amendement n° 66.
La commission est favorable au sous-amendement n° 22 rectifié bis, qui insiste sur la notion de liberté d'accès, chère à M. Cambon.
La commission est défavorable au sous-amendement n° 83.
J'en viens au sous-amendement n° 52 rectifié. M. Beaumont et ses collègues préfèreraient que les représentants qualifiés des usagers soient consultés en aval plutôt qu'en amont. La commission est défavorable à cette façon de procéder.
Le sous-amendement n° 45 rectifié ter vise à supprimer la notion d'approbation de plan de transport adapté. La commission y est défavorable.
Je veux rassurer ceux de mes collègues qui sont un peu inquiets quant à la rédaction de l'amendement de la commission : pour l'élaboration des plans de transport, des échanges auront lieu entre les entreprises de transport, qui prendront connaissance des priorités de desserte définies par l'AOT, et cette dernière.
Même en cas d'approbation des plans par l'AOT, ces derniers doivent être intégrés dans les conventions, ce qui ne peut naturellement pas se faire sans une négociation entre l'entreprise et l'AOT. Pour moi, il n'y a pas de doute sur le fait qu'il y a bien une négociation. Il me semble donc que ce sous-amendement pourrait être satisfait par l'amendement n° 6 de la commission.
L'amendement n° 19 rectifié tend à instaurer une astreinte de service public entre six heures et neuf heures et entre dix-sept heures et vingt heures.
La commission y est défavorable. En effet, si ces tranches horaires correspondent à une réalité dans un département, tel n'est pas le cas dans d'autres départements. Il a été dit, notamment, lors des auditions auxquelles a procédé la commission, que, dans certains départements, rentrer déjeuner le midi était une obligation, alors que cela ne l'était pas dans d'autres, ou encore que l'heure de rentrer chez soi pouvait être à vingt et une heures ici, mais dix-neuf heures ailleurs. Certains horaires sont propres à l'Île-de-France. Or le projet de loi doit s'appliquer à l'ensemble de la France.
Enfin, l'amendement n° 63 tend à préciser que les niveaux de service des plans de transports adaptés seront fonction du nombre de grévistes. M. le ministre a déjà répondu en grande partie sur ce point, de façon plus brillante que je ne le ferais. La commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis gêné par les dernières déclarations de Mme le rapporteur.
S'agissant tout d'abord des amendements identiques nos 40 et 69, je ne voudrais pas refaire le débat que nous avons eu à différentes reprises. Je me bornerai à dire, notamment à M. Krattinger, que je ne partage absolument pas sa vision des choses.
Il estime que la responsabilité d'arrêter les priorités de desserte étant délicate à assumer, il ne faut pas la confier aux élus locaux. Je suis désolé : ce n'est pas parce qu'une difficulté se présente qu'il faut renoncer.
M. Philippe Nogrix. Bravo !
M. Xavier Bertrand, ministre. Sinon, à quoi serviraient les sacrifices que vous consentez, les uns et les autres, en faisant de la politique ?
Il ne faut pas oublier non plus qu'en 1982 c'est Charles Fiterman qui a transféré cette compétence aux élus locaux. À cette époque, certains prônaient la décentralisation. Or, quasiment vingt-cinq ans après, les choses ont changé, et ce ne sont plus les mêmes qui souhaitent confier des responsabilités supplémentaires aux acteurs locaux. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Tiens tiens...
M. Xavier Bertrand, ministre. J'ai donc été particulièrement surpris par votre propos, monsieur le sénateur.
J'en viens à la question des besoins essentiels. Il convient de prendre garde à une différence qui n'est pas seulement sémantique : il était fait référence, en 1979, aux besoins essentiels du pays, ce qui intégrait la défense nationale. Ici, il s'agit des besoins essentiels de la population. Ce n'est pas tout à fait la même chose, et les conséquences ne sont pas les mêmes.
Je tiens à dire, sans passion aucune, que, pour élaborer ce service minimum, le Gouvernement s'est inspiré, d'une part, des conclusions du rapport Mandelkern et, d'autre part, des bonnes pratiques, que vous reconnaissez, les uns et les autres. Nul ne niera le fait que les unes et les autres sont consensuelles et dépassent les clivages politiques.
Voilà pourquoi, dans cet article 4, nous avons choisi de rester en cohérence avec les bonnes pratiques et les recommandations de la commission Mandelkern. Sur ces deux aspects, je suis désolé de ne pouvoir vous suivre parce que, si l'on veut respecter la logique du sur-mesure, il faut se rapprocher du terrain. Dans ce cas, le soin de déterminer les dessertes prioritaires doit aussi être confié aux autorités organisatrices, c'est-à-dire également aux élus locaux.
Monsieur le président Mercier, je n'ai pas été tout à fait exhaustif sur ce point, tout à l'heure. La carence ou l'absence de plan de transport adapté peut être constatée par le représentant de l'État, et pas seulement par le juge, ce qui permet d'éviter le recours à la voie contentieuse. Je tenais à vous le préciser.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable sur les amendements identiques nos 40 et 69.
S'agissant de l'amendement n° 41, monsieur le sénateur Krattinger, son adoption représenterait aussi un recul pour les clients du service public. (M. Yves Krattinger manifeste son désaccord.) Vous m'adressez un signe négatif, mais je voudrais terminer mon argumentation, car j'avais quelque espoir de vous convaincre...
M. Yves Krattinger. Essayez !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous remercie de votre confiance ! Elle m'avait été attribuée avec parcimonie jusqu'à présent, mais tous les espoirs restent donc permis ! (Sourires.)
Quand vous remplacez l'obligation par une simple possibilité, quelle garantie offrez-vous aux clients du service public ? Aucune !
Qui plus est, vous en avez peu parlé tout à l'heure, mais vous avez aussi supprimé la référence à une date. Or, encore une fois, nous pensons, quant à nous, que ce service minimum doit être mis en place pour le 1er janvier 2008. C'est pourquoi, à mon grand regret, l'avis du Gouvernement sera également défavorable.
Concernant l'amendement n° 6, présenté par Mme le rapporteur, je voudrais juste proposer deux sous-amendements portant sur la forme. Je vais en donner lecture à la Haute Assemblée.
Le premier sous-amendement tend à insérer, après les mots : « en fonction de l'importance de la perturbation », une phrase ainsi rédigée : « Pour chaque niveau de service, elle fixe les fréquences et les plages horaires. »
Le second sous-amendement apporte la précision suivante : « Il correspond à la couverture des besoins essentiels de la population. »
Ces sujets ont déjà été évoqués ! Si ces sous-amendements sont adoptés, le Gouvernement donnera un avis favorable à l'amendement n° 6, qui est important.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de deux sous-amendements présentés par le Gouvernement.
Le sous-amendement n° 88 est ainsi libellé :
Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 4, après les mots :
en fonction de l'importance de la perturbation
insérer une phrase ainsi rédigée :
Pour chaque niveau de service, elle fixe les fréquences et les plages horaires.
Le sous-amendement n° 89 est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 4 insérer une phrase ainsi rédigée :
Il correspond à la couverture des besoins essentiels de la population.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Concernant le sous-amendement n° 44 rectifié quater, l'avis du Gouvernement est identique à celui de la commission, à savoir défavorable, surtout si l'amendement n° 6 est adopté.
S'agissant du sous-amendement n° 51 rectifié, présenté par M. Beaumont, je serais au regret d'émettre un avis défavorable si vous le mainteniez, monsieur le sénateur. Je comprends votre logique, mais je pense qu'il est important de prévoir une consultation préalable des représentants des usagers. D'autant qu'après les échanges qu'il a eus avec les parlementaires le Gouvernement a veillé à ne pas encadrer strictement les modalités de cette consultation pour laisser une grande souplesse.
Si cette consultation n'a pas lieu en amont, des reproches pourront être adressés aux uns ou aux autres quant à l'absence de consultation. Nous savons que ces plans de transport adapté sont connus grosso modo. Nous avons donc tout intérêt à les mettre en oeuvre dans la transparence et à organiser cette consultation en amont. Je le répète, les choses n'ont pas été précisées trop strictement pour laisser de grandes marges de manoeuvre sur le plan local.
Le sous-amendement n° 53 rectifié est important aux yeux de Charles Revet. Initialement, le Gouvernement voulait s'en remettre à la sagesse du Sénat mais, compte tenu des explications qui lui ont été données, il émettra un avis favorable.
Le sous-amendement n° 85, présenté par Isabelle Debré, n'est pas seulement un sous-amendement de précision : il porte aussi sur le fond, je tiens à le dire. Le Gouvernement y est favorable.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 66, l'avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons que j'ai déjà indiquées dans l'après-midi.
En revanche, l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 22 rectifié bis, présenté par M. Christian Cambon, est favorable.
Le sous-amendement n° 83 recueille un avis défavorable, ainsi que le sous-amendement n° 52 rectifié, pour des raisons similaires à celles que j'ai exposées auparavant.
Le Gouvernement demande le retrait du sous-amendement n°45 rectifié ter, dans la mesure où il tend à supprimer l'approbation du plan de transport par l'autorité organisatrice de transport. Au contraire, je pense que ce plan doit être validé par ladite autorité. Dans le cas contraire, on s'en remettrait complètement au choix de l'entreprise, alors que ce choix a intérêt à être validé par l'autorité organisatrice, c'est-à-dire aussi par les élus. Si ce sous-amendement était maintenu, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
L'amendement n° 19 rectifié est d'importance et je souhaite y consacrer un peu plus de temps. J'ai bien compris votre interrogation, monsieur Cambon. Ce sujet a été évoqué à différentes reprises et je crois qu'il convient de s'en expliquer.
L'instauration d'un service minimum, au-delà de la volonté politique qu'exprime cet engagement fort du président de la République, représente un double enjeu, juridique et pratique.
S'agissant de l'enjeu juridique, nous savons que l'astreinte constitue une remise en cause du droit de grève, compte tenu de la façon dont ce droit est encadré en France. Les pays que vous avez cités rencontrent d'ailleurs de réelles difficultés à appliquer cette astreinte, notamment certains pays situés en Europe du sud.
Par ailleurs, se posent aussi de véritables problèmes pratiques. Si vous imposez une astreinte comme celle-ci, quel besoin de service voulez-vous couvrir ? Si le besoin de service n'est pas total, comment choisira-t-on les salariés concernés : par tirage au sort ? Comment appliquera-t-on l'ordre du tableau de service ? Cela ne va pas sans poser de réelles difficultés.
Permettez-moi enfin d'évoquer un autre aspect : les tranches horaires que vous prévoyez ne correspondent pas aux besoins essentiels rencontrés en province. Je suis un usager régulier de certains trains, notamment des trains Corail, et je sais pertinemment - excusez-moi de citer un exemple personnel - que si l'astreinte s'applique à certaines heures, on omet parfois un train partant une demi-heure plus tôt, mais qui est plus important pour la desserte de certaines destinations. Il n'est pas possible, si l'on respecte la logique du sur-mesure, d'introduire une telle précision dans le projet de loi, d'autant qu'elle n'aborde pas la situation des transports le midi, en particulier.
Pour des raisons juridiques, mais aussi pratiques, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable. Je reconnais cependant qu'il était important d'évoquer cette question.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 63, l'avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure. Je ne partage pas le point de vue de M. Ries ; celui-ci me sera particulièrement utile dans la suite de la discussion.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les deux sous-amendements nos 88 et 89 présentés par le Gouvernement ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 et 69.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC et, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 114 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 122 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 41.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Madame Gousseau, le sous-amendement n° 44 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Adeline Gousseau. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 44 rectifié quater est retiré.
Monsieur Beaumont, le sous-amendement n° 51 rectifié est-il maintenu ?
M. René Beaumont. Je le retire, ainsi que le sous-amendement n° 52 rectifié.
Je renonce aisément au sous-amendement n° 51 rectifié, puisque vous avez accepté le sous-amendement n° 53, monsieur le ministre.
En revanche, le sous-amendement n° 52 rectifié ne sera pas satisfait. J'y reviendrai à l'article 7, à propos des mesures indispensables d'information du public en certains cas, en particulier en milieu rural lors de perturbations météorologiques.
Mme la présidente. Les sous-amendements nos 51 rectifié et 52 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 53 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 66.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 22 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 83.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 45 rectifié ter.
Mme Adeline Gousseau. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 45 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 88.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.
M. Guy Fischer. L'amendement n° 6 tend à réécrire en totalité l'article 4. Il précise notamment ce que recouvre la notion de perturbations prévisibles, notion qui conditionne l'application des mesures prévues au titre III. Cette précision était particulièrement nécessaire d'un simple point de vue juridique : en l'état, le texte était inapplicable.
Par ailleurs, vous proposez d'introduire, madame le rapporteur, l'obligation de desserte les jours d'examens nationaux, ce qui est évidemment contestable, car on ne peut pas interdire la grève les jours d'examens nationaux. Cette disposition est juridiquement très contestable et sera certainement censurée par le juge constitutionnel.
Enfin, cet amendement vise à renforcer les pouvoirs des représentants de l'État, autrement dit les préfets. Il tend à transformer en une véritable obligation la possibilité, pour les préfets, de suppléer aux carences des autorités organisatrices de transport dans la définition des dessertes prioritaires.
Nous avons soulevé, au travers de notre amendement de suppression de l'article, les contradictions de cette double compétence pour la définition des priorités de desserte, et par conséquent du périmètre d'exercice du droit de grève. Ce renforcement des pouvoirs du préfet aura pour conséquence directe de rendre ces contradictions encore plus nettes.
Cependant, sur le fond, la teneur des dispositions n'a pas évolué. Vous maintenez que les autorités organisatrices de transport, et à défaut le préfet, doivent définir les dessertes prioritaires, autrement dit le service minimum au regard des besoins essentiels.
Nous estimons, pour notre part, que l'exercice du droit de grève ne peut subir une telle « balkanisation », car, selon l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
Par conséquent, nous voterons contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Le groupe socialiste, auquel je suis rattaché, ne votera pas l'amendement n° 6 pour trois raisons essentielles.
En premier lieu, on prévoit que sera dressé à l'avance un plan virtuel de dessertes prioritaires, comme s'il était possible de le faire sans tenir compte du nombre de grévistes, de leurs compétences, des lignes auxquelles ils sont habituellement affectés, du matériel disponible, etc. C'est irréalisable !
De surcroît, différents niveaux de service seront établis en fonction de l'importance de la perturbation : ce sont donc en fait plusieurs plans de dessertes prioritaires qu'il faudra mettre en place après consultation des représentants des usagers. C'est irréalisable, ce n'est pas pragmatique, ce n'est pas sérieux !
On aurait pu nous présenter une disposition intéressante, que j'aurais sans doute approuvée, en prévoyant un contrôle a posteriori, c'est-à-dire un recensement par les responsables des transports et les représentants des usagers, après une grève, des dessertes qui pouvaient être assurées avec les moyens disponibles. En effet, les directions de la SNCF ou de la RATP et le Gouvernement ont parfois fait en sorte, dans le passé, de ne pas exploiter toutes les possibilités, afin de rendre la grève impopulaire.
M. Guy Fischer. On vous connaît, monsieur le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Faites-moi confiance, monsieur Fischer, vous en avez envie ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Il serait donc normal qu'un contrôle soit prévu, associant même les grévistes, pour vérifier que les dessertes ont été assurées autant que possible.
En deuxième lieu, à la lecture du texte présenté, je relève que les auteurs de l'amendement semblent maîtriser les conditions climatiques. J'estime donc qu'ils devront participer au « Grenelle de l'environnement », où ils pourront jouer un rôle très utile pour les dix à quinze ans à venir ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. En troisième et dernier lieu, j'aurais aimé que l'on soit plus précis s'agissant des grèves.
On a distingué les grèves qui surviennent lorsque le dialogue social a échoué, les grèves « émotionnelles », que l'on ne peut maîtriser et qui ne sont donc pas prévisibles, et les grèves nationales, avec manifestations. Pour ce dernier cas, vous auriez pu indiquer, madame le rapporteur, que les lieux de manifestation figureront parmi les dessertes prioritaires. En effet, dans la mesure où est prévue, à un article ultérieur, la possibilité de procéder à une consultation des salariés sur la poursuite de la grève, il importe que l'on puisse évaluer le nombre des participants au mouvement, et l'on ne va donc pas empêcher ces derniers de se rendre à une manifestation. Dans de telles circonstances, les dessertes prioritaires, ce sont évidemment les lieux de manifestation. (Rires au banc de la commission.)
M. Jean Desessard. S'agissant toujours des grèves, j'estime enfin que doit être considéré comme perturbation prévisible et très grave, et ce deux ou trois semaines à l'avance, l'examen de projets de loi antisociaux tels que celui dont un article tendait à instaurer le contrat première embauche, dénoncés par l'opposition parlementaire et par les syndicats, et risquant d'engendrer une paralysie de l'ensemble de l'économie française.
Voilà pour cet amendement dont le dispositif est irréaliste et qui n'est pas assez précis en ce qui concerne la nature des grèves. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Cet amendement me paraît très sensé.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Tout à fait ! (Sourires.)
M. Philippe Nogrix. En le lisant, on s'aperçoit que Mme le rapporteur a tout à fait compris le sens positif du texte. En effet, ce qui me surprend, c'est que l'on choisisse toujours l'ombre au lieu de se mettre au soleil. Pourquoi toujours regarder le côté négatif plutôt que le côté positif ?
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Pourquoi toujours opposer les syndicats à la population ? Pourquoi toujours soupçonner que l'on veut supprimer le droit de grève, alors que, finalement, cet amendement permettra surtout de consulter à la fois les représentants des usagers et les syndicats en cas de perturbation du trafic : ils vont enfin pouvoir discuter ensemble du bien-fondé ou non de telle ou telle revendication.
Je pense que les syndicats sortiront grandis d'un tel débat. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ils vont pouvoir expliquer pourquoi ils déclenchent une grève d'une ampleur donnée et, selon le cas, la population acceptera ou non de supporter les contraintes qu'imposera le mouvement de grève.
Où sont passés les partisans du débat participatif ? Où sont ceux qui clamaient qu'un tel débat est sans doute l'une des clés de la réconciliation de nos concitoyens ? (Mme Nicole Bricq s'exclame.) Cet amendement ne vise, à mon sens, qu'à permettre le débat participatif. Ce texte ouvrira la voie à une réconciliation de la population (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.),...
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Philippe Nogrix. ... au regard de la défense des revendications et de l'acceptation des contraintes que celle-ci peut entraîner. C'est pourquoi je voulais absolument soutenir l'amendement n° 6. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé et les amendements nos 19 rectifié et 63 n'ont plus d'objet.
Article 5
I. - Dans les entreprises de transport, l'employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de grève ou d'autre perturbation prévisible du trafic.
L'accord collectif de prévisibilité du service recense, par métiers, fonctions et niveau de compétence ou de qualification, les catégories d'agents et leurs effectifs, ainsi que les moyens matériels indispensables à l'exécution, conformément aux règles de sécurité en vigueur, du niveau de service prévu dans le plan de transport adapté.
Il définit en outre les conditions dans lesquelles sont portées à la connaissance de l'employeur les informations nécessaires à l'organisation du service que l'entreprise doit assurer en cas de grève. Il fixe les conditions dans lesquelles l'organisation du travail est révisée et les personnels non grévistes réaffectés afin de permettre la mise en oeuvre du plan de transport adapté.
À défaut d'accord, un plan de prévisibilité est défini par l'entreprise. L'accord ou le plan est notifié au représentant de l'État et à l'autorité organisatrice de transport.
II. - Pour permettre à l'entreprise d'établir et de rendre public le niveau de service assuré en cas de grève, les salariés relevant des catégories d'agents mentionnées au I dont la présence détermine directement l'offre de service informent, au plus tard quarante-huit heures avant le début de la grève, le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention de participer à celle-ci. Les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l'organisation du service durant la grève. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d'autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par le chef d'entreprise comme étant chargées de l'organisation du service est passible des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal.
Est passible d'une sanction disciplinaire le salarié qui n'a pas informé son employeur de son intention de participer à la grève dans les conditions prévues à l'alinéa précédent.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. Le paragraphe I de cet article prévoit l'obligation, pour les partenaires sociaux, de négocier un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de grève et de le signer avant le 1er janvier 2008.
Le paragraphe II précise que les salariés dont la présence est considérée dans le plan de prévisibilité comme indispensable à l'exécution du plan de transport adapté devront informer leur hiérarchie, au plus tard quarante-huit heures à l'avance, de leur intention de participer à la grève.
Outre le délai irréaliste prévu pour conclure les accords de prévisibilité, deux questions se posent au travers de cet article.
En premier lieu, la déclaration préalable d'intention présente-t-elle ou non un caractère attentatoire au droit de grève ?
En second lieu, quelle sera l'efficacité réelle du dispositif qui nous est soumis ?
Pour se faire une idée précise quant au caractère attentatoire ou non au droit de grève de la déclaration préalable d'intention, il n'est pas inutile de rappeler certaines choses.
Tout d'abord, faire grève est un droit individuel dont l'exercice relève d'une décision personnelle qui doit pouvoir être prise jusqu'au dernier moment, sans risque d'être sanctionné.
Ensuite, le rapport Mandelkern rappelle que « la réglementation du droit de grève doit résider dans la recherche d'une meilleure continuité du service et de la satisfaction des besoins essentiels de la population et non dans la limitation des prérogatives ou des droits des salariés ».
Dès lors, les dispositions applicables en cas de grève doivent être proportionnées à l'intérêt public censé les justifier.
Or tel n'est pas le cas, à mon avis, s'agissant de l'obligation d'une déclaration individuelle préalable d'intention, qui porte manifestement une atteinte disproportionnée au droit de grève. Cette interprétation est d'ailleurs conforme à l'arrêt rendu en 2003 à propos d'un conflit à Air France, par lequel la Cour de Cassation considère que la déclaration préalable constitue une atteinte au droit de grève.
Ce caractère attentatoire au droit de grève est confirmé par le fait que le salarié ne respectant pas l'obligation de déclaration préalable d'intention sera passible d'une sanction.
J'estime simplement, mes chers collègues, qu'un tel article n'a pas sa place dans un texte dont la finalité supposée est d'encourager le dialogue social !
En outre, rien ne permet d'affirmer que la procédure de « collecte » des déclarations préalables d'intention garantira aux salariés le respect de leur choix et qu'aucune pression ne sera exercée sur les personnes qui auront annoncé leur décision de participer à la grève.
Cette hypothèse n'est pas irréaliste. La preuve en est que M. Xavier Bertrand, dans un entretien publié dans le journal Les Echos daté du 17 juillet dernier, insiste sur le fait que le Gouvernement sera « vigilant à l'égard des entreprises qui utiliseraient ce préavis pour faire pression sur des salariés ». Cette prise de position, monsieur le ministre, ne fait que renforcer les craintes que nous pouvons avoir à ce sujet.
M. Michel Teston. J'en viens à l'efficacité très relative du dispositif proposé.
Comme je l'ai déjà souligné lors de mon intervention sur l'article 4, les dispositions présentées seront extrêmement difficiles à appliquer.
En effet, la mise en place d'un plan de prévisibilité nécessite un recensement précis des personnes cessant le travail.
Compte tenu des sanctions liées à la non-déclaration, on peut aisément imaginer que chaque personne susceptible de faire grève va effectuer une déclaration d'intention, même si elle n'a pas définitivement pris sa décision. Si tel est le cas, quelle fiabilité peut-on accorder au plan de prévisibilité ?
Se pose aussi la question des personnes ayant manifesté leur intention de participer à la grève et qui décident, finalement, de ne pas utiliser ce droit. Seront-elles malgré tout considérées comme grévistes ?
Enfin, et cette question n'est pas anecdotique, les mouvements de grève dits « émotionnels », qui sont de très loin les plus nombreux, ne sont pas pris en compte dans le dispositif. Il est pourtant impossible de prévoir à l'avance l'évènement susceptible de susciter la colère ou l'inquiétude des salariés. Que se passera-t-il alors ? Envisagez-vous, monsieur le ministre, de demander aux entreprises de transport de prendre des sanctions disciplinaires dans ce cas ?
Au final, cet article pose beaucoup plus de problèmes qu'il ne semble à même d'en résoudre. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste défendra plusieurs amendements visant à supprimer les dispositions les plus attentatoires au droit de grève. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet article 5 est une erreur, voire une faute, en tout cas une provocation.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. N'exagérons pas !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est en contradiction à la fois avec les règles de droit et avec la jurisprudence actuelle, et il risque de créer davantage de difficultés qu'il n'en résoudra. En effet, la procédure de déclaration individuelle préalable est une atteinte au libre choix du travailleur dans l'exercice de son droit de grève, alors même qu'elle n'est pas de nature à améliorer la prévisibilité du service.
Le droit de grève est individuel, mais le préavis est collectif ; dès lors, un salarié couvert par un préavis peut se déclarer gréviste à tout moment. Selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, il ne peut être imposé à un salarié, avant le déclenchement de la grève, d'indiquer à son employeur qu'il participe au mouvement. Un salarié ne saurait donc être en faute pour fait de grève, dès lors qu'il ne commet pas d'actes qui constituent une faute lourde, comme une destruction de matériel, une séquestration, une voie de fait.
Je le répète, si le droit de grève est un droit individuel, le préavis est collectif et syndical pour des raisons de protection des salariés. Même si le texte précise que ces informations ne peuvent être utilisées à d'autres fins que l'organisation du service durant la grève et qu'elles sont couvertes par le secret professionnel, un fichage informel est évidemment possible et une utilisation pirate encore plus.
L'ajout dans la version définitive du projet de loi de risque de sanctions pénales démontre bien l'aspect dangereux de cette disposition ; vous n'êtes pas dupe, monsieur le ministre !
Cette mesure aura donc une portée dissuasive forte à l'encontre des salariés, parfois à statut précaire. Que vous le reconnaissiez ou non, monsieur le ministre, c'est un formidable moyen de pression sur les salariés qui constitue une véritable atteinte au droit de grève, d'autant que le salarié qui n'aura pas informé l'employeur et qui fera grève sera passible d'une sanction disciplinaire.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. En créant cette déclaration préalable d'intention, le projet de loi instaure ainsi de facto un préavis de grève individuel et crée un nouvelle faute en droit du travail. Quelles que soient les précautions complexes et confuses prises pour rendre la disposition acceptable et applicable, il s'agit d'une atteinte caractérisée au droit de grève.
M. Guy Fischer. Sans précédent !
M. Jean-Pierre Godefroy. Comme l'ont montré les auditions organisées par la commission spéciale, les syndicats y sont unanimement et radicalement hostiles et les directions d'entreprises sont réservées sur ce point. On les comprend !
Cette atteinte ne devrait pas manquer d'être considérée comme excessive par le juge constitutionnel ou administratif, et elle est, en tout état de cause, irréaliste. La contrainte nouvelle qu'elle introduit ne résistera pas à l'épreuve de la pratique ; la mesure elle-même devenant une occasion de litige et un objet de revendication elle ne sera probablement jamais respectée.
De plus, cette proposition est d'autant moins fondée que sa justification - l'amélioration de la prévisibilité du trafic en temps de grève - ne manquera pas de se trouver infirmée.
Aujourd'hui, les directions des entreprises de transport public disposent de suffisamment de moyens, d'indicateurs et d'outils pour organiser les plans de transport en temps de grève et optimiser les ressources humaines et matérielles disponibles sans être obligées d'en passer par cette nouvelle contrainte.
Par ailleurs, la plupart des interlocuteurs de la commission spéciale ont souligné que le professionnalisme des entreprises et le climat de confiance entre les salariés et l'encadrement sont à la base d'une bonne prévisibilité. De fait, les erreurs de prévision de trafic en cas de grève sont très rares ; certains usagers vont même jusqu'à penser que le trafic est plus fiable les jours de grève que les autres jours. (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. En fait, contrairement à l'objectif recherché, cette nouvelle obligation a toutes les chances de pervertir les relations sociales et de miner la confiance entre directions et salariés, entraînant ainsi une plus grande incertitude sur le niveau et la structure des moyens disponibles en cas de grève.
Cette disposition est véritablement attentatoire au droit de grève ; elle doit être supprimée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I de cet article, supprimer les mots :
avant le 1er janvier 2008
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Comme nous l'avons déjà souligné, la date du 1er janvier 2008 pour signer des accords dans toutes les entreprises de transport terrestre à lignes régulières est totalement irréaliste.
Bien que cela constitue une injonction à l'égard des partenaires sociaux, il est en pratique possible de fixer une date butoir pour l'échéance de négociations de branche, à condition que cette date permette la tenue effective de négociations.
En revanche, proposer que des accords de prévisibilité soient mis en place dans les entreprises avant le 1er janvier 2008, c'est feindre d'ignorer l'impossibilité matérielle d'y parvenir.
En effet, la mise en place de tels dispositifs exige que la totalité des paramètres de lignes, des moyens humains, notamment en termes de polyvalence, et du matériel soit prise en compte. C'est un travail important, qui exige un temps de préparation. Si tel n'est pas le cas, nous aboutirons à des accords bâclés, impossibles à mettre en oeuvre.
Au demeurant, nous nous interrogeons toujours sur l'application de tels accords en face de salariés déterminés à faire grève.
Cette disposition conduit en fait à ce qu'un plan de prévisibilité soit fixé unilatéralement par l'employeur, lequel ne se fera sans doute aucune illusion sur ce qu'il adviendra de ce document en cas de blocage de dépôt ou de grève totale.
Mais ce document existera et pourra être notifié au représentant de l'État. Tout sera donc pour le mieux, comme l'aurait dit Leibniz, dans le meilleur des mondes administratifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Il est défavorable, par cohérence avec l'avis qui a été émis précédemment sur un amendement présenté par le groupe socialiste à l'article 2.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. La date est volontariste, mais réaliste. J'émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au premier alinéa du I de cet article, supprimer les mots :
grève ou d'autre
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Madame la présidente, je souhaite rectifier cet amendement de simplification rédactionnelle, en coordination avec la modification du titre III qui est précédemment intervenue : après les mots : « en cas », je propose de rédiger ainsi la fin du premier alinéa du I de l'article 5 : « de perturbation prévisible du trafic ou de grève. »
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Après les mots :
en cas
rédiger comme suit la fin du premier alinéa du I de cet article :
de perturbation prévisible du trafic ou de grève.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
ainsi que les moyens
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du I de cet article :
matériels, indispensables à l'exécution, conformément aux règles de sécurité en vigueur, des niveaux de service prévus dans le plan de transport adapté.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. C'est un amendement de clarification rédactionnelle. La virgule que nous proposons d'ajouter pourrait changer le cours des choses !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 46 rectifié quater, présenté par MM. Haenel, P. Blanc et Gerbaud, Mme Gousseau, M. Grignon, Mme Henneron et Keller, MM. Lardeux, Portelli et Richert et Mme Sittler et Troendle est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 8, après les mots :
en vigueur,
insérer les mots :
de chacun
La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Il s'agit également d'un sous-amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 46 rectifié quater.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du I de cet article :
Il fixe les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible, l'organisation du travail est révisée et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en oeuvre du plan de transport adapté. En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels non grévistes.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Dans la volonté de conforter le service public, on ne doit pas se limiter aux seuls cas de grève. Le plan de transport doit aussi être adapté pour répondre aux perturbations prévisibles. La commission propose donc d'étendre le dispositif dans ce sens.
La rectification de l'amendement apporte une précision : « En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels non grévistes ». Cela devrait permettre de répondre aux inquiétudes de nos collègues socialistes et communistes.
En outre, dans l'amendement rectifié est supprimée l'obligation de faire figurer dans l'accord collectif de prévisibilité du service les conditions d'application des dispositions du II dans l'entreprise, à savoir la déclaration d'intention de grève.
Mme la présidente. L'amendement n° 30, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Supprimer la première phrase du troisième alinéa du I de cet article.
L'amendement n° 31, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Supprimer la deuxième phrase du troisième alinéa du I de cet article.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. S'agissant de l'amendement n° 30, la rédaction de la première phrase du troisième alinéa du I de l'article 5 a de quoi laisser perplexe. Pour quelle raison l'accord collectif de prévisibilité du service doit-il définir les conditions dans lesquelles sont portées à la connaissance de l'employeur les informations nécessaires à l'organisation du service en cas de grève ?
En effet, a priori, une entreprise est organisée avec des circuits d'information et une hiérarchie, qui permettent à l'employeur d'être informé de manière habituelle de ce qui se passe dans les bureaux et les ateliers. Il apparaît donc surprenant de devoir le préciser ici.
Cette phrase semble suggérer qu'il n'en serait pas ainsi dans certaines entreprises. Y aurait-il des dysfonctionnements dans les circuits hiérarchiques ou dans la transmission des informations ? Cette phrase exprime finalement la crainte qu'il y ait une rétention d'information par certains services, ce qui témoignerait d'un certain désordre, et éventuellement d'un mauvais climat social dans l'entreprise.
Le Gouvernement peut-il nous préciser la raison d'être de cette phrase dans le projet de loi ?
J'en viens à l'amendement n° 31, qui prévoit, je le rappelle, la suppression de la deuxième phrase du troisième alinéa du I de l'article 5, laquelle concerne l'organisation du travail et la réaffectation des personnels non grévistes. En effet, ce texte sera très difficile à appliquer. Il ne peut l'être que si les grévistes veulent bien faire preuve de bonne volonté, c'est-à-dire ne cesser le travail qu'à dose homéopathique.
Car pour qu'une réorganisation du travail soit possible, il est nécessaire qu'un nombre minimal de salariés soient présents. En outre, les présents doivent avoir les qualifications requises pour se substituer aux absents. Il faut aussi prévoir un certain niveau de polyvalence, ce qui signifie un effort de formation important de la part de l'entreprise. Cet article peut donc, à l'usage, se traduire par de fortes contraintes pour l'entreprise. En particulier, il faudra arrêter une réorganisation du travail, ce qui impliquera la réaffectation des personnels.
Cette disposition témoigne également d'un certain optimisme, puisqu'elle implique qu'il y ait suffisamment de personnels à réaffecter pour assurer au moins le niveau minimum du plan de transport adapté.
Par ailleurs, le projet de loi ne prévoit rien si les personnels non grévistes refusent une réaffectation parce qu'ils ne s'estiment pas qualifiés pour assurer telle ou telle tâche dans le respect de la sécurité des voyageurs, ou par solidarité avec les grévistes.
Enfin, le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place une contrainte, de demander même des sanctions ? Dans ce cas, cela signifierait que le refus de réaffectation constituerait une nouvelle faute sanctionnable.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 30 et 31 ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'amendement n° 30 est satisfait par l'amendement n° 9 rectifié de la commission. J'espère donc que mes collègues sont, eux aussi, satisfaits.
Je suis défavorable à l'amendement n° 31 parce qu'il est contraire à l'amendement n° 9 rectifié, qui, je vous le rappelle, vise à étendre le champ du dispositif proposé aux perturbations prévisibles. Son adoption signifierait que, en cas de perturbations prévisibles, il ne serait pas possible de réaffecter le personnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 9 rectifié.
Il est, en revanche, défavorable aux amendements nos 30 et 31.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 30 et 31 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 70, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Supprimer le quatrième alinéa du I de cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L'article 5 prévoit les conditions matérielles de mise en oeuvre du service minimum. Ainsi, l'entreprise engage des négociations avec les organisations syndicales en vue d'un accord collectif de prévisibilité du service.
Cet article prévoit par ailleurs que, en cas d'échec de ces négociations au 1er janvier 2008, c'est la direction de l'entreprise qui définit seule cet accord.
Cette disposition ne nous semble pas compatible avec l'esprit de dialogue social préconisé par le titre de ce projet de loi. En effet, les directions des entreprises de transport n'auront pas particulièrement intérêt à engager de telles concertations puisqu'elles auront la compétence ultime et unilatérale de définir les moyens de garantir la prévisibilité du service.
Cet article est donc contre-performant.
Puisque l'objet même de cet accord est de définir le niveau du service et les besoins qu'il requiert, qui mieux que les organisations représentatives du personnel peuvent le faire ?
S'il n'est pas question de réquisition dans cet article, le principe est tout de même posé de la réaffectation des personnels non grévistes. Cette disposition pose de lourdes questions en matière de sécurité. Si nous ne sommes pas opposés à la réaffectation des personnels non grévistes par principe, encore faut-il que ceux-ci soient compétents pour occuper ces postes.
En tout état de cause, nous estimons qu'un tel accord ne peut se faire sans concertation avec les organisations syndicales représentatives du personnel.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons la suppression du quatrième alinéa du I de l'article 5.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. Billout évoque les problèmes de sécurité liés à la réaffectation des personnels non grévistes. Or, les entreprises nous l'ont dit, elles ne prendront jamais la responsabilité d'affecter à la conduite d'un car, d'un train ou d'un TGV du personnel non compétent, de même que les salariés n'accepteront pas d'être affectés à des postes dans lesquels ils ne seraient pas expérimentés.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 32 est présenté par MM. Krattinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés et Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Mme Demontès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Printz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés et Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, MM. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Ries et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Reiner et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 71 est présenté par M. Billout et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le II de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Krattinger, pour présenter l'amendement n° 32.
M. Yves Krattinger. Le II constitue un « noeud » important de l'article 5. Il impose aux salariés considérés comme indispensables au service, dans le cadre du plan de transport adapté, de faire part à leur employeur, quarante-huit heures à l'avance, de leur intention de faire grève.
Le mot « intention », qui n'est pas assez précis, peut être considéré comme une incongruité juridique. En effet, une intention n'est pas facile à mesurer.
Le plan de transport adapté comporte plusieurs niveaux, je le rappelle, selon le nombre de grévistes ou les perturbations prévues. Tous les salariés éventuellement indispensables à la réalisation du niveau le plus élevé du plan de transport adapté devront donc avertir de leur intention de faire grève. C'est en fonction de ces déclarations que tel niveau du plan de transport sera mis en oeuvre.
Le bon sens - ou d'autres sentiments - pourrait conduire un maximum de salariés à se déclarer grévistes à l'avance, pour échapper à toute sanction éventuelle. Cela serait plus sûr et les syndicats ayant déposé un préavis de grève ne manqueront pas de leur conseiller de le faire. En outre, ce procédé favorisera le succès de la grève, car plus le nombre de grévistes déclaré sera élevé, plus le succès annoncé sera important, même si, au dernier moment, certains décident finalement de ne pas participer à la grève. Cela aura pour effet de désorganiser totalement, au dernier moment, le plan de transport adapté et la réaffectation des non-grévistes.
Heureusement, monsieur le ministre, vous n'avez pas prévu de sanctions contre ces salariés qui auraient le tort de changer d'avis et d'assurer, un peu malgré eux, la continuité du service public !
Mes chers collègues, nous voulons seulement vous faire observer que cette disposition peut entraîner d'importants effets pervers et qu'elle est, quand on en examine les conséquences pratiques, d'une parfaite absurdité.
En obligeant les salariés à se déclarer grévistes quarante-huit heures à l'avance, votre projet de loi instaure de facto un préavis de grève individuel, ce qui est une novation en droit du travail, un OJNI, un objet juridique non identifié.
Si le droit de grève est un droit individuel, le préavis est collectif et son dépôt relève des organisations syndicales. Leurs délégués bénéficient d'une protection spécifique. Le préavis de grève a pour objet de protéger les salariés souhaitant se joindre au mouvement. Avec cet article, on bouscule des réalités qui étaient très solides jusqu'à présent.
Les salariés qui se déclareront grévistes à l'avance seront donc seuls exposés à toutes les formes de pression possibles - cela a été dit par les uns et par les autres -, quelles que soient les promesses formelles qui sont faites. Même si on peut penser, monsieur le ministre, que les vôtres sont sincères, vous ne pourrez pas maîtriser ce qui se passera dans toutes les entreprises.
Le droit de grève est un droit individuel, j'y insiste. Le salarié est couvert par un préavis déposé ; il peut se déclarer gréviste à tout moment. C'est ainsi que fonctionne le droit positif aujourd'hui. Aux termes du code du travail, qui est clair sur ce point, le salarié ne peut être en faute.
Votre projet de loi créé donc une nouvelle obligation pour le salarié. Il prévoit explicitement que l'exercice du droit de grève dans une entreprise de transport public terrestre exige le respect par le salarié d'une obligation nouvelle et supplémentaire, et que, s'il ne la respecte pas, il pourrait être déclaré en faute et sanctionné. Si on pousse la logique jusqu'à son terme, on en arrive là !
Ce faisant, cet article instaure une discrimination pour les salariés des entreprises de transport terrestre, qui seront les seuls à devoir se plier à cette obligation et à risquer une sanction. À cet égard, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez ce que vous entendez exactement par « sanction ».
L'ensemble du texte est, bien sûr, en contradiction avec la jurisprudence qui a été évoquée tout à l'heure, mais avec cet article, vous allez beaucoup plus loin encore : vous modifiez profondément les caractéristiques de l'exercice du droit de grève et en ébranlez les fondements légaux.
Nous nous opposerons à cette mesure avec détermination, car elle n'aura aucun effet positif pour les usagers en raison des effets pervers qu'elle comporte.
Pour que les choses soient bien claires, nous demanderons que cet amendement soit mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 71.
Mme Annie David. Le I de cet article prévoit l'élaboration d'un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de grève ou d'autres perturbations prévisibles. Cet accord recense les besoins humains et matériels devant être mis en oeuvre au sein de l'entreprise afin de respecter le plan de transport adapté prévu dans le précédent article. Il s'agit donc de l'application concrète du service minimum.
Deux options s'offraient à votre gouvernement : soit ces accords définissaient simplement l'organisation du service en période de grève, soit ils allaient plus loin et permettaient la réquisition des personnels grévistes pour la mise en oeuvre du service minimum défini par l'autorité organisatrice des transports.
Vous n'avez pas osé aller jusque-là, préférant, dans le II de cet article, le mécanisme de la déclaration individuelle quarante-huit heures avant le début de la grève. Nous en demandons la suppression.
En effet, quelles que soient les précautions complexes et confuses prises pour rendre cette disposition acceptable et applicable, il s'agit d'une atteinte caractérisée au droit de grève. Cette atteinte risque, d'ailleurs, d'être considérée comme excessive par le juge constitutionnel ou administratif.
Permettez-moi de vous rappeler l'arrêt Air France de 2003, même si je connais votre argumentation à son sujet. Si un pilote se trouve hors de France au moment du dépôt du préavis de grève, il ne pourra pas se déclarer gréviste quarante-huit heures à l'avance. Lorsqu'il rentrera en France, il n'aura plus cette possibilité, puisqu'il faut le faire avant le début de la grève.
Mme Annie David. Vous empêcherez ainsi des pilotes d'avion ou des conducteurs de TGV de se déclarer grévistes à leur retour dans leur site d'origine.
Dans une autre affaire, concernant la société Rhodia Chimie, monsieur le ministre, la cour d'appel de Grenoble a jugé, le 29 avril 2002, au sujet de l'organisation d'une consultation, que « la société ne pouvait interroger chaque salarié sur ses motivations sans exercer une pression inacceptable sur chaque salarié pris individuellement. »
Par ailleurs, cette déclaration préalable n'a d'autre but, nous le savons tous, que d'individualiser le droit de grève, dont l'exercice est pourtant collectif. Ce n'est pas pour rien que l'initiative de tout mouvement de grève appartient aux syndicats, au moyen de la procédure du dépôt de préavis.
Nous considérons également que la possible sanction d'un salarié qui ne se serait pas préalablement déclaré gréviste est démesurée. On ne voit pas au nom de quel principe une telle sanction serait justifiée. Elle apparaît comme une atteinte injustifiable au droit de grève, dont les salariés peuvent légitiment décider d'user à tout moment.
Jusqu'à présent, des salariés pouvaient se joindre à une grève même s'ils n'y avaient pas participé dans les premiers jours. Avec la déclaration préalable quarante-huit heures avant le début de la grève, vous les empêchez de rejoindre un mouvement auquel ils ont finalement décidé d'adhérer.
Cette proposition est d'autant moins fondée que son application irait à l'encontre de sa justification : l'amélioration de la prévisibilité du trafic en temps de grève. Or ce sont le professionnalisme des entreprises et le climat de confiance entre les salariés et l'encadrement qui sont les principaux facteurs d'une bonne prévisibilité.
Les grèves récentes ont, d'ailleurs, démontré que les erreurs de prévision de trafic en cas de grève étaient très rares et que l'information du public avait fait des progrès notables, grâce, entre autres, aux deux accords signés à la RATP et à la SNCF, accords qui sont remis en cause par un amendement voté en cours de séance.
L'obligation nouvelle, si elle était imposée, aurait toutes les chances de pervertir les relations sociales, de renforcer l'autoritarisme et de miner la confiance. Elle entraînerait une plus grande incertitude sur le niveau et la structure des moyens disponibles en cas de grève pour répondre aux exigences du service public.
Je remarquerai pour finir que certaines grèves « émotionnelles », par exemple à la suite d'une agression, se déclenchent « sur le tas » et ne permettront pas la mise en oeuvre de cette nouvelle disposition.
C'est pour toutes ces raisons que je vous demande d'adopter notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du II de cet article :
En cas de grève, les salariés relevant des catégories d'agents mentionnées au I informent, au plus tard quarante-huit heures avant l'heure mentionnée dans le préavis pour le début de la grève, le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d'y participer.
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 32 et 71.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement apporte des améliorations de forme.
Sur le fond, il vise à clarifier la rédaction de l'article en ce qui concerne la déclaration de grève : c'est bien quarante-huit heures avant le mouvement collectif que la déclaration doit être faite, ce qui n'était pas assez précis dans le texte initial.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Par ailleurs, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 32 et 71. À vous entendre - veuillez excuser l'expression, mais nous sommes proches des vacances -, j'avais l'impression que les salariés voulaient faire du « surbooking » et se déclarer tous grévistes ! Je suis sûre que les salariés, dans les entreprises de transport comme ailleurs, sont conscients de leurs responsabilités, plus encore quand il s'agit de transporter des enfants, par exemple.
Mme Bariza Khiari. Alors, pourquoi cette loi ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je ne vois pas pourquoi les salariés des entreprises se déclareraient grévistes s'ils n'ont pas l'intention de faire grève : faites-leur un peu confiance ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) )
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 32 et 71.
Pour ce qui est de l'amendement n° 10, il s'en remet à la sagesse du Sénat, pour les raisons que j'ai exposées précédemment.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 32 et 71.
M. Jean Desessard. Le paragraphe II de l'article 5 comporte, malgré tout, de nombreuses contradictions.
Il y est précisé que « les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l'organisation du service durant la grève. Elles sont couvertes par le secret professionnel. »
Plusieurs questions restent en suspens. Ces déclarations se font-elles oralement ou par écrit ? Elles peuvent être utilisées pour infliger une sanction, mais quelle sera la nature de cette sanction ? Va-t-on retirer deux ou trois jours de grève au salarié qui ne s'est pas déclaré ? Si la déclaration est simplement orale, ce sera une parole contre une autre. Si la déclaration est écrite, elle pourra en revanche être portée devant la justice si le salarié conteste la sanction et saisit les prud'hommes.
Vous voyez que nous n'en finirons pas ! C'est un projet de loi sournois parce qu'il restreint le droit de grève.
Vous évoquez le dialogue social et vous imposez aux salariés de se déclarer deux jours avant la grève faute de pouvoir y participer. Or pendant ces deux jours, normalement, les négociations continuent. Cela signifie que l'on ne tient compte de ces négociations que dans un sens : si elles sont favorables, il y a moins de grévistes, mais si elles sont défavorables, les salariés ne peuvent plus se mettre en grève !
Donc, en réalité, ce projet de loi n'instaure pas le service minimum, il restreint le droit de grève, et je sais que vous voulez étendre cette pratique à tout le monde.
Ce n'est pas cela, le dialogue social ! Au fond, vous voulez désyndicaliser, réduire la résistance des syndicats. Or il existe justement une corrélation entre la puissance des syndicats et la puissance économique des entreprises. (M. Alain Gournac s'exclame.)
M. Dominique Braye. Cela ne marche pas !
M. Jean Desessard. Des salariés résistants, organisés et dignes sont ceux qui sont capables de mener à bien leur travail. Il faut leur faire confiance. Et si, justement, ils font grève, c'est parce qu'on ne les respecte pas assez alors qu'ils concourent à la puissance économique de l'entreprise. Ce sont eux qui font l'entreprise et pas les Forgeard...
M. Guy Fischer. Les stock-options !
M. Jean Desessard. Mais je n'insiste pas, nous aurons l'occasion d'en parler la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 71.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 115 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 122 |
Contre | 198 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
9
Nomination d'un membre d'une commission
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe Union centriste-UDF a présenté une candidature pour la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame :
- M. Christian Gaudin membre de la commission des finances, à la place laissée vacante par M. Maurice Blin, démissionnaire de son mandat de sénateur.
10
Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la prolongation d'un an du programme complémentaire de recherche à exécuter par le Centre commun de recherche pour la Communauté européenne de l'énergie atomique.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3588 et distribué.
11
Renvoi pour avis
Mme la présidente. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de règlement du budget de l'année 2006 (n° 389, 2006-2007) dont la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires culturelles.
12
Dépôt de rapports
Mme la présidente. J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de règlement du budget de l'année 2006 (n° 389, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 393 et distribué.
J'ai reçu de M. André Vantomme un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique sur la coopération sanitaire transfrontalière (n° 257, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 394 et distribué.
J'ai reçu de Mme Gisèle Gautier un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion au protocole relatif à la convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche (n° 266, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 397 et distribué.
J'ai reçu de M. Joseph Kergueris un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada sur l'exploration et l'exploitation des champs d'hydrocarbures transfrontaliers (n° 275, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 395 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe Nogrix, un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation des amendements à la constitution et à la convention de l'Union internationale des télécommunications, adoptés à Marrakech le 18 octobre 2002 (n° 264, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 396 et distribué.
J'ai reçu de M. André Vantomme un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et les États Unis du Mexique sur le mécanisme de développement propre dans le cadre du protocole de Kyoto (n° 267, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 398 et distribué.
J'ai reçu de M. Robert del Picchia, un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux implantations communes de missions diplomatiques et de postes consulaires (n° 294, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n°399 et distribué.
13
Dépôt de rapports d'information
Mme la présidente. J'ai reçu de Mme Josette Durrieu un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat sur les travaux de la délégation française à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale au cours de la première partie de la 53e session ordinaire -2007- de cette Assemblée, adressé à M. le président du Sénat, en application de l'article 108 du règlement.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 392 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le débat d'orientation sur les finances publiques.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 400 et distribué.
14
ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 19 juillet 2007, à dix heures trente, quinze heures et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi (n° 363, 2006-2007) sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (urgence déclarée).
Rapport (n° 385, 2006-2007) de Mme Catherine Procaccia fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
- Discussion du projet de loi (n° 389, 2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, de règlement du budget de l'année 2006 (urgence déclarée) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 23 juillet 2007, à onze heures.
- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 23 juillet 2007, à dix-sept heures.
- Discussion du projet de loi (n° 390, 2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (urgence déclarée) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 24 juillet 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 24 juillet 2007, à dix-sept heures.
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 19 juillet 2007, à zéro heure quarante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD