compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

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PROCÈS-VERBAL

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Dépôt d'un rapport du gouvernement

Mme la présidente. M. le Président a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article L. 444-2 du code du travail, le rapport pour 2005-2006 du Conseil supérieur de la participation.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

3

Orientation budgétaire

Débat sur une déclaration du Gouvernement

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous lire le propos introductif que tenait à prononcer M. le président du Sénat, qui assiste ce matin aux obsèques de l'épouse de M. le président du Conseil constitutionnel.

« Ce débat d'orientation budgétaire est le douzième depuis 1990. Je tiens cependant à souligner que nous devons ce débat, plusieurs de nos collègues plus anciens s'en souviennent, à l'initiative de la commission des finances du Sénat.

« Sans conteste, ce débat constitue un temps fort de l'année financière. Il est d'autant plus important que, pour la deuxième fois, nous avons deux débats en un : le premier, en vertu de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF ; le second, en application de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

« Loin d'être rituel, ce rendez-vous permet à l'ensemble des sénateurs qui le souhaitent de discuter de la stratégie économique et budgétaire du Gouvernement, d'autant que le rapport du Gouvernement qui nous a été remis englobe, outre les finances publiques proprement dites, l'ensemble des finances sociales, c'est-à-dire les dépenses d'assurance maladie, les prestations familiales, ainsi que les régimes de retraites.

« Cette globalisation du débat budgétaire, nous l'avons souhaitée. Aujourd'hui, cette globalisation prend un relief particulier dans la mesure où, monsieur le ministre, vous êtes responsable de l'ensemble des comptes publics.

« Cette vision d'ensemble que nous avons aujourd'hui des finances publiques ou des finances sociales conduira sans doute à relancer la réflexion sur une meilleure articulation entre projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi de finances.

« Vous savez que c'est un thème qui m'est cher.

« Ce chantier viendra en son heure avec, sans doute, la poursuite de la rénovation de la procédure budgétaire engagée depuis plusieurs années déjà.

« En ma qualité de président d'une assemblée représentant constitutionnellement les collectivités territoriales, je ne saurais oublier l'importance des finances de celles-ci. Notre devoir est de les intégrer dans notre réflexion d'ensemble avec, en ligne de mire, le nécessaire respect de l'autonomie et de l'équilibre des budgets.

« Mais, pour l'heure, place au débat sur les orientations budgétaires de l'exercice 2008 ! »

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales chargé des équilibres financiers généraux de la sécurité sociale, mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit de l'agenda très chargé de cette session extraordinaire, nous avons tous souhaité qu'un débat d'orientation budgétaire - le plus complet possible - soit organisé comme les années précédentes. Il fait d'ailleurs suite aux deux débats d'hier, qui ont eu lieu dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement du budget de l'année 2006.

Ce débat est essentiel. Il permet d'avoir une discussion féconde avec le Parlement sur l'orientation qui sera donnée à nos finances publiques et qui servira de cadre à l'élaboration du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Au cours de cette session extraordinaire, vous avez à vous prononcer sur bon nombre de projets de loi qui mettent en oeuvre les réformes annoncées par le Président de la République, ainsi que par le Premier ministre et choisies par nos compatriotes, qu'il s'agisse de revaloriser le travail, d'aider à l'accession à la propriété, de réformer les universités, d'assurer un service minimal dans les transports ou de lutter contre la récidive.

Parmi tous les engagements contenus dans le projet présidentiel, il en est un tout aussi important que les autres et qui donne sa cohérence et sa crédibilité à l'ensemble de la politique économique que nous allons poursuivre, je veux parler de la réduction du déficit et de la dette publics. Ce débat d'orientation budgétaire, qui porte sur l'ensemble de nos finances publiques, est l'occasion de réaffirmer cette orientation majeure de notre politique : revenir, par une maîtrise absolue des dépenses, à l'équilibre de nos comptes publics avant la fin de la législature, sans sacrifier aucun autre engagement.

Il n'y a pas de réforme possible dans l'incertitude et l'insécurité de finances publiques non maîtrisées.

Il s'agit non seulement de respecter nos engagements européens, mais aussi de se comporter de façon responsable. Qui d'entre nous souhaite léguer des dettes à ses enfants ou, plus sûrement, à ses petits-enfants ?

Il s'agit également de faire preuve de bon sens. Qui d'entre nous pense que l'on peut revenir sur l'exception française des prélèvements élevés si l'on ne revient pas sur cette autre exception française, tout aussi remarquable, de la dépense publique la plus élevée de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, en proportion de la richesse nationale ?

En dépit des efforts indéniables de mes prédécesseurs, les déficits et la dette que nous supportons aujourd'hui hypothèquent notre capacité à relever les défis de l'avenir, qu'ils soient liés au vieillissement, à l'environnement, à l'ouverture croissante du monde aux échanges d'idées, de marchandises ou de services. Les déficits et la dette pèsent également sur notre crédit à l'égard de nos partenaires européens.

Le niveau atteint par la dépense publique dans notre pays nous prive de marges de manoeuvre indispensables pour faire face à la concurrence, pour investir dans l'innovation et la recherche ou pour réagir aux fluctuations conjoncturelles de l'économie internationale.

Une politique ambitieuse en matière de relance de l'emploi et de la croissance, de réformes structurelles, d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation ne peut produire pleinement ses effets que si elle est accompagnée d'une politique tout aussi ambitieuse en matière de réduction du poids de la dépense publique, de reflux de la dette publique et de résorption des déséquilibres des comptes publics. C'est pourquoi le Président de la République a fixé un objectif d'équilibre des finances publiques et de retour de la dette publique en deçà de 60 % du PIB, le produit intérieur brut, en 2012 au plus tard.

M. Gérard Delfau. Si tôt que cela ?

M. Éric Woerth, ministre. Si la croissance est au rendez-vous, nous atteindrons cet objectif dès 2010.

M. Gérard Delfau. Quelle vertu !

M. Éric Woerth, ministre. Je le répète, cet objectif s'impose. Sont en cause la crédibilité de la France et, surtout - pacte de stabilité ou pas, engagements européens ou pas -, le sort de nos enfants et des générations à venir.

Pour y parvenir, il convient de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique par rapport à ce que nous avons connu dans le passé. Ce moyen s'impose lui aussi.

Pour réduire les déficits, il n'y a qu'une alternative : réduire le poids de la dépense ou accroître celui des prélèvements. La seconde option est envisageable dans des pays faiblement imposés ; elle ne l'est pas dans un pays dont le taux de prélèvements obligatoires excède de quatre points la moyenne européenne.

C'est donc bien - vous me pardonnerez de le répéter inlassablement - par la baisse du poids de la dépense publique dans le produit intérieur brut chaque année d'ici à 2012 que nous parviendrons à inscrire enfin notre pays dans une trajectoire de désendettement durable.

Tout d'abord, nous y parviendrons en infléchissant la courbe de la dépense publique. À cet égard, j'entends déjà s'élever un certain nombre de critiques : « Vous allez dégrader le service public ! ».

M. Ivan Renar. C'est sûr !

M. Éric Woerth, ministre. Dès lors, comment expliquez-vous que les mises en garde sur la qualité de nos services publics se soient multipliées alors même que les dépenses qui y étaient consacrées progressaient à un rythme soutenu ? C'est bien la preuve qu'il ne s'agit pas uniquement d'un problème de moyens. C'est bien la preuve que nous devons changer radicalement notre culture de la dépense.

Aujourd'hui, aussi paradoxal que cela puisse encore paraître à certains, c'est en ralentissant la croissance de nos dépenses que nous préserverons la qualité de nos services publics, car ce ralentissement exigera une modification en profondeur de nos politiques publiques.

Ensuite, nous y parviendrons par des réformes profondes : réforme du marché du travail et simplification des réglementations, redéploiement des moyens vers l'enseignement supérieur et la recherche, suppression des verrous réglementaires qui entravent le développement des entreprises et de l'emploi. Bref, nous y parviendrons en appliquant avec beaucoup de détermination tous les engagements présidentiels.

Cette démarche doit bien évidemment concerner l'ensemble de nos finances publiques : celles de l'État, celles des collectivités territoriales et celles de la sécurité sociale.

Cette année, pour la première fois, un seul ministre, et non plus deux, voire quatre, est chargé de vous présenter la stratégie du Gouvernement pour l'ensemble des comptes publics. Ce n'est pas une innovation légère ni un effet d'affichage, c'est la marque d'une volonté politique forte de prendre à bras-le-corps nos problèmes de déficit et d'endettement.

Il y a un seul ministre responsable de l'ensemble des finances publiques, parce que seules une vision d'ensemble et une stratégie cohérente peuvent nous permettre de rééquilibrer de façon durable nos comptes publics. Deux raisons au moins justifient la création d'un tel ministère.

La première est que les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur les finances publiques sont globales. Ce qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages ou la compétitivité de nos entreprises, ce n'est pas seulement l'impôt sur les sociétés ou les cotisations d'assurance maladie, c'est l'ensemble des prélèvements obligatoires. Ce que nous léguons à nos enfants, ce n'est pas seulement la dette de l'État ou le déficit de la sécurité sociale, c'est la situation de l'ensemble des comptes publics.

C'est donc sur l'ensemble de ces comptes que porte notre engagement. C'est un point primordial, qui a été souligné par Philippe Marini dans son rapport sur la dette. Je présenterai d'ailleurs un rapport sur l'ensemble de la dépense publique en annexe du prochain projet de loi de finances.

Nos partenaires européens nous jugent également sur l'ensemble des finances publiques. On ne le dira jamais assez : les engagements européens ne sont que des règles de bonne gestion qu'il conviendrait de respecter même, et surtout, s'il n'y avait pas le cadre européen. Ce sont des engagements que nous devons nous donner à nous-mêmes.

La seconde raison, c'est que la création de ce ministère doit permettre de clarifier les relations entre l'État et l'ensemble des acteurs, qu'ils relèvent de la sécurité sociale ou des collectivités locales.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Ces relations, vous le savez, ne se sont pas toujours caractérisées par la transparence. M. Alain Vasselle le sait parfaitement, lui qui, à plusieurs reprises, a rappelé l'État à ses obligations à l'égard de la sécurité sociale.

J'ai pu m'en apercevoir récemment lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale : la question de la dette de l'État envers la sécurité sociale envenime les relations entre les acteurs. Au-delà d'une question technique ou financière, il s'agit aussi d'une affaire de symbole.

Or cette dette est évidemment très mal comprise. On dit parfois, à tort, qu'elle participe au déficit de la sécurité sociale. Cela n'est pas vrai, et il ne faudrait pas que cette analyse erronée serve d'alibi pour éluder les vraies raisons de nos difficultés financières.

Si un ministère des comptes publics a un sens, c'est bien pour apporter une clarification sur ce point et sur ces pratiques.

Cette clarification a commencé avec la reconnaissance des créances des régimes de sécurité sociale dans le bilan de l'État en 2006.

Il n'y a plus de bataille de chiffres en la matière : les créances sur l'État enregistrées dans les comptes du régime général sont désormais les mêmes, au centime d'euro près, que la dette reconnue par l'État.

La clarification ne doit évidemment pas s'arrêter là.

Régler la dette de l'État, c'est une question de responsabilité et de respect de nos engagements. C'est une nécessité pour contribuer au désendettement de la sécurité sociale. C'est également une nécessité pour partir sur des bases saines et se concentrer sur les enjeux majeurs de maîtrise des déficits.

J'ai demandé à mes services d'étudier très rapidement les moyens de régler cette dette. Je vous annonce aujourd'hui très clairement que l'État apurera sa dette au régime général dès la rentrée de cette année, telle qu'elle est constatée au 31 décembre 2006, ...

M. Guy Fischer. À savoir ?

M. Éric Woerth, ministre. ... soit 5,1 milliards d'euros. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Nous permettrons ainsi à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, de ne pas dépasser son plafond d'emprunts voté par le Parlement pour 2007.

Apurer cette dette accumulée est essentiel, mais ce n'est pas suffisant : je veux mettre en place des règles de gouvernance et des procédures pour qu'elle ne se renouvelle pas.

Rappelons-nous que l'État avait procédé à un apurement partiel de sa dette en 2002. Or on connaît le résultat de ce simple apurement quelques années après. Nous ne pouvons plus continuer ainsi !

Il faut notamment que l'autonomie de gestion permise par la LOLF - je salue à cette occasion Alain Lambert - ne conduise pas à l'utilisation à d'autres fins des crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations. J'y veillerai.

Dès cet automne, des règles précises d'exécution budgétaire seront fixées pour que les responsables de programmes honorent leurs engagements à l'égard de la sécurité sociale et que, à compter de 2008, les facteurs à l'origine de la constitution d'une dette de l'État envers la sécurité sociale soient traités à la racine.

Avant de détailler nos perspectives à l'horizon de 2012, je ferai au préalable un point sur 2007 puisque notre programme en matière de finances publiques s'applique dès maintenant.

Le Président de la République a rappelé devant l'Eurogroupe, spectaculairement, notre objectif d'atteindre un déficit de 2,4 points de PIB pour l'ensemble des administrations publiques, en légère amélioration par rapport à 2006.

Cet objectif est confirmé en dépit de certains dérapages sur les dépenses sociales parce que nous conserverons une discipline sans faille sur les dépenses de l'État et parce que les recettes fiscales devraient dépasser de 2 milliards à 5 milliards d'euros le niveau prévu en loi de finances, en particulier grâce au dynamisme de l'impôt sur les sociétés.

Quant au paquet fiscal, son coût, limité cette année, sera entièrement absorbé, notamment par le moindre prélèvement que nous aurons à verser à l'Union européenne.

Au total, nous devrions donc avoir un déficit budgétaire inférieur au déficit initialement prévu.

Ces relatives bonnes nouvelles sont cependant obscurcies par une mauvaise nouvelle du côté de la sécurité sociale.

Le régime général enregistre, vous le savez mieux que quiconque, une dégradation très nette de sa situation financière. Le déficit attendu pour 2007 est proche de 12 milliards d'euros, soit 4 milliards au-dessus de ce que vous avez voté en loi de financement.

M. Guy Fischer. Déficit historique !

M. Éric Woerth, ministre. Cette situation de déficit structurel est grave et inacceptable.

La sécurité sociale est au fondement de notre pacte social : sa fragilisation financière exige que nous nous penchions tous ensemble sur son avenir et sur les solutions à trouver plutôt que de regarder en arrière et de nous perdre une nouvelle fois en de vaines querelles de responsabilité.

La maîtrise des finances sociales est un exercice très difficile. Tous ceux qui s'y sont essayés peuvent en témoigner. Ce n'est donc pas la peine de donner des leçons.

C'est un véritable travail de Sisyphe, sans cesse à refaire, qui demande du courage et de la ténacité.

Il n'y a pas de réforme miracle. Nous devons nous atteler de nouveau à la tâche et fournir un effort continu, quotidien, sans relâche, pour parvenir à mieux réguler les dépenses d'assurance maladie et à nous donner les moyens de financer de nouveaux besoins, qui apparaissent très vite.

Le retour à l'équilibre doit être un impératif absolu, un impératif financier autant qu'un impératif de responsabilité. Il s'agit d'un impératif moral. Mettons-nous à la place des générations à venir : que dirions-nous si nous avions à rembourser les dettes de nos aînés ?

J'en viens maintenant à la stratégie du Gouvernement pour la législature qui s'ouvre.

Notre objectif est de revenir dès que possible, et en tout état de cause avant 2012, à une dette inférieure à 60 % du PIB et à un solde public équilibré.

Cette stratégie volontariste s'appuie sur deux piliers, que j'ai déjà mentionnés : des mesures fiscales ambitieuses, qui revalorisent le travail et vont créer un choc de confiance permettant de relancer durablement la croissance, seule créatrice de richesses ; une maîtrise sans précédent de la dépense publique, qui participera tout autant au rétablissement de la confiance en permettant de réduire la dette, d'améliorer l'efficacité des services publics et de préserver la solidarité juste et nécessaire entre les générations.

La clé de l'assainissement des finances publiques réside donc - la répétition a de la vertu - dans la maîtrise de la dépense.

Pour réussir, il faut plusieurs conditions : cette maîtrise doit être partagée par l'ensemble des acteurs ; elle ne doit souffrir aucun report ; elle doit s'inscrire dans la durée.

L'objectif que nous nous sommes fixé pour la législature, c'est, je le disais en introduction de mon propos, de diviser par deux la progression de la dépense publique par rapport aux tendances passées.

Cela correspond à une évolution moyenne légèrement supérieure à 1 % par an en volume sur l'ensemble de la sphère publique - État, sécurité sociale, collectivités territoriales -, contre une évolution en moyenne de 2,25 % sur les dix dernières années.

J'ai bien conscience que c'est un effort difficile et sans précédent à fournir.

Cet effort doit permettre, dès 2008, d'amorcer une baisse du déficit. Un ralentissement de la croissance de la dépense publique à hauteur d'un point représente près de 10 milliards d'euros de dépenses en moins dès 2008 par rapport aux années passées.

L'effort que nous ferons sur la dépense est ainsi du même ordre que le choc fiscal en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Il permettra même de poursuivre une légère baisse du déficit public en 2008 par rapport à 2007, comme s'y est engagé le Président de la République.

Dès 2009, la maîtrise de la dépense nous engagera sur la voie d'une trajectoire de désendettement plus rapide. Son rythme dépendra néanmoins de la croissance du produit intérieur brut.

Si cette croissance est au rendez-vous et atteint 3 %, le double objectif d'une dette inférieure à 60 % du PIB et d'un équilibre des finances publiques pourra être atteint beaucoup plus rapidement.

Sinon, il sera atteint au plus tard en 2012 - c'est l'engagement du Président de la République à l'égard de nos partenaires européens -, pour peu que la croissance atteigne 2,25 %.

Dès que nous dépasserons 2,25 % de croissance par rapport à la norme de dépenses fixée, l'objectif de réduire le déficit et le taux d'endettement sera atteint avant 2012.

Ces scénarios sont fondés sur le respect de la norme de dépenses pour l'État, sur des prévisions de recettes prudentes, sur l'affectation des plus-values au désendettement, et, plus généralement, sur une maîtrise générale de la dépense publique.

Tous les acteurs devront s'impliquer si nous voulons parvenir à atteindre cet objectif.

S'agissant de l'État, une norme « zéro volume » au plus, c'est-à-dire une hausse qui ne devra pas excéder le taux d'inflation, s'appliquera sur un périmètre élargi, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, puisqu'il inclura les prélèvements sur recettes, notamment ceux qui sont destinés aux collectivités locales.

Cette norme élargie est un objectif ambitieux, qui n'a jamais été demandé à l'État jusqu'à présent.

Nous devons, en outre, prendre en compte le fait que l'évolution des dépenses inéluctables - charge de la dette et pensions - est désormais malheureusement défavorable : la remontée des taux d'intérêt fait croître la charge de la dette, qui était quasiment stable depuis quatre ans. Les pensions, quant à elles, progressent fortement en raison du choc démographique majeur que connaît la fonction publique.

L'effort sur les autres dépenses devra donc en tenir compte et être encore plus exigeant. Il devra être perceptible dès le budget de 2008.

Je sais que ce sera une tâche difficile par nature : les entretiens que j'ai eus avec chacun de mes collègues m'ont confirmé que l'objectif de 0 % en volume nécessite, de la part de chaque ministre, une discipline très stricte en matière de gestion des effectifs comme en matière d'efficacité des dépenses d'intervention.

En ce qui concerne les administrations de sécurité sociale, elles bénéficieront de la nouvelle démarche que nous avons lancée pour une meilleure maîtrise des dépenses de santé ainsi que du dynamisme des rentrées de cotisations grâce à la poursuite prévisible de l'amélioration de la situation de l'emploi.

En moyenne, la croissance de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, devra être au plus de 2 % en volume sur la période, ce qui représente environ 3,5 % en euros courants.

C'est également un objectif ambitieux, qui implique que le Gouvernement examine et renforce dès maintenant les leviers de la maîtrise médicalisée avec l'ensemble des acteurs.

C'est aussi un objectif réaliste - supérieur du reste à celui qui avait été assigné en 2007 -, car il est inutile d'afficher des cibles impossibles à atteindre. De telles cibles ne sont plus crédibles pour les acteurs de la dépense de santé et perdent d'emblée toute signification.

L'instauration de la franchise devrait, quant à elle, permettre de financer les nouveaux besoins.

La maîtrise des dépenses d'assurance maladie s'impose d'autant plus que nous devons faire face à la dégradation des comptes de la branche vieillesse.

Un rendez-vous a été fixé en 2008 afin de poursuivre la démarche engagée en 2003 et de programmer la réforme des régimes spéciaux.

Nous devons également renforcer l'emploi des seniors, car c'est la clé de l'équilibre des régimes de retraite par répartition. Le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour lever les obstacles financiers, réglementaires et parfois culturels au développement de l'emploi des plus de cinquante-cinq ans.

En ce qui concerne, enfin, la branche famille, ses dépenses devront, elles aussi, participer à l'effort global de maîtrise de la dépense publique.

Les collectivités locales, et je sais combien ce sujet est important pour le Sénat, ne peuvent pas non plus rester à l'écart de cette obligation de maîtrise de la dépense. Personne ne le comprendrait.

Elles devront donc stabiliser leur endettement, en modérant leurs dépenses.

M. Gérard Delfau. Ce sera difficile !

M. Éric Woerth, ministre. C'est tout le sens du nouveau pacte que nous voulons passer avec elles afin d'améliorer leurs relations financières avec l'État, dans le respect, bien évidemment, de leur autonomie de gestion.

Je suis moi-même maire et président de communauté de communes. Nous devons avoir un dialogue de responsabilité !

Étant moi-même élu local, je sais que, dans des domaines très divers, l'État impose souvent de nouvelles dépenses aux collectivités locales, ...

M. Guy Fischer. C'est bien de le reconnaître !

M. Éric Woerth, ministre. ... au travers, par exemple, de normes techniques ou environnementales ou de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, et ce quels que soient les gouvernements !

C'est pourquoi nous devons mieux associer les élus à l'élaboration de ces normes contraignantes, qui amènent de fortes augmentations de dépenses.

En contrepartie, les règles gouvernant l'évolution des dotations aux collectivités locales devront être réformées : dès 2008, les concours qui relèvent du contrat de croissance et de solidarité se verront appliquer la même norme que celle qui s'imposera aux autres dépenses de l'État.

C'est avec ces exigences sans précédent, et qui doivent être partagées, que nous arriverons à atteindre l'objectif d'assainissement des finances publiques au cours de cette législature.

Le Premier ministre a d'ailleurs reçu la semaine dernière l'ensemble des associations d'élus et a pu, à cette occasion, échanger avec eux des moyens pour parvenir à ces objectifs entre les collectivités locales et l'État.

Je terminerai mon propos en évoquant devant vous quelques-uns des moyens qui nous permettront de mettre en oeuvre notre stratégie budgétaire.

Une stratégie aussi ambitieuse réclame bien évidemment des réformes structurelles et des réformes efficaces. Le Président de la République et le Premier ministre les ont annoncées et expliquées à de nombreuses reprises depuis deux mois. Ces réformes justes et d'une ampleur sans précédent ont pour vocation de restaurer nos finances publiques.

Il s'agit, notamment, du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État, de la réforme des régimes spéciaux, de la fin de l'indexation sur la croissance des concours de l'État aux collectivités locales ou encore des mesures visant à mettre fin à la dérive des dépenses d'assurance maladie par l'instauration d'un système de franchise.

Revenir sur ces différentes mesures excéderait le cadre de ce débat. Aussi, je concentrerai mon propos sur l'une des plus importantes, parce que c'est une mesure de fond, dont mon ministère sera la cheville ouvrière : la révision générale de l'ensemble des politiques publiques.

Depuis 2005, sous l'impulsion de Jean-François Copé, plusieurs vagues d'audits de modernisation ont été lancées. Moi-même, en tant que secrétaire d'État à la réforme de l'État, j'avais lancé des stratégies ministérielles de réforme. Toutes ces initiatives visaient à passer au crible et à revoir les politiques publiques. Elles ont accompagné le processus de mise en place de la LOLF et ont permis de commencer à rationaliser, mieux organiser les dépenses publiques, tout en le faisant avec le souci de la qualité du service public. Il nous faut tenir compte des contraintes financières mais aussi, évidemment, des contraintes de qualité.

Avec la révision générale des politiques publiques lancée par le Premier ministre le 10 juillet dernier, nous allons maintenant passer à la vitesse supérieure, comme le souhaitait d'ailleurs le président Jean Arthuis. (M. le président de la commission des finances opine.)

La démarche est très novatrice pour notre pays ; elle s'inspire des meilleures pratiques étrangères. Il ne s'agit évidemment pas d'une énième réforme d'un processus sans fin. Il s'agit d'une étape décisive, une étape qui permettra de sortir de l'empilement permanent de dépenses et de politiques publiques qu'on ne réexamine jamais, une étape qui mettra un terme à la croyance selon laquelle il suffit d'augmenter les moyens publics pour que l'usager ait un meilleur service, une étape qui fera de l'efficacité le mot d'ordre et la fierté de l'action publique.

Nous allons passer au crible I'ensemble de la dépense publique. Chaque politique publique sera réexaminée de fond en comble, à partir de questions simples, que chacun doit pouvoir se poser : À quoi sert-elle ? Répond-elle aux besoins des usagers ? Pourrions-nous la conduire différemment, avec moins de moyens, en la ciblant davantage ? D'autres questions de cette nature peuvent être posées, qui sont des questions simples, mais auxquelles il n'est pas toujours facile d'apporter une réponse. Ainsi, l'ensemble des politiques publiques seront examinées.

Ce réexamen de fond permettra d'identifier et de programmer des réformes intelligentes et structurantes, qui garantiront une maîtrise durable et bien ciblée de la dépense de l'État. Cet exercice permettra en particulier d'atteindre l'objectif de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État, tout en préservant, et même en améliorant la qualité du service rendu aux usagers.

Les rapporteurs généraux des deux commissions des finances, Philippe Marini et Gilles Carrez, seront étroitement associés à cet exercice de révision puisqu'ils font partie du comité de suivi de la révision générale des politiques publiques.

Toutes les dépenses de l'État seront concernées, y compris les dépenses d'intervention, sur lesquelles on ne s'est pas encore penché alors qu'elles représentent 40 % des dépenses budgétaires. Le champ d'examen ne s'arrêtera d'ailleurs pas à l'État stricto sensu et inclura des politiques dans lesquelles celui-ci intervient aux côtés d'autres partenaires. Je pense aux politiques sociales et de sécurité sociale, ou aux politiques des collectivités territoriales : même si elles exigent d'autres moyens, d'autres méthodes, elles doivent être, elles aussi, examinées.

C'est le Conseil de la modernisation des politiques publiques, présidé par le Président de la République, et dont je serai le rapporteur général,...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Les rapporteurs généraux, c'est très important, n'est-ce pas ?

M. Eric Woerth, ministre. ... qui décidera ensuite des options à retenir.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Créons un syndicat des rapporteurs généraux ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Le Gouvernement ne va pas être content !

M. Eric Woerth, ministre. Le Conseil de la modernisation des politiques publiques se réunira d'ici à la fin de l'année, puis au printemps, et il prendra des décisions. C'est bien ce qui change.

Cette démarche est donc portée sur le plan politique au plus haut niveau de l'État, et c'est la seule condition pour qu'elle aboutisse, comme cela a été le cas dans de nombreux pays dont la France peut s'inspirer, même si elle doit évidemment conserver sa propre identité et son propre modèle, vous le savez bien. Il s'agit d'une démarche partagée et techniquement assumée qui nous permettra, je l'espère, d'obtenir les résultats que nous attendons depuis de longues années à partir d'une révision globale de l'ensemble de nos politiques publiques.

Les résultats auxquels nous parviendrons serviront à établir une programmation pluriannuelle détaillée des dépenses qui donnera aux gestionnaires davantage de visibilité sur leurs crédits et davantage de responsabilité dans l'ensemble de leur gestion.

Cette révision générale sera menée tambour battant puisqu'elle devrait être achevée au début du printemps 2008, avant le prochain débat d'orientation budgétaire. Nous mettrons alors en place un contrôle régulier de la mise en oeuvre des réformes qui auront été décidées, en lien avec les commissions compétentes des assemblées et avec la Cour des comptes.

Permettez-moi, avant de conclure, d'ajouter un mot sur un sujet auquel je suis très attaché : la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Avec Mme Roselyne Bachelot notamment, pour ce qui est des comptes sociaux, nous en faisons une priorité, car elle constitue un élément important de la légitimité de l'intervention publique.

La baisse des prélèvements et la lutte contre les dépenses inutiles doivent s'accompagner de la plus grande transparence et, surtout, de la plus grande équité dans la perception de ces prélèvements et le versement des prestations. C'est une question de morale publique :...

Mme Nicole Bricq. Ah oui, parlons-en !

M. Eric Woerth, ministre. ... ceux qui acquittent leur dû ne doivent pas payer pour ceux qui fraudent ou qui trichent. C'est un point essentiel de l'acceptabilité du prélèvement public, qu'il soit fiscal ou social.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est certain !

Mme Nicole Bricq. Avec les nouvelles dépenses fiscales, on est servi en termes d'équité !

M. Eric Woerth, ministre. Je veillerai à poursuivre et à accélérer la mobilisation de tous les services publics, administration fiscale ou organismes de sécurité sociale, au service de cette priorité de justice et d'équité entre tous les citoyens.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux axes de travail que le Gouvernement entend suivre pour mener à bien notre chantier commun : l'assainissement durable de nos finances publiques.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire aux députés, ce chantier n'est ni de droite, ni de gauche.

M. Eric Woerth, ministre. Ce n'est pas l'obsession d'un camp ni la négligence de l'autre : c'est une nécessité collective, qui exigera l'engagement de tous et de chacun.

On peut bien sûr discuter des moyens, encore que notre niveau d'endettement et de dépenses publiques en limite fortement le nombre, mais on ne doit pas discuter de l'objectif, qui s'impose à chacun d'entre nous, parce que l'avenir de la France est notre bien commun, et parce que la solidarité entre les générations fonde notre éthique commune.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Eric Woerth, ministre. Les Français sont très sensibles à ces enjeux, beaucoup plus que certains le pensent.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Eric Woerth, ministre. Ils savent que ce ne sont pas de simples questions de chiffres, des questions de comptabilité, qu'il ne s'agit pas seulement d'une « vision comptable », comme je l'ai entendu dire de temps à autre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel opprobre !

M. Eric Woerth, ministre. Je l'ai effectivement vécu un peu de cette manière !

Ce sont en réalité des enjeux politiques essentiels, qui conditionnent la capacité de notre pays à rester un grand pays, prospère, influent et respecté.

Les Français ne veulent plus de politiques de l'autruche, ils ne veulent plus qu'on minimise les problèmes ni qu'on les berce d'illusions. Ils ne croient plus au bouc émissaire facile du grand capital ni au fantasme selon lequel il suffirait de seulement taxer « les riches » et les entreprises pour résoudre tous les problèmes.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Et voilà !

M. Guy Fischer. Pourtant, les inégalités ne cessent de se creuser !

M. Eric Woerth, ministre. Le peuple français est un peuple adulte et un peuple fier. Il ne veut pas être assisté ou materné. Ne dites jamais qu'il ne veut pas de réformes ; dites-vous toujours, lorsque certaines réformes sont mal comprises, que c'est nous qui nous y sommes mal pris, que nous n'avons probablement pas assez agi.

Les Français savent très bien que la seule solution aux difficultés du pays, c'est que nous regardions ces difficultés bien en face, droit dans les yeux, si j'ose dire, et que nous retroussions nos manches.

Mme Marie-France Beaufils. Il faut surtout apporter les bonnes réponses, et non les mauvaises !

M. Eric Woerth, ministre. Ils exigent que nous assumions collectivement nos responsabilités.

Les Français nous ont élus pour cela. C'est pourquoi nous n'esquiverons aucune des difficultés que je viens d'évoquer et nous tiendrons nos objectifs, car nous n'avons pas le droit de les décevoir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour un débat dont nous mesurons toute l'importance puisqu'il détermine le cadre, les contraintes et les orientations majeures de la présidence qui vient de s'ouvrir.

Au surplus, au lendemain du vote de la première loi de règlement définitif du budget au « format LOLF » et à la veille de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, l'exercice auquel nous nous livrons fait avantageusement office de discussion d'une loi de finances rectificative que le Gouvernement, contrairement à l'usage, a renoncé à déposer.

Il nous permet enfin d'avoir la nécessaire vision globale sur les finances publiques qui, seule, est capable de mettre de la lumière dans toutes les pièces. Ainsi donc, nous mettons en perspective la situation financière de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. C'est dire, monsieur le ministre, si nous nous réjouissons de l'existence et de la présence du premier ministre des « comptes publics ». À maintes reprises, notre commission des finances a appelé de ses voeux la consolidation des finances publiques. Monsieur le ministre du budget, cher Éric Woerth, vous êtes donc à nos yeux le garant de la cohérence tant attendue. Je me réjouis, bien sûr, de l'engagement que vous avez pris voilà un instant de nous présenter un rapport sur l'ensemble des comptes, de la dette publique et sur les axes de travail que vous nous avez proposés.

Nous sommes conscients, croyez-le bien, que votre tâche est sans doute l'une des plus délicates et des plus contraignantes qui soient. Nous devons conjuguer nos efforts pour vous permettre de réussir, car la France, menacée de décrochage sous anesthésie, ainsi que l'avait très justement décrite Michel Camdessus, ne peut plus attendre. Nous ne devons, mes chers collègues, en aucune façon, sous-estimer l'âpreté de la tâche qui nous attend.

Dans votre rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire, vous énoncez que la stratégie économique et budgétaire du Gouvernement s'appuie sur deux piliers : d'une part, « des mesures fiscales ambitieuses permettant de revaloriser le travail, de créer un choc de confiance et de relancer durablement la croissance » et, d'autre part, « une maîtrise sans précédent de la dépense publique permettant de réduire la dette publique et de préserver l'équité intergénérationnelle, tout en améliorant l'efficacité de l'État et du secteur public ».

J'ai bien noté que, si la croissance venait à atteindre durablement 3 %, l'équilibre budgétaire pourrait être constaté dès 2010 et que, en tout état de cause, un rythme de croissance de l'ordre de 2,5 % permettrait d'atteindre cet objectif en 2012.

Nous ne pouvons que soutenir avec force une vision aussi volontariste. Ces deux piliers répondent à deux objectifs auxquels notre commission des finances est profondément attachée.

À mes yeux, en ce début de législature, nous devons répondre à deux questions. Les mesures fiscales que vous nous proposez peuvent-elles relancer durablement la croissance ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Leur coût budgétaire est-il compatible avec la situation de nos finances publiques ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La première qualité de ces mesures fiscales, leur légitimité, est qu'elles transcrivent les engagements électoraux du Président de la République. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)

Certaines mesures s'inscrivent dans le cadre d'une politique de l'offre. C'est vrai pour le dispositif relatif aux heures supplémentaires, même si sa complexité me fait regretter que le Gouvernement n'ait pas cru devoir réviser plus fondamentalement le si préjudiciable système des 35 heures. Je reste persuadé qu'une rupture avec la logique malthusienne de partage du travail eût été hautement salutaire. C'est également vrai pour la mesure relative à l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, qui permettra aux contribuables assujettis à ce prélèvement de choisir de liquider leur obligation en souscrivant au capital de PME.

À cet égard, monsieur le ministre, nous attachons un prix tout particulier à rétablir l'affectio societatis, ce lien entre l'actionnaire et l'entreprise. La financiarisation ambiante tend à rompre cette relation étroite et à déshumaniser le capitalisme. Aujourd'hui, nous entendons souvent des salariés nous déclarer avec inquiétude que leur patron est un fonds d'investissement !

En revanche, le droit offert aux ménages de déduire de leur revenu imposable les intérêts d'emprunt d'accession à la propriété de leur résidence principale, ainsi que l'allégement significatif des droits de succession, s'inscrivent clairement dans le cadre d'une politique de la demande. S'il est vrai que le soutien à la consommation crée des emplois, de telles créations s'opèrent, pour l'essentiel, hors de France. Nous le voyons d'ailleurs, les « coups de pouce » au pouvoir d'achat sous forme de prime pour l'emploi aboutissent pour probablement la moitié des sommes à un surcroît d'importations.

Pour ma part, je fais résolument le choix d'une politique de l'offre et je m'impatiente de voir voter des mesures d'amélioration de la compétitivité du travail, des entreprises et des territoires. C'est sans doute, à ce stade, le chaînon manquant de votre « paquet fiscal », monsieur le ministre. Je garde l'espoir qu'un jour prochain s'ouvre le débat sur un autre financement de la protection sociale,...

M. Guy Fischer. Revoilà la TVA sociale !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... notamment s'agissant des branches santé et famille, cessant de prendre en otage le travail, endiguant ainsi les délocalisations d'activités et d'emplois et tirant les conséquences de la mondialisation de l'économie.

En l'état, j'exprime un doute sérieux sur le « choc de confiance et de croissance » que le Gouvernement attend de son projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dont nous débattrons à partir de demain. Les conséquences budgétaires en sont significatives : les pertes de ressources fiscales s'élèveront à 1,5 milliard d'euros en 2007, à 10 milliards d'euros en 2008, à 13 milliards d'euros en 2009 et à 15 milliards d'euros en 2010. À ces chiffres, il conviendra sans doute d'ajouter l'effet de la mesure relative à la réduction de l'ISF pour investissement dans les PME, qui n'est apparemment pas pris en compte dans les évaluations.

Un tel coût budgétaire est-il compatible avec la situation de nos finances publiques ?

Mme Nicole Bricq et M. Gérard Delfau. Non !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À la vérité, au-delà de ce coût, dont les évaluations ne sont pas sujettes à contestation, à l'exception de l'interrogation sur les conséquences budgétaires de la mesure relative à la réduction de l'ISF pour investissement dans les PME, le Gouvernement a besoin de crédits nouveaux pour donner corps à ses grandes réformes. Or la situation financière est pour le moins préoccupante, sinon alarmante, au regard de la nouvelle dérive des dépenses sociales.

Nous le savons bien, compte tenu du vieillissement de la population française, les besoins ne peuvent que s'amplifier. Il est vital d'appréhender la réalité sans fard. Notre rapporteur général, M. Philippe Marini, va vous décrire avec l'objectivité et le talent qui le caractérisent...

Mme Nicole Bricq. Le talent, oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, ma chère collègue.

Mme Nicole Bricq. L'objectivité, c'est moins sûr !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...ce qu'il appelle le « socle de la nouvelle présidence ».

La dette publique a été au coeur de la campagne présidentielle.

Il n'est plus possible de tergiverser. Nous avons collectivement un devoir de résultat et nos concitoyens en sont bien conscients. Assumons donc ce devoir avec courage. Pour cela, osons ouvrir les yeux sur les tendances lourdes des dépenses et des recettes publiques. La clé du désendettement, c'est l'équilibre et la disparition du déficit. Pour qu'il en soit ainsi, nous avons besoin - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - d'un taux de croissance sensiblement supérieur à 3 %.

À défaut, en supposant qu'à politiques inchangées les dépenses augmentent spontanément de 2,5 % en volume, sur la base d'une croissance moyenne de 2,2 % - c'est ce qui a été constaté ces dernières années -, il faudra économiser 80 milliards d'euros pour ramener le déficit public à 1 % du produit intérieur brut, le PIB. Dans ces conditions, la dette publique pourrait être ramenée à 60 % du PIB. Le rapport de M. Philippe Marini en fait une démonstration lumineuse. (M. le rapporteur général salue et sourit.)

Toutes ces données sont bien sûr profondément inquiétantes. Est-il besoin de le souligner ? Monsieur le ministre, je veux simplement vous mettre en garde contre des objectifs qui seraient intenables, car de tels objectifs nous exposent toujours au spectacle de l'impuissance et de l'impéritie politiques.

M. Guy Fischer. C'est bien de le reconnaître par avance !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous l'avez d'ailleurs rappelé à propos des cibles de dépenses de santé.

De cet éclairage stimulant, nous tirons deux conclusions. D'une part, il nous faut rendre la France compétitive dans une économie qui s'est, me semble-t-il, irréversiblement mondialisée. D'autre part, nous devons réformer la sphère publique, afin de réguler le rythme des dépenses de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales.

Le chantier qui nous attend exige un sens aigu de la pédagogie et un immense courage politique.

S'agissant de la pédagogie, il est urgent d'expliquer à nos compatriotes les enjeux de la mondialisation. Mes chers collègues, pouvons-nous reconnaître que celle-ci a rendu obsolètes des pans entiers de nos législations ? Tous ceux qui entreprennent ont aujourd'hui besoin de retrouver des marges de manoeuvre et de liberté. En matière de prélèvements obligatoires, il serait coupable de faire peser plus longtemps encore le poids du financement de l'assurance maladie et des prestations familiales sur les salaires, altérant ainsi la compétitivité du travail et organisant, en quelque sorte, la disparition de l'emploi par délocalisations d'activités.

Je m'abstiendrai de développer ici mes convictions à propos de la « TVA sociale », mais je lance un appel pour que le débat s'ouvre enfin devant l'opinion publique. Avec M. le rapporteur général, nous nous y sommes préparés. (M. le rapporteur général acquiesce.)

Mon obsession, comme pour la plupart d'entre nous, c'est la compétitivité. Tout ajournement du débat engage notre responsabilité. Le retour d'une croissance robuste est un impératif absolument vital.

Monsieur le ministre, j'ai vainement cherché dans votre rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire une remise en cause de l'architecture de nos prélèvements obligatoires.

Nous devons nous interroger sur la compatibilité de notre architecture fiscale avec la mondialisation, notamment en nous demandant si les impôts de production ne sont pas devenus des accélérateurs de délocalisations.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. N'y a-t-il pas des impôts, des taxes ou des contributions sociales qui mettent en péril notre potentiel de créativité et de production ?

Après l'incroyable cacophonie qui a surgi entre les deux tours des élections législatives, le temps est venu, me semble-t-il, de briser un certain nombre de tabous, de rompre avec les statu quo destructeurs, de sortir de l'immobilisme ambiant et de prévenir la désinformation et la démagogie.

À défaut d'autres ressources, telles que les impôts sur le patrimoine ou sur les revenus - là encore, cela est lié au problème des délocalisations, tant la matière imposable devient fugace et volatile -, il est aujourd'hui admis que la TVA sociale profite à nos productions de biens et de services, tant auprès des consommateurs français qu'à l'exportation. Bien entendu, une telle réforme ne peut être conduite qu'à prélèvements globaux constants. Il n'est pas question d'augmenter la TVA pour d'autres motifs que la réduction et la compensation des pertes de recettes liées à l'exonération des cotisations sociales.

À l'inverse, la TVA sociale étend aux importations la prise en charge de notre protection sociale. C'est, me semble-t-il, dans ces conditions que le choc de confiance et de croissance peut atteindre son plein effet.

Les finances de l'État sont en voie d'être maîtrisées, sous réserve d'effectuer encore quelques choix drastiques. En revanche, les dépenses sociales dérapent et les collectivités territoriales vont devoir se préparer à des transferts de ressources, notamment sous forme de dotations de l'État, plus parcimonieux. À cet égard, monsieur le ministre, je me demande pour quel motif la philosophie, le cadre général et les principes de la LOLF ne trouvent pas à s'appliquer dans le secteur couvert par la sécurité sociale. De la même façon, nous aurons sans doute à travailler sur l'instillation progressive des principes de la LOLF dans la gestion des collectivités locales, afin que le même langage soit utilisé pour l'État, la sécurité sociale et celles-ci et qu'il soit compréhensible par l'ensemble de nos concitoyens.

Autant de perspectives qui nous appellent à une vigilance renforcée et partagée.

L'heure des réformes structurelles est venue. Ce qui a été accompli par la plupart des grands pays comparables à la France ne peut plus attendre chez nous. Si nos systèmes d'information sont toujours en deçà de l'opérationnel, de substantiels progrès ont été accomplis. Le reste est une affaire de volonté politique. La lucidité sans volonté ne sert à rien et la volonté sans lucidité serait dangereuse.

Monsieur le ministre, la commission de finances du Sénat sera à vos côtés pour rendre crédible votre objectif : permettre à la France d'être plus compétitive et de se désendetter durablement.

À mon sens, l'heure de la mobilisation générale a sonné. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le « débat d'orientation budgétaire et des finances sociales » - permettez-moi d'insister dès à présent sur le titre qui devrait être le sien ; j'y reviendrai - a un caractère particulier cette année, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, ce débat intervient en début de législature, alors qu'un nouveau gouvernement s'installe, c'est-à-dire à un moment privilégié pour tracer des perspectives, définir des orientations de moyen terme claires et réalistes et proposer une voie précise et raisonnable pour atteindre ces objectifs. Nous ne devons pas passer à côté de cette occasion exceptionnelle de définir un parcours vertueux pour nos finances publiques.

Ensuite, nous disposons pour la première fois d'un interlocuteur gouvernemental unique, le ministre des comptes publics. Je dirais volontiers : enfin, monsieur le ministre ! C'est grâce à cette vision plus globale des finances publiques, démarche que nous avons toujours appelée de nos voeux, que nous allons pouvoir aujourd'hui débattre, de façon fondée, sérieuse et approfondie, des orientations de nos finances budgétaires et sociales, sans que cette discussion s'appesantisse sur des querelles stériles de frontières ou des divergences d'interprétation entre les deux ensembles financiers.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Enfin, ce débat intervient dans un contexte de finances sociales dégradées, ce qui nous impose d'en prendre l'exacte mesure car rien de solide ne pourra, nous semble-t-il, être construit sans un bilan exhaustif et réaliste de cette situation. Toutes les difficultés actuelles devront donc faire l'objet d'un traitement par le Gouvernement et par vos services, monsieur le ministre. Tel est le sens du rapport de la commission des affaires sociales.

Nous attendons ainsi des réponses concrètes sur l'ensemble des problèmes relevés par notre rapporteur, Alain Vasselle, président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, notamment - je parle sous son contrôle - la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, le Fonds de solidarité vieillesse, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, la compensation des allégements de charges, l'apurement des déficits accumulés, le dérapage des dépenses d'assurance maladie et, enfin, la dégradation rapide des comptes de la branche vieillesse.

Le diagnostic étant posé, il faudra s'atteler à définir rapidement les orientations des mesures structurelles de grande ampleur qui s'imposent. Nous ne pouvons plus repousser les choix, courageux mais nécessaires, que nous devons effectuer, en particulier, dans l'intérêt des générations futures.

De son côté, Alain Vasselle vous livrera les conclusions de la commission des affaires sociales sur cet état inquiétant des finances sociales et sur les pistes de réformes qu'il nous paraît souhaitable de retenir. Je n'en parlerai donc pas.

Mais je voudrais vous faire part d'un certain nombre de remarques visant à améliorer la connaissance, la gestion et le contrôle, notamment parlementaire, des finances sociales.

Permettez-moi auparavant une première observation. Conformément à l'article L.O. 111-5-2 du code de la sécurité sociale, le Gouvernement doit déposer chaque année, « au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur les orientations des finances sociales comportant : une description des grandes orientations de la politique de sécurité sociale au regard des engagements européens de la France ; une évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale ainsi que de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ». Ce rapport peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat, débat qui peut se dérouler en même temps que le débat d'orientation budgétaire prévu à l'article 48 de la LOLF.

Or, malgré les remarques faites par notre commission l'an dernier, nous ne disposons toujours pas, cette année, du rapport prévu par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. J'observe que le seul document distribué s'intitule Rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire, sans mention des finances sociales. Sur soixante-douze pages, il en consacre tout de même cinq aux finances sociales...

M. Guy Fischer. Ce n'est pas si mal...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y en avait douze l'année dernière, mon cher collègue !

Permettez-moi de qualifier ces cinq pages d'« indigentes », monsieur le ministre. En effet, elles ne répondent en rien aux préconisations de l'article L.O.111-5-2 du code de la sécurité sociale. Ainsi, elles ne comprennent aucune évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses ni de l'ONDAM. De même, elles ne fournissent que des orientations très vagues sur l'évolution envisagée au cours des prochaines années de l'assurance maladie, de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, de la politique familiale ou de la préparation du rendez-vous de 2008 sur les retraites.

Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales m'a demandé de vous interpeller sur ce point car, bien loin d'être uniquement formelle, cette présentation pourrait annoncer une évolution que nous refusons : en effet, l'institution d'un ministère des comptes publics ne doit pas servir de prétexte à limiter le débat au seul budget de l'État et aux seuls services de Bercy !

Nous souhaitons que l'avancée incontestable représentée par la création des lois de financement de la sécurité sociale, confortée par le cadre juridique rénové de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, soit maintenue et renforcée.

C'est pourquoi l'information du Parlement en matière de finances sociales doit encore être améliorée pour que nous disposions d'éléments aussi transparents et précis que ceux qui sont désormais disponibles pour les lois de finances.

Cela me conduit donc à vous présenter une série d'observations, portant non seulement sur le contenu et la présentation des projets de loi de financement de la sécurité sociale, les PLFSS, mais aussi sur la définition des programmes de qualité et d'efficience, les PQE, annexés à ces projets de loi.

Je précise que l'ensemble de ces observations ont déjà été formulées par la commission des affaires sociales, soit en juin 2006 à l'occasion du précédent débat d'orientation budgétaire et des finances sociales, soit au cours de la discussion du PLFSS pour 2007, au mois de novembre 2006. Aucune de ces propositions n'a, à ce jour, été prise en compte. Je souhaite vivement qu'il en aille autrement cette année et que le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prenne en considération ces demandes que nous jugeons essentielles.

Il conviendrait ainsi, premièrement, de renforcer le cadrage pluriannuel. Il est nécessaire d'étayer plus solidement l'annexe B, de façon à justifier précisément les évolutions prévues. Le document annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 était certes meilleur que celui de l'année précédente, car il présentait deux scénarii et non plus un seul. Mais il n'était construit que sur les hypothèses de croissance et d'inflation de ce dernier rapport, et sur deux autres hypothèses, à savoir la croissance de la masse salariale et celle de l'ONDAM. C'est évidemment largement insuffisant pour parvenir à un résultat pertinent de prévision d'équilibre pour chacune des branches.

Deuxièmement, il nous paraît indispensable de présenter les données chiffrées en millions d'euros et non en milliards arrondis à la centaine de millions d'euros près, comme c'est le cas actuellement. Cette excessive simplification, je le répète encore cette année, va évidemment à l'encontre de la recherche de sincérité et de précision des comptes. En particulier, elle ne permet pas de cerner facilement l'impact financier d'un certain nombre de mesures, surtout lorsque celles-ci s'élèvent seulement à quelques dizaines de millions d'euros. De son côté, vous le savez, mes chers collègues, le projet de loi de finances est présenté non pas en milliards, ni en millions, ni même en milliers d'euros, mais à l'euro près...

Troisièmement, nous souhaitons que les mesures nouvelles proposées soient chiffrées. En particulier, l'annexe 9 qui explicite, d'une part, les besoins de trésorerie des régimes et, d'autre part, l'impact sur les comptes des mesures nouvelles doit être moins succincte. Pour favoriser la transparence des comptes et permettre au Parlement d'exercer pleinement son pouvoir de contrôle, il est indispensable que celui-ci dispose d'un chiffrage plus précis et plus exhaustif des différentes mesures nouvelles proposées, en recettes comme en dépenses, en particulier de chacun des articles du PLFSS, comme c'est d'ailleurs le cas pour le projet de loi de finances. La commission des affaires sociales souhaite tout particulièrement que cette amélioration soit prise en compte dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Quatrièmement, nous aimerions que l'annexe 8 relative aux organismes financés par des régimes obligatoires de base soit complétée. En effet, malgré les dispositions de la loi organique, n'y figurent ni les agences sanitaires alimentées par l'assurance maladie - Agence de la biomédecine, Institut national de la transfusion sanguine, Agence technique de l'information sur l'hospitalisation, Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, Haute autorité de santé -, ni le fonds de concours Biotox, ni l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS. Ces omissions ne semblent pas justifiées et devraient être réparées afin de garantir le droit d'information du Parlement. En particulier, il est impératif que cette annexe retrace les éléments financiers relatifs au futur établissement public gestionnaire de la réserve sanitaire, qui succède au fonds Biotox.

S'agissant des programmes de qualité et d'efficience, les PQE, je vous rappelle que le III de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale prévoit qu'est jointe au projet de loi de financement une annexe présentant « les programmes de qualité et d'efficience relatifs aux dépenses et aux recettes de chaque branche de la sécurité sociale ».

Cet article précise que « ces programmes comportent un diagnostic de situation appuyé notamment sur les données sanitaires et sociales de la population, des objectifs retracés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié, une présentation des moyens mis en oeuvre pour réaliser ces objectifs et l'exposé des résultats atteints lors des deux derniers exercices clos et, le cas échéant, lors de l'année en cours ».

L'an dernier, les projets de programmes de qualité et d'efficience ont été transmis pour avis à la commission des affaires sociales du Sénat au mois de mai 2006. Ce document comprenait cinq projets de programmes, le sixième, consacré à la compensation de la perte d'autonomie, n'étant pas encore élaboré. Les observations que notre commission avait alors transmises au Gouvernement se rapportaient à chacun des cinq programmes. Au total, quarante suggestions de modifications ont été proposées.

Or, aucune de ces propositions n'a été prise en compte dans l'annexe jointe au PLFSS pour 2007. Nous les réitérons donc aujourd'hui, car elles avaient toutes pour intérêt d'améliorer notre information et de fournir les moyens adaptés à un contrôle parlementaire de qualité. Il faudra qu'elles soient enfin retenues dans l'annexe au projet de loi de financement pour 2008. Puis-je compter sur votre appui, monsieur le ministre ? (M. le ministre sourit.)

Pour terminer mon propos, je voudrais dire quelques mots sur le premier exercice de certification des comptes de la sécurité sociale. Nouveau pouvoir de la Cour des comptes institué par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, la certification des comptes des organismes de sécurité sociale s'avère d'emblée un exercice très utile et très instructif pour nous, parlementaires. Elle nous offre un nouvel éclairage sur la comptabilité et la gestion de ces organismes et de nouveaux moyens d'exercer notre contrôle.

Je pense, par exemple, aux comptes de la branche famille que la Cour des comptes n'a pas été en mesure de certifier en raison de l'ampleur des incertitudes les entourant, comme nous l'a déclaré son premier président, Philippe Séguin. Il nous appartient désormais de faire en sorte que cela change et que la Caisse nationale des allocations familiales puisse présenter l'année prochaine des comptes améliorés à la Cour.

Monsieur le ministre, beaucoup de progrès ont été accomplis au cours des dernières années. C'est un socle sur lequel nous devons nous appuyer pour aller plus loin. Si vous prenez en compte nos observations, celles de la Cour des comptes celles de nos collègues de l'Assemblée nationale, le Parlement sera mieux informé et mieux à même de vous aider à définir la meilleure voie pour rétablir l'équilibre de nos finances sociales.

Nos concitoyens savent que des efforts nouveaux vont leur être demandés pour financer la croissance des dépenses de maladie et de vieillesse.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

Mais il est essentiel, en contrepartie, que l'on puisse leur garantir une gestion transparente et efficace de ces dépenses sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - MM. Michel Sergent et Michel Moreigne applaudissent également.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ouvrons donc le second volet de la trilogie de cette dernière vraie semaine de session extraordinaire.

Mme Nicole Bricq. Le deuxième !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit bien, monsieur le président de la commission des affaires sociales, du débat d'orientation des finances publiques.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la seule chose qui nous importe et nous intéresse : la configuration globale en termes de dépenses, de part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut, en termes de dette, de part de la dette dans le PIB, en termes de solde des finances publiques, bien entendu, et surtout en termes de perspectives pour l'avenir.

Mon propos s'articulera en trois points.

En premier lieu, je rappellerai l'acquis de la précédente législature, mais aussi la nécessité de renforcer les disciplines mises en place au cours de celle-ci.

En deuxième lieu, je m'essaierai à un exercice de cohérence. Monsieur le ministre, dans les chiffres que je livre dans mon rapport écrit, je n'ai rien inventé au regard des données que vous nous avez fournies. Je me suis borné à mettre en perspective vos chiffres et votre jeu d'hypothèses.

En troisième lieu, j'achèverai par quelques considérations sur les innovations qu'il va nous falloir introduire dans la gouvernance des finances publiques pour réussir, c'est-à-dire pour tenir les objectifs ambitieux que le Président de la République nous assigne à juste titre.

S'agissant du premier point, les mentalités ont beaucoup évolué ces dernières années, et il faut rendre hommage, à cet égard, à tous ceux qui ont travaillé à ce changement, notamment à notre collègue et ami Alain Lambert (Ah oui ! sur les travées de l'UMP.), qui d'une certaine manière a ouvert la voie,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et ce dans des conditions qui ont été, nous en sommes témoins, ingrates. Il a semé, et nous récoltons.

Nous bénéficions d'abord de la prise de conscience, largement répandue dans l'opinion publique, du caractère insoutenable à long terme de la dette publique.

Nous récoltons ensuite les fruits des deux lois organiques relatives aux lois de finances, au travers en particulier de l'importance qui s'attache désormais à la notion de performance au sein de l'État. Espérons que, demain, il en ira de même à l'échelon de la sécurité sociale, voire de l'ensemble de nos collectivités territoriales.

Enfin, nous avons pu observer, hier, que la norme de dépense à l'échelle de l'État a été respectée, ainsi que les autorisations votées par le Parlement, ce qui constituait en quelque sorte une première,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. ... en tout cas un apport très substantiel de la précédente législature. Cela étant, il faut, monsieur le ministre, au titre du renforcement de l'acquis de la précédente législature, d'abord élargir et rationaliser cette norme de dépense.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons entamé hier ce débat, et permettez-moi d'y revenir.

Il est indispensable, monsieur le ministre - je le répéterai aussi longtemps qu'il le faudra -, de prendre en compte les dépenses fiscales dans la norme de dépense C'est difficile, je le sais, mais c'est indispensable car, rappelons-le, sur la période 2004-2008, les allégements de fiscalité, compte non tenu des dispositions du texte dont nous allons débattre à partir de demain, ont représenté 22 milliards d'euros, soit plus d'un point de PIB.

Par ailleurs, rappelons aussi qu'un État impécunieux fait des cadeaux fiscaux, et qu'il est très simple, très facile - c'est un entraînement naturel - à chaque ministre dépensier qui ne peut plus mobiliser de crédits budgétaires d'obtenir un arbitrage en faveur de nouveaux cadeaux fiscaux. Nous avons vu ces comportements se répéter d'année en année, quel que soit le gouvernement en place.

Mme Nicole Bricq. Ça continue !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Permettez-moi de le redire, un euro de dépense fiscale vaut, au regard du solde, un euro de crédits budgétaires dépensé. Il faut donc parvenir à réguler progressivement cette fameuse dépense fiscale.

Dans cette perspective, je propose d'inclure progressivement, dès 2009, certaines dépenses fiscales, comme celle qui permet de faire supporter aux banques le coût du prêt à taux zéro, dans la norme du zéro volume.

Je propose en outre - ce serait encore plus vertueux - de considérer que l'inclusion de la dépense fiscale dans la norme devrait être respectée, au moins dans une large mesure, sur l'ensemble de la législature. Il faut que nous nous dotions, à mon sens, d'instruments de suivi et de régulation de la dépense fiscale. Ce n'est pas simple, il y a des considérations techniques délicates à surmonter, mais il faut y arriver, monsieur le ministre.

L'avantage d'un tel élargissement serait triple.

En premier lieu, il autoriserait une plus grande transparence, en permettant de limiter les comportements de contournement de la norme : la nature humaine étant ce qu'elle est, ces comportements sont inévitables. (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. C'est un expert qui parle !

M. Philippe Marini, rapporteur général. En deuxième lieu, cela amènerait à compenser toute nouvelle dépense fiscale par une réduction des dépenses budgétaires ou par une augmentation des recettes à due concurrence. Une telle proposition figurait d'ailleurs dans nos recommandations pour le débat d'orientation budgétaire de l'année 2006.

En troisième lieu, cela contraindrait non seulement à évaluer la dépense fiscale en prévision - c'est ce que fait la direction de la législation fiscale, souvent selon des méthodes que je considère comme un peu frustes et légères, voire d'opportunité -, mais surtout à la suivre en exécution. À cet égard, permettez-moi de dire que l'information est très lacunaire, beaucoup de chiffres n'étant pas fournis, et qu'il reste un singulier progrès à accomplir.

En ce qui concerne la norme de dépense, je voudrais dire un mot sur les collectivités territoriales.

Oui, monsieur le ministre, je prends le risque de l'affirmer, je trouve acceptable d'étendre l'application de la norme de dépense aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales. Cependant, de manière tout à fait concordante avec les propos qu'a tenus tout à l'heure le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, j'estime qu'il s'agit d'entrer dans un nouveau cycle contractuel et que, dans ce nouveau cycle, il doit y avoir un équilibre de droits et d'obligations réciproques.

Dès lors que les dotations seraient régies par le principe du « zéro volume », les collectivités territoriales devront pouvoir s'adapter. Elles sont autonomes, et par conséquent, monsieur le ministre, vous qui êtes maire et président de la communauté de communes de l'aire cantilienne, respectez l'autonomie de vos collègues ! Je sais que tel est votre état d'esprit, et je souhaiterais d'ailleurs que le Gouvernement ne compte que des maires ! (Sourires.)

Toutefois, dans le cadre de ce pacte, il faut accepter de desserrer certaines contraintes, qu'il s'agisse de normes, du point de la fonction publique, de la masse salariale, ou même de la liaison entre les taux des impôts locaux. Que l'on permette aux gestionnaires locaux de mettre en oeuvre leurs projets ! Ces projets diffèrent d'un endroit à l'autre et, après tout, c'est notre honneur, c'est notre responsabilité, en tant que gestionnaires locaux, que de prendre des engagements, de nous référer à des principes et, ensuite, de rendre des comptes.

Il convient donc d'imaginer ce nouveau cycle contractuel et, dans cette optique, je souhaite vivement, monsieur le ministre, que l'État accepte de proportionner ses concours à la réalité des efforts consentis par les collectivités territoriales en matière de rigueur, de saine gestion. Je sais que, sur cet aspect des choses, les idées ou les thèses que je défends sont notamment consignées dans l'excellent rapport que M. Pierre Richard a récemment remis au Gouvernement.

Pour en venir au deuxième volet de mon propos, qui sera plus bref, j'indiquerai que la commission des finances s'est efforcée, dans son rapport, de se livrer à un jeu combinatoire, à la résolution d'une sorte de « Rubik's cube » des orientations des finances publiques, travail qui est résumé par un tableau coloré illustrant les économies à réaliser, le terme de ces économies et les hypothèses de calcul retenues.

Encore une fois, nous n'avons en rien innové par rapport aux chiffres du Gouvernement. Il y a une hypothèse centrale, ainsi que des hypothèses secondaires, plus ou moins optimistes ou pessimistes.

L'hypothèse centrale, c'est l'équilibre des comptes publics en 2012 et une croissance moyenne du produit intérieur brut de 2,5 %. Cela donne une consolidation budgétaire, donc une économie réalisée en fin de période de 80 milliards d'euros. Dans ces 80 milliards d'euros figurent les 30 milliards d'euros dévolus au financement des engagements présidentiels. De ce point de vue, mes chers collègues, il n'y a nulle surprise, puisque ces engagements ont été explicités pendant la campagne électorale et qu'il a bien été précisé, dans ce cadre, que les 30 milliards d'euros en question seraient autofinancés.

Ensuite, il y a bien entendu d'autres hypothèses, car le lien entre la croissance et la performance est évident. Selon que l'on prend pour échéance 2010 ou 2012, selon que l'on retient un taux de croissance moyen de 3 %, de 2,5 % ou de 2,2 %, on constate au final un effort d'économie qui varie très substantiellement, entre 55  milliards et 100 milliards d'euros en fin de période.

Cette présentation me semble tout à fait utile, et même vertueuse. J'ai bien noté, monsieur le ministre, que c'est une présentation à droit des prélèvements obligatoires inchangé, hormis les dispositions du texte dont nous allons débattre en cette fin de semaine.

Je rappelle que la commission des finances du Sénat s'était livrée pour sa part à un exercice analogue l'an dernier, en fixant pour objectif de ramener le déficit public à un point de PIB en 2011, avec une économie cumulée de 30 milliards d'euros sur la période retenue.

Toutefois, parce que nous sommes, au Sénat, des gens prudents, et même relativement timides (Sourires.), nous n'avions pas imaginé l'impulsion qui va être donnée à la modernisation des politiques publiques. Monsieur le ministre, je crois beaucoup à ce processus de réévaluation des politiques publiques et à cette nouvelle organisation du pouvoir exécutif qui lui permettra de dépasser les particularismes, l'esprit de secteur, pour rassembler les efforts et pour considérer l'essentiel des enjeux.

Monsieur le ministre, il y aurait encore bien des choses à dire à ce sujet. En ce qui concerne les cibles des économies, je me bornerai à deux remarques principales.

Pour ce qui est de l'État, les dépenses découlant de la dette et celles qui sont liées au versement des pensions sont des dépenses contraintes, qui obéissent à des facteurs exogènes. Il existe une tendance lourde, soyons-en conscients, c'est la tension des taux d'intérêt. Nous en avons calculé les effets dans notre rapport, et nous savons que, au cours de la précédente législature, l'augmentation de la dette a été en quelque sorte compensée - on pourrait presque dire « occultée » - par des effets de taux favorables.

Nous savons que, dorénavant, c'est l'inverse qui va se produire. L'effet de volume, c'est-à-dire la stabilisation de la dette en stock, ne va pas produire tous ses effets budgétaires compte tenu de l'effet de taux. Monsieur le ministre, cette contrainte exogène vous est certes imposée, mais il faudra bien la gérer !

Par ailleurs, à l'évidence, les pensions vont probablement continuer à croître de l'ordre de 5 % par an en valeur au cours des prochaines années.

Restent alors les dépenses d'intervention : c'est essentiellement sur elles que l'effort de reformatage, de révision en quelque sorte, des politiques publiques va devoir s'exercer.

Dans mon rapport, j'indique les ordres de grandeur en cause. Les efforts devront être considérables ; il s'agit de remettre en cause non pas simplement les finalités, mais bien plutôt les moyens et l'organisation de notre machine administrative et étatique.

À mon sens, la révision principale des politiques publiques concerne la sécurité sociale. Notre collègue Alain Vasselle, que nous allons entendre, nous fournira à ce sujet des informations et des recommandations tout à fait essentielles. Je le répète, c'est essentiellement dans ce domaine qu'il faut relever l'enjeu.

Avant d'achever mon propos, je voudrais souligner la grande vertu du débat sur la TVA sociale. Je suis d'accord avec M. Jean Arthuis : il s'agit du fil directeur qui nous permettra d'aboutir à définir collectivement cette nouvelle stratégie fiscale dont nous avons besoin, à condition, d'une part, de jouer sincèrement le pluralisme des contributions et, d'autre part, de se placer sur une durée suffisamment longue.

Notre système de prélèvements obligatoires résulte d'une sédimentation de mesures que les majorités successives ont apportées, chacune contredisant - mais quelque peu seulement - la précédente.

Or, nous avons besoin d'une logique nouvelle, d'un État plus manoeuvrant et plus dynamique, qui sache mieux relever les défis de la compétitivité et de l'attractivité. Aussi la commission s'est-elle permis de formuler quelques recommandations en termes d'innovations de gouvernance.

S'agissant du pilotage global de la dépense publique, nous formons le voeu, monsieur le ministre, que vous puissiez établir et communiquer une norme de dépense consolidée de l'État et de la sécurité sociale. Votre rôle ne doit pas se limiter à être le porte-parole d'une simple superstructure. Il faudrait qu'il y ait une véritable intégration des enjeux de l'État et de la sécurité sociale.

Nous souhaitons aussi que les objectifs du président de la République pour la durée de son mandat soient consignés dans une loi pluriannuelle sur les finances publiques afin que la représentation nationale partage ces engagements.

Nous estimons que le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie est un très bon exemple. Il faut en tirer des conséquences : un comité d'alerte des finances publiques serait une institution indépendante extrêmement utile dont le rôle serait tout à fait salutaire en termes d'endettement global, de solde public, et pour le respect de nos engagements internationaux.

Enfin, s'agissant du pilotage des dépenses de l'État stricto sensu, je rappellerai mes préconisations sur les dépenses fiscales et sur les agences. Il appartient à l'État, conformément aux engagements pris sur le plan des principes, de s'appliquer en fin de législature la règle d'or qui doit, à mon sens, faire partie de la loi pluriannuelle sur les finances publiques. Cette règle consiste à s'interdire de financer par l'emprunt des dépenses de fonctionnement (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) pour réserver ce dernier à l'investissement au sens comptable du terme, c'est-à-dire à tout ce qui s'amortit.

Je le répète, le Sénat est particulièrement attaché à cette orientation fondamentale et sera très vigilant à sa mise en oeuvre. À l'image de Tony Blair, qui a su faire voter par sa majorité en 1997 les guidelines de l'équilibre budgétaire et de la gestion des finances publiques, ...

M. Guy Fischer. Il vient de se faire virer !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ... il faut rendre la majorité parlementaire coresponsable des engagements qui seront pris.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, s'agissant de la sécurité sociale - nous allons entendre l'orfèvre en la matière -, la logique de solde ne suffisant pas, il faudra trouver les moyens de passer à une logique de norme de dépenses. Bien entendu, cela devra déboucher sur une évolution de la gouvernance de la sécurité sociale cohérente notamment avec une fiscalisation croissante de ses ressources. (M. Dominique Leclerc applaudit.)

Monsieur le ministre, les enjeux qui sont devant nous sont absolument essentiels. Il s'agit de la cohérence et de la crédibilité de l'ensemble de nos politiques publiques et des conditions que la France doit remplir pour respecter les générations futures et se faire respecter par ses partenaires en Europe.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'est pas possible de séparer les deux. Si l'on veut avoir un rôle pionnier et d'avant-garde, en particulier en matière de construction européenne, il faut d'abord être exemplaire chez soi ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales chargé des équilibres financiers généraux de la sécurité sociale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'espère qu'il vous reste encore une capacité d'écoute pour entendre mon rapport ! (Oui ! sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Alain Lambert. Nous sommes venus pour ça !

M. René Garrec. Nous sommes tout ouïe pour écouter l'orfèvre !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vais vous donner quelques chiffres pour illustrer la situation des comptes de la sécurité sociale. Cette tâche, qui me revient, n'est pas la plus agréable, car les chiffres sont de nature à engendrer non pas de l'optimisme, mais bien plutôt quelque inquiétude.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous sommes habitués !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais avec une volonté politique et le désir d'avancer dans les réformes, je ne doute pas que tous ensemble, Gouvernement, commission des finances, commission des affaires sociales et Parlement tout entier, sans lequel le Gouvernement et les rapporteurs ne sont rien, nous pourrons peut-être avancer dans la voie des réformes. À cet égard, il s'agit non pas de faire du replâtrage, mais bien de s'engager dans des réformes structurelles.

Les gouvernements précédents ont fait des tentatives. Les quelques résultats qu'ils ont obtenus sont bien éloignés de ce que nos concitoyens et nous-mêmes pouvions espérer. (M. Guy Fischer acquiesce.)

Après avoir entendu les brillantes interventions de M. le ministre, qui a cadré le débat, des présidents des deux commissions et de Philippe Marini, je me réjouis de constater que la commission des finances et la commission des affaires sociales ne peuvent que s'enrichir mutuellement de leur expérience.

Philippe Marini vient d'en faire la brillante démonstration en faisant référence au comité d'alerte. C'est bien la LOLFSS, la loi organique votée par le Parlement et dont j'ai été le rapporteur au Sénat, qui a introduit cette notion.

Pour sa première année, le comité d'alerte a bien fonctionné. Je suis heureux de constater que la commission des finances souhaite s'inspirer de ce qui a été réalisé en matière de dépenses sociales pour mettre en oeuvre un comité d'alerte des finances publiques.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela démontre, si besoin était, que, contrairement aux bruits qui courent parfois, il n'y a pas d'opposition fondamentale entre les deux commissions. Au contraire, ces commissions, leurs rapporteurs et leurs membres essayent de travailler ensemble,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... a fortiori encore plus depuis que le Président de la République a nommé un ministre des comptes publics chargé de cette approche globale que nous n'avons jamais contestée.

Nous sommes sur la même ligne s'agissant des objectifs à atteindre. Les quelques divergences qui pourraient exister - et j'utilise le conditionnel ! - seraient plutôt relatives aux modalités de mise en oeuvre. Mais je ne désespère pas que nous puissions nous rejoindre.

Quelle est alors la situation des comptes de la sécurité sociale aujourd'hui ?

Il faut vous rappeler, mes chers collègues, que les déficits records du régime général se chiffraient à plus de 11 milliards d'euros pour les exercices 2004 et 2005. En 2006, une décrue est apparue, puisque le déficit de l'ensemble des branches a été ramené à 8,7 milliards d'euros, les quatre branches affichant toutefois un résultat négatif.

Certes, ce résultat aurait pu sembler encourageant, puisqu'il est de 2 milliards d'euros inférieur à celui qui a été constaté sur les exercices 2004 et 2005. En réalité, il était la conséquence de recettes exceptionnelles non reconductibles pour plus de 2 milliards d'euros, liées à la taxation anticipée des plans d'épargne logement de plus de dix ans. Sans cette recette exceptionnelle, le déficit aurait été équivalent en 2006 à celui des exercices précédents.

Les dépenses ont en effet gardé l'année dernière un rythme de progression soutenu, de 6 % pour la vieillesse - principalement sous l'effet de l'augmentation continue du coût des retraites anticipées - et de 3,1 % pour les dépenses entrant dans le champ de l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie, l'ONDAM.

Je me réjouis d'ailleurs de la déclaration de M. le ministre selon laquelle le Gouvernement se fixe comme objectif une progression de l'ONDAM de l'ordre de 3,5 %, chiffre plus réaliste que celui de l'année précédente. Il faudra ensuite examiner la ventilation de l'ONDAM entre les soins de ville, les établissements privés et l'hôpital public.

L'année dernière, le taux moyen de progression de l'ONDAM était au niveau intermédiaire de 2,7 %, avec des différences sensibles entre le taux très faible appliqué aux soins de ville et celui beaucoup plus élevé de l'hôpital public.

L'année 2007, comparée à ces trois exercices passés, marque une rechute, un retour aux « années noires ». Comme vient de le montrer M. le ministre et comme l'a rappelé la commission des comptes de la sécurité sociale, il est prévu un véritable dérapage des comptes qui met en cause la sincérité de la loi de financement pour 2007.

La commission des affaires sociales, comme d'ailleurs notre collègue Jean-Claude Jégou, avait exprimé de réels doutes sur la sincérité des comptes qui nous avaient alors été présentés et s'était interrogée sur la fragilité des prévisions en l'absence de toute mesure structurelle.

En définitive, le solde du régime général, qui devait être ramené pour cette année à 8 milliards d'euros, s'établira à au moins 12 milliards d'euros. Je rappelle toutefois, comme l'avait déclaré à plusieurs reprises Xavier Bertrand au moment de la mise en place de la réforme de l'assurance maladie, que, si rien n'avait été fait, le montant du déficit constaté aurait été du double, soit 16 milliards d'euros.

Bien entendu, il n'est pas question de se contenter du déficit que nous sommes amenés à constater aujourd'hui, ...

M. Guy Fischer. Vous avez échoué !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... mais force est de reconnaître que le gouvernement précédent avait pris des mesures qui ont permis de contenir l'évolution du déficit, même si le montant de ce dernier n'est pas satisfaisant.

Les raisons de ce dérapage sont connues. Elles sont au nombre de trois : l'ONDAM qui dérape, le papy-boom et les allégements de charges sur les bas salaires.

L'ONDAM devrait être dépassé de 2,2 milliards d'euros, essentiellement au titre des soins de ville. Cela s'explique par un dérapage des indemnités journalières, par des revalorisations tarifaires diverses ...

M. Guy Fischer. Sans précédent !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... qui entrent également en ligne de compte, et de moindres économies sur les médicaments.

La branche maladie devrait ainsi voir son déficit se creuser. Nous l'estimions pour la fin de l'exercice 2007 à 3,9 milliards d'euros. Or son montant sera plus près de 6 milliards d'euros, voire de 6,5 milliards d'euros, que de 4 milliards d'euros, en l'absence de mesures nouvelles, bien entendu.

Pour les dépenses de retraite, le dérapage de près de 1 milliard d'euros résulte notamment de l'arrivée à l'âge de soixante ans des générations du baby-boom et de l'échec des mesures en faveur du travail des seniors qui ont été prises dans le cadre de la réforme de la branche vieillesse. Au total, le montant du déficit de la branche vieillesse devrait atteindre près de 5 milliards d'euros, niveau particulièrement préoccupant.

S'agissant des recettes, le régime général enregistre une perte de 1,45 milliard d'euros sur le panier de recettes fiscales institué en 2006 - j'attire tout particulièrement votre attention sur ce point, monsieur le ministre - pour compenser le coût des allégements généraux de cotisations sociales. À cet égard, j'ai encore dans l'oreille les propos qu'avait tenus ici M. Jean-François Copé, alors ministre délégué au budget et à la réforme de l'État : il s'était réjoui de constater que le panier de recettes fiscales transférées à la sécurité sociale pour compenser les allégements de charges allait accuser, sur les exercices 2006 et 2007, un excédent de 580 millions d'euros.

Or, qu'en est-il aujourd'hui ? Non seulement le niveau des recettes n'est pas du tout celui qu'avait annoncé le ministre délégué au budget, mais on constate un manque à gagner de 850 millions d'euros pour cet exercice.

M. Guy Fischer. Vous avez menti ! Vous n'avez pas dit la vérité !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Entre l'excédent non attendu, mais non réalisé, et le déficit constaté, on atteint le montant de 1,4 milliard d'euros.

Je m'empresse d'ajouter que cette prévision ne prend naturellement pas en compte, comme l'a rappelé Jean Arthuis, président de la commission des finances, le coût supplémentaire des allégements de charges sociales sur les heures supplémentaires prévus dans le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, le TEPA.

M. Guy Fischer. Six milliards d'euros !

M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des affaires sociales avait souhaité prévenir une telle situation, dont elle pressentait l'éventualité. Ensemble, la commission des finances et la commission des affaires sociales avaient donc obtenu au Sénat l'adoption d'un amendement tendant à assurer à la sécurité sociale la compensation, en fin d'exercice budgétaire, des allégements généraux, à l'euro près. Malheureusement, M. Copé avait fait supprimer cette disposition quelques jours plus tard par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du collectif budgétaire de fin d'année, et avait reporté de deux années la compensation à la sécurité sociale du manque à gagner.

Mme Nicole Bricq. C'est un malin !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je répète ici, monsieur le ministre, ce que j'ai eu l'occasion de dire devant la commission des comptes de la sécurité sociale : il est dommage que le Gouvernement ait mis un an à se rendre compte qu'il aurait dû écouter le Sénat ! Si ce dernier avait été entendu, sans doute ne serions-nous pas obligés de revenir aujourd'hui sur les propositions qu'il avait faites à l'occasion de l'exercice budgétaire 2007.

Je ne peux donc que me réjouir de l'engagement pris par M. Éric Woerth d'assurer la compensation à l'euro près de l'ensemble des allégements.

M. Louis Souvet. Nous aussi !

M. Alain Vasselle, rapporteur. J'évoquerai maintenant quatre questions importantes.

La première est celle de la dette accumulée par le Fonds de solidarité vieillesse. Ce fonds, créé en 1993 alors que M. Balladur était Premier ministre, a pour objet de prendre en charge les dépenses d'assurance vieillesse à caractère non contributif. Il enregistre un résultat négatif depuis 2002. Certes, celui-ci est de moindre ampleur par rapport au pic de 2005, date à laquelle le déficit était de 2 milliards d'euros. Mais avec un déficit de 300 millions d'euros en 2007, sa dette cumulée, depuis 2002, devrait s'élever à 5,3 milliards d'euros à la fin de l'année, soit environ 40 % de ses produits annuels.

Comme vous le savez, ces dernières années, la Cour des comptes a clairement imputé à l'État la charge de pourvoir à l'équilibre du Fonds de solidarité vieillesse. Toutefois, comme l'État a estimé que cela ne relevait pas de sa responsabilité - le ministère des finances a vivement réagi -, la Cour des comptes, dont la commission des affaires sociales a pris connaissance du rapport, a modifié ses préconisations. Elle a demandé que le déficit du FSV ne soit pas occulté et que ses comptes soient combinés avec ceux de la branche retraite. Cela ne manquera pas, je le souligne au passage, d'accentuer d'autant le déficit de l'assurance vieillesse.

J'ai indiqué tout à l'heure que le déficit de la branche vieillesse pourrait atteindre 4,7 milliards d'euros. Si l'on y ajoute les 300 millions d'euros de déficit du FSV, on risque de dépasser les 5 milliards d'euros pour cette branche. Si l'on y ajoute le déficit cumulé antérieur, on atteint des chiffres faramineux !

La deuxième question est celle des retards toujours plus importants de l'État dans le remboursement des prestations et des exonérations. Au 31 décembre 2006, l'État devait en effet à la sécurité sociale 6,7 milliards d'euros,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... dont 2,16 milliards d'euros au titre des prestations versées pour son compte - l'aide médicale de l'État, l'allocation aux adultes handicapés, l'allocation de parent isolé, l'aide personnalisée au logement. Pourquoi l'État et le ministère des finances ne sont-ils pas en mesure, au moment de l'examen du projet de loi de finances, de chiffrer très précisément le financement de ces quatre prestations et de prévoir les crédits correspondants ? (M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales,acquiesce.)

À ces 2,16 milliards d'euros viennent s'ajouter 4,5 milliards d'euros au titre de la compensation des exonérations : 2,86 milliards pour les exonérations ciblées - l'apprentissage, l'outre-mer, les contrats de qualification et de professionnalisation - et 1,65 milliard d'euros pour les allégements généraux. Par rapport aux années précédentes, ces chiffres continuent d'augmenter.

Vous avez récemment déclaré, monsieur le ministre, que l'État honorera sa dette à hauteur de 5,1 milliards d'euros.

M. Guy Fischer. Le compte n'y est pas !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est une première ! Je m'en réjouis, car c'est la première fois, pour ma part, que j'entends un ministre du budget prendre un tel engagement.

Toutefois, vous le comprendrez, mes chers collègues, je suis un peu comme Saint-Thomas : ayant été échaudé les années antérieures, j'attends de constater le versement effectif à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, des 5,1 milliards d'euros annoncés par M. Éric Woerth.

M. Guy Fischer. Il en manque ! Vous n'êtes pas assez exigeant !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Écoutez, c'est un premier effort, monsieur Fischer ! Il est vrai qu'il manque encore 1,6 milliard d'euros, mais je ne désespère pas qu'il vienne dès que la situation le permettra.

M. Philippe Marini, rapporteur général. De toute façon, cela ne change pas le solde global !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh non !

M. Alain Vasselle, rapporteur. En effet, il ne faut pas croire que c'est ce qui va nous permettre de réduire complètement la dette de la sécurité sociale !

Ma troisième question porte sur le Fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, dont la situation n'est pas plus satisfaisante que celle du FSV. Le déficit du fonds, déjà supérieur à 2 milliards d'euros cette année, devrait approcher 3 milliards d'euros en flux annuel.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, lorsque le BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles, a été transformé en FFIPSA, le flux annuel était de l'ordre de 1,5 milliard d'euros. C'était seulement il y a deux ou trois ans. Nous en serons bientôt à 3 milliards d'euros ! À ce rythme, je vous laisse imaginer les risques que nous prenons. M. Jean-Marc Juilhard, qui suit de très près ce sujet, vous confirmera les chiffres que je viens de vous donner.

Le déficit cumulé du FFIPSA, de 5,4 milliards aujourd'hui, devrait atteindre, à terme, 14 milliards d'euros. Aucun début de solution n'a encore été esquissé pour remédier à cette situation.

L'idée de jouer sur la compensation, émise par le groupe de travail de la commission des comptes de la sécurité sociale présidé par M. Jean-François Chadelat, a vite été abandonnée.

M. Claude Domeizel. Heureusement !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Seules quelques pistes éventuelles ont été évoquées à l'occasion des auditions de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, mais aucune d'entre elles n'a pour l'instant retenu l'attention. Il va pourtant bien falloir qu'une décision soit prise et que l'on traite le problème de l'accumulation des déficits du FFIPSA, dont la Cour des comptes continue de dire qu'ils incombent à l'État.

Je me demande d'ailleurs, monsieur le ministre, quelle sera la position du ministère des finances après l'observation de la Cour des comptes. Sera-ce la même que sur le Fonds de solidarité vieillesse ? Le ministère des finances considérera-t-il que l'équilibre de ce fonds n'est pas de sa responsabilité ?

Je rappelle que la loi prévoit, le cas échéant, une dotation budgétaire de l'État pour assurer l'équilibre des comptes.

Dans ce contexte, se pose la question de la réouverture de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES. Ce sera ma quatrième question.

En effet, à la fin de l'année 2007, si rien ne change, le plafond de trésorerie accordé à l'ACOSS par la dernière loi de financement de la sécurité sociale, soit 28 milliards d'euros, risque d'être dépassé. Par ailleurs, un tel montant ne pourra perdurer dans les comptes de l'ACOSS sans faire l'objet d'un traitement, c'est-à-dire sans être transformé en dette, l'apparition d'excédents à court terme étant évidemment fort peu probable.

À la fin de l'exercice 2007, l'ensemble des branches accuseront un déficit cumulé de l'ordre de 20 milliards d'euros. Si rien n'est fait, à la fin de l'exercice 2009, le déficit cumulé sera de 40 milliards d'euros.

Dès lors, la question qui se pose est de savoir non pas si l'on doit augmenter la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, pour assurer le flux de la dette mais ce que nous allons faire de cette dette, qui tend à augmenter. Faut-il rouvrir la CADES ? Existe-t-il une autre solution ? Je n'en connais pas, mais peut-être le Gouvernement en a-t-il une ?

Sachez que si l'on transférait à la CADES une dette de 30 milliards d'euros, il faudrait augmenter la CRDS de 0,2 point pour en assurer le financement. Je rappelle en effet que la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale prévoit que tout nouveau transfert de dette doit être accompagné d'une augmentation des recettes afin de ne pas faire supporter celle-ci par les générations futures, ce qui constitue une disposition tout à fait sage.

M. Jean-Jacques Jégou. Tout à fait !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ces derniers jours, les médias ont laissé entendre que la commission des affaires sociales du Sénat demandait la réouverture de la CADES et une augmentation de 0,2 point de la CRDS. Je m'empresse donc de préciser que, en ma qualité de rapporteur de la commission des affaires sociales chargé des équilibres financiers généraux de la sécurité sociale, j'ai simplement demandé au Gouvernement de s'interroger sur l'opportunité d'une telle réouverture.

M. Guy Fischer. C'est vous qui êtes responsable !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je n'ai pas dit qu'il allait obligatoirement falloir la rouvrir, mais, en l'absence de toute autre solution, je ne vois pas comment nous pourrions nous y prendre pour assurer la couverture de cette dette extrêmement importante.

Pour terminer, mes chers collègues, j'aimerais vous donner quelques pistes d'orientation pour essayer de répondre à cette situation très préoccupante.

Premièrement, s'agissant de l'assurance maladie, l'intervention du comité d'alerte a entraîné la définition de mesures d'économies à hauteur de 1,25 milliard d'euros, mais celles-ci ne seront applicables qu'au cours du second semestre 2007. En outre, elles ne permettront de réaliser qu'environ 400 millions d'économies.

On estime que le déficit de l'assurance maladie - je l'ai dit tout à l'heure - devrait être de 6 milliards d'euros en 2007, soit un résultat très proche de celui de 2006, mais supérieur de 2 milliards d'euros aux objectifs de la loi de financement pour 2007. Les mesures d'économies ne seront donc pas suffisantes pour couvrir totalement le dérapage.

Cette situation ne fait que renforcer la nécessité d'envisager des mesures de fond.

Dans le domaine des soins de ville, une réflexion sur la prise en charge des personnes souffrant d'une affection de longue durée, une ALD, me semble nécessaire. Je rappelle que ce poste absorbe aujourd'hui 59 % des dépenses de l'assurance maladie ; si rien n'est fait, en 2015, les ALD représenteront 70 % des dépenses de l'assurance maladie. La tentative de médicalisation de la prise en charge des ALD prévue par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a donc montré ses limites. Compte tenu de la charge que les ALD font peser sur les dépenses, je ne vois pas comment éviter des mesures plus contraignantes d'accès à celles-ci.

De ce point de vue, la création d'un bouclier sanitaire ne constitue qu'une réponse partielle, même si elle devrait se traduire par une réforme profonde des régimes de prise en charge des assurés.

Il faudra aussi, selon moi, que l'instauration de ce bouclier soit mise à profit pour remettre à plat la dizaine de dispositifs de « reste à charge » en vigueur. La commission des affaires sociales préconise une approche pragmatique de la question de la participation forfaitaire des assurés, comme le ticket modérateur et la franchise auxquels il a été fait référence précédemment.

Aux dispositifs existant pour les consultations, les actes de biologie et l'hospitalisation, il conviendrait, selon nous, d'ajouter une participation forfaitaire sur les médicaments. Cette dernière pourrait prendre la forme d'une retenue par médicament prescrit, par exemple au-delà de deux ou trois sur la même ordonnance. Une telle mesure permettrait de lutter par ailleurs efficacement contre la iatrogénie médicamenteuse qui provoque, je vous le rappelle, 100 000 hospitalisations par an. Toute autre solution ne doit être envisagée qu'après une étude approfondie de son impact et de sa faisabilité technique.

Il est aussi urgent d'associer l'hôpital aux politiques de réduction des déficits de l'assurance maladie. Cela passe, à mon sens, par une relance de la tarification, dont la mise en oeuvre constitue un gage d'efficience des dépenses et de qualité des soins aux patients. Seule une stratégie claire en ce domaine permettra d'associer et de responsabiliser les acteurs.

Cela suppose aussi une réflexion sur la place de l'assurance maladie dans le contrôle des dépenses hospitalières. Il faut aller plus loin, me semble-t-il, et accorder à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, une responsabilité plus importante en matière de fixation des tarifs, car, aujourd'hui, la Caisse nationale de l'assurance maladie paie encore aveuglément les factures émanant de l'hôpital.

Enfin, les principes de la maîtrise médicalisée appliqués en ville doivent être étendus à l'hôpital.

J'en viens maintenant à la branche vieillesse.

L'équilibre de la réforme de 2003 est largement remis en cause, avec un déficit proche de 5 milliards d'euros cette année, en raison d'une conjonction de facteurs défavorables que j'ai évoqués précédemment et sur lesquels je ne reviendrai pas.

Dans quelles directions devons-nous nous orienter ?

Premièrement, il est impératif d'arrêter l'hémorragie des préretraites et de tout faire pour promouvoir les seniors. Je rappelle que la France est aujourd'hui en dernière position en Europe,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui : 58,7 ans !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ...avec un âge moyen de retrait du marché du travail de deux ans inférieur à la moyenne européenne, de trois ans par rapport à l'Allemagne et de plus de cinq ans par rapport à la Suède. Il nous faudra bien aborder le problème, monsieur le ministre.

Deuxièmement, le dispositif des carrières longues devra être revu, en particulier pour éviter les abus manifestes et les effets d'aubaine. M. le ministre a indiqué qu'il souhaitait lutter contre les abus et les fraudes.

Je pense qu'il va falloir se pencher sérieusement sur l'application de ce dispositif, qui n'est pas du tout dans l'esprit de la réforme de 2003.

De la même façon, les discussions en cours sur la pénibilité devront intégrer une dimension de coût et de soutenabilité financière qui a réellement fait défaut au moment de l'adoption de la mesure concernant les carrières longues.

Troisièmement, l'ensemble des coûts liés au vieillissement de la population devra faire l'objet d'une approche globale, prospective et surtout plus approfondie. Les besoins de financement devront être chiffrés le plus correctement possible, en retenant plusieurs scénarios, de façon à éviter une nouvelle impasse, ce qui n'avait pas été suffisamment fait au moment de la réforme de 2003.

Enfin, la prochaine réforme ne pourra pas être paramétrique. Il ne faut donc pas s'interdire de revoir tout le système, par exemple en instituant une retraite par points, tout en garantissant aux assurés sociaux la pérennité du système et d'un certain nombre de règles minimales. La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et la commission des affaires sociales ont étudié un tel dispositif, adopté par la Suède, qui paraît satisfaisant. Nous serions bien inspirés d'en tenir compte pour la réforme de notre propre système.

Pour conclure, j'en viens maintenant à quelques observations sur le financement de notre protection sociale, sujet sur lequel un début de polémique est récemment apparu, principalement autour de la question de la TVA sociale, chère à nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini.

Je voudrais d'abord insister sur le fait que notre système de protection sociale, même parfaitement réformé, ne pourra subsister sans l'apport de ressources nouvelles. Il faut que chacun en ait conscience. Toutes les études effectuées, tant en France que dans les pays comparables au nôtre, montrent que le poids des dépenses sociales dans le PIB va s'accroître au cours des prochaines années, essentiellement au titre de la santé et de la vieillesse.

Plusieurs possibilités existent pour financer ces nouvelles dépenses, et aucune ne doit être écartée a priori. De façon simplifiée, on peut distinguer un financement par des taxes ou par l'impôt, et un financement de type assurantiel, obligatoire ou facultatif.

Pour ce qui est du financement à caractère fiscal, les différents travaux menés au cours de l'année 2006 sur la possibilité de recourir à une cotisation sur la valeur ajoutée, à une cotisation patronale généralisée, à la CSG, à la TVA sociale ont montré qu'aucune solution idéale n'était trouvée. Il en est surtout ressorti, mes chers collègues, qu'aucune de ces alternatives n'entraînait un impact significatif en termes d'emploi et que l'on ne pouvait exclure un risque inflationniste dans le cas d'une TVA sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est faux !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Le prélèvement le plus neutre reste, au vu de ces rapports, la CSG. La mise en place d'une véritable TVA sociale, c'est-à-dire le transfert de points de cotisations sur des points de TVA, est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, compte tenu en particulier des allégements de cotisations en vigueur entre 1 point et 1,6 point de SMIC. Il ne faudrait pas que l'on institue des remboursements de cotisations fictives pour assurer l'égalité de tous les salariés et de toutes les entreprises dans un tel système ! J'insiste particulièrement sur cette difficulté technique, qui est réelle, loin d'être négligeable financièrement et qui, pourtant, n'est jamais abordée par les médias dans les débats, malheureusement souvent trop superficiels, sur la TVA sociale.

Enfin, la création de nouvelles taxes est parfaitement envisageable. On pourrait imaginer, par exemple, une taxe nutritionnelle sur les boissons sucrées, qui répondrait à la fois à un objectif financier et à une préoccupation sanitaire. Dans le même ordre d'idée, des marges existent encore pour la taxation de certains produits alcoolisés. Vous comprendrez que la commission des affaires sociales y soit a priori favorable.

S'agissant d'autres modes de financement, de type plutôt assurantiel, nous ne pourrons à mon avis pas faire l'économie d'une disposition particulière relative aux dépenses liées à la dépendance.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous le voyez, mes chers collègues, les réformes que nous aurons à mener au cours des prochains mois sont de grande ampleur. (Mme Nicole Bricq s'exclame.) Elles sont également urgentes et devront être menées de front. Elles ne pourront se faire que dans le cadre d'une vision plus globale de nos finances sociales et publiques, ce que permet le débat d'aujourd'hui, ce que nous avions toujours souhaité et ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, a évidemment bien campé la situation ; il nous a d'ailleurs appelés à nous mobiliser, et je partage cet avis. Nous ne pourrons réussir dans le domaine des finances publiques qu'avec une mobilisation générale des acteurs, et il était bon de le rappeler à l'occasion de ce débat d'orientation budgétaire.

J'ai également noté votre adhésion, monsieur Arthuis, à la nécessité d'engager à la fois des mesures fiscales et un programme structurel ambitieux pour relancer la croissance. Vous avez évoqué la notion de travail, les 35 heures, le fait qu'il fallait rompre avec une logique malthusienne de la répartition du travail.

Le Gouvernement fait un pas décisif avec le dispositif appliqué aux heures supplémentaires que vous aurez à connaître dès demain en examinant le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Je tiens particulièrement à indiquer que, s'il s'agit évidemment d'une mesure de pouvoir d'achat, celle-ci a également une incidence d'ordre culturel sur la notion même de travail, sur le fait que le pouvoir d'achat ne peut augmenter qu'avec un surcroît de travail, si la France travaille plus.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est du bon pouvoir d'achat !

M. Éric Woerth, ministre. Vous avez évoqué une deuxième notion chère au Gouvernement, la maîtrise de la dépense publique, que nous devons mettre au coeur de nos préoccupations - c'est d'ailleurs tout l'objet de ce débat d'orientation budgétaire. Miser sur la croissance est une chose, tenir la dépense en est une autre.

Je voudrais insister sur un point : nous avons fondé la maîtrise des dépenses sur une hypothèse de 2,25 % de croissance. Évidemment, tout taux de croissance supérieur nous permettrait de tenir plus vite et avec plus de facilité l'engagement du Président de la République, à savoir une dette inférieure à 60 % du PIB et l'équilibre de nos finances publiques avant 2012.

Il faut évidemment beaucoup de pédagogie et de courage politique, vous l'avez noté, pour parvenir à ces résultats. La division par deux du rythme d'évolution de la dépense est très difficile à obtenir et demandera évidemment courage et opiniâtreté. L'échec étant une option que nous ne pouvons retenir, nous devrons y parvenir, les échéances qui nous attendent en faisant une ardente obligation.

Vous avez plaidé en faveur de la TVA sociale, et nous connaissons d'ailleurs votre position constante à cet égard. Le débat sur cette question est ouvert et vous y avez largement contribué, avec beaucoup de conviction. Je partage votre souci de renforcer la compétitivité des entreprises. Le Gouvernement, comme vous le savez, a confié une mission à Mme Lagarde et à M. Besson sur ce sujet. Ceux-ci devraient d'ailleurs rendre très prochainement leurs conclusions. Quoi qu'il en soit, cette étude va permettre d'asseoir la réflexion du Gouvernement et de trancher le plus rapidement possible un débat né quelque peu inopinément entre les deux tours des élections législatives.

Ce débat s'inscrit d'ailleurs dans la réforme plus large de la fiscalité souhaitée par le Président de la République, que le Premier ministre a également appelée de ses voeux lors de sa déclaration de politique générale. Les présidents de l'Association des maires de France, de l'Association des départements de France et de l'Association des régions de France que nous avons reçus, M. le Premier ministre, Mme Alliot-Marie et moi-même, nous ont très fortement interpellés sur la politique fiscale, notamment sur leur volonté d'acquérir plus d'autonomie au regard de leurs politiques et des contributions de l'État.

Le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, a voulu nous convaincre que ce débat d'orientation budgétaire concernait également les finances sociales ; j'en conviens volontiers. Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique que je suis est évidemment aussi sensible au budget de l'État qu'au budget des finances sociales.

La création de ce ministère permet justement - je l'ai longuement évoqué dans mon propos liminaire - d'obtenir une vision globale. Une telle vision consolidée me permet par exemple d'indiquer à M.  Vasselle que nous rembourserons, à hauteur de 5,1 milliards d'euros, la dette de l'État à la sécurité sociale. À défaut, la tendance est souvent de transférer les responsabilités sur les autres. La consolidation est la seule façon, chacun le sait bien, d'avoir une vision opérationnelle et efficace des finances publiques.

Vous indiquez, monsieur About, que l'on ne saurait résumer les orientations sur les finances sociales au chapitre V ni les orientations des finances de l'État aux trois pages de la partie IV. Notre objectif pluriannuel pour l'ONDAM, je le répète, est au plus de 2 % en volume sur la période, c'est-à-dire augmenté de l'inflation. Le taux d'inflation moyen étant de l'ordre de 1,5 %, l'ONDAM atteindrait 3,5 % par an en valeur. Je vous l'accorde, nous n'avons pas eu le temps, dans les délais contraints de préparation de ce débat, d'affiner la projection pluriannuelle des dépenses et des recettes ; ce sera fait dès l'automne, lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez également souhaité l'amélioration des annexes, notamment celle qui porte sur le cadrage pluriannuel, en insistant sur la nécessité d'avoir une présentation des données chiffrées en millions d'euros et non plus en milliards d'euros. Je comprends votre souci d'une plus grande précision et je ne peux qu'être sensible au rapprochement que vous avez fait avec le projet de loi de finances.

Mais, convenez-en, ces deux exercices sont tout de même assez différents. Le PLFSS a ceci de singulier que les chiffres de l'année en cours et ceux de l'année à venir qui y figurent ne sont que des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes, pour lesquels l'estimation au million d'euros près n'est pas toujours significative. Cela dit, il convient effectivement d'affiner la présentation, et nous le ferons. Au demeurant, l'annexe 9, qui prévoit l'impact des mesures nouvelles, est bien présentée en millions d'euros.

En revanche, l'objectif de sincérité et de précision des comptes, que je partage bien entendu, doit être total dans l'exécution. Et c'est d'ailleurs bien l'intérêt aussi de la procédure de certification qui est aujourd'hui menée par la Cour des comptes.

S'agissant des programmes de qualité et d'efficience, je peux vous assurer que nous examinerons avec le plus grand soin vos propositions d'amélioration. L'année 2008 est en réalité le premier exercice pour la mise en oeuvre de ces programmes, car, l'année dernière, il ne s'agissait encore que d'une expérimentation. Puisque de nombreuses améliorations sont effectivement à apporter, je suis prêt à en discuter avec vous et à mettre nos services respectifs en relation pour travailler dans ce but.

Monsieur About, comme vous l'avez souligné, Mme Bachelot-Narquin et moi-même devons pouvoir vous donner plus d'informations sur la construction même de l'ONDAM en 2008, sur sa déclinaison en un certain nombre de sous-objectifs et sur la présentation des déterminants essentiels à l'évaluation des dépenses de l'assurance maladie. En ce sens, il importe d'améliorer l'annexe 8 relative aux organismes financés par des régimes obligatoires de base. Dès le PLFSS pour 2008, nous compléterons cette annexe en y faisant figurer les organismes que vous avez mentionnés, notamment l'Agence de la biomédecine et la Haute Autorité de santé.

Par conséquent, conformément aux voeux que vous avez exprimés, la construction du PLFSS pour l'an prochain donnera lieu à plus d'information et de transparence.

Monsieur le rapporteur général, je tiens à saluer votre très brillante démonstration. Les chiffres que vous avez cités se situent à peu près dans le même ordre de grandeur que les nôtres, même si nos hypothèses respectives sont effectivement parfois quelque peu différentes.

Vous l'avez noté, nous avons probablement tablé à l'horizon 2012 sur une évolution spontanée des dépenses légèrement moins dynamique que la vôtre. Vos calculs reposent sur une prévision de croissance moyenne de 2,5 %. De notre côté, l'effort d'économies à réaliser sur les dépenses serait de l'ordre de 70 milliards d'euros. Cela étant, je le répète, pour les cinq prochaines années, nos ordres de grandeur sont à peu près identiques.

J'en viens maintenant plus particulièrement à la maîtrise de la dépense, qui, comme vous l'avez souligné, est au coeur de ce débat. Bien entendu, nous sommes tous ici convaincus de l'importance du sujet, mais nous devons le rappeler avec insistance pour que nos concitoyens le soient aussi ! Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, une telle maîtrise de la dépense est sans précédent ! (M. Gérard Delfau se montre dubitatif.)

Dans le cadre du respect de la norme « zéro volume » et de la perspective d'une réduction des dépenses en volume de 1 % par an, l'effort à réaliser cette année est en réalité plus important que celui que nous avons fourni l'année dernière. Il nous faut en effet faire face à l'augmentation des taux d'intérêt et à celle du montant des pensions. Au demeurant, l'élargissement de la norme de dépenses nous incite à approfondir notre effort en la matière.

C'est donc par un effort durable et continu que nous parviendrons à atteindre l'objectif fixé. Pour reprendre encore une fois les propos de M. Arthuis, cet effort considérable doit être partagé par tous les acteurs concernés.

Les dépenses inéluctables, notamment la charge de la dette et celle des pensions, sont très importantes, et leur évolution ne nous est pas favorable. Au cours des trois ou quatre dernières années, l'État, au même titre que les entreprises et que les collectivités locales, a bénéficié de la diminution des taux d'intérêt. Or, à en croire les prévisions économiques internationales, ces derniers vont probablement augmenter, ce qui aura inéluctablement un impact important sur nos finances publiques. Nous devrons y faire face par un surcroît d'économies sur l'ensemble des autres secteurs.

Quoi qu'il en soit, ces dépenses ne sont inéluctables qu'à court terme : la diminution de la baisse, le fait de se situer au-dessous du niveau du déficit stabilisant de la dette sur le long terme entraînent une réduction de la dette et, partant, une réduction de la charge d'intérêt. (M. Gérard Delfau fait un signe de dénégation.)

Bien évidemment, l'effort dépendra de la croissance. Cela étant, je souhaite en quelque sorte « délier » l'ampleur de cet effort du niveau de la croissance à partir du moment où la norme de dépenses est construite d'une façon extrêmement prudente. À cet égard, le fameux « pour cent de croissance » supplémentaire auquel le Président de la République est si attaché permettra à la France de retrouver à la fois la voie de la compétitivité et son rang en termes de création de richesses sur le plan international. Lorsque nous réussirons à l'obtenir, ce sera en réalité une très bonne nouvelle, car cela facilitera la réalisation des équilibres et la lutte contre les déficits.

Monsieur le rapporteur général, vous avez également, relayant en cela l'opinion de la commission des finances tout entière, plaidé comme à l'accoutumée de façon inlassable en faveur de l'élargissement de la norme de dépenses.

Je vous l'ai déjà dit hier, nous allons présenter un budget avec une norme élargie, mais peut-être pas autant que vous le souhaiteriez. Prenez cela comme un début !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela peut se faire par étapes !

M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes d'accord, monsieur le rapporteur général !

Je suis assez sensible à l'idée d'étudier les possibilités d'élargissement de cette norme pour y intégrer les dépenses fiscales, lesquelles, aux dires des experts, constituent un « point de fuite » en la matière. Elles sont un élément constitutif de la dépense dont nous devons absolument tenir compte.

Je partage votre point de vue sur le plan intellectuel, mais je n'oublie pas que l'adoption d'une telle mesure induit des contraintes supplémentaires pour l'élaboration du projet de loi de finances. Cela étant, nous sommes prêts à approfondir la question, et vous avez eu raison de nous inciter à agir en ce sens.

De même, je suis très sensible à vos propos sur la « règle d'or ». Nous sommes nombreux ici à gérer également des collectivités locales et nous avons donc l'habitude de disposer d'une section de fonctionnement en équilibre, voire, si possible, en excédent. Cela nous permet de limiter notre endettement compte tenu de tous les investissements à réaliser pour satisfaire les attentes de nos concitoyens.

Sans doute y a-t-il, là aussi, une réflexion à mener, et je souhaiterais que nous puissions nous concerter à ce sujet. Certes, de nombreux écueils techniques sont à prévoir, mais nous pouvons réussir si nous en exprimons tous la volonté. Il nous faut agir concomitamment au rétablissement de nos finances publiques, ce qui aura l'avantage d'inciter l'État à privilégier l'investissement sur le fonctionnement, conformément aux voeux exprimés à plusieurs reprises par le Président de la République.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Éric Woerth, ministre. Par conséquent, notre action est placée sous le signe de la vertu, non seulement sur le plan comptable et budgétaire, mais aussi par rapport au contenu même de la dépense.

En outre, nous nous engagerons résolument dans la pluriannualité, comme l'a d'ailleurs indiqué le Premier ministre à l'occasion de sa déclaration de politique générale. Faut-il le répéter, il s'agit d'un complément indispensable à la bonne mise en oeuvre de la LOLF, qui permet de donner aux gestionnaires plus de visibilité ou, pour reprendre un terme à la mode, plus de lisibilité.

Monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales chargé des équilibres financiers généraux de la sécurité sociale, vous avez très longuement détaillé certains sujets de préoccupations qui sont au coeur du débat sur l'équilibre de la sécurité sociale.

Vous avez particulièrement insisté sur le panier de recettes fiscales qui a été institué pour financer la compensation des exonérations de charges. Aujourd'hui, ce dispositif, certes intelligent, s'avère insuffisant pour combler le manque dû aux avantages accordés.

Pour employer un terme vertueux, même s'il ne s'agit pas forcément d'une question de vertu, la « dynamique » des allégements de charges est sensiblement supérieure à celle de la production du panier de dix recettes affectées à ce financement.

M. Guy Fischer. Elle est même nettement supérieure !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout cela devrait être intégré dans la norme de dépenses !

M. Éric Woerth, ministre. Nous serons très attentifs aux différences de montants : nous nous sommes en effet engagés à réagir au cas où l'écart constaté dépasserait 2 %. C'est bien ce que nous ferons en 2008 et en 2009 puisque nous remettrons un rapport sur le sujet.

La dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale est due en grande partie à cette absence de financement et de compensation des exonérations de charges accordées. Bien évidemment, je n'ai pas l'intention de laisser de nouveau le trou se creuser. Sur ce sujet, je partage votre volonté d'agir. Nous en reparlerons donc de manière beaucoup plus approfondie. Mais soyons lucides : si j'entends bien me consacrer à l'amélioration de la situation, il y a parfois un peu de décalage entre l'affichage des ambitions et la réalité de l'action.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la compensation de l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, dont vous allez débattre demain, se fera bien entendu à l'euro près.

M. Gérard Delfau. Comme d'habitude...

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, si, par le passé, vous avez pu être déçu, en l'espèce, nous ferons ce que nous avons promis !

M. Gérard Delfau. Ce n'est pas le chemin que vous prenez, monsieur le ministre !

M. Éric Woerth, ministre. Accordez-moi au moins le crédit de la sincérité : l'État remboursera bien 5,1 milliards d'euros à la sécurité sociale, alors qu'il aurait pu utiliser ces recettes à d'autres fins.

M. Robert Bret. Ce sera beaucoup moins !

M. Éric Woerth, ministre. De ce point de vue, le Gouvernement vous a donné un gage de sérieux.

Vous l'avez rappelé, la position de la Cour des comptes par rapport au Fonds de solidarité vieillesse a effectivement évolué.

Nous ne pouvons pas imputer à l'État la charge de pourvoir à l'équilibre du FSV. Nous l'espérons, l'amélioration de la conjoncture, principalement sous l'effet de la baisse du chômage, bénéficiera à ce fonds dont les résultats devraient être de nouveau équilibrés en 2008.

Contrairement à l'opinion qui a été émise par la Cour des comptes, à laquelle nous avons d'ailleurs apporté un démenti, les comptes de la CNAV et du FSV doivent être à notre sens dissociés, car les missions de ces deux institutions sont différentes. D'un côté, la CNAV assure la prise en charge des prestations contributives ; de l'autre, le FSV assure une forme de solidarité à l'égard de nos concitoyens les plus fragiles. Il faut donc bien distinguer les résultats du FSV et ceux des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, ce qui permet de garantir une bonne lisibilité de la nature même des financements des politiques menées.

Certes, la question du traitement du déficit cumulé de ce fonds, à savoir 5 milliards d'euros au 31 décembre 2006, reste à l'ordre du jour. Il faut néanmoins noter que l'amélioration forte et durable de la conjoncture nous permettra d'apurer progressivement les déficits anciens.

Mme Marie-France Beaufils. Cela ne va pas représenter des recettes très importantes !

M. Éric Woerth, ministre. J'ai déjà évoqué l'apurement de la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale. Je n'y reviens donc pas.

S'agissant du FFIPSA, j'ai bien pris conscience de ses difficultés structurelles. Mais, pour l'instant, c'est à peu près tout ce que je peux faire !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui !

M. Éric Woerth, ministre. Je suis attaché à la définition des conditions d'un équilibre de la protection sociale des exploitants agricoles. Lorsque j'étais député, j'avais déjà été sensibilisé à ces questions, même si je n'étais pas directement chargé du dossier. C'est la raison pour laquelle, quasiment le jour de mon arrivée au ministère, j'ai demandé à mes services de travailler avec ceux du ministère de l'agriculture pour trouver des solutions. Au demeurant, nous traiterons de ce problème en vue du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Sur la réouverture de la CADES, je serai plus prudent. La dernière reprise de dette par cet organisme est tout de même récente. La situation pour 2007 s'annonce complexe et inquiétante, avec des déficits plus importants que ceux qui avaient prévus.

Mais, avant de décider l'augmentation de telle ou telle ressource, mieux vaut, à mon sens, se poser véritablement la question de la maîtrise de la dépense. Je le sais bien, c'est une question que tous les responsables publics soulèvent depuis des années. Continuons donc à nous la poser, afin d'y apporter des solutions les plus durables possible.

Nous agirons en ce sens, pour garantir l'équilibre pluriannuel de la sécurité sociale. De ce point de vue, j'ai déjà eu l'occasion de proposer un certain nombre de pistes.

Il est clair que la seule solution passe par des réformes structurelles. La question des franchises, que j'ai évoquée tout à l'heure, a été soulevée à maintes reprises par le chef de l'État, et ce dès la campagne électorale.

Avec Roselyne Bachelot-Narquin et Martin Hirsch, nous travaillons sur ce dossier. Plusieurs solutions sont d'ailleurs possibles et susceptibles d'évoluer dans le temps.

Nous devons en tout cas disposer de ressources importantes afin de faire face aux nouveaux besoins. Il nous faut également mettre en place une maîtrise renforcée des dépenses d'assurance maladie.

Il est temps, enfin, que la réforme du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie prenne pleinement effet. Je rappelle que le dossier médical personnel n'a toujours pas été mis en place et que le parcours de soins n'est pas encore totalement respecté.

Il y a donc beaucoup à faire dans le cadre des mesures déjà en vigueur. Le Premier ministre a confié à MM. Bertrand Fragonard et Raoul Briet une mission de fond sur ces sujets.

Je partage le point de vue de la commission des affaires sociales du Sénat sur la nécessité de renforcer la maîtrise des dépenses à l'hôpital. Nous devons mettre d'autres outils, notamment des outils informatiques plus performants, à la disposition de l'hôpital, afin de permettre une meilleure réactivité de ses services dans le cadre des mesures mises en place.

Nous aborderons tous ces sujets lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Monsieur Vasselle, j'ai bien entendu vos propos concernant les enjeux de la réforme des retraites.

Quelques points me paraissent tout à fait essentiels.

La loi du 21 août 2003 a engagé une première étape de réforme de notre système de retraites et prévu un rendez-vous, en 2008, pour établir un nouveau diagnostic et décider, avec l'ensemble des partenaires sociaux, des mesures nécessaires.

Il n'est pas question de changer radicalement de dispositif en passant au système de retraites par points que vous appelez de vos voeux : nous conservons le système actuel de retraite par répartition.

De même, il est sûrement très stimulant intellectuellement de s'intéresser au système suédois de comptes notionnels. Il est toujours utile, en effet, d'explorer toutes les pistes possibles et d'être à l'affût des expériences qui existent ailleurs. Mais cet exemple ne peut trouver d'application en France ni en 2008 ni même en 2009.

Le rendez-vous de 2008 a pour cadre le système actuel de retraites, qui est inscrit dans notre pacte républicain. Ce rendez-vous doit nous permettre d'ajuster la réforme de 2003 et de répondre aux besoins d'aujourd'hui. Nous examinerons avec les partenaires sociaux l'ensemble des paramètres, y compris le sujet des retraites anticipées pour carrière longue, système qui donne lieu à un certain nombre de déviations ou d'effets d'aubaine. Il est en effet relativement facile, tout au moins dans certaines professions, de bénéficier de ce dispositif, puisqu'il suffit de réunir quelques témoignages pour y avoir accès.

J'ai évoqué précédemment la lutte contre la fraude. Alors même que nous nous préparons à fournir d'importants efforts de maîtrise de la dépense publique et à responsabiliser les 64 millions de Français sur l'équilibre de nos finances publiques, seul moyen pour la France de rester compétitive, il est normal que nous combattions ces comportements. Il est en effet inacceptable que les citoyens honnêtes paient à la place de ceux qui décident de s'extraire des systèmes fiscaux ou sociaux, en commettant des abus, en trichant et en fraudant.

M. Guy Fischer. Ce sont toujours les pauvres qui trichent !

M. Éric Woerth, ministre. Il nous faut donc éviter toute déviation du système de retraite anticipée pour carrière longue, qui est, par ailleurs, un bon système.

Nous devons également améliorer le taux d'emploi des seniors en utilisant tous les outils à notre disposition. Il ne suffit plus d'en parler, il faut désormais prendre des mesures sur le terrain.

De nombreuses initiatives ont déjà été lancées en ce sens. Il convient de les développer et, peut-être, d'inventer d'autres outils pour mener à bien cette politique. Je rappelle que le taux d'emploi des seniors, dans notre pays, demeure largement inférieur à celui des pays qui lui sont comparables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bravo !

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 104 minutes ;

Groupe socialiste, 66 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 25 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire portant sur le projet de loi de finances pour 2008 est fortement conditionné par la discussion du projet de loi prétendument « en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat », qui va lui succéder cette semaine dans le cadre de nos travaux en séance publique.

En effet, comment discuter des orientations du projet de loi de finances pour 2008 sans avoir à l'esprit le fait que les marges de manoeuvre de l'État, et donc de la représentation parlementaire, seront largement obérées, lors des débats de l'automne prochain, par les attendus et les effets potentiels de ce texte ?

Tout de même, ce n'est pas tous les jours - les plus récentes discussions budgétaires l'ont montré -  que l'on discute d'un projet de loi dont les effets financiers s'élèvent à 10 milliards d'euros dès la première année d'application et peuvent atteindre 15 milliards d'euros en régime de croisière ! Cette présentation est d'ailleurs imparfaite - mais nous en reparlerons le moment venu -, puisque l'évaluation réelle de l'impact de la loi sur les comptes publics n'a pas été réalisée !

Parlons donc de la situation des comptes publics.

Évidemment, le gouvernement actuel ne manquera pas de se positionner, comme le débat d'hier nous l'a montré, dans le droit fil des orientations budgétaires des années écoulées et des résultats, qu'il considère encourageants, de l'exécution 2006.

Il convient d'ailleurs de tempérer quelque peu l'enthousiasme ambiant en rappelant, notamment, que le cumul des déficits budgétaires de la précédente législature se situe aux alentours de 230 milliards d'euros en valeur courante, donc entre 240 et 250 milliards d'euros en valeur constante, ce qui représente plus du quart du montant actuel de la dette publique de l'État !

Une partie non négligeable de la réduction du déficit budgétaire tient aux changements de périmètre de la dépense budgétaire de l'État. La non-compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales, par exemple, si elle affecte positivement les comptes de l'État en réduisant le déficit comptable, grève bien évidemment ceux de la sécurité sociale.

On ne peut manquer, à ce propos, de souligner la détérioration très sensible des comptes sociaux, malgré - ou à cause de ? - la mise en oeuvre de la réforme Fillon concernant le régime de l'assurance vieillesse et de la réforme Douste-Blazy sur le régime de l'assurance maladie, ...

M. Guy Fischer. Des échecs !

M. Thierry Foucaud. ... deux réformes qui ont effectivement échoué.

Enfin, comme nous l'avons dit à propos de la loi de règlement du budget de l'année 2006, la réduction sensible des dépenses d'équipement et la compression des dépenses d'intervention constituent les sources principales de la réduction des dépenses budgétaires.

Ainsi, entre 2002 et 2006, si le déficit de l'État est passé de 49,3 à 36,16 milliards d'euros en exécution, le montant des dépenses d'équipement est passé de 28,14 à 12,71 milliards d'euros.

Quant au montant des dépenses d'intervention, fortement soumises aux effets de périmètre, notamment depuis le transfert du revenu minimum d'insertion aux collectivités locales et le cantonnement des dépenses liées aux exonérations de cotisations dans les comptes de la sécurité sociale, il a également été réduit, passant de 78,74 milliards d'euros, en valeur 2002, à 64,55 milliards d'euros, en valeur 2006 !

Ces deux postes de dépenses ne représentent plus aujourd'hui que 29 % des dépenses budgétaires de l'État, contre 38,5 % en 2002.

Bien entendu, le Gouvernement entend poursuivre sa démarche de réduction de la dépense publique.

Il persiste pour plusieurs raisons : ses engagements européens, et notamment les contraintes nées de la participation à la monnaie unique, sous les critères retenus par les traités européens ; l'ardente obligation de tenir ses promesses électorales, et donc d'en atténuer l'effet sur la situation des comptes publics ; enfin, le fait qu'il ne peut plus guère « taper » dans les crédits d'intervention ou d'équipement, ce qui le porte naturellement à remettre en question les dépenses de personnel.

L'habillage de la mesure est déjà éculé. Il s'agit de moderniser l'État, de réduire de manière générale la dépense publique afin que l'État soit plus proche et plus efficace, et je passe sur les autres fariboles et discours convenus que l'on entend en la matière dès qu'il s'agit de fermer, ici une école rurale, là une maternité, ailleurs une recette-perception ou un bureau de poste.

Dans les faits, il s'agirait de maîtriser, en 2008, la progression ordinaire des dépenses de personnel, par le biais de la suppression d'un emploi budgétaire sur deux départs en retraite.

Toutes les politiques menées en ce domaine depuis 2002 ont abouti à comprimer les dépenses de personnel.

Il s'agit aujourd'hui de franchir une étape supplémentaire, en supprimant environ de 35 000 à 40 000 emplois publics, dont une part bien trop importante dans l'éducation nationale. Dans le même temps, on demandera sans vergogne aux collectivités locales, comme le fait Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, de mettre encore un peu plus la main à la poche pour prendre en charge la dépense publique d'éducation.

Mais cela n'est presque rien au regard des mesures contenues dans le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dit projet de loi « TEPA », dont l'impact est essentiel et contraint les données du budget 2008.

En réfléchissant de manière macroéconomique, on peut escompter que les mesures prises conduiront, dans les faits, à accroître la consommation populaire et l'investissement en logement des ménages, et permettront a priori de soutenir l'activité et de faire apparaître des éléments de croissance créateurs de nouvelles marges financières. Mais rien n'est moins sûr !

Tout d'abord, les heures supplémentaires effectuées ne seront pas nécessairement plus nombreuses qu'aujourd'hui et, dans ce cas, la production de biens et de services demeurera inchangée, tandis que la défiscalisation amputera encore davantage les recettes fiscales de l'État et de la sécurité sociale.

Il se peut, ensuite, que les achats de logements portent uniquement sur les stocks d'invendus existants.

Enfin, il n'est pas interdit de penser que les mesures d'allégement de l'impôt des contribuables les plus aisés ne conduiront qu'à une nouvelle augmentation des placements financiers, dont le traitement fiscal dérogatoire est générateur de nouvelles moins-values.

M. Gérard Delfau. C'est l'objectif !

M. Thierry Foucaud. Des effets contraires à la logique économique, notamment en matière de hausse des prix de l'immobilier, sont également à craindre.

La question est de savoir - c'est l'enjeu essentiel du projet de loi de finances pour 2008 - si nous disposerons d'un niveau de croissance suffisant pour mener à bien la réduction des déficits publics et si la loi « TEPA », qui gage par avance la loi de finances, permettra d'atteindre ces objectifs. Encore une fois, rien n'est moins sûr, aucune loi de finances de la législature écoulée n'ayant été exécutée avec la croissance attendue.

Je rappelle, au demeurant, qu'une loi dont la teneur était proche de celle du projet de loi « TEPA », votée lorsque M. Sarkozy était ministre de l'économie et des finances, avait entraîné, pour 2003 et pour 2004, le déficit budgétaire le plus important de la législature.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'est pas resté très longtemps à ce poste !

M. Guy Fischer. Peut-être, mais nous nous en rappelons !

M. Thierry Foucaud. Mais, en peu de temps, il a fait fort !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il a lancé des mesures qui ont ensuite porté leurs fruits !

M. Thierry Foucaud. Je dirai quelques mots à propos de ces « fruits », monsieur le rapporteur général !

Nous ne pouvons, dans le cadre de ce débat d'orientation budgétaire, que rappeler nos positions de fond concernant les choix budgétaires du Gouvernement.

Nous constatons que ces choix, aujourd'hui confirmés et amplifiés, n'ont pas permis une amélioration globale de la situation économique. Croissance réduite, dévaluation du travail, atonie salariale - stagnation du pouvoir d'achat des salariés en 2004 et en 2005, puis augmentation de 1 % seulement en 2006 -, déficits publics persistants, creusement des dettes de la sécurité sociale, envolée de la dette publique, cette dernière passant de 613 milliards d'euros à la fin de 2001 à 920 milliards d'euros à la fin de 2007 : telles sont les conséquences de votre politique économique !

D'autres choix budgétaires, facteurs d'un véritable développement de la croissance, sont donc indispensables.

C'est l'une des principales leçons qu'il convient de retenir de nos plus récents débats. Alors même que vous avez pollué, cette année, le débat électoral en agitant l'épouvantail de la dette publique, vous nous annoncez que nous avons désormais les moyens, par un coup de baguette magique, de supporter les conséquences d'une réforme fiscale d'une ampleur inégalée - de 10 à 15 milliards d'euros ! -, consistant à alléger considérablement le montant des prélèvements opérés sur les entreprises, ainsi que sur les revenus et patrimoines des ménages les plus fortunés.

Monsieur le rapporteur général, selon vous, la dette serait « insupportable ». Permettez-moi de dire que, l'insupportable, c'est l'allégement de l'impôt sur la fortune, le bouclier fiscal renforcé, la volonté, que vous avez encore confirmée ce matin, d'augmenter la TVA...

M. Guy Fischer. Toujours pour les mêmes !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela créera de nouvelles richesses !

M. Guy Fischer. Et les pauvres seront toujours plus pauvres !

M. Thierry Foucaud. Ce discours, monsieur le rapporteur général, vous le tenez depuis un certain temps,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'y crois beaucoup !

M. Thierry Foucaud. ...mais ça ne « marche » pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela peut marcher !

M. Thierry Foucaud. Cela marche si peu que le SMIC ne recevra pas cette année le « coup de pouce » attendu !

M. Thierry Foucaud. L'insupportable, monsieur le rapporteur général, ce sont les suppressions d'emplois.

C'est cette politique qui est facteur de la dette, et c'est pour la financer que l'on demande aux plus modestes de nos compatriotes de signer un chèque en blanc aux plus riches d'entre nous, puisque la réduction des impôts de ceux-ci sera gagée sur le démantèlement des services publics de l'éducation, de la santé, du logement social, de la lutte contre les exclusions, et j'en passe !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite pouvoir vous convaincre un jour !

M. Thierry Foucaud. Le budget de 2008 risque donc de consacrer l'abandon d'une fiscalité juste et efficace au profit exclusif d'un démembrement de l'action publique, rendant beaucoup plus aléatoire toute politique de réduction des inégalités sociales comme des inégalités de développement des territoires.

Ces orientations tournent le dos aux exigences d'un développement durable, soutenable et coordonné ; elles correspondent à des choix que nous avons toujours récusés et que nous continuerons à récuser sans ambiguïté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. Gérard Delfau. Très bien !

Mme Nicole Bricq et M. Michel Moreigne. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sergent.

M. Michel Sergent. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est sans doute regrettable que le débat sur l'orientation du budget de l'État pour 2008 ait lieu avant la discussion du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dit « TEPA », qui aura lieu demain et qui montrera vraiment les intentions, au moins fiscales,...

Mme Nicole Bricq. Pas seulement !

M. Michel Sergent. ...sur lesquelles le Gouvernement a décidé de s'engager, dès cette année, pour l'année prochaine et pour les années à venir.

En effet, il est bien difficile de dissocier les deux discussions. Je ne veux certes pas empiéter sur la discussion de demain, non plus que sur les sujets que développeront les membres de mon groupe, mais les mesures fiscales engagées sont d'une portée telle qu'elles ne peuvent qu'avoir de lourdes conséquences sur la situation de nos finances publiques, conséquences qui seront plus préjudiciables en 2008 qu'en 2007, et plus préjudiciables encore en 2009 et au cours des années suivantes.

Pour mémoire, je rappelle la position juste de la commission des finances, qui veut que tout texte fiscal soit examiné en loi de finances et non pas au travers de diverses lois.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exact !

M. Michel Sergent. Cette position est une nouvelle fois mise à mal !

S'agit-il d'un « choc fiscal », comme on l'entend dire ici ou là ? Je n'irai pas aussi loin ! Je pense, plus simplement, qu'il ne s'agit que de la traduction idéologique d'un programme économique, financier, fiscal et social de conservateurs traditionnels, qui travestissent des mesures injustes accroissant les inégalités en mesures « en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ». Mais, cet habillage mis à part, c'est la continuité !

Sur quelles bases fiscales reposent nos perspectives budgétaires ?

Les nouvelles mesures fiscales vont coûter en année pleine 15 milliards d'euros, sans qu'il ait été procédé à une quelconque évaluation de leurs conséquences et de leur efficacité, et alors même que la France s'est engagée à l'égard de l'Union européenne à faire passer en cinq ans - l'échéance avait même été fixée à 2010 - son endettement en dessous de 60 % du produit intérieur brut, contre 64,5 % aujourd'hui.

Mme Nicole Bricq. L'échéance est toujours 2010 !

M. Michel Sergent. Et elle devrait le rester !

Ce programme fiscal dont bénéficieront les plus riches est un programme idéologique. L'inégalité est inévitable, donc normale, donc acceptable, et ce serait même une bonne chose car elle est moteur de compétition, et donc d'« efficacité » : tel est le credo de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi !

Mais, pour « vendre » ce programme, le Gouvernement fait croire aux plus modestes que, sans les mesures qu'il propose, ils paieraient plus d'impôts et plus de charges, ce qui est évidemment faux.

Il s'agit donc, en fait, d'alléger l'impôt des plus gros contribuables au mépris de l'équilibre des comptes publics. Le souci affiché des déficits et de la dette n'était donc qu'un argument électoral d'une droite soi-disant « rigoureuse » contre une gauche « dépensière » !

Puis on pourra toujours vendre les « bijoux de famille », en privatisant quelques entreprises publiques pour diminuer quelque peu le déficit ! C'était le cas l'année dernière - on l'a vu hier, lors de l'examen du projet de loi de règlement du budget de 2006 -, et ce sera encore le cas cette année avec France Télécom, et probablement avec EDF.

On fait croire aux ménages que leur niveau de vie va s'améliorer, alors qu'ils risquent fort d'être taxés davantage. Va-t-on vers une augmentation de la TVA, cachée derrière la notion, digne d'intérêt même si elle porte à controverse, de TVA « sociale » ou va-t-on plutôt vers une banale augmentation de la TVA franchement antisociale ?

Le programme fiscal de la présidence Sarkozy conduit à creuser la dette de la France, à priver l'État de marges de manoeuvre budgétaires en cas de retournement de la conjoncture et à limiter la capacité du pays à entreprendre les réformes dont il a besoin pour affronter les défis de la globalisation du système économique.

La croissance mondiale est pourtant plutôt stimulante. L'activité de la zone euro l'est également. Hélas ! les résultats de la France ne le sont pas. Quand la gauche était au gouvernement, la France faisait mieux, en termes de croissance, que ses partenaires européens, y compris l'Allemagne, dans un environnement international relativement stimulant.

M. Michel Sergent. Depuis que la droite est au gouvernement, et alors que l'environnement international est encore meilleur, la France fait moins bien que ses voisins,...

M. Gérard Delfau. Il faut le redire !

M. Michel Sergent. ...et nous risquons de voir se creuser encore, en 2007 et en 2008, l'écart entre la France et ses principaux partenaires, notamment l'Allemagne.

Notons au passage qu'il est paradoxal, de la part de la majorité, de se féliciter constamment de ses résultats et, dans le même temps, d'essayer de créer un « choc » pour « s'en sortir ».

Depuis le début de l'année 2007, on assiste en effet à une détérioration de l'ensemble des finances publiques. L'exécution du budget de l'État au cours des premiers mois de 2007 est marquée, en comparaison avec la situation d'il y a un an, par un accroissement des dépenses, par un recul des recettes nettes, par une aggravation du déficit, par une remontée rapide de la dette de l'État  - plus 43 milliards d'euros sur les cinq premiers mois ! -, par une augmentation de la dette publique se traduisant par une progression du ratio d'endettement de 63,7 % à 65 % du produit intérieur brut et, évidemment, par une aggravation de la situation de la sécurité sociale.

M. Michel Sergent. Et par quoi se traduit d'abord ce « choc » qui doit nous permettre de nous « en sortir » ? Quelques chiffres éclairants méritent que l'on s'y arrête.

Quel volume de restriction de rentrées fiscales? Au moins 15 milliards d'euros par an ! N'a-t-on pas dit à plusieurs reprises, hier, qu'une absence de recettes s'assimilait à une dépense ?

Face à cela, quel est le volume d'augmentation des dépenses d'avenir, ces dépenses que je qualifierai de « dynamiques », en faveur notamment de l'université et de la recherche ? Seulement un milliard d'euros par an !

La diminution des rentrées fiscales attendues correspond à un quart du budget de l'éducation nationale. Elle représente aussi vingt fois le budget de la mission écologie ! Le développement durable n'a-t-il pourtant pas été hissé au rang de priorité nationale ? Le ministre - ministre d'État ! - chargé de ce domaine préoccupant n'est-il pas le numéro deux du gouvernement actuel ?

De fait, nous sommes en présence d'un projet financier et fiscal lourd de déficit budgétaire, de dette et de futurs prélèvements, ce qui n'empêche pas le Président de la République de promettre que la France respectera ses engagements européens, ce dont doute l'Union européenne !

Comment donc vont être financées ces dépenses fiscales, et cela dès cette année, alors que l'on constate déjà, pour le début de l'exercice 2007, une accélération des dépenses et, par conséquent, une augmentation du niveau de déficit par rapport à l'année précédente ?

Cette accélération des dépenses n'est d'ailleurs pas un phénomène nouveau : la dépense publique a augmenté plus rapidement durant les cinq dernières années qu'au cours des cinq années précédentes. Mais, si l'on ajoute la progression de la dépense fiscale, on ne peut décidément pas dire que l'objectif de maîtrise de la dépense publique sera atteint ni qu'il est en voie de l'être !

Cela étant, pour cette majorité, maîtrise de la dépense veut souvent dire réduction a priori de la dépense publique, et donc remise en cause des politiques publiques.

Le budget de 2008, le premier de la présidence Sarkozy, ressemble donc à un numéro d'équilibrisme...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous ne l'avez pas encore vu !

M. Michel Sergent. ...puisqu'il devrait permettre de concilier l'inconciliable : financer les baisses d'impôts, réduire le déficit, diminuer la dette, équilibrer les finances publiques en 2010, ne rien sacrifier des promesses du chef de l'État pour la recherche et l'université !

Malheureusement, et vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur général, la remontée des taux d'intérêt renchérit la charge de la dette.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Michel Sergent. Comme les pensions des retraités de la fonction publique vont mécaniquement progresser fortement, ce sont les autres dépenses qui vont être sérieusement mises en cause.

L'ambition serait de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique en le bloquant à 1 %, contre 2,25 % en moyenne les dix dernières années, pour dégager en 2008 près de 10 milliards d'euros de marges de manoeuvre. Y parviendrez-vous, monsieur le ministre ? Nous pouvons en douter...

La majorité évoque la nécessaire discipline sur les investissements par la stabilisation en volume des dépenses de l'État en comptant les prélèvements sur recettes destinés aux collectivités locales, au prix d'une « discipline conséquente » sur les dépenses, non seulement de fonctionnement mais aussi d'investissement, ce qui est nouveau.

Va-t-on vraiment vers un réexamen des dépenses d'investissement de l'État ? Je pense en particulier aux atermoiements autour du projet de second porte-avions. Quelle est la crédibilité de cette feuille de route, puisque la dépense publique a augmenté de près de 10 % durant le quinquennat précédent, pour représenter 53 % du produit intérieur brut à la fin de 2007 contre 52,6 % à la fin de 2002 ?

L'orientation budgétaire se veut marquée par la rigueur, mais aussi par un pari du Gouvernement sur une croissance à 2,5 %, alors que l'INSEE ne table aujourd'hui que sur une croissance à 2,1 %, et que les prévisions des autres instituts sont encore plus pessimistes. L'évocation du « point de croissance qui manque » relève donc de l'incantation, au nom du prétendu « choc fiscal »...

Malgré les dépenses engagées, pour gagner ce point de croissance, le Gouvernement promet la baisse de la dette publique et du taux des prélèvements obligatoires - le candidat Sarkozy disait même vouloir le réduire de quatre points en cinq ans - par la diminution des dépenses, dépenses d'intervention comme dépenses de personnels, la diminution de celles-ci reposant largement sur la diminution du nombre des fonctionnaires, et par une révision générale de l'efficacité des politiques publiques.

Les dépenses de santé ne devraient pas croître de plus de 2 % en moyenne de 2008 à 2012, et, dès 2008, les concours aux collectivités locales qui relèvent du contrat de croissance et de solidarité se verraient appliquer la même norme que celle qui sera imposée aux autres dépenses de l'État.

En fait, la maîtrise des dépenses ne signifierait-elle pas essentiellement, dans la continuité de la politique menée par la droite depuis 2002, la remise en cause des politiques publiques et l'encadrement financier des collectivités locales ?

Pour commencer, le Gouvernement prévoit de s'attaquer aux effectifs de la fonction publique en supprimant de 30 000 à 40 000 postes au moyen, principalement, du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, l'éducation nationale représentant, avec 17 000 postes, la moitié des effectifs concernés. Mais, 10 000 postes en moins, ce sont déjà une centaine de postes par département ! La qualité de l'enseignement ne pourra qu'en souffrir, et je plains les sénateurs de la majorité qui vont devoir défendre ces mesures dans leur circonscription électorale !

Au reste, le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux pourrait faire économiser, au mieux, 4,5 milliards d'euros d'ici à 2012. Par ailleurs, n'oublions pas que le Président de la République s'est engagé à redistribuer 50 % de ces gains de productivité aux fonctionnaires en poste. La mesure pourrait donc, au mieux, rapporter 2,5 milliards d'euros, soit l'équivalent du cadeau fiscal représenté par l'exonération des droits de succession.

En matière de services publics, économie ne devrait pas être synonyme de détérioration. Mais comment fait-on dans une école ou dans un hôpital public ? Et ces mesures drastiques concernent-elles les cabinets ministériels ou celui de la Présidence de la République ? Je n'en suis pas totalement convaincu !

L'attractivité de la France est liée à la qualité de ses services publics, qu'il s'agisse de l'éducation, de la santé, des transports, de la culture, et non au moins-disant fiscal et social !

Les objectifs du service public, dans une perspective républicaine, sont de répondre aux besoins des citoyens en fournissant à tous un service de qualité, financièrement et géographiquement accessible à chacun, sans discrimination. Le service public est, et doit rester, au service des citoyens et non de l'initiative privée, car il est un puissant facteur de cohésion sociale et d'aménagement du territoire.

Il constitue d'autant plus une nécessité que l'on constate un fort accroissement des inégalités de revenus depuis huit ans. Ainsi, les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu croître de 42,6 % sur la période, contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches. La forte progression et concentration des revenus du patrimoine explique une bonne partie des différences quant à l'évolution des divers niveaux de revenus.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pense que le premier programme fiscal et budgétaire du quinquennat qui vient de commencer, s'il est de rupture, est d'abord en rupture avec l'idéal républicain.

M. Guy Fischer. C'est vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Michel Sergent. Comment ne pas constater, en effet, dans les discours politiques de droite, l'acceptation, voire la revendication, d'une représentation de la société placée sous le signe de l'hétérogénéité et de la différentiation ?

L'élection de Nicolas Sarkozy signifierait-elle une sorte d'épuisement de la vision égalitaire de la société française ? Le Président de la république semble avoir fait le choix d'assumer et de formuler une plus grande hétérogénéité de la société.

Sur le plan institutionnel, cela s'est traduit dans les positions qu'il a prises sur la question des communautés. Sur le plan social, il s'est fait porteur d'une représentation plus conflictuelle, avec sa fameuse opposition entre « la France qui se lève tôt » et celle qui « vit de l'assistance ».

À la lumière de l'orientation financière et budgétaire actuelle de la France, on peut s'interroger sur cette évolution en se demandant ce qu'il advient de l'idée de partage et de redistribution.

On peut également noter qu'une mesure telle que la suppression de l'impôt sur les successions trouve dans cette perspective une forme de cohérence. Il s'agirait, en quelque sorte, de retrancher de la redistribution publique une « redistribution privée ». Le patrimoine, ici, est considéré non pas comme une simple accumulation de capital, mais comme un lien familial qui n'aurait pas vocation à être mis en commun, ne serait-ce que pour partie, avec le reste de la société.

Pour nous, socialistes, pour nous, femmes et hommes de gauche, la redistribution est au centre de notre projet de société : une redistribution publique, à l'opposé de la charité privée, de ses bons et de ses mauvais pauvres ! Nous ne pouvons nous résoudre à une telle évolution du taux de redistribution.

C'est la raison pour laquelle nous pensons que l'orientation des finances publiques, du moins telle qu'on peut la deviner, est coûteuse, injuste socialement et inefficace économiquement.

Nous estimons, en ce qui nous concerne, que la France a besoin d'une bonne articulation entre une politique de l'offre et de la demande, les deux étant nécessaires.

Côté demande, c'est à travers des mesures de soutien à la consommation et au pouvoir d'achat du plus grand nombre qu'il faudrait consentir des efforts.

Côté offre, la sphère publique doit contribuer au meilleur environnement possible pour les entreprises, en modernisant, notamment, l'impôt sur les sociétés, comme nous l'avons déjà proposé.

Au lieu de cela, le Gouvernement propose des mesures ciblées sur un petit nombre de contribuables, et les dispositions retenues semblent concerner plus les chefs d'entreprises que les entreprises elles-mêmes.

Nous pensons également qu'un effort aurait dû être fait en faveur de la prime pour l'emploi, des minima sociaux...

M. Guy Fischer. Le Gouvernement veut les supprimer !

M. Michel Sergent. ...et, d'une façon générale, des plus bas salaires On aurait pu affecter, au moins en partie, les 15 milliards d'euros du « paquet fiscal », destinés pour une bonne part aux propriétaires et aux revenus les plus confortables, à des actions sociales et industrielles plus directement utiles à la croissance et à la modernisation du pays.

On aurait pu aussi lancer un programme spectaculaire de réforme de la justice et des prisons, venant corriger de façon heureuse l'un des principaux archaïsmes français.

On aurait pu, enfin, contribuer à favoriser l'emploi en allégeant les charges sociales - salariales et patronales - pour tout le temps travaillé et non pour les seules heures supplémentaires.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'imaginez facilement, nous portons sur l'orientation budgétaire qui nous est proposée un regard tout à fait négatif, parce que, si nous souhaitons la bonne santé de la France, nous souhaitons d'abord et avant tout celle de tous les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)