Sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
2. Modification de l'ordre du jour
3. Dépôt d'un rapport en application d'une loi
4. Contrôleur général des lieux de privation de liberté. - Discussion d'un projet de loi
M. le président.
Discussion générale : Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Yves Détraigne, Laurent Béteille.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
M. Georges Othily, Mme Éliane Assassi, MM. Robert Badinter, Jean-René Lecerf, Charles Gautier, Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 59 de M. Charles Gautier. - MM. Louis Mermaz, le rapporteur. - Rejet par scrutin public.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
6. Allocution de M. le président du Sénat
MM. le président, Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
8. Communication relative à des commissions mixtes paritaires
9. Candidatures à une commission mixte paritaire
10. Contrôleur général des lieux de privation de liberté. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Article additionnel avant l'article 1er
Amendement n° 25 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. - Rejet.
M. Louis Mermaz.
Amendements nos 18 de M. Jean-René Lecerf, 60 de M. Charles Gautier, 26, 27 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 79 de Mme Eliane Assassi et 1 de la commission. - MM. Jean-René Lecerf, Charles Gautier, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Pierre Sueur. - Retrait de l'amendement no 18 ; rejet des amendements nos 60, 26 et 79 ; adoption de l'amendement no 1, l'amendement no 27 devenant sans objet.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
Amendement n° 80 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
MM. Louis Mermaz, Robert Badinter.
Amendements nos 61 de M. Charles Gautier, 82 de Mme Eliane Assassi, 2 (priorité) de la commission, 50 de M. Yves Détraigne ; amendements identiques nos 3 (priorité) de la commission et 51 rectifié de M. Yves Détraigne ; amendement n° 19 de M. Jean-René Lecerf. - M. Charles Gautier, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, Yves Détraigne, Jean-René Lecerf, Mme le garde des sceaux, MM. Louis Mermaz, Jean-Pierre Sueur, Henri de Richemont. - Retrait des amendements nos 50 et 51 rectifié ; adoption, après une demande de priorité, des amendements nos 2 et 3, les autres amendements devenant sans objet.
Amendements identiques nos 4 de la commission et 83 rectifié de Mme Eliane Assassi. - M. le rapporteur, Mmes Josiane Mathon-Poinat, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 46 de M. Richard Yung. - MM. Richard Yung, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
M. Charles Gautier.
Amendements nos 62 de M. Charles Gautier et 84 de Mme Eliane Assassi. - MM. Charles Gautier, Robert Bret, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Louis Mermaz. - Retrait de l'amendement no 84 ; rejet de l'amendement no 62.
Amendement n° 28 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. - Adoption.
Amendement n° 29 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
12. Contrôleur général des lieux de privation de liberté. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Amendement n° 86 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. - Rejet.
Amendements identiques nos 7 de la commission et 87 de Mme Eliane Assassi. - M. le rapporteur, Mmes Éliane Assassi, le garde des sceaux, M. Michel Charasse. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
M. Richard Yung.
Amendement n° 88 de Mme Eliane Assassi. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 30 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 5
Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements nos 56 et 57 de M. Yves Détraigne. - M. Yves Détraigne, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait des deux amendements.
MM. Louis Mermaz, Richard Yung, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Blanc, Robert Badinter, Michel Charasse.
Amendement n° 90 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Jacques Blanc. - Adoption.
Amendements nos 52 de M. Yves Détraigne, 20 de M. Jean-René Lecerf, 36 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 64 à 66 de M. Charles Gautier, 91 de Mme Eliane Assassi ; amendements identiques nos 21 de M. Jean-René Lecerf, 67 de M. Charles Gautier et 92 de Mme Eliane Assassi ; amendement n° 32 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - MM. Yves Détraigne, Jean-René Lecerf, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Robert Badinter, Mme le garde des sceaux. - Retrait des amendements nos 52 et 20 ; rejet de l'amendement no 32 ; adoption de l'amendement no 36, les autres amendements devenant sans objet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
13. Saisine du conseil constitutionnel
MM. Jean-Pierre Sueur, le président.
15. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
16. Contrôleur général des lieux de privation de liberté. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
Amendements nos 33 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 45 de M. Jean-René Lecerf. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. - Retrait de l'amendement no 33 : adoption de l'amendement no 45.
Amendement n° 69 de M. Charles Gautier. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 34 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Louis Mermaz. - Rejet.
Amendement n° 68 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements nos 70 de M. Charles Gautier, 93 de Mme Eliane Assassi, 78, 55 de M. Yves Détraigne, 22 de M. Jean-René Lecerf, 11 de la commission et 35 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - M. Robert Badinter, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Yves Détraigne, Jean-René Lecerf, le rapporteur, Mmes Alima Boumediene-Thiery, le garde des sceaux, MM. Jean-Pierre Sueur, Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois ; Jacques Blanc, Richard Yung, Henri de Richemont, Laurent Béteille. - Rejet des amendements nos 70, 93, 78, 22, 55 et 35 ; adoption de l'amendement no 11.
Amendements identiques nos 12 de la commission et 71 de M. Charles Gautier. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 31 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 6
Amendement n° 72 de M. Charles Gautier. - MM. Robert Badinter, le rapporteur. - Retrait.
Article additionnel avant l'article 7
Amendement n° 53 de M. Yves Détraigne. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
M. Charles Gautier.
Amendements nos 94 de Mme Eliane Assassi, 13 de la commission, 73, 74 de M. Charles Gautier, 23 rectifié bis de M. Jean-René Lecerf, 58 de M. Yves Détraigne ; amendements identiques nos 14 de la commission et 54 de M. Yves Détraigne ; amendements nos 24 de M. Jean-René Lecerf et 48 de M. Richard Yung. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, Richard Yung, Jean-René Lecerf, Yves Détraigne, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement no 24 ; rejet des amendements nos 94 et 48 ; adoption des amendements nos 13, 73, 23 rectifié bis, 14 et 54, les amendements nos 58 et 74 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
M. Louis Mermaz.
Amendement n° 49 de M. Richard Yung. - MM. Richard Yung, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 76 de M. Charles Gautier. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Louis Mermaz, Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Rejet.
Amendement n° 37 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements nos 42 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 75 de M. Charles Gautier, 38 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 95 de Mme Eliane Assassi et 15 de la commission. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Charles Gautier, Robert Bret, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet des amendements nos 42, 75, 38 et 95 ; adoption de l'amendement no 15.
Amendements nos 77 de M. Charles Gautier et 39 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - M. Charles Gautier, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.
Amendement n° 40 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur. - Retrait.
Amendement n° 41 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur. - Retrait.
Amendement n° 96 de Mme Eliane Assassi. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 97 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 9
Amendements nos 16 de la commission et 81 de Mme Eliane Assassi. - M. le rapporteur, Mmes Éliane Assassi, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 16 insérant un article additionnel, l'amendement no 81 devenant sans objet.
Amendements nos 98 de Mme Eliane Assassi, 17 de la commission, 44 et 43 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mmes Alima Boumediene-Thiery, le garde des sceaux. - Retrait des amendements nos 98, 44 et 43 ; adoption de l'amendement no 17.
Adoption de l'article modifié.
M. Charles Gautier, Mme Éliane Assassi, MM. Laurent Béteille, Yves Détraigne, Paul Girod, le rapporteur.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
Mme le garde des sceaux.
19. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Modification de l'ordre du jour
M. le président. J'ai reçu de M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement une lettre par laquelle le Gouvernement modifie l'ordre du jour prioritaire de la présente semaine.
Compte tenu du nombre d'amendements déposés sur le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Gouvernement nous demande de poursuivre l'examen de ce texte ce soir et si nécessaire mercredi après-midi et éventuellement le soir.
Il nous propose, en outre, de siéger jeudi après-midi et si nécessaire le soir pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le service minimum dans l'espoir que nous n'aurons pas à siéger vendredi.
Il n'y a pas d'observation concernant la tenue de nos séances ?...
L'ordre du jour sera ainsi modifié et je vais vous faire distribuer un document récapitulant notre programme de travail.
3
Dépôt d'un rapport en application d'une loi
M. le président. J'ai reçu de M. Bertrand Fragonard, président du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, le rapport pour 2007 de cet organisme.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
4
Contrôleur général des lieux de privation de liberté
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté (nos 371, 414).
Madame le garde des sceaux, avant d'engager ce débat, je voudrais d'abord vous féliciter de votre initiative et souligner combien il est important que ce projet de loi, qui concerne les libertés publiques, ait été déposé en premier sur le bureau du Sénat. (Très bien ! sur les travées de la commission.)
Nous y en sommes d'autant plus sensibles que ce projet de loi fait suite à une proposition de loi adoptée par le Sénat en 2001 relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons.
Cette proposition de loi était elle-même le fruit des travaux d'une commission d'enquête dont le rapporteur était notre ancien collègue M. Guy-Pierre Cabanel et le président, M. Jean-Jacques Hyest, aujourd'hui rapporteur du projet de loi.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur de ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur pour moi de me présenter devant vous pour la deuxième fois au cours de cette session extraordinaire.
Le projet de loi que vous examinez aujourd'hui s'inscrit dans notre volonté de rénover en profondeur notre système pénitentiaire. C'est une première étape. La seconde sera la future loi pénitentiaire dont nous débattrons à l'automne.
Je sais que vous attachez une grande importance au contrôle extérieur des lieux de privation de liberté.
C'est l'honneur du Sénat d'accompagner toutes les avancées de notre État de droit.
Le Sénat a toujours veillé à protéger la dignité de la personne humaine dans notre législation.
La République doit pouvoir s'assurer du respect des droits fondamentaux de ceux qu'elle a décidé d'isoler.
Elle doit pouvoir garantir des conditions de vie dignes dans les lieux de privation de liberté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'institution d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté est une belle et grande idée. Elle est née de vos réflexions et de vos travaux. Ai-je besoin de le rappeler ? Ce projet de loi est d'abord le vôtre.
À la suite de la commission d'enquête du Sénat en 2000 sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, une proposition de loi présentée par M. Jean-Jacques Hyest et votre ancien collègue M. Guy-Pierre Cabanel avait été adoptée le 26 avril 2001.
Votre réflexion s'appuyait alors sur les conclusions du rapport de la commission présidée par M. Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation, qui recommandait la mise en place d'un contrôle extérieur des prisons.
Le texte que je vous présente aujourd'hui, s'il a une portée plus large, reprend la substance des dispositions que prévoyait le Sénat.
Notre ambition est grande. Le projet de loi permet d'y répondre.
Cette ambition, c'est une volonté de modernité, une volonté d'humanité, une volonté de respect des engagements européens et internationaux de la France.
Ce projet de loi est, d'abord, porteur d'une volonté de modernité.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté aura le statut d'autorité indépendante, comme le Médiateur de la République, comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés, comme la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, pour ne citer que ces trois-là.
Les autorités indépendantes contribuent au bon fonctionnement de nos institutions. Elles jouent un rôle de veille, de contrôle, de régulation, qui est le propre des démocraties modernes. Elles ont acquis leur légitimité. Elles ont établi leur efficacité. Elles ont démontré qu'un État de droit n'a pas à craindre le contrôle d'une autorité indépendante du pouvoir exécutif.
Je le dis aux fonctionnaires des différents ministères concernés. Je le dis en particulier aux personnels de l'administration pénitentiaire, qui accomplissent un travail remarquable dans des conditions souvent difficiles.
Ce sont eux qui m'ont confortée dans ce projet. Ils sont les premiers à déplorer que les conditions réservées aux détenus ne soient pas partout à l'honneur de la France. Ils sont les premiers à souffrir d'une image de leur métier et de leurs missions qui est parfois dévalorisée. Leurs organisations me l'ont confirmé.
Ce regard extérieur sur un monde intérieur leur est indispensable. Il l'est tout autant pour eux que pour les personnes qu'ils ont la charge de surveiller.
Cette charge qu'ils accomplissent avec un dévouement quotidien ne doit pas les isoler à leur tour.
Ce contrôle n'est pas une marque de défiance. Il est la contrepartie de missions et de responsabilités très étendues.
La décision de priver quelqu'un de sa liberté - que ce soit une décision de justice ou une mesure prise par une autre autorité - sera d'autant plus légitime que sa mise en oeuvre fera l'objet d'un contrôle. Elle sera d'autant mieux comprise que l'on saura rendre compte des conditions dans lesquelles on le fait.
Il existe déjà de nombreuses institutions qui veillent au respect de la dignité humaine dans les lieux fermés.
Les parlementaires exercent leur droit de visite dans les prisons.
Le Médiateur de la République instruit les réclamations individuelles qui lui sont soumises.
Ses travaux, comme les vôtres, ont été d'une infinie richesse pour notre réflexion. Ils ont mis en évidence la nécessité d'un contrôleur indépendant.
Son rôle sera d'aller bien au-delà de simples observations. Il aura pour mission d'agir, de garantir à celles et ceux qui ont été privés de liberté le respect de leur dignité.
Ce projet est porteur d'une volonté d'humanité.
La privation de liberté, quelle que soit sa forme, quelle que soit sa durée, est parfois nécessaire.
Elle n'autorise pas l'humiliation. Elle n'autorise pas les atteintes à l'intégrité physique. Elle oblige au respect de la personne et de ses droits fondamentaux.
Elle est, pour reprendre la belle formule de votre collègue le président Jacques Pelletier, « indissociable du droit légal à la rédemption et à la réhabilitation. »
Ainsi, pour prendre l'exemple de la prison, la détention doit préparer à la réinsertion. Or, trop souvent, elle conduit à l'exclusion, au désarroi et au ressentiment des détenus.
Leurs conditions de vie ou d'hygiène sont trop inégales. Leurs droits sont trop peu reconnus. L'accès à l'éducation n'est pas suffisamment généralisé. Leur sortie est insuffisamment préparée.
Enfin, la promiscuité ajoute à cette détresse et favorise la récidive.
J'ai pris l'exemple de la prison. Dans les autres lieux de privation de liberté aussi, des conditions matérielles décentes doivent être garanties.
Les étrangers en centre de rétention, les personnes gardées à vue ont également des droits fondamentaux qu'il faut respecter.
Les malades dans les hôpitaux psychiatriques doivent être pris en charge avec dignité.
Pour notre nation qui a écrit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il serait indigne de ne pas veiller au respect des droits fondamentaux, jusque dans les lieux où l'on est privé de liberté.
Ce sera la mission du contrôleur général.
Enfin, le projet de loi qui vous est soumis répond à notre volonté de respecter les engagements européens et internationaux de la France.
Le 11 janvier 2006, le Conseil de l'Europe réaffirmait sa volonté de replacer les détenus au coeur des missions de l'administration pénitentiaire.
Les règles pénitentiaires européennes prévoient le contrôle des conditions de vie dans les lieux de privation de liberté par un organe indépendant, qui rendra publiquement compte de ses conclusions.
Par ailleurs, la France va ratifier le protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé le 16 septembre 2005.
Ce protocole recommande l'instauration d'un mécanisme national de visites régulières dans tous les lieux où des personnes sont privées de liberté sur décision de l'autorité publique. Trente-cinq États l'ont ratifié. Les solutions qu'ils ont adoptées sont diverses. Certains pays répartissent les missions de contrôle entre plusieurs organismes existants. La France a fait le choix d'un contrôle unique, inspiré du modèle que la Grande-Bretagne a mis en place en 1981, celui de l'inspecteur en chef des prisons.
J'ai rencontré vendredi dernier, à Londres, en compagnie du président Jean-Jacques Hyest, Mme Anne Owers, qui exerce cette fonction depuis 2001. Elle m'a dit combien le regard porté sur les lieux d'enfermement par l'inspecteur en chef des prisons est fondamental pour les détenus, et pour les personnels des prisons, qui attendent son intervention comme une bouffée d'air venu de l'extérieur. Mme Owers fait état d'améliorations considérables réalisées depuis 1981. Des progrès ont été accomplis en faveur de la santé, de l'humanisation des lieux d'enfermement et de la prévention des suicides depuis 1981.
Nous connaissons tous l'attachement historique de la Grande-Bretagne aux droits de la personne humaine. La France peut s'enrichir de l'expérience de son voisin européen et doit en faire bénéficier ses citoyens.
Permettez-moi à présent de vous exposer, mesdames, messieurs les sénateurs, la manière dont nous avons conçu la fonction de contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Ce contrôleur sera nommé par décret pour un mandat de six ans, non renouvelable. Cette nouvelle institution sera compétente pour l'ensemble des lieux de privation de liberté. Elle pourra être largement saisie et sera dotée de pouvoirs étendus.
Tout d'abord, le contrôleur général exercera sa mission pour l'ensemble des lieux de privation de liberté. La notion de lieu de privation de liberté est très large. C'est toute l'originalité de ce projet de loi par rapport aux propositions antérieures qui ont été faites en France et par rapport au contrôle britannique tel qu'il est effectué.
Les lieux de privation de liberté englobent bien évidemment les établissements du ministère de la justice : les maisons d'arrêt, les centres de détention, les maisons centrales, les centres pénitentiaires, les centres de semi-liberté, les établissements pénitentiaires pour mineurs, les centres éducatifs fermés.
Le contrôle s'appliquera également aux locaux de garde à vue de la police et de la gendarmerie, aux dépôts des tribunaux, aux centres et aux locaux de rétention administrative, aux zones d'attente des aéroports, des ports et des gares, aux quartiers d'arrêt des armées et aux lieux de privation de liberté gérés par les douanes.
Enfin, ce contrôle s'appliquera aux secteurs psychiatriques des hôpitaux.
Au total, le projet de loi vise 5 788 lieux de privation de liberté et 219 d'entre eux relèvent du ministre de la justice.
Les ministres de l'intérieur, de l'immigration et de l'intégration, ainsi que de la défense, de la santé et du budget se partagent la responsabilité des autres lieux de privation de liberté.
L'indépendance que nous garantissons au contrôleur général sera la condition de son succès. Il ne recevra aucune instruction de la part des autorités ministérielles, ni de leurs administrations.
Les modalités de saisine du contrôleur général seront très larges.
Toute personne physique ou morale qui aura connaissance d'atteintes aux droits de la personne dans un lieu de privation de liberté pourra s'adresser au contrôleur général. Cela signifie, par exemple, qu'un détenu pourra lui écrire directement, et sous pli fermé. Le recours au contrôleur général doit être simple. Il est important que cette institution soit connue de tous, puisque tous pourront saisir le contrôleur général. C'est pourquoi il faudra qu'elle s'incarne en une personnalité éminente, qui saura faire entendre sa voix.
Le contrôleur général ne se substituera pas à toutes les instances qui interviennent déjà dans les lieux de privation de liberté, car celles-ci accomplissent un travail rigoureux et nécessaire. Je pense en particulier à la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Ces institutions rencontrent pourtant des difficultés à se faire entendre et reconnaître, en raison même de la diversité de leurs champs d'intervention et de leurs modes de saisine. Le contrôleur général travaillera en coordination avec elles. Il rendra plus visibles l'ensemble des actions qu'il mènera, en prêtant un nom et un visage à leur cause commune. Il permettra d'attirer l'attention de nos concitoyens sur les enjeux que représente le respect des droits fondamentaux dans les lieux de privation de liberté.
Enfin, le contrôleur général sera doté de pouvoirs étendus. Son contrôle prendra la forme de visites dans les lieux de privation de liberté, quels qu'ils soient et où qu'ils se trouvent.
Le contrôleur général aura une seule mission : s'assurer par lui-même des conditions de prise en charge des personnes privées de liberté. Bien entendu, il disposera, pour ce faire, d'une équipe de contrôleurs qu'il recrutera lui-même. Les visites pourront intervenir à tout moment. Le contrôleur général pourra s'entretenir avec toutes celles et tous ceux qu'il jugera utile de rencontrer dans le cadre de son investigation, c'est-à-dire non seulement les personnes privées de liberté, mais aussi l'ensemble des personnels, des médecins et des auxiliaires de justice.
Au terme de sa visite, le contrôleur général fera connaître ses observations, et l'administration devra y répondre.
Je reprendrai ici l'exemple du mécanisme de contrôle britannique.
Chaque visite de l'inspecteur en chef donne lieu à un rapport, accompagné de recommandations aux autorités. Ainsi, 95 % de ces recommandations sont admises par l'administration et 75 % d'entre elles en moyenne sont suivies d'effet dans les deux ans. L'inspecteur en chef le vérifie à l'occasion d'une visite inopinée. Je crois que c'est la bonne méthode. Comme le souligne d'ailleurs le président Jean-Jacques Hyest dans son remarquable rapport, le dialogue est complémentaire de la démarche d'investigation. Il est la meilleure promesse de résultats concrets.
Le projet de loi prévoit enfin que le contrôleur général rendra compte de ses observations dans un rapport annuel au Président de la République et au Parlement. Ce rapport sera donc public.
Le contrôleur général pourra proposer les modifications des lois et des règlements qu'il jugera nécessaires à la protection du droit des personnes privées de liberté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai conscience des efforts que la mise en place de ce contrôle demandera aux différents ministères concernés. Cependant, je suis convaincue que le respect des libertés et des droits fondamentaux est à ce prix. La République fera la preuve qu'elle ne s'arrête pas aux portes de ses institutions fermées. Elle veillera à l'égalité humaine de traitement dans tous les lieux où elle prive des personnes de leur liberté. Elle renforcera la confiance de nos concitoyens dans leurs institutions, ainsi que l'a souhaité le Président de la République.
Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi représente bien plus qu'une réforme technique. Il est porteur d'un message politique fort. Je ne doute pas que le Sénat, qui en a été l'instigateur, lui apportera très largement son soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Madame le garde des sceaux, c'est peu de dire que le projet de loi que vous venez de présenter était longuement attendu. Que ce texte soit d'abord présenté au Sénat, comme l'a rappelé M. le président du Sénat, est, pour nous, un signe, le signe d'une juste reconnaissance de la part prise par notre assemblée dans un processus qui touche maintenant à son terme.
Le Sénat a largement ouvert la voie au projet de loi par le biais, tout d'abord, des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale de 2000, dont le rapport intitulé Prisons : une humiliation pour la République a, je crois, contribué à réveiller les consciences et, ensuite, de la proposition de loi sénatoriale relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons adoptée ici, en 2001, à l'unanimité.
Bien entendu, le Sénat n'a pas plaidé seul en ce sens. Il faut saluer la contribution majeure de la mission conduite par M. Guy Canivet, alors Premier président de la Cour de cassation, sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, ainsi que les travaux de l'Assemblée nationale réalisés sous l'égide de notre collègue, Louis Mermaz.
Ce projet de loi s'inscrit donc dans un climat très consensuel, même si certains médias font croire le contraire. Certes, des débats peuvent s'engager sur certains points du projet de loi, mais, en l'espèce, on ne peut pas ne pas parler de consensus, au moins au sein de notre assemblée.
L'instauration d'un contrôle extérieur répond à quatre exigences.
D'abord, je veux le souligner avant tout, la privation de la liberté d'aller et de venir ne doit jamais porter atteinte au respect de la dignité de la personne, qui est l'une des valeurs essentielles de nos sociétés démocratiques. Le contrôle extérieur apparaît, à cet égard, comme une garantie pour prévenir les abus que peut éventuellement favoriser un milieu clos.
Ensuite, le contrôle extérieur est aussi une nécessité pour les administrations chargées des lieux de privation de liberté. Ces administrations et leurs personnels, comme nous en ont convaincu les nombreuses personnes entendues, attendent d'un contrôle extérieur qu'il dissipe les suspicions qui s'attachent, par principe, aux yeux de l'opinion publique, aux lieux d'enfermement. Ces doutes sont le plus souvent injustes, si l'on considère les progrès réels accomplis, au cours de ces dernières années, pour humaniser les conditions de détention dans les prisons.
Un contrôle extérieur permettra aussi de prendre la mesure des efforts et du dévouement des personnels auxquels, moi aussi, je souhaite rendre ici un hommage mérité.
Le contrôle extérieur est également une exigence non pas parce que les lieux d'enfermement seraient soustraits à tout contrôle mais, au contraire, parce qu'ils sont soumis à des contrôles, dont la multiplicité conduit à une certaine déresponsabilisation. Fragmentés et parfois bien théoriques, ces contrôles ne donnent pas vraiment satisfaction.
Ces insuffisances justifient donc pleinement la mise en place d'un contrôle unifié et cohérent.
La dernière exigence à laquelle répond le contrôle extérieur est une exigence internationale.
Le protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture, que la France a signé le 16 septembre 2005 et qu'elle devrait ratifier avant la fin du premier semestre 2008, prévoit la mise en place d'un mécanisme national de prévention indépendant chargé d'examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté.
Plusieurs de nos voisins ont déjà institué le dispositif de contrôle prescrit par le protocole facultatif, ou sont en voie de le faire. Notre pays ne saurait donc rester à l'écart de ce mouvement.
Aux termes du protocole facultatif, le contrôle extérieur doit porter sur l'ensemble des lieux de privation de liberté. Cette extension nous paraît très opportune, car les lieux d'enfermement soulèvent une problématique commune au regard du respect des libertés et de la dignité des personnes.
Madame le garde des sceaux, vous avez présenté l'économie générale du dispositif qui nous est proposé ; je n'y reviens donc pas.
La commission des finances a approuvé le choix d'instituer une fonction de contrôle spécifique, unifiée et indépendante. Aurait-il fallu rattacher cette fonction au Médiateur de la République, comme l'avait d'abord envisagé le précédent gouvernement ? Nous avons bien sûr longuement discuté de cette option au sein de notre commission, et nous en débattrons de nouveau à l'occasion de l'examen des amendements.
Toutefois, nous pensons qu'il est préférable de confier la fonction de contrôle à une autorité spécifique, et ce choix ne procède évidemment pas d'une quelconque défiance à l'égard du Médiateur. Bien au contraire ! Jean-Paul Delevoye, l'actuel Médiateur de la République, a accompli un travail exemplaire dans les prisons, en développant, en accord avec l'administration pénitentiaire, l'action des délégués du Médiateur dans les prisons. Simplement - et tel est le cas en Grande-Bretagne - le travail de médiation est différent de celui du contrôle.
Le Médiateur de la République lui-même évoque l'« obligation de séparation stricte des deux missions ». Une grande majorité des personnalités que nous avons entendues, en particulier le représentant du Conseil de l'Europe, ont plaidé pour la mise en place d'une fonction de contrôle spécifique et autonome. Tel était d'ailleurs l'esprit des recommandations de la mission présidée par M. Guy Canivet et le principe retenu par la proposition de loi sénatoriale. Sans doute, notre position aurait-elle été différente si la France disposait, sur le modèle de certains pays scandinaves, d'un véritable « ombudsman »,...
M. Robert Badinter. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... sous l'autorité duquel les deux fonctions de contrôle et de médiation auraient pu être réunies.
M. Robert Badinter. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais, en l'état du droit, le rattachement de la fonction de contrôle au Médiateur serait, de l'avis de la commission, source de confusion.
Cette nouvelle autorité, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, la commission des finances s'est efforcée, par les amendements qu'elle vous proposera d'adopter, d'en conforter l'indépendance et l'autorité. Elle s'est inspirée en particulier des recommandations formulées dans le rapport fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation par notre éminent collègue Patrice Gélard sur les autorités administratives indépendantes.
Avant de conclure, je souhaite formuler trois observations.
Tout d'abord, la commission s'est montrée très attentive à l'indispensable cohérence des contrôles.
En premier lieu, l'institution du contrôleur général ne met nullement en cause les prérogatives de l'autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles. Il faut espérer qu'elle pourra assurer de manière plus effective la mission de contrôle qui lui est reconnue.
Lors des travaux de la commission d'enquête sur les prisons, nous avons constaté que ces contrôles, qui sont pourtant prévus par le code de procédure pénale, n'étaient pas effectués. En outre, un procureur général nous a indiqué qu'il avait le sentiment que tous les rapports dans lesquels il recensait les observations des juges de l'application des peines restaient dans un placard. (Sourires.) Dans l'administration, les rapports resteraient dans des placards ? Non, cela n'est pas possible et c'est sans doute la raison pour laquelle on en demande toujours autant ! (Nouveaux sourires.)
Par rapport au rôle confié aux juges, l'apport du contrôleur général est de permettre une action préventive qui n'existe pas réellement aujourd'hui.
Par ailleurs, l'articulation avec les autres autorités administratives indépendantes ne devrait pas soulever de difficultés de fond dans la mesure où chacune assume une fonction spécifique.
La commission vous présentera un amendement permettant la saisine du contrôleur général par les autres autorités administratives indépendantes qui peuvent avoir connaissance de situations de personnes placées dans des lieux de privation de liberté, afin d'harmoniser l'action de chacune de ces autorités dans le respect de leurs compétences respectives.
La question se pose cependant du maintien de certains organismes ou commissions administratives dont le rôle « doublonne » celui qui est confié au contrôleur général. Quel sera en particulier le sort de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente, la CRAZA ? Je tiens à saluer le travail qui a été accompli grâce à cette commission, sur l'initiative de son président, et ce en dépit de la modestie des moyens qui lui sont alloués. Cependant, ses attributions apparaissent pour une très large part redondantes avec celles qui sont dévolues au contrôleur général. Dans la mesure où les dispositions constitutives de cette commission présentent un caractère réglementaire, il appartiendra au Gouvernement de décider de son avenir. Madame le garde des sceaux, peut-être pourrez-vous nous donner quelques indications sur ce point.
En tout état de cause, il sera utile d'évaluer et, le cas échéant, de revoir les dispositifs de contrôle à la suite de l'institution du contrôleur général.
Ensuite, madame le garde des sceaux, la commission des lois souhaite attirer votre attention sur les moyens dévolus au contrôleur général, qui exercera sa mission sur quelque 5 500 locaux. Même s'il est vrai que l'on ne passe pas le même temps à contrôler une brigade de gendarmerie et un grand établissement pénitentiaire, car les problèmes sont de nature différente, il lui faudra impérativement disposer des ressources humaines et matérielles nécessaires à l'accomplissement de cette tâche.
À titre indicatif, l'inspecteur en chef des prisons d'Angleterre, dont le rôle apparaît comparable à celui du contrôleur général, compte une équipe d'une quarantaine de personnes pour visiter cent trente-neuf établissements.
Enfin, ma dernière observation portera sur le pouvoir d'action du contrôleur général. Certains souhaitent lui conférer un pouvoir d'injonction. Or, le pouvoir d'injonction n'est cependant pas toujours synonyme d'efficacité. Il peut susciter un réflexe de défense des administrations et le repli sur certains corporatismes. L'expérience témoigne à l'inverse que le dialogue et la persuasion peuvent, dans le cadre d'une démarche d'investigation, obtenir de réels résultats. Vous l'avez rappelé, madame le garde de sceaux et, de ce point de vue, l'exemple de la Grande Bretagne est particulièrement pertinent.
L'autorité du contrôleur général se bâtira non pas contre les administrations, mais avec elles, dans une relation de confiance.
À la lumière de ces observations, on mesure mieux l'importance que revêtira le choix de la personnalité appelée à assurer ces fonctions. Le magistère moral que devra exercer le contrôleur général implique à l'évidence une expérience et une compétence incontestées.
La représentation nationale est appelée à se prononcer sur un projet qui répond à un voeu très largement partagé sur l'ensemble de nos travées. Je ne doute pas que cet esprit de consensus nous animera dans notre débat et nous permettra de parfaire un projet de loi destiné à nous réunir et non à nous diviser. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, ce texte vient en discussion au Sénat alors que l'examen du projet de loi sur la récidive et l'adoption, récente, de textes à caractère répressif replacent la question des conditions de détention en France au coeur des débats.
L'absence de grâce collective du 14 juillet s'inscrit également dans ce cadre. S'ajoute à ce contexte un fait malheureusement incontestable, à savoir que les prisons, en France, sont surpeuplées. Pour environ 50 000 places opérationnelles, on comptabilise plus de 60 000 personnes écrouées. Dans bien des cas, la vétusté et l'insalubrité des prisons rendent les conditions de détention intolérables, même si le personnel pénitentiaire s'efforce de bien faire fonctionner nos lieux de détention.
Depuis déjà quelques années, de nombreux rapports ont souligné cette situation. Je n'en citerai que deux : le rapport de Guy Canivet, alors Premier président de la Cour de cassation, dont les conclusions ont été publiées en mars 2000, et celui de Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois du Sénat et rapporteur du présent texte, qui a été publié en juin 2000 à la suite de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France.
Madame le garde des sceaux, devant l'urgence de la situation, vous avez été amenée à installer, le 11 juillet dernier, un comité d'orientation restreint en vue de l'élaboration d'un projet de loi pénitentiaire que vous entendez présenter à l'automne.
Mais, avant d'attaquer ce vaste et indispensable travail législatif, vous nous proposez aujourd'hui d'adopter la création d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Bien entendu, nous souscrivons pleinement à cette initiative, et ce pour deux raisons essentielles.
D'abord, elle permet à la France de se mettre en conformité avec des textes européens et internationaux, en particulier avec le protocole facultatif additionnel à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé par la France le 16 septembre 2005. À cet égard, il faut regretter que notre pays soit l'un des derniers États signataires à ne pas avoir ratifié ce texte.
Ensuite, ce texte reprend les conclusions du rapport Canivet qui proposait en particulier la création d'un « contrôle général des prisons » indépendant, confié à un contrôleur général assisté d'un corps de « contrôleurs des prisons ».
Nous sommes d'autant plus satisfaits que cette idée avait fait l'objet d'une proposition de loi que M. le président de commission des lois, aujourd'hui rapporteur de ce texte, avait présentée et que le Sénat avait adoptée en avril 2001.
L'objet du présent projet de loi est plus large puisque, outre les établissements pénitentiaires, le contrôleur peut visiter l'ensemble des lieux de privation de liberté. Sont donc également concernés les centres de rétention administrative, les lieux de garde à vue, les dépôts des palais de justice, en tout plus de 5 000 lieux. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Avec ce projet de loi, on pose donc la première pierre d'un vaste édifice qui abordera la problématique des prisons dans son ensemble. On ose enfin ouvrir les portes des prisons et regarder ce que vous avez appelé, monsieur le président de la commission, « une humiliation pour la République ».
Ce texte soulève cependant quelques réserves et appelle quelques explications qui feront l'objet soit d'amendements, soit de demandes de précisions que les différentes personnalités entendues par la commission des lois ont évoquées.
En premier lieu, la procédure de désignation ne nous semble pas satisfaisante au regard de la nécessité de nommer dans cette éminente fonction une personnalité dont l'autorité morale et l'indépendance ne sont pas contestées. Nous proposerons donc de compléter le dispositif en précisant que le décret nommant le contrôleur général est pris en Conseil des ministres, après avis des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cet amendement s'inscrit d'ailleurs dans la droite ligne de ce que souhaite le Président de la République dans le cadre de la réforme des institutions.
Ensuite, nous nourrissons quelques doutes et interrogations sur les dispositions liées aux pouvoirs du contrôleur. D'une manière générale, le dispositif encadre ses interventions de manière excessive, avec le risque de pouvoir limiter trop facilement ses pouvoirs et son influence.
D'abord, nous souhaitons supprimer les alinéas qui prévoient que le contrôleur doit prévenir les responsables des lieux visités avant son intervention, sauf dans certains cas particuliers. Or on ne sait pas très bien ce que vise cette expression. Il nous semble que cette condition risque de limiter l'intérêt des contrôles. C'est pourquoi, comme cela avait été voté en 2001 par le Sénat, nous proposerons de modifier ce système en inversant tout simplement sa logique : la visite inopinée deviendrait la règle, même si l'on peut penser que, par correction, dans la plupart des cas, le contrôleur annoncera sa visite.
Un autre point d'inquiétude a trait aux règles relatives au secret. La crainte est qu'en se retranchant derrière le texte dans sa rédaction actuelle on puisse trop facilement opposer au contrôleur général le secret de la défense nationale, le secret de l'enquête et de l'instruction ou l'atteinte à la sécurité des lieux et limiter ainsi ses investigations. C'est pourquoi nous vous proposerons là aussi d'inverser la logique du dispositif : les responsables des établissements ne pourraient plus opposer le secret au contrôleur et c'est le contrôleur lui-même, ainsi que ses collaborateurs, qui serait tenu de respecter le secret de la défense nationale, le secret de l'enquête et de l'instruction ou le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.
S'agissant des prérogatives attribuées au contrôleur général, nous nous étonnons du peu de cas qui est fait des relations entre ce dernier et les responsables des lieux visités. Il doit, nous semble-t-il, être expressément fait mention de son droit de communiquer ses observations et ses recommandations aux chefs d'établissement.
En contrepartie, afin que ces observations soient réellement utiles, nous proposerons que les responsables des lieux visités répondent au contrôleur en indiquant quelles mesures ils entendent prendre au regard de ses observations. Ce dispositif ne constitue pas une innovation, il existe dans de nombreux systèmes de contrôle.
Le contrôleur général doit également pouvoir informer d'autres autorités telles que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, le Défenseur des enfants ou la Commission nationale de déontologie pour la sécurité, la CNDS, lorsqu'il a connaissance de faits qui lui semblent justifier leur saisine. Le rapporteur proposera un amendement spécifiant que le contrôleur peut saisir la CNDS, mais il nous semble opportun qu'il puisse également saisir la HALDE et le Défenseur des enfants.
Enfin, nous proposerons de reprendre, comme le rapporteur, une des dispositions votées en 2001, à savoir que le contrôleur général porte sans délai à la connaissance du procureur de la République les faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale.
Parallèlement, le contrôleur général doit pouvoir porter sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites de ce type.
Parallèlement à ces amendements que nous présenterons au nom du groupe de l'UC-UDF, je souhaite, madame le garde des sceaux, que vous m'apportiez une précision.
L'article 5 du projet de loi dispose que « toute personne morale » dont « l'objet est le respect des droits fondamentaux » peut s'adresser au contrôleur général. Cette expression me semble assez vague et peu usitée dans notre ordonnancement juridique actuel. Je souhaite donc savoir précisément qui peut, ou ne peut pas, saisir le contrôleur général des lieux privatifs de liberté. Il semble, à la lecture du projet de loi, que toute personne physique puisse le saisir.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !
M. Yves Détraigne. Ce point mérite donc une explication.
Je terminerai mon intervention par quelques réflexions.
D'abord, comme de nombreuses personnes entendues l'ont souligné, et M. le rapporteur vient lui-même de le rappeler, de nombreux textes prévoient déjà des contrôles et des inspections sur les conditions de détention. Ainsi, des services d'inspection doivent notamment s'assurer du respect des normes d'hygiène et de sécurité, une commission de surveillance, présidée par le préfet et rassemblant des élus, des magistrats, des fonctionnaires et des membres d'associations, doit se réunir régulièrement, certains magistrats doivent - ou devraient - visiter les établissements pénitentiaires de leur ressort et établir des rapports.
Il existe donc déjà de nombreux contrôles, même s'ils sont parfois oubliés.
Il devrait donc, me semble-t-il, y avoir un nécessaire travail de toilettage et de mise en cohérence des différents types de contrôles existants.
La commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires avait déjà dressé un constat sévère à propos des contrôles qui sont actuellement réalisés dans les établissements pénitentiaires. Voici un extrait de son rapport : « Au terme des travaux de la commission, il apparaît que les contrôles prévus sont nombreux, variés, mais qu'ils sont à peu près dépourvus d'effets, soit parce qu'ils ne sont pas exercés, soit parce qu'ils sont exercés de manière trop formelle, soit encore parce que l'habitude a été prise de faire preuve de beaucoup moins de rigueur - notamment en ce qui concerne l'hygiène et la sécurité - dans le contrôle des établissements pénitentiaires que dans celui des autres établissements recevant du public. Le bilan en matière de contrôles est clairement accablant ».
Il est évident qu'on ne peut rester indifférent à de tels propos, et c'est le moment d'en tirer les conséquences.
Je souhaite également attirer l'attention sur la nécessité d'établir un droit applicable dans les lieux privatifs de liberté. Le Premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet, avait insisté sur cet aspect, s'agissant notamment des prisons. Je le cite : « L'instauration d'un contrôle dans les prisons implique donc un inventaire du droit applicable dans ces lieux, particulièrement pour une institution telle que l'administration pénitentiaire dans laquelle le droit occupe une place déterminante parce qu'elle met en oeuvre la contrainte étatique. (...)
« Le droit de la prison révèle certaines carences. Ainsi, il comprend essentiellement des règlements et un droit subordonné, composé de circulaires, mais aussi de règlements intérieurs variables entre les établissements, alors que la reconnaissance au détenu d'un statut de citoyen aurait commandé une intervention législative pour régir ses rapports à l'administration. (...)
« En prison comme ailleurs, les droits doivent être « concrets et effectifs ». Or les nombreux constats ou auditions ont montré que, du fait de leur isolement et de la diversité des cultures, les détenus n'ont pas un égal accès au droit, identique à tout citoyen, ne pouvant trouver une personne indépendante pour obtenir une réponse à leurs questions ou une solution à leur litige. »
Il y a, là aussi, matière à nourrir la réflexion, dans la perspective de la réforme pénitentiaire qui s'annonce.
Enfin, pour conclure, j'insisterai sur la nécessité d'un effort budgétaire substantiel pour cette nouvelle institution et pour les lieux de détention en général. Ce n'est pas la peine de se donner bonne conscience s'il n'y a pas de moyens ! On le sait, cette question est cruciale.
Si le contrôleur général n'a pas de moyens suffisants, notamment pour assurer le recrutement de ses collaborateurs, il y a peu de chances pour que l'institution d'un contrôle extérieur et indépendant ait une réelle efficacité.
À cet égard, j'ouvrirai une parenthèse concernant les contrôleurs qui seront recrutés par le contrôleur général. Selon moi, il est très important que le recrutement s'attache à diversifier les compétences, compte tenu de la variété des situations et, surtout, des domaines sur lesquels le contrôleur général pourra porter son regard. Il est nécessaire que celui-ci ait les moyens d'avoir une vision très large du contrôle qu'il aura à effectuer.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments de réflexion que je voulais apporter à notre débat. Il y aurait évidemment beaucoup d'autres choses à dire, notamment sur l'état de nos prisons et la nécessité d'améliorer les conditions d'hygiène, d'adapter la formation des personnels ou de permettre aux détenus d'avoir accès sans difficulté à des formations ou à des soins. L'examen d'un projet de loi pénitentiaire, que vous nous avez annoncé, madame le garde des sceaux, sera l'occasion de revenir sur ces sujets majeurs.
Vous avez choisi aujourd'hui de circonscrire la question des prisons à celle de leur contrôle. Même si ce choix ne couvre qu'une partie de la problématique, je crois que nous ne pouvons que saluer une telle initiative, qui était attendue depuis longtemps. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Madame le garde des sceaux, vous déclariez très récemment devant le tribunal de grande instance de Bobigny : « La justice ne peut être ferme si elle n'est pas humaine. Une justice humaine, c'est aussi une justice qui respecte totalement ceux qui sont condamnés. » Comment pourrions-nous ne pas souscrire pleinement à cette affirmation ?
Après avoir examiné le projet de loi visant à instaurer des peines minimales pour les récidivistes, nous sommes aujourd'hui saisis d'un texte qui institue, conformément aux engagements du Président de la République, un contrôleur général indépendant des lieux privatifs de liberté.
Ces deux projets de loi, loin d'être antinomiques, constituent les fondements d'une justice que vous souhaitez, à juste titre, à la fois ferme, lisible et humaine.
Si la fermeté à l'égard des délinquants et des récidivistes est une nécessité, et si notre arsenal juridique devait être renforcé afin de nous prémunir contre des cas de récidive parfois très graves, il convient, toutefois, de respecter pleinement les droits fondamentaux des personnes privées de liberté.
La sanction doit être sévère, lorsque la gravité de l'acte commis l'exige, parce que le comportement de l'auteur de l'acte incriminé le nécessite. Pour autant, une justice se doit de toujours garder un visage humain. Une justice humaine, c'est une justice qui reste attentive non seulement aux victimes, mais aussi à la situation des condamnés. C'est une justice soucieuse du respect dû aux personnes. La volonté d'améliorer l'efficacité de notre justice ne peut pas se faire au détriment des principes fondamentaux de notre droit. L'emprisonnement doit toujours s'effectuer dans des conditions qui s'accordent avec le respect des personnes.
La privation de liberté ne signifie en aucun cas privation de l'accès au droit. La justice doit savoir concilier une exigence d'efficacité et de fermeté et le respect des libertés individuelles. Il importe d'assurer un juste équilibre entre ces différents objectifs.
Aujourd'hui, notre assemblée a toutes les raisons de se réjouir que la justice, placée sous votre autorité, madame le garde des sceaux, soit l'un des grands chantiers ouverts par le Gouvernement au début de cette nouvelle législature. Comme cela vient d'être rappelé, c'est avec constance, et ce depuis de nombreuses années, que le Sénat accorde une attention toute particulière au fonctionnement de la justice.
Voilà sept ans, le Sénat décidait la création d'une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Son président et son rapporteur étaient respectivement notre éminent président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, et notre ancien collègue Guy-Pierre Cabanel. Dans son rapport d'enquête, la commission soulignait la nécessité absolue d'améliorer sans attendre les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Sa conclusion était sans appel : « Il y a urgence... Il y a urgence depuis deux cents ans ». (M. le rapporteur acquiesce.)
La commission d'enquête dressait également un constat sévère à propos des contrôles exercés dans les établissements pénitentiaires et estimait indispensable que « la France se dote d'un organe de contrôle externe des établissements pénitentiaires ». Ainsi, en avril 2001, soucieux de répondre aux critiques adressées au système pénitentiaire français, le Sénat adoptait une proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel, qui visait à mettre en oeuvre sans attendre les propositions de la commission d'enquête relevant du domaine de la loi.
L'objectif de ce texte était double. Il s'agissait d'améliorer sans délai les conditions de détention et de créer un contrôleur général des prisons doté de larges pouvoirs d'investigation. Le Sénat apportait déjà des solutions législatives à une préoccupation récurrente.
Certes, cela vient d'être rappelé, les prisons font l'objet de plusieurs contrôles - je dirais même d'une multiplicité de contrôles -, mais ce système n'est absolument pas satisfaisant.
Quel est l'état actuel du droit ?
Tout d'abord, la loi fait obligation aux magistrats du parquet, aux juges de l'application des peines, aux juges d'instruction, aux juges des enfants et aux présidents des chambres de l'instruction de visiter régulièrement les établissements pénitentiaires, afin de contrôler les conditions de détention des personnes dont ils ont la charge.
Dans chaque établissement, une commission de surveillance placée sous la présidence du préfet du département contrôle le fonctionnement de l'établissement et peut communiquer ses observations au ministre de la justice.
Les prisons sont soumises au contrôle de l'inspection des services pénitentiaires et, plus largement, à celui de l'inspection générale des services judiciaires.
Depuis la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, les députés et les sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment les établissements pénitentiaires de leur choix. Ils peuvent aussi saisir, sur la base de la dénonciation d'un fait précis, la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Celle-ci peut ensuite formuler des recommandations qui font l'objet d'une publication. J'oublie certainement dans cette liste un certain nombre d'autres dispositifs !
Ces modalités d'un contrôle atomisé présentent, dans les faits, certaines limites. Les contrôles apparaissent souvent trop ponctuels, s'agissant par exemple de la saisine de la commission nationale de déontologie de la sécurité. Ils sont parfois - il faut bien le dire ! - dépourvus d'effectivité et d'efficacité. Ainsi, dans beaucoup d'établissements, la tenue de la commission de surveillance s'apparente à un exercice formel. Les garanties d'indépendance font également parfois défaut.
Sous l'impulsion du gouvernement précédent, un premier pas a été franchi pour accorder une plus grande attention aux droits des victimes. En mars 2005, madame le garde des sceaux, votre prédécesseur, Pascal Clément, et le Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, ont signé une convention permettant l'expérimentation de l'intervention des délégués du Médiateur de la République dans dix établissements pénitentiaires. Cette expérimentation, qui a été couronnée de succès, a été généralisée en janvier 2007.
En effet, vingt-cinq nouvelles permanences ont été créées dans les établissements pénitentiaires de plus de 300 détenus, parmi lesquels figure la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, situé dans mon département, qui est, avec 3 500 détenus, le plus grand établissement pénitentiaire de France.
Le bilan de l'expérimentation s'est donc avéré particulièrement positif et extrêmement encourageant. La tenue de permanences de délégués dans les prisons a rendu l'institution accessible et a permis de répondre à un réel besoin, puisque le nombre annuel de saisines du Médiateur de la République est de l'ordre de 700.
L'intervention des délégués s'est avérée efficace, puisqu'elle a permis de prendre en compte des litiges qui ne pouvaient être traités par une autre voie. Un tiers des réclamations concernent des litiges opposant des détenus et l'administration pénitentiaire. Il s'agit notamment de demandes de transfert ou de la perte d'effets personnels. L'administration pénitentiaire a pleinement joué le jeu - et c'est tout à fait satisfaisant - en facilitant la tâche des délégués, tout en respectant leur indépendance. D'ailleurs, les directeurs d'établissement n'hésitent pas à dire que la présence du délégué constitue un facteur important de réduction des tensions et de prévention des conflits à l'intérieur des établissements.
Le gouvernement précédent souhaitait que la mission de contrôle des établissements pénitentiaires soit confiée au Médiateur de la République. Votre choix, madame le garde des sceaux, est différent, puisque vous proposez de créer une autorité administrative indépendante chargée de contrôler tous les lieux de privation de liberté. À titre personnel, je m'en félicite, car cela permettra d'éviter un mélange des genres entre la médiation et le contrôle. D'ailleurs, ce mélange des genres était si évident que le Médiateur de la République lui-même prévoyait de bien différencier, au sein de ses services, les deux fonctions, ce qui prouve bien que, en réalité, elles n'ont pas grand-chose à voir l'une avec l'autre. J'aurais d'ailleurs craint que le contrôle du Médiateur de la République ne soit qu'un contrôle de plus, dont nous n'avons pas réellement besoin, comme nous l'avons vu.
Madame le garde des sceaux, ce projet de loi montre clairement la volonté de la France de s'engager pleinement dans un contrôle indépendant, effectif et efficace non seulement des établissements pénitentiaires, mais de l'ensemble des lieux de détention, quelle qu'en soit la nature : les centres hospitaliers spécialisés, les dépôts des palais de justice, les centres de rétention administrative ou toutes les cellules des gendarmeries et des commissariats de police.
Le contrôleur pourra même faire des contrôles inopinés, en tout cas lorsque des circonstances particulières l'exigent. Ne recevant, dans l'exercice de ses attributions, aucune instruction d'aucune autorité, c'est à lui que revient d'apprécier ces circonstances.
Ce projet de loi permet ainsi à notre pays de répondre aux standards européens en la matière et de respecter les stipulations du protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que la France a signé le 16 septembre 2005.
Il ne serait en effet pas normal que la législation d'un grand pays démocratique comme le nôtre ne soit pas en conformité avec les normes européennes.
Je voudrais maintenant dire quelques mots du problème de la surpopulation carcérale, que la commission d'enquête du Sénat sur les prisons avait dénoncée comme « la honte de la République ».
Ce problème majeur perdure malgré les efforts importants et louables consentis ces dernières années par la Chancellerie en matière de constructions immobilières.
Ce sont en effet près de 61 000 détenus, selon l'administration pénitentiaire, qui peuplent actuellement les 188 établissements français, dont la capacité totale est de 51 000 places.
Ainsi, 10 000 détenus supplémentaires sont venus grossir la population carcérale ces cinq dernières années.
Toujours selon l'administration pénitentiaire, 80 000 personnes pourraient être détenues en 2017. Or les prisons, à cet horizon, ne devraient disposer que de 64 000 places.
Ces chiffres sont inquiétants.
La situation des prisons françaises a, en outre, donné lieu à une appréciation sévère de M. Álvaro Gil-Robles, ancien commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, dans le cadre de son rapport sur le respect effectif des droits de l'homme en France, présenté en février 2006 au terme d'une mission conduite du 5 au 21 septembre 2005.
Si je ne peux qu'acquiescer au constat dressé quant à la surpopulation carcérale et à la vétusté de certains établissements pénitentiaires, j'estime en revanche que ce bilan ne tient pas suffisamment compte des évolutions engagées au cours des dernières années dans plusieurs domaines pour améliorer les conditions de détention, en particulier à travers la modernisation des infrastructures pénitentiaires ou l'amélioration de la prise en charge médicale.
Vous ne m'en voudrez pas revenir sur la situation de Fleury-Mérogis, la plus grande prison d'Europe, pour laquelle un programme immobilier de 340 millions d'euros est actuellement en cours. Après une longue période d'abandon incompréhensible de l'entretien de cet établissement, ce programme, lancé en 2004, s'étalera sur plusieurs années. Il permettra la remise en état de 350 cellules qui, malgré la surpopulation carcérale, étaient insalubres et, de ce fait, inoccupées - situation inadmissible et incompréhensible. Heureusement, les choses reviennent dans l'ordre.
Sont encore à réaliser la rénovation de l'ensemble des autres hébergements et la construction d'un nouveau quartier de 120 places dédié aux courtes peines, qui favorisera la réinsertion des détenus.
Il faut poursuivre ces efforts pour améliorer le parc immobilier pénitentiaire français, mais il convient également d'aller plus loin.
Parce qu'il est temps de porter un regard nouveau sur la prison, parce qu'il faut transcrire dans notre ordre juridique interne les règles pénitentiaires européennes, parce qu'il est temps d'accorder toute sa place aux impératifs d'insertion et de réinsertion à la sortie de prison, parce qu'il importe d'assurer un meilleur respect des droits fondamentaux des personnes détenues, la mise en oeuvre rapide d'une profonde réforme du système carcéral est nécessaire et urgente.
À cet égard, nous nous félicitons de la discussion prochaine d'une grande loi pénitentiaire, que nous appelons de nos voeux.
Pour reprendre vos propos, madame la ministre, « ce qui est en jeu, ce sont, d'une part, la sécurité des Français et, d'autre part, la réinsertion des détenus. C'est l'affaire de tous. La fermeté n'exclut pas l'humanité. »
Sachons protéger la société en ne laissant pas s'installer le sentiment d'impunité. Mais sachons également prévenir, éduquer et sanctionner. Sachons aussi favoriser la réinsertion des personnes les plus vulnérables.
Au vu de ces observations, les membres de mon groupe et moi-même, nous réjouissant de son dépôt devant le Sénat, soutiendrons ce projet de loi car il permet de garantir le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le 10 février 2000 était constituée la commission d'enquête sénatoriale sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, présidée par notre collègue Jean-Jacques Hyest. Pour ma part, je dois dire la fierté qui fut la mienne d'avoir été l'un de ses membres tant ses travaux seront remarquables et, il faut bien le dire, très vite remarqués et salués par tous, aussi bien pour la clarté de son diagnostic sans concession que pour l'audace de ses propositions.
En effet, le 29 juin 2000, son excellent rapporteur, le président Guy-Pierre Cabanel, faisait connaître les conclusions de la commission d'enquête et dévoilait ainsi le contenu de son rapport au titre on ne peut plus explicite : Prisons : une humiliation pour la République.
Les travaux de cette commission et l'état des lieux alarmant dressé dans son rapport demeurent d'une très grande actualité et permettent toujours de connaître et de comprendre la situation réelle et dramatique de l'univers carcéral dans notre pays, qui - faut-il le rappeler ? - est aussi celui des droits de l'homme.
Ce rapport fera honneur à notre Haute Assemblée et sera très vite connu sous le nom de « rapport Cabanel ». Si j'osais, je dirais qu'il fut un best-seller de notre littérature parlementaire. Et il demeure encore aujourd'hui, sept ans plus tard, une véritable référence, mieux, une lecture obligée avant toute réforme sérieuse de notre système pénitentiaire.
Alors, madame le garde des sceaux, quand votre projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté a été déposé sur le bureau de notre assemblée, je me suis tout naturellement replongé dans le rapport Cabanel. Voici ce que j'y ai lu à la page 203 de son premier tome : « Le constat accablant dressé par votre commission d'enquête sur la situation des contrôles exercés sur l'administration pénitentiaire exige une réponse énergique et rapide. » Puis, plus loin : « Il apparaît indispensable que la France se dote d'un organe de contrôle externe des établissements pénitentiaires, doté de très larges prérogatives et pouvant effectuer des visites très complètes des établissements. Cet organe pourrait également servir de relais aux recommandations formulées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, dont les visites ne sont pas assez régulières pour qu'un véritable suivi puisse avoir lieu. Les rapports de cet organe de contrôle seraient soumis au Parlement. »
C'était la première fois qu'on évoquait dans notre pays la création d'un contrôleur général.
Démentant une fois de plus les préjugés, qui, décidément, ont la vie très dure, les sénateurs avaient fait preuve d'énergie et de rapidité puisque le 26 avril 2001 ils adoptaient les conclusions modifiées du rapport de la commission des lois, dont j'avais eu l'honneur d'être le rapporteur, sur la proposition de loi déposée le 30 novembre 2000 par Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons.
Mais six ans après son adoption par notre Haute Assemblée, ce texte est hélas ! toujours en attente d'examen sur le bureau de l'Assemblée nationale. On ne saurait toutefois imaginer un seul instant que cela s'explique par un manque d'énergie de la part de nos collègues députés.
La proposition de loi Hyest-Cabanel a pour objet d'instituer un contrôleur général des prisons « chargé de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires ». Celui-ci disposerait de pouvoirs très étendus : droit de visite à tout moment dans les établissements pénitentiaires, droit d'accès à tous les locaux de ces établissements, droit de s'entretenir avec toute personne et d'obtenir toutes les informations nécessaires. En outre, le contrôleur général pourrait proposer au Gouvernement toute modification de nature législative ou réglementaire et établirait chaque année un rapport qui serait rendu public.
On le voit, le texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat en 2001 est très proche, dans le dispositif qu'il vise à mettre en place, de celui que vous nous proposez aujourd'hui, madame le garde des sceaux, à la réserve près que votre texte étend, très opportunément il faut bien le reconnaître, ce même contrôle à tous les lieux de privation de liberté, en ne le limitant pas aux seules prisons, même si celles-ci constituent les lieux où l'impératif d'un contrôle indépendant est le plus urgent.
Dans le cadre de la commission d'enquête sénatoriale de 2000, j'ai pu véritablement prendre la mesure des conditions de détention alarmantes qu'imposent nos établissements pénitentiaires. Depuis lors, je n'ai cessé d'utiliser le droit dont disposent les parlementaires, depuis le 15 juin 2000, de visiter à tout moment les prisons, aussi bien en France métropolitaine qu'en France équinoxiale et, plus précisément, en France d'outre-mer.
De plus, en tant que rapporteur pour avis du budget de l'administration pénitentiaire pendant six ans, mes très nombreuses visites dans les lieux de détention m'ont permis de mesurer combien les choses n'ont pas ou ont trop peu évolué pendant toutes ces années.
Pire ! Je dirais même que mon expérience semble très proche de ce qu'a été celle de la secrétaire d'État à la condition pénitentiaire entre 1974 et 1976, Hélène Dorlhac, expérience qu'elle a racontée dans son ouvrage d'une grande actualité, Changer la prison, où elle évoquait son « voyage au bout de l'enfer ».
De nombreux passages de son livre n'ont perdu aucune actualité quand je les compare à ce que j'ai pu voir ces dernières années.
Par exemple, je pourrais faire miennes ces quelques lignes sur la surpopulation carcérale, véritable problème générateur de bien des risques pour le détenu comme pour la société : « Dans certaines cellules, écrivait Hélène Dorlhac, on trouve quatre ou cinq prisonniers au lieu d'un seul ; de cette promiscuité naît trop souvent la contagion de perversion. Surtout lorsque de nouveaux arrivants, souvent jeunes et délinquants primaires, côtoient les vieux habitués des prisons. La prison reste encore une véritable "école du vice". Une hiérarchie se crée, avec ses "caïds". C'est l'exploitation des plus faibles par les plus rusés [...]. La prison est un microcosme de notre société dont les tares sont exacerbées. » Et elle constatait que « l'on ne refait pas un être social dans un cadre asocial », avant de plaider en faveur d'une « humanisation de la prison qui ne saurait pour autant être synonyme de laxisme ».
Ce principe doit aussi être le nôtre.
Trente ans après ces observations de la secrétaire d'État à la condition pénitentiaire, le 15 février 2006, c'est-à-dire l'année dernière, mes chers collègues, était rendu public le rapport du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe sur le respect effectif des droits de l'homme en France.
C'est d'ailleurs sur la base de ce rapport du commissaire Gil-Robles, et sur l'initiative du président Jacques Pelletier, que nous avions discuté le 11 mai 2006, dans cet hémicycle, une question orale avec débat sur le respect des droits de l'homme dans notre pays.
Faut-il dès lors rappeler qu'à la lecture de ce rapport il apparaît que la plus grande atteinte aux droits de l'homme dans la République française reste - et de très loin - l'intolérable situation de nos prisons ? Le constat dressé en 2006 par le rapport Gil-Robles sur l'état de nos établissements pénitentiaires rejoint malheureusement les conclusions de la commission d'enquête Hyest-Cabanel de 2000.
De la lecture de ces rapports, il ressort que l'institution d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté, et tout particulièrement des prisons, est une excellente initiative qu'il convient de saluer, madame le garde des sceaux. Elle relance ainsi la démarche amorcée par les travaux des sénateurs Hyest et Cabanel.
Les amendements proposés par la commission des lois et résultant de la très fine expertise de notre excellent rapporteur - et pour cause ! - permettront, une fois adoptés, de renforcer davantage le statut, l'autorité et l'indépendance du contrôleur. Je pense par exemple à sa nomination par le Président de la République après consultation du Parlement ou encore à l'élargissement des conditions de sa saisine aux autorités administratives indépendantes comme le Médiateur de la République ou la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, qui, dans le cadre de leurs compétences, sont amenées à connaître la situation de personnes détenues.
Toutefois, l'instauration de cette nouvelle autorité de contrôle ne peut permettre de faire l'économie d'une grande loi pénitentiaire, si souvent repoussée faute de moyens budgétaires mais peut-être plus encore faute d'une forte volonté politique, celle qu'il faut comme préalable pour faire basculer l'opinion publique. De ce point de vue, il y va de la place des prisons dans notre société comme, jadis, de l'abolition de la peine de mort !
Madame le garde des sceaux, la hausse continue de la population carcérale depuis 1980 n'a pas été compensée par la construction d'établissements modernes et dignes d'un État de droit. Elle n'est pas plus compensée par un véritable redéploiement de la population carcérale : malades psychiatriques en établissements de soins spécialisés, détenus âgés en hospices spécialisés, détention provisoire redevenue l'exception comme en dispose la loi, application du bracelet électronique à la détention provisoire, développement important des peines alternatives à l'emprisonnement.
L'enfermement est toujours, depuis 1791, au centre du dispositif judiciaire. C'est la peine majoritairement prononcée. Les centres d'éducation renforcée, le service civil à long terme, la prison à domicile et tant d'autres peines substitutives à l'emprisonnement doivent être expérimentés.
Comme le souligne l'Observatoire international des prisons, l'indignité des prisons françaises provient essentiellement du fait que les détenus sont privés de l'exercice de leurs droits les plus élémentaires. Qu'en est-il de l'arbitraire des commissions de discipline ? De l'isolement de longue durée ? De l'insuffisance draconienne de l'offre de soins psychiatriques, alors que les pathologies mentales sont surreprésentées ?
La construction de nouvelles prisons ne peut être qu'un préalable à une refonte totale de notre politique pénitentiaire et du dispositif judiciaire. Un détenu est volontairement retiré de la place publique pour protéger la société, mais cela ne lui ôte pas sa qualité intrinsèque de personne humaine, ni sa dignité. Se préparer à se réinsérer dans la société une fois sa peine purgée est indissociable du droit légal à la rédemption et à la réhabilitation de tous ceux qui, à un moment ou à un autre, ont enfreint les règles posées par la collectivité.
La France ne peut continuer à entretenir des établissements où se fabrique légalement la désocialisation d'individus et se renforce leur propension au crime. Les dispositifs de surveillance alternatifs à la privation de liberté doivent être développés. C'est déjà le cas du bracelet électronique, initié par notre ancien collègue Guy-Pierre Cabanel, et dont le régime a été récemment renforcé. Favoriser l'aménagement des peines, notamment par l'usage de la libération conditionnelle, me semble également devoir être développé.
M. Jean-Jacques Hyest évoquait déjà il y a six ans la transformation des prisons en asile. Des études ont montré qu'en prison les taux de pathologies psychiatriques sont jusqu'à vingt fois supérieurs à ce qu'ils sont dans la population générale. Or il n'existe que quelques centaines de places en unités pour malades difficiles, souvent détournées de leur finalité. Ce chiffre est évidemment insuffisant. Et, sur ce sujet, je me réjouis de l'amendement de notre rapporteur, M. Hyest, au présent projet de loi, qui vise à étendre le champ du contrôle à l'ensemble des établissements psychiatriques, y compris ceux qui sont sous statut privé.
Madame le garde des sceaux, l'intervention du Médiateur de la République dans le système pénitentiaire a également été renforcée le 25 janvier dernier, avec la signature d'une convention entre le Médiateur de la République et le garde des sceaux pour généraliser l'intervention des délégués du Médiateur dans les établissements pénitentiaires, garantissant un meilleur accès au droit pour l'ensemble des détenus et renforçant ainsi la mission du Médiateur auprès d'un public spécifique.
En plaçant ainsi le Médiateur à l'écoute des personnes détenues dans le but de faciliter le règlement amiable des différends qui peuvent les opposer aux administrations, on facilite leur réinsertion. Ce dispositif, qui doit être maintenu et réaffirmé, ne pourrait-il pas être renforcé dans le projet de loi en gestation à la Chancellerie ? Faciliter l'intervention des délégués du Médiateur dans les prisons me semble primordial.
Le grand chantier pénitentiaire s'ouvre de nouveau avec le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante imaginée en France dès 2000 par les sénateurs Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel. Et c'est pourquoi, sous le contrôle du président de la commission des lois, je me permets de suggérer le nom de M. Guy-Pierre Cabanel pour occuper le premier poste de contrôleur général.
Ce texte constitue donc une première étape qui laisse présager une réelle volonté politique du Gouvernement d'agir et d'en finir avec une très grave humiliation pour notre République. Parce qu'« une société, disait Albert Camus, se juge à l'état de ses prisons », préparons au plus vite et tous ensemble une grande loi pénitentiaire qui mette enfin nos actes citoyens et politiques en accord avec nos principes philosophiques et juridiques. C'est la raison pour laquelle, dans sa grande majorité, le groupe du RDSE soutiendra votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il aura donc fallu attendre sept ans et une session extraordinaire du Parlement en plein coeur de l'été pour voir enfin apparaître l'institution d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté, que les membres de mon groupe et moi-même appelions de nos voeux depuis si longtemps.
Permettez-moi de rappeler très brièvement - M. le rapporteur l'a déjà fait dans le détail - le cheminement de cette idée, qui n'est pas nouvelle, de créer un contrôleur extérieur, cantonné initialement aux seuls établissements pénitentiaires.
Cette idée a vraiment émergé en 2000, à un moment où la question pénitentiaire était sur le devant la scène et où plusieurs rapports importants étaient publiés, mettant en évidence à la fois les conditions indignes de détention en France et la nécessité d'améliorer le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. Je pense ici en particulier au fameux rapport Canivet ainsi qu'aux deux rapports d'enquête parlementaire sur les prisons publiés respectivement par le Sénat et par l'Assemblée nationale.
Dans la continuité des travaux du Sénat, nos collègues Hyest et Cabanel ont déposé une proposition de loi relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons. Malheureusement, et cela a été dit, ce texte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et est donc resté lettre morte.
Les sénateurs du groupe CRC - singulièrement par la voix de mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat - n'ont pas manqué une occasion de déposer, sous forme d'amendements, une proposition visant à créer ce contrôleur général, hélas ! sans succès.
Nous sommes donc bien évidemment favorables au principe d'instaurer un contrôleur général dans tous les lieux de privation de liberté, conformément à l'engagement pris par la France le 16 septembre 2005 auprès des Nations unies de créer un mécanisme national de prévention des traitements inhumains et dégradants.
Toutefois, concernant les modalités de sa mise en oeuvre, nous avons certaines critiques à formuler sur le dispositif tel qu'il a été retenu par le Gouvernement, et nous présenterons par conséquent des amendements afin d'améliorer ce texte et de le rendre plus efficace.
Car le dispositif qui nous est proposé aujourd'hui est un texte a minima. En effet, il est en deçà des propositions issues du rapport Canivet, en deçà de la proposition de loi de nos collègues Hyest et Cabanel adoptée au Sénat en 2001, en deçà du protocole facultatif de 2002 signé par la France en 2005, en deçà de certains dispositifs mis en place chez nos voisins européens - je pense ici plus particulièrement à la Grande-Bretagne -, ou encore en deçà du système en place s'agissant du Médiateur de la République.
De nombreuses organisations - associations et organisations syndicales - ont également fait connaître publiquement leurs critiques à l'égard du dispositif retenu.
Pour être effectif, le contrôle des lieux privatifs de liberté doit répondre à certains critères qui sont actuellement absents du présent texte.
Il faut en effet que cette structure de contrôle soit une autorité indépendante et incontestable. Pour ce faire, il faut tout d'abord qu'elle soit impartiale, et indépendante tant sur le plan politique que sur le plan financier.
Les modalités de sa nomination doivent être transparentes et doivent garantir son indépendance, gage de la légitimité de son action. Ce n'est pas ce que prévoit votre texte, qui évoque une nomination par décret simple. Nous proposons donc que le contrôleur soit nommé par décret du Président de la République après avis des commissions compétentes du Parlement. Nous considérons que le Parlement doit pouvoir émettre un avis sur cette nomination, comme c'est d'ailleurs le cas dans d'autres pays.
Cela est d'autant plus indispensable qu'aucun critère de compétences, de qualification ou encore d'expérience professionnelle n'est précisé dans votre texte alors même que le protocole fait expressément référence aux « compétences et aux connaissances professionnelles ».
Je voudrais insister ici sur le fait que la première personnalité à être nommée dès l'entrée en vigueur de la loi pour exercer les fonctions de contrôleur général sera regardée en France, mais également à l'échelle internationale. Elle va donner le ton quant au rôle et à la place de cette instance de prévention des traitements inhumains en termes d'utilité, de crédibilité, d'efficacité et, bien sûr, d'indépendance.
Cela étant dit, afin de garantir le bon fonctionnement de cette nouvelle autorité de contrôle, il faut lui allouer une dotation en moyens - humains, financiers et matériels - à la hauteur des missions qu'elle devra accomplir, et ce en toute indépendance.
Or le texte n'apporte aucune garantie à ce sujet. Nous considérons, pour notre part, qu'il est indispensable que cette autorité ait un budget propre lui permettant de recruter le personnel nécessaire et de disposer de locaux, conformément à l'article 5 des « principes de Paris » régissant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme. Nous proposons en conséquence de préciser que ses crédits seront inscrits au budget général de l'État, au sein du programme « Coordination du travail gouvernemental ».
De plus, compte tenu de la multiplicité des lieux concernés par les visites du contrôleur - plus de 5 000 -, il est tout aussi nécessaire de lui garantir la possibilité d'un recrutement de contrôleurs et de collaborateurs suffisamment nombreux et spécialisés selon le type de lieux à contrôler.
S'agissant précisément des lieux à contrôler, nous estimons que le champ de compétences dudit contrôleur doit être précisément défini et concerner tous les lieux de détention : tous les établissements pénitentiaires, y compris les centres de semi-liberté et pour peines aménagées, les établissements pénitentiaires pour mineurs, ou EPM, les centres éducatifs fermés, ou CEF, les secteurs psychiatriques des centres hospitaliers, les locaux de garde à vue, les locaux d'arrêt des armées, les centres de rétention administrative, les locaux de rétention administrative dont la création ou la suppression fluctuent en fonction des besoins du moment et, enfin, les zones d'attente.
L'article 6, dans sa rédaction actuelle, précise que les visites concernent le « territoire de la République ». Le contrôleur ne pourra donc pas intervenir, par exemple, dans les cas de privation de liberté par des forces militaires ou des forces de police françaises à l'étranger. J'y reviendrai lorsque je m'exprimerai sur l'article 6, puisque, en application de l'article 40 de la Constitution, l'amendement que j'avais déposé sur ce sujet a été déclaré irrecevable.
Nous proposons par ailleurs d'étendre le champ de compétences du contrôleur - actuellement limité au contrôle des conditions de prise en charge des personnes privées de liberté - à l'état, à l'organisation et au fonctionnement de ces lieux ainsi qu'aux conditions de vie des personnes détenues. Il faudrait également que le contrôleur puisse aider à révéler certaines conditions de travail des personnels, en particulier dans les prisons.
Enfin, il va sans dire que les prérogatives du contrôleur doivent être claires : cette future autorité doit disposer de réels pouvoirs en matière de visites, d'auditions et d'investigations.
Le contrôleur doit avoir un accès total aux dossiers, à tous les lieux de détention, ainsi qu'à tous les équipements et installations les composant. Il doit pouvoir procéder à des visites régulières, mais aussi, et surtout, à des visites inopinées. Ainsi, les visites sans préavis ne doivent pas être limitées aux seuls cas où « des circonstances particulières l'exigent ». Nous proposerons donc de réécrire l'article 6 du projet de loi, article qui, en l'état actuel, ne nous convient pas et ne répond pas aux exigences posées par le protocole.
Le contrôleur doit également disposer de pouvoirs d'injonction à l'encontre des autorités publiques responsables de lieux de privation de liberté, ce que le texte ne prévoit pas.
Nous proposons que le ministre et l'administration compétente soient tenus de rendre compte au contrôleur général, dans un délai fixé par ce dernier, de la suite donnée à ses observations et ses recommandations, qui doivent être, selon nous, rendues systématiquement publiques, tout comme ses avis, ses propositions, ses rapports de visite, etc.
Il est également indispensable à nos yeux de prévoir que, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, le contrôleur ait la possibilité d'enjoindre à l'autorité mise en cause de se conformer à ladite décision dans un délai fixé par lui.
Enfin, il faut regretter qu'aucune articulation ne soit prévue entre le contrôleur et les instances internationales, notamment avec le sous-comité de la prévention. Nous avons déposé un amendement en ce sens.
À l'occasion de la discussion des articles, nous reviendrons plus en détail sur les propositions non exhaustives que je viens d'évoquer et que nous avons reprises sous forme d'amendements. Il va sans dire que notre vote final sur l'ensemble du texte dépendra du sort réservé à ces derniers. Si le texte devait rester en l'état, ou se trouver modifié à la marge, nous nous abstiendrons.
Il ne faut pas oublier le contexte dans lequel intervient ce projet de loi, lequel, de surcroît, ne sera adopté définitivement que cet automne, l'Assemblée nationale n'en étant pas saisie au cours de la présente session extraordinaire.
Ce texte intervient, en effet, alors que, cela a été dit, la situation des prisons françaises est catastrophique : surpopulation carcérale, allongement de la durée des peines, absence de grâce présidentielle - même si cette dernière n'est pas « la » solution aux problèmes que connaissent nos prisons -, multiplication des gardes à vue pour faire du chiffre... Sans parler de la situation dans le secteur psychiatrique, à mettre en perspective avec une éventuelle réforme de l'internement d'office, ou encore de la situation dans les centres de rétention ou les zones d'attente, avec l'augmentation du nombre d'étrangers retenus administrativement du fait des objectifs fixés par le Gouvernement en matière d'expulsions du territoire.
Aussi, compte tenu de la faiblesse des prérogatives de ce contrôleur, de la faiblesse des moyens humains et matériels dont il disposera, de son champ de compétences aux contours très mal définis, je crains fort que ce texte, en l'état, ne serve finalement que de caution au Gouvernement pour continuer, voire amplifier, sa politique sécuritaire.
Le présent projet de loi apparaît donc clairement comme le pendant de la politique répressive du Gouvernement, qui veut, avec l'instauration de ce contrôleur sans réels pouvoirs, se donner bonne conscience. C'est, oserai-je dire, le côté « charitable » du Gouvernement. On peut toujours multiplier les contrôles extérieurs ; cela permet d'éviter de se poser des questions de fond, comme la modification de l'échelle des sanctions pénales.
Ce n'est évidemment pas la future loi pénitentiaire que vous avez annoncée, madame le garde des sceaux, qui, selon nous, inversera la tendance.
Telles sont, mes chers collègues, les remarques que je tenais à formuler sur ce texte visant à instituer un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il s'agit d'une belle idée. Ce texte pourrait, en effet, constituer une réelle avancée en termes de protection des droits fondamentaux de la personne humaine, digne d'un pays comme la France, laquelle est en principe en pointe sur ces questions. Mais si le texte reste en l'état, je crains qu'il ne se révèle in fine décevant. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Patrick Courtois. Mais non !
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je le dis clairement d'emblée, en matière carcérale, s'agissant de la France, je suis un pessimiste actif.
Voilà cinquante-cinq ans que j'ai, pour la première fois, mis les pieds dans la maison d'arrêt de Fresnes, comme avocat stagiaire, venu en mobylette et trempé de pluie. Cela fait trente-cinq ans que je ne cesse de lutter pour l'amélioration des prisons. Je n'ai pas le sentiment que, dans ce domaine, les nombreux efforts que j'ai vus autour de moi, portés par tant de femmes et d'hommes de coeur, aient véritablement abouti à ce que nous souhaitions.
Il y a trop d'exemples de rapports internationaux, trop de constats faits par les commissions parlementaires, pour ne pas s'interroger sur la condition singulière du monde carcéral en France, en dépit de tous les efforts accomplis par les personnels pénitentiaires. Ceux-ci, je tiens toujours à le rappeler, assument, au sein de notre société, une fonction très difficile, dans des conditions souvent pénibles, parfois dangereuses, mais dont la communauté nationale ne leur sait pas suffisamment gré.
Pourquoi ce pessimisme en ce qui concerne la mesure qui nous est soumise ? Il suffit, à cet égard, de prendre le calendrier, car ce n'est pas d'hier que, de toute part, on réclame l'instauration d'un contrôle général des prisons, tant s'en faut !
En 1998 - cela fera bientôt dix ans -, la demande a été formulée, pour la première fois, par l'Observatoire international des prisons, à la suite des événements de Beauvais.
Nous avons eu, depuis lors, de nombreux rapports parlementaires.
Ainsi, en 2001, l'excellent rapport de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, présidée déjà par M. Hyest, intitulé : « Prisons : une humiliation pour la République ».
L'Assemblée nationale, sous la présidence de notre ami M. Mermaz, a également déposé un long rapport à ce sujet, concluant à la nécessité d'instaurer un contrôle général des prisons.
Par ailleurs, à la demande de Mme Guigou, alors ministre de la justice, la mission présidée par M. Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation, a déjà dressé un tableau de la situation et défini les conditions de l'institution d'un contrôleur général des prisons.
Pour autant, les différentes propositions de loi qui ont été déposées, celle de M. Hyest, votée à l'unanimité par le Sénat en 2001, celle de Mme Lebranchu, en 2004, ont-elles prospéré ?
On trouve toujours du temps pour faire une succession de lois sur la récidive, afin d'accroître à coup sûr la surpopulation carcérale, mais jamais pour faire venir devant le Parlement le texte que nous demandions, à savoir une grande loi pénitentiaire, qui réglerait notamment la question du contrôle extérieur - c'est nécessaire - des prisons et, plus généralement, des lieux de détention.
Aujourd'hui, nous sommes enfin saisis de ce texte ! Je souligne l'adverbe « enfin » car cette mesure marque le terme d'une longue attente et elle est consécutive à une pression internationale et aux engagements internationaux pris par la France.
Notre éminent collègue M. Othily, qui consacre, avec beaucoup de coeur, un temps considérable à ces questions pénitentiaires - et on doit l'en remercier ! -, a rappelé que notre pays avait fait l'objet de rapports internationaux extrêmement critiques, d'où l'« humiliation pour la République » évoquée par le rapport du président Hyest.
Je souligne qu'il existe une déclaration, remontant à 1998 - bientôt dix ans ! - du Parlement européen, demandant à tous les États membres de procéder à l'instauration d'un tel contrôle et que, à son tour, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a formulé une telle recommandation en 2004.
En définitive, si nous sommes saisis aujourd'hui par Mme le garde des sceaux - et nous lui en savons gré -, c'est tout de même parce que la France est tenue par des obligations internationales.
En effet, La France a enfin signé, en 2005, le protocole additionnel à la convention des Nations unies de 2002 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La France s'étant engagée à le ratifier avant la fin du premier semestre de 2008, il lui fallait bien instaurer ce contrôle.
Tenue par ses obligations internationales, ayant attendu si longtemps après tant de sollicitations, de demandes provenant de tous les côtés - magistrats, avocats, organisations professionnelles, y compris l'administration pénitentiaire elle-même -, la France envisage enfin d'instituer ce contrôleur général, à compétences étendues.
Certes, nous nous en réjouissons, mais le texte qui nous est présenté avance trop frileusement vers ce que doit être ce contrôle.
Très simplement, quelles sont les conditions pour qu'un tel contrôle soit efficace ?
Condition évidente : l'indépendance de l'autorité administrative indépendante qui exerce le contrôle. Cela est assuré. Mais cette indépendance doit s'accompagner de pouvoirs et d'une saisine larges. Nous aurons l'occasion de faire quelques observations sur cette dernière.
Trois exigences sont essentielles pour que ce contrôleur général puisse effectivement assumer la mission qui lui est impartie, faute de quoi cette instance ne serait qu'un trompe-l'oeil ou un placebo.
C'est donc à la mesure des qualités et des exigences que je vais énumérer que nous saurons si nous sommes en présence de la simple satisfaction formelle à une exigence internationale ou de la volonté politique, réclamée depuis si longtemps, d'instaurer en France un véritable contrôle des lieux de détention, pour en finir avec une situation que nous connaissons tous et qui a été unanimement dénoncée sur toutes les travées tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Il s'agit, en premier lieu, de l'autorité de la personne qui assumera cette haute fonction. À cet égard, si le texte fixe les conditions juridiques de la nomination, il ne formule pas d'exigence, supposant que cela ira de soi et que l'on dépassera le célèbre vers de Voltaire, selon lequel « l'amitié d'un grand homme est un bienfait des dieux ».
Nous en sommes convaincus, mais je préfère, pour ma part, rappeler l'exigence figurant précisément dans la Convention internationale que j'évoquais à l'instant et aux termes de laquelle les membres sont « choisis parmi des personnalités de haute moralité ayant une expérience professionnelle reconnue dans le domaine de l'administration de la justice, en particulier en matière de droit pénal et d'administration pénitentiaire ou policière, ou dans les divers domaines ayant un rapport avec le traitement des personnes privées de liberté ». Telle est la première exigence.
En deuxième lieu, cette personnalité étant nommée par décret du Président de la République, et non pas en Conseil des ministres, ce qui poserait des problèmes de loi organique,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !
M. Robert Badinter. ...il est normal que soit recueilli l'avis préalable des deux commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale, ce qui ne fait qu'anticiper sur la volonté proclamée du Président de la République. Nous ne sommes pas allés jusqu'à l'exigence de l'avis conforme ; la tentation était pourtant là ! Ainsi, le Parlement pourra exercer, non pas son droit de contrôle, mais, à son tour, son droit de participer à la nomination d'une autorité qui aura un tel rôle à jouer au regard des libertés individuelles.
Ce point viendra en discussion tout à l'heure et nous verrons ce qu'il adviendra, y compris en ce qui concerne l'avancée que nous souhaitons et selon laquelle la décision doit être prise à la majorité des trois cinquièmes des membres de la commission, et non pas à la majorité simple.
Par ailleurs, au-delà de l'autorité ainsi attachée, par ses qualités personnelles, son autorité morale et son expérience, au contrôleur, il faut reconnaître à celui-ci des pouvoirs qui lui permettent d'assurer effectivement sa mission. C'est en effet au regard de la détermination de ces pouvoirs que l'on prend la mesure de la vérité de la volonté politique d'assurer ce contrôle externe des lieux de détention.
J'ai évoqué la frilosité du texte sur bien des points, et contre laquelle s'inscrivent déjà des amendements que la commission des lois a déposés. Nous les soutiendrons, nous irons plus loin, la discussion naîtra. Je le dis clairement : le contrôleur doit disposer du pouvoir de se rendre à son gré dans les établissements qu'il doit contrôler. On n'imagine pas qu'il donne un préavis solennel et, comme le réviseur de Gogol, prévienne des mois à l'avance de son arrivée ! Non seulement il doit avoir absolue liberté d'accès, non seulement il doit être sûr de pouvoir s'entretenir librement avec toute personne susceptible de l'éclairer, mais se posera la question difficile, et pourtant importante, de l'accès à tous les documents. Je rappelle que le contrôleur général sera tenu par le secret professionnel - ce qui, on le reconnaîtra, est la moindre des obligations -, mais que l'on ne saurait, à notre sens, lui opposer...
M. Jacques Blanc. ...le secret médical !
M. Robert Badinter. ...quelque secret que ce soit, et même le secret médical.
Je donne simplement un exemple : qu'il y ait allégation, suspicion ou constat de violences subies par un détenu de la part d'un autre détenu ou des personnels pénitentiaires, comment savoir si le fait allégué est exact sinon en se référant d'abord aux documents médicaux qui établissent la réalité des violences subies ? Dire que, au nom du secret médical, ce sera impossible me paraît une erreur, comme ce le serait également dans les établissements psychiatriques s'agissant, par exemple, de l'usage des ceintures de contention.
Dans un tel domaine, le contrôleur doit bénéficier de la plus grande ouverture. Il ne peut pas être question d'un contrôle partiel, limité, contraint du fait d'une autorité qui doit à l'inverse garantir, enfin ! et l'administration de soupçons injustifiés, et les détenus des menaces que parfois ils sentent poindre sur eux, pour ne pas parler de la réalité des violences et des atteintes qu'ils subissent et qui tiennent à la surpopulation carcérale.
Enfin, en troisième lieu, il faut au contrôleur non seulement l'autorité personnelle, non seulement les pouvoirs dont nous déterminerons l'étendue, mais aussi les moyens. Car rien ne relève plus de l'hypocrisie que de faire naître des institutions dépourvues des moyens de réaliser leur mission, comme, hélas ! aujourd'hui la CNIL à juste titre le fait savoir. Il est là de notre devoir de souligner que par exemple en Angleterre, où il existe pour les seules prisons un service compétent, près de quarante contrôleurs sont placés sous les ordres de l'inspecteur général. Cela veut dire pour la France, où le champ d'activité, avec 5 500 lieux à contrôler, est plus large, au moins une soixantaine, peut-être quatre-vingts contrôleurs assistant le contrôleur indépendamment des autres services.
C'est dire qu'il faut un budget, et je souhaiterais, puisque, à cet égard, nous n'avons pas d'information précise, que, au moins dans les grandes lignes, Mme le garde des sceaux nous fasse savoir quel budget prévisionnel a été élaboré pour cette administration, pour ce contrôleur. Car, sinon, encore une fois, nous serions en présence d'un faux-semblant, d'une hypocrisie à laquelle je ne peux pas croire.
Enfin, et je conclurai sur ce point, quand ce contrôleur aura été instauré, ce n'est pas pour autant que la situation des établissements pénitentiaires et des lieux de détention sera transformée. Certes, il veillera à ce qu'il n'y ait pas d'atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine, cela est bien, cela est juste. Par ailleurs, grâce aux recommandations qu'il formulera - et je sais que la direction de l'administration pénitentiaire y est sensible -, il promouvra des réformes que tous souhaitent et soulignera des défauts ou des manques auxquels il doit être remédié. Mais ce n'est pas suffisant ! Tout est à faire encore, et nous attendons avec impatience la grande loi pénitentiaire depuis trop longtemps différée et qui, j'en suis sûr, fera l'objet dans cet hémicycle d'une attention et d'un débat particulièrement soutenus.
Il n'y a pas d'espérance possible d'avoir une condition digne de la France dans les prisons aussi longtemps que ne seront pas respectés trois principes impératifs.
Le premier est que la prison est l'ultime recours, et non la première défense pénale. Car nous savons tous par deux siècles d'expérience que la prison, telle qu'elle est dans sa promiscuité, sa surpopulation et ses conditions, est le foyer de la récidive et l'école du crime. Alors, méfions-nous, ne cédons pas à la tentation du tout-carcéral, refusons autant que nous le pouvons le recours à la prison et espérons que nos magistrats sauront, à cet égard, résister à la pression, parfois, de l'opinion publique.
Le deuxième principe est que celui qui est détenu n'en demeure pas moins un être humain et un citoyen titulaire de tous ses droits fondamentaux - c'est d'ailleurs la raison d'être du contrôle instauré aujourd'hui. Prison, certes ; privation de liberté, certes ; dans quelques cas extrêmes, déchéance de certains droits, certes. Mais tous les autres droits sont siens et, précisément, c'est au contrôleur de veiller à ce qu'ils puissent être respectés et exercés.
Enfin, le troisième principe, trop souvent perdu de vue lui aussi, est que l'on sort toujours, ou presque, de prison et qu'il est du devoir, du premier devoir de l'administration pénitentiaire et, au-delà, de nous tous de faire en sorte que, dans toute la mesure possible, la prison prépare la réinsertion, précisément parce que le prisonnier est appelé à sortir, à regagner la société des femmes et des hommes libres, et qu'il lui faudra bien pouvoir retrouver sa place : la sortie « sèche », on le sait, est toujours désastreuse en termes de récidive, et les aménagements multiples de peine qu'évoquait M. Othily sont là pour y parer.
Je souhaite que ces impératifs soient au coeur de la loi pénitentiaire qui nous sera présentée : à coup sûr, si elle est telle que nous l'espérons, celle-ci marquera un grand progrès par rapport à deux siècles que j'ai trop étudiés de rapports singuliers entre la communauté nationale et ses prisons, rapports qui appellent bien des réflexions dont toutes ne sont pas, croyez-moi, à l'honneur de notre société. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, à bien des égards, le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté dont nous débattons aujourd'hui ne constitue pas un texte comme les autres.
Tout d'abord, il s'insère dans une vaste et exigeante ambition de transformation des conditions de détention afin qu'il ne soit plus jamais porté atteinte à la dignité des personnes et que l'objectif de réinsertion, aussi essentiel pour les délinquants que pour les victimes, s'impose comme une évidente priorité.
Ensuite, cette réforme n'est ni de droite ni de gauche, et, dans cet hémicycle, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous l'attendons tout depuis bien longtemps. Faut-il rappeler que le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, au titre accablant de Prisons : une humiliation pour la République, se terminait par les mots : « Il y a urgence... Il y a urgence depuis deux cents ans » ?
Enfin, nos concitoyens, déjà profondément choqués par la réalité des lieux de détention ou de garde à vue telle qu'elle leur était révélée par des livres comme celui de Véronique Vasseur, Médecin-chef à la prison de la Santé, ou celui du Groupe Mialet, Tous coupables, ont été bouleversés par l'affaire d'Outreau. Plus que jamais, ils ont pris conscience que n'importe qui, fût-il totalement innocent, pouvait être confronté au pire. Même si quelques réponses partielles ont été apportées à leurs préoccupations au début de l'année 2007, ils sont toujours dans l'attente d'une réforme de la justice qui soit à la hauteur de leurs exigences et de leurs espérances.
Il s'agit là d'une « ardente obligation » si l'on veut réconcilier les Français avec leur justice ; elle est d'autant plus nécessaire que ce thème n'a pas occupé dans les campagnes électorales récentes la place importante que nous aurions pu souhaiter.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean-René Lecerf. Bien évidemment, la réconciliation des Français avec les prisons de leur pays relève intégralement de la même problématique.
Dans un premier temps, nous ne pouvons donc qu'exprimer une grande satisfaction à voir se mettre enfin en place un contrôle extérieur non seulement des établissements pénitentiaires, mais de l'ensemble des lieux d'enfermement. Dans les débats qui menèrent à l'adoption par le Sénat, en avril 2001, de la proposition de loi de Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel, notre éminent collègue Robert Badinter déclarait : « Penser, réfléchir, discuter et écrire, nous l'avons fait, c'est le moins que l'on puisse dire ! [...] Il est donc urgent de profiter des conditions favorables et de l'unanimité des volontés politiques pour agir. » Ce qui n'a pas été possible voilà six ans, ni depuis six ans, doit l'être aujourd'hui, je pense que nous serons tous d'accord sur ce point.
Pourtant, je ne perçois pas dans notre assemblée l'engouement, j'allais dire l'enthousiasme que nous serions en droit d'espérer.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est très bien vu !
M. Jean-René Lecerf. Il n'est pas trop tard pour y remédier, et je souhaiterais m'interroger avec vous quelques instants sur les aspects de ce projet de loi qui peuvent donner l'impression d'une réforme a minima, comme si l'administration, jalouse de ses prérogatives, cherchait à cantonner à l'excès le contrôleur général dans sa coquille.
M. Henri de Richemont. Bravo !
M. Jean-René Lecerf. Il en va ainsi, tout d'abord, des conditions de nomination. Je ne considère pas la procédure du décret simple comme satisfaisante. J'entends bien les arguments juridiques de notre excellent rapporteur selon lesquels il n'appartient pas à la loi ordinaire de prévoir que la nomination du contrôleur général procéderait d'un décret en conseil des ministres, cette procédure étant réservée par l'article 13 de la Constitution à la loi organique. Pour autant, il n'est pas très facile d'accepter, et encore moins d'expliquer, que le décret en conseil des ministres soit la procédure pertinente pour la désignation des recteurs ou des préfets, mais s'avère peut-être trop solennelle pour celle du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Elle n'est pas interdite : c'est un décret du Président !
M. Jean-René Lecerf. Mais l'essentiel est ailleurs. Durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy a exprimé sa volonté que les nominations aux plus hautes fonctions de l'État « se fassent sur des critères de compétence et de hauteur de vue, et non pas sur des critères de proximité avec le pouvoir politique en place ».
M. Charles Gautier. C'est bien vrai !
M. Henri de Richemont. Très bien !
M. Jean-René Lecerf. Il ajoutait : « Les candidats à ces nominations seront auditionnés publiquement par le Parlement et celui-ci pourra mettre son veto à leur nomination. »
M. Henri de Richemont. Bravo !
M. Jean-René Lecerf. Nul doute que nous ne soyons ici confrontés à l'une des plus hautes fonctions de l'État. À défaut de pouvoir préjuger la réforme constitutionnelle qui fait actuellement l'objet d'une réflexion, pourquoi ne pas en invoquer l'esprit en associant le Parlement à cette désignation ? Nous renforcerions ainsi l'autorité morale, et donc les chances de succès du contrôleur général, tout en respectant les engagements du chef de l'État.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Henri de Richemont. Parfait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est ce que nous faisons !
M. Jean-René Lecerf. Cet objectif ne semble pas inaccessible en l'état des dispositions constitutionnelles. Je me suis essayé à un amendement en ce sens - mais je le retirerais volontiers au profit de l'amendement de la commission des lois si le Gouvernement voulait bien approuver à tout le moins le principe de ce dernier.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Jean-René Lecerf. De même, je m'inquiète du luxe de précautions, de garanties dont on entoure l'action du contrôleur général : comme si, au moment même de le créer, on redoutait déjà l'éventuel usage de ses pouvoirs.
Mme Bariza Khiari. Évidemment !
M. Jean-René Lecerf. Pardonnez-moi de me laisser aller quelques instants aux charmes de la caricature, mais si, avant toute visite, il doit informer les autorités responsables du lieu de privation de liberté ; si celles-ci peuvent alors s'opposer à cette visite pour des motifs de défense nationale, de sécurité publique ou de troubles sérieux dans l'établissement ; si enfin le caractère secret des informations ou pièces qu'il sollicite peut lui être aisément opposé, quel rôle utile pourra-t-il bien jouer ?
M. Henri de Richemont. Effectivement !
M. Robert Bret. Ce ne sera pas la peine d'avoir un contrôleur général !
M. Jean-René Lecerf. Nous ne créons cette autorité indépendante ni pour satisfaire formellement au protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que la France a signé le 16 septembre 2005 et qui impose la mise en place d'un mécanisme national de prévention dans l'année qui suit sa ratification, ni pour nous donner bonne conscience face à un contrôle extérieur actuel que M. le rapporteur qualifie de « dispersé » et d'« insuffisant ».
Nous la créons pour participer à la transformation qualitative de nos prisons et, au-delà, des lieux de privation de liberté sur le territoire de notre République, afin que ce qui constituait hier une humiliation devienne demain digne de la patrie des droits de l'homme et des principes de 1789. (M. Louis de Broissia applaudit.)
M. Henri de Richemont. Très bien !
M. Jean-René Lecerf. Ne serait-il pas naturel que dans certaines hypothèses très précises, où l'urgence se mêle à l'extrême gravité, où la santé, voire la vie, d'une personne peut se trouver en jeu, le contrôleur général puisse disposer d'un pouvoir d'injonction à l'égard de l'administration ? (Absolument ! sur les travées socialistes.)
Il n'y a là aucune défiance envers l'administration pénitentiaire. Simplement, l'administration ne disposant pas de certaines informations, elle ne peut en tirer d'enseignements. Ainsi, combien de fois a-t-on relevé l'insuffisance, voire la quasi-absence de relations entre les services pénitentiaires et psychiatriques d'un établissement, entre les membres du SMPR, le service médico-psychologique régional, et le personnel pénitentiaire ? Si le contrôleur général dispose d'une information couverte par le secret justifiant, par exemple, une mesure immédiate aussi banale que l'encellulement individuel sur l'heure d'un détenu, va-t-on le priver du droit de l'imposer à l'administration pénitentiaire et prendre le risque d'un drame dont l'actualité des prisons n'est malheureusement pas si avare ?
Enfin, je poserai de nouveau la question de l'opportunité de confier au Médiateur de la République le contrôle extérieur et indépendant des lieux de privation de liberté. J'y étais favorable hier lorsque votre prédécesseur, madame le garde des sceaux, a annoncé la décision du précédent Gouvernement de lui confier ce rôle, je n'ai pas changé d'avis.
De nombreux arguments plaident en faveur de ce choix : la volonté de s'appuyer sur la légitimité acquise et respectée du Médiateur, sa connaissance de l'univers carcéral, son savoir-faire en matière de réformes préventives et les importants pouvoirs dont il dispose déjà en l'état actuel de notre droit. S'y ajoute le souci d'éviter la dispersion des crédits publics, dans la mesure où l'extension des compétences d'une structure existante permettrait de diminuer notablement le coût budgétaire.
Or l'ambition du projet de loi, qui devrait concerner 5 500 lieux privatifs de liberté - 5 788, avez-vous dit, madame le garde des sceaux -, ambition que nous approuvons tous, nécessite la mise à disposition de moyens importants.
Enfin, nous sommes nombreux à déplorer la multiplication à l'infini des autorités indépendantes. Dans le rapport, de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié, notre éminent collègue Patrice Gélard recommande notamment de faire précéder la création de toute nouvelle autorité d'une évaluation afin de déterminer si les compétences qui lui sont confiées ne pourraient pas être exercées par une entité existante. (M. Louis de Broissia applaudit.)
M. Henri de Richemont. Bravo !
M. Jean-René Lecerf. Je n'ignore pas, rassurez-vous, les objections à l'extension des compétences du Médiateur de la République. Elles tiennent, d'une part, à la nécessité de séparer les fonctions de médiation et de contrôle et, d'autre part, au statut même du Médiateur.
Si sa mission portait non seulement sur la médiation, mais également sur le respect des droits de l'homme, s'il accédait aux compétences pleines et entières d'un ombudsman, le débat serait profondément différent.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D'accord.
M. Jean-René Lecerf. Le temps serait venu de s'interroger sur le regroupement dans ce cadre de plusieurs autorités aujourd'hui distinctes, comme la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, le Défenseur des enfants ou la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
J'attire d'ailleurs l'attention sur les risques de télescopage, de confusion, de perte d'énergie et de temps qu'entraînent nécessairement les compétences parfois enchevêtrées de ces diverses autorités, à l'égard des personnes privées de liberté. Je reconnais aussi que la question du Médiateur ne se pose pas de la même manière que les autres points précédemment abordés, dans la mesure où elle touche non pas au fond de la mission du contrôleur général, mais à ses modalités d'exécution.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous ouvrons aujourd'hui un débat parlementaire sur un sujet particulièrement sensible. Avant la fin de cette année, nous le poursuivrons avec l'examen de la loi pénitentiaire qui, j'en suis convaincu, marquera une rupture qualitative avec le passé en redéfinissant le sens de la peine et les missions de l'administration pénitentiaire.
Les conséquences toucheront tant les personnes privées de liberté que le personnel pénitentiaire, car, comme cela avait été dit lors d'un débat en avril 2001, « chaque fois que l'on donne de l'espoir à un détenu, on favorise le travail de ses surveillants ».
Je n'étais pas encore sénateur lorsque ce débat a eu lieu, mais à la lecture du Journal officiel, j'ai été frappé tant par la qualité des interventions que par leur caractère très consensuel. Puissions-nous aujourd'hui faire aussi bien, alors que les chances d'aboutir n'ont jamais été aussi grandes.
Est-il besoin d'ajouter, madame le garde des sceaux, combien nous nous réjouissons - c'est en particulier mon cas - de pouvoir travailler avec vous et ainsi d'améliorer ces réformes, que nous considérons, eu égard à notre conception de la démocratie, comme essentielles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, un consensus se dégage actuellement sur la nécessité de créer une autorité indépendante chargée de contrôler les lieux de détention français. Je me félicite, madame le garde des sceaux, que vous soyez parvenue à inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée un texte que l'on attendait depuis longtemps.
Il est toutefois dommage que la France ne concrétise aujourd'hui ce projet que poussée par ses obligations internationales. La patrie des droits de l'homme apparaît en fait à la traîne des grandes nations et en retard sur l'histoire.
M. Robert Bret. Eh oui !
M. Charles Gautier. Depuis environ vingt ans, le grand public ayant découvert les conditions de détention dans l'univers carcéral, il est devenu moins incongru de vouloir améliorer les conditions de vie des détenus. À cet égard, il nous faut reconnaître et saluer le travail intelligent et patient de l'Observatoire international des prisons.
En revanche, le fait que ce texte soit séparé de celui qui nous est annoncé pour l'automne sur l'ensemble de la situation pénitentiaire nous paraît difficilement compréhensible. Pourquoi ne pas tout régler en même temps ?
De nombreuses initiatives parlementaires ont vu le jour depuis 2001, telles que celles de nos collèges Louis Mermaz et Jean-Jacques Hyest, mais aucune n'a abouti. Des personnalités, devenues ministres depuis, sont intervenues pour dénoncer les conditions de vie dans certains lieux de détention français. Vous ne pouviez donc plus rester insensible à ce sujet, madame le garde des sceaux.
Malheureusement, les solutions proposées sont si diverses qu'il est difficile de parvenir à un consensus. La visite et le contrôle des lieux de privation de liberté comptent au nombre des prérogatives d'une multitude d'organismes et de fonctions.
Cette accumulation de structures spécifiques, sans aucune relation entre elles, demeure pourtant souvent inefficace. En outre, l'administration reste trop souvent muette face à leurs différentes suggestions.
Les autorités judiciaires, comme les parlementaires, ont certes le pouvoir de visiter inopinément un centre de privation de liberté, mais pour quel résultat ? Lors de mes visites des centres de détention de mon département, je n'ai pu que constater, puis interpeller, sans grande conséquence. Le parlementaire dispose plus d'un pouvoir d'information que d'un réel moyen d'action.
Certes, votre texte améliore l'existant puisqu'il crée une autorité administrative indépendante que pourront saisir le Gouvernement et les parlementaires, mais également des personnes physiques, ainsi que les associations ayant pour objet le respect des droits fondamentaux.
L'OIP a toutefois mis un bémol et s'est inquiété de la protection des détenus qui effectueraient eux-mêmes cette démarche. En effet, on sait tous aujourd'hui qu'il n'est pas évident pour un détenu d'émettre des critiques envers l'administration pénitentiaire qui gère son quotidien !
Ce texte fait d'ailleurs l'objet de plusieurs critiques, de la part des auteurs des précédents textes et des acteurs de terrain. Cela n'est pas sans nous rappeler, dans la démarche, le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
Ainsi, le projet de loi que vous nous proposez aujourd'hui, madame le garde des sceaux, ne prévoit qu'un seul contrôleur général. Certes, le texte envisage qu'il pourra avoir des assistants, directement recrutés par lui. Pourtant, leurs compétences et l'étendue de leurs pouvoirs ne sont pas définies. Nous aimerions donc avoir un peu plus de détails sur le dispositif qui sera mis en place, madame le garde des sceaux.
Il est par ailleurs prévu que seul le contrôleur général pourra visiter les lieux de privation de liberté, mais aucune énumération ou précision ne nous est donnée. Certaines questions restent donc en suspens quant aux lieux concernés.
De plus, ce texte concerne bien plus que les quelque deux cents prisons françaises. Il s'appliquera à tous les lieux de privation de liberté, soit près de 6 000, comme cela a été rappelé tout au long de la matinée. Il est donc sûr que certains d'entre eux ne seront jamais visités et que le contrôleur général sera très vite débordé.
Que dire du fait que le contrôleur général devra informer de sa visite les autorités responsables des lieux de privation de liberté ?
Mme Bariza Khiari. Elles auront le temps de faire le ménage !
M. Charles Gautier. Ces dernières auront d'ailleurs la possibilité de s'y opposer. Vous le voyez, les pouvoirs du contrôleur général seront extrêmement limités.
On mesure donc l'importance de la mission des contrôleurs assistant le contrôleur général et la nécessité de bien définir et de bien délimiter leurs fonctions et attributions.
Pourquoi ne pas avoir repris les propositions du rapport Canivet à ce sujet, qui prévoyait de façon détaillée trois organes distincts, aux fonctions bien différentes, avec parfois des compétences territoriales bien définies ? Il était prévu que des médiateurs locaux - des citoyens bénévoles - agissent dans un périmètre limité et pour des actions bien définies, servant en quelque sorte d'intermédiaires entre les détenus et l'administration pénitentiaire.
Vous vous flattiez récemment dans la presse, madame le garde des sceaux, de reproduire le système britannique.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui.
M. Charles Gautier. Or celui-ci déploie une quarantaine de contrôleurs pour les seules prisons d'État. Quelle différence !
Certes, madame le garde des sceaux, votre texte a le mérite d'exister, mais il est bien en retrait par rapport à ce qu'en attendent les spécialistes de ce secteur, ainsi que les détenus et leurs proches.
On a l'impression que plusieurs articles du projet de loi ne visent qu'à décrire ce qui peut venir limiter, voire entraver, l'action du contrôleur général.
M. Robert Bret. C'est tout à fait ça !
M. Charles Gautier. Surtout, de grâce, n'en faites pas un « contrôleur général à capacité très limitée », comme si vous en annonciez la création à regret !
Par ailleurs, cela a été dit plusieurs fois, la nomination par simple décret du contrôleur général ne satisfait pas grand monde. Beaucoup s'inquiètent de la dépendance possible du contrôleur à l'égard du pouvoir en place. Sans compter que cette procédure de nomination est contradictoire avec les positions prises par le futur Président de la République pendant la campagne électorale : il préconisait en effet une validation par le Parlement des autorités administratives indépendantes.
Il est donc indispensable que la désignation de ce contrôleur soit le résultat d'un accord des commissions compétentes du Parlement.
J'ajoute que le titulaire du poste devra être une personnalité reconnue pour son action et son expérience dans le domaine des droits de l'homme et du combat pour la dignité des détenus.
La première désignation sera donc un véritable test de votre volonté de rendre cette nouvelle autorité efficiente et indispensable.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous sommes bien d'accord !
M. Charles Gautier. Votre crédibilité est à ce prix !
Quant à l'étendue de ses moyens d'action, le texte omet de reprendre ce qui figurait dans les précédentes propositions.
Il en est de même s'agissant des relations prévues entre le procureur de la République et le contrôleur général. Ce dernier n'a, dans le projet de loi, de lien qu'avec les ministres, et ne leur formule que des avis. Tout dépendra donc du ministre concerné et de son attention envers les détenus.
Pour conclure, madame le garde des sceaux, j'insisterai de nouveau sur l'impérieuse nécessité de voir les moyens suivre. Nous aimerions que vous nous rassuriez sur ce point, car, sans moyens, le contrôleur général ne sera pas capable de changer un tant soit peu les conditions de vie déplorables dans certains des lieux concernés par ce texte. Sans moyens de fonctionnement sérieux mis à sa disposition, ce projet de loi restera un acte quelconque de plus, sans aucune conséquence réelle.
Notre groupe sera attentif aux réponses que vous voudrez bien apporter à l'ensemble de ces questions, ainsi qu'au sort qui sera réservé aux amendements proposés. Nous espérons de très nettes clarifications ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous accueillons avec satisfaction les efforts affichés par le Gouvernement pour permettre à la France de mettre son système juridique et pénitentiaire en conformité avec ses engagements internationaux en matière de protection des droits humains.
La session extraordinaire s'est d'ailleurs ouverte sur la ratification de nombreux textes d'une très grande importance, et il faut s'en réjouir.
II convient cependant de noter que la France n'a pas encore ratifié le protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture. Pourquoi une telle réticence, madame la ministre ? Le système juridique français n'est pourtant pas à ce point incompatible avec les engagements internationaux de la France.
C'est d'ailleurs ce protocole qui oblige la France à créer une autorité indépendante de contrôle des lieux de privation de liberté, ce qui est l'objet du présent projet de loi.
Aujourd'hui, il ne devrait plus exister d'obstacle juridique à la ratification du protocole et, pourtant, celle-ci n'est pas à l'ordre du jour. Alors, pourquoi ?
En réalité, il me semble que le Gouvernement n'entend pas se conformer exactement au protocole. En effet, le contrôleur qu'il crée est une « pâle » représentation de ce que la communauté internationale attend en la matière. Ne faisons donc pas preuve d'angélisme ni d'une satisfaction exagérée concernant ce contrôleur.
La véritable question est de savoir non pas si un contrôleur d'apparat est mis en place en France, mais si un véritable contrôle des lieux de privation de liberté, efficace et indépendant, sera exercé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Sur ce point, madame la ministre, permettez-moi de vous dire que ce que vous nous proposez aujourd'hui est assez minimaliste. Votre projet de loi reprend le principe d'un contrôle extérieur des lieux de privation de liberté, mais il ne va guère plus loin.
Instituer un contrôleur ne sert à rien si vous ne lui donnez pas les moyens juridiques, matériels et humains de mener à bien sa mission de contrôle et de surveillance. Instituer un contrôleur général ne sert à rien si ses pouvoirs ne vont pas au-delà de ceux des parlementaires ni de ceux de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Madame la ministre, on n'envoie pas un pompier éteindre un incendie avec un saut d'eau !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si, parfois, au début de l'incendie !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Si un contrôleur général doit exister en France, il doit être une autorité de référence en matière de contrôle des lieux de privation de liberté. Il doit veiller à la sécurité des détenus, à leurs conditions de vie, au respect de leurs droits et, notamment, de leur dignité. Il doit être utile en ce qui concerne la future réinsertion de ces détenus. Il ne saurait être une énième autorité venant ajouter son nom à la longue liste des autorités déjà compétentes en la matière.
Un seul contrôleur doté de larges pouvoirs d'injonction vaut mieux qu'une juxtaposition de contrôleurs dont les pouvoirs seraient limités.
Votre texte instaure un contrôleur général, mais il ne crée pas les conditions nécessaires à la mise en oeuvre d'un contrôle efficace, effectif de tous les lieux de privation de liberté. II suffit de comparer ce projet de loi avec les règles internationales en la matière pour se rendre compte à quel point il est bien en deçà des exigences internationales et européennes.
L'efficacité d'un contrôle des lieux de privation de liberté repose sur plusieurs éléments, qui font malheureusement défaut dans le texte que nous examinons.
D'abord, le contrôle, pour être efficace et probant, doit pouvoir se faire de manière spontanée et impromptue. En vertu du protocole facultatif, les États autorisent des visites régulières et sans autorisation préalable des autorités responsables. Cette possibilité de visiter les lieux sans préavis est la garantie fondamentale que les autorités ne pourront se soustraire à leurs responsabilités et se défendre de leurs carences. Sur place et sur pièces, le contrôleur pourra témoigner des dysfonctionnements d'un établissement.
Avertir les autorités, c'est leur reconnaître la possibilité de camoufler leurs propres carences et leurs propres négligences. Les visites ne doivent pas donner lieu à la mise en place de cache-misère temporaire.
Évitons au contrôleur général de subir les odeurs de peintures fraîchement refaites pour les soins de sa visite ! Donnons-lui la possibilité de faire état de la réalité des conditions de privation de liberté, pas d'une réalité virtuelle soigneusement orchestrée par les autorités avisées au préalable.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, pourquoi nous, parlementaires, disposons du droit de visiter sans préavis les lieux de privation de liberté et pas le contrôleur général ?
Si vous souhaitez mettre un terme, comme le souligne M. Hyest dans son rapport, à un « contrôle dispersé et insuffisant », il faut qu'à tout le moins le contrôleur général dispose de plus de compétences que les parlementaires, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et d'autres autorités encore. Votre projet de loi n'unifie pas les contrôles existants : il nivelle leur effectivité et leur efficacité vers le bas.
Vous le savez, la force d'un contrôleur général, c'est son indépendance. Or, dans ce texte, le contrôleur général est supposé indépendant, mais sa compétence est en réalité liée dans tous les champs de son action.
Il ne peut librement visiter les lieux de manière inopinée et sans déposer de préavis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il pourra se voir opposer un refus fondé sur des considérations absurdes telles que « les troubles sérieux dans l'établissement », alors qu'une visite pourrait justement s'avérer utile en de telles circonstances.
De surcroît, il ne peut librement publier ses avis ni les réponses des autorités, alors que, vous le savez bien, la transparence de son travail est nécessaire à son indépendance. Il ne peut alerter le procureur de la République des faits dont il pourrait prendre connaissance. Il ne pourrait même pas présenter ses conclusions, objectives et fiables, au cours d'une procédure judiciaire ayant un rapport avec des faits qu'il aurait pu constater.
À trop vouloir le museler, ce contrôleur général n'en est plus un : il ne sera qu'une chambre d'enregistrement de doléances, et ses conclusions ne seront qu'une compilation d'avis et de propositions sans effet obligatoire.
Dans votre projet de loi, le contrôleur général est une autorité consultative, pas une autorité indépendante ayant des pouvoirs d'injonction. Dans ces circonstances, l'exigence d'efficacité et d'effectivité n'est plus.
Ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat et moi-même avons saisi, au mois de juin 2006, la Commission nationale de déontologie de la sécurité pour cinq affaires concernant les conditions de détention dans le centre pénitentiaire de Liancourt. Depuis, certains surveillants ont été condamnés et plusieurs procédures sont en cours. Dans ses recommandations, la CNDS a décidé, le 16 janvier 2007, de saisir le procureur de la République de ces faits.
Il faudrait que le contrôleur général ait, lui aussi, des compétences pour être efficace et pour exercer un pouvoir effectif. Or vous remarquerez, madame la ministre, que les droits des parlementaires combinés à ceux de la Commission nationale de déontologie de la sécurité sont plus efficaces que le système que vous nous présentez.
De deux choses l'une : soit le contrôle indépendant que vous souhaitez mettre en place est supérieur en qualité, en effectivité et en moyens à ceux qui existent déjà, soit son existence est un leurre, une nouvelle mesure d'affichage politique incomplète et biaisée par rapport aux engagements internationaux de la France.
Nous avons déposé plusieurs amendements qui visent à donner au contrôleur général la place qu'il mérite : un droit de visite large, sans restrictions absurdes ; un droit de publication de ses avis et des réponses des autorités sans autorisation préalable ; un droit de saisir le procureur de la République des faits dont il pourrait prendre connaissance ; un droit d'intervenir dans une procédure judiciaire en qualité d'amicus curiae afin d'éclairer les juges de ses constatations.
C'est à ce seul prix que le contrôleur général pourra exercer un contrôle indépendant et conforme au principe du respect de la dignité des personnes privées de liberté tel que découlant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Car malgré la privation de liberté, l'égalité et les droits doivent pouvoir subsister ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'ont dit MM. Hyest et Béteille, le Médiateur, Jean-Paul Delevoye, a fait un travail remarquable en matière de médiation dans les prisons. Il a enrichi nos propres travaux et contribué à souligner la nécessité de créer un contrôle indépendant. Cependant, le rattachement de la fonction de médiateur à l'institution de contrôle créerait une véritable confusion dans les missions.
J'ai également noté votre souhait, monsieur le président de la commission des lois, que le contrôle des autorités judiciaires soit plus effectif sur les activités des prisons. Je le rappellerai aux chefs de cour, en leur précisant que c'est non seulement mon souhait, mais aussi celui de votre Haute Assemblée.
Mon dispositif reprend la proposition de loi que vous aviez déposée, monsieur Hyest, adoptée à l'unanimité par votre assemblée le 26 avril 2001, en confiant le contrôle à une autorité indépendante et spécifique.
S'agissant des moyens alloués au contrôle général, vous en débattrez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008. Le Gouvernement vous proposera alors de doter celui-ci d'une vingtaine emplois et d'un budget de 2,5 millions d'euros.
Cette enveloppe pourra être revue à la hausse les années suivantes, en fonction de la charge de travail effective du contrôleur. Il faut savoir que le contrôleur anglais a commencé avec six personnes, pour une population carcérale nettement supérieure à la nôtre. Aujourd'hui, celle-ci est de plus de 82 000 personnes, mais elle a atteint parfois 88 000 voire 90 000 personnes, ce qui n'est pas notre cas.
Il faut également savoir que le budget prévu pour le contrôleur sera plus élevé que celui du Défenseur des enfants, qui s'élève actuellement à 1,8 million d'euros, et représentera plus de 25 % de celui du Médiateur, qui atteint 8,5 millions d'euros aujourd'hui, étant précisé que ce dernier instruit plusieurs millions de demandes individuelles.
La Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente, présidée par M. Chemin, magistrat à la Cour de cassation, exerce un contrôle d'une très grande efficacité, comme l'a rappelé M. Hyest. Le projet de loi ne prévoit ni n'implique sa suppression. Cependant, le Gouvernement est d'avis qu'il n'est ni utile ni souhaitable de faire coexister plusieurs mécanismes de contrôle ayant le même rôle. Aussi sa suppression sera-t-elle sans doute, à terme, envisagée.
Monsieur Détraigne, vous avez exprimé des craintes sur les pouvoirs du contrôleur, en particulier concernant la restriction apportée à la possibilité de procéder à des visites inopinées.
Le texte prévoit le principe selon lequel les visites doivent être programmées. Elles présentent ainsi l'avantage d'être plus approfondies. Lorsque nous lui avons rendu visite, le contrôleur britannique, Mme Owers, nous a indiqué qu'il mettait en place ce type de visites pour permettre un meilleur travail d'approfondissement, notamment lors de la rédaction des recommandations.
Pour autant, le texte prévoit que les visites inopinées seront possibles dans certaines circonstances particulières. Il semblerait donc que l'intention du Gouvernement ait été mal comprise sur ce point. Les visites inopinées auraient été possibles en cas de plainte ou de dénonciation ou même en cas d'événement particulier signalé au contrôleur. Ainsi, le champ des visites inopinées sera très large. Mais peut-être ce point devra-t-il être clarifié par nos débats.
Vous m'avez également interrogée sur la signification de la notion de personne morale dont l'objet est la défense des droits fondamentaux.
Le contrôleur doit protéger les libertés individuelles. Il est donc normal que les associations de défense des droits de l'homme puissent le saisir.
Monsieur Othily, je sais que vous êtes très attentif à la situation des prisons. Vous avez appelé de vos voeux le vote d'une loi pénitentiaire. Je partage pleinement cette volonté. Je souhaite que l'ensemble des questions soient examinées à cette occasion : la politique d'aménagements des peines, les droits des détenus, les régimes de détention - il faut aussi qu'ils puissent être différenciés et adaptés -, les missions du service public pénitentiaire et de ses personnels.
Nous pourrons consolider avec M. Delevoye le rôle des délégués du Médiateur dans le cadre de cette loi pénitentiaire.
Madame Assassi, je m'étais engagée lors de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive à présenter un texte sur le contrôle des lieux de privation de liberté C'est aujourd'hui chose faite !
Vous avez souhaité que le contrôleur général dispose d'un pouvoir d'injonction. Je vous rappelle qu'il exercera un magistère moral. La publicité de ses avis et de ses recommandations lui permettra d'être un aiguillon pour l'administration. En outre, son rapport sera rendu public et remis au Parlement ainsi qu'au Président de la République.
En revanche, il serait problématique d'attribuer un pouvoir d'injonction au contrôleur général. Le contrôleur empiéterait en effet sur les pouvoirs du juge. Peut-on imaginer qu'il ordonne la sortie d'un détenu alors que ce dernier a été condamné par un juge ? Peut-on également imaginer qu'il mette fin à une garde à vue décidée par le procureur ?
Le pouvoir d'injonction est de nature juridictionnelle. Confier un pouvoir si général à une autorité indépendante serait donc contraire au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. À cet égard, je sais que c'est aussi le sentiment d'éminents constitutionnalistes, dont votre collègue, le doyen Patrice Gélard.
Monsieur Badinter, vous avez insisté sur l'importance de la personnalité qui sera nommée à cette éminente fonction. Je partage votre souci. Je puis vous garantir que le Gouvernement sera particulièrement vigilant sur ce point.
Si le processus de nomination n'intègre pas le Parlement à ce stade, les travaux de la commission présidée par M. Balladur, qui viennent de s'engager à la demande du Président de la République, permettront des avancées sur ce point. Mais le Gouvernement ne souhaite pas anticiper sur ses conclusions.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est dommage !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement répond à la demande de cette commission, monsieur le sénateur. On peut en effet lui laisser le temps de réfléchir et de remettre ses conclusions.
M. Jean-Pierre Sueur. Le Parlement n'est pas tenu par les réflexions d'une commission qui vient de se mettre en place !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il s'agit d'ailleurs d'un comité !
M. le président. Où vous avez beaucoup d'amis, monsieur Sueur ! (Sourires.)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Lecerf, vous avez indiqué vous-même les raisons pour lesquelles il était difficile d'envisager de confier ce rôle de contrôle au Médiateur. Vous avez exprimé des craintes sur le fait que le contrôleur pourra se voir interdire la communication de documents pour protéger certains secrets.
Il est normal que le contrôleur ne puisse avoir accès à l'ensemble du plan d'une base militaire classée secret défense pour aller contrôler un local de détention au sein de cette base. De même, il est de bons sens que le contrôleur ne puisse avoir accès au procès-verbal de l'audition d'un terroriste, au nom de la sûreté nationale, en allant contrôler un local de garde à vue.
Cependant, il aura accès à tous les documents possibles. Bien évidemment, les documents soumis au secret de l'instruction ou au secret défense seront plus difficiles d'accès.
Pour la même raison, il est conforme à nos règles de droit que le contrôleur ne puisse avoir accès à l'ensemble des pièces d'une garde à vue, au nom du secret de l'instruction et du lien entre l'avocat et son client. Au reste, ces pièces sont déjà considérées aujourd'hui comme confidentielles.
Il est également logique que le contrôleur ne puisse avoir accès à l'ensemble des dossiers d'un hôpital psychiatrique. Dans ce cas, l'immixtion du contrôleur dans la relation entre le médecin et ses patients serait excessive.
Vous le voyez, toutes ces exceptions reposent sur des cas concrets. Mais le secret ne sera pas opposé dans la grande majorité des contrôles, notamment pour le contrôle des prisons.
Monsieur Gautier, vous avez indiqué l'importance du rôle des contrôleurs qui assisteront le contrôleur général. Il appartiendra à ce dernier de s'entourer de toutes les compétences nécessaires. Toutes les garanties seront apportées par le décret pris en Conseil d'État. En effet, les missions des contrôleurs qui assisteront le contrôleur général ne sont pas une décision de nature législative.
Madame Boumediene-Thiery, vous m'avez interrogée sur la ratification du protocole facultatif à la convention, signé en 2005. L'objet de ce projet de loi est précisément de prévoir un cadre juridique adapté pour permettre cette ratification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 59, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté (n° 371, 2006-2007).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Louis Mermaz, auteur de la motion.
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mise en place d'un contrôle indépendant des lieux de privation de liberté répond à une exigence internationale prévue par le protocole facultatif à la convention des Nations unies du 18 décembre 2002, signé par la France le 16 septembre 2005. Il faut savoir que la France s'est engagée à le ratifier avant la fin du premier semestre de 2008. Or le protocole onusien est en vigueur depuis juin 2006...
Cette mesure, annoncée dès 1999 à la suite du rapport de la commission Canivet de juillet 1999, a été reprise dans les rapports de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale et de celle du Sénat portant sur la situation dans les prisons françaises.
La commission d'enquête de l'Assemblée nationale avait suggéré la création d'une délégation générale à la liberté individuelle, autorité indépendante chargée de contrôler tous les lieux d'enfermement. Pour sa part, le Sénat avait ouvert la voie, en 2001, en adoptant une proposition de loi de MM. Hyest et Cabanel portant notamment création d'un contrôle général des prisons.
Depuis, plus rien, jusqu'à la fin de la législature, qui s'est achevée au printemps 2002, ni tout au long de celle qui s'est étendue de 2002 à 2007.
À l'examen du présent projet de loi et des amendements adoptés par la commission des lois, une question se pose : la création, telle qu'elle est prévue, d'un contrôle général des prisons permettra-t-elle vraiment d'alerter l'opinion, les pouvoirs publics, le Gouvernement ? Aura-t-elle des conséquences sur l'évolution de la politique pénale en France, sur les moyens mis à la disposition des ministères de la justice, de la santé et de l'intérieur ?
Encore faut-il que le contrôleur général tel qu'il nous est proposé dispose de moyens réels pour exercer sa mission !
Madame la garde des sceaux, au cours de la discussion générale, vous avez déclaré : « Ce projet de loi est d'abord le vôtre ». Nous ne le pensons pas ! Voyons donc de quoi il retourne.
La commission des lois du Sénat, se souvenant de la proposition de loi qu'elle avait adoptée en 2001, s'est sentie obligée de remédier - en partie seulement, hélas ! - aux carences, aux insuffisances et aux ambiguïtés du texte gouvernemental. Ce faisant, elle n'a accompli qu'une partie du chemin indispensable pour assurer l'indépendance et l'efficacité du contrôle général des lieux privatifs de liberté.
L'examen des amendements de l'opposition n'ouvrant la plupart du temps aucun espace à la confrontation des points de vue ni au dialogue et se concluant par des réponses mécaniques, trop souvent de la part du rapporteur ...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comment ça ?
M. Louis Mermaz. ... et toujours de la part du Gouvernement, il semble judicieux de voter la présente motion de renvoi à la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a eu une réunion de la commission ce matin !
M. Louis Mermaz. Cela aurait l'avantage de permettre, dans un climat, souhaitons-le, apaisé - vous y contribuerez, monsieur le président-rapporteur -, de doter la France d'un véritable contrôle général conforme à ses engagements internationaux.
Le Sénat s'honorerait en ouvrant ainsi la voie à un autre regard des pouvoirs publics et de l'opinion sur les libertés, trop souvent bafouées hypocritement, malgré d'innombrables professions de foi non suivies d'effet.
Si le présent projet de loi a été amendé par la commission des lois, il l'a été trop timidement. Certaines dispositions ont quand même été retenues, par exemple pour le contrôle des établissements psychiatriques, pour le futur statut du contrôleur général, pour la saisine du procureur de la République ou l'indépendance financière du contrôleur. Cependant, quid de la réalité des moyens financiers mis à sa disposition ? Le Gouvernement parle de dix-huit emplois seulement, alors que tout le monde s'accorde à penser que le minimum serait de quarante et un. On peut donc se poser des questions ! La commission des lois a aussi décidé qu'il y aurait lieu de veiller à une bonne coopération avec les organismes internationaux. Ces choses vont dans le bon sens.
Nous apprécions aussi le voeu, même s'il ne s'agit que d'un voeu, selon lequel le choix de la première personnalité appelée à exercer de telles fonctions devra asseoir le magistère moral de cette autorité. Toutefois, nous attendrons pour voir.
Cependant, nous déplorons que le projet de loi, tel qu'il nous arrive de la commission des lois, ne soit pas accompagné d'une étude d'impact, ce qui aurait permis d'apprécier l'ampleur des tâches qui attendent le futur contrôleur général et des moyens qu'il conviendrait de mobiliser. Est-ce parce que le Gouvernement et sa majorité répugnent à voir dresser le tableau de la situation provoquée depuis cinq ans dans les prisons, dans les zones d'attente ou les centres de rétention administrative, dans les lieux de garde à vue ou les dépôts des palais de justice par l'effet des lois répressives Perben et Sarkozy ?
Une étude d'impact aurait d'abord permis de prendre pleinement conscience de la surpopulation carcérale, que le récent projet de loi renforçant la lutte contre la récidive, dont vous portez la responsabilité, madame la ministre, risque d'aggraver. En effet, au 1er juin 2007, on comptait plus de 60 000 détenus pour 50 000 places. Des prévisions font même état de 80 000 emprisonnements à l'horizon de 2017, d'où des conditions de vie d'ores et déjà effrayantes dans nos prisons et une montée des violences entre détenus et, parfois, à l'égard du personnel pénitentiaire.
Une étude d'impact aurait ensuite permis d'apprécier la situation réservée aux immigrés dits en situation irrégulière dans les zones d'attente et les centres de rétention administrative - véritables geôles de la République -, situation qui s'est aggravée avec le démantèlement du droit d'asile à la suite du vote de la loi du 10 décembre 2003.
Devant la gravité extrême de la situation, nous souhaitons que le contrôle satisfasse pleinement aux obligations établies par le protocole des Nations unies. Mais alors, pourquoi ne pas reprendre les dispositions de la proposition de loi de MM. Hyest et Cabanel, adoptée ici même en 2001, et les conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions pénitentiaires ? Pourquoi cette reculade ?
Nous ne pouvons ainsi nous satisfaire de la procédure de nomination du contrôleur général. C'est là un point fondamental à nos yeux. Le Gouvernement aurait-il déjà oublié son engagement et celui du Président de la République d'associer pleinement le Parlement à la nomination des membres des autorités indépendantes ? Même si l'on nous objecte qu'un comité Théodule sur l'évolution des institutions vient d'être mis en place, cela ne saurait nous satisfaire.
Si une autorité garante des libertés et de la dignité des personnes échappe à cet engagement, voilà qui augure très mal de la suite. Comment le Sénat pourrait-il se contenter d'un avis simplement consultatif des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ? Comment accepter une telle négation des droits du Parlement ?
Il est temps de rompre avec le type de nomination de tant d'organismes et de conseils, qui foisonnent et dont les prétendues prérogatives empiètent sur les droits de la représentation nationale. Nous avons aujourd'hui l'opportunité de mettre un terme à cet abaissement du Parlement en faisant preuve d'un minimum de responsabilité et d'audace.
De plus, puisque le contrôleur général aura vocation à s'occuper de quelque 5 500 lieux privatifs de liberté, nous ne pouvons nous satisfaire du flou qui entoure la nomination et les pouvoirs des contrôleurs destinés à l'assister, flou qui peut faire craindre que ce nouvel organisme ne dispose pas des moyens nécessaires à l'accomplissement de missions nombreuses et excessivement variées. Pourquoi ne pas aller vers une spécialisation des contrôleurs et un rôle de coordination dévolu au contrôleur général ?
Nous devons constater, par ailleurs, le silence, plutôt l'omission sur le contrôle des lieux de détention situés à l'étranger et placés sous une autorité civile ou militaire française.
Tout aussi graves nous apparaissent les restrictions apportées aux visites du contrôleur général et des contrôleurs. Ces visites, quoi qu'ait dit Mme la ministre, doivent absolument pouvoir s'effectuer à tout moment du jour et de la nuit, éventuellement, bien sûr, de façon inopinée, sans restriction d'aucune sorte comme c'est le cas pour les parlementaires.
Toute personne retenue doit également pouvoir saisir le contrôleur et obtenir de s'entretenir avec lui. De même, celui-ci doit pouvoir entendre toute personne intervenant dans un centre privatif de liberté, chaque fois qu'il le jugera nécessaire.
Enfin, les pouvoirs d'investigations du contrôleur général doivent être illimités. La commission n'a fait qu'un geste en se bornant à supprimer la référence à la sécurité des lieux. Toutes les restrictions énumérées par le projet de loi - du prétendu secret de la défense nationale à la sûreté de l'État - risquent d'aboutir à des entraves insupportables et arbitraires, alors que le contrôleur général est lui-même tenu au secret professionnel pour les informations qu'il recueille.
De même, si nous ne voulons pas que les rapports du contrôleur général viennent seulement garnir les rayonnages des ministères sans avoir de suite, il importe que le ministre de la justice, une fois informé, soit tenu de répondre.
Enfin, le contrôleur général doit formuler et rendre publics non seulement des avis, des recommandations, des propositions, mais aussi des injonctions, surtout lorsqu'il s'agit, dans la détention ou dans l'enfermement, d'atteintes aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Il n'a jamais été dans notre intention d'empiéter sur le pouvoir juridictionnel, qui, bien entendu, est maître de la détention.
Madame la ministre, mes chers collègues, si nous voulons vraiment conférer au contrôleur général le statut et les moyens qui lui permettront d'agir, et non pas de faire semblant, il convient que la commission des lois se remette au travail, dans l'esprit, au demeurant, de la proposition de loi votée en 2001 sur l'initiative de MM. Hyest et Cabanel, en prenant en compte également les engagements formulés par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
En effet, ce qui nous est proposé aujourd'hui, c'est un contrôle général a minima. Le Gouvernement s'est largement préoccupé d'encadrer et de contrôler les faits et gestes du contrôleur général, comme s'il était déjà suspect !
Quoi qu'il en soit, il restera ensuite, pour rendre le présent projet de loi opérationnel, à voter une loi pénitentiaire et à donner aux ministères de la justice, de la santé, de l'intérieur, les moyens de faire face à leurs obligations. Ce devrait être l'objet de nos travaux cet automne.
En tout état de cause, donner à notre pays un véritable contrôleur général des lieux privatifs de liberté, ce serait déjà s'engager sur la voie de la réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J'essayerai de ne pas vous faire une réponse « mécanique ». (Sourires.)
M. Louis Mermaz. Quel bonheur !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le sénateur, nous avons eu plaisir à vous entendre. En effet, dans la mesure où vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet, notamment lors de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les lieux de détention, il eût été dommage que nous ne vous entendions pas ! Cependant, votre critique de ce projet de loi me semble quelque peu systématique.
Il est vrai que nous allons instituer un contrôleur général des lieux de privation de liberté.
M. Alain Gournac. Et c'est très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est très bien, d'autant que le Sénat avait déjà ouvert la voie à ce processus en 2001 en adoptant une proposition de loi instaurant un contrôle général des prisons.
Nous avons donc une certaine expérience du dossier, après la commission d'enquête sur les prisons. Pourquoi dire que nous n'avons pas assez travaillé sur ce projet de loi et vouloir le renvoyer à la commission ?
Pour ma part il me semble urgent de créer un tel contrôle. Nous délibérons sur ce sujet depuis trop longtemps !
Vous avez d'ailleurs pris tant de précautions sous votre majorité que vous n'avez jamais rien fait à cet égard. Et aujourd'hui que nous instituons ce contrôle, à vos yeux, ce n'est pas bien !
M. Alain Gournac. C'est systématique !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par ailleurs, monsieur Mermaz, vous avez parlé de l'aggravation des conditions de détention dans notre pays. Veuillez m'excuser, mais c'est tout de même la loi d'orientation et de programmation pour la justice qui a permis la rénovation et la construction de nouveaux établissements, ainsi que la construction d'établissements pour mineurs que nous avions souhaités au Sénat ! Tout ça, ce n'est quand même pas une autre majorité qui l'a fait ! (M. Robert del Picchia opine.)
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, c'est toujours insuffisant.
La future loi pénitentiaire devra non seulement proposer un certain nombre de mesures, mais également être une nouvelle loi de programmation car nous ne sommes pas au bout de nos efforts pour rendre toutes les prisons de notre pays dignes.
Monsieur Mermaz, le Sénat a mené beaucoup de travaux antérieurs. Nous avons pu comparer. Comme en ont témoigné nos collègues au cours de la discussion générale, tout le monde est parfaitement informé.
Pour ma part, j'ai procédé à plus de trente auditions, lesquelles d'ailleurs étaient ouvertes à nos collègues de la commission. Beaucoup d'entre eux y ont participé, et c'était extrêmement intéressant.
Il serait paradoxal que nous ne nous estimions pas prêts à débattre de la création d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté alors que nous en avions déjà adopté le principe en 2001.
S'il nous arrive parfois de délibérer rapidement, je ne pense pas que ce soit ici le cas. Compte tenu du passé et de l'urgence à créer cet organisme indépendant, il n'y a pas lieu de réfléchir davantage.
Je suis donc défavorable à cette motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Claude Biwer applaudit également.)
M. le président. Le Gouvernement souhaite-t-il s'exprimer ?...
Je mets aux voix la motion n° 59, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 126 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 198 |
Le Sénat n'a pas adopté.
5
scrutin pour l'Élection de dÉlÉguÉs du sÉnat reprÉsentant la France au conseil de l'europe et À l'union de l'europe occidentale
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, cet après-midi, après l'allocution de M. le président du Sénat, nous procéderons à l'élection de deux membres suppléants représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
Il sera procédé à ce scrutin dans la salle des conférences, en application de l'article 61 du règlement.
Nous avons été saisis de la candidature de MM. Laurent Béteille et Roland Ries.
M. Jean-Léonce Dupont, secrétaire du Sénat, supervisera les opérations de vote et de dépouillement.
Il va être procédé à la désignation de deux scrutateurs titulaires et d'un scrutateur suppléant, qui vont opérer le dépouillement du scrutin.
Sont désignés :
Scrutateurs titulaires : MM. Robert Bret et Jacques Gautier ;
Scrutateur suppléant : M. Pierre Bordier.
Le scrutin sera ouvert cet après-midi pendant une heure.
Mes chers collègues, nous allons interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
6
Allocution de M. le président du Sénat
M. le président. Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici donc arrivés dans la « dernière ligne droite » de cette soixante-huitième session extraordinaire, la première de la treizième législature qui s'est ouverte le 20 juin dernier.
Au terme de cette dernière période fort riche et « enlevée » - c'est le moins que l'on puisse dire -, je pense que nous pouvons être légitimement fiers de la manière dont notre assemblée a su réagir aux évènements politiques tout en affichant les vertus qu'elle puise dans sa continuité et, surtout, dans son travail.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. le président. Qu'on en juge !
Pour la troisième fois depuis 1958, le Premier ministre a été choisi dans nos rangs. Trois de nos collègues - M. Karoutchi (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.), Mme Létard (Nouveaux applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) et M. Bockel -...
M. Éric Doligé. Nos collègues socialistes devraient applaudir !
M. le président. ... ont été appelés à changer de place dans cet hémicycle et siègent désormais sur les bancs du Gouvernement, sans oublier deux anciens sénateurs qui ont, eux aussi, rejoint le Gouvernement, MM. Darcos et Barnier.
Je ne résisterai pas non plus au plaisir de rappeler que le Gouvernement compte également, parmi ses secrétaires d'État, l'une de nos jeunes administratrices, Mme Rama Yade, que nous avons eu raison de choisir en son temps ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Avant même les consultations électorales du printemps et, vous le savez, pendant cette période, le Sénat a pleinement joué son rôle particulier au sein du Parlement ; je tenais à la souligner. Entre le mois de février - fin de nos travaux en séance publique - et le dernier jour de la précédente législature, le 19 juin, tous les projets de loi - je dis bien tous : trente-sept textes au total - ont été déposés sur le bureau du Sénat.
Dès l'élection de la nouvelle assemblée, j'ai rappelé au nouveau président de l'Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, que je salue très cordialement, que trente-trois propositions de loi adoptées par le Sénat restaient à examiner par les députés.
M. Éric Doligé. Au boulot ! (Sourires.)
M. le président. Le premier jour de la nouvelle législature - le 20 juin -, la conférence des présidents s'est réunie, nous permettant de siéger pendant que l'Assemblée nationale élisait son bureau et constituait ses commissions. Par ailleurs, je vous le rappelle, le tout premier projet de loi de cette treizième législature, déposé au Sénat et examiné le 27 juin, visait précisément à accroître les pouvoirs du Parlement en créant une délégation parlementaire au renseignement.
Nous nous sommes prononcés, en vertu de l'article 49, alinéa 4, de la Constitution, pour la quinzième fois depuis le début de la Ve République, sur une déclaration de politique générale du Gouvernement spécifique au Sénat, qui a été suivie d'un vote. Puis nous avons eu deux débats déterminants pour le suivi de l'action du Gouvernement : le 4 juillet dernier le débat sur les résultats du Conseil européen des 21 et 22 juin, et le 24 juillet le débat d'orientation budgétaire.
Sur les sept projets de loi - hors conventions internationales - inscrits à l'ordre du jour de nos travaux pour cette session extraordinaire, cinq ont été déposés au Sénat en premier. (Très bien sur les travées de l'UMP !)
Mais cette session extraordinaire n'aura pas été seulement consacrée à la traduction législative des réformes annoncées par le chef de l'État et approuvées par le pays.
Notre programme de travail porte la marque de notre action tenace, patiente et continue en matière de contrôle.
L'interruption de la session, de février à juin, nous avait rappelé que les commissions, délégations et offices sont le lieu naturel de cet aspect essentiel du travail parlementaire, où s'exprime dans toute sa plénitude le nécessaire dialogue entre majorité et opposition, qui constitue, en quelque sorte, la spécificité de notre assemblée. Le contrôle de l'action du Gouvernement est bien la seconde nature du Sénat.
Durant cette période, nos commissions, délégations et offices ont tenu quelque 77 réunions, pour une durée globale d'environ 180 heures, et ont auditionné près de 100 personnalités. Qui dit mieux ? Qui peut dire que le Sénat était en vacances ?
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Personne !
M. Robert Bret. En effet !
M. le président. C'est bien de le penser, c'est encore mieux de le dire ! (Sourires.)
Ces travaux n'ont pas pour seule vocation le contrôle de l'action du Gouvernement ; ils alimentent aussi nos discussions législatives.
Les récents débats européens confirment la nécessaire complémentarité entre la séance plénière et les travaux des commissions.
Le 6 mars et le 20 juin, la Délégation pour l'Union européenne a organisé deux réunions qui, dans l'esprit de la séance publique, ont permis que se tiennent deux débats préalables aux conseils européens de mars et de juin. Sans cette initiative, aucun débat de ce type n'aurait eu lieu pendant la présidence allemande. Le Sénat a pu ainsi marquer sa présence dans le débat européen, avant le débat qui s'est tenu, en séance publique, le 4 juillet, pour tirer les conséquences du Conseil européen.
Autre illustration, elle aussi très éclairante, de cette complémentarité entre le « petit hémicycle » des salles Clemenceau ou Médicis et cette salle des séances publiques où nous siégeons : l'examen du projet de loi de règlement, qui a donné lieu à neuf auditions ministérielles organisées par la commission des finances élargie, et à deux débats en séance publique ; je parle sous le contrôle du président de la commission des finances et du rapporteur général, qui ont animé ces débats.
Fort de ces précédents réussis, il nous appartient de trouver, de manière pragmatique, le meilleur équilibre possible entre la spontanéité des travaux en commission et la solennité de la séance publique.
Mes chers collègues, en cette fin de session extraordinaire, je crois que nous avons tous, majorité et opposition, exercé la plénitude de notre mandat dans un esprit de compréhension mutuelle face à un Gouvernement qui, je le reconnais, nous a imposé des délais sans doute trop brefs. Mais, dans les circonstances politiques d'un début de législature, pouvait-il en être autrement ?
M. Bernard Frimat. Oui !
M. le président. Le fait que nous nous retrouvions en première ligne de l'élaboration de réformes qui engagent l'avenir de la France impose aussi au Sénat des devoirs supplémentaires.
Dans la mesure où nous sommes saisis en premier de réformes essentielles, nous nous trouvons naturellement sous les feux de l'actualité et des médias. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Raison de plus, mes chers collègues, de veiller à une présence soutenue dans l'hémicycle.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. C'est le cas !
Mme Éliane Assassi. Nous verrons tout à l'heure !
M. Robert Bret. Pourvu que cela dure !
M. le président. Car si les heures passées dans cette salle ne représentent qu'une petite partie de notre travail collectif, elles en sont la partie la plus visible, en quelque sorte la vitrine. N'oublions pas que chacun d'entre nous est comptable de l'image que nous donnons de notre institution, à laquelle, tous, sans exception, nous sommes très attachés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
À l'heure où s'engage une nouvelle réflexion sur la modernisation des institutions, nous avons apporté la preuve du rôle essentiel que joue le Sénat dans l'équilibre de nos institutions, pour peu que nous restions fidèles à notre identité sénatoriale. Car cette identité est le meilleur gage de la qualité de nos travaux. Le Sénat est là pour veiller à ce que la loi soit bien faite, comme le recommandait Jules Ferry, mon illustre prédécesseur.
M. Henri de Raincourt. Lui aussi était Vosgien !
M. le président. Le bicamérisme à la française a fait ses preuves. C'est assurément dans la rénovation du travail parlementaire et dans l'amélioration du fonctionnement interne des assemblées que nous trouverons les meilleures bases du rééquilibrage souhaité de nos institutions.
Le Sénat, assemblée parlementaire à part entière,...
Un sénateur de l'UMP. Jusqu'à quand ?
M. le président. ...a déjà démontré sa capacité à s'auto-réformer, qualité qui - dois-je le rappeler ? - n'est pas si fréquente dans les assemblées de cette nature.
La réduction de la durée du mandat des sénatrices et des sénateurs ou la large place faite au mode de scrutin proportionnel ont déjà illustré notre souci permanent d'adaptation aux préoccupations de nos concitoyens.
M. Robert Bret. C'est une véritable plaidoirie !
M. le président. Nous avons aussi, je crois, été les premiers à réfléchir sur la modernisation du travail parlementaire. Notre conférence des présidents s'est ainsi régulièrement réunie, sur mon initiative, depuis le début de l'année 2006, pour réfléchir et faire évoluer les conditions du travail sénatorial, dans le dialogue et le respect des sensibilités de chacun. Ainsi, une nouvelle fois, nous serons prêts pour poursuivre cette mission. Nul ne peut contester le travail de la conférence des présidents !
En attendant, une session extraordinaire peut en cacher une autre ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Mes chers collègues, il semble que nous soyons appelés à nous retrouver dès la mi-septembre (Déjà ! sur les travées de l'UMP) pour aborder l'examen de nouvelles réformes.
Pour l'heure, je vous invite, ainsi que nos personnels, auxquels je tiens à rendre hommage pour leurs compétences et leur disponibilité (Applaudissements), à prendre un repos bien mérité, après tant d'événements politiques et une session extraordinaire bien remplie.
Mes chers collègues, je vous souhaite un bon mois d'août ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, au nom du Gouvernement, remercier le Sénat de la qualité du travail accompli depuis un peu plus d'un mois.
Comme M. le président le soulignait, nombre de textes législatifs ont été examinés dans le cadre d'une discussion ouverte et démocratique, même si - je le concède bien volontiers - les délais ont été parfois abrégés, session extraordinaire oblige. À cet égard, je remercie d'autant plus les présidents de commission et les rapporteurs d'avoir accepté ce travail supplémentaire.
Et quel travail considérable accompli depuis cinq semaines ! Après avoir examiné en première lecture le projet de loi portant création d'une délégation parlementaire pour le renseignement, le Sénat a discuté de l'ensemble des accords européens, adopté le projet de loi de règlement du budget de l'année 2006 et mené un débat d'orientation budgétaire.
En outre, quatre projets de loi ont été examinés conjointement avec l'Assemblée nationale : le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités, le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, que Xavier Bertrand présente en ce moment même devant l'Assemblée nationale, et le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
M. Jean-Pierre Sueur. Et de l'injustice sociale !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Enfin, le Sénat examine aujourd'hui le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Certes, monsieur Sueur, tout le monde n'a pas le même point de vue sur les différents textes législatifs que la Haute Assemblée a examinés.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mais, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, l'existence de véritables débats de fond est la règle, et heureusement ! C'est la raison pour laquelle il faut une majorité et une opposition. En effet, un dialogue républicain et démocratique suppose le respect des uns et des autres,...
M. Jean-Pierre Sueur. Et la clarté !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. ... et la capacité de s'exprimer et de défendre ses options, pour que le Sénat et l'Assemblée nationale puissent ensuite trancher souverainement par leur vote. C'est ainsi que fonctionne la démocratie, et c'est très bien !
Pour autant, comme l'a précisé M. le président - je suis désolé que la pause estivale soit si courte, mesdames, messieurs les sénateurs -, le Parlement siègera de nouveau en session extraordinaire à compter du mardi 18 septembre.
À cette occasion, plusieurs textes législatifs seront discutés, notamment le dispositif relatif à l'immigration, qui a déjà été examiné par le conseil des ministres, le texte sur la défense des marques et la lutte contre les contrefaçons et le projet de loi, en gestation depuis plusieurs années, tendant à la ratification de l'accord de Londres sur les brevets. En outre, le projet de loi portant création d'une délégation parlementaire pour le renseignement sera examiné en deuxième lecture, tout comme le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, à condition, bien entendu, que l'Assemblée nationale ait eu le temps de l'adopter en première lecture.
Monsieur le président, au nom du Gouvernement, je veux remercier la Haute Assemblée, dans toutes ses composantes, de la qualité du travail fourni et de l'excellente image du Parlement qui a été offerte à tout le pays s'agissant tant de l'ampleur des travaux que de la qualité des débats de fond. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie des compliments mérités que vous nous avez adressés ; nous y sommes tous très sensibles.
Nous ne doutons pas un seul instant que vous serez notre avocat auprès des instances de l'exécutif, si le Sénat y est évoqué. (Sourires.)
7
Ouverture du scrutin pour l'élection de délégués du Sénat représentant la France au Conseil de l'Europe et à l'Union de l'Europe occidentale
M. le président. L'ordre du jour appelle le scrutin pour l'élection de deux membres suppléants représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
Je déclare le scrutin ouvert pendant une heure dans la salle des conférences.
8
communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J'informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion respectivement du projet de loi sur les libertés et responsabilités des universités et du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat sont parvenues à l'adoption d'un texte commun.
9
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où M. le Premier Ministre demanderait la constitution d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, j'informe le Sénat que la commission spéciale chargée d'examiner ce projet de loi m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du règlement.
10
Contrôleur général des lieux de privation de liberté
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Nous passons à l'examen des articles.
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Est autorisée la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants signée à New York le 16 septembre 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet la ratification du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
En effet, par le présent projet de loi, la France, qui est signataire de la convention contre la torture de l'ONU et de son protocole facultatif, s'engage à se conformer aux prescriptions internationales en matière de contrôle extérieur des prisons.
La session extraordinaire qui s'est ouverte a permis la ratification de nombreuses conventions internationales, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Il semble donc que le Gouvernement soit enfin enclin à soumettre au Parlement tous les accords internationaux signés, mais non encore ratifiés par la France.
Puisque le texte dont nous débattons aujourd'hui vise à rendre la législation française compatible avec le protocole facultatif, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas décidé d'inscrire à l'ordre du jour la ratification de ce protocole ? En effet, dès lors que le projet de loi répond à des obligations internationales de la France, il semble indispensable de donner à ce protocole une valeur supralégislative.
Le rejet de cet amendement placerait la France dans une situation tout à fait paradoxale, puisque notre pays s'affranchirait ainsi formellement de ses obligations internationales, tout en adoptant des dispositions de droit interne reprenant le contenu de conventions internationales dont il est signataire.
Aujourd'hui, qu'est-ce qui nous empêche de ratifier ce protocole facultatif ? À mon sens, la seule barrière qui existait, c'est-à-dire la mise en place d'un contrôleur extérieur des lieux de privation de liberté, tombe avec l'adoption de ce projet de loi.
Je vous suggère donc de faire d'une pierre, deux coups, en associant la ratification du protocole facultatif à l'adoption du présent projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je le rappelle, la France s'est engagée à ratifier le protocole facultatif au cours du premier semestre 2008. Le Gouvernement confirmera sans doute cet engagement en séance publique.
Quoi qu'il en soit, d'un point de vue formel, il paraît difficile de ratifier une convention internationale qui ne nous serait pas présentée sous la forme d'un projet de loi. Ce serait paradoxal !
C'est la raison pour laquelle la commission souhaite le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Je partage l'opinion de M. le rapporteur : la ratification du protocole facultatif doit faire l'objet d'un projet de loi ; il n'est pas possible de l'intégrer dans le présent texte.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
À mon sens, il est tout à fait possible de ratifier le protocole additionnel...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
Mme Alima Boumediene-Thiery. ... et il serait souhaitable de le faire aujourd'hui, dans le cadre du présent projet de loi.
M. Charles Pasqua. Mais non ! Il n'y a pas de projet de loi de ratification !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect des droits fondamentaux dont elles demeurent titulaires.
Il exerce principalement ce contrôle par des visites sur place.
Dans la limite de ses attributions, il ne reçoit d'instruction d'aucune autorité.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons pris acte, ce matin, du dépôt de ce projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, conformément à l'engagement pris par la France auprès des Nations unies de créer un mécanisme national de prévention des traitements inhumains et dégradants.
Cet article 1er n'appelle pas d'observation particulière, sinon qu'il faudra très vite le nourrir. La suite de notre discussion permettra de lever un certain nombre d'ambiguïtés qui tiennent à la généralité du projet de loi. En effet, afin de rendre effective cette nouvelle autorité, il est essentiel d'en déterminer les contours avec une extrême précision.
Le projet de loi ne définit la mission confiée au contrôleur général que de manière très générale, puisque celle-ci vise seulement le contrôle des « conditions de prise en charge des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect des droits fondamentaux dont elles demeurent titulaires ».
Selon M. le rapporteur, le contrôle devrait donc essentiellement porter sur les conditions matérielles de privation de liberté susceptibles de mettre en cause la dignité de la personne - il s'agit notamment de l'état des locaux, de l'hygiène et de l'alimentation - et sur l'application aux personnes concernées des droits qui sont inaliénables, c'est-à-dire les droits à la santé, à des liens familiaux, au travail ou à la formation, ainsi que l'exercice effectif des droits de recours administratifs ou judiciaires.
Sont également abordés les rapports entre les personnes privées de liberté et le personnel des établissements qui les retiennent, en particulier au regard de la déontologie professionnelle et des droits de l'homme.
Mais, comme le note le rapporteur, « le champ de compétences ouvert au contrôleur n'inclut pas l'organisation et les conditions de travail des personnels et apparaît, à ce titre, moins extensif que celui qui est envisagé par la mission présidée par M. Guy Canivet pour le contrôleur général des prisons ». ²
Afin de définir au mieux la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté, nous présenterons un amendement qui reprend précisément la formule retenue dans la proposition de loi que le rapporteur avait rédigée avec M. Cabanel et selon laquelle le contrôle devait porter sur « l'état, l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, ainsi que les conditions de la vie carcérale et les conditions de travail des personnels pénitentiaires ».
Telles sont donc les réserves que nous émettons sur cet article 1er et qui feront l'objet de toute une série d'amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 18, présenté par MM. Lecerf et Portelli, Mmes Bout et Henneron et M. de Richemont est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du premier alinéa de cet article :
Le contrôle extérieur et indépendant des lieux de privation de liberté est confié au Médiateur de la République qui est chargé, à ce titre, sans préjudice des prérogatives...
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Cet amendement a déjà fait l'objet d'une discussion sur le fond ce matin, à l'occasion de la discussion générale et de la réponse de Mme la ministre. Je suis personnellement prêt à le retirer.
Néanmoins, je souhaite souligner l'attachement d'un certain nombre de collègues, dont moi-même, à voir les fonctions de contrôleur général exercées par le Médiateur. Je tiens également à affirmer l'utilité d'une évolution du statut du Médiateur de la République vers un véritable statut d'ombudsman et à manifester les réserves d'un grand nombre de nos collègues face à la multiplication sans frein des autorités indépendantes.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Après les mots :
est chargé
Rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :
de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des lieux privatifs de liberté, ainsi que les conditions de vie des personnes privées de liberté et les conditions de travail des personnels de ces établissements.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Comme je le disais ce matin, si nous prenons acte avec satisfaction du dépôt de ce projet de loi tendant à instaurer un contrôleur général des lieux de privation de liberté, conformément à l'engagement pris par la France auprès des Nations unies de créer un mécanisme national de prévention des traitements inhumains et dégradants, nous souhaitons toutefois que le contrôle créé satisfasse pleinement aux obligations établies par le protocole facultatif.
Pour ce faire, nous préférons préciser le champ de compétence du contrôleur général en reprenant la rédaction prévue par la proposition de loi de Jean-Jacques Hyest et Guy Cabanel. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Après les mots :
aux autorités juridictionnelles
rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :
de contrôler les conditions générales de prise en charge des personnes privées de liberté, telles que l'état des lieux de privation de liberté, notamment en ce qui concerne les conditions d'hygiène de santé, l'application des statuts, lois et règlements attachés la nature de la privation de liberté, les relations entre la personne privée de liberté et le personnel en charge de celle-ci, les pratiques professionnelles et le respect de la déontologie par les personnes en charge de la privation de liberté, leur formation, ainsi que leur organisation et leurs conditions de travail. Il s'assure également du respect des droits fondamentaux dont les personnes privées de liberté sont titulaires.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à préciser la notion « conditions générales de privation de liberté ».
Il s'agit de contrôler l'état des lieux de privation de liberté quant à la vétusté, à la propreté, au respect des conditions minimales d'hygiène et de santé, ainsi que le respect des statuts, lois et règlements selon la nature de la privation de liberté. Il convient également de contrôler les relations entre la personne privée de liberté et le personnel, afin de prévenir les conflits interindividuels et d'évaluer la capacité d'écoute du personnel, les pratiques professionnelles et le respect des règles de déontologie auxquelles est soumis le personnel. Il importe enfin de contrôler la formation, l'organisation et les conditions de travail du personnel en charge de la privation de liberté.
Cet amendement précise la mission du contrôleur : au-delà du respect des conditions de privation de liberté, le contrôleur doit pouvoir s'assurer que l'individu privé de liberté bénéficie de conditions de détention préservant sa dignité humaine.
Les conditions matérielles d'hygiène et de santé sont importantes, mais la personne privée de liberté doit pouvoir également jouir du respect de sa dignité dans ses relations avec le personnel et ne pas faire l'objet de pressions morales, ni de traitements contraires au respect de la dignité humaine, tels qu'insultes, brimades, chantages ou pressions psychologiques.
Le contrôleur doit donc également s'assurer que le personnel travaille dans des conditions optimales : il doit être qualifié, formé, jouir de conditions de travail correctes au regard de l'importance des missions qu'il est amené à remplir. C'est l'aptitude générale des personnels et de l'institution à sauvegarder la dignité des personnes privées de liberté qui doit alors être contrôlée.
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par Mmes Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Après les mots :
aux autorités juridictionnelles
rédiger ainsi la fin du premier alinéa de cet article :
de contrôler l'état, l'organisation, le fonctionnement de ces lieux ainsi que les conditions de vie des personnes privées de liberté et les conditions de travail des personnels afin de s'assurer du respect de la dignité et des droits fondamentaux dont les personnes privées de liberté sont titulaires.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le champ de compétences du futur contrôleur général évoqué dans l'article 1er semble, à tout point de vue, trop restreint puisqu'il se limite aux conditions de prise en charge des personnes privées de liberté.
Seul l'aspect matériel est ici pris en compte, et non l'aspect psychologique. C'est pourquoi nous proposons que les conditions de vie de ces personnes soient contrôlées dans leur ensemble. Contrôler comment elles vivent leur privation de liberté est tout aussi important que de contrôler leur prise en charge. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous souhaitons voir garanti le respect non seulement des droits fondamentaux de ces personnes, mais également de leur dignité.
Par ailleurs, l'article 1er omet totalement le contrôle de l'état, de l'organisation et du fonctionnement des lieux de privation de liberté, ainsi que des conditions de travail des personnels. En 2001, la proposition de loi de MM. Hyest et Cabanel prévoyait un tel contrôle. Nous ne comprenons pas que celui-ci ait aujourd'hui disparu alors qu'il semble toujours opportun.
L'état des lieux, leur organisation et leur fonctionnement sont inséparables des conditions de vie des personnes retenues, comme des conditions de travail des personnels. Nous concevons ce contrôle non pas comme une mesure de défiance vis-à-vis des personnels mais, bien au contraire, comme une disposition permettant d'améliorer leurs conditions de travail, si cela s'avère nécessaire.
À nos yeux, ces éléments forment un tout indivisible qu'il convient de soumettre au contrôle du contrôleur général afin de garantir son efficacité. C'est pourquoi nous vous proposons d'étendre en ce sens le champ de compétence du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Hyest au nom de la commission est ainsi libellé :
Après les mots :
du respect
rédiger ainsi la fin du premier alinéa de cet article :
de leurs droits fondamentaux.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Selon la rédaction du projet de loi, le contrôleur général veille au respect des droits fondamentaux dont les personnes privées de liberté « demeurent titulaires ».
Le Gouvernement entend souligner que, même privés de liberté, les intéressés conservent certains droits fondamentaux. La rédaction proposée par cet amendement vise un objectif tout à fait identique, sous une forme plus concise. Nous souhaitons en effet que les lois soient claires et lisibles par tous !
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa, remplacer le mot :
demeurent
par le mot :
sont
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne le contrôle du respect des droits fondamentaux, donnée essentielle du contrôle que sera amené à effectuer le contrôleur.
Les droits visés par le projet de loi recouvrent le respect de la dignité humaine.
Ces principes, tels qu'ils découlent de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, font partie du « noyau dur » des droits humains. Toute personne jouit, en toutes circonstances, de ces droits. La personne privée de liberté est titulaire de ces droits parce que nul ne peut y déroger : ils sont intangibles et imprescriptibles.
L'emploi du verbe « demeurent » laisse supposer que la personne privée de liberté aurait pu, du fait de la privation de liberté, perdre la jouissance de ces droits. Ce terme laisse penser qu'une déchéance de ces droits est possible, alors que tel n'est pas le cas.
Cet amendement vise à rappeler que la personne, même privée de liberté, est toujours titulaire de ces droits.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Concernant l'amendement n° 18 de Jean-René Lecerf, la commission a déjà longuement débattu de la question du rattachement du contrôleur général au Médiateur de la République. Nous convenons tous de la nécessité d'établir une distinction entre les fonctions de contrôle et de méditation.
Le Médiateur de la République lui-même insiste sur l'obligation de séparation stricte de ces deux missions. Il rappelle la nécessité d'un cloisonnement entre deux structures administratives distinctes, ainsi que le recours à des compétences différentes dans des équipes différentes.
Compte tenu de cette séparation stricte, les économies d'échelle invoquées par les auteurs de l'amendement ne paraissent pas convaincantes.
Les personnes que nous avons entendues lors des auditions, dans leur grande majorité, souhaitent que la fonction de contrôle soit confiée à une autorité spécifique ; c'est notamment la recommandation du Conseil de l'Europe.
Sans doute notre position aurait-elle été différente s'il existait en France un véritable ombudsman auquel les fonctions de contrôle et de médiation pourraient être éventuellement rattachées. Mais tel n'est pas le cas aujourd'hui. En l'état du droit, le rattachement de la fonction de contrôle au Médiateur serait source de confusion. La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n° 60 tend à introduire, parmi les missions du contrôleur général, le contrôle des conditions de travail des personnels. Cet aspect n'est pas prévu par le protocole facultatif, qui fixe pour mission au contrôleur général le seul contrôle de la situation des personnes privées de liberté. Il est préférable d'en rester à la rédaction du projet de loi, que j'ai d'ailleurs explicitée dans le rapport en m'appuyant sur les recommandations de la mission présidée par M. Guy Canivet.
Je pense qu'une formulation générale est préférable pour ne pas encadrer trop strictement les missions du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 26 vise à préciser de manière très détaillée les compétences du contrôleur général. Il me semble qu'une formulation générale est préférable, car elle est plus adaptée au caractère d'une disposition législative. Toute énumération comporte un risque d'oubli et peut ainsi contredire le but affiché par les auteurs de l'amendement. En revanche, il est souhaitable que le débat puisse éclairer le contenu et la portée de ce contrôle.
Selon la commission, ce contrôle doit porter sur les conditions matérielles de privation de liberté susceptibles de mettre en cause la dignité de la personne, telles que l'état des locaux, l'hygiène et l'alimentation.
Ce contrôle doit également porter sur l'application aux personnes concernées des droits qu'elles conservent et qui varient, naturellement, selon leur statut : droit à la santé, maintien des liens familiaux, le cas échéant droit au travail ou à la formation, en particulier pour les personnes détenues, exercice effectif des droits de recours administratifs ou judiciaires.
Enfin, ce contrôle doit porter sur les rapports entre les personnes privées de liberté et les personnels des structures dont elles relèvent, en particulier au regard de la déontologie professionnelle.
Je pense que Mme le garde des sceaux confirmera que telle est bien l'étendue des compétences du contrôleur général.
Je demande donc le retrait de cet amendement. Dans la négative, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 79 appelle les mêmes observations que l'amendement n° 60 puisqu'il est pratiquement identique.
Quant à l'amendement n° 27, il est satisfait par l'amendement n° 1 de la commission qui répond à la préoccupation exprimée par Mme Boumediene-Thiery.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S'agissant de l'amendement n° 18 de M. Lecerf, il est vrai que les excellents travaux du Médiateur sur les conditions de détention, réalisés depuis 2005, ont fortement contribué à l'élaboration de ce projet de loi, ainsi qu'à la prise de conscience de la nécessité de créer un poste de contrôleur.
Les missions du contrôleur et du Médiateur sont très différentes : les prérogatives du Médiateur lui permettent de résoudre des difficultés opposant des particuliers aux pouvoirs publics. Telle n'est pas la mission de l'autorité de contrôle indépendante que nous avons souhaité créer.
Je souhaite vous remercier, monsieur Lecerf, de votre ouverture d'esprit et de la qualité des échanges que nous avons eus sur ce sujet. Je ne suis absolument pas opposée à une évolution des missions du Médiateur : si vous souhaitez que nous puissions y travailler, j'y suis tout à fait favorable.
Je vous remercie également d'avoir proposé de retirer cet amendement, en fonction des explications que je vous ai données ce matin.
M. le président. Monsieur Lecerf, l'amendement n° 18 est-il maintenu ?
M. Jean-René Lecerf. Non, je le retire, monsieur le président.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Concernant l'amendement n° 60, le Gouvernement souhaite définir de la manière la plus large possible la mission du contrôleur, afin que celle-ci puisse être exercée sans contraintes.
En effet, si l'on établit une liste énumérative des cas de contrôle, on risque de ne pas pouvoir prendre en compte certaines situations. En Angleterre, par exemple, l'inspecteur en chef des prisons a pu travailler sur la prévention des suicides parce que le champ de sa mission est resté très large et n'a pas été limité par une telle liste. Nous n'avons pas souhaité inscrire une liste énumérative dans le texte, afin d'assurer les meilleures conditions de travail au contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 60.
Je reprendrai exactement les mêmes arguments s'agissant de l'amendement n° 26. Nous n'avons pas souhaité établir une énumération précise des cas de contrôle, afin de permettre au contrôleur général d'examiner les conditions de prise en charge des personnes détenues ou retenues dans les meilleures conditions possibles.
Le Gouvernement émet, par conséquent, un avis défavorable sur l'amendement n° 26, ainsi que sur l'amendement n° 79, pour les mêmes raisons.
Par ailleurs, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1, car il permet d'améliorer la rédaction du texte.
En ce qui concerne enfin l'amendement n° 27, il est satisfait par l'amendement n° 1.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 60.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voudrais revenir sur cet amendement et expliquer pourquoi nous y sommes toujours favorables, en dépit des explications qui nous ont été données par M. le rapporteur.
Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas bien votre position, puisque nous avons repris exactement les termes d'une proposition de loi qui avait été signée par un certain M. Hyest...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'était en 2001 !
M. Jean-Pierre Sueur. Il est possible que votre pensée ait évolué entre-temps,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. ... car vous nous dites que la formule présentée par le Gouvernement est meilleure que celle dont vous étiez l'auteur en 2001.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous nous proposez d'adopter une rédaction qui évoque « les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté ». Or cette formulation recouvre, si l'on y réfléchit, tout ce qui a trait à la condition concrète des personnes visées.
La rédaction présentée dans votre proposition de loi était bien meilleure, car elle prévoyait le contrôle de l'état, de l'organisation, du fonctionnement des lieux privatifs de liberté, d'une part, celui des conditions de travail des personnels de ces établissements, d'autre part. Cela était très clair.
Je ne vois donc pas pourquoi, monsieur le rapporteur, vous seriez aujourd'hui hostile à la rédaction que nous proposons, et qui est aussi la vôtre. M. Frimat me rappelle d'ailleurs très opportunément que cette formulation avait été adoptée à l'unanimité par le Sénat : ce que nous avions décidé hier, nous pourrions le confirmer aujourd'hui. Le Sénat a beaucoup de sagesse, et je n'imagine pas qu'un texte ayant fait l'objet de son approbation unanime puisse se trouver tout d'un coup dénué d'intérêt.
M. Paul Girod. C'est du passé !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 27 n'a plus d'objet.
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. L'amendement n° 80, présenté par Mmes Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
I. Après le premier alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Est considérée comme une privation de liberté toute forme de détention ou d'emprisonnement ou le placement dans un établissement public ou privé de surveillance dont la personne n'est pas autorisée à sortir de son gré, ordonné par une autorité judiciaire ou administrative ou toute autre autorité publique.
Toute privation de liberté est considérée comme illégale si le lieu dans lequel elle se déroule n'a pas fait l'objet d'une déclaration préalable auprès du contrôleur général.
II. En conséquence, rédiger ainsi le début du deuxième alinéa de cet article :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté exerce...
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Si, comme je l'ai dit ce matin, nous sommes satisfaits que le contrôle ne porte plus uniquement sur les prisons - comme nous y oblige de toute façon le protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants -, nous souhaiterions néanmoins être sûrs que le contrôleur général pourra contrôler tous les lieux de privation de liberté, sans exception.
Nous aurions pu dresser la liste de ces lieux, mais je vous en fais grâce, mes chers collègues, supposant que vous la connaissez aussi bien que moi.
Quoi qu'il en soit, une telle liste serait tout à fait susceptible d'évoluer et aurait l'inconvénient, comme toutes les listes, de ne pas être forcément exhaustive.
C'est pourquoi nous avons fait le choix de définir ce qu'est une privation de liberté, en reprenant les termes du protocole précité, afin de permettre au contrôleur général de visiter tous les lieux correspondant à cette définition.
Ainsi, sa liberté serait totale, quelle que soit l'évolution des lieux privatifs de liberté : si d'autres structures de cette nature sont créées, elles entreront automatiquement dans le champ du contrôle.
Par ailleurs, tous les lieux de privation de liberté devront être systématiquement déclarés au contrôleur général, afin qu'aucun ne puisse échapper à son action. Je pense notamment au cas des locaux de rétention administrative, dont le nombre et la localisation fluctuent en fonction des besoins du moment.
Nous proposons donc de soumettre la légalité d'une mesure de privation de liberté à la condition de déclaration préalable auprès du contrôleur général du lieu où elle est exécutée.
Notre amendement vise, ni plus ni moins, à renforcer les pouvoirs du contrôleur général.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 80 tend à définir la privation de liberté sur le modèle de la rédaction retenue par le protocole facultatif à la convention des Nations unies.
Il a en outre pour objet d'instaurer une déclaration préalable auprès du contrôleur général de l'ouverture de tout nouveau lieu de privation de liberté, faute de quoi la détention serait illégale.
Si la sanction de l'absence de déclaration préalable apparaît inadaptée, il est souhaitable, en revanche, que le contrôleur général puisse être informé du nombre exact de lieux de privation de liberté. Le Gouvernement pourra peut-être nous donner des précisions sur ce point. Dans la mesure où je pense que nous obtiendrons des éclaircissements suffisants, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cet amendement comporte deux aspects.
Tout d'abord, il présente une définition de la privation de liberté, reprise du protocole facultatif à la convention des Nations unies.
Ensuite, il prévoit une déclaration préalable auprès du contrôleur général de tout lieu de privation de liberté, qu'il s'agisse de locaux de garde à vue, d'un centre de rétention ou d'un lieu d'emprisonnement.
Or si communiquer la liste des lieux de privation de liberté ne pose aucun problème, rendre illégale la mesure de détention, de rétention ou d'hospitalisation d'office en l'absence de déclaration préalable auprès du contrôleur général du lieu où elle est exécutée pourrait soulever des difficultés, sur le plan juridique et sur celui de la sécurité.
En particulier, une personne peut se voir notifier ses droits dans la rue, en vue de son placement en garde à vue, au moment même de l'interpellation. Elle se trouve dès cet instant privée de sa liberté, et l'on peut s'interroger sur le traitement d'un tel cas au regard de la disposition présentée par les auteurs de l'amendement. Comment jugera-t-on cette situation ?
Je le répète, transmettre au contrôleur général la liste des lieux de privation de liberté ne suscite aucun problème, mais il ne faudrait pas que l'absence de déclaration préalable du lieu d'exécution rende illégale la mesure de placement en détention ou en garde à vue, car ce lieu est forcément inconnu au moment où la mesure est prise. Par exemple, le placement d'un mineur en centre éducatif fermé par un juge des enfants pourrait être considéré illégal si le centre vient d'ouvrir et n'a pas fait l'objet d'une déclaration préalable auprès du contrôleur général.
Par conséquent, dans la mesure où cet amendement lie la légalité de la privation de liberté à la déclaration préalable du lieu où elle s'exerce, nous y sommes défavorables.
M. le président. Madame Assassi, l'amendement n° 80 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est nommé par décret pour une durée de six ans. Son mandat n'est pas renouvelable.
Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l'expiration de son mandat qu'en cas de démission ou d'empêchement.
Les fonctions de contrôleur général des lieux de privation de liberté sont incompatibles avec toute autre activité professionnelle ou tout mandat électif.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Avec l'article 2, nous commençons à aborder le vif du sujet.
Sur toutes les travées de notre assemblée, on s'accorde à estimer que le contrôleur général des lieux de privation de liberté doit constituer une autorité vraiment indépendante, comme il est affirmé à l'article 1er. D'ailleurs, cette autorité viendra s'ajouter à d'autres institutions du même type, déjà qualifiées d'autorités indépendantes : le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui est une instance collégiale.
Cependant, nous nous apercevons finalement que les moyens d'instaurer une autorité indépendante ne sont pas au rendez-vous. En effet, il n'est pas très satisfaisant que le contrôleur général des lieux de privation de liberté soit nommé par décret simple : cela banalise considérablement la fonction. Les autorités que j'ai citées à l'instant sont nommées par décret pris en conseil des ministres ou par décret du Président de la République.
Nous aurons l'occasion, tout au long de ce débat, de nous reporter à ce que la commission des lois et le Sénat, dans son ensemble, voulurent en 2001.
En effet, la commission des lois du Sénat était allée beaucoup plus loin, à l'époque, que ne le prévoit le texte qui nous est soumis. Aujourd'hui, elle propose que le contrôleur général soit nommé par décret du Président de la République - tout de même ! - pris après avis consultatif - quelle modestie, quelle frilosité ! - des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Nous voici donc transformés en assemblée consultative ! Ce n'est pas très glorieux pour les défenseurs des prérogatives parlementaires.
Cela étant, le Gouvernement propose donc, pour l'heure, que le contrôleur général soit nommé par décret simple, ce qui appelle deux observations.
En premier lieu, cela est en contradiction avec les préconisations de la mission Canivet, qui prévoyait au moins une nomination par décret du Président de la République, sur proposition de la Commission nationale consultative des droits de l'homme : toujours cette tendance, soit dit en passant, à s'adresser à des organismes, aussi vénérables et utiles soient-ils, plutôt qu'au Parlement ! Je le disais ce matin, on ne cesse de se méfier du Parlement. Cela est d'ailleurs également vrai, hélas ! lorsque la gauche est aux responsabilités.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est bien de le reconnaître !
M. Louis Mermaz. Eh oui, c'est la vérité ! Je suis historien, j'ai donc de la mémoire...
Par conséquent, on a toujours tendance à s'en remettre à d'autres institutions que le Parlement. C'est d'ailleurs une orientation constante sous la Ve République, qui ne fait que se préciser.
Quant à la proposition de loi Hyest-Cabanel, à laquelle nous ne cesserons de nous référer, elle prévoyait au moins une nomination par décret en conseil des ministres.
En second lieu, il faut tout de même se souvenir des promesses du candidat Nicolas Sarkozy, qui souhaitait faire avaliser par le Parlement les nominations des autorités indépendantes. Nous sommes vraiment là au centre du sujet !
Or Mme la garde des sceaux nous a dit qu'il fallait laisser travailler la commission Balladur et ne pas anticiper. Je ne vois pas du tout pourquoi nous serions soumis à une commission nommée. Nous sommes un Parlement élu, au suffrage universel direct pour l'Assemblée nationale, au suffrage universel indirect pour le Sénat.
Nous présenterons donc tout à l'heure une batterie d'amendements portant sur cet article. Nous souhaitons en particulier que le contrôleur général des lieux de privation de liberté soit nommé par décret du Président de la République, après un avis des commissions compétentes des deux assemblées liant ce dernier et pris - tenez-vous bien, mes chers collègues ! - à la majorité des trois cinquièmes de leurs membres. Nous instaurerions alors vraiment une autorité indépendante et digne des fonctions que nous voulons lui confier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, sur l'article.
M. Robert Badinter. Après M. Mermaz, je tiens à attirer l'attention de nos collègues sur l'importance de la procédure de nomination du contrôleur général et sur le choix de ce dernier. En effet, tant vaudra cette institution que vaudra le choix du contrôleur général, et particulièrement du premier titulaire de la fonction.
Dans mon intervention à la tribune, j'ai rappelé que, dans le protocole facultatif à la convention des Nations unies que nous devons ratifier, mention était faite des qualités que cette personne devait présenter : il devra s'agir d'une personnalité de haute moralité, ayant une expérience professionnelle reconnue dans le domaine de l'administration de la justice, en particulier en matière de droit pénal et d'administration pénitentiaire ou policière ou dans les divers domaines ayant un rapport avec le traitement des personnes privées de liberté - on pense bien entendu au domaine psychiatrique.
Par conséquent, ce choix est essentiel. Une fois définies les qualités que le contrôleur général doit évidemment présenter, se pose la question des conditions de sa nomination.
Je laisse de côté le débat sur sa nomination par décret en conseil des ministres, qui pose un problème de constitutionnalité au regard de la loi organique.
Je m'en tiendrai à la réflexion suivante : il ne suffit pas de dire que la personnalité nommée présentera toutes les qualités parce qu'elle aura été choisie par l'exécutif ; son autorité sera d'autant plus grande si le Parlement - et plus particulièrement les commissions parlementaires en charge de ces questions - donne un avis favorable. La désignation d'un contrôleur dont la fonction est la défense des droits fondamentaux des personnes privées de liberté requiert le concours du Parlement ou, tout du moins, sa participation aux côtés du Gouvernement.
Nous allons plus loin : s'il s'agit d'un avis de la majorité donné à la majorité, l'autorité du contrôleur sera limitée. Il faut donc associer l'opposition à sa désignation afin que cette dernière fasse l'objet d'un consensus.
C'est la raison pour laquelle nous insistons sur ce point : non seulement les commissions compétentes du Parlement doivent être consultées, mais leur avis doit également être pris à la majorité des trois cinquièmes.
Ce point revêt une importance considérable, car, je le répète, tant vaudra le contrôleur que vaudront sa personnalité et les conditions de sa nomination. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 61, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après les mots :
par décret
insérer les mots :
du Président de la République, après avis des commissions compétentes de l'Assemblée Nationale et du Sénat pris à la majorité des 3/5 de leurs membres,
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. L'autorité que nous avons créée par l'article 1er ne sera reconnue que si elle est indépendante et incontestable. En conséquence, la mention d'une nomination par décret apparaît tout à fait insuffisante.
C'est pourquoi nous proposons que le contrôleur général des lieux de privation de liberté soit nommé par décret du président de la République, après avis des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat pris à la majorité des trois cinquièmes de leurs membres, comme l'avait annoncé le candidat à la présidence de la République.
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après les mots :
par décret
insérer les mots :
du Président de la République, après avis des commissions compétentes du Parlement,
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 2 instaure un mode de nomination manifestement insatisfaisant : il ne semble pas de nature à garantir l'indépendance dont doit bénéficier l'institution que nous sommes en train de créer.
Le contrôleur général serait nommé par décret simple. Or il doit constituer une autorité, certes indépendante, mais aussi incontestable. La proposition de loi de 2001, telle qu'elle avait été déposée sur le bureau du Sénat, prévoyait déjà une nomination par décret du Président de la République.
Les associations, dans leur ensemble, souhaitent que le contrôleur soit nommé, directement ou indirectement, par le Parlement. Un tel dispositif existe d'ailleurs dans d'autres pays qui ont déjà mis en place un mécanisme national de prévention.
Nous aurions aussi pu imaginer que le contrôleur général soit choisi sur une liste préétablie par la Commission nationale consultative des droits de l'homme.
Néanmoins, comme la nomination directe par le Parlement est, semble-t-il, impossible, nous avons fait le choix de prévoir que le contrôleur général soit nommé par décret du Président de la République - c'est un minimum ! -, mais pris après avis des commissions compétentes des deux assemblées parlementaires.
Ce choix me paraît être un compromis satisfaisant du point de vue à la fois de l'indépendance nécessaire du contrôleur et de ses compétences.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Hyest au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :
décret
insérer les mots :
du Président de la République
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette précision est destinée à affirmer l'importance de la mission reconnue au contrôleur général ; elle figure d'ailleurs dans le statut de plusieurs autorités administratives indépendantes, comme la HALDE et le CSA.
J'indique à M. Mermaz que nous avions bien pensé à un décret en conseil des ministres ; c'est ce que nous avions prévu dans la proposition de loi de 2001. Mais cela nécessiterait un renvoi à la loi organique : la loi organique détermine les nominations qui sont faites en conseil des ministres et renvoie à un décret pour la fixation de la liste. On ne peut donc pas prévoir dans le présent texte - et Robert Badinter ne me démentira pas - que le décret sera pris en conseil des ministres.
Je rappelle que la nomination sera contresignée par au moins cinq ministres.
C'est tout de même le Président de la république qui nomme à tous les emplois civils et militaires de l'État ! La mission du contrôleur général est tellement importante que celui-ci ne peut être nommé que par décret du Président de la République, et non par un décret simple.
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :
décret
insérer les mots :
en Conseil des ministres
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 50 et 51 rectifié.
Ces deux amendements ont pour objet de conforter le rôle, la place et le pouvoir du contrôleur général, car il est important - cela a été souligné à de nombreuses reprises - que le contrôleur général ait une autorité morale et une indépendance qui soient incontestables. Il est donc nécessaire que la procédure de nomination soit mieux encadrée que celle qui est prévue dans le projet de loi.
Avec l'amendement n° 50, je proposais que le contrôleur général soit nommé par décret en conseil des ministres. Mais j'ai bien entendu les propos de M. le rapporteur. Je retire donc cet amendement au profit de celui que M. Hyest vient de nous présenter. L'idée est que la nomination du contrôleur général fasse l'objet non pas d'un décret simple, mais d'un décret du Président de la République.
L'amendement n° 51 tend à prévoir que la nomination ait lieu après avis des commissions compétentes de chaque assemblée. Cette proposition s'inscrit dans la ligne de ce que souhaite le Président de la République et des réflexions engagées par la commission présidée par M. Balladur.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission.
L'amendement n° 51 rectifié est présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, avant les mots :
pour une durée
insérer les mots :
, après avis de la commission compétente de chaque assemblée,
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement vise à associer le Parlement, sous la forme d'un avis consultatif des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, à la procédure de nomination du contrôleur général.
Cette disposition - qui est parfaitement conforme à la Constitution actuelle - s'inscrit dans l'esprit des positions défendues par le Président de la République. Il y a d'ailleurs des précédents : le président de la Commission de régulation de l'énergie est nommé après avis des commissions du Parlement compétentes en matière d'énergie.
Si, demain, compte tenu des engagements du président de la République, la Constitution évolue pour associer encore plus complètement le Parlement aux nominations les plus importantes, nous aurons tout loisir de modifier un certain nombre de textes concernant les nominations.
Toutefois, nous tenons, sans attendre, à donner notre avis sur la nomination de ce personnage très important dont l'autorité, la compétence et le magistère moral doivent faire l'objet d'un relatif consensus.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien, mais aux trois cinquièmes !
M. le président. La parole est à M. Détraigne, pour présenter l'amendement n° 51 rectifié ?
M. Yves Détraigne. Je le retire au profit de l'amendement de la commission, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 51 rectifié est retiré.
L'amendement n° 19, présenté par MM. Lecerf et Portelli, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article avant les mots :
pour une durée
insérer les mots :
parmi quatre candidats proposés pour deux d'entre eux par la commission des lois de l'Assemblée nationale et pour les deux autres par la commission des lois du Sénat
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Cet amendement a le même objet que ceux qui ont été déposés par mes collègues des groupes CRC, socialiste, de l'UC-UDF, et par la commission des lois : il s'agit d'associer le Parlement à la désignation du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
L'amendement tend à prévoir que la commission des lois du Sénat et celle de l'Assemblée nationale proposent chacune deux candidats - il est quelquefois plus facile d'en proposer deux plutôt qu'un seul, pour des raisons aisées à deviner - parmi lesquels le Président de la République effectuerait son choix.
Toutefois, pour montrer à Mme la garde des sceaux ma bonne volonté - dont elle ne doute d'ailleurs pas ! -, je suis tout à fait prêt à retirer cet amendement et à voter contre les autres, à la condition qu'elle accepte au moins l'un d'entre eux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 61 tend à compléter celui de la commission en prévoyant que l'avis des commissions sur la nomination du contrôleur général est rendu à la majorité des deux tiers. Il me paraît préférable de nous en tenir à la proposition de la commission, qui peut se prévaloir d'un précédent...
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n'ai pas à me justifier, monsieur Sueur ! Vous demandez toujours « pourquoi ? » !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est que je veux comprendre !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous connaissez très bien la réponse !
Cette solution nous paraît préférable parce que demander l'avis des commissions, c'est déjà aller très loin. Je vous garantis que l'avis sera forcément consensuel, sinon nous nous trouverions dans une situation que nous ne souhaitons pas.
M. Jean-Pierre Sueur. Raison de plus pour adopter cet amendement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 82 est satisfait par les amendements nos 2 et 3 de la commission.
Quant à l'amendement n° 19, il ouvre une piste de réflexion intéressante sur la procédure de nomination du contrôleur général et constitue une alternative à la formule proposée par l'amendement n° 3 de la commission.
La solution retenue par la commission me paraît préférable, parce qu'elle peut se prévaloir d'un précédent et qu'elle s'inscrit dans le cadre constitutionnel actuel, sans préjuger des éventuelles évolutions qui seront retenues en matière de nomination, notamment dans le cadre de la commission présidée par M. Balladur. Je vous rappelle que ce sont les parlementaires qui réviseront la Constitution !
M. Alain Gournac. Aux trois cinquièmes !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il va de soi que si un dispositif encore plus favorable aux droits du Parlement devait être retenu en matière de nomination, il s'appliquerait au contrôleur général.
Je demande donc le retrait de cet amendement au profit de ceux de la commission.
Monsieur le président, afin de simplifier le débat, la commission demande le vote par priorité des amendements nos 2 et 3.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Sur l'amendement n° 61, le Gouvernement émet un avis défavorable pour la raison que M. le rapporteur a indiquée...
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'en a pas apporté, justement !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vais vous la donner !
Le Président de la République a installé le 18 juillet la commission, présidée par M. Balladur, qui est en charge de faire des propositions sur la réforme de nos institutions. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Robert Bret. Il n'y a pas de sénateurs dans cette commission !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il s'agira notamment du pouvoir de nomination à de hautes fonctions. Ce pouvoir de nomination s'appliquera au contrôleur général lorsque nous aurons les conclusions de la commission Balladur.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos°61 et 82.
L'amendement n° 2 prévoit que le contrôleur général est nommé par décret du Président de la République, à l'instar des nominations des hautes autorités. Le Gouvernement émet un avis favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 3, je reprendrai la même argumentation : la commission présidée par Édouard Balladur doit formuler des propositions. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme Éliane Assassi. Il n'y a pas de sénateur dans cette commission !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S'agissant de l'amendement n° 19, pour les mêmes raisons que pour l'amendement n° 3, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. J'interviendrai sur les amendements nos 2 et 3, car je ne suis pas sûr que les autres amendements seront mis aux voix si ceux-ci sont adoptés.
En vérité, notre débat voit cohabiter deux personnages : M. Hyest « version 2001 » - on ne cesse de le lui rappeler - et M. Balladur qui, depuis qu'il ne s'est pas présenté aux dernières élections, a pris une importance qui doit l'étonner lui-même. (Rires.) Si je voulais faire un mauvais jeu de mots, je dirais que l'on nous balade avec M. Balladur. Mais je m'en garderai bien !
M. René Garrec. C'est facile !
M. Louis Mermaz. Nous avons des responsabilités à prendre et il n'est pas nécessaire de se demander, pendant des mois, ce que pense M. Balladur pour faire notre travail.
Pour ma part, je m'oppose à ces amendements et je voterai l'amendement présenté par M. Charles Gautier.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Mermaz, chacun n'a que l'importance qu'il se donne...
M. Louis Mermaz. Gardez votre bonne humeur !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous avez été extrêmement désagréable vis-à-vis de M. Edouard Balladur !
M. Simon Sutour. Au contraire !
Mme Éliane Assassi. Pas du tout !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous nous dites que l'on est en deçà de la proposition de loi adoptée en 2001. Je vous ai expliqué pourquoi il ne me paraissait pas utile, s'agissant du décret, de préciser « en conseil des ministres ». C'est la seule différence par rapport au texte de 2001 ! Je préfère que le contrôleur général soit nommé par décret du Président de la République ; je pense que tout le monde peut être d'accord sur cette formule.
Mes chers collègues, dans le cadre constitutionnel actuel, et même si le Gouvernement y est défavorable, il est important que nous puissions donner notre avis sur la nomination de cette personnalité, qui doit remplir un certain nombre de conditions. Car le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de libertés sera adopté avant la révision de la Constitution.
D'ailleurs, la semaine dernière, la commission des lois avait adopté cet amendement à l'unanimité. Depuis, vos propositions vont plus loin. Pour ma part, je suggère d'être raisonnable et j'insiste pour que l'amendement n° 3 soit adopté.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, les amendements nos 2 et 3 constituent des avancées qui sont loin d'être négligeables. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Je tiens à le préciser parce que, d'une part, l'on passe d'un décret simple à un décret du Président de la République et, d'autre part, on prévoit de demander l'avis des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat. C'est important, j'y insiste !
Et puisque nous ne pouvons nous exprimer que sur ces deux amendements, car vous avez demandé leur vote par priorité, monsieur le rapporteur - peut-être auriez-vous pu d'ailleurs vous en dispenser - je dirai que nous regrettons beaucoup que vous ne preniez pas en compte cette idée des trois cinquièmes défendue par Louis Mermaz et Robert Badinter.
De deux choses l'une : ou bien il ne faut pas modifier notre législation en raison de l'existence de la commission Balladur, mais telle n'est pas votre position, monsieur le rapporteur, ou bien il faut progresser, nonobstant cette commission, laquelle vient à peine de commencer à travailler.
Par ailleurs, je tiens à vous dire, madame la ministre, vous qui êtes la gardienne du droit, que je trouve tout de même quelque peu singulier que vous puissiez invoquer devant nous le fait que le Parlement ne pourrait pas légiférer dans ce domaine en raison de l'existence d'une commission.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne vois vraiment pas sur quel fondement nous limiterions notre pouvoir de légiférer parce qu'il existerait une commission, quel que soit le caractère éminent des membres de celle-ci.
Monsieur le rapporteur, nous regrettons que vous n'acceptiez pas l'avancée que nous suggérons. En effet, comme l'a dit excellemment Robert Badinter, il est évident que nous pourrions prendre en compte dès maintenant une proposition qui avait été formulée par plusieurs candidats, et tout particulièrement par Nicolas Sarkozy, lors de la campagne présidentielle.
Pour que ces autorités très importantes soient reconnues de tous, il est fondamental de faire figurer dans notre droit un nécessaire accord de la majorité et de l'opposition. Mes chers collègues, cette avancée constituerait un gage de consensus et d'adhésion dans le pays.
Nous voterons les deux amendements de la commission, mais nous regrettons le rejet de cette avancée complémentaire, qui aurait constitué un véritable changement dans nos institutions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote.
M. Henri de Richemont. Je voterai, bien entendu, les amendements nos 2 et 3, mais je me demande à quoi sert notre vote, madame le garde des sceaux, car vous avez dit tout à l'heure que la révision de la Constitution intervenant après la commission Balladur s'appliquera à la nomination du contrôleur général.
Si la commission Balladur propose de nommer les membres des hautes autorités aux trois cinquièmes et que la révision de la Constitution s'applique aux trois cinquièmes, il faudra attendre la révision de la Constitution pour nommer le contrôleur général. Dès lors, à quoi sert de voter ce texte maintenant ?
M. le président. En conséquence, les amendements nos 61 et 82 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 19 n'a plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Hyest au nom de la commission.
L'amendement n° 83 rectifié est présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions qu'il émet ou des actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer la protection du contrôleur général par une disposition qui se retrouve dans le statut de plusieurs autorités administratives indépendantes et qui interdit toute action judiciaire à l'occasion d'opinions ou d'actes accomplis dans l'exercice de la mission. Cette précision nous semble indispensable.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour défendre l'amendement n° 83 rectifié.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous regrettons que cet amendement, qui est identique à celui de la commission, laquelle s'en est inspirée, soit appelé après l'amendement de la commission. Mais nous ne pouvons que nous féliciter qu'il ait été repris puisque c'est un amendement plus que nécessaire, qui repose sur l'immunité pénale du contrôleur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les amendements nos 4 et 83 rectifié visent à renforcer la protection accordée au contrôleur général, à l'instar du statut des autorités indépendantes. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 83 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par M. Yung est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Il est choisi parmi des personnalités de haute moralité ayant une expérience professionnelle reconnue dans le domaine de l'administration de la justice, en particulier en matière de droit pénal et d'administration pénitentiaire ou policière, ou dans les divers domaines ayant un rapport avec le traitement des personnes privées de liberté.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous avons tous souligné l'importance du choix de la personnalité qui occupera la fonction de contrôleur général : celle-ci devra avoir de l'expérience dans le domaine du droit et de l'administration pénitentiaire ; elle devra aussi être une référence morale.
Vous m'objecterez que cela va de soi, que ce n'est pas la peine de l'inscrire dans la loi, que le Gouvernement nommera forcément une personnalité de cette envergure. Je n'en doute pas, mais il est important de le graver dans le marbre de la loi, en tout cas pour les premières nominations. Je pense, par exemple, que le contrôleur des prisons britanniques, prisons que Mme le garde des sceaux a visitées récemment, représente une telle autorité morale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est évident que les critères prévus par le protocole facultatif présideront au choix de la personnalité appelée à occuper ces fonctions.
Faut-il néanmoins les inscrire dans la loi ? Les statuts des autorités administratives indépendantes - le Médiateur de la République, le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE - ne prévoient pas des éléments qualificatifs concernant les personnalités désignées au sein des autorités indépendantes, car ils sont considérés comme allant de soi.
Il serait donc singulier de le préciser pour le seul cas du contrôleur général. En outre, la procédure de nomination proposée par la commission dans son amendement permettra au Parlement de s'assurer que ces critères seront effectivement réunis.
Par conséquent, la commission demande le retrait de l'amendement n° 46. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, le caractère de haute moralité est implicite pour un tel poste, comme il l'est pour toutes les nominations à la discrétion du Gouvernement ou entrant dans le cadre de missions régaliennes.
Par ailleurs, vous limitez l'expérience requise au seul domaine de l'administration pénitentiaire et policière. Toutefois, la mission du contrôleur général dépasse ce cadre. Si je prends l'exemple de la Grande-Bretagne, l'inspectrice en chef des prisons, médecin de formation, était militante au sein d'une association des droits de l'homme. Or, bien que sa mission concerne d'autres domaines, je puis vous dire que, depuis 2001, elle effectue un travail formidable.
C'est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas limiter les domaines de compétences de la personnalité qui sera retenue pour remplir cette mission.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Yung, l'amendement n° 46 est-il maintenu ?
M. Richard Yung. Oui, monsieur le président, je le maintiens, car les raisons qui ont été avancées tant par M. le rapporteur que par Mme le garde des sceaux ne me semblent pas convaincantes.
M. le rapporteur argue du fait que cette précision serait singulière. Mais, s'agissant d'une nomination de cette importance, pourquoi n'innoverions-nous pas ?
Par ailleurs, cet amendement ne tend pas à limiter l'expérience du contrôleur général à l'administration pénitentiaire puisqu'il vise l'ensemble des domaines ayant un rapport avec le traitement des personnes privées de liberté.
Enfin, m'opposer le fait que cette précision est inutile ne me convainc pas. La Haute Assemblée s'honorerait en intégrant cet alinéa, qui ne fait que préciser des points sur lesquels un consensus s'est dégagé.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Hyest au nom de la commission est ainsi libellé :
Après le mot :
incompatibles
rédiger ainsi la fin du troisième alinéa de cet article :
avec tout autre emploi public, toute activité professionnelle et tout mandat électif.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le projet de loi a entendu définir un régime d'incompatibilités très complet pour le contrôleur général.
Dans cet esprit, et afin de donner à cette personnalité la possibilité de se consacrer entièrement à sa mission, l'amendement tend à compléter ce régime en prévoyant également une incompatibilité avec « tout autre emploi public ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Hyest au nom de la commission est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux articles L. 194-1, L. 230-1 et au cinquième alinéa de l'article L. 340 du code électoral, les mots : « et le Défenseur des enfants » sont remplacés par les mots : «, le Défenseur des enfants et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il convient de compléter le code électoral. Par parallélisme avec le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants, le contrôleur général ne peut être candidat à un mandat de conseiller général, municipal ou régional pendant la durée de ses fonctions, s'il n'exerçait pas l'un de ces mandats antérieurement à sa nomination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Article 3
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est assisté de contrôleurs qu'il recrute en raison de leur compétence dans les domaines se rapportant à sa mission.
Les fonctions de contrôleur sont incompatibles avec l'exercice d'activités en relation avec les lieux contrôlés.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, sur l'article.
M. Charles Gautier. Le texte que nous examinons constitue une avancée par rapport aux textes proposés précédemment, puisque le contrôleur a dans son champ de compétences non seulement les prisons, mais aussi tous les autres lieux de privation de liberté, même si cette définition nous paraît un peu floue.
Toutefois, le choix du Gouvernement d'étendre à ce point le champ de compétences du contrôleur général n'est pas sans conséquences. Ainsi, ce sont quelque 5 500 lieux de privation de liberté que le contrôleur général devra visiter. Autant dire que son utilité sera relativement nulle s'il n'a pas la possibilité de déléguer certaines de ses compétences.
Le texte prévoit que le contrôleur général puisse se faire assister de contrôleurs. Pourtant, ni le projet de loi ni même son exposé des motifs ne détaillent le nombre, les fonctions et les missions de ces contrôleurs.
Il nous semble important de prévoir un nombre important de contrôleurs. En Grande-Bretagne, au minimum 40 personnes assistent le contrôleur. Ce chiffre nous paraît être un minimum pour les seules prisons, qui sont au nombre de 200, sur les 5 500 lieux concernés.
De même, afin de garantir une aide efficace au contrôleur général, il importe que les contrôleurs puissent être recrutés en fonction de leurs connaissances dans tel ou tel domaine entrant dans le champ de compétences du contrôleur général.
Enfin, il est essentiel que le contrôleur général dispose de tous les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de sa tâche. Sans moyens, son existence sera fortuite, et nous n'améliorerons en rien les conditions actuelles.
C'est pourquoi l'article 3 du projet de loi nous semble trop peu précis.
Madame la ministre, pouvez-vous d'ores et déjà nous donner quelques informations, et surtout quelques chiffres en la matière ? Pouvez-vous nous rassurer sur les moyens matériels et humains qui seront mis à la disposition du contrôleur général ? Pouvez-vous nous décrire l'organisation interne de cette nouvelle autorité administrative indépendante ?
Je vous remercie des précisions que vous nous apporterez.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 62, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Après les mots :
est assisté de contrôleurs
Rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :
dont le nombre, le statut et les conditions de nomination sont définies par décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Si nous avons pris acte, avec satisfaction, de l'initiative du Gouvernement d'instituer un contrôleur général pour l'ensemble des lieux de privation de liberté, conformément à l'engagement pris par la France auprès des Nations unies de mettre en place un mécanisme national de prévention des traitements inhumains et dégradants, nous souhaitons que ce contrôle soit effectif.
En effet, la mission du contrôleur général va couvrir environ 5 500 lieux de privation de liberté relevant de la compétence des ministres de la justice, de l'intérieur et de la santé et comprenant 188 établissements pénitentiaires, plus de 200 zones d'attente et locaux de rétention administrative, 4 000 locaux de garde à vue, 1 000 secteurs psychiatriques des centres hospitaliers et 138 locaux d'arrêt des armées.
Compte tenu de la multiplicité des lieux concernés, de leur diversité et de leur spécificité, si l'on veut que le contrôleur général assure pleinement sa mission, il est bien évident qu'il faut lui adjoindre un grand nombre de contrôleurs.
À titre d'exemple, en Grande-Bretagne, où vous vous êtes rendue la semaine dernière, madame la ministre, l'inspectrice en chef des prisons, qui assure les visites pour le seul domaine pénitentiaire, bénéficie d'une équipe de 41 personnes.
Nous considérons donc que l'évaluation des besoins en personnels, ainsi que le statut de ces derniers et les conditions de leur nomination, doivent être définis par décret en Conseil d'État.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Après le mot :
contrôleurs
rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :
dont le statut et les conditions de nomination sont définis par décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Si l'article 3 prévoit bien que le contrôleur général sera assisté de contrôleurs, les conditions dans lesquelles ces derniers doivent être recrutés ne garantissent pas suffisamment, à nos yeux, la transparence nécessaire. En effet, il est simplement indiqué que le contrôleur général « est assisté de contrôleurs qu'il recrute en raison de leur compétence dans les domaines se rapportant à sa mission ».
Le débat que nous avons eu tout à l'heure à propos du mode de nomination du contrôleur général révèle l'importance de cette question en termes d'indépendance, de transparence, et de compétences. Les contrôleurs doivent, eux aussi, être nommés de la façon la plus transparente possible, en fonction, certes, de leur compétence dans les domaines d'intervention du contrôleur général, mais également de leur expérience professionnelle, car ce seront des hommes de terrain. Il n'est donc pas inconcevable de prévoir qu'ils doivent avoir acquis, outre leurs compétences théoriques, une certaine expérience professionnelle.
Notre souci est tout simplement d'éviter, sur un sujet aussi sérieux que le respect des droits de l'homme dans les lieux de privation de liberté, que l'on ne procède à des nominations de complaisance.
Nous préférons, par conséquent, que le statut et les conditions de nomination des contrôleurs soient strictement définis par décret en Conseil d'État, afin qu'ils soient uniformisés et répondent à des critères déterminés.
Je rappellerai pour mémoire que la proposition de loi que le Sénat avait adoptée en 2001 précisait que le statut et les conditions de nomination des contrôleurs des prisons étaient définis par décret en Conseil d'État. Autrement dit, le projet de loi doit garantir l'indépendance du contrôleur général et préciser ses conditions de nomination. Et il doit en faire autant pour les contrôleurs qui l'assistent.
Monsieur le président, je suis prêt à retirer cet amendement au profit de l'amendement n° 62, qui est plus précis dans la mesure où il pose également la question du nombre de contrôleurs à prévoir aux côtés du contrôleur général pour s'acquitter de cette tâche, qui sera grande.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vous renvoie, mes chers collègues, à l'article 11 du projet de loi, dont je rappelle ici les termes : « Les conditions d'application de la présente loi, notamment celles dans lesquelles les contrôleurs mentionnés à l'article 3 sont appelés à participer à la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté, sont précisées par décret en Conseil d'État. »
Le champ de cet article est plus large, puisque le décret ne fixera pas uniquement le nombre, le statut et les conditions de nomination des contrôleurs.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir retirer vos amendements ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. Robert Bret. Leur nombre n'est pas précisé !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je formulerai les mêmes observations.
Seul un décret en Conseil d'État peut fixer le nombre des contrôleurs, ou leur profil.
Comme certains d'entre vous l'ont indiqué ce matin, il faut aussi que nous nous adaptions aux besoins et aux demandes...
Mme Éliane Assassi. Et au budget !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Effectivement !
Ces amendements sont donc satisfaits par l'article 11 du projet de loi.
M. le président. Monsieur Bret, l'amendement n° 84 est-il maintenu ?
M. Robert Bret. Non, monsieur le président, je le retire au profit de l'amendement n° 62.
M. le président. L'amendement n° 84 est retiré.
La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote sur l'amendement n° 62.
M. Louis Mermaz. Monsieur le rapporteur, je ne suis pas de votre avis ! L'article 11 du projet de loi dispose : « Les conditions d'application de la présente loi, notamment celles dans lesquelles les contrôleurs mentionnés à l'article 3 sont appelés à participer à la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté, sont précisées par décret en Conseil d'État. »
Nous ne parlons pas tout à fait de la même chose ! Ce qui nous préoccupe, c'est avant tout la nomination de ces contrôleurs ; nous verrons ensuite de quelle manière ils exerceront leurs fonctions.
Comme M. Gautier l'a souligné tout à l'heure, ce sont quelque 5 500 lieux de privation de liberté qui sont concernés. Il est donc évident que le nombre des contrôleurs est un point essentiel si l'on veut que le contrôleur général puisse vraiment exercer ses prérogatives. À cet égard, il serait d'ailleurs souhaitable que Mme le garde des sceaux précise que les contrôleurs nommés par décret en Conseil d'État auront des prérogatives semblables à celles du contrôleur général.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Louis Mermaz. Ils doivent pouvoir exercer un droit de visite inopinée s'ils le jugent nécessaire, se faire remettre les documents indispensables, rencontrer les personnels ou les détenus s'ils le souhaitent. Bref, ils doivent avoir les mêmes prérogatives que celles dont jouit le contrôleur général ; sinon, cette institution serait tout à fait surréaliste.
Comment un contrôleur général pourrait-il faire face à des tâches aussi multiples et se rendre, en l'espace de quelques mois, voire de quelques années, dans 5 500 lieux de détention ?
De même, il est essentiel de préciser dans ce décret en Conseil d'État - et le Gouvernement devrait s'en préoccuper -que ces contrôleurs seront spécialisés. Car on ne demande pas les mêmes connaissances lorsqu'il s'agit de visiter une zone d'attente, un centre de rétention, un lieu de garde à vue dans un commissariat ou une gendarmerie, un centre de dépôt du palais de justice, une maison d'arrêt ou un établissement pour peine. Il faut examiner cette question si l'on veut que cette institution fonctionne.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L'article 3 du projet de loi dispose : « Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est assisté de contrôleurs qu'il recrute en raison de leur compétence dans les domaines se rapportant à sa mission. »
Et l'article 11 prévoit : « Les conditions d'application de la présente loi, notamment celles dans lesquelles les contrôleurs mentionnés à l'article 3 sont appelés à participer à la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté, sont précisées par décret en Conseil d'État. »
Interviennent donc, dans un premier temps, le recrutement et la mission puis, dans un second temps, la déclinaison en décret en Conseil d'État.
Le nombre de contrôleurs ne peut pas être fixé par un décret en Conseil d'État. En effet, une augmentation du nombre de lieux de privation de liberté devra s'accompagner d'un accroissement des effectifs de contrôleurs.
Les contrôleurs interviendront par délégation du contrôleur général. Le Sénat va, d'ailleurs, examiner un amendement sur ce sujet.
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les contrôleurs sont placés sous la seule autorité du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement porte sur l'indépendance des contrôleurs et sur la responsabilité hiérarchique.
Il a été rectifié pour tenir compte des travaux de la commission, au cours desquels il a été décidé de parler non pas de hiérarchie, mais d'autorité.
Afin de garantir la totale indépendance des contrôleurs des lieux de privation de liberté, il convenait de mentionner que les contrôleurs relevaient de la seule autorité du contrôleur général.
L'exclusivité du contrôle hiérarchique du contrôleur général est une garantie qui doit être inscrite dans la loi. Elle ne doit pas relever du pouvoir exécutif, qui en déterminera les contours par voie réglementaire.
La disposition prévue dans cet amendement peut sembler superfétatoire, mais il convient malgré tout de l'inscrire dans la loi. Elle apporte, en effet, la garantie de l'indépendance des contrôleurs au regard de tout autre autorité, notamment pénitentiaire, avec laquelle ils peuvent, en raison de leurs compétences spécifiques, entretenir des relations, si ce n'est amicales, à tout le moins professionnelles. Or, l'autorité doit être exercée par le contrôleur général.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission considère que cette précision est utile. Les contrôleurs sont placés sous la seule autorité du contrôleur général, qui est responsable de leur recrutement.
J'ajoute, monsieur Mermaz, qu'un amendement qui a été déposé à l'article 6 déterminera les conditions de délégation de pouvoir par le contrôleur général. Ainsi, la boucle sera bouclée. Ces précisions devraient être de nature à répondre à vos préoccupations. (M. Louis Mermaz fait un signe d'assentiment.)
En revanche, le nombre de contrôleurs étant appelé à évoluer, il ne peut être fixé par un décret en Conseil d'État.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Il convient, en effet, que les contrôleurs soient placés sous l'autorité exclusive du contrôleur général.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Madame le garde des sceaux, le nombre des contrôleurs constitue une donnée essentielle. Je pense que chacun de nous souhaiterait avoir au moins une indication à ce sujet.
Le nombre de lieux à vérifier est d'environ 5 700 : pourriez-vous nous dire de quel ordre sera celui des contrôleurs ? Seront-ils une vingtaine, une trentaine, une quarantaine, comme en Grande-Bretagne, une cinquantaine, voire une soixantaine ? Sans moyens, cette institution ne serait qu'un faux-semblant. Ce n'est certainement pas votre intention et ce ne serait pas concevable.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les contrôleurs sont indépendants et exercent leur mission dans les conditions fixées par le troisième alinéa de l'article 2.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement porte également sur l'indépendance des contrôleurs.
Nous avons amplement évoqué leur nombre, leur indépendance et les moyens de travail dont ils disposeront.
Les contrôleurs exercent des missions dans un cadre qui n'est pas parfaitement défini dans le projet de loi. C'est pourquoi je m'interroge : pourront-ils exercer un autre emploi ? Seront-ils fonctionnaires ou contractuels ? Seront-ils missionnés pour des visites ponctuelles ou en qualité d'assistants permanents ? Ce sont autant de questions qui sont encore sans réponse.
Il subsiste un certain flou, qui sera peut-être levé par décret. L'article 3 précise simplement que les contrôleurs ne devront pas exercer d'activité en relation avec les lieux contrôlés. Cette garantie n'est pas suffisante. L'indépendance des contrôleurs doit être inscrite dans la loi. L'interdiction d'exercer une autre activité professionnelle ou un mandat électif qui est imposée au contrôleur général, dans les conditions fixées par le troisième alinéa de l'article 2, doit également s'appliquer aux contrôleurs.
J'ajoute que cet amendement est compatible avec l'amendement n° 5, qui a été défendu par M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement prévoit que les contrôleurs sont indépendants et, par le renvoi au troisième alinéa de l'article 2, que leurs fonctions sont incompatibles avec toute autre activité professionnelle ou tout mandat électif.
Il est évident, en premier lieu, que les contrôleurs présentent les mêmes garanties d'indépendance que le contrôleur général. Faut-il pour autant leur appliquer un régime d'incompatibilité aussi rigoureux que celui qui s'attache au contrôleur général ?
L'article 3 dispose seulement que les fonctions de contrôleurs sont incompatibles avec l'exercice d'activités en relation avec les lieux contrôlés.
Prévoir un régime d'incompatibilité plus complet aurait sans doute pour effet de raréfier le vivier des candidats contrôleurs. Certaines activités peuvent ne pas être incompatibles avec la mission de contrôleur. En outre, le contrôleur n'est pas obligé d'exercer sa mission à temps plein. D'autres corps de métiers, les médecins par exemple, pourraient être intéressés. Vouloir trop encadrer le statut des contrôleurs irait, me semble-t-il, à l'encontre de l'objectif qui est recherché.
C'est pourquoi la commission souhaite le retrait de cet amendement. A défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
11
élection de deux délégués du Sénat représentant la France au Conseil de l'Europe et à l'Union de l'Europe occidentale
M. le président. Voici le résultat du scrutin pour l'élection de deux délégués suppléants du Sénat représentant la France à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
Nombre de votants : 133
Majorité absolue des votants : 67
Bulletins blancs ou nuls : 0
Suffrages exprimés : 133
Ont obtenu :
- M. Laurent Béteille : 133 voix
- M. Roland Ries : 122 voix
MM. Laurent Béteille et Roland Ries ayant obtenu la majorité absolue des suffrages des votants, je les proclame délégués suppléants du Sénat représentant la France à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale. (Applaudissements.)
12
Contrôleur général des lieux de privation de liberté
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 4.
Article 4
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses collaborateurs sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l'établissement des rapports, recommandations et avis prévus aux articles 8 et 9.
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le début de cet article :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, ses collaborateurs et les contrôleurs sont astreints....
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s'agit d'un amendement de précision.
L'article 4 dispose que le contrôleur général et ses collaborateurs sont astreints au secret professionnel. En revanche, il est muet s'agissant des contrôleurs. Or nous considérons que les contrôleurs doivent, comme le contrôleur général, y être soumis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Cette précision n'est pas indispensable, car les contrôleurs sont bien entendu des collaborateurs du contrôleur général.
C'est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement. A défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission.
L'amendement n° 87 est présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
En vue d'assurer le respect des dispositions relatives au secret professionnel, il veille à ce qu'aucune mention permettant l'identification des personnes dont le nom lui aurait été révélé ne soit faite dans les documents publiés sous son autorité.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement no 7.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à apporter une précision qui figure dans plusieurs statuts d'autorités administratives indépendantes.
Pour garantir le secret professionnel auquel le contrôleur général est astreint, la commission propose d'interdire toute mention permettant l'identification du nom d'une personne qui lui aurait été révélé dans le cadre des ses pouvoirs d'investigation.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 87.
Mme Éliane Assassi. Nous considérons, avec M. le rapporteur, que la confidentialité est indispensable. Il s'agit en outre d'une exigence internationale puisque l'alinéa 2. de l'article 21 du protocole facultatif à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dispose que : « Les renseignements confidentiels recueillis par le mécanisme national de prévention seront protégés. Aucune donnée personnelle ne sera publiée sans le consentement exprès de la personne concernée ».
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je suis favorable à cet amendement. Toutefois, je m'interroge : cette disposition restera-t-elle applicable si le contrôleur général fait une dénonciation au parquet en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J'invite M. Charasse à bien vouloir rester parmi nous, puisque le Sénat va examiner un amendement qui répond à sa préoccupation !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 87.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Toute personne physique ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux peut porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut être saisi par le Premier ministre et les membres du Gouvernement et du Parlement. Il peut aussi se saisir de sa propre initiative.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Je tiens à saluer la rédaction du premier alinéa de l'article 5, dont je me permets de vous rappeler les termes : « Toute personne physique ainsi que toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux peut porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence. »
Cette rédaction large va dans le bon sens. Elle permettra au contrôleur général de fonder la haute moralité que nous évoquions voilà un instant.
La parole est difficilement libre dans les prisons. Les victimes et les témoins de faits laissant présumer l'existence d'infractions pénales ou de fautes disciplinaires ont beaucoup de difficultés à se faire entendre. La crainte d'une sanction ou d'un préjudice n'aide pas à la liberté de la parole.
Par ailleurs, les autorités de contrôle existantes - la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, le Médiateur de la République, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE - ne peuvent être saisies que par l'intermédiaire de parlementaires.
Nous allons donc dans le bon sens, cette saisine directe et confidentielle étant certainement la solution la plus appropriée. Il serait bon, me semble-t-il, que la personne privée de liberté soit informée, par une autorité quelconque, au moment où elle pénètre dans le lieu privatif de liberté, de son droit à s'exprimer et à saisir le contrôleur général. Peut-être même faudrait-il prévoir - mais cela ne relève pas du domaine de la loi - l'instauration, dans un tel lieu, de boîtes aux lettres confidentielles permettant aux personnes qui le souhaitent de saisir le contrôleur général, tout en conservant leur anonymat.
Nous saluons aussi - nous y reviendrons - la proposition de prévoir sa saisine par d'autres autorités telles que le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le président de la CNDS, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, et celui de la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
ainsi que toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux
par les mots :
ou morale
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Nous soutiendrons l'amendement n° 8 qui a été déposé par la commission des lois, car il est destiné à élargir les possibilités de saisine du contrôleur général aux autorités administratives indépendantes que sont le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le président de la CNDS et celui de la HALDE.
Une telle disposition ne pourra, en effet, que rendre plus fructueuse la collaboration entre des organes dont le champ d'activité est différent, mais qui sont parfois confrontés à des faits identiques.
Cependant, nous souhaitons que le champ d'application du premier alinéa de l'article 5, qui concerne la possibilité de porter à la connaissance du contrôleur général des faits ou des situations susceptibles de relever de sa compétence, soit aussi large que nécessaire.
Nous proposons donc de supprimer la précision « s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux », afin d'en rester à la formulation « toute personne physique ou morale ».
Certes, nous l'avons bien entendu, la commission des lois a indiqué que cette formulation devait être entendue au sens large, puisqu'elle inclut de très nombreuses associations, notamment les barreaux. Il paraît également évident que, en pratique, les organisations qui oeuvrent dans le domaine des droits de l'homme, au sens où on l'entend communément, seront certainement, en raison même de leur objet, les plus promptes à informer le contrôleur général.
Mais nous voulons exprimer notre inquiétude, comme l'a fait la CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l'homme quand elle a observé que la rédaction de ce premier alinéa pouvait sembler « maladroite ». Il est, en effet, fait mention de « toute personne physique », sans aucune condition, alors qu'il est prévu que les personnes morales doivent s'être « données pour objet le respect des droits fondamentaux ». Une telle formulation semble exclure certaines personnes, en particulier les syndicats. Leurs responsables ne pourront intervenir qu'à titre individuel, en tant que personnes physiques, alors qu'il serait plus logique qu'ils le fassent au nom de leur organisation.
Comme la CNCDH, nous proposons en conséquence de supprimer la référence au respect des droits fondamentaux, à l'instar de ce qui est prévu pour la CNDS.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme l'a noté M. Bret, la notion de « personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux » apparaît d'ores et déjà très souple et susceptible d'englober un grand nombre d'organismes, allant des associations de défense des droits de l'homme aux barreaux.
Au demeurant, que je sache, les syndicats défendent aussi les droits fondamentaux. On ne pourra donc pas leur objecter cet alinéa.
En outre, une association a toujours un président. En tant que personne physique, celui-ci pourra saisir le contrôleur général.
Selon moi, la rédaction retenue pour cet article est tout à fait satisfaisante, dans la mesure où elle couvre un champ très large. Elle me semble suffisante pour permettre la communication des informations au contrôleur général.
Par conséquent, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La position du Gouvernement est identique à celle qui vient d'être exprimée par M. le rapporteur. Je demande donc, moi aussi, le retrait de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 88 est-il maintenu, monsieur Bret ?
M. Robert Bret. J'aurais souhaité, madame la garde des sceaux, que vous vous engagiez de manière plus précise, comme l'a fait M. le rapporteur. Si les organisations syndicales, en la personne de leur secrétaire général ou d'un autre responsable, sont vraiment concernées par les dispositions prévues dans cet article, je ne verrai pas d'inconvénient à retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La rédaction de cet article vise à permettre au plus grand nombre de réclamations de voir le jour. Les termes « toute personne physique » concernent la personne détenue, retenue ou hospitalisée d'office. Quant à l'expression « toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux », elle vise effectivement à restreindre le nombre de personnes morales concernées.
Un syndicat, bien entendu, est une personne morale qui défend des droits fondamentaux. Ce texte ne vise pas à les restreindre, bien au contraire. Simplement, les personnes morales doivent avoir un lien avec le respect des droits fondamentaux.
Encore une fois, comme l'a indiqué M. le rapporteur, une association dont l'objet n'est pas lié au respect des droits fondamentaux peut tout à fait saisir le contrôleur général en tant que personne physique.
M. le président. Après les précisions qui viennent de vous être apportées, retirez-vous votre amendement, monsieur Bret ?
M. Robert Bret. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 88 est retiré.
L'amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Aucun contrôle ni aucune restriction ne peut être exercé par les autorités responsables des lieux de privation de liberté sur les correspondances que les personnes privées de liberté adressent au contrôleur général des lieux de privation de liberté.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne le contrôle exercé sur la correspondance des personnes privées de liberté. En effet, l'institution d'un contrôleur général des prisons ne sert à rien si ces personnes ne peuvent le saisir par voie écrite.
Les chances qu'un contrôleur s'entretienne avec une personne qui en a besoin semblent infimes : alors que l'on dénombre 5 500 lieux de privation de liberté, le nombre de contrôleurs est encore inconnu à ce jour. Dans ces conditions, comment s'assurer qu'une personne pourra saisir le contrôleur général ou s'entretenir avec lui, si ce n'est en préservant la correspondance qu'elle lui destine ?
Il convient de garantir que toute personne pourra, dans le cadre de sa privation de liberté, saisir par écrit le contrôleur général, et qu'aucun contrôle ne sera exercé sur sa correspondance.
Cette exigence découle non seulement de la logique, mais également des prescriptions internationales en matière de correspondance. En effet, l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à toute personne privée de liberté, notamment les détenus, la possibilité de maintenir un contact avec l'extérieur et le respect de leur correspondance.
Le contact avec l'extérieur est souvent la seule satisfaction dont une personne privée de liberté peut encore jouir. C'est une possibilité importante, surtout lorsqu'il s'agit de faire connaître les conditions, quelquefois inhumaines et dégradantes, dans lesquelles elle se trouve. Il est donc fondamental qu'une telle liberté soit explicitement préservée.
En conséquence, cet amendement prévoit qu'« aucun contrôle ni aucune restriction ne peut être exercé par les autorités responsables des lieux de privation de liberté sur les correspondances que les personnes privées de liberté adressent au contrôleur général des lieux de privation de liberté ».
C'est, d'ailleurs, déjà le cas lorsque les détenus s'adressent aux parlementaires. Il ne semble donc pas possible de prévoir moins pour la saisine du contrôleur général.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission estime que la mesure proposée n'appelle aucune objection. Elle présente, cependant, un caractère réglementaire et doit prendre la forme d'un arrêté.
M. René Garrec. D'une circulaire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est évident - Mme le garde des sceaux le confirmera - que cet arrêté complètera la liste des autorités avec lesquelles le détenu, ou celui qui est privé de liberté, peut correspondre sans que l'administration pénitentiaire exerce un contrôle.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, dont les dispositions ne sont pas d'ordre législatif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cette question renvoie à l'article R.40 du code de procédure pénale. Comme nous l'avons prévu pour la HALDE, nous ferons en sorte que les personnes privées de liberté puissent correspondre librement avec le contrôleur général.
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié est-il maintenu, madame Boumediene-Thiery ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Puisque vous apporterez une garantie sur ce sujet par décret, madame la garde des sceaux, je retire cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ira encore plus vite, puisque ce sera un arrêté ! Il n'y aura pas besoin de passer par toute la machinerie habituelle.
M. Michel Charasse. Sauf si plusieurs bureaux sont concernés !
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par M. Hyest au nom de la commission est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Il peut en outre être saisi par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le président de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité et le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le contrôleur général pourra, aux termes du projet de loi, être saisi par le Premier ministre et les membres du Gouvernement et du Parlement. Par ailleurs, il pourra s'autosaisir.
Comme M. Bret l'a souligné, il serait souhaitable d'ouvrir cette possibilité de saisine au Médiateur de la République, au Défenseur des enfants, au président de la CNDS et au président de la HALDE.
La commission des lois est donc heureuse de soumettre à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement, qui a été défendu par anticipation sur toutes les travées de l'hémicycle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Hyest au nom de la commission est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article 4 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité, après les mots : « président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité » sont insérés les mots : «, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement est en cohérence avec l'amendement n°8, qui prévoit la saisine du contrôleur général par le président de la CNDS. Il est logique d'instaurer une réciprocité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 56 est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1er de la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut saisir le Défenseur des enfants si, au cours de ses visites, il a constaté des faits qu'il estime contraires aux droits de l'enfant. »
L'amendement n° 57 est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 4 de la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut saisir la Haute autorité lorsqu'il constate, à l'occasion de ses visites, des faits susceptibles de constituer des discriminations. »
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter ces deux amendements.
M. Yves Détraigne. Ces amendements procèdent de la même logique que celle qui a prévalu pour la rédaction de l'amendement n° 9.
L'amendement n° 56 vise à prévoir que le contrôleur général de lieux privatifs de liberté puisse saisir le Défenseur des enfants.
Quant à l'amendement n° 57, il tend à ce que le contrôleur général puisse saisir la Haute autorité de lutte contre les discriminations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a prévu la possibilité, pour le Défenseur des enfants et pour le président de la HALDE, de saisir le contrôleur général. Les amendements qui prévoient la réciproque ne sont pas indispensables, puisque toute personne peut le saisir directement. Par conséquent, il n'est pas besoin de prévoir une saisine indirecte !
La commission demande donc le retrait de ces deux amendements, qui lui paraissent superflus.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Les amendements nos 56 et 57 sont-ils maintenus, monsieur Détraigne ?
M. Yves Détraigne. Il s'agit de savoir si le contrôleur général des lieux privatifs de liberté est une personne physique ou une personne morale dans l'exercice de ses fonctions.
Monsieur le rapporteur, le texte que vous venez d'évoquer concerne-t-il toute personne, qu'elle soit physique ou morale ? (M. le rapporteur acquiesce.)
Tel semble être le cas. Par conséquent, ces amendements deviennent redondants et je les retire.
M. le président. Les amendements nos 56 et 57 sont retirés.
Article 6
Le contrôleur général peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d'une autorité publique.
Avant toute visite, le contrôleur général informe les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis lorsque des circonstances particulières l'exigent.
Ces autorités ne peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général que pour des motifs graves liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l'établissement où la visite doit avoir lieu. Elles proposent alors son report.
Le contrôleur général reçoit des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission. Lors des visites, il peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire.
Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'État, à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Voilà un article qui présente de nombreuses restrictions mentales et vise à « emmailloter » le contrôleur général. Comme un quotidien du soir l'évoquait hier, il s'agit de « la mise en place d'un système de contrôle rigoureux du contrôleur ».
Selon les termes de l'article 6, « le contrôleur général peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d'une autorité publique. »
Nous souhaiterions - nous le proposerons, d'ailleurs, par voie d'amendement - que soient également visés les lieux de détention et d'enfermement placés à l'étranger sous autorité civile ou militaire française.
Le deuxième alinéa de l'article 6 est un petit chef-d'oeuvre linguistique : « Avant toute visite, le contrôleur général informe les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis lorsque des circonstances particulières l'exigent. » Pourquoi pas ?
Nous sommes plusieurs, sénateurs ou députés, à nous être rendus dans des prisons, qu'il s'agisse de maisons d'arrêt ou de centrales où l'on purge de longues peines. Il nous arrivait parfois d'avertir la direction de ces établissements - elle le comprenait fort bien - de notre visite qu'à quelques kilomètres seulement !
En revanche, je me souviens d'une délégation sénatoriale - que je ne nommerai pas - qui avait averti huit jours avant sa venue la direction de l'établissement qu'elle s'apprêtait à visiter. Les détenus qui y purgeaient leur peine nous avaient dit, à nous les députés - je siégeais alors à l'Assemblée nationale - qui venions visiter l'établissement quelque temps après, sans avoir averti de notre arrivée, qu'ils avaient été invités à fourbir, nettoyer et récurer leur prison dans la perspective de cette visite sénatoriale annoncée ! (Sourires.)
Cela peut vous sembler anecdotique, mais il faut avoir la possibilité de venir inopinément pour apprécier la réalité des choses. Si, dans le cadre de sa mission, le contrôleur général veut saisir les choses sur le vif, il vaut mieux qu'il n'avertisse pas de ses visites. Au contraire, s'il veut traiter sur le fond un certain nombre de questions, il vaut mieux alors qu'il prévienne. Enfin, s'il veut s'assurer que les recommandations qu'il a faites au Gouvernement ont été suivies d'effet, il a intérêt, là encore, à prévenir qu'il réitérera ses visites.
Le troisième alinéa de l'article 6 dispose : « Ces autorités ne peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général » - cette rédaction est satisfaisante parce qu'elle est conforme au protocole que la France vient de signer - « que pour des motifs graves » - cela se gâte ! - « liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l'établissement où la visite doit avoir lieu. » - il ne reste plus qu'à s'incliner ! (M. Robert Bret rit.) « Elles proposent alors son report. »
Cela est tout à fait contraire au texte de la convention facultative à laquelle nous avons souscrit.
Le quatrième alinéa prévoit : « Le contrôleur général reçoit des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission. Lors des visites, il peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire. » Nous n'avons rien à objecter, sinon qu'il faudra veiller à préciser que par « toute personne », l'on entend aussi bien un détenu, un membre du personnel pénitentiaire ou des intervenants extérieurs - qu'il s'agisse d'éducateurs ou de travailleurs sociaux. Cette précision serait la bienvenue.
Le cinquième alinéa dispose : « Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, » - cela débute toujours très bien ! - « sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'État, à la sécurité des lieux de privation de liberté, » - il est heureux qu'on ne vise pas les catastrophes naturelles ! - « au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client. »
Si l'administration - en l'occurrence le Gouvernement - veut s'opposer à toute communication de pièces au contrôleur général, elle dispose, en vertu de cet alinéa, de tous les arguments nécessaires à cette fin. J'aimerais que vous me citiez une seule circonstance qui n'entre pas dans le champ d'application de cette longue énumération !
Là encore, cette rédaction est incompatible avec les termes du protocole facultatif. C'est pourquoi nous avons déposé un certain nombre d'amendements afin que soit véritablement respecté le contrôleur général et qu'il puisse exercer ses fonctions. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. L'article 6 du projet de loi est important, puisqu'il précise les conditions dans lesquelles le contrôleur général pourra exercer ses responsabilités. On mesure au nombre d'amendements qui ont été déposés sur cet article toute l'importance qu'il y a à le faire.
Je reviendrai sur quelques-uns des points qu'a évoqués M. Mermaz.
Au premier alinéa, les termes « sur le territoire de la République » suscitent plusieurs interrogations. Cette formulation signifie-t-elle que les lieux de privation de liberté placés sous le contrôle des autorités françaises à l'étranger échapperont au contrôle extérieur ?
L'article 4 du protocole facultatif dispose que « chaque État partie autorise (...) à effectuer des visites (...) dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle ? »
Il n'y a donc aucune raison pour que le contrôleur n'ait pas accès aux locaux d'arrêt des armées ou de la gendarmerie, qu'ils soient situés sur terre ou sur mer, même si les autorités militaires peuvent y être quelque peu rétives.
Ce premier alinéa de l'article 6 est tout aussi restrictif, car il ne vise que les personnes privées de liberté par décision d'une autorité publique. Or certaines personnes souffrant de maladies psychiatriques peuvent être hospitalisées à la demande d'un tiers, souvent un membre de leur famille, conformément aux dispositions des articles L. 3212-1 à L. 3212-12 du code de la santé publique.
L'hospitalisation sur demande d'un tiers correspond en général à une privation de liberté avec le « consentement exprès ou tacite d'une autorité publique ». C'est ce qu'affirme notamment l'ancien commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Álvaro Gil-Robles, qui, dans son rapport sur le respect effectif des droits de l'homme, indiquait que « l'hospitalisation d'office ou à la demande d'un tiers s'apparente à une privation de liberté. »
Nous demandons que ce cas de figure entre dans les compétences du contrôleur général.
Quant au deuxième alinéa du présent article, il est très en retrait. À l'instar des parlementaires, qui, en vertu de l'article 719 du code de procédure pénale, « sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires », le contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses collaborateurs devraient pouvoir effectuer toutes leurs visites de manière inopinée. Il serait vraiment paradoxal, mes chers collègues, que le contrôleur général dispose en quelque sorte de moindres possibilités d'accès aux lieux de privation de liberté que les parlementaires, en particulier si ses visites doivent être inopinées ou impromptues !
Cela ne signifie pas pour autant que toutes ses visites seront inopinées. Dans certains cas, il devra avertir de sa venue, par exemple s'il veut traiter d'une question précise. Mais il doit pouvoir agir, dans ce domaine, de manière discrétionnaire.
S'agissant des raisons qui sont avancées, on se demande bien en quoi des lieux de privation de liberté peuvent être concernées par les questions de défense nationale - mais peut-être nous éclairera-t-on à ce sujet -, de sécurité publique- normalement, l'ordre public est par définition assuré au sein d'un établissement pénitentiaire ; si tel n'est pas le cas, le contrôleur général des prisons a alors tout intérêt à intervenir - ou par les catastrophes naturelles.
Bien sûr, dans le cas d'une mutinerie ou si des opérations de maintien de l'ordre par la force publique sont nécessaires à l'intérieur d'un lieu de privation de liberté, on n'imagine pas que le contrôleur général s'interpose entre les policiers et les détenus.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est un homme raisonnable !
M. Richard Yung. Encore une fois, ce problème doit être laissé à son appréciation. Il n'est pas souhaitable qu'il doive demander aux autorités la permission de se rendre dans un lieu privatif de liberté et qu'il soit tout loisible à celles-ci de la lui refuser.
Enfin, s'agissant des informations et des pièces qu'il peut demander, je ne peux que faire miennes les observations de notre collègue Louis Mermaz.
On imagine, dans le cas de malades souffrant de troubles psychiatriques, situations difficiles et douloureuses, que si le secret médical pouvait être opposé au contrôleur général, les observations et les constats qu'il pourrait faire lors de ses visites seraient complètement vidés de leur sens.
De la même façon, il peut être important de savoir si, dans une prison, tel détenu souffre de telle pathologie et suit tel type de traitement. Ces informations doivent pouvoir être communiquées au contrôleur général pour lui permettre d'apprécier dans leur globalité la situation des personnes qu'il visite.
Pour toutes ces raisons, il nous paraît que ces restrictions sont arbitraires. Au fond, elles amoindrissent considérablement ce projet de loi, qui, par ailleurs, va dans le bon sens.
C'est pourquoi nous avons déposé un certain nombre d'amendements visant à lever ces restrictions.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. J'évoquerai dans mon propos le problème de la compétence territoriale du contrôleur général, puisque l'amendement que nous avions déposé sur ce point a été déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution.
Le présent projet de loi a retenu comme critère de définition des lieux de privation de liberté les lieux situés sur « le territoire de la République ». Or, si l'on s'en tient à cette définition, seront exclus de tout contrôle les lieux de privation de liberté situés à l'étranger, alors même qu'ils sont sous la responsabilité de l'État.
Prenons le cas de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne, FRONTEX.
La France a mis à disposition de FRONTEX des moyens humains et matériels pour mener des opérations hors de son territoire, aux frontières de l'Europe. Ces zones font-elles partie des « territoires de la République » ? Au vu des conditions de rétention - parfois véritablement inhumaines -qui peuvent régner dans ces lieux, il serait bienvenu que ceux-ci fassent partie intégrante du domaine de compétence du nouveau contrôleur des lieux de privation de liberté.
Et quid des casernes et des bases de l'armée situées en pays étranger ? Cette dernière possède des lieux de privation de liberté appelés « locaux d'arrêt des armées ». Échappent-ils au domaine de compétence du contrôleur du seul fait qu'ils ne sont pas situés sur le « territoire de la République » ?
Cette définition territorialisée du périmètre d'action du contrôleur des lieux de privation de liberté est à la fois floue et restrictive. Afin de faire en sorte que tous les lieux de privation de liberté dépendants de l'État soient réellement pris en compte dans ce projet de loi, nous demandions que soit défini clairement ce périmètre d'application.
C'est pourquoi, à la notion de « territoire de la République », nous souhaitions que soit substituée l'expression « tout lieu relevant de la juridiction ou du contrôle de l'État ».
De cette façon, le projet de loi aurait été conforme à l'article 4 du protocole facultatif, dont il nous paraît à bien des égards n'être qu'une application a minima.
L'article 40 de la Constitution ne nous a pas permis d'envisager cette extension de la compétence du contrôleur général. Nous espérons toutefois, madame le garde des sceaux, que vous pourrez répondre à l'ensemble de nos questions.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, sur l'article.
M. Jacques Blanc. Pensez-vous qu'on puisse assimiler les prisons avec les hôpitaux psychiatriques ? Chaque fois que l'on crée des confusions, on risque de faire naître des ambiguïtés, voire de susciter des malaises. Il n'est pas possible de mettre sur un même plan un prisonnier, victime de lui-même puisqu'il a été condamné, et un malade.
Ici même, lors de l'examen de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, j'avais insisté - pour finalement m'en réjouir - pour que la partie consacrée aux hospitalisations en milieu psychiatrique soit déconnectée du problème de la délinquance.
Aussi, ma crainte est qu'on ne crée une confusion entre la situation d'un malade qui, quoiqu'il refuse de se soigner, a besoin d'être pris en charge médicalement et d'être hospitalisé en milieu spécialisé, le cas échéant parce qu'il est dangereux pour lui-même ou pour autrui, avec la situation d'un détenu dans une prison.
De grâce, prenons garde de ne pas créer une telle confusion ! On a trop longtemps nié, dans notre pays, la réalité de la maladie mentale. On l'a parfois montrée du doigt à un moment où l'on aurait dû, au contraire, l'assimiler à toute autre maladie qui se soigne dans des lieux spécialisés, à la seule différence que, parce qu'il y a maladie mentale, il y a refus des soins. Et c'est ce qui explique, par exemple, le placement d'office.
Donc, mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur ce point tout à fait particulier que constitue le secret médical. Il doit être ô combien affirmé ! Si l'on fait la moindre entorse à ce principe - et Dieu sait s'il existe des risques de dérapage -, on ne peut plus assurer les meilleurs soins aux uns et aux autres.
Le texte ne comporte pas de risques de dérive, mais il est important, madame le garde des sceaux, que vous nous confirmiez que, dans votre esprit et selon l'approche qui est la vôtre - nous la soutenons -, aucune confusion n'est possible entre la manière dont on va traiter un malade mental et celle qui va s'appliquer à une personne privée de liberté pour une autre raison.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, sur l'article.
M. Robert Badinter. Je souhaiterais attirer l'attention du Sénat sur le problème de la compétence du contrôleur pour des lieux situés hors du territoire de la République.
En effet, il faut bien mesurer que nous adoptons cette institution pour garantir les droits fondamentaux et pour nous mettre en conformité avec des engagements internationaux qui ont été évoqués, comme le protocole facultatif se rapportant à la convention des Nations unies contre la torture.
Or l'article 4 de ce protocole est formel :
« Chaque État Partie » - c'est nous - « autorise » - cela veut dire "doit autoriser"- « les mécanismes visés aux 2 et 3 » - c'est-à-dire le contrôleur - « à effectuer des visites, conformément au présent protocole, dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle » - ces termes ont été ajoutés - « où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l'ordre d'une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite », c'est-à-dire tout lieu de détention, quelle que soit la forme de cette détention, lorsqu'il y a exercice de la juridiction ou du contrôle.
Or il existe un cas d'une extraordinaire importance, c'est celui des opérations extérieures. Je n'évoquerai pas ici - ce serait vraiment malvenu s'agissant de la France et des forces françaises - ce qui se passe précisément dans certains lieux en Irak. Mais je tiens à souligner que des personnes civiles sont détenues, retenues, cantonnées dans des lieux de détention, parfois par centaines ou par milliers, sous le contrôle des forces françaises.
Il ne serait pas admissible que soient ainsi créées des sortes d'espaces réservés où les contrôles qui s'imposent ne seraient pas exercés, comme si l'on avait quelques doutes, à cet égard, sur des actes qui pourraient s'y commettre. Ce n'est pas concevable.
Il convient que l'autorité et le contrôleur général aient la possibilité de se rendre, par exemple, en Côte-d'Ivoire ou en Afghanistan, et qu'ils puissent, le cas échéant, se livrer sur place aux contrôles nécessaires. Ces visites sont non seulement prescrites par la convention, mais elles constituent notre devoir, dans l'intérêt majeur de ceux qui sont détenus et de ceux qui les détiennent. Il ne peut y avoir, dans ce domaine, de zone d'exception.
Il faut que nous puissions échapper à toute forme de soupçon, et nous n'y parviendrons pas si nous estimons que le contrôle est nécessaire uniquement sur le territoire de la République. Non, la convention internationale et le protocole facultatif s'y rapportant sont formels : il y va de l'intérêt majeur de ceux qui sont détenus ou retenus ainsi que des autorités et des forces françaises de toute nature.
On nous a opposés la question du financement ; je pense que notre éminent collègue M. Charasse aura l'occasion d'intervenir sur ce point. En matière de droits fondamentaux, de libertés publiques, de droit pénal, cela ne se fait pas depuis 1958. Alors, je serais vraiment navré que l'on dise que, hors du territoire de la République, les autorités de la République échappent à tout contrôle de ce contrôleur général.
Nous sommes en présence d'une question essentielle et, à cet égard, je souhaiterais que la position adoptée soit reconsidérée.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, sur l'article.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, je crois qu'il faut clarifier la question des opérations extérieures, les OPEX, dont parlait à l'instant M. Badinter, et plus généralement le problème de la présence française militaire à l'étranger au regard de votre texte.
Quand nos armées interviennent en opération extérieure, avec l'accord du pays dans lequel elles exercent leur mission, par exemple dans le cadre d'un accord bilatéral militaire ou autre, tout est placé, en principe, sous l'autorité civile du pays concerné. Et par conséquent, ce qui peut se passer en matière de contrôle à l'intérieur des unités relève des accords qui ont pu être conclus avec ce pays.
La plupart du temps, cependant, ces interventions ont lieu à la demande ou avec l'accord de l'ONU ou d'une autre organisation internationale. Dans ce cas, mes chers collègues, c'est le pays responsable du détachement militaire qui assure le contrôle pour le compte de l'ONU et qui doit lui en rendre compte.
Donc, le pays - par exemple la France - est responsable de ce qui se passe à l'intérieur de ses installations militaires, et il doit mettre en place les dispositifs nécessaires pour rendre compte à l'ONU et, éventuellement, pour effectuer les contrôles qu'elle sollicite.
Donc, qui effectue aujourd'hui les contrôles dont nous parlons ? Normalement, c'est l'autorité militaire, c'est-à-dire, par exemple, le contrôle général des armées - encore qu'il ne soit pas forcément compétent en toutes matières- et, pour les militaires français à l'étranger, les tribunaux aux armées. Ceux qui n'ont pas le statut de militaires français et qui sont, par exemple, prisonniers dans un camp occupé par la France, sont sous statut onusien, et on en revient à ma question de départ.
Donc, madame le garde des sceaux, il faut préciser, dans ce cas, comment les choses se passent. Personnellement, même si je ne suis pas toujours favorable à des interventions civiles intempestives en cours d'opération militaire - c'est une position traditionnelle de la République qui remonte au président Édouard Daladier en 1940 et aux instructions qu'il avait adressées pour interdire les contrôles parlementaires en cours d'opération militaire-, la question soulevée pose un vrai problème.
Il faut, enfin, examiner la situation de nos implantations militaires à l'étranger, dans le cadre d'accords de coopération, d'ailleurs pour la plupart jamais ratifiés. Je pense notamment à nos positions en Afrique. Là où se trouve, par exemple, un camp militaire à Abidjan ou à Djibouti, l'armée française est présente et sa situation est la même que pour la caserne de Castelnaudary, de Bourges ou autres. Il y a, à l'intérieur de l'emprise militaire, des locaux disciplinaires, une prison militaire, et les tribunaux militaires sont compétents. Mais nous sommes en situation d'extraterritorialité et on peut donc considérer, comme c'est le cas d'une ambassade, que nous sommes toujours fictivement sur le territoire de la République.
Donc, a priori, lorsque le contrôle peut avoir lieu en tous points du territoire de la République, cela veut dire que, dans les implantations militaires françaises qui ne relèvent pas des OPEX de l'ONU, on se trouve fictivement sur le territoire de la République, comme dans une ambassade où l'autorité de police compétente en cas d'infraction est le consul général du secteur, et non pas l'ambassadeur, contrairement à ce que l'on croit. Par conséquent, monsieur le président, tout cela mérite d'être clarifié.
J'ajouterai une observation.
On a évoqué l'article 40 de la Constitution. Je ne sais pas ce qu'a fait la commission des finances, et je me garderai bien de désavouer son autorité, qu'il m'arrive d'exercer, en ce qui concerne les décisions qu'elle a pu prendre en matière de recevabilité. Mais, chaque fois que l'on discute de textes pénaux ou très voisins de la procédure pénale, il a été admis depuis 1958 - Michel Debré lui-même, l'un des auteurs de la Constitution, l'a dit et l'a écrit, et le Conseil constitutionnel s'est toujours bien gardé d'intervenir en la matière - que l'article 40 n'était pas opposable. Sinon, il nous serait interdit de diminuer le tarif d'une amende, puisque nous réduirions les ressources publiques.
Je ne connais pas le contenu des amendements en cause. Il n'empêche que ces questions ne peuvent pas être évacuées à la légère. On ne peut pas se trouver - je conclurai par cela, monsieur le président - dans une situation dans laquelle un certain nombre de démembrements extérieurs de la République, fictifs ou pas, qu'il s'agisse d'une mission que nous exécutons pour le compte de l'ONU dans le cadre de la Charte onusienne créant pour nous des obligations ou d'une implantation militaire qui bénéficie de l'extraterritorialité, échappent aux conventions internationales, de l'ONU ou autres, signées par la France ou aux règles générales de la législation française en matière de protection des libertés et des droits.
Telles sont, monsieur le président, les quelques observations que je souhaitais formuler, étant entendu que, comme toujours, il faut arriver à concilier les choses de manière à ne pas perturber la mission difficile de l'armée française dans des circonstances graves et périlleuses. Mais j'ai la faiblesse de penser que, si le Gouvernement désigne un contrôleur général qui a le sens - et un haut sens - des responsabilités et de l'État, il saura faire preuve, je n'en doute pas - et n'en doutez pas non plus s'il est bien choisi -, du discernement nécessaire : il connaîtra son devoir en ce qui concerne la conciliation nécessaire entre les droits individuels, les droits et les obligations de la nation, et les droits humains collectifs (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :
ainsi que tous les équipements et installations les composant. Il peut être accompagné de ses collaborateurs.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Force est de constater que ce texte se distingue particulièrement par son imprécision. L'article 6 nous indique que le contrôleur peut visiter tout lieu de privation de liberté. Pourtant, l'aspect vindicatif de cette formulation ne masque pas le flou qui règne sur la définition de ces fameux « lieux de privation de liberté ». Ainsi, une interprétation a minima pourrait conduire à considérer comme lieu de privation de liberté la simple cellule où est détenu le prisonnier ou la chambre du malade.
Prenons le cas de l'hospitalisation des détenus. En décembre 2003, l'accouchement d'une détenue menottée à l'hôpital Sud Francilien d'Évry avait suscité de la part du ministère de la justice des commentaires scandalisés, mais il y eut beaucoup moins d'émoi, un an plus tard, lorsque le ministère ordonna que tous les malades soient non seulement entravés mais menottés dans le dos.
Comme le constate l'Observatoire international des prisons, pour le moindre examen, des prisonniers peuvent passer plusieurs heures menottés. Dans ces conditions, de plus en plus de détenus refusent les extractions médicales. Or rien ne précise dans la loi si les équipements hospitaliers recevant des personnes privées de liberté rentrent dans le périmètre d'action du contrôleur.
De la même manière, qu'en est-il des conditions de travail en prison ? Les détenus peuvent se voir proposer du travail de service général, c'est-à-dire lié au fonctionnement des établissements pénitentiaires. Certains détenus travaillent même à l'extérieur de ces établissements, en semi-liberté, pour le compte de collectivités publiques, d'associations ou d'entreprises. Le « SMIC détenu » s'élève à 45 % du SMIC à l'extérieur et le droit du travail est inexistant.
Hormis ceux qui travaillent en dehors des murs des prisons, les détenus ne signent aucun contrat de travail. Ils n'ont pas le statut juridique de salarié. Il n'existe donc aucune disposition relative à la durée de l'emploi et de la période d'essai, au contenu du poste, aux objectifs professionnels ou au licenciement. Ils n'ont pas droit à des compensations financières en cas de maladie ou d'accident du travail.
Ce sont donc des « faux salariés », qui n'ont aucune possibilité d'expression collective.
Le travail est encore considéré par les directions pénitentiaires comme un outil essentiel de gestion de la détention, plutôt que comme une mesure favorisant la réinsertion des personnes incarcérées.
Certaines entreprises peuvent considérer le travail pénitentiaire comme une variable d'ajustement à la conjoncture économique. En effet, les ateliers de détenus offrent, dans certains cas, les caractéristiques d'un sous-traitant.
Dans ces conditions, le contrôleur des lieux de privation de liberté aura-t-il accès aux locaux où travaillent les personnes incarcérées ? Pourra-t-il observer leurs conditions de travail ? Si l'ampleur de sa mission l'exige, pourra-t-il être accompagné de ses collaborateurs ?
Avec une formulation aussi vague du périmètre d'action du contrôleur, tous ces points semblent quelque peu difficiles à cerner. C'est pourquoi nous demandons que ce périmètre soit précisé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La précision ne paraît pas nécessaire. En effet, dans la mesure où le contrôleur pourra se déplacer partout dans les locaux collectifs ou individuels qui constituent le lieu d'enfermement, il est évident qu'il pourra visiter tous les équipements et installations, y compris les chaudières, les ascenseurs, etc. Il pourra se rendre dans tous les lieux d'enfermement quels qu'ils soient.
Dès lors, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je partage les observations de M. le rapporteur. J'ajoute que le contrôleur pourra également visiter la maternité où une détenue accouche, puisque dès lors qu'une personne est détenue, le lieu où elle se trouve devient un lieu de privation de liberté.
Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Hyest, au nom de la commission est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Il peut aussi visiter, dans les mêmes conditions, tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement visé à l'article L. 3222-1 du code de la santé publique.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il existe deux régimes d'hospitalisation sans consentement, qu'il convient d'examiner séparément, à savoir l'hospitalisation d'office et l'hospitalisation à la demande d'un tiers.
Si les patients hospitalisés d'office relèvent d'une décision émanant d'une autorité publique et entrent d'ores et déjà dans le champ de compétence du contrôleur général, la situation des patients hospitalisés à la demande d'un tiers est plus complexe, sachant que, d'une part, l'hospitalisation ne fait pas l'objet d'une décision formalisée, en dehors de son inscription dans le « Registre de la loi », visé à l'art L. 3212-11 du code de la santé publique, et que, d'autre part, l'admission est prononcée par le directeur de l'établissement d'accueil, que ce dernier soit de statut public ou privé. S'il appartient au secteur privé à but lucratif, la qualité d'agent public ne peut pas être reconnue au directeur de l'établissement.
Dans la mesure où il est souhaitable que le contrôleur général puisse exercer ses compétences au regard de ces situations d'hospitalisation qui engendrent une restriction des libertés du patient, il paraît nécessaire de préciser clairement que les établissements de santé sont également visés par le premier alinéa de l'article 6.
Je précise à notre collègue Jacques Blanc qu'il faut se garder de toute confusion. Ce qui compte, ce n'est pas la qualité des personnes, mais bien la protection de leurs libertés fondamentales, qu'il s'agisse de détenus ou de personnes retenues. Jusqu'à preuve du contraire, une personne reconduite à la frontière n'a pas pour autant commis un délit ! À partir du moment où elle est retenue, on vérifie sa situation et l'on peut même s'apercevoir qu'elle a le droit de rester sur le territoire. Les situations sont donc extrêmement diverses.
C'est exactement la même chose pour l'hospitalisation d'office ou l'hospitalisation à la demande d'un tiers. Nous nous devons de viser expressément les lieux d'hospitalisation si nous voulons répondre au protocole facultatif à la Convention des Nations unies.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Tout d'abord, nous aurons à revenir sur le sujet de l'hospitalisation d'office, puisqu'un texte spécifique consacré aux problèmes psychiatriques a été annoncé par le précédent ministre de l'intérieur, devenu Président de la République.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est autre chose ! Ne mélangez pas tout !
M. Jacques Blanc. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer si ce texte est susceptible de venir bientôt en discussion ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On verra bien !
M. Jacques Blanc. Il répond à un vrai besoin. Le sujet, qui avait été évoqué à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, n'a pas été approfondi pour ne pas créer de confusion.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est un autre sujet !
M. Jacques Blanc. Ensuite, notre rapporteur évoque la différence entre les établissements privés et publics.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les droits sont les mêmes !
M. Jacques Blanc. En réalité, ce qui compte, ce n'est pas la nature de l'établissement,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce sont les droits fondamentaux !
M. Jacques Blanc. ... c'est l'objet de l'hospitalisation.
Chaque département compte un ou plusieurs établissements habilités par le représentant de l'État dans ce département pour soigner des personnes atteintes de troubles mentaux qui relèvent des chapitres II et III du titre Ier du code de la santé publique.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui ! On est d'accord !
M. Jacques Blanc. Certains malades refusent, parce qu'ils sont malades, les soins médicaux.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est la procédure !
M. Jacques Blanc. Dans ce cas, nous sommes obligés de passer par une violation de leur liberté.
Quelle sécurité pourra apporter à ces malades le contrôleur qui, a priori, ne sera pas un spécialiste médical ?
Il existe déjà toute une série de procédures - qui seront peut-être revues dans le texte à venir -, notamment la saisine du procureur, et de règles très strictes destinées à éviter les risques d'hospitalisation injustifiée...
M. Michel Charasse. Et arbitraires !
M. Jacques Blanc. En effet, mon cher collègue !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est autre chose !
M. Jacques Blanc. Je ne vois pas l'intérêt des visites du contrôleur pour ces malades-là.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah bon ? Moi, je le vois tout à fait !
M. Jacques Blanc. Je le redis très clairement, je ne vois pas ce qu'elles peuvent leur apporter, si ce n'est entraîner la confusion.
Je souhaiterais avoir une réponse sur ce point. En effet, notre mission vise à donner toutes les garanties aux malades...
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Évidemment !
M. Jacques Blanc. ...afin qu'ils trouvent, même s'ils se les voient imposer, les meilleurs soins susceptibles de leur donner des chances dans la vie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 10.
Je veux répondre à présent aux questions posées par M. Blanc.
Tout d'abord, la loi relative à la prévention de la délinquance, qui a été adoptée le 5 mars 2007, comprenait quatre articles portant sur l'hospitalisation sous contrainte et, en particulier, sur les hospitalisations d'office pour irresponsabilité pénale.
Ces dispositions visaient la sécurité publique. Nous les avons disjointes du reste du texte pour les reprendre dans le cadre d'une réforme plus large de la loi de 1990 sur la santé mentale, conformément à l'engagement pris. Il s'agit, par exemple, dans le cas d'une personne hospitalisée d'office - parce qu'elle a commis un crime -, qui retourne dans sa commune à sa sortie de l'établissement de santé, de communiquer l'information au maire et au préfet pour des raisons de sécurité.
Le moment de la discussion de ce texte dépendra de la fixation de l'ordre du jour des prochains travaux du Parlement.
Ensuite, s'agissant du présent projet de loi, le contrôleur général a pour mission de vérifier que les conditions de prise en charge des personnes privées de leur liberté sont respectueuses de leurs droits fondamentaux. Dans le cadre d'un hôpital psychiatrique, il s'agit de personnes hospitalisées sous contrainte à la suite d'une décision administrative ou judiciaire. Il n'appartient pas au contrôleur d'émettre un avis sur le bien-fondé des soins apportés ; il n'est pas médecin.
Par conséquent, ce qui compte, ce n'est pas le lieu de l'hospitalisation,...
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Exactement !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. ... mais bien le fait que ces personnes sont hospitalisées sous contrainte à la suite d'une décision de justice ou d'une décision administrative.
Ces dispositions ne concernent donc pas le malade qui entre à l'hôpital pour soigner une dépression. Elles ne portent nullement atteinte au secret médical et ne s'immiscent aucunement dans le protocole de soins qui pourra être imposé à l'hospitalisé d'office.
Elles s'appliquent à des personnes hospitalisées d'office, qui ont commis des troubles sérieux à l'ordre public ou des crimes.
M. René Garrec. Exactement !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 52, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF est ainsi libellé :
Supprimer les deuxième et troisième alinéas de cet article.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. L'article 6 porte, notamment, sur les conditions d'accès du contrôleur général aux lieux de privation de liberté. Elles ont autant d'importance pour asseoir sa crédibilité que les conditions de sa nomination, dont nous avons longuement débattu à l'article 2.
Tout comme nous avons fait évoluer ces dernières, il me paraît nécessaire d'en faire autant pour les conditions dans lesquelles il peut intervenir et pénétrer dans un lieu privatif de liberté.
En effet, selon le deuxième alinéa de l'article 6, tel qu'il est rédigé, le contrôleur général doit obligatoirement - parce que le présent de l'indicatif a valeur d'impératif dans un texte juridique - informer les autorités responsables de sa prochaine venue, sauf circonstances particulières, dont on ne sait pas très bien ce qu'elles peuvent être.
Cependant, les autorités peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général pour des motifs graves, énumérés au troisième alinéa, à savoir ceux qui sont liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l'établissement où la visite doit avoir lieu.
Autant dire que les motifs d'opposition à la visite annoncée sont si nombreux qu'ils risquent de réduire considérablement l'accès du contrôleur général aux lieux. De toute façon, cette rédaction laisse planer un doute quant aux faits susceptibles d'intervenir sur les lieux entre l'annonce de sa venue et le moment de son arrivée.
À l'évidence, il s'agit non pas de mettre en cause l'action des responsables de ces lieux, mais tout simplement, je le répète, d'asseoir la crédibilité des interventions du contrôleur général.
Pour avoir participé la semaine dernière à une journée entière d'auditions organisées par notre président, j'ai constaté que les personnes entendues, quelle que soit leur fonction, ont souligné dans leur quasi-totalité la nécessité, généralement considérée comme primordiale, de revoir les conditions dans lesquelles le contrôleur général pouvait accéder aux lieux privatifs de liberté.
Il me semble que ce n'est pas non plus un hasard si plus d'une dizaine d'amendements portent sur ce point.
Celui que je défends vise donc à inverser la logique du texte, en prévoyant que le contrôleur général doit pouvoir intervenir sans avoir l'obligation d'annoncer sa venue, ce qui ne signifie pas qu'il ne pourra pas prévenir, ce qu'il fera d'ailleurs dans bien des cas, par correction.
Toutefois, si l'on veut que sa fonction soit très rapidement crédible, il est essentiel qu'il puisse intervenir de manière inopinée.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par MM. Lecerf et Portelli, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa de cet article.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Nous sommes convaincus que, la plupart du temps, le contrôleur général informera de sa visite les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Toutefois, nous pensons aussi qu'il doit pouvoir procéder à des visites inopinées chaque fois que cela lui paraît nécessaire ou utile.
Dans ces conditions, nous estimons maladroite la rédaction du deuxième alinéa de l'article 6, aux termes de laquelle l'avertissement serait la règle et la visite inopinée l'exception, en même temps qu'elle ne nous semble pas correspondre réellement à l'intention profonde du Gouvernement.
Cela ayant été précisé, je retire l'amendement n° 20, avec l'accord de Hugues Portelli, cosignataire, au profit de l'amendement n° 36 de Mme Boumediene-Thiery, qui prévoit la coordination avec le troisième alinéa de l'article : nous n'avions pas prévue celle-ci, non que nous l'ayons oubliée, mais parce qu'elle n'avait pas lieu d'être puisque nous proposions également la suppression de ce troisième alinéa.
M. le président. L'amendement n° 20 est retiré.
L'amendement n° 36, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
I. Supprimer le deuxième alinéa de cet article.
II. Au début du troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :
Ces autorités
par les mots :
Les autorités responsables du lieu de privation de liberté
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ainsi que viennent de le préciser plusieurs collègues, dont M. Lecerf à l'instant, cet amendement porte sur la question de la visite.
Nous le savons, l'existence d'un contrôle inopiné des lieux de privation de liberté découle des engagements internationaux de la France. Le protocole facultatif se rapportant à la convention des Nations unies contre la torture précise, en effet, que les États s'engagent à autoriser des visites régulières, impromptues et sans autorisation préalable de tout lieu du territoire où des personnes sont privées de liberté.
Le caractère impromptu et l'absence d'autorisation préalable des visites sont des garanties fondamentales de l'effectivité du contrôle exercé par le contrôleur général : si celui-ci devait systématiquement aviser les autorités de ses visites, son pouvoir de contrôle n'aurait plus de sens. Aucune restriction de cette nature ne doit entraver son pouvoir de visite en tant que contrôleur général.
En vertu de l'article 719 du code de procédure pénale, les parlementaires ont eux-mêmes la possibilité de visiter les lieux de privation de liberté sans préavis ni autorisation préalable. L'ensemble des sénateurs sont d'accord sur ce point : comment pourrait-on donner moins au contrôleur général ? Il paraît, au contraire, nécessaire de lui donner davantage !
Dans la mesure où ces visites sont au coeur même de ses missions, il convient donc de supprimer l'obligation faite au contrôleur général de prévenir les autorités. En réalité, ce deuxième alinéa permettra à celles-ci, quand elles auront connaissance d'une visite imminente du contrôleur, de réfléchir aux « motifs graves » qu'elles pourront invoquer, parmi ceux qui sont prévus au troisième alinéa de ce même article, pour se soustraire à la visite. Il convient donc de laisser le contrôleur faire sa visite librement, sans conditions ni autorisation préalables.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, dont la commission semblait penser ce matin que la formulation était la plus proche de ce que les sénateurs ici présents souhaitaient.
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté et les contrôleurs peuvent visiter à tout moment les lieux de privation de liberté. Ils ont accès à l'ensemble des locaux composant le lieu privatif de liberté.
II. - En conséquence, rédiger ainsi le début de la première phrase du troisième alinéa de cet article :
Les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent...
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. S'agissant des visites que peut effectuer le contrôleur général des lieux de privation de liberté, nous souhaitons nous aussi qu'elles puissent être prévues ou inopinées, et que les contrôleurs disposent de la même faculté.
Vous aurez remarqué, mes chers collègues, que notre amendement reprend exactement, une fois encore, les termes précis de la proposition de loi de nos collègues Jean-Jacques Hyest et Pierre-Guy Cabanel !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est bien !
M. Jean-Pierre Sueur. J'insisterai sur le fait qu'il nous paraît véritablement absurde d'empêcher les visites inopinées du contrôleur général. En effet, plusieurs intervenants l'ont rappelé, la loi permet à tout parlementaire de procéder à des visites inopinées des lieux de privation de liberté : on ne comprendrait vraiment pas que cela ne soit pas possible au contrôleur général, alors que, de surcroît, c'est à nos yeux une condition pour que sa mission soit pleinement efficace. Au surplus, vous le savez, un certain nombre de textes internationaux considèrent que la possibilité de procéder à des visites inopinées est l'une des conditions de la pertinence et de l'efficacité de la mission d'un tel contrôleur.
Les arguments sont donc nombreux en faveur de cet amendement n° 64, au demeurant parfaitement convergent avec d'autres amendements qui ont été ou vont être présentés.
M. le président. L'amendement n° 91, présenté par Mmes Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le deuxième alinéa de cet article :
Les autorités responsables du lieu de privation de liberté doivent prendre toutes les mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le 17 juillet dernier, dans un communiqué commun, des associations et des syndicats concernés par ce projet de loi - l'Observatoire international des prisons ; l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, ou ACAT-France ; l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire ; le Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées, ou GENEPI ; l'Interco-CFDT ; le Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire, ou SNEPAP-FSU ; le Syndicat de la magistrature... - ont estimé que ce projet de loi limitait bien trop les prérogatives du contrôleur général.
Leurs représentants estiment, en effet, qu'aucune restriction ne saurait être apportée au principe de libre accès du contrôleur général aux lieux de privation de liberté, aux informations et aux pièces qui lui sont nécessaires pour l'exercice de sa mission, conformément à l'esprit du protocole de l'ONU.
Or le projet de loi ne garantit ni à leurs yeux ni aux nôtres une réelle liberté d'aller et venir du contrôleur général dans ces lieux de privation de liberté.
Enfin, si l'on s'en tient à la lettre de l'article 6, la règle générale est que le contrôleur doit prévenir les autorités responsables, les visites sans préavis n'étant qu'une exception et restant soumises à des règles non précisées.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots :
le contrôleur général informe
insérer les mots :
par tout moyen
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'un amendement de précision, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
sans préavis
Supprimer la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Le protocole facultatif prévoit que « chaque État partie autorise les mécanismes à effectuer des visites », ce qui signifie que les inspections doivent pouvoir être annoncées ou inopinées.
Nous proposons donc que les visites sans préavis ne soient pas limitées aux seuls cas où « des circonstances particulières l'exigent », et ce d'autant plus, monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, qu'il est véritablement impossible de définir ces « circonstances particulières » ! Voilà bien une expression que l'on devrait bannir de la loi, parce qu'elle ne veut rien dire : tout est particulier, tout est singulier, tout est spécifique... Tous ces mots ne signifient rien. Il faut donc supprimer cette formulation, qui n'a vraiment pas de sens !
Au demeurant, si nous suivions cette recommandation de notre groupe, nous irions encore une fois dans le sens de l'excellente proposition de loi cosignée par notre collègue M. Hyest !
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par MM. Lecerf et Portelli.
L'amendement n° 67 est présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 92 est présenté par Mmes Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le troisième alinéa de cet article.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Jean-René Lecerf. On voit mal quelles raisons liées à la défense ou à la sécurité publique pourraient s'opposer à la simple visite du contrôleur général ; nous estimons, au contraire, que c'est peut-être justement lors de troubles sérieux que sa visite s'impose davantage. Pour ce qui est des catastrophes naturelles, il nous semble que la force majeure devrait suffire à justifier que la visite soit reportée.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de cet alinéa de l'article 6.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 67.
M. Robert Badinter. Je rejoins les propos qui viennent d'être tenus par M. Lecerf : on peut s'interroger sur la pertinence des restrictions indiquées dans cet alinéa ! Au nom de quoi invoquerait-on le secret de la défense nationale s'agissant d'une visite dans un lieu où les personnes, pour des raisons multiples, sont privées de leur liberté ? Quant aux catastrophes naturelles, il est évident que si un tsunami vient de se produire, il n'y aura pas de visite du contrôleur !
Il est tout aussi évident que le principe du libre accès est celui qui doit commander entièrement le texte que nous formons : l'espèce de frilosité qui caractérise ces restrictions n'a pas sa place ici, non seulement en considération du bon sens, non seulement compte tenu de la fonction et de la mission que nous assignons au contrôleur général, non seulement au regard de l'intérêt de l'administration pénitentiaire elle-même, mais parce qu'elle est contraire au texte même de la convention internationale à laquelle nous devons nous conformer !
Je rappelle que le protocole facultatif pose en son article 20 que les États parties s'engagent à accorder à leur contrôleur général l'accès à tous les renseignements concernant le nombre de personnes privées de liberté ainsi que celui des lieux de détention et leur emplacement ; l'accès à tous les renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs conditions de détention ; l'accès à tous les lieux de détention et à leurs installations et équipements...
Par conséquent, des réserves qui sont invoquées, la seule qui aurait un sens est le cas de force majeure ; mais ne va-t-elle pas de soi ? Il ne saurait y en avoir d'autres. En particulier, comme l'a rappelé M. Lecerf, les troubles sérieux dans l'établissement ne sauraient tenir lieu de motif : c'est précisément le moment où je pense que la présence du contrôleur peut être le plus utile.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 92.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa de cet article, supprimer les mots :
ou à des troubles sérieux dans l'établissement où la visite doit avoir lieu
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme M. Lecerf et M. Badinter, je considère que le droit de visite du contrôleur général ne doit pas faire l'objet de limitations qui ne répondent pas à une nécessité impérieuse d'ordre public, et je m'interroge sur les « troubles sérieux dans l'établissement », sur les graves dysfonctionnements qui sont invoqués.
Moi aussi, je pense que c'est justement dans ces moments-là que le contrôleur général doit intervenir : quand des personnes privées de liberté se plaignent de ne pas être traitées avec le respect dû à leur personne ; quand des conflits surviennent entre les personnes privées de liberté ; quand, précisément, existent des « troubles sérieux dans l'établissement ». Car, si sa mission est d'éviter les problèmes, de les prévenir, il doit aussi contribuer à les régler quand ils se manifestent. Son pouvoir d'observation, de médiation, de contrôle, le place au premier plan quand il s'agit de résoudre des troubles de ce type.
Si les autorités responsables décident de repousser la date d'une visite parce que des troubles sérieux se produisent, c'est qu'elles entendent exclure de fait le contrôleur de sa mission première. L'empêcher de visiter des lieux de privation de liberté dans de telles circonstances, c'est, en effet, une fois de plus, limiter ses pouvoirs, ce qui est tout à fait inacceptable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ferai d'abord une observation générale.
Je ne crois pas que le projet de loi visait, dans l'esprit du Gouvernement, à empêcher les visites ; au demeurant, le protocole facultatif comporte lui-même des restrictions. Je pense cependant que le texte s'est inspiré du dispositif de l'inspection générale des prisons en Grande-Bretagne, dans lequel coexistent les visites programmées et les visites inopinées, mais qu'il l'a fait avec, je dirai, une certaine maladresse : à partir du moment où l'on donne au contrôleur général la possibilité de se rendre dans les établissements à tout moment, il ne faut pas, dans le même mouvement, lui imposer de prévenir de sa visite.
Monsieur Mermaz, il est quelquefois utile de prévenir, tout dépend du type de résultat que l'on escompte de l'inspection !
M. Louis Mermaz. Je l'ai dit !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Puisque vous avez un petit peu brocardé les missions sénatoriales sur ce point, je dois rappeler que la commission d'enquête, que je présidais, s'était rapidement rendu compte qu'il était bien plus intelligent que quelques sénateurs visitent l'ensemble de l'établissement et se fassent présenter à tout moment tous les lieux - et pas seulement ceux qui avaient été repeints. Nous avons autant de flair que les députés, parfois même davantage, et nous n'étions pas dupes !
M. Louis Mermaz. Huit jours à l'avance !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, cela ne s'est jamais produit, puisque nous avions décidé de prévenir la veille ! C'est donc que l'on vous a raconté des choses fausses - que bien entendu vous n'avez pas crues. (Sourires.)
M. Louis Mermaz. Je ne citerai pas mes sources, mais...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour un établissement parisien, un seul, nous avons effectivement prévenu huit jours auparavant : nous n'avons pas reproduit l'expérience, car nous n'étions pas prêts à nous « faire avoir » une seconde fois.
Quoi qu'il en soit, là n'est pas l'important. Ce qui est compte, je crois que nous pouvons tous en convenir, c'est de combiner visites prévues et visites inopinées, comme cela se pratique en Grande Bretagne, sans restreindre a priori le droit de visite.
M. Louis Mermaz. Il faut les deux !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est donc défavorable à l'amendement n° 52, qui vise à supprimer les deuxième et troisième alinéas de l'article 6.
Le troisième alinéa pose un problème différent du deuxième : il concerne les restrictions temporaires - je dis bien « temporaires » - aux visites du contrôleur général, lesquelles sont prévues par le protocole facultatif des Nations unies. Nous y reviendrons tout à l'heure.
Messieurs Lecerf et Portelli, j'aurais aimé émettre un avis favorable sur votre amendement, mais vous l'avez retiré, et à juste raison, au profit de l'amendement n° 36 de Mme Boumediene-Thiery.
Vous proposiez la suppression de l'information préalable des autorités responsables du lieu de privation de liberté avant les visites du contrôleur général. Le projet de loi ne fixe aucun délai pour cette information. À la limite, les autorités responsables pourraient être informées dans l'heure, voire dans la minute précédant la visite du contrôleur général. Dire simplement : « j'arrive », c'est une information, que je sache ! Cette disposition semble donc un peu superflue.
Le principe de l'information préalable n'est d'ailleurs pas prévu dans le protocole facultatif. De même, l'article 719 du code de procédure pénale ne le prévoit pas non plus pour le droit de visite des parlementaires. Il est donc préférable de laisser toute latitude au contrôleur général de choisir entre une visite programmée ou inopinée, selon le cas.
En accord avec M. Lecerf, nous émettons donc un avis favorable sur l'amendement n° 36 de Mme Alima Boumediene-Thiery, dont la rédaction est meilleure. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Pour la même raison, monsieur Sueur, c'est bien volontiers sans doute que vous vous rallierez à l'amendement n° 36, dont l'objet est identique à celui de l'amendement n° 64.
Les amendements nos 91, 66 et 65 sont, eux aussi, satisfaits par l'amendement n° 36.
Les amendements identiques nos 21, 67 et 92 tendent à supprimer le troisième alinéa de l'article 6. Ils visent donc à supprimer toute restriction au droit de visite du contrôleur général. La commission étant partagée sur ces amendements, elle s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je rappellerai cependant, en tant que rapporteur, que des restrictions peuvent être justifiées dans les cas strictement et limitativement énumérés par l'article 6.
En outre, l'alinéa que l'amendement vise à supprimer reprend mot pour mot le point 2 de l'article 14 du protocole facultatif. Ces restrictions présentent un caractère provisoire. Elles ne conduisent qu'à un report de la visite.
J'en viens à l'amendement n° 32.
La notion de troubles sérieux susceptibles d'être opposés au droit de visite du contrôleur général figure au point 2 de l'article 14 du protocole facultatif. Cette disposition se justifie par la difficulté d'assurer la sécurité du contrôleur dans ces circonstances.
J'ajoute que le contrôleur général n'est pas un médiateur. De même qu'il est souhaitable que cette fonction ne soit pas rattachée au médiateur, de même le contrôleur n'a pas à exercer un rôle de médiation, qu'appellerait nécessairement une situation de trouble.
En revanche, il est souhaitable que le contrôleur général puisse se rendre sur les lieux dès que le calme est revenu pour s'interroger sur les raisons du trouble.
Je demanderai donc le retrait de cet amendement, qui n'a pas été adopté par la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Tous ces amendements visent à supprimer les restrictions aux visites du contrôleur général prévues par l'article 6.
Or, aux termes de l'article 14 du protocole facultatif des Nations unies, il est possible de s'opposer aux visites inopinées du contrôleur général en cas d'impératifs graves et impérieux. Cet article prévoit, en effet, qu'« il ne peut être fait objection à la visite d'un lieu de détention déterminé que pour des raisons pressantes et impérieuses liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles graves là où la visite doit avoir lieu, qui empêchent provisoirement que la visite ait lieu ». Il ne s'agit donc que d'un report, non d'une interdiction.
Je vous donnerai un exemple précis : en 2003, la maison centrale d'Arles a été inondée. Dans un tel cas, il me semble préférable de reporter la visite du contrôleur.
De même, quand les détenus ne veulent pas remonter de promenade, il peut être préférable de mobiliser le personnel pénitentiaire pour les faire regagner leur cellule plutôt que pour permettre la visite du contrôleur général.
M. Jean-Pierre Sueur. Oui !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il ne s'agit que d'un report de la visite, de restrictions temporaires. Pour des raisons de sécurité, nous souhaitons les maintenir, comme dans le protocole.
M. Jean-Pierre Sueur. Évidemment, en cas de tremblement de terre, le Sénat suspend ses travaux !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Imaginez que le contrôleur arrive au moment d'une évasion. Il sera peut-être plus urgent de s'occuper des conditions de sécurité du personnel et des détenus plutôt que d'accueillir le contrôleur !
M. Robert Bret. Mais il le comprendra de lui-même !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour ces raisons, nous sommes défavorables à l'amendement n° 52.
En revanche, nous sommes favorables à l'amendement n° 36.
Nous émettons un avis défavorable sur les amendements nos 91, 66 et 65.
Nous sommes également défavorables aux amendements identiques nos 21, 67 et 92, pour les raisons que je viens d'évoquer.
Enfin, nous sommes défavorables à l'amendement n° 32.
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 52 est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Je suis prêt à retirer cet amendement, monsieur le président, mais je dois dire que je n'ai pas très bien compris l'avis de M. le rapporteur.
Il a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 52, qui vise à supprimer les deuxième et troisième alinéas de l'article 6, mais il s'en est remis à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques nos 21, 67 et 92, qui tendent précisément à supprimer le troisième alinéa !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Détraigne, c'est vrai, mais je n'y peux rien. La commission a voté ainsi.
Je vous rappelle que nous nous sommes tous ralliés à l'amendement n° 36, qui tend à supprimer le deuxième alinéa de l'article 6 et à modifier la rédaction du troisième alinéa.
Votre amendement, qui visait très habilement à supprimer les deuxième et troisième alinéas, ne « colle » donc pas, de toute façon ! Je ne peux donc pas émettre un avis favorable.
M. le président. Monsieur Détraigne, votre amendement est-il toujours maintenu ?
M. Yves Détraigne. Je suis pleinement satisfait et je le retire donc au profit de l'amendement n° 36.
M. le président. L'amendement n° 52 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 64, 91, 66, 65, 21, 67 et 92 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 32.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
13
saisine du conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 31 juillet 2007, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
14
rappel au règlement
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement.
M. Paul Girod. Sur quel article ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Sueur. Il a régné une certaine confusion dans les ultimes minutes de la séance de cet après-midi, ce qui peut avoir des conséquences fâcheuses pour l'examen du texte qui nous est soumis. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Girod. Ce n'est pas possible !
M. Jean-Pierre Sueur. En effet, Mme le garde des sceaux, rejoignant en cela M. le rapporteur, nous a cité le protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour justifier certaines restrictions à l'exercice de sa mission par le contrôleur général.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration général, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Or il se trouve que ces déclarations sont erronées.
Deux cas sont en effet identifiés dans le protocole : l'article 2 prévoit l'établissement d'un sous-comité pour la prévention de la torture qui ne peut comprendre plus d'un ressortissant d'un même État et qui coopère en vue de l'application du protocole ; l'article 3, dont relève le contrôleur général des prisons objet de notre texte, prévoit, lui, que « chaque État partie met en place [...], à l'échelon national, un ou plusieurs organes de visite chargés de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »
Or les restrictions qui ont été citées ne concernent que le sous-comité, et pas le contrôleur général, dont la liberté d'action n'est en rien limitée par les articles 19 et 20 du protocole facultatif.
Ayant compris, les uns et les autres, que ces articles s'appliquaient au contrôleur général, ce qui n'est pas conforme à la vérité, nous avons voté en conséquence, sans avoir pu procéder à des vérifications.
Or nous avons adopté l'amendement n° 36 de Mme Boumediene-Thiery, qui a pour effet tout à fait bénéfique de supprimer le deuxième alinéa de l'article 6, dont je rappelle les termes : « Avant toute visite, le contrôleur général informe les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis lorsque des circonstances particulières l'exigent. » Autrement dit, l'alinéa supprimé prévoyait que le contrôleur général devait sinon demander la permission avant de venir, ...
M. Paul Girod. On n'a jamais dit cela !
M. Jean-Pierre Sueur. ...du moins prévenir.
Le problème vient du paragraphe II de cet amendement, dans lequel il est proposé, au début du troisième alinéa de l'article 6, de remplacer les mots « Ces autorités » par les mots « Les autorités responsables du lieu de privation de liberté ». Comme nous avons adopté cet amendement -à l'unanimité-, tous les amendements qui portaient sur le troisième alinéa de l'article sont devenus sans objet.
M. Laurent Béteille. C'est évident !
M. Jean-Pierre Sueur. Or ce troisième alinéa de l'article 6 présente de très graves inconvénients, puisqu'il prévoit un grand nombre de circonstances dans lesquelles les autorités peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général.
M. Paul Girod. Cela n'a rien à voir avec un rappel au règlement !
M. Louis Mermaz. Mais c'est intéressant !
M. Robert del Picchia. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, je dis simplement que, à la suite d'informations erronées qui ont été données au Sénat, nous nous sommes trouvés dans une situation paradoxale puisque, par l'adoption de l'amendement n° 36, nous avons certes supprimé le deuxième alinéa, mais aussi validé la rédaction, même modifiée, de l'alinéa 3, et ce contrairement à la volonté de nombre d'entre nous sur différentes travées de cet hémicycle.
C'est la raison pour laquelle je souhaiterais vivement que nous puissions délibérer de nouveau au moins sur le troisième alinéa de l'article 6, monsieur le président.
M. Laurent Béteille. Ce ne serait pas conforme au règlement !
M. le président. Monsieur Sueur, je vous donne acte de votre déclaration.
Vous le savez fort bien, je ne peux pas faire droit à votre demande. Je peux uniquement constater que, la procédure et le règlement ayant été strictement respectés, ...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est tout à fait vrai !
M. le président. ... le vote est acquis.
M. Paul Girod. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Me permettez-vous d'ajouter quelques mots, monsieur le président ?
M. le président. Je vous en prie, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je prends acte, bien entendu, de vos propos, monsieur le président. Une solution consisterait à procéder à une deuxième délibération sur l'amendement de Mme Boumediene-Thiery. Nous pourrions alors défendre un sous-amendement tendant à supprimer la seconde partie de l'amendement, ce qui nous permettrait de débattre du troisième alinéa, qui soulève de véritables problèmes.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il fallait le faire au bon moment !
M. Laurent Béteille. Il fallait réagir avant !
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument, mais il était important que cela fût dit !
M. le président. Ce n'est pas à moi d'en juger. Je constate que le règlement a été appliqué et que la procédure suivie est parfaitement normale.
M. Jean-Pierre Sueur. Sur le fond, cet incident est fâcheux !
15
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Charles Revet, Mme Catherine Procaccia, MM. Paul Blanc, Alain Gournac, Claude Biwer, Mmes Christiane Demontès et Annie David.
Suppléants : MM. Gilbert Barbier, René Beaumont, Christian Cambon, Mme Adeline Gousseau, MM. Yves Krattinger, André Lardeux et Mme Gisèle Printz.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le Président du Sénat en aura été informé.
16
Contrôleur général des lieux de privation de liberté
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen de l'article 6.
Article 6 (suite)
Le contrôleur général peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d'une autorité publique.
Avant toute visite, le contrôleur général informe les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis lorsque des circonstances particulières l'exigent.
Ces autorités ne peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général que pour des motifs graves liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l'établissement où la visite doit avoir lieu. Elles proposent alors son report.
Le contrôleur général reçoit des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission. Lors des visites, il peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire.
Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'État, à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 33, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Dans le quatrième alinéa de cet article, remplacer le mot :
reçoit
par les mots :
demande et obtient
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L'intérêt d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté réside dans son efficacité. Il s'agit donc de lui donner les moyens d'être efficace à travers un véritable pouvoir d'injonction.
Cet amendement vise à préciser le pouvoir d'injonction du contrôleur des lieux de privation de liberté.
Entre le terme « reçoit » prévu par le projet de loi et les termes « demande et obtient » proposés par cet amendement, il existe une différence de degré.
En effet, le terme « reçoit » fait l'impasse sur le processus qui consiste à impliquer les autorités responsables dans la mise en oeuvre du bon déroulement des visites et des contrôles, alors que l'amendement proposé permet de mieux situer, d'un point de vue lexical, le rôle des autorités responsables : elles collaborent, mais elles obéissent aux demandes du contrôleur.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du quatrième alinéa de cet article, remplacer le mot :
reçoit
par le mot :
obtient
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, cet amendement s'inspire de la même philosophie que celui qui vient d'être présenté, même si je crois que nous sommes assez éloignés du pouvoir d'injonction.
Le projet de loi prévoit que le contrôleur général « reçoit » des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information utile. Je propose de substituer au mot « reçoit » le mot « obtient ».
Cette rédaction indique simplement plus clairement qu'il appartient au contrôleur général de choisir les informations qui peuvent lui être utiles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 33 et 45 ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. La formulation retenue par M. Lecerf me paraît plus simple que la vôtre, madame Boumediene-Thiery, et vous pourriez certainement vous y rallier.
Le choix du terme « obtient » plutôt que « reçoit », qui figurait dans le texte initial, me paraît traduire un rôle plus actif du contrôleur général.
La commission est donc favorable à l'amendement n° 45 et demande le retrait de l'amendement n° 33.
M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je me rallie à l'amendement de M. Lecerf et je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 33 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 45 ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Dans la première phrase du quatrième alinéa de cet article, après les mots :
autorités responsables du lieu de privation de liberté
insérer les mots :
et de toute personne qu'il juge utile d'entendre et qui ne fait pas partie de ces autorités,
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement concerne l'étendue de l'information dont doit disposer le contrôleur général pour assumer sa mission.
À cet égard, le projet de loi prévoit, au quatrième alinéa de l'article 6, que le contrôleur général « reçoit des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission ».
Or il n'y a pas que les autorités responsables qui sont sources d'informations importantes. Parmi les personnes qui sont susceptibles de donner ces informations, je veux citer les représentants des associations, les visiteurs de prisons, les assistantes sociales, les éducateurs, les membres du Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées, le GENEPI.
Tous prennent part à la vie des lieux privatifs de liberté et peuvent, le cas échéant, fournir des informations au contrôleur. Or ce ne sont pas des « autorités responsables » et elles ne relèvent d'ailleurs pas, pour la plupart d'entre elles, du pouvoir hiérarchique de l'administration pénitentiaire. Cependant, ce sont des « sachants ». Par conséquent, il y a là une restriction qui ne peut demeurer dans le texte.
J'ajoute que la formulation suivante n'est pas plus satisfaisante : « Lors des visites, il [le contrôleur général] peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire ».
Or toutes ces personnes dont le concours peut lui paraître nécessaire ne sont pas présentes en permanence au sein de la prison. Prévoir que le contrôleur général pourra s'entretenir « lors de ses visites » avec des personnes qui ne sont pas des autorités responsables et qui ne seront pas nécessairement présentes constitue une entrave à sa mission.
Jean-Pierre Sueur a fort bien souligné tout à l'heure qu'une confusion s'était produite au cours du débat entre celles des dispositions du protocole facultatif, plus restrictives, qui ont trait au sous-comité pour la prévention de la torture, dont on se souvient qu'il ne doit comprendre qu'un seul délégué par nation, et les autres, de portée plus générale.
Dans le même ordre d'idées, le projet de loi vise le libre accès à toutes les informations, à tous les locaux et l'audition de toute personne que le contrôleur général juge utile d'entendre. C'est cette partie du protocole facultatif que nous devons considérer ici !
Si nous présentons cet amendement, c'est parce que sa rédaction est claire et ne donne lieu à aucune interprétation. Ce n'est ni plus ni moins que cela, mais c'est important.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette précision ne paraît pas indispensable. En effet, l'article 5 est suffisamment clair : « Toute personne physique ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux peut porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ».
Ainsi, les visiteurs de prison ou les éducateurs, auxquels l'objet de l'amendement fait notamment référence, pourront sans difficulté informer directement le contrôleur général.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa de cet article par les mots :
, en particulier avec les personnes privées de liberté
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à placer la personne privée de liberté au nombre de celles et ceux dont le concours pourra paraître nécessaire au contrôleur pour exercer au mieux sa mission.
Selon l'article 6 du projet de loi, le contrôleur général peut s'entretenir avec « toute personne dont le concours lui paraît nécessaire ». Dès lors, les personnes privées de liberté pourront-elles s'entretenir avec lui ? Si tel n'était pas le cas, à quoi le contrôleur général des lieux de privation de liberté servirait-il ?
J'aimerais que l'on réponde de manière explicite à cette question, car, pour moi, ce n'est pas une évidence. Il m'est en effet déjà arrivé, en tant que parlementaire, de me rendre dans des centres de détention, de demander à m'entretenir avec des détenus, et de constater que l'on empêchait ces personnes de me parler. C'est la raison pour laquelle j'aimerais que ce point soit éclairci.
Le rôle du contrôleur consiste à juger du traitement dont fait l'objet la personne privée de liberté. Or cette dernière est quand même la mieux placée pour ce faire et pour fournir au contrôleur son avis. Son concours est donc plus que nécessaire ; il est fondamental pour que le contrôleur puisse remplir sa mission.
Cette possibilité est également une garantie contre l'arbitraire : si les seules personnes habilitées à s'entretenir avec le contrôleur sont les personnels des établissements, les informations relatives aux conditions de détention risquent de ne pas être complètes et objectives.
Sans blâmer dans leur totalité les personnels exerçant leurs fonctions dans les lieux de privation de liberté, il faut admettre que le corporatisme y est fort. La possibilité qu'une personne dénonce les comportements de l'un de ses collègues est très rare, pratiquement impossible, même si cela s'est produit récemment.
Si les personnes privées de liberté sont concernées par cette disposition, la loi doit être plus explicite et le préciser.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le projet de loi prévoit explicitement que le contrôleur général « peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire ». Lesdites personnes peuvent bien évidemment être les personnes privées de liberté. Il n'est donc pas nécessaire de le préciser.
Certes, un certain nombre de personnels pourraient également être gênés, mais je rappelle que la règle de confidentialité s'impose ici aussi.
À mon avis, il va de soi que les personnes privées de liberté sont comprises parmi celles qui peuvent être entendues par le contrôleur général. Je pense que Mme la ministre confirmera ma lecture du texte.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Alors, pourquoi ne pas l'écrire dans la loi ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement ne paraissant pas utile, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je confirme que l'expression « toute personne » englobe les personnes privées de liberté elles-mêmes. C'est la raison pour laquelle nous avons ajouté cette notion de confidentialité, comme c'est le cas pour les entretiens que peuvent avoir avec leur avocat les personnes détenues ou gardées à vue.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Même si les déclarations du Gouvernement et de la commission sont rassurantes, je suis très troublé par ce que vient de dire Mme Boumediene-Thiery.
Pour ma part, j'ai une expérience totalement différente. Je n'ai en effet jamais rencontré de difficulté, que ce soit en me rendant dans un centre de rétention administrative à Mayotte avec M. Othily ou dans les déplacements que j'ai pu effectuer en tant que président de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la situation dans les prisons françaises. J'ai toujours pu m'entretenir, en tête-à-tête, en dehors de toute présence du personnel pénitentiaire, avec les détenus. J'ai même passé beaucoup de temps avec eux.
En revanche, là où j'ai rencontré des difficultés pour m'entretenir avec une personne incarcérée, c'est au commissariat central de Marseille en raison de l'arrivée pour le moins inopinée d'un substitut.
En fait, si, selon la personne à laquelle on a affaire, il y a plus ou moins de latitude, il ne serait pas inutile d'adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa de cet article par les mots :
éventuellement à sa demande
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Notre amendement vise à préciser que l'entretien peut non seulement avoir lieu sur l'initiative du contrôleur général, mais également à la demande de la personne qui est entendue. La commission Canivet avait déjà fait cette proposition. Nous la réitérons ici.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission estime que cette précision n'est pas plus indispensable que la précédente, car il va de soi que le contrôleur général pourra s'entretenir sur son initiative avec une personne privée de liberté ou à la demande de celle-ci.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Cela étant, je voudrais dire à M. Mermaz qu'il est déjà arrivé qu'on empêche un parlementaire de rendre visite à un détenu, mais parce qu'il s'agissait non pas de contrôler les conditions de détention dans cet établissement pénitentiaire, mais de visiter un détenu à titre particulier. On ne peut donc pas établir de parallèle avec la mission du futur contrôleur général des lieux privatifs de liberté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le projet de loi prévoit que toute personne physique peut saisir le contrôleur général. De la même manière, toute personne physique peut demander à s'entretenir avec lui.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 70, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Après les mots :
ne peut lui être opposé
supprimer la fin du dernier alinéa de cet article.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Le dernier alinéa de l'article 6 est essentiel. Il vise les cas où le secret peut être opposé aux investigations du contrôleur général.
Je le rappelle, selon l'article 20, paragraphe b, du protocole facultatif, les États parties s'engagent à accorder à leur contrôleur général « l'accès à tous les renseignements relatifs au traitement des personnes privées de liberté et à leurs conditions de détention ».
Cette disposition est aussi générale que possible et l'on pourrait presque dire qu'elle va de soi. Toujours est-il que le projet de loi la reprend. Le texte est alors conforme à l'exigence internationale. Il faut en effet que le contrôleur général puisse être totalement informé. Ses assistants et lui étant tenus par le secret professionnel, ils ne pourront de toute façon pas divulguer ce qu'ils auront appris dans le cadre de leur mission.
Malheureusement, il y a les exceptions, qui sont ici des brèches géantes. Or peut-on vraiment penser que les secrets de la défense nationale seront menacés par les informations que le contrôleur général détiendra ? Qui jugera qu'il y a atteinte à la sûreté de l'État et à quel titre ?
La commission a déposé un amendement tendant à supprimer la référence à la sécurité des lieux de privation de liberté, mais celle liée au secret de l'enquête et de l'instruction, qui est pour le moins curieuse, demeurerait.
La liste se termine par le secret médical et le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.
Voilà autant de raisons pour lesquelles on refusera au contrôleur l'accès aux pièces susceptibles de nourrir son information. C'est exactement le contraire de ce qui est voulu, j'en suis convaincu, par tous les participants - il faut en effet que le contrôleur général s'informe pour pouvoir accomplir sa mission - et par le protocole facultatif.
Notre amendement vise à ce que le texte s'arrête à la première partie de la phrase. Nous voulons donc supprimer toutes ces exceptions qui vident pour une bonne part de son contenu la capacité d'information du contrôleur, d'autant que certaines exceptions relèvent d'hypothèses purement et simplement absurdes.
En réalité, le seul problème sérieux, c'est celui du secret médical, notamment dans les hôpitaux psychiatriques. Lorsqu'un détenu affirme avoir été victime de violences de la part d'un codétenu - c'est monnaie courante, hélas ! - ou éventuellement de la part de certains membres du personnel pénitentiaire, il ne sera pas possible au contrôleur de savoir réellement ce qui s'est passé et de connaître l'origine des blessures.
Ce cas précis montre bien que le secret médical doit être levé au profit du contrôleur. Lui-même sera alors tenu de ne pas divulguer ces informations, sauf exceptions prévues par la loi.
M. le président. L'amendement n° 93, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Remplacer le dernier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret médical.
Néanmoins, le contrôleur général peut avoir accès au dossier médical avec l'accord de la personne intéressée.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le dernier alinéa de l'article 6 définit les exceptions dans lesquelles le caractère secret d'une information peut être opposé au contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Il nous paraît légitime que, dans certains cas de figure, il puisse y avoir une incompatibilité entre le caractère secret d'une information et la mission de la nouvelle autorité administrative.
Dès lors, c'est bien au législateur de définir précisément le régime et la nature de chacune de ces incompatibilités.
Or, en l'espèce, le projet de loi fait un inventaire de diverses situations dans lesquelles le secret serait opposable au contrôleur sans apporter plus de précision. On trouve ainsi, pêle-mêle, le secret défense, la sécurité du lieu de privation de liberté ou encore le secret médical.
On ne peut pourtant pas mettre sur le même plan un secret qui bénéficie aux institutions privatives de liberté, telles que des informations relatives à la sécurité du lieu, et un secret qui est un droit du citoyen quel qu'il soit, comme le secret médical.
Cet inventaire met donc sur la même ligne des restrictions qui n'ont pas la même valeur.
Le secret médical est un droit codifié, clairement défini, qui renvoie au principe du respect de la personne et de sa vie privée, tandis que le secret lié à la sécurité du lieu de privation de liberté n'est pas un principe légal ou moral. Il s'agit d'une notion floue, sans contenu, et dont l'opposabilité au contrôleur général dans l'exercice de ses missions ne nous paraît pas justifiée.
Par ailleurs, l'opposabilité du secret médical ne doit pas être considérée comme systématique. Ce droit doit pouvoir bénéficier aux individus concernés et non aux institutions qui prennent en charge ces individus.
Dès lors, il nous paraît nécessaire que le secret médical puisse être levé si la personne concernée a clairement exprimé son consentement.
En effet, l'examen médical revêt une importance particulière pour la prévention de la violence, dans les cas de maltraitance. Il est indispensable que le contrôleur puisse avoir accès au dossier médical, avec l'accord de l'intéressé, ne serait-ce que pour vérifier la concordance entre les allégations et les constatations médicales.
Dans la mesure où le contrôle portera sur tous les lieux de privation de liberté, les établissements hospitaliers ne doivent pas pouvoir invoquer le secret médical pour s'opposer à ce contrôle.
Afin de garantir la protection des personnes privées de liberté, et non celle des institutions qui les prennent en charge, il nous paraît souhaitable que seul le secret médical puisse être opposable au contrôleur général tout en pouvant être levé avec l'accord de la personne concernée.
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement va dans le même sens que les deux amendements qui viennent d'être présentés.
Il vise à réécrire le dernier alinéa de cet article en prévoyant que le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.
Ce faisant, je vous propose de reprendre purement et simplement la rédaction de la proposition de loi adoptée par le Sénat en 2001.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par MM. Lecerf et Portelli est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier alinéa de cet article :
Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé. Si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'État, à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client, le contrôleur général sera lié par l'obligation de secret.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Nous voulons faire le pari de la confiance à l'égard du contrôleur général.
Cet amendement vise donc à inverser la logique du texte.
Plutôt que de s'opposer à la divulgation d'informations au contrôleur général pour des raisons relatives au secret de la défense ou aux autres types de secret, nous vous proposons que l'ensemble des informations souhaitées par le contrôleur général lui soient communiquées, tout en rappelant que celui-ci est à son tour lié par l'obligation de secret. Il entre, en quelque sorte, dans le secret partagé.
Je profite de cette opportunité pour rappeler que la future loi pénitentiaire pourra être l'occasion d'une autre réflexion sur le secret médical dans la mesure où ce texte portera non seulement sur les établissements pénitentiaires, mais aussi sur les secteurs psychiatriques.
Il est peut-être difficile d'assouplir le secret médical dans le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui. Il n'en reste pas moins que, dans le secteur purement pénitentiaire, il y a aujourd'hui des victimes du secret médical !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est exact !
M. Jean-René Lecerf. J'évoquerai simplement l'affaire de cannibalisme à la prison de Rouen où le secret médical a bien été à l'origine du décès d'un détenu !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Henri de Richemont. En effet !
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut pas lui être opposé. Le contrôleur général est tenu de respecter le secret de la défense nationale, le secret de l'enquête et de l'instruction, le secret médical et le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et un client.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement est peut-être plus rassurant que l'amendement n° 78 que je viens de vous présenter et tout à fait comparable, à quelques éléments de rédaction près, à celui que vient de nous présenter Jean-René Lecerf.
Il vise à prévoir que le caractère secret des diverses informations et pièces que le contrôleur général demande ne lui est pas opposable.
En revanche, le contrôleur général est, lui, tenu de respecter le secret des informations et documents qui lui sont communiqués.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Hyest, au nom de la commission est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :
à la sécurité des lieux de privation de liberté,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a été plus modeste que nos collègues !
Parmi les critères susceptibles de justifier un refus de communiquer des informations au contrôleur général dans le projet de loi figure la sécurité des lieux de privation de liberté.
Nous nous étions beaucoup interrogés sur cette question.
Cette restriction paraît excessive dans la mesure où le contrôleur général, pour assurer un contrôle effectif, doit disposer de toutes les informations nécessaires concernant les locaux de détention.
En outre, une telle restriction n'est prévue ni par la convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ni par le protocole facultatif des Nations unies.
Enfin, les autres conditions prévues par cet article liées au secret de la défense nationale et à la sûreté de l'État sont déjà des garanties suffisantes.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :
, au secret médical
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise également, à supprimer la référence au secret médical.
Je suis d'accord avec mes collègues, notamment avec M. Lecerf : la notion de secret médical mérite une nouvelle réflexion au regard de certains événements.
En effet, que protège le secret médical ? Protège-t-il l'état de santé de la personne privée de liberté ou les agissements des autres personnes présentes dans l'établissement ?
Signifie-t-il qu'une personne qui a fait l'objet de mauvais traitements au sein de l'établissement ou qui a fait l'objet de soins d'urgence ne pourra pas faire état de ces incidents au contrôleur en raison du secret médical ?
Il faudrait donc peut-être revenir sur cette notion.
Ce critère est trop restrictif. Nous avons peur qu'il ne soit souvent opposé au contrôleur pour des raisons qui pourraient ne pas être toujours valables.
Le contrôleur doit prendre connaissance de l'état de santé de toutes les personnes privées de liberté, sans restriction aucune.
Il doit d'ailleurs pouvoir contrôler qu'une personne reçoit bien les soins que son état de santé nécessite, notamment qu'elle n'est pas privée de ses médicaments. Il doit pouvoir également contrôler qu'une personne n'a pas fait l'objet de maltraitance ou n'a pas reçu de coups durant sa privation de liberté.
Opposer le secret médical au contrôleur signifie que ce dernier ne pourra pas recueillir ce type d'information, ce qui est tout à fait inacceptable.
À mon sens, une telle disposition met une limite à sa mission initiale de contrôleur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 70, 93, 78, 22, 55 et 35 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La question du secret est délicate.
Toutefois, il est difficile de contester que le secret de l'enquête et de l'instruction, ainsi que le secret professionnel entre l'avocat et son client, sont justifiés. Il y va de la protection des personnes !
Le secret médical soulève d'autres questions, comme l'a excellemment exprimé Jean-René Lecerf.
Il ne faudrait pas que le contrôleur général s'immisce dans le choix du traitement d'un patient. Le secret médical constitue à cet égard une garantie.
Dans la proposition de loi de 2001, nous avions visé le secret médical. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous avions donc déjà identifié ce problème, chers collègues. Je considère, comme M. Lecerf, qu'il faut progresser sur cette question du secret médical. Et je pense non pas seulement aux lieux pénitentiaires ou aux locaux de garde à vue, mais également aux établissements psychiatriques !
Nous avons en effet dû voter une loi en 1990, pour modifier une loi de 1838 aux termes de laquelle on pouvait enfermer les gens comme on voulait, sans qu'ils puissent sortir. Il me semble qu'il reste encore matière à réfléchir dans ce domaine et que la future loi pénitentiaire nous offrira l'opportunité de progresser.
Quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit en commission, je n'ai pas trouvé de formulation satisfaisante, même si j'ai entendu longuement à la fois les représentants de l'Inspection générale des affaires sociales et du ministère de la santé.
Tout le monde comprend le problème, mais lever le secret médical est aussi une chose dangereuse. Il y va également de la protection des personnes.
Le dispositif prévu pour le contrôleur général en matière de secret est identique à celui qui a été retenu pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, lequel a inspiré largement les auteurs du projet de loi. Je m'en tiendrai donc à ce qui nous est proposé, en dehors de la sécurité des locaux.
Je m'interroge toujours, bien entendu, sur la pertinence de l'opposabilité du secret pour des informations liées à la défense nationale et à la sûreté de l'État, car je ne vois pas très bien comment des informations sur les lieux d'enfermement pourraient porter atteinte au secret de la défense nationale ou à la sûreté de l'État !
M. Henri de Richemont. Pipeau !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On peut laisser cette précision dans le texte si cela rassure un certain nombre de grands services publics.
M. Henri de Richemont. Mais non !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En tout état de cause, je suis défavorable à tous ces amendements qui visent à modifier le texte en en supprimant une partie, voire à retourner le problème d'une manière habile en précisant que le contrôleur est soumis au secret sur les informations qui lui sont communiquées.
La commission préfère en rester au secret tel qu'il est prévu par le texte, sauf s'agissant de la mention de la sécurité des lieux privatifs de liberté, qui ne lui paraît pas indispensable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sept amendements en discussion commune ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ces amendements portent sur les différents secrets.
En ce qui concerne le secret médical, les individus ont droit à la confidentialité sur les pathologies dont ils souffrent.
Vous proposez, madame Mathon-Poinat, que le contrôleur général puisse avoir accès au dossier médical avec l'accord de la personne intéressée. Le problème est que la personne privée de liberté, ainsi sollicitée, se sentira obligée de donner son accord, même si elle ne le souhaite pas.
Il me semble donc préférable de laisser la possibilité à la personne privée de liberté de donner librement des informations de nature médicale si elle le souhaite et si elle l'estime nécessaire à la mission du contrôleur.
C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas souhaité que le secret médical puisse être levé pour le contrôleur.
S'agissant du secret professionnel de l'avocat et de la confidentialité entre l'avocat et le client, cette exigence me semble normale.
Nous ne sommes donc pas favorables à ce que le contrôleur ait accès à des informations qui sont couvertes par le secret ou la confidentialité entre un avocat et son client, sauf si la personne souhaite donner l'information
S'agissant du secret de l'instruction, ...
M. Henri de Richemont. Il n'existe plus ! Il est mort !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. ... il y a plusieurs parties dans une affaire pénale. Il n'y a aucune raison pour qu'une partie donne au contrôleur des informations couvertes par le secret de l'instruction ou pour que le contrôleur demande des informations couvertes pas le secret de l'instruction.
Le contrôleur n'a pas à demander à une personne détenue ou privée de liberté de donner des informations sur une instruction, d'autant que les autres parties à l'affaire ne souhaitent peut-être pas que l'on divulgue des informations les concernant, en particulier sur les procès-verbaux d'audition.
Au-delà de cette question, sur des affaires de terrorisme ou d'atteinte à la sûreté de l'État, il n'est peut-être pas indispensable que le contrôleur puisse obtenir des informations en ces matières.
De surcroît, le contrôleur n'est pas une personne habilitée secret défense et n'a donc pas à solliciter des informations de ce type. Il en va de même pour la sûreté de l'État.
En revanche, je suis d'accord avec la modification que vous proposez, monsieur le rapporteur, sur la sécurité des lieux de privation de liberté.
Certes, souvent, on ne souhaite pas indiquer l'emplacement des cellules d'isolement. Il peut néanmoins être indispensable que le contrôleur sache où elles se trouvent, notamment dans les centres hospitaliers psychiatriques.
Je suis donc favorable à l'amendement n° 11 de la commission et défavorable à tous les autres amendements.
Quoi qu'il en soit, monsieur Lecerf, je suis tout à fait d'accord avec vous sur un point : nous devrons revoir le secret médical dans le cadre de la future loi pénitentiaire pour ce qui concerne les détenus dits « sensibles » ou particulièrement surveillés, les DPS.
En effet, un tiers des 344 détenus particulièrement surveillés sont atteints de graves troubles psychiatriques. Ils peuvent donc rarement être placés avec d'autres détenus. Le terrible incident de Rouen s'explique par un manque d'informations de nature médicale sur le détenu, qui n'aurait pas dû être placé dans la même cellule qu'un autre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 70.
M. Jean-Pierre Sueur. En déposant cet amendement, qui a été défendu par M. Badinter, nous voulons clairement affirmer que le contrôleur général a des pouvoirs et que l'on ne peut pas lui opposer toutes sortes de motifs pour entraver son action.
La proposition formulée par MM. Lecerf et Portelli dans l'amendement n° 22 est, de ce point de vue, tout à fait intéressante.
M. Henri de Richemont. En effet !
M. Jean-Pierre Sueur. À partir du moment où un certain nombre des informations dont aurait connaissance le contrôleur général des prisons sont couvertes par le secret, à lui de respecter le secret. Cela me paraît tout à fait logique. Je ne comprends pas, en revanche, pourquoi il faudrait lui imposer toutes ces restrictions qui auraient pour effet d'entraver son action.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, l'amendement n° 11 de la commission, qui vise à ôter de la liste des restrictions le secret des informations sur la sécurité des lieux de privation de liberté, est tout à fait judicieux. Cependant, si c'est amendement est adopté, comme il est probable, ce sera en complète contradiction avec les termes du troisième alinéa de l'article 6, que l'on ne peut malheureusement plus amender pour les raisons que j'ai exposées dès la reprise de la séance.
Dans ce troisième alinéa, il est prévu que les autorités responsables des lieux privatifs de liberté ne peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général que pour des motifs graves liés, en particulier, à des troubles sérieux dans l'établissement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n'a rien à voir !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, si le contrôleur général peut recevoir toutes les informations relatives à la sécurité des lieux de privation de liberté, comment justifier que l'on puisse lui opposer, pour empêcher sa visite, la possibilité de troubles dans l'établissement, alors que c'est justement la survenue de troubles dans l'établissement qui rendrait particulièrement pertinente sa visite ? Je ne comprends pas cette logique. En l'état, ce troisième alinéa est en contradiction avec le dernier alinéa de l'article 6, même modifié par votre amendement.
Madame la ministre, vous nous avez dit qu'il était très important de prévoir toutes les circonstances, en particulier les catastrophes naturelles, pour ce qui est du troisième alinéa. Mais, si un tremblement de terre se produit, il est probable qu'il sera difficile de visiter une prison et que le Sénat aura du mal à délibérer. En cas de séisme, de tsunami, il est vraisemblable que le contrôleur général cherchera plutôt à se protéger, ainsi d'ailleurs que les détenus et les gardiens.
Non, tout cela n'est pas très sérieux !
La vérité, c'est qu'un grand nombre de clauses sont prévues pour empêcher le contrôleur général de faire son travail, ou pour donner la possibilité de l'empêcher de faire son travail. Tout cela n'est pas raisonnable dès lors qu'il s'agit d'une haute autorité morale indépendante et que cette autorité sera, comme l'ont prévu MM. Lecerf et Portelli, obligée de partager les secrets, qu'il s'agisse de secret défense, de secret médical ou d'autres formes de secrets liés en particulier à la sûreté de l'État. La sûreté de l'État à elle seule permettrait de tout justifier, en particulier le refus de recevoir le contrôleur des prisons ou encore de lui communiquer toute information.
C'est la raison pour laquelle cet amendement n° 70 nous paraît très important.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Sueur, vous excellez dans la dialectique, mais prenez garde d'être inexact.
Vous revenez toujours sur les conséquences de l'adoption de l'amendement n° 36.
M. Jean-Pierre Sueur. L'affaire m'est en effet restée en travers de la gorge !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je le comprends, mais c'est l'application du règlement.
Je n'avais pas perçu, je vous le dis franchement, toutes les conséquences de l'adoption de cet amendement. Il en est ainsi, en vertu du règlement, et je m'étonne que, vous qui êtes un parlementaire expérimenté, ne les ayez pas vues.
M. Jean-Pierre Sueur. Le problème, c'est que personne ne les a vues !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J'apporterai deux précisions.
D'une part, c'est vrai, je n'ai pas été assez précis sur ce point, les restrictions prévues dans le protocole facultatif visent le sous-comité, organe international, et pas l'organe de visite désigné, lui, à l'échelon national.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais rien n'interdit dans le protocole d'appliquer ces restrictions au plan national.
D'autre part, monsieur Sueur, vous souhaitez que le contrôleur soit autorisé à visiter une prison même en cas de troubles, d'émeutes, ou autres. Cela ferait immédiatement du contrôleur un médiateur. Or ce n'est pas son rôle.
En revanche, s'agissant des informations sur la sécurité des locaux, il m'a paru évident qu'il ne fallait pas pouvoir opposer au contrôleur général le secret puisqu'il doit savoir exactement tout ce que comporte un établissement ou un lieu pénitentiaire, en avoir les plans, de manière qu'aucune partie ne puisse lui être dissimulée. J'ai visité beaucoup de prisons et, dans certains établissements, il était effectivement difficile de se repérer.
Donc, c'est un point important, mais ce n'est pas le même problème.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Cet amendement n° 70 nous amène à un moment important du débat.
Que se passe-t-il ? Tout est fait pour réduire autant que possible les capacités d'investigation du contrôleur général. C'est à cela que nous assistons. On voit bien ce que chacun de ces tempéraments offrira dans la pratique.
Dès qu'il est question du secret de la défense nationale, nous savons que, d'un seul coup, toute enquête gênante peut être arrêtée.
La sûreté de l'État, tout au long de l'histoire en général et de l'histoire de notre justice en particulier, a été utilisée pour empêcher toute investigation.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oh !
M. Robert Badinter. On nous dit que le secret de l'instruction sera opposable. Il suffit dès lors qu'une enquête soit déclenchée à propos des violences que j'évoquais tout à l'heure sur un détenu, entre détenus, ou entre détenus et surveillants, pour qu'aussitôt le contrôleur ne puisse plus être informé.
Quant au secret médical, nous savons ce qu'il faut en penser !
M. Bruno Sido. C'est important, tout de même !
M. Robert Badinter. Alors, de deux choses l'une : ou l'on veut un contrôleur général qui, lié par l'obligation de confidentialité, tenu par le secret, a accès à toutes les informations, ou l'on n'en veut pas, mais on n'essaye pas, comme ici, de limiter par tous les moyens les pouvoirs d'un organe de contrôle pour mieux se dérober à ce qui est pour nous une obligation internationale. Je ne crois pas que ce soit la bonne voie et c'est la raison pour laquelle nous maintenons l'amendement n° 70 en espérant que nous serons suivis.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Nous avons enfin un contrôleur des prisons. Nous n'en avions pas, il n'y en a pas eu pendant des années. Alors, de quoi est-on mécontent ?
M. Robert Bret. Il faut qu'il serve à quelque chose !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. On met en place cette institution. Il faut lui permettre de démarrer, faire en sorte qu'elle prenne de l'importance et peut-être pourra-t-on l'améliorer au fur et à mesure qu'elle se développera, mais on ne peut pas brutalement passer de rien à tout.
M. Henri de Richemont. Nous sommes d'accord !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C'est cela qu'il faut arriver à comprendre et ce n'est pas en répétant, comme par méthode Coué, qu'il faut donner beaucoup de pouvoirs au contrôleur que cette institution va fonctionner. Le fait de la créer, c'est déjà beaucoup.
M. Henri de Richemont. Même si elle ne sert à rien ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Pourquoi ne l'avez-vous pas créée avant, monsieur Badinter, monsieur Bret ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. M. Gélard vient de nous livrer une réflexion tout à fait pertinente.
Madame la ministre, vous proposez de créer ce que personne n'avait fait jusqu'à présent et que tout le monde voulait.
M. Robert Badinter. Nous y sommes internationalement tenus !
M. Robert Bret. La France était tenue de le faire !
M. Jacques Blanc. Mais vous ne l'avez pas fait !
M. Charles Gautier. Vous non plus !
M. Jacques Blanc. Aujourd'hui, on nous propose de le faire, et il est légitime que cela suscite des débats. Cela étant, tout débat me paraît sain sauf lorsque l'on se permet de dire que le secret médical ne correspond à rien.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Personne n'a dit cela !
M. Jacques Blanc. Pas vous, monsieur Hyest, mais certains ont semblé le dire tout à l'heure.
Mme Éliane Assassi. Non, nous n'avons pas dit cela !
M. Jacques Blanc. J'ai été quelque peu choqué en entendant notre éminent collègue, et juriste reconnu, traiter le secret médical en quelque sorte par-dessus la jambe. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mes chers collègues, si, demain, le secret médical est remis en cause dans notre pays, la qualité des soins ne pourra plus être assurée.
M. Robert Bret. Personne ne le propose !
M. Jacques Blanc. Il faut avoir été soi-même médecin, avec, en face de soi, une personne à laquelle vous demandez de tout vous dire, pour comprendre la portée du secret médical.
M. Robert Bret. C'est un faux débat !
M. Jacques Blanc. En l'absence de secret, cette personne ne vous dira pas tout. Et si elle ne vous dit pas tout, vous ne la soignerez pas bien.
Affirmer l'importance du secret médical est un enjeu majeur de santé publique. Je considère donc que le secret médical peut, en certaines circonstances, être très légitimement opposé.
De grâce, ne tombons pas dans une logique de système qui nous amènerait, pour de multiples raisons, à nier qu'il puisse y avoir, - c'est l'objet même de ce texte de le prévoir - des problèmes de défense nationale, de sûreté de l'État - hélas, cela peut arriver ! -, de sécurité des lieux de privation de liberté, des problèmes liés au secret de l'enquête et de l'instruction. Pour le secret médical, il en est de même, alors laissons-le dans le texte !
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas voter l'amendement n° 70. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souhaite apporter à M. Sueur une précision concernant le troisième alinéa de l'article 6, dont il a parlé. Monsieur le sénateur, il n'y a eu aucune manipulation ou fausses informations. Nous avons souhaité que ces restrictions figurent dans le texte, s'agissant de raisons impérieuses liées à des catastrophes naturelles ou à la sécurité, par exemple pour prévoir les cas de mutineries ou d'évasions en cours.
Ces restrictions n'ont pas pour objet d'annuler une visite, celle-ci n'est alors que reportée. Donc, l'information n'est pas erronée, elle est tout à fait claire, et c'est celle que j'ai donnée tout à l'heure.
En réponse à M. Badinter, maintenant, j'ajoute que ces restrictions ne sont pas une limitation du rôle du contrôleur, ni un obstacle à sa mission.
Le débat se déroule en toute objectivité, en toute transparence, mais, monsieur Badinter, n'extrapolez pas !
M. Robert Badinter. C'est écrit dans le texte !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nulle part dans le texte il n'est écrit que le contrôleur général a l'interdiction d'effectuer une visite. Il n'y a aucune restriction à l'information.
Si la personne privée de liberté souhaite communiquer des informations sur des pathologies, des sévices ou des violences, elle a tout à fait le droit de le faire, de fournir des certificats médicaux, par exemple. Simplement, nous n'avons pas souhaité que le contrôleur puisse demander que lui soient transmis des documents liés au secret médical, au secret de l'instruction. Mais la personne privée de liberté peut spontanément transmettre les informations qu'elle juge utiles.
Dans ce texte, rien n'empêche que le contrôleur ait communication de toutes les informations. En revanche, nous ne souhaitons pas qu'il puisse les demander, parce que cela équivaudrait à imposer une obligation à la personne privée de liberté. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. J'ai bien entendu les propos de notre collègue Jacques Blanc. J'ai été sensible, lors de la discussion du dernier projet de loi sur la récidive, au fait qu'il ne fallait pas confondre les malades traités en psychiatrie avec les personnes en situation de récidive.
Ici, la situation est totalement différente puisque c'est dans l'intérêt de la personne que serait levé le secret médical. Le fait que le contrôleur puisse aller visiter des centres psychiatriques est dans l'intérêt de la personne concernée et, éventuellement, dans l'intérêt des gens qui y travaillent.
Je rappelle aussi à Mme la garde des sceaux que le protocole facultatif, dans son article 20, ne prévoit aucune limitation dans les renseignements qui peuvent être communiqués.
Selon l'article 20 du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les États parties s'engagent à permettre « l'accès à tous les renseignements concernant le nombre de personnes privées de liberté se trouvant dans les lieux de détention [...], ainsi que le nombre de lieux de détention et leur emplacement », « l'accès à tous les renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs conditions de détention » et « l'accès à tous les lieux de détention et à leurs installations et équipements ». En d'autres termes, en matière de communication des informations, le protocole détermine non pas des limitations, mais bien des obligations.
M. Canivet dans son rapport reprenait des propositions allant dans le même sens et ne recommandait aucune restriction dans l'accès aux renseignements. M. Canivet suggérait ainsi que les contrôleurs puissent « recueillir toute information », « procéder à tout constat », « entendre tout détenu ou tout membre du personnel en toute confidentialité » et « obtenir communication de tout document ou de tout renseignement utiles ».
Enfin, et nous l'avons déjà souligné, le contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses contrôleurs sont astreints au secret professionnel et à toutes les formes de secret qui ont été évoquées. C'est donc une garantie face aux dangers dont font état certains.
M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote sur l'amendement n° 22.
M. Henri de Richemont. L'amendement n° 22, qui a été déposé par nos collègues Jean-René Lecerf et Hugues Portelli, est très équilibré.
Certes, il ne saurait être question qu'un contrôleur général des lieux de privation de liberté puisse prendre connaissance d'un dossier médical sans l'accord de la personne concernée. Et, s'agissant du secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client, rien n'empêche une personne privée de liberté de fournir au contrôleur des informations qu'elle aurait déjà communiquées à son avocat et qui sont protégées par la confidentialité.
Madame le garde des sceaux, vous avez indiqué que les questions relatives au secret médical seraient de nouveau abordées lors de l'examen du texte sur la politique pénitentiaire. Peut-être serait-il souhaitable d'évoquer également le secret de l'instruction.
En effet, celui-ci est quotidiennement bafoué. Chaque jour, des procès-verbaux d'instruction paraissent dans la presse, et ce sans la moindre sanction ou poursuite à l'encontre des responsables de telles divulgations.
Il me semble donc illusoire d'opposer le secret de l'instruction, qui est régulièrement violé dans la presse, au contrôleur général des lieux de privation de liberté, ...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n'a rien à voir !
M. Henri de Richemont. ... qui est d'ailleurs lui-même tenu par le secret professionnel.
Par ailleurs, je ne vois aucun exemple concret dans lequel le secret de la défense nationale et la sûreté de l'État pourraient légitimement être opposés au contrôleur des lieux de privation de liberté. Cela étant, puisque M. le rapporteur nous a sagement précisé que cette disposition était uniquement destinée à satisfaire certaines administrations, et non à être appliquée dans les faits, je veux bien lui en donner acte.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Henri de Richemont. En tout état de cause, puisque le contrôleur est lui-même lié par le secret professionnel, je trouve l'amendement de nos collègues tout à fait pertinent. C'est la raison pour laquelle je le voterai.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si des informations confidentielles sur une affaire judiciaire sont publiées dans la presse, monsieur le sénateur, c'est qu'une des parties les a délibérément divulguées. (M. Henri de Richemont s'exclame.)
Dans le cas qui nous préoccupe, les personnes privées de liberté pourront communiquer toutes les informations qu'elles estimeront utiles au contrôleur indépendant.
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour autant, nous n'allons pas dévoyer notre procédure et remettre en cause le secret de l'instruction au seul motif que des informations couvertes par le secret auraient été diffusées dans la presse.
En outre, nous allons au-delà des recommandations du rapport Canivet en matière de secret professionnel et de secret médical. En effet, dans son rapport, M. Canivet écrivait ceci : « Les contrôleurs auraient le pouvoir d'obtenir communication de tous documents ou dossiers utiles à l'exécution de leur mission : budget de l'établissement, procès-verbaux du conseil d'administration, circulaires et notes de service diverses, locales ou nationales, quels que soient leur objet ou leur domaine, registres, rapports adressés par le directeur à l'administration centrale, carnets d'observation des surveillants, rapports d'incidents établis par ceux-ci, sous la seule réserve du respect du secret professionnel et médical. » Comme vous le voyez, le rapport envisageait des restrictions et des limitations. Nous ne faisons que suivre ses recommandations.
M. Robert Badinter. Sauf que le rapport ne mentionnait ni le secret de la défense nationale ni la sûreté de l'État !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C'est normal, puisqu'il s'agissait d'un rapport sur les prisons !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certains avocats ont un véritable talent pour déformer les propos de ceux qui ne partagent pas leurs vues. N'est-ce pas, maître Richemont ? (Sourires.)
Pour être exact, je n'ai pas exactement tenu les propos que M. de Richemont m'a attribués. J'ai simplement précisé que les dispositions relatives au secret de la défense nationale et à la sûreté de l'État trouveraient rarement à s'appliquer. Pour le reste, j'ai défendu la position du secret.
Certes, l'amendement n° 22 est bien rédigé, ce qui ne m'étonne nullement compte tenu de la qualité de ses auteurs. Pour autant, le dispositif qu'il tend à instituer n'ajoute rien par rapport à l'article 4 du projet de loi, qui mentionne déjà le secret professionnel.
Ainsi, cet amendement, qui vise à supprimer de facto les restrictions à la communication de documents en matière de défense nationale, notamment, est redondant par rapport à l'article 4.
Je maintiens donc l'avis défavorable de la commission sur l'amendement n° 22.
M. Henri de Richemont. C'est bien dommage !
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Je ne voudrais pas que, le 31 juillet, à vingt-deux heures trente, nous enterrions le secret de l'instruction ; celui-ci, je le rappelle, constitue tout de même une protection de la présomption d'innocence !
Certes, nous pouvons effectivement gloser sur les informations couvertes par le secret qui ont été publiées dans la presse. De telles dérives sont effectivement à la fois graves et inadmissibles.
Pour autant, le secret de l'instruction a, me semble-t-il, son utilité. Ne l'enterrons donc pas comme cela, au détour d'un amendement, dans un projet de loi de cette nature !
M. Bruno Sido. Oh non !
M. Laurent Béteille. Un certain nombre d'arguments sont importants et méritent une réflexion sérieuse. Ne nous précipitons pas pour faire table rase du secret médical ou du secret de l'instruction !
À mon sens, la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté constitue déjà un premier pas remarquable. En effet, celui-ci aura des pouvoirs étendus, pourra être saisi par l'ensemble des acteurs concernés et disposera d'une compétence sur l'ensemble des lieux de privation de liberté, ce qui ne se limite pas aux seules prisons.
C'est donc bien une avancée considérable. En matière de contrôle des lieux de détention, nous franchissons une première étape forte.
Mais laissons-nous au moins le temps de la réflexion avant de casser un certain nombre de dispositifs qui ont été soigneusement construits au cours des précédentes décennies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. J'ai du mal à comprendre où est le problème.
En effet, même s'il a pris connaissance d'informations confidentielles, le contrôleur des lieux de privation de liberté est lui-même soumis à une obligation de secret.
Par conséquent, le secret est bien partagé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non ! Le contrôleur est seulement soumis au secret professionnel ; ce n'est pas la même chose !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission.
L'amendement n° 71 est présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le contrôleur général peut déléguer les pouvoirs visés à cet article aux contrôleurs.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les pouvoirs de visite et d'information du contrôleur général des lieux de privation de liberté peuvent être délégués aux contrôleurs.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 71.
M. Charles Gautier. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 71.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les contrôleurs exercent leur mission dans les mêmes conditions que celles fixées par cet article pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement porte sur les conditions d'exercice de la mission des contrôleurs.
Instituer un contrôleur général des prisons est une chose, garantir le contrôle des 5 500 lieux de privation de liberté en est une autre.
À cet égard, permettez-moi quelques interrogations. Comment de tels contrôles seront-ils assurés ? Le contrôleur général pourra-t-il déléguer la possibilité de contrôler les lieux de privation de liberté à ses collaborateurs ? Ces derniers pourront-ils également assurer un contrôle des lieux de privation de liberté indépendant ? Auront-ils la même indépendance que le contrôleur général ?
Force est de le constater, le présent projet de loi est silencieux sur tous ces points.
Cet amendement vise donc à permettre aux contrôleurs de disposer des mêmes pouvoirs de visite et de contrôle que le contrôleur général.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les questions de Mme Boumediene-Thiery sont pertinentes, mais nous venons d'y répondre en adoptant les amendements identiques nos 12 et 71.
En effet, aux termes de ces deux amendements, les contrôleurs exerceront leurs missions dans les mêmes conditions que le contrôleur général des lieux de privation de liberté. On peut difficilement faire plus clair.
Par conséquent, cet amendement est satisfait. Comme le dispositif qu'il tend à instituer serait redondant avec ce que nous venons d'adopter, je suggère à Mme Boumediene-Thiery de le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 31 est-il maintenu ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 31 est retiré.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article additionnel après l'article 6
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est informé par le procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un lieu privatif de liberté. À sa demande, le contrôleur général des lieux de privation de liberté est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement rejoint un amendement déposé par la commission.
Il s'agit de faire en sorte que le contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses délégués informent le procureur de la République lorsqu'ils constatent des infractions au cours de leur mission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme M. Badinter l'a rappelé, la commission a déposé un amendement similaire, sur l'article 7.
À mon sens, l'amendement de la commission est préférable. Je propose donc aux auteurs de l'amendement n° 72 de le retirer au profit de l'amendement de la commission ou, puisqu'il s'agit d'un amendement tendant à insérer un article additionnel, d'en différer l'examen.
M. le président. Monsieur Badinter, l'amendement n° 72 est-il maintenu ?
M. Robert Badinter. Non, monsieur le président. Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je retire l'amendement n° 72.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'issue de chaque visite, le contrôleur général adresse ses observations et recommandations aux responsables des lieux visités. Ceux-ci ont un mois pour adresser leur réponse au contrôleur et, le cas échéant, l'informer des mesures qu'ils envisagent de prendre. À défaut de réponse dans le délai imparti, le contrôleur peut rendre publiques ses recommandations et observations.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement tend à faire en sorte que, à l'issue de chaque visite, le contrôleur général adresse ses observations et ses recommandations aux responsables des lieux inspectés.
Ces derniers disposeront alors d'un délai d'un mois pour lui faire part des mesures envisagées en vue de remédier aux problèmes soulevés par le contrôleur.
Dans un souci d'efficacité et de réactivité, à défaut de réponse dans le délai imparti d'un mois, le contrôleur général des lieux de privation de liberté aurait la possibilité de rendre publiques ses recommandations et observations, afin que celles-ci ne restent pas lettre morte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, il ne faut pas restreindre les pouvoirs du contrôleur général, cela ne me paraîtrait pas cohérent.
L'amendement n° 53 prévoit que le contrôleur général peut rendre publiques ses recommandations si les responsables des lieux visités n'ont pas répondu dans un délai d'un mois à ses observations. Cet amendement est plus restrictif que le projet de loi qui prévoit, dans son article 8, que le contrôleur général peut rendre publiques ses observations sans autre condition que d'en informer au préalable les autorités concernées.
Ne restreignons pas ses pouvoirs ! Surtout pas ! (M. Yves Détraigne proteste.) Mais si, c'est ce que vous faites !
Je trouve dommage d'encadrer l'exercice de cette prérogative dans le délai d'un mois, d'autant que certains cas peuvent relever de l'urgence ! Tout cela nous ramène à des débats qui ont déjà eu lieu.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Je maintiens mon amendement, car il n'est pas restrictif par rapport à l'article 8, contrairement à ce que vient de dire M. le rapporteur. Il tend au contraire à rendre obligatoire, dans un délai d'un mois, la réponse de l'administration aux observations formulées par le contrôleur général.
Mon amendement va donc plus loin que la seule formulation d'observations dont on ignore quelle suite leur sera réservée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
À l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître au ministre intéressé ses observations, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité. Le ministre peut formuler des observations en réponse qui sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, sur l'article.
M. Charles Gautier. L'article 7 du présent projet de loi prévoit que le contrôleur général pourra, après chaque visite, adresser des observations aux ministres concernés.
Le rôle du contrôleur général est non pas de modifier l'existant, mais d'informer les ministres des conditions de vie des personnes détenues. Nous sommes d'accord sur ce point. C'est ensuite aux ministres concernés de prendre toutes mesures utiles. Encore faut-il que les ministres aient l'obligation de répondre, et ce dans un délai précisé, sinon tout cela devient inutile.
De plus, madame la ministre, je souhaiterai obtenir une précision. En effet, le rôle du contrôleur général se borne à un pouvoir d'information, mais ce pouvoir est décuplé s'il peut diffuser auprès du grand public ce qu'il observe ! Ainsi, l'article 8 prévoit la possibilité de publier les avis et recommandations aux autorités publiques, et l'article 9 en fait une obligation pour ce qui concerne le rapport annuel. En revanche, l'article 7 ne précise pas si les observations adressées aux ministres, ainsi que leurs réponses, peuvent être rendues publiques. Pourriez-vous nous préciser ce point, madame la ministre, qui est d'une grande importance ?
Souvenez-vous que c'est la publication d'un rapport de l'Observatoire international des prisons, l'OIP, sur des faits graves survenus à la maison d'arrêt de Beauvais qui a provoqué le réveil de l'opinion publique et la prise de conscience des difficultés que rencontraient les détenus et leurs familles. Toutes les initiatives prises depuis 1999 découlent de la publication de ce rapport. Je vous remercie pour les précisions que vous nous apporterez.
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 94, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître au ministre intéressé ou à l'administration concernée ses observations, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité. Il peut formuler des recommandations afin d'améliorer le traitement des personnes privées de liberté. Le ministre et l'administration compétente sont tenus, dans un délai fixé par le contrôleur général, de rendre compte à celui-ci de la suite donnée à ces observations et ces recommandations. Ces réponses sont annexées au rapport de visite, qui est ensuite rendu public.
Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.
Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.
Il porte à la connaissance du garde des sceaux les dysfonctionnements constatés à l'occasion des visites effectuées dans les lieux de privation de liberté.
Le contrôleur général des prisons est informé par le procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un lieu de privation de liberté. À sa demande, le contrôleur général est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également, sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Notre amendement tend à réécrire l'ensemble de l'article 7 afin de donner au contrôleur général de réels pouvoirs.
Tout d'abord, l'efficacité du contrôle serait renforcée si le contrôleur avait la possibilité de s'adresser plus directement aux administrations intéressées et non pas seulement aux ministres. Nous proposons donc d'intégrer une disposition en ce sens.
Par ailleurs, le protocole facultatif, dans son article 19, prévoit que les mécanismes nationaux puissent « formuler des recommandations à l'intention des autorités compétentes afin d'améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté [...] ». Nous proposons de tenir compte de cette formulation.
Nous souhaitons aussi, à l'instar de nombreuses organisations, donner au contrôleur un réel pouvoir d'injonction qui, seul, peut apporter une réelle efficacité par rapport aux contrôles déjà existants. Selon nous, le dispositif actuel est loin d'être suffisant. Il est trop souvent mis en oeuvre de manière assez formelle. Les autorités judiciaires, par exemple, si elles peuvent visiter les établissements de leur ressort, n'ont aucun pouvoir d'injonction.
S'il suffisait que les ministres concernés soient au fait des problèmes existant dans les lieux de détention pour qu'ils soient réglés, la surpopulation carcérale aurait disparu depuis longtemps ! Combien d'observations, combien de condamnations, combien de rapports sont restés sans effet ?
Aussi, pour que les contrôles soient suivis d'effets concrets, il faut les assortir d'une contrainte : une obligation de réponse dans un délai fixé par le contrôleur, comme peut le faire, par exemple, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS.
Ainsi, la commission Canivet proposait que chaque visite fasse l'objet d'un rapport remis au garde des sceaux, qui disposerait d'un délai pour présenter ses observations. Elle suggérait également que les rapports de contrôle, « quelle qu'en soit la nature », soient publiés avec les observations du garde des sceaux, sur l'initiative du contrôleur général des prisons, afin de « conférer au contrôle son efficacité et sa crédibilité ». Nous proposons donc de prendre en compte ces orientations, d'ailleurs conformes aux dispositions internationales.
Enfin, à l'instar de la commission des lois, nous proposons de réintégrer dans le projet de loi les dispositions votées en 2001 qui prenaient en compte l'objectif de protection des personnes privées de liberté, à savoir la possibilité pour le contrôleur de saisir l'autorité hiérarchique, voire la justice, de toute infraction dont il jugerait nécessaire la poursuite disciplinaire ou pénale.
Nous pensons aussi qu'il faut maintenir le dernier alinéa de l'article 7 de la proposition de loi de 2001 qui prévoyait l'information du contrôleur par le procureur de la République en cas de poursuites ayant pour objet des infractions commises sur les lieux privatifs de liberté.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Hyest, au nom de la commission est ainsi libellé :
Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :
, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur
par les mots :
concernant en particulier
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit d'une simplification rédactionnelle, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Compléter la première phrase de cet article par les mots :
ainsi que la condition des personnes privées de liberté
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement vise à étendre à la condition des personnes privées de liberté la possibilité ouverte au contrôleur général de faire connaître ses observations et ses demandes d'éclaircissements.
Il est certes important que le contrôleur fasse état de ses observations sur l'agencement des locaux, l'organisation du travail, notamment, mais ce qui compte, ce sont les hommes ! Le plus important est donc ce que le contrôleur pourra dire sur la situation des personnes dans les établissements, à la fois les personnes privées de liberté mais aussi tous ceux qui travaillent dans ces établissements.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Lecerf et Portelli est ainsi libellé:
Remplacer la seconde phrase de cet article par deux phrases ainsi rédigées :
Le ministre formule des observations en réponse chaque fois qu'il le juge utile et lorsque le contrôleur général l'a expressément demandé. Ces observations en réponse sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. L'article 7 laisse un pouvoir totalement discrétionnaire au ministre pour répondre ou non aux observations du contrôleur général.
Cet amendement tend à imposer une réponse systématique du ministre lorsqu'elle est souhaitée par le contrôleur général des lieux privatifs de liberté, lorsque les circonstances lui semblent l'imposer, et de laisser toute latitude au ministre dans les autres cas.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste-UDF est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase de cet article :
Dans un délai d'un mois, le ministre formule des observations en réponse qui sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement vise, d'une certaine manière, à imposer au ministre de répondre aux observations formulées par le contrôleur général en lui fixant un délai d'un mois.
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase de cet article, remplacer les mots :
peut formuler
par les mots :
formule
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Cet amendement étant très proche des précédents, je considère qu'il a été défendu.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission.
L'amendement n° 54 est présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste-UDF.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Si le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.
Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement s'inspire de l'article 7 de la proposition de loi relative aux conditions de détention et au contrôle général des prisons adoptée par le Sénat en 2001.
Il reprend des dispositions traditionnelles figurant dans le statut de nombreuses autorités administratives indépendantes et permettant, d'une part, la saisine du procureur de la République pour des faits laissant présumer une infraction et, d'autre part, la saisine de l'autorité disciplinaire pour des faits susceptibles d'appeler des poursuites disciplinaires.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement identique n° 54.
M. Yves Détraigne. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par MM. Lecerf et Portelli est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le contrôleur général face à une situation d'extrême gravité peut adresser des injonctions aux autorités pénitentiaires.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Cet amendement tendait à conférer un pouvoir d'injonction au contrôleur général à l'égard des autorités pénitentiaires, dans des situations d'extrême gravité.
J'ai écouté très attentivement les observations des uns et des autres depuis ce matin. Mon souci était de pouvoir répondre à des situations extrêmement particulières où des informations, en possession du seul contrôleur général et non de l'administration pénitentiaire, lui permettent de savoir que la vie ou la santé d'un prévenu est en danger.
Je serais tenté de rectifier mon amendement pour permettre au contrôleur général, face à une situation d'extrême gravité, d'ordonner la mise en cellule individuelle d'une personne, mais ce serait trop complexe.
Je préfère donc retirer mon amendement. Nous pourrons peut-être reparler de ces problèmes lors de la discussion du projet de loi pénitentiaire.
M. le président. L'amendement n° 24 est retiré.
L'amendement n° 48, présenté par M. Yung est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le rapport de visite établi par le contrôleur général est transmis aux autorités responsables du lieu de privation de liberté, qui doivent mettre en oeuvre un plan d'action dans un délai de deux mois, sur la base des recommandations formulées par le contrôleur.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Notre amendement vise à imposer aux autorités de répondre aux observations du contrôleur.
J'ose à peine le formuler, car je connais la réponse ! On va me dire que nous en demandons toujours trop, que nous sommes maximalistes !
Nous cherchons à améliorer le projet de loi et cet amendement s'inspire des dispositions de l'article 22 du protocole facultatif, qui dispose que « les autorités compétentes examinent les recommandations du mécanisme national de prévention et engagent le dialogue avec lui ».
Ce dispositif est également calqué sur le mécanisme de contrôle qui prévaut actuellement en Angleterre et au Pays de Galles, dont nous avons beaucoup parlé. À l'issue de chaque visite, l'inspecteur des prisons britanniques transmet son rapport aux autorités de l'établissement visité, qui doivent décider d'un plan d'action dans un délai de deux mois. Signalons d'ailleurs que les autorités publiques se sont engagées à répondre à 95 % des rapports. Ce chiffre est d'ailleurs assez curieux, car on ne sait pas ce deviennent les 5 % restés en chemin !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils n'ont pas assez d'argent !
M. Richard Yung. Le principe général reste, malgré tout, que les autorités répondent à presque toutes les observations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements autres que ceux qu'elle a elle-même déposés ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 94 est très complet, car il réécrit l'article 7. Je suis d'accord sur un certain nombre de ses dispositions, mais pas sur la totalité. La commission a demandé son retrait au profit d'autres amendements.
S'agissant de l'amendement n° 73, l'article 7 prévoit que le contrôleur général peut faire connaître ses observations sur « l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité ». Il peut être utile, comme le prévoit l'amendement, de préciser que ces observations peuvent aussi porter sur la condition des personnes privées de liberté.
L'avis de la commission est donc favorable.
L'amendement n° 23 rectifié bis introduit une injonction soft, mais c'est bien ! Il prévoit en effet une réponse du ministre aux observations du contrôleur général lorsque celui-ci l'a demandée.
L'avis de la commission est donc également favorable.
L'amendement n° 58 va dans le même sens que l'amendement n° 23 rectifié bis, mais il fixe un délai. Or il peut être parfois nécessaire d'obtenir une réponse dans un délai plus court. Je demanderai donc à son auteur de retirer cet amendement, sinon j'émettrais un avis défavorable.
L'amendement n° 74 s'inspire des mêmes arguments que l'amendement n° 23 rectifié bis. Je demanderai donc son retrait, dans la mesure où la rédaction de cet amendement n° 23 rectifié bis recueille l'accord général.
L'amendement n° 54 est satisfait par l'amendement n° 14 de la commission.
S'agissant de l'amendement n° 48, monsieur Yung, il est difficile de faire la même lecture que vous de l'article 22 du protocole facultatif, qui prévoit que les autorités responsables « examinent les recommandations du mécanisme national de prévention et engagent le dialogue avec lui au sujet des mesures qui pourraient être prises pour les mettre en oeuvre ». Le dispositif de l'article 7, qui s'inscrit dans le cadre du dialogue et de la persuasion, paraît préférable à la formulation proposée dans votre amendement.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 13, 73, 23 rectifié bis et 14.
En revanche, il est défavorable aux amendements nos 94, 58, 74, 54 et 48.
M. Charles Gautier. Les amendements nos 14 et 54 sont identiques !
M. le président. En conséquence, les amendements nos 58 et 74 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 54.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Dans le cadre de ses compétences, le contrôleur général des lieux de privation de liberté émet des avis et formule des recommandations aux autorités publiques. Il propose également au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables.
Après en avoir informé les autorités responsables, il peut rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités si elles en font la demande.
Il ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Si l'on ne peut qu'être d'accord, me semble-t-il, avec les dispositions du premier alinéa de l'article 8, il n'en va pas de même, en revanche, avec celles du deuxième alinéa, selon lequel, après en avoir informé les autorités responsables - pourquoi pas ? -, le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut rendre publics ses avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités si elles en font la demande.
Si je comprends bien, il faut donc que les autorités visées donnent leur accord à la publication de leurs observations : je trouve qu'il s'agit là d'une restriction n'ayant pas de raison d'être.
Le troisième et dernier alinéa de l'article prévoit que le contrôleur général « ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle ».
Cette disposition me paraît tout à fait superfétatoire. Personne n'a jamais envisagé que le contrôleur général puisse intervenir dans les procédures judiciaires.
Cependant, s'il constate un fait grave mettant en danger la dignité d'un détenu, voire sa vie, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas saisir immédiatement les autorités compétentes et le ministère.
On m'objectera qu'il appartient au juge d'application des peines d'intervenir, mais, si ce dernier ne s'est pas rendu compte de la situation, il revient au contrôleur général de déclencher immédiatement l'alerte.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Yung, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa de cet article :
Dans le cadre de ses compétences, le contrôleur général émet des avis, formule des recommandations aux autorités publiques et établit des rapports sur toute question qu'il juge utile à une meilleure connaissance du fonctionnement des lieux de privation de liberté.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. J'ai repris, au travers de cet amendement, une idée qui avait été formulée dans le rapport de M. Canivet, à savoir que le contrôleur général puisse entreprendre des études sur des thèmes qu'il estime utiles au complément de son information, à l'évaluation de l'administration ou à la résolution d'une question pendante.
Les motivations de cet amendement me semblent assez claires. Le contrôleur général et les contrôleurs pourront tirer de leur pratique et de leurs nombreuses visites sur le terrain un certain nombre d'enseignements plus généraux pouvant intéresser l'administration pénitentiaire et le ministre de la justice, et leur en faire part au moyen de rapports thématiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La rédaction présentée au travers de l'amendement constitue, me semble-t-il, un réel apport au regard du texte du Gouvernement. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, car le dispositif, dans la rédaction actuelle du texte, permet déjà de mener de telles études.
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Après la première phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
En cas d'atteinte flagrante aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a le pouvoir d'enjoindre aux autorités responsables, de prendre toute mesure qui lui paraît nécessaire au respect de ces droits.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement, nous souhaitons conférer au contrôleur général un pouvoir d'injonction.
Nous pensons que le contrôleur général, s'il constate une atteinte flagrante aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, doit pouvoir agir et, dans un tel cas, enjoindre aux autorités responsables de prendre toutes mesures lui paraissant nécessaires pour faire respecter ces droits.
Là encore, il s'agit de savoir si l'on veut donner leur plénitude aux prérogatives du contrôleur général. Ce dernier doit, nous semble-t-il, avoir la faculté d'exercer un pouvoir d'injonction dans les cas où il observerait des faits vraiment choquants, scandaleux au regard des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, qu'il a pour mission de préserver.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je me suis exprimé à plusieurs reprises sur la fausse bonne idée consistant à octroyer un pouvoir d'injonction au contrôleur général. Je maintiens cette position, car c'est à mon avis par le dialogue, par l' « apprivoisement » des lieux préventifs de liberté par le contrôleur général que nous progresserons. Le rôle de ce dernier ne doit pas être de surveiller l'administration et de prendre des décisions à sa place. Telle n'est pas notre conception de sa mission.
De surcroît, la constitutionnalité d'un tel pouvoir d'injonction est douteuse. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Peut-on imaginer que le contrôleur général ordonne l'élargissement d'un détenu ayant été condamné ? Peut-on considérer que, lors d'une garde à vue, il puisse lever cette dernière en vertu d'un pouvoir d'injonction qui lui aurait été conféré ? Il est très difficile d'envisager d'accorder au contrôleur général un tel pouvoir, qui est aujourd'hui, pour l'essentiel, dévolu au juge.
Le contrôleur général a un pouvoir de recommandation, la faculté d'émettre des avis. En Grande-Bretagne, les recommandations de l'inspecteur en chef des prisons sont débattues avec les administrations, qui les acceptent dans 95 % des cas et s'y conforment dans les deux années qui suivent dans 75 % des cas. Tout cela est mis en oeuvre et contrôlé dans le cadre de visites inopinées.
Laissons donc le contrôleur général formuler ses avis et ses recommandations dans le cadre d'un échange, d'un dialogue et d'une concertation, plutôt que de voir s'établir des rapports de force. En effet, c'est bien dans cette perspective que serait perçu par les administrations concernées un pouvoir d'injonction du contrôleur général.
Je rappelle en outre que le sous-comité de la prévention instauré par le protocole facultatif à la convention des Nations unies n'est pas doté d'un tel pouvoir.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit des cas d'atteinte flagrante aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté !
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. On voit bien là que deux visions différentes du dispositif s'opposent.
Certains souhaitent que le contrôleur général soit nommé à la discrétion du Gouvernement,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout !
M. Louis Mermaz. ... même si l'on entoure cela de quelques précautions. Il serait alors un personnage dont on attend qu'il rende des services, mais auquel on ne veut pas véritablement conférer une autorité.
Pour notre part, nous souhaitons que le contrôleur général soit désigné après un avis de l'Assemblée nationale et du Sénat liant le Président de la République, nous voulons qu'il soit une personnalité morale incontestable, avec un passé professionnel garantissant qu'il pourra exercer ses fonctions de manière convenable, avec toute l'efficacité nécessaire.
Il s'agit donc d'une perspective tout à fait différente, et Mme le garde des sceaux nous « embrouille » d'ailleurs lorsqu'elle fait mine de s'interroger sur l'identité d'un personnage qui pourrait décider l'élargissement d'un détenu ayant été condamné.
En effet, il n'est pas du tout question de cela, il est question d'accorder au contrôleur général un pouvoir d'injonction dont il pourra user afin d'obliger les pouvoirs publics à intervenir en cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants, pour reprendre l'intitulé du protocole facultatif à la convention des Nations unies, de menace contre la vie ou les droits élémentaires de personnes privées de liberté.
Il s'agit donc, grâce à une injonction immédiate, d'empêcher que de telles situations perdurent, et nullement d'interférer dans la procédure judiciaire. Je suis sûr que Mme le garde des sceaux a l'esprit suffisamment clair pour comprendre ce que j'ai essayé de dire.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je n' « embrouille » personne, monsieur le sénateur : ce n'est ni ma fonction ni ma mission, encore moins s'agissant d'un texte qui est à mes yeux très important et qui est attendu depuis de nombreuses années. Il ne s'agit pas d' « embrouiller », il s'agit de rédiger clairement !
Un pouvoir d'injonction est un pouvoir quasiment juridictionnel. Veut-on donner un pouvoir quasiment juridictionnel à une autorité indépendante ? Non, parce que ce ne serait pas constitutionnel.
Le contrôleur général formulera donc des recommandations et émettra des avis. S'agissant d'atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, il pourra toujours et à tout moment saisir l'autorité judiciaire.
Il ne s'agit pas d' « embrouilles », je le répète, il s'agit d'une réponse claire à une question qui l'était beaucoup moins ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Je voudrais abonder dans le sens de Mme le garde des sceaux.
Une autorité administrative indépendante est créée pour un objet particulier, mais pas en vue d'exercer un pouvoir d'injonction. Un tel pouvoir relève soit de l'administration, au travers de l'autorité hiérarchique, soit du pouvoir juridictionnel.
M. René Garrec. Tout à fait !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. La création d'une autorité administrative indépendante résulte, il ne faut pas l'oublier, d'un démembrement de l'action gouvernementale, le Gouvernement acceptant de confier certains de ses pouvoirs à une telle instance.
Or si l'on attribue des pouvoirs régaliens à une autorité administrative indépendante, la démocratie disparaîtra, parce que l'autorité en question, précisément de par son indépendance, pourra faire ce qu'elle veut pendant la période pour laquelle elle est nommée, en s'imposant à ceux qu'elle contrôle.
Par conséquent, nous allons tout à fait dans le sens de Mme le garde des sceaux. Il n'y a pas de possibilité de conférer le pouvoir d'injonction à l'une quelconque des quelque quarante autorités administratives indépendantes existant à l'heure actuelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René Garrec. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :
au Gouvernement
insérer les mots :
ainsi qu'aux Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Le pouvoir d'initiative en matière législative n'est pas réservé au Gouvernement. L'Assemblée nationale et le Sénat sont à même de proposer des modifications législatives concernant les lieux de privation de liberté, et usent d'ailleurs de cette prérogative.
La preuve en est que ce sont les parlementaires, et non pas le Gouvernement, qui ont pour la première fois, au travers de propositions de loi, demandé l'institution d'un contrôleur général des prisons.
Aujourd'hui, le Gouvernement se voit obligé, pour respecter les conventions internationales signées par la France, de mettre en oeuvre les dispositions de ces propositions de loi.
Il serait donc normal de prévoir que le contrôleur général présente également à l'Assemblée nationale et au Sénat les modifications législatives qu'il estime nécessaires.
Cette faculté n'interdit bien sûr pas au Gouvernement d'intervenir dans son champ de compétence, tel que fixé par l'article 34 de la Constitution. Pour le reste, tant le pouvoir exécutif que le pouvoir législatif peuvent proposer des modifications.
Puisque le Gouvernement souhaite mieux associer l'opposition à son action, qu'il lui laisse la possibilité de prendre connaissance des propositions du contrôleur général par l'entremise des présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Après tout, les parlementaires ne sont-ils pas déjà, en quelque sorte, des contrôleurs des lieux de privation de liberté, en tout cas depuis l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ?
Cet amendement permet donc aux parlementaires de prendre connaissance, en même temps que le Gouvernement, des propositions de modifications législatives ou réglementaires formulées par le contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Ne pas admettre que les parlementaires sont étroitement impliqués dans l'amélioration des conditions de privation de liberté, c'est les priver de leur droit d'information en la matière.
Ce serait également contraire à la loi précitée, qui place les parlementaires au coeur de la recherche d'une meilleure prise en compte de la condition des personnes privées de liberté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Traditionnellement, les statuts des autorités administratives indépendantes prévoient que les propositions de modifications législatives ou règlementaires sont transmises au Gouvernement.
En outre, une transmission spécifique aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ne semble pas nécessaire dès lors que le rapport annuel prévu à l'article 9 est remis au Parlement.
Je vous signale d'ailleurs que des propositions de modifications législatives émises par un certain nombre d'autorités administratives indépendantes dans leurs rapports ont été suivies d'effets.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 42, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :
Après en avoir informé les autorités responsables, il rend publics ces avis, recommandations ou propositions. Les observations des autorités responsables sont recueillies et publiées dans les mêmes conditions.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à réécrire partiellement le deuxième alinéa de l'article afin de rendre obligatoire la publication des avis et recommandations du contrôleur, mais aussi des réponses apportées par les autorités responsables de la privation de liberté.
Le pouvoir d'injonction du contrôleur général des lieux de privation de liberté doit résider dans sa capacité à mettre les autorités face à leurs responsabilités. La transparence du travail du contrôleur est fondamentale pour son indépendance.
Il est tout à fait inacceptable que les autorités responsables puissent décider à la place du contrôleur général si leurs observations peuvent être publiées. Elles doivent rendre des comptes et s'expliquer sur les conclusions du contrôleur, et, le cas échéant, admettre les dysfonctionnements que le contrôleur aurait pu remarquer.
Donner une telle liberté de réponse aux autorités responsables de la privation de liberté vide complètement de son contenu le pouvoir du contrôleur général. Vous lui refusez déjà le pouvoir d'injonction ; le suivi de ses avis et recommandations ne pourra plus jamais être effectif si le contrôleur n'a pas lui-même le pouvoir de publier son avis et les réponses qui lui ont été apportées.
M. le président. L'amendement n° 75, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :
Il peut rendre publics ces avis, recommandations, injonctions ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Le projet de loi prévoit que le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut rendre publics ses avis, recommandations, ou propositions, ainsi que les observations des autorités responsables. Deux réserves ont été posées : il faut que le contrôleur général en informe les autorités responsables et que les observations de celles-ci ne soient publiées que si elles en font la demande.
Notre amendement a pour objet de supprimer ces deux réserves et de prévoir que le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut rendre publiques des injonctions.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
I. Au début du deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :
Après en avoir informé les autorités responsables,
II. Après le mot :
observations
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa de cet article :
des autorités responsables si elles en font la demande.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme je l'ai déjà signalé, la publication des avis, recommandations ou propositions du contrôleur ne peut être soumise au bon vouloir des autorités responsables.
Le contrôleur doit pouvoir, sans restriction ni limitation, publier les conclusions de ses visites.
Cette exigence garantit la transparence du processus de contrôle des lieux de privation de liberté et permet une diffusion large et importante des avis, recommandations, et propositions du contrôleur. Elle consolide également l'indépendance de ce dernier.
Le projet de loi laisse entendre que la consultation des autorités responsables est une obligation. Or, dans ce domaine, le contrôleur général ne peut disposer d'une compétence liée : il doit être libre de publier ses conclusions, sans en aviser les autorités responsables du lieu de privation de liberté.
Les contrôleurs doivent être indépendants : limiter leur pouvoir de publication des avis et recommandations, c'est limiter leur pouvoir, et donc leur indépendance.
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
peut rendre
par le mot :
rend
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Par cet amendement, nous voulons rendre obligatoire, comme nous l'avons proposé pour les rapports de visite, la publication des avis, recommandations et propositions du contrôleur.
Une telle disposition serait conforme aux préconisations des règles pénitentiaires européennes : la règle 93-1 prévoit que « les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques ».
La commission Canivet soulignait l'importance de la transparence ; elle indiquait que l'opinion publique devait être informée de l'état des prisons et du niveau de réalisation des objectifs. Il était également nécessaire, selon elle, d'informer les personnels pénitentiaires et les détenus sur les constats effectués, les résultats obtenus, les améliorations possibles, et les efforts restant à accomplir. Du point de vue des membres de la commission, cela devait contribuer à amener les organes de contrôle à rendre compte de l'exécution de leur mission.
Il est évident que, en provoquant le débat public, la transparence sur l'état et le fonctionnement des établissements concernés ne pourrait que renforcer l'efficacité des contrôles en contraignant notamment l'administration, placée sous le regard de l'opinion, à prendre les mesures exigées par la situation, que ce soit en termes d'investissements, d'équipements, d'organisation, de suppression de pratique, voire de poursuites disciplinaires ou pénales si des fautes étaient constatées.
L'article 8 du projet de loi - comme d'ailleurs l'article 7 -, s'il n'est pas modifié, n'aura pas ces effets. Ces deux articles révèlent une volonté d'en rester à une configuration minimale.
La France est, hélas ! connue et montrée du doigt pour l'état désastreux de ses prisons et de ses centres de rétention ; elle a fait preuve de trop longues réticences à mettre en oeuvre le protocole, et à créer, sous la pression, un contrôleur général.
Alors que la question est ici de contribuer à ce que les problèmes inacceptables trouvent une solution, il ne serait pas très glorieux pour la France de continuer à faire preuve de frilosité.
Aussi, nous proposons que les avis, les recommandations et les observations du contrôleur général des lieux de privation de liberté soient systématiquement rendus publics.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Hyest au nom de la commission est ainsi libellé :
Après les mots :
ces autorités
supprimer la fin du deuxième alinéa de cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 15 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 42, 75, 38 et 95.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La rédaction du projet de loi pourrait laisser entendre que la publicité des observations jointes aux recommandations ou avis du contrôleur général est laissée à la discrétion des autorités responsables des lieux de privation de liberté.
Dès lors que ces recommandations ou avis sont publics, il est souhaitable, dans l'intérêt des administrations elles-mêmes, que leurs observations le soient également.
Tel est l'objet de cet amendement, qui a pour effet de satisfaire, partiellement ou totalement, un certain nombre d'amendements de nos collègues.
M. Robert Bret. Partiellement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 42 me paraît satisfait par l'amendement n° 15 de la commission, tout comme l'amendement n° 75.
S'agissant de l'amendement n° 38, le projet de loi prévoit que le contrôleur général peut rendre publics les avis et recommandations après en avoir informé les autorités responsables. L'amendement tend à supprimer cette information préalable alors que cette dernière ne s'assimile absolument pas à une autorisation préalable. Le contrôleur général est entièrement libre de ses choix.
Par ailleurs, l'amendement maintient le principe selon lequel la publicité des observations faites par les administrations est laissée à leur discrétion. La commission n'étant pas d'accord avec cette proposition, elle demande le retrait de l'amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 95, il est préférable de laisser au contrôleur général le choix des avis ou des observations qu'il décide de rendre publics, car cela peut ainsi entrer dans une stratégie de discussion avec l'administration. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15, qui améliore la rédaction de l'article 8.
Les amendements nos 42 et 75 seront satisfaits par l'amendement n° 15, s'il est adopté.
Enfin, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 38 et 95.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 77, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa de cet article.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. La disposition prévoyant que le contrôleur général des lieux de privation de liberté « ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle » est tout à fait inutile au regard des règles de la procédure pénale. En conséquence, nous proposons de supprimer cet alinéa.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut formuler des observations écrites jointes à toute procédure, quelle qu'en soit la nature, consécutive au contrôle d'un lieu de privation de liberté et peut présenter des observations orales devant la juridiction pénale éventuellement saisie. Il ne peut remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Le projet de loi ne permet pas au contrôleur général des lieux de privation de liberté d'intervenir dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction.
On peut comprendre que le contrôleur général ne puisse remettre en cause le bien-fondé d'une décision. Mais nous aimerions savoir ce que signifie au juste cette assertion : ne peut-il pas commenter une décision de justice ? Ne peut-il pas publier un avis qui viendrait contredire une décision de justice ?
Pour le reste, compte tenu des pouvoirs assez larges dont dispose le contrôleur général, le fait d'interdire à ce dernier d'intervenir dans le cadre d'une procédure, ne serait-ce que par voie écrite, revient, nous semble-t-il, à négliger son travail.
Le contrôleur sera un acteur de premier plan dans la recherche d'une amélioration des conditions de privation de liberté. De ce point de vue, il est, de fait, dans la situation d'un amicus curiae: il est le seul susceptible d'apporter des éléments importants dans des affaires encore pendantes.
Qui pourra juger des conditions d'une personne privée de liberté ? La personne privée de liberté ou le personnel ? Ce sera un peu la vérité de l'un contre celle des autres.
Nous aimerions donc avoir quelques éclaircissements sur ces points.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La disposition prévue par l'amendement n° 77 figure traditionnellement dans les statuts des autorités administratives indépendantes. À titre d'exemples, je citerai l'article 8 de la loi relative à la commission nationale de déontologie de la sécurité et l'article 10 de la loi instituant un défenseur des enfants. Cette disposition constitue le rappel des prérogatives de l'autorité judiciaire et marque bien qu'une autorité indépendante ne peut s'immiscer dans une procédure judiciaire.
Je souhaiterais cependant obtenir l'avis du Gouvernement sur cet amendement : une telle disposition est-elle réellement indispensable ?
Quant à l'amendement n° 39, il prévoit la faculté pour le contrôleur général, d'une part, de formuler des observations écrites jointes à toute procédure consécutive au contrôle d'un lieu de privation de liberté, et, d'autre part, de présenter des observations orales devant la juridiction pénale.
Les organes juridictionnels comme les organes disciplinaires peuvent déjà actuellement, s'ils le souhaitent, avoir communication des avis des autorités administratives indépendantes. De même, la juridiction pénale peut entendre ces dernières comme témoins.
Il est vrai que ces possibilités sont laissées à l'initiative des organes juridictionnels. Mais faut-il donner cette initiative au contrôleur général ? Il serait utile de recueillir sur ce point l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S'agissant de l'amendement n° 39, l'autorité judiciaire peut entendre qui elle veut, à tout moment, comme elle le veut. Cet amendement est inutile, et le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 77. Comme pour les autres autorités administratives indépendantes, le statut de cette autorité prévoit qu'elle ne peut pas commenter une décision de justice.
S'il s'agit d'une décision de première instance, cette dernière n'est pas définitive et il convient de ne pas la commenter. En cas d'enquête en cours, s'il s'agit d'une procédure pénale, l'autorité n'est pas partie à l'affaire ; dans le cas d'une procédure civile, elle ne peut s'immiscer dans la procédure.
Rien n'empêche au demeurant, dans le cadre d'une procédure pénale, le contrôleur indépendant d'informer l'autorité judiciaire et de lui apporter des éléments qu'il juge utiles pour contribuer à améliorer ou à faciliter l'enquête.
Cet amendement est donc inutile : comme les autres autorités indépendantes, cette autorité ne peut pas s'immiscer dans une procédure à laquelle elle n'est pas partie à l'affaire, comme le rapport Canivet, page 179, le relevait déjà.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La loi prévoit qu'elle ne peut pas commenter une décision de justice.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 77.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet le même avis défavorable que le Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est habilité à saisir de tout manquement aux prescriptions déontologiques la Commission nationale de déontologie de la sécurité instituée par la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. En l'état actuel, le projet de loi ne prévoit pas la possibilité pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté de saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale qu'il aurait pu constater au cours de ses visites.
Cet amendement vise à permettre au moins que le contrôleur général puisse saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui dispose quant à elle du pouvoir de saisir le procureur de la République.
Les informations fournies par les avis, recommandations et conclusions du contrôleur général peuvent constituer des éléments pouvant donner lieu à des poursuites pénales.
Sans ce pouvoir indirect de saisine du procureur de la République, le pouvoir d'injonction du contrôle restera une coquille vide. Son rôle se limitera à constater et à proposer à titre consultatif.
Il convient d'aller beaucoup plus loin en octroyant au contrôleur général le pouvoir de saisir la commission nationale de déontologie de la sécurité lorsqu'il le juge nécessaire et lorsque les faits entrent dans le champ de sa compétence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons adopté un amendement n° 8 qui a le même objet mais qui va plus loin puisqu'il ouvre cette possibilité au Médiateur de la République, au Défenseur des enfants ainsi qu'au président de la HALDE. Cet amendement est donc satisfait, et la commission émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 40 est-il maintenu ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.
L'amendement n° 41, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Si le contrôleur général des lieux de privation de liberté estime que les faits mentionnés dans ses avis ou recommandations laissent présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.
Le procureur de la République informe le contrôleur général des lieux de privation de liberté de la suite donnée aux transmissions faites en application de l'alinéa précédent.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons adopté une disposition comparable s'agissant du procureur ; l'amendement est donc satisfait.
M. le président. Madame Alima Boumediene-Thiery, l'amendement n° 41 est-il maintenu ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 41 est retiré.
L'amendement n° 96, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Lorsque le contrôleur général est saisi de faits donnant lieu à une enquête judiciaire ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, il doit recueillir l'accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République, selon le cas, pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article 6 relatives à la communication de pièces.
Il peut, en outre, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à l'autorité mise en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial présenté dans les conditions prévues à l'article 9 et publié au Journal officiel.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Le dernier alinéa de l'article 8 dispose que le contrôleur général ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction. Soit. Mais, dans la réalité, il ne manquera pas d'être saisi de faits donnant lieu à enquête, information ou poursuites judiciaires, et cela ne doit pas pour autant paralyser son action.
Nous proposons donc de lui permettre, comme c'est le cas pour la commission nationale de déontologie de la sécurité, d'avoir communication des pièces du dossier en question, sous réserve de l'accord préalable des juridictions saisies ou du procureur.
Par notre amendement, nous souhaitons également donner au contrôleur général un réel pouvoir d'injonction en cas de décisions de justice non exécutées, afin que les contrôles soient suivis d'effet. Le contrôleur pourrait enjoindre à l'autorité mise en cause de se conformer à la décision de justice, et ce dans un délai qu'il fixerait.
Ce pouvoir d'injonction serait assorti d'un pouvoir de sanction, à savoir la rédaction d'un rapport spécial portant sur l'inexécution de la décision de justice, rapport publié au Journal officiel.
J'ai bien entendu vos arguments, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mais notre proposition ne fait que reprendre par exemple des compétences d'ores et déjà accordées au Médiateur de la République.
Décidément, mes chers collègues, si l'on devait en rester là, le projet de loi accorderait au contrôleur général des pouvoirs en deçà de ceux du Médiateur de la République et du président de la commission nationale de déontologie de la sécurité, alors que les enjeux, on le sait, ne sont pas moindres et qu'ils pourront bien souvent concerner un nombre important d'individus.
Comme nous l'avons souligné aux côtés de nombreuses organisations et personnalités, si l'on veut que les contrôles effectués aient une réelle efficacité, ils doivent avoir une suite ; sinon je me demande ce que nous faisons ici, y compris ce soir !
Mais cette suite n'est jamais spontanée, nous en avons la preuve, et nous ne le savons que trop bien dans le domaine des prisons, par exemple.
Nous vous proposons d'adopter cet amendement, qui représenterait tout de même une amélioration significative, madame le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement vise tout d'abord à donner au contrôleur général un droit d'accès au dossier judiciaire, ce qui ne paraît pas compatible avec les dispositions de l'article 6 relatives au secret.
En outre, il confère un pouvoir d'injonction au contrôleur.
Nous avons déjà longuement dit que nous étions contre ces dispositions. La commission émet donc un avis défavorable.
M. Robert Bret. Écoutez au moins nos arguments et ne répondez pas de manière mécanique !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne réponds pas de manière mécanique, monsieur Bret ! Nous avons examiné avec attention vos amendements, et je fais la synthèse pour ne pas faire perdre trop de temps à la Haute Assemblée !
M. Robert Bret. On est en dessous des compétences et des pouvoirs du Médiateur. Cela devient ridicule !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cet amendement comporte deux parties.
S'agissant de la communication de pièces demandées à l'autorité judiciaire, comme je l'ai déjà indiqué précédemment s'agissant du secret de l'instruction, le contrôleur ne peut pas demander des pièces qui pourraient être couvertes ou soumises au secret de l'instruction.
M. Robert Bret. Sous le contrôle de la justice !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. On ne peut pas mélanger les deux !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si une information est ouverte, l'autorité judiciaire ne pourra pas communiquer les pièces. Elle n'est pas partie à l'affaire.
S'agissant des pouvoirs d'injonction donnés dans le cadre de l'inexécution d'une décision de justice, les juridictions administratives veillent à l'exécution des décisions de justice, et le pouvoir d'injonction est donné aux juridictions administratives.
Si l'on compare avec les pouvoirs du Médiateur, ce dernier est saisi de cas individuels, il aide des personnes à régler un différend, il peut donc demander l'exécution d'une décision de justice, et, quand ce n'est pas le cas, il fait un rapport. Par conséquent, nous ne sommes pas dans le même cas de figure.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.
M. Robert Bret. Mieux vaut conserver le Médiateur !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il ne faut pas confondre médiation et contrôle !
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté remet chaque année un rapport d'activité au Président de la République et au Parlement. Ce rapport est rendu public.
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase de cet article par les mots :
et fait l'objet d'une communication devant chacune des assemblées
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous proposons de préciser dans cet article que le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté fait systématiquement l'objet d'une communication devant les parlementaires.
Ce qui fonctionne déjà concernant les pouvoirs du Médiateur de la République doit selon nous pouvoir s'appliquer au contrôleur général.
Cet amendement ne devrait donc pas poser de problème.
Cette rédaction présente l'avantage d'informer tous les parlementaires. En effet, compte tenu de la diversité des lieux privatifs de liberté - les secteurs psychiatriques des centres hospitaliers, par exemple -, compte tenu aussi du fait que l'ensemble du territoire de la République - chaque département, chaque circonscription - est concerné, compte tenu enfin du fait que chaque parlementaire dispose d'un droit de visite dans certains lieux privatifs de liberté, dès lors tous les parlementaires sont concernés par le rapport annuel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, je répondrai d'une manière non mécanique et non répétitive ! (Rires sur les travées de l'UMP. - M. Bruno Sido applaudit.)
Je ne suis pas favorable à la systématisation d'une communication devant les assemblées. Le rapport est remis au Parlement : il fait l'objet d'une communication d'une dizaine de minutes à laquelle il est répondu.
Je vous propose, pour ma part, que, comme nous le faisons pour l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, les membres des autorités administratives indépendantes soient entendus régulièrement à la suite de leur rapport par les commissions compétentes - pour le contrôleur général, ce serait plutôt la commission des lois. Ce serait beaucoup mieux, car il s'agirait d'un dialogue. On pourrait organiser une audition, même ouverte, comme cela a déjà été fait pour un certain nombre de rapports.
Ce faisant, nous répondons parfaitement à toutes les recommandations de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, adoptées sur la proposition de son rapporteur, notre éminent collègue le doyen Patrice Gélard.
Une telle méthode serait beaucoup plus efficace et plus utile qu'une formalité en séance publique qui n'intéresse franchement personne.
La commission émet donc un avis défavorable pour toutes les raisons que j'ai justifiées.
M. Robert Bret. Et argumentées !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par M. Hyest au nom de la commission est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté coopère avec les organismes internationaux compétents.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La mise en place du contrôleur général s'inscrit dans le cadre des engagements internationaux de la France. Il est souhaitable de prévoir expressément, à ce titre, qu'il coopère avec les organismes internationaux compétents, à savoir le sous-comité de la prévention prévu par le protocole facultatif des Nations unies contre la torture et le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants. Tel est l'objet de cet article additionnel.
M. le président. L'amendement n° 81, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a la possibilité d'avoir des contacts avec le Sous comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du Comité contre la torture, de lui communiquer des renseignements et de le rencontrer.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le protocole facultatif, dans son article 20, prévoit que les États parties s'engagent à accorder aux mécanismes nationaux de prévention, afin de s'acquitter de leur mandat, le droit d'avoir des contacts avec le sous-comité de prévention, de pouvoir lui communiquer des renseignements et de le rencontrer. Sur ce point et en l'état, le projet de loi reste muet.
Aussi, pour combler cette lacune, nous proposons de prévoir expressément la possibilité d'échanges entre le contrôleur général et le sous-comité.
Il est important d'insister, selon nous, sur le caractère international du cadre dans lequel doit s'inscrire l'action du contrôleur général ; la dimension internationale est essentielle pour l'effectivité du mécanisme national.
Avec cet amendement, nous rejoignons la commission, qui est elle aussi soucieuse de voir mise en place une coopération entre le contrôleur général et les organismes internationaux compétents.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 81 me semble satisfait par l'amendement n° 16 de la commission. La seule différence, c'est que ce dernier ne précise pas les divers organismes.
Imaginez, par exemple, que, dans le cadre de l'Union européenne, une commission s'intéresse aux droits fondamentaux... Mieux vaut donc adopter une rédaction générale faisant juste référence aux « organismes internationaux compétents ». Je pense d'ailleurs que l'amendement n° 16 vous donne satisfaction, madame Assassi.
Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 16 et défavorable à l'amendement n° 81.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9, et l'amendement n° 81 n'a plus d'objet.
Article 10
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté gère les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 98, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les crédits nécessaires à l'accomplissement de la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté sont inscrits au programme intitulé "Coordination du travail gouvernemental".
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, prévoit que « le contrôleur général des lieux de privation de liberté gère les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission ».
Force est d'admettre, madame le garde des sceaux, que votre texte n'apporte aucune garantie sur le budget dont va disposer le contrôleur général pour l'exercice de ses missions.
Pourtant, on sait que le bon fonctionnement d'une autorité indépendante de contrôle dépend certes des pouvoirs dont elle dispose, mais aussi et surtout des crédits qui lui sont alloués.
Pour conforter l'autonomie financière de cette nouvelle autorité - corollaire de son indépendance -, il convient de préciser que « les crédits nécessaires â l'accomplissement de la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental » et que « le contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes ».
Nous nous sommes inspirés de ce qui existe déjà pour le Médiateur de la République ou encore pour le Défenseur des enfants.
Vous avez annoncé, madame le garde des sceaux, une dotation financière de 2,5 millions d'euros, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008, ce qui devrait permettre au contrôleur général de recruter une vingtaine de collaborateurs à temps plein - vous avez parlé de dix-huit personnes, me semble-t-il - et de disposer de locaux propres à les accueillir.
C'est un bon début. Mais si l'on fait une comparaison avec la Grande-Bretagne, où l'inspecteur en chef des prisons dispose de 41 collaborateurs pour assurer les visites dans le seul domaine pénitentiaire, votre proposition reste modeste, voire très modeste. Vingt personnes pour contrôler 5 774 lieux de privation de liberté et nombre de personnes détenues, réparties sur un territoire pour le moins vaste, avouez que c'est très peu ! D'autant que, comme le souligne M. le rapporteur, la montée en puissance de ce dispositif exigera très vite une augmentation des moyens.
L'amendement n° 98 devrait, me semble-t-il, satisfaire tout le monde, puisque l'amendement n° 17 de la commission des lois tend à proposer une rédaction de l'article 10 identique à la nôtre. Puisque nous sommes d'accord, adoptons donc tous ensemble cette rédaction.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Hyest, au nom de la commission est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux phrases et un alinéa ainsi rédigés :
Ces crédits sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental ». Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative au contrôle financier ne sont pas applicables à leur gestion.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à apporter une triple précision.
D'abord, il prévoit que les crédits octroyés au contrôleur général seront rattachés au programme « Coordination du travail gouvernemental ». Un tel dispositif vaut également pour d'autres autorités administratives indépendantes, telles que le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants, et permet de souligner la vocation interministérielle de la mission du contrôleur général.
Ensuite, cet amendement vise à soustraire les comptes du contrôleur général à l'application de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées. Il ne peut y avoir de contrôle a priori d'un contrôleur financier du ministère chargé des finances. Cette dérogation est reconnue à plusieurs autorités administratives indépendantes telles que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants.
Enfin, cet amendement prévoit que la Cour des comptes exerce un contrôle a posteriori des comptes du contrôleur général, ...
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C'est normal !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... comme elle le fait pour les autres autorités administratives indépendantes.
Ces précisions figurent dans de nombreux statuts, et il nous est apparu utile de les mentionner, compte tenu de la spécificité de la fonction du contrôleur général.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté présente chaque année ses comptes à la Cour des comptes.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne les moyens d'action du contrôleur général. Celui-ci doit disposer de crédits qui ne dépendent pas du Gouvernement et lui permettent d'assurer au mieux sa mission. Mais la gestion de ces crédits doit faire l'objet d'un contrôle extérieur.
La Cour des comptes doit pouvoir veiller à la transparence des comptes du contrôleur général. Ce dernier devra nécessairement lui présenter chaque année un bilan de la gestion de ces crédits, et la Cour des comptes pourra, en retour, formuler des recommandations.
Indépendance ne signifie pas opacité : la règle de la transparence dans les actions et dans les comptes du contrôleur doit être scrupuleusement préservée.
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose de crédits inscrits sur le budget général de l'État.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a trait à l'autonomie financière du contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui constitue en fait son indépendance. Les crédits octroyés au contrôleur général des lieux de privation de liberté ne peuvent pas être inscrits au budget du ministère de la justice.
Tout d'abord, ce ministère aura besoin de ses deniers pour mettre en oeuvre les mesures relatives à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, qui auront vraisemblablement un coût important. Il lui faudra beaucoup d'argent public pour construire des prisons et des établissements pour mineurs, afin de pourvoir à l'accroissement prévisible de la population carcérale dans l'année qui vient !
Ensuite, l'indépendance du contrôleur général passe aussi par son indépendance financière à l'égard du Gouvernement.
L'amendement n° 17, présenté par la commission des lois, ne garantit pas suffisamment cette indépendance.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah bon ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Si ce dernier est adopté, le contrôleur général restera dans le giron financier du Gouvernement.
Il convient donc d'inscrire les crédits du contrôleur général au budget général de l'État. C'est le seul moyen de garantir son indépendance financière et politique à l'égard du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne peux pas être en désaccord avec les amendements de mes collègues. Toutefois, madame Boumediene-Thiery, je ne comprends pas que vous précisiez, dans l'amendement n° 43, que « le contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose de crédits inscrits sur le budget général de l'État ». C'est un truisme ! Sur quel autre budget voulez-vous donc les inscrire ? Pour ma part, il me semble préférable de prévoir que sa mission entrera dans un cadre interministériel.
Monsieur Bret, l'amendement n° 17 de la commission est plus complet que le vôtre dans la mesure où il prévoit un contrôle financier. Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir vous y rallier.
Les amendements nos 44 et 43 sont également moins précis que celui de la commission, qui prévoit que les crédits sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental ».
Contrairement à ce que vous dites, madame Boumediene-Thiery, nous avons bien identifié le budget ; c'est important, et cela correspond d'ailleurs à ce que demandent toutes les autorités administratives indépendantes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Sur le fond, le Gouvernement est tout à fait favorable à l'amendement n° 17 de la commission. Je me suis simplement interrogée sur le fait de savoir si cet amendement ne relevait pas plutôt de la loi de finances. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement estime que l'amendement n° 98 n'a plus lieu d'être.
Monsieur Bret, je tiens à vous préciser que la Grande-Bretagne comptait au départ six inspecteurs des prisons. Certes, ils sont une quarantaine aujourd'hui, mais ils n'exercent pas, me semble-t-il, cette fonction à temps complet.
De plus, la population carcérale est de l'ordre de plus de 80 000 détenus, et peut même s'élever à 90 000, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas en France.
Enfin, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 44 et 43.
M. le président. Monsieur Bret, l'amendement n° 98 est-il maintenu ?
M. Robert Bret. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 98 est retiré.
Madame Boumediene-Thiery, les amendements nos 44 et 43 sont-ils maintenus ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 44 et 43 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 17.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
Les conditions d'application de la présente loi, notamment celles dans lesquelles les contrôleurs mentionnés à l'article 3 sont appelés à participer à la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté, sont précisées par décret en Conseil d'État. - (Adopté.)
Article 12
La présente loi est applicable à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. - (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. La journée ne se termine pas comme elle avait commencé ; en tout cas, pas dans le même état d'esprit.
Ce matin, au cours de la discussion générale, chaque orateur inscrit s'est félicité d'avoir aujourd'hui ce rendez-vous et espérait pouvoir améliorer la proposition innovante qui lui était soumise. Les membres de la commission des lois pouvaient nourrir de telles espérances, car on leur avait laissé entendre, au cours de leurs travaux, que des ouvertures étaient possibles.
Le Palais du Luxembourg a, il est vrai, connu la journée des Dupes. Pourquoi ne parlerions-nous pas ce soir de la nuit des Dupes ? (M. le rapporteur s'exclame.)
Nous avons passé plus de six heures à débattre des articles de ce projet de loi et des amendements qui ont été déposés. Or nous avons consacré les trois quarts de notre temps à limiter l'action du contrôleur général que nous voulons instituer.
Il y a deux sujets sur lesquels nous ne sommes absolument pas d'accord.
S'agissant du mode de désignation du contrôleur général, nous n'avons pas saisi la chance qui nous était donnée d'innover afin que la personne désignée soit hors de toute contestation possible.
De plus, nous n'avons pas donné au contrôleur général les moyens nécessaires pour remplir sa mission. Nous sommes très en deçà des exigences prévues sur le plan international et des dispositions contenues dans la proposition de loi de Jean-Jacques Hyest, adoptée ici à l'unanimité. Si, à l'époque, vous aviez inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale, ...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pourquoi « vous » ? En 2001, vous n'avez rien fait !
M. Charles Gautier. ... cette procédure existerait déjà depuis plusieurs années, et nous serions même très en avance par rapport au texte tel qu'il sera adopté dans quelques instants.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste s'abstiendra sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. -Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Deux éléments justifiaient l'urgence à instituer un contrôleur général des lieux de privation de liberté : l'état de nos établissements pénitentiaires, et les engagements internationaux de la France de créer un mécanisme national de prévention. La France ne pouvait donc plus reculer, d'autant qu'elle s'était engagée, sur le plan international, à créer cette autorité.
Mais ce projet de loi répond-il à ces exigences internationales...
MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido. Mais oui !
Mme Éliane Assassi. Laissez-moi poser la question et y répondre !
Ce projet de loi, disais-je, répond-il à ces exigences internationales ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
Mme Éliane Assassi. À l'origine, le projet de loi tel qu'il nous a été présenté répondait a minima aux exigences prévues par le protocole facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Comme certains de mes collègues l'ont souligné, il est en deçà des recommandations préconisées dans le rapport de Guy Canivet et des dispositions prévues dans la proposition de loi de 2001.
Après nos débats, et en dépit du fait que nous ayons apporté quelques améliorations telles que la nomination du contrôleur général par décret du Président de la République, après avis des commissions compétentes du Parlement, nous sommes encore en deçà.
D'une part, nous estimons que les compétences du contrôleur général restent très limitées. Nous l'avons vu notamment lors de l'examen des articles 6 et 8, s'agissant du pouvoir d'injonction, ce qui pose de facto la question de la réelle efficacité, de la crédibilité, voire de la légitimité du contrôleur général.
D'autre part, les moyens humains et matériels qui devraient être alloués au contrôleur général pour exercer pleinement et en réelle indépendance toutes ses missions sont également limités. Les chiffres annoncés par Mme le garde des sceaux nous semblent largement insuffisants.
Quels vont donc être les pouvoirs réels du contrôleur général ? Cette question reste encore bien obscure. Je l'ai déjà dit et je le répète, nous partageons l'idée de la nécessité de disposer enfin d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté ; mais ce texte est encore frileux, peu ambitieux. Nous restons en quelque sorte au milieu du gué.
C'est la raison pour laquelle les membres du groupe CRC s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Madame le garde des sceaux, cette loi visant à créer le contrôleur général des lieux de privation de liberté était attendue depuis longtemps, et elle sera portée à votre crédit.
Alors que la Grande-Bretagne avait créé dès 1981 une inspection générale des prisons, notre pays a attendu vingt-cinq ans - et une dizaine de gardes des sceaux toutes tendances politiques confondues - avant de lui emboîter le pas, n'en déplaise aux donneurs de leçons !
Votre arrivée au ministère de la justice nous permet de réparer cette carence, et de bonne manière !
M. Robert Bret. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Laurent Béteille. En effet, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui est institué par votre texte, a des pouvoirs très étendus. Sa saisine, je le rappelle, est on ne peut plus large, puisque toute personne physique peut y procéder. Ses compétences sont vastes et ses pouvoirs ont été élargis par rapport aux autres dispositions qui avaient déjà été adoptées par la Haute Assemblée, sur l'initiative de notre excellent rapporteur, à l'ensemble des lieux de privation de liberté.
C'est dire que votre texte est allé très loin. Certains regrettent les exceptions qui limitent les prérogatives du contrôleur général, s'agissant par exemple des possibilités de visites, mais il faut savoir que ces exceptions s'appliquent pour des raisons graves parfaitement identifiées et justifiées.
Certains, encore, et on peut les comprendre, auraient souhaité aller plus loin. Je suis convaincu que la question sera à nouveau évoquée dès que l'institution aura une durée d'activité suffisante, que nous pourrons en mesurer l'efficacité et évaluer ses premiers résultats. Telle fut la démarche qui a été suivie pour l'ensemble des autorités indépendantes instituées dans notre pays.
Madame le garde des sceaux, j'approuve votre souci de vous assurer de la bonne insertion de la nouvelle autorité dans un paysage sensible et déjà chargé d'histoire. Il faut faire reconnaître et accepter le contrôleur général des lieux de privation de liberté par l'ensemble des partenaires de l'institution pénitentiaire. Vous avez donc avancé avec prudence, mais cela ne vous a pas empêché d'aller loin.
Ce projet de loi, excellent, a été enrichi par des amendements émanant de toutes les travées de la Haute Assemblée. Avec un certain nombre de collègues, je suis heureux d'être à vos côtés en ce moment important pour notre démocratie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Ce texte n'est certes pas parfait,...
M. Robert del Picchia. Qu'est-ce qui est parfait ?
M. Yves Détraigne. ... mais est-il jamais sorti du Sénat ou de l'Assemblée nationale un texte que l'on pouvait qualifier de parfait ?
En tout état de cause, il a le mérite d'exister et, grâce aux amendements qui ont été adoptés, dont j'ignore le nombre, il a indéniablement évolué dans le bon sens.
Certes, nous ne sommes sans doute pas allés aussi loin que je le souhaitais et que l'auraient voulu les auteurs de certains amendements, mais le processus est lancé. Nous attachons tous beaucoup d'importance à ce que le premier contrôleur général ait toute l'autorité nécessaire pour orienter le travail de cette institution dans la bonne direction.
L'article 9 du projet de loi prévoit que le « contrôleur général des lieux de privation de liberté remet chaque année un rapport d'activité au Président de la République et au Parlement ». L'expérience montre que les responsables des hautes autorités indépendantes ont toujours profité de ce rapport pour présenter tant à l'exécutif qu'au Parlement les suggestions qu'ils estimaient utiles. Il faut donc faire confiance à la personne qui sera nommée pour faire les suggestions et propositions qui lui sembleront nécessaires au bon exercice de sa mission.
Nous avons fait un grand pas et nous avançons dans la bonne direction. C'est pourquoi le groupe UC-UDF votera ce projet de loi.
Reste la question des moyens matériels qui seront consacrés à la mise en oeuvre de cette institution.
Madame le garde des sceaux, vous avez évoqué un budget de 2,5 millions d'euros et le recrutement de dix-huit collaborateurs. Si nous rapprochons ces données des 5 500 lieux qui seraient à contrôler, il est bien évident que le contrôleur général est assuré d'avoir du travail pendant longtemps ! Mais c'est un début, et il faudra vous battre, madame le garde des sceaux, afin que ce budget progresse ; vous pouvez compter sur notre soutien.
On se plaît souvent à se référer à l'image de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide. Certains la voient à moitié vide. Je préfère la voir à moitié pleine, et je ne doute pas qu'elle continuera de se remplir dans les années qui viennent ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. En réponse à votre interrogation, monsieur Détraigne, sachez que, sur les quatre-vingt-treize amendements déposés, vingt-six ont été adoptés.
La parole est à M. Paul Girod
M. Paul Girod. Je tiens à élargir à l'ensemble du groupe de l'UMP les félicitations que M. Béteille a adressées à Mme le garde des sceaux et à M. le rapporteur.
Madame le garde des sceaux, grâce à vous, nous disposons enfin d'un texte qui permettra à la France de respecter ses obligations internationales. Il s'agit d'un texte politique fort qui apportera à tous une garantie contre les abus qu'un milieu clos peut éventuellement faire naître.
Vous avez voulu un débat large et franc. Tout le monde a pu s'exprimer, et nous avons maintenant la satisfaction de vous apporter notre soutien.
Mais si les groupes UMP et UC-UDF voteront le texte, d'autres groupes se dérobent un peu au moment d'exécuter ce geste politique fort... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce n'est pas acceptable !
M. Paul Girod. Nous le regrettons, d'autant que la commission des lois a largement contribué à faire progresser le projet de loi et qu'un certain nombre d'amendements ont été adoptés à l'unanimité.
Monsieur le rapporteur, je tiens à vous faire part de la satisfaction du groupe UMP de constater que les commissions du Parlement seront consultées. Aujourd'hui, rien dans la Constitution ne permet à une commission parlementaire de prendre une décision qui lie le Gouvernement. En revanche, la consultation est permise et, de ce point de vue, vous êtes allé jusqu'au bout de ce qui était possible. Nous verrons dans quelques mois si nous pouvons aller plus loin. En tout état de cause, vous aurez ouvert la voie, et c'est tout à l'honneur du Sénat.
Nous ne pouvons que nous féliciter des précisions qui ont été données sur le rôle du contrôleur général.
Nous allons avoir un regard nouveau sur la prison et transcrire dans notre ordre juridique interne des règles pénitentiaires européennes. Nous serons donc parfaitement à notre place au sein de cette Europe qui se construit, tout en faisant un pas de plus en direction de l'insertion ou de la réinsertion des prisonniers.
Madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je souhaite que le vote du Sénat constitue une étape importante dans le cheminement de ce texte majeur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est dommage que certains de nos collègues donnent l'impression de bouder le plaisir que devrait nous donner collectivement l'avènement d'un contrôleur général, disposition que nous avions adoptée à l'unanimité en 2001.
Réjouissons-nous d'avoir examiné ce texte en première lecture et d'avoir trouvé de nombreux points d'accord. Ce projet de loi n'ayant pas été déclaré d'urgence, la navette apportera sans doute de nouvelles améliorations. C'est tout l'intérêt du travail parlementaire et du bicaméralisme. Nous aurons probablement l'occasion de continuer l'examen de ce texte à la rentrée. Puis, la discussion du projet de loi pénitentiaire et du projet de budget nous permettra de faire évoluer encore, comme nous le souhaitons tous, la situation des lieux privatifs de liberté, et non plus seulement des prisons, comme dans le texte de 2001.
Grâce à un amendement de la commission adopté à l'unanimité, le Parlement participera à la désignation du contrôleur général. Nous allons, là encore, au-delà des propositions que nous avions formulées en 2001.
Si, grâce à nos efforts conjoints, le premier titulaire du poste de contrôleur général est choisi de manière judicieuse, soyons assurés qu'il saura donner à la nouvelle institution l'envergure que nous lui souhaitons tous.
Mes chers collègues, la discussion de ce texte a permis au Sénat d'étendre la liberté de visite des établissements, de décider que la désignation du contrôleur général se fera après consultation du Parlement, de prévoir l'obligation de réponse de l'administration à la demande du contrôleur général.
Notre ambition est de faire du contrôleur général une institution qui s'impose, comme a su le faire la Grande-Bretagne. Il ne s'agit pas de mettre en place un contrôleur général tatillon et suspicieux envers les personnels pénitentiaires ou les personnels de police. Il devra améliorer le sort des détenus et de tous ceux qui sont privés de liberté, y compris dans les hôpitaux psychiatriques.
J'espère que dans cinq ou dix ans, grâce à l'expérience qui aura été acquise et aux efforts budgétaires qui auront été consentis, plus personne ne fera d'observation, car nous aurons réussi à améliorer le sort des établissements privatifs de liberté, notamment des prisons.
Lorsque l'on crée un organisme qui doit mener une mission de contrôle, il faut toujours rappeler les qualités de l'immense majorité des personnels. C'est bien évidemment le cas des personnels de l'administration pénitentiaire, qui sont affectés à des tâches difficiles. Des progrès ont été réalisés grâce à une meilleure formation. Tous nos collègues ont pu constater combien ces personnels étaient attachés à leur métier mais aussi au respect des droits fondamentaux des personnes qui sont en détention. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 127 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 199 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 100 |
Pour l'adoption | 199 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je vous remercie d'avoir adopté, en première lecture, le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, allant ainsi au-delà des préconisations du rapport Canivet, s'agissant du champ d'intervention du contrôleur général et des pouvoirs lui étant dévolus.
Par votre vote, vous avez montré que la France veut s'engager pleinement dans un contrôle indépendant et effectif de l'ensemble des lieux de privation de liberté.
Par votre vote, vous permettez à notre pays de répondre à la résolution du Conseil de l'Europe et de respecter le protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Par votre vote, vous témoignez une nouvelle fois de votre attachement à la protection des droits fondamentaux. Je tiens à vous en remercier et à saluer la qualité du travail accompli par le Sénat.
L'adoption du projet de loi doit beaucoup à l'implication personnelle du président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, qui a été à l'origine de l'adoption par la Haute Assemblée d'une première proposition de loi sur ce sujet. Conforté par sa grande maîtrise en cette matière, il a conduit avec le talent que nous lui connaissons les auditions en commission et l'examen en séance plénière.
La participation des membres de tous les groupes de la Haute Assemblée a permis au projet de loi de s'enrichir, puisque vingt-six amendements ont été adoptés, complétant utilement certaines dispositions initiales. En apportant des précisions, ces amendements améliorent la qualité et la portée du contrôle.
Pour illustrer mon propos, je citerai trois domaines particuliers.
Il s'agit, en premier lieu, du renforcement des garanties d'indépendance accordées au contrôleur général et à ses collaborateurs. Vous avez précisé, mesdames, messieurs les sénateurs, le régime d'incompatibilité et, dans le même esprit, vous avez souligné avec une plus grande rigueur la nécessaire indépendance des contrôleurs.
J'évoquerai en deuxième lieu l'instauration d'une meilleure protection des personnes, puisque aucune donnée personnelle ne pourra être publiée sans le consentement exprès des personnes intéressées.
Je mentionnerai en troisième lieu l'amélioration de la coordination entre les différentes autorités indépendantes susceptibles d'intervenir dans les lieux privatifs de liberté, grâce à l'organisation de leurs échanges.
Malgré l'ordre du jour chargé et les contraintes de la session extraordinaire, vous avez montré beaucoup d'exigence et de célérité, en discutant et en adoptant ce texte nécessaire.
L'institution d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté est une belle avancée du droit, en particulier du respect des libertés individuelles en France. Ce projet de loi dépasse le jeu des oppositions trop simples. Il démontre que la politique de fermeté du Gouvernement trouve sa légitimité dans un principe fondateur : le respect de l'humanité que nous devons à chacun. (Bravo et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Très bien !
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Communication relative à des textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 26 juillet 2007, l'informant de l'adoption définitive et du retrait des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
COM (2004) 475 final 2657 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil déterminant les règles générales pour l'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport et d'énergie et modifiant le règlement (CE) n° 2236/95 du Conseil.
Adoption définitive le 20 juin 2007.
COM (2004) 621 final 2717 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'instrument financier pour l'environnement (LIFE+).
Adoption définitive le 23 mai 2007.
COM (2005) 88 final 2845 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques communautaires sur la structure et l'activité des filiales étrangères [FATS].
Adoption définitive le 20 juin 2007.
COM (2005) 123 final 2935 : Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen établissant un programme-cadre de solidarité et de gestion des flux migratoires pour la période 2007-2013.
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant création du Fonds européen pour les réfugiés pour la période 2008-2013 dans le cadre du programme général « Solidarité et gestion des flux migratoires »
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant création du Fonds pour les frontières extérieures pour la période 2007-2013 dans le cadre du programme général « Solidarité et gestion des flux migratoires »
- Proposition de décision du Conseil portant création du Fonds européen d'intégration des ressortissants de pays tiers pour la période 2007-2013 dans le cadre du programme général « Solidarité et gestion des flux migratoires »
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant création du Fonds européen pour le retour pour la période 2008-2013 dans le cadre du programme général « Solidarité et gestion des flux migratoires », l'annexe figure au document SEC (2005) 435.
Adoption définitive le 25 juin 2007.
COM (2005) 457 final 2986 : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise sur le marché d'articles pyrotechniques.
Adoption définitive le 23 mai 2007.
COM (2005) 683 final 3058 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions et aux informations sur la réparation des véhicules, modifiant la directive 72/306/CEE et la directive ../../CE. (Euro 5).
Adoption définitive le 20 juin 2007.
COM (2005) 685 final 3059 : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'exercice des droits de vote des actionnaires de sociétés qui ont leur siège statutaire dans un État membre et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2004/109/CE.
Adoption définitive le 11 juillet 2007.
COM (2006) 099 final 3106 : Proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes (//CE, Euratom).
Document de travail de la Commission concernant le mode de calcul, le financement, le versement et la budgétisation de la correction des déséquilibres budgétaires en faveur du Royaume-Uni (« la correction britannique ») conformément aux articles 4 et 5 de la décision 2006/xxx/CE, Euratom du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes.
Adoption définitive le 7 juin 2007.
COM (2006) final 3129 : Proposition de règlement du Conseil relatif à l'utilisation en aquaculture des espèces exotiques et des espèces étrangères au milieu local.
Adoption définitive le 11 juin 2007.
COM (2006) 178 final 3142 : Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, d'un arrangement entre la Communauté européenne, la République d'Islande et le Royaume de Norvège sur les modalités de la participation de ces États aux activités de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne.
Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, d'un arrangement entre la Communauté européenne, la République d'Islande et le Royaume de Norvège sur les modalités de la participation de ces États aux activités de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne.
Adoption définitive le 15 février 2007.
COM (2006) 201 final 3151 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d'action pour la douane dans la Communauté (Douane 2013).
Adoption définitive le 23 mai 2007.
COM (2006) 340 final 3181 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil rectifiant la directive 2002/2/CE modifiant la directive 79/373/CEE du Conseil concernant la circulation des aliments composés pour animaux.
Adoption définitive le 23 mai 2007.
COM (2006) 288 final 3190 : Proposition de décision du Conseil autorisant les États membres à ratifier, dans l'intérêt de la Communauté européenne, la convention du travail maritime consolidée de 2006 de l'Organisation internationale du travail.
Adoption définitive le 07 juin 2007.
COM (2006) 382 final 3199 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l'intérieur de la Communauté et modifiant la directive 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques.
Adoption définitive le 27 juin 2007.
COM (2006) 390 final 3201 : Proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil modifiant la directive 89/391/CEE du conseil, ses directives particulières ainsi que les directives du conseil 83/477/CEE, 91/383/CEE, 92/29/CEE et 94/33/CE, en vue de la simplification et de la rationalisation des rapports relatifs à la mise en oeuvre pratique.
Adoption définitive le 20 juin 2007.
COM (2006) 557 final 3255 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 68/89/CEE du Conseil relative au rapprochement des législations des États membres concernant le classement des bois bruts.
Adoption définitive le 20 juin 2007.
COM (2006) 570 final 3265 : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le montage a posteriori de rétroviseurs sur les poids lourds immatriculés dans la Communauté.
Adoption définitive le 11 juillet 2007.
COM (2006) 650 3326 : Proposition de règlement du Conseil sur la mise en oeuvre du 10e Fonds Européen de Développement.
Adoption définitive le 14 mai 2007.
COM (2006) 716 final 3349 : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et le Canada.
Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en oeuvre de l'accord conclu par la CE à l'issue des négociations menées dans le cadre du paragraphe 6 de l'article XXIV du GATT de 1994, modifiant et complétant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.
Adoption définitive le 22 février 2007.
COM (2006) 748 final 3351 : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 71/304/CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, concernant la suppression des restrictions à la libre prestation de services dans le domaine des marchés publics de travaux et à l'attribution de marchés publics de travaux par l'intermédiaire d'agences ou de succursales.
Adoption définitive le 23 mai 2007.
COM (2006) 732 final 3361 : Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2004/585/CE instituant des conseils consultatifs régionaux dans le cadre de la politique commune de la pêche.
Adoption définitive le 11 juin 2007.
COM (2006) 804 final 3369 : Proposition de règlement du Conseil relatif à un accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne, d'une part, et le gouvernement du Danemark et le gouvernement autonome du Groenland, d'autre part.
Adoption définitive le 28 juin 2007.
COM (2006) 755 final 3371 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1784/2003 portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales.
Adoption définitive le 11 juin 2007.
COM (2006) 788 final 3372 : Proposition de règlement du Conseil modifiant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.
Adoption définitive le 19 mars 2007.
COM (2006) 827 final 3424 : Rapport de la Commission au Conseil sur le régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre.
Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1868/94 instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre.
Adoption définitive le 11 juin 2007.
COM (2007) 040 final 3442 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 234/2004 imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Liberia.
Texte retiré le 19 juin 2007.
COM (2006) 156 final 3446 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 1788/78 relatif aux règles générales sur le financement des interventions par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section « Garantie ».
Adoption définitive le 11 juin 2007.
COM (2007) 020 final 3449 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 147/2003 imposant certaines mesures restrictives à l'égard de la Somalie.
Adoption définitive le 07 juin 2007.
COM (2007) 070 3462 : Proposition de règlement du Conseil modifiant les annexes A, B et C du règlement (CE) n° 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité.
Adoption définitive le 13 juin 2007.
COM (2007) 176 final 3507 : Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'accords sous forme de procès-verbaux agréés relatifs à la modification des concessions prévues pour les viandes de volaille, entre la Communauté européenne et respectivement la République fédérative du Brésil et le royaume de Thaïlande au titre de l'article XXVIII de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT 1994).
Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en oeuvre des accords conclus par la Communauté européenne à l'issue des négociations menées dans le cadre de l'article XXVIII du GATT de 1994, et modifiant et complétant l'annexe I du règlement (CE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.
Adoption définitive le 25 mai 2007.
COM (2007) 202 3510 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels
Adoption définitive le 25 juin 2007.
COM (2007) 191 3514 : Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de l'Ukraine relatif au commerce de certains produits sidérurgiques
Adoption définitive le 30 mai 2007.
COM (2007) 193 3515 : Proposition de règlement du Conseil relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance d'Ukraine.
Adoption définitive le 30 mai 2007.
COM (2007) 229 final 3521 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 423/2007 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran.
Adoption définitive le 5 juin 2007.
9032/07 SCH-EVAL 90 SIRIS 79 COMIX 427 3526 : Projet de décision du Conseil sur l'application à la République tchèque, à la République d'Estonie, à la République de Lettonie, à la République de Lituanie, à la République de Hongrie, à la République de Malte, à la République de Pologne, à la République de Slovénie et à la République slovaque des dispositions de l'acquis de Schengen relatives au Système d'information Schengen.
Adoption définitive le 12 juin 2007.
COM (2007) 238 final 3527 : Proposition de décision du Conseil autorisant la République italienne à appliquer des mesures dérogeant à l'article 26, paragraphe 1, point a), et à l'article 168 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.
Adoption définitive le 18 juin 2007.
COM (2007) 251 final 3535 : Proposition de décision du Conseil autorisant l'Autriche à conclure avec la Suisse un accord comprenant des dispositions dérogeant à l'article 2, paragraphe 1, point d), de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.
Adoption définitive le 10 juillet 2007.
COM (2007) 254 final 3536 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche.
Adoption définitive le 25 juin 2007.
COM (2007) 256 final 3537 : Proposition de décision du Conseil conformément à l'article 122, paragraphe 2, du traité portant adoption par Chypre de la monnaie unique au 1er janvier 2008.
Adoption définitive le 10 juillet 2007.
COM (2007) 257 final 3538 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 974/98 concernant l'introduction de l'euro à Chypre.
Adoption définitive le 10 juillet 2007.
COM (2007) 259 final 3539 : Proposition de décision du Conseil conformément à l'article 122, paragraphe 2, du traité portant adoption par Malte de la monnaie unique au 1er janvier 2008.
Adoption définitive le 10 juillet 2007.
COM (2007) 260 final 3540 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 974/98 concernant l'introduction de l'euro à Malte.
Adoption définitive le 10 juillet 2007.
9133/2/07 SIRIS 81 COMIX 442 3547 : Modification du règlement financier concernant les frais relatifs à l'installation et à l'utilisation du C.SIS Schengen pour 2007.
Projet de décision du Conseil modifiant la décision du comité exécutif institué par les dispositions de l'article 132 de la convention d'application de l'accord de Schengen (« convention de Schengen de 1990 »), du 15 décembre 1997, modifiant le règlement financier relatif aux coûts d'installation et d'utilisation de la fonction de support technique du Système d'information de Schengen (C.SIS).
Adoption définitive le 25 juin 2007.
COM (2007) 289 final 3550 : Proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche pour la période 2007-2009.
Adoption définitive le 10 juillet 2007.
COM (2007) 296 final 3552 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 234/2004 du Conseil imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Libéria et abrogeant le règlement (CE) n° 1030/2003.
Adoption définitive le 25 juin 2007.
COM (2006) 158 final 3565
Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 817/2006 du Conseil du 29 mai 2006 renouvelant les mesures restrictives instituées à l'encontre de la Birmanie/du Myanmar et abrogeant le règlement (CE) n° 798/2004.
Adoption définitive le 16 juillet 2007.
18
Dépôt de rapports
M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Le rapport sera imprimé sous le n° 425 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités.
Le rapport sera imprimé sous le n° 426 et distribué.
19
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 1er août 2007, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Rapport de M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
2. Treize projets de loi relatifs à des conventions internationales examinés selon la procédure simplifiée :
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc relatif au statut de leurs forces (n° 265, 2006-2007) ;
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 268, 2006-2007) ;
- Projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la mise à disposition de ressources de télécommunication pour l'atténuation des effets des catastrophes et pour les opérations de secours en cas de catastrophe (n° 298, 2006-2007) ;
- Projet de loi autorisant l'approbation du septième protocole additionnel à la Constitution de l'Union postale universelle (n° 289, 2006-2007) ;
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique sur la coopération sanitaire transfrontalière (n° 257, 2006-2007) ;
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation des amendements à la constitution et à la convention de l'Union internationale des télécommunications adoptés à Marrakech le 18 octobre 2002 (n° 264, 2006-2007) ;
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion au protocole relatif à la convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche (n° 266, 2006-2007) ;
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et les États-Unis du Mexique sur le mécanisme de développement propre dans le cadre du protocole de Kyoto (n° 267, 2006-2007) ;
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada sur l'exploration et l'exploitation des champs d'hydrocarbures transfrontaliers (n° 275, 2006-2007) ;
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux implantations communes de missions diplomatiques et de postes consulaires (n° 294, 2006-2007) ;
- Projet de loi autorisant la ratification de l'acte constitutif de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (ensemble une annexe) (n° 243, 2006 2007) ;
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux transports routiers internationaux et au transit des voyageurs et des marchandises (n° 222, 2006-2007) ;
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif à l'Ensemble de lancement Soyouz (ELS) au Centre spatial guyanais (CSG) et lié à la mise en oeuvre du programme facultatif de l'Agence spatiale européenne intitulé « Soyouz au CSG » et à l'exploitation de Soyouz à partir du CSG (n° 273, 2006-2007).
3. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Rapport de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 1er août 2007, à zéro heure vingt.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD