M. Bernard Frimat. L'article 12, qui a été évoqué par Christian Cointat dans son propos liminaire, concerne l'usage de la langue polynésienne lors des séances de l'assemblée de la Polynésie française.

Nous avions, en première lecture, débattu de cette question et recensé ensemble les difficultés constitutionnelles qu'elle pouvait soulever. À cet égard, le raisonnement de M. le rapporteur nous avait semblé de nature à poser le problème de façon pertinente.

D'un côté, il y a un principe juridique, sur lequel nous sommes tous d'accord : le français est la langue de la République, et la seule. De l'autre côté, il y a la pratique, c'est-à-dire l'usage de la langue locale. Si nous appliquions le droit de façon stricte, il nous faudrait invalider nombre d'actes de l'assemblée de la Polynésie française parce que la langue utilisée lors des débats était la langue locale.

Il est facile d'affirmer des principes et de se voiler les yeux, tout en laissant perdurer les pratiques, comme l'ont fait nos collègues de l'Assemblée nationale. Mais il faudra bien, à un moment ou à un autre, sans revenir sur le principe fondamental que j'ai rappelé, trouver une solution qui convienne aux Polynésiens. Ces pratiques, non seulement nous ne les changerons pas, mais nous pouvons même - sauf les plus jacobins d'entre nous - les comprendre, étant donné la situation particulière de la Polynésie. Il conviendrait donc d'introduire plus de pragmatisme dans notre droit.

J'ai le sentiment que nous n'avons pas encore trouvé la bonne solution. Celle qui a été retenue, en l'espèce, par l'Assemblée nationale ne me convient pas. Je préfère, pour ma part, la proposition du rapporteur, même si celui-ci a admis qu'elle était inaboutie. Il s'en était d'ailleurs remis à la sagesse du Gouvernement, ce qui revenait à prendre un risque incommensurable ! (Sourires.) Je lui aurais conseillé, s'il m'avait demandé mon avis, de ne jamais faire cela ! Mais peut-être ne suis-je pas, en l'occurrence, très objectif...

Le groupe socialiste s'abstiendra donc sur cet article.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Je souhaite rappeler la position du Gouvernement sur ce sujet.

Lorsque Christian Cointat avait présenté son amendement tendant à autoriser l'usage des langues polynésiennes lors des séances de l'assemblée de la Polynésie, je m'en étais remis à la sagesse du Sénat. Je rappelle qu'il existe, sur ce territoire, plusieurs langues, qui font d'ailleurs partie de notre patrimoine national : le marquisien, le mangarevien, le polynésien, etc.

Si j'ai bonne mémoire, l'amendement de Christian Cointat tendait à mettre en place une traduction simultanée en français lorsqu'une de ces langues serait utilisée en séance, afin d'éviter toute difficulté concernant la validation des actes pris par l'assemblée de la Polynésie. Or la commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé que cet amendement comportait un risque constitutionnel.

Je tiens à préciser un certain nombre de points.

Tout d'abord, le statut d'autonomie de la Polynésie française, issu de la loi organique du 27 févier 2004, est différent de celui des autres territoires français d'outre-mer. Je le souligne, car c'est important : il s'agit d'un exemple unique dans notre République.

L'article 57 de cette loi organique dispose :

« Le français est la langue officielle de la Polynésie française. Son usage s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ainsi qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics.

« La langue tahitienne est un élément fondamental de l'identité culturelle : ciment de cohésion sociale, moyen de communication quotidien, elle est reconnue et doit être préservée, de même que les autres langues polynésiennes, aux côtés de la langue de la République, afin de garantir la diversité culturelle qui fait la richesse de la Polynésie française. »

Ces simples phrases, qui font aujourd'hui partie de notre droit, me plaisent beaucoup. Je suis certain, monsieur Frimat, qu'elles ne vous déplaisent pas non plus.

L'article 57 dispose ensuite :

« Le français, le tahitien, le marquisien, le paumotu et le mangarevien sont les langues de la Polynésie française. Les personnes physiques et morales de droit privé en usent librement dans leurs actes et conventions ; ceux-ci n'encourent aucune nullité au motif qu'ils ne sont pas rédigés dans la langue officielle.

« La langue tahitienne est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires, dans les établissements du second degré et dans les établissements d'enseignement supérieur. »

J'avais pris l'engagement devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle que soit l'issue de ce débat, d'aller plus loin et de trouver le moyen de légaliser un usage qui existe déjà, dans la pratique, au sein de l'assemblée de la Polynésie française. C'est également ce qu'avait proposé M. le rapporteur, Christian Cointat, et c'est tout à son honneur.

Depuis lors, la commission des lois de l'Assemblée nationale a émis un jugement défavorable sur l'amendement de M. Cointat, qui avait également suscité, au sein de la Haute Assemblée, des remarques de la part d'éminents spécialistes de droit constitutionnel. Nous en sommes donc là aujourd'hui.

Je vous remercie de votre intervention, monsieur Frimat, car elle me conduit à réitérer ma proposition de mise en place, dans les prochaines semaines, d'une commission réunissant des représentants de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Gouvernement et de l'assemblée de la Polynésie française, afin d'envisager les solutions conformes à la Constitution qui pourraient être apportées à ce problème.

Il s'agit, d'une part, de garantir la validité des décisions et actes pris par l'assemblée de la Polynésie française et d'éviter leur éventuel rejet par le Conseil d'État ou par le Conseil constitutionnel et, d'autre part, de permettre aux membres de cette assemblée de s'exprimer, en toute légalité, dans leur langue locale.

Une telle disposition s'inscrirait dans le prolongement de l'article 57 de la loi organique de 2004 et donnerait aux parlementaires de la Polynésie française les mêmes droits, ni plus ni moins, qu'aux personnes physiques et morales de droit privé, qui en usent désormais librement dans leurs actes et conventions.

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

M. Bernard Frimat. Le groupe socialiste s'abstient.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC s'abstient également.

(L'article 12 est adopté.)

Article 12
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Article 13 bis

Article 13

L'article 131 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est ainsi modifié :

1° Les mots : « Une séance par mois au moins est réservée » sont remplacés par les mots : « Deux séances par mois au moins sont réservées » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les représentants à l'assemblée de la Polynésie française peuvent poser des questions écrites aux ministres, qui sont tenus d'y répondre dans un délai d'un mois. »  - (Adopté.)

Article 13
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Article 13 ter

Article 13 bis

I. - Les dix-huit premiers alinéas de l'article 140 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les actes de l'assemblée de la Polynésie française, dénommés «lois du pays», sur lesquels le Conseil d'État exerce un contrôle juridictionnel spécifique, sont ceux qui, relevant du domaine de la loi, soit ressortissent à la compétence de la Polynésie française en application de l'article 13, soit sont pris au titre de la participation de la Polynésie française à l'exercice des compétences de l'État dans les conditions prévues aux articles 31 à 36. »

II. - Non modifié.....................................................................

III. - Après les mots : « lois du pays, », la fin du premier alinéa de l'article 142 de la même loi organique est ainsi rédigée : « un représentant à l'assemblée de la Polynésie française est désigné en qualité de rapporteur, dans les conditions fixées par le règlement intérieur. »  - (Adopté.)

Article 13 bis
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Article 14

Article 13 ter

I. - Non modifié.....................................................................

II. - L'article 152 de la même loi organique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le mandat des membres du conseil économique, social et culturel de la Polynésie française a pris fin, il assure l'expédition des affaires courantes jusqu'à l'élection du nouveau président. »  - (Adopté.)

Article 13 ter
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Article 14 bis

Article 14

I.  - Non modifié.....................................................................

II. - Le chapitre V du titre IV de la même loi organique est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Consultation des électeurs de la Polynésie française

« Art. 159-1. - Les électeurs de la Polynésie française peuvent être consultés sur les décisions que ses institutions envisagent de prendre pour régler les affaires relevant de leur compétence, à l'exception des avis et résolutions mentionnés au I de l'article 159. La consultation peut être limitée aux électeurs d'une partie du ressort de la Polynésie française, pour les affaires intéressant spécialement cette partie.

« Un dixième des électeurs peut saisir l'assemblée de la Polynésie française ou le gouvernement de la Polynésie française en vue de l'organisation d'une consultation sur toute affaire relevant de la décision de ces institutions.

« Dans l'année, un électeur ne peut signer qu'une seule saisine tendant à l'organisation d'une consultation.

« La décision d'organiser la consultation appartient à l'assemblée de la Polynésie française lorsque l'objet de la consultation relève de sa compétence ou au gouvernement, après autorisation de l'assemblée, lorsqu'il relève de la sienne.

« L'assemblée de la Polynésie française arrête le principe et les modalités d'organisation de cette consultation. Sa délibération indique expressément que cette consultation n'est qu'une demande d'avis. Elle fixe le jour du scrutin et convoque les électeurs. Elle est transmise deux mois au moins avant la date du scrutin au haut-commissaire de la République. Si celui-ci l'estime illégale, il dispose d'un délai de dix jours à compter de sa réception pour la déférer au tribunal administratif. Il peut assortir son recours d'une demande de suspension.

« Les électeurs font connaître par «oui» ou par «non» s'ils approuvent le projet de délibération ou d'acte qui leur est présenté. Après avoir pris connaissance du résultat de la consultation, l'institution compétente de la Polynésie française arrête sa décision sur l'affaire qui en a fait l'objet.

« Sont applicables à la consultation des électeurs les III à V et VII à XVI de l'article 159. »  - (Adopté.)

Article 14
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Article 14 quater

Article 14 bis

I. - L'article 164 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 164. - Le président du haut conseil de la Polynésie française est désigné parmi les magistrats de l'ordre administratif, en activité ou honoraires.

« Les autres membres du haut conseil de la Polynésie française sont désignés en considération de leur compétence en matière juridique, parmi les magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire, les professeurs et maîtres de conférence des universités dans les disciplines juridiques, les fonctionnaires de catégorie A, les avocats inscrits au barreau et les personnes ayant exercé ces fonctions.

« Les magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire mentionnés aux deux premiers alinéas ne doivent pas exercer leurs fonctions en Polynésie française ou y avoir exercé de fonctions au cours des deux années précédant leur nomination.

« Les fonctions de membre du haut conseil de la Polynésie française sont incompatibles avec celles de président de la Polynésie française, de membre du gouvernement de la Polynésie française, de représentant à l'assemblée de la Polynésie française et de membre du conseil économique, social et culturel de la Polynésie française. Les incompatibilités prévues à l'article 111 sont également applicables aux membres du haut conseil de la Polynésie française.

« Les membres du haut conseil de la Polynésie française sont nommés par arrêté délibéré en conseil des ministres de la Polynésie française, pour une durée de six ans renouvelable une fois, dans le respect des règles statutaires de leur corps le cas échéant. Ils ne peuvent être démis de leurs fonctions que pour motifs disciplinaires.

« Le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée de la Polynésie française le projet d'arrêté portant nomination. Dans le mois qui suit cette transmission, l'assemblée, sur le rapport de sa commission compétente, donne son avis sur cette nomination. Hors session, la commission permanente exerce, dans les mêmes conditions, les attributions prévues au présent alinéa. »

II.  - Non modifié....................................................................

III. - L'article 165 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cet arrêté détermine, notamment, le régime indemnitaire des membres du haut conseil de la Polynésie française ainsi que le régime applicable aux fonctionnaires qui y sont nommés, dans le respect des règles statutaires de leurs corps d'origine. »

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Nous n'avions pas pu proposer la suppression de cet article en première lecture pour une raison toute simple : il est issu d'un amendement de notre collègue Gaston Flosse, adopté par la majorité de notre assemblée.

L'enfer est pavé de bonnes intentions !

Je dois vous rendre cette justice, monsieur le rapporteur : lorsque nous avons examiné cet amendement en commission des lois, puis en séance, vous vous êtes déclaré surpris par son caractère discriminatoire à l'égard des avocats et vous avez déposé un sous-amendement afin de corriger ce qui constituait, selon vous, une mesure dangereuse et inacceptable.

Le débat a ensuite cheminé à la vitesse que nous savons et nous avons progressivement découvert les conséquences de cet amendement, et je ne pense pas, sauf démenti de votre part, qu'elles soient conformes à ce que vous recherchiez.

Mes chers collègues, nous sommes désormais dans une situation franchement embarrassante, voire caricaturale, puisque, en adoptant cette disposition, vous avez de fait approuvé la destitution, au terme des six prochains mois, d'une personne précise, qui peut être nommément désignée. Voilà tout de même une démarche législative pour le moins étonnante !

Je vous en donne acte : le fait que le haut conseil de la Polynésie française doive être présidé par un magistrat de l'ordre administratif n'est pas choquant en soi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est peut-être même mieux !

M. Bernard Frimat. Mais il se trouve qu'aujourd'hui, comme l'a écrit le président Temaru, le haut conseil est présidé par une Polynésienne, dont la compétence - je crois qu'elle est avocate et, en tout cas, elle est docteur en droit - n'est mise en cause par personne.

Je suis certain, monsieur le rapporteur, car je sais que ce n'est pas votre pratique, que votre but n'était pas la destitution de cette personne. Mais c'est pourtant bien à ce résultat que va aboutir le texte !

Cette personne aura, certes, six mois, une fois la promulgation intervenue, pour se faire à l'idée de sa destitution, mais la chose n'est pas acceptable.

Et elle l'est d'autant moins qu'il n'y a aujourd'hui aucun Polynésien qui soit magistrat de l'ordre administratif. Bien sûr, nous ne pouvons introduire dans la loi de données ethniques, qu'il s'agisse de statistiques ou de quoi que ce soit d'autre, mais cette réalité s'impose tout de même !

Or il va sembler que nous, parlementaires de la République - car nous, sénateurs socialistes, y sommes opposés -, envoyons aux Polynésiens le message suivant : le président de votre haut conseil doit à tout prix être destitué dans un délai de six mois et, surtout, il ne doit pas pouvoir être remplacé dans l'immédiat par un Polynésien.

C'est inacceptable et nous ne pouvons que proposer la suppression d'un article qui, à nos yeux, est tout à fait malvenu. Cela étant, encore une fois, monsieur le rapporteur, nous nous connaissons trop pour que je vous fasse un quelconque procès d'intention.

Je ne me prononcerai pas sur les intentions de l'auteur de l'amendement initial : il a une connaissance intime du terrain qui, sans doute, le conduit à déposer certains amendements dont nous ne voyons pas immédiatement les conséquences. Mais, aujourd'hui, les choses sont patentes.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez donné votre accord pour que cette situation advienne.

À n'en pas douter, le rapporteur va, puisqu'il me l'a dit et qu'il ne sait pas trahir, exprimer sa tristesse devant une telle situation et sa sympathie profonde pour mon amendement, mais les choses resteront en l'état.

Il est fort peu probable en effet, monsieur le secrétaire d'État, que vous fassiez le geste d'accepter cet amendement, car, à défaut d'un vote conforme, il faudrait trouver une « niche » non seulement dans l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ce qui serait possible, mais aussi dans le calendrier, ce qui ne le serait pas.

Vous laisserez donc perdurer l'inacceptable, et c'est bien le mot qui convient, car qui parmi nous, mes chers collègues, peut accepter qu'un texte de loi s'applique à une personne donnée à un moment donné ?

Monsieur le secrétaire d'État, l'idéal serait donc que vous émettiez un avis favorable sur mon amendement et que vous trouviez avec le président de l'Assemblée nationale le moyen de parvenir néanmoins rapidement à l'adoption définitive du projet de loi organique. Je sais bien quel est votre calendrier et quelle est pour vous l'urgence, mais je ne veux pas croire que la réalité à laquelle nous allons aboutir si vous maintenez votre position ait été l'un des buts visés par le Gouvernement ; si c'était le cas, il s'agirait d'un fait d'une extrême gravité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Cointat, rapporteur. L'article 14 bis a en effet été introduit sur proposition du sénateur de la Polynésie française, qui connaît bien le terrain, et non pas de la commission des lois. Mais nous pensions effectivement que, sous réserve des modifications que nous avions fait figurer dans un sous-amendement, et qui ont d'ailleurs été approuvées par l'auteur de l'amendement, celui-ci offrait une rédaction meilleure que celle du statut de 2004,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous le pensons toujours !

M. Christian Cointat, rapporteur. ...car elle précisait davantage la compétence, la composition et le rôle du haut conseil. Or toute notre démarche visait à améliorer ce statut.

Étant logiques avec nous-mêmes, dès lors qu'une proposition nous paraissait plus précise, nous nous devions de lui donner notre assentiment.

Et il est vrai que, s'agissant d'un organe dont la vocation est d'examiner les « lois du pays », comme le Conseil d'État le fait pour les lois de la République, il ne paraissait pas anormal que la personne appelée à conduire les destinées de cet organe soit un magistrat de l'ordre administratif.

Mais il est non vrai aussi que, si j'avais eu connaissance des effets que cette disposition pourrait produire, j'aurais vraisemblablement, je le reconnais, proposé une autre solution.

Cependant, si cela n'a pas été le cas au Sénat, l'Assemblée nationale, elle, a pris position en toute connaissance de cause puisqu'elle était informée de ces effets. Pour autant, elle n'a pas jugé opportun de modifier la disposition que nous avons adoptée et, puisqu'elle l'a maintenue, nous sommes contraints d'agir de même dans la mesure où cette disposition correspond parfaitement à l'objectif, qui est de rendre le fonctionnement des institutions locales aussi efficace que possible.

Par ailleurs, il est tout de même prévu, je le répète, un délai,...

M. Bernard Frimat. Six mois !

M. Christian Cointat, rapporteur. ...qui permettra de trouver, j'en suis intimement persuadé, certaines solutions.

Avec grand regret, je le dis, je suis donc obligé de donner un avis défavorable sur l'amendement de M. Frimat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Monsieur Frimat, votre intention paraît a priori louable, mais à la condition qu'elle ne soit pas nourrie d'une arrière-pensée. Cependant, connaissant votre intégrité, je ne peux imaginer un seul instant qu'il en aille autrement.

Comme l'a rappelé M. le rapporteur, le sénateur UMP Gaston Flosse, qui n'est pas parmi nous ce matin, a déposé un amendement qui renforce, je le confirme, la transparence à laquelle tend le projet de loi organique, et je veux lui en rendre l'hommage. Cet amendement, sous-amendé par la commission, a été adopté par la Haute Assemblée avec l'avis favorable du Gouvernement.

Monsieur Frimat, votre amendement de suppression me donne l'occasion de dire que le Gouvernement soutient toujours cette disposition. Voici pourquoi.

Il apparaît que l'auteur de l'amendement initial a jugé utile de renforcer les compétences juridiques requises pour présider le haut conseil, ainsi que la procédure applicable aux nominations des membres de cette institution.

Dans un souci de transparence, ces nominations seront désormais soumises à l'avis de l'assemblée de la Polynésie française, alors qu'elles n'étaient auparavant soumises qu'au conseil des ministres.

L'auteur de l'amendement a donc étendu au haut conseil les garanties de transparence que nous avions instituées dans le projet de loi pour d'autres nominations. Je ne vois là rien de choquant ni de critiquable. Bien au contraire, j'attire votre attention sur le fait que ces garanties peuvent protéger contre les nominations de complaisance, comme la nomination d'un membre de sa propre famille.

Vous avez parlé des qualités, que je n'ai pas à contester, de la présidente actuelle du haut conseil. Soit vous défendez la position de cette présidente pour ses seules qualités, soit pour d'autres raisons, mais je ne peux l'imaginer, et je vous demande donc de vous renseigner sur les conditions dans lesquelles elle a pu être nommée et par qui...

Désormais, le candidat pressenti pourra être auditionné par une commission de l'assemblée de Polynésie française, qui sera ainsi en mesure de se faire une idée de ses compétences juridiques.

Je note également que le nouveau dispositif n'entrera en vigueur au plus tard que six mois après l'élection du nouveau président de la Polynésie française, qui suivra l'élection de l'assemblée de la Polynésie française devant se dérouler le 27 janvier et le 10 février 2008. Il n'y a donc aucune urgence à pourvoir immédiatement au remplacement de l'actuelle présidente de l'institution.

Je note enfin que le haut conseil est un organe purement consultatif, chargé de conseiller le gouvernement de la Polynésie française dans la rédaction de ses projets de textes législatifs et réglementaires. Ce n'est ni une juridiction ni une autorité administrative indépendante chargée de la protection d'une liberté publique. Le législateur est donc libre de modifier à sa guise les conditions exigées pour y être nommé et la procédure de nomination, même si cela affecte les fonctions en cours.

Par ailleurs, je précise, pour vous rassurer, monsieur Frimat, que l'intéressée pourra en tout état de cause demeurer membre de l'institution.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. J'interviens pour remercier le rapporteur de sa sympathie attristée et pour répondre à M. le secrétaire d'État, dont j'ai bien entendu l'hommage à Gaston Flosse.

Monsieur le secrétaire d'État, nous nous sommes refusé jusqu'ici à nous situer à un niveau polémique et il serait préférable de continuer à le faire.

La présidente du haut conseil de la Polynésie française a été nommée, selon le statut de 2004- que le gouvernement de l'époque avait préparé et que la même majorité qu'aujourd'hui a voté -, par le président de la Polynésie, lequel, dans votre schéma initial, aurait dû être M. Gaston Flosse puisque vous n'aviez pas imaginé qu'il puisse perdre les élections. Elle a donc été nommée par M. Temaru, et je ne vois pas par qui d'autre elle aurait pu l'être puisque c'était lui qui occupait la fonction présidentielle au moment où cet organe a été mis en place. Je ne pense pas que le fait qu'elle ait été nommée par un certain président de Polynésie française soit de nature à la disqualifier.

J'ai bien entendu vos arguments et je ne vous ferai pas de procès d'intention. Je signale simplement que le Sénat n'avait pas connaissance de cet élément au moment de la première lecture. Sachant l'intégrité du rapporteur, je ne suis pas du tout sûr que, si cet élément avait été connu, l'amendement de M. Flosse aurait reçu un avis favorable de la commission et je ne suis pas du tout convaincu que, s'il était « mort » au Sénat, cet amendement aurait « ressuscité » à l'Assemblée nationale. Mais vous aviez été tellement dur avec votre ancien et, peut-être, futur ami que vous lui avez concédé un amendement que vous pensiez avoir rectifié...

Cela restant quand même très grave, je maintiens mon amendement de suppression. La question sera sans doute reprise dans le débat global qui se déroulera en Polynésie française, où chacun pourra voir qui ce texte défend.

Par ailleurs, vous ne m'avez pas répondu sur un point, monsieur le secrétaire d'État, mais je ne vous demande pas de réponse immédiate : y a-t-il un magistrat, ou un ancien magistrat, de l'ordre administratif qui soit Polynésien et qui puisse accéder aux fonctions de président du haut conseil ?

Je sais bien qu'il n'y a aucune raison pour que ce soit nécessairement un Polynésien qui occupe le poste de président du haut conseil de la Polynésie française, mais il serait tout de même pour le moins paradoxal que nous adoptions cette loi en ayant, comme c'est le cas aujourd'hui, la certitude que ce poste ne pourra pas être occupé par un Polynésien.

Je croyais que l'époque où les postes ne pouvaient pas être occupés par les gens originaires du pays était révolue et que cette pratique appartenait à un passé que l'on qualifiait, je crois, de... colonial.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14 bis.

(L'article 14 bis est adopté.)

Article 14 bis
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Article 15

Article 14 quater

Dans la première phrase de l'article 174 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée, après les mots : « et les communes », sont insérés les mots : « ou des dispositions relatives aux attributions du gouvernement de la Polynésie française ou de l'assemblée de la Polynésie française ou de son président, ».

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, mon but n'est pas de retarder le débat, mais de préciser les positions de mon groupe : nous nous abstiendrons sur l'article 14 quater, nous ne prendrons pas part au vote sur les articles 15, 16 et 17, mais nous voterons pour l'article 18.

Monsieur le secrétaire d'État, nous avions voté en première lecture ce dernier article, qui procède à une adaptation des dispositions du code des juridictions financières à la Polynésie française, et je veux confirmer que nous sommes favorables à la transparence financière...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous aussi !

M. Bernard Frimat. ...au moment où vous cessez de « sponsoriser » l'opacité. Je ne voudrais en effet pas être discourtois en vous abandonnant alors que vous reconnaissez, grâce au talent du rapporteur, qui vous avait déjà convaincu pour Saint-Pierre-et-Miquelon, que la Polynésie française a droit, elle aussi, à la transparence financière dans le processus « déflossificateur » que j'évoquais.

M. le président. Je mets aux voix l'article 14 quater.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC s'abstient sur cet article et fera de même sur les articles 15, 16 et 17.

(L'article 14 quater est adopté.)

TITRE III -

DISPOSITIONS RELATIVES AU CONTRÔLE JURIDICTIONNEL FINANCIER ET BUDGÉTAIRE

Article 14 quater
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Article 16

Article 15

I. - Non modifié.....................................................................

II. - Après l'article 144 de la même loi organique, sont insérés deux articles 144-1 et 144-2 ainsi rédigés :

« Art. 144-1. - Dans un délai de deux mois précédant l'examen du budget primitif, un débat a lieu à l'assemblée de la Polynésie française sur les orientations budgétaires de l'exercice ainsi que sur les engagements pluriannuels envisagés.

« Le projet de budget de la Polynésie française est préparé et présenté par le président de la Polynésie française qui est tenu de le communiquer aux membres de l'assemblée de la Polynésie française avec les rapports correspondants, douze jours au moins avant l'ouverture de la première réunion consacrée à l'examen dudit projet.

« Le budget primitif, le budget supplémentaire et les décisions modificatives sont votés par l'assemblée de la Polynésie française. 

« Art. 144-2. - La commission de contrôle budgétaire et financier remet au président de la Polynésie française, aux autres membres du gouvernement et aux membres de l'assemblée de la Polynésie française, au plus tard le 31 mai de chaque année, un rapport dressant le bilan de son activité et comportant en annexe le compte rendu de ses débats, ainsi que les décisions qu'elle a prises, au cours de l'année précédente. Ce rapport est publié au Journal officiel de la Polynésie française dans un délai de cinq jours à compter de son dépôt. Dans le mois suivant son dépôt, ce rapport fait l'objet d'un débat à l'assemblée de la Polynésie française. »

III. - L'article 145 de la même loi organique est ainsi rédigé :

« Art. 145. - Lorsque le budget de la Polynésie française a été adopté, les actes prévus à l'article 140 dénommés «lois du pays», relatifs aux impôts et taxes, entrent en vigueur le 1er janvier qui suit la date de la première réunion de l'assemblée de la Polynésie française consacrée à l'examen du projet de budget alors même qu'ils n'auraient pas été publiés avant cette date.

« Par dérogation au premier alinéa des I et II de l'article 176 et au premier alinéa des articles 178 et 180, ils sont publiés au Journal officiel de la Polynésie française et promulgués par le président de la Polynésie française au plus tard le lendemain de leur adoption et peuvent, à compter de la publication de leur acte de promulgation, faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État au titre du contrôle juridictionnel spécifique des actes dénommés «lois du pays» prévu par la présente loi organique.

« S'il est saisi à ce titre, par dérogation aux deuxième et troisième alinéas de l'article 177, le Conseil d'État annule toute disposition contraire à la Constitution, aux lois organiques, aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit. » - (Adopté.)

Article 15
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Article 17

Article 16

I. - Non modifié.......................................................................

II. - Après l'article 172 de la même loi organique, sont insérés deux articles 172-1 et 172-2 ainsi rédigés :

« Art. 172-1. - Tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française peut, lorsqu'il saisit le tribunal administratif ou le Conseil d'État d'un recours en annulation d'un acte de la Polynésie française autre qu'un acte prévu à l'article 140 dénommé «loi du pays», assortir ce recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois.

« Art. 172-2. - Sont illégales :

« 1° Les délibérations ou actes auxquels ont pris part un ou plusieurs membres du conseil des ministres ou de l'assemblée de la Polynésie française intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ;

« 2° Les décisions et délibérations par lesquelles la Polynésie française renonce, soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l'égard de toute personne physique ou morale qu'elle rémunère sous quelque forme que ce soit. »

III. - Après l'article 173 de la même loi organique, il est inséré un article 173-1 ainsi rédigé :

« Art. 173-1. - Les articles 172 à 173 sont applicables au contrôle de légalité des actes des établissements publics de la Polynésie française. »

IV.  - Non modifié................................................................... - (Adopté.)

Article 16
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Article 18

Article 17

Le titre VI de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« Dispositions diverses relatives au contrôle juridictionnel, financier et budgétaire

« Art. 186-1. - Non modifié....................................................

« Art. 186-2. - Lorsqu'il est fait application du troisième alinéa de l'article 29, la commission de contrôle budgétaire et financier de l'assemblée de la Polynésie française et le haut-commissaire de la République reçoivent communication, dans les quinze jours suivant leur adoption :

« 1° Des concessions d'aménagement, des comptes annuels et des rapports des commissaires aux comptes des sociétés d'économie mixte ;

« 2° Des actes des organes compétents de ces sociétés pouvant avoir une incidence sur l'exécution des conventions mentionnées au troisième alinéa de l'article 29.

« Si la commission de contrôle budgétaire et financier estime qu'un de ces actes est de nature à augmenter gravement la charge financière de la Polynésie française ou de l'un de ses établissements publics, ou à accroître gravement le risque financier encouru par la Polynésie française ou par l'un de ses établissements publics, elle transmet un avis motivé à l'assemblée de la Polynésie française dans le mois suivant la communication qui lui est faite de cet acte.

« L'assemblée de la Polynésie française ou, en dehors des sessions, la commission permanente peut saisir la chambre territoriale des comptes dans les deux mois suivant la communication de l'acte à la commission de contrôle budgétaire et financier.

« Le haut-commissaire de la République peut, pour les motifs visés au quatrième alinéa, saisir la chambre territoriale des comptes dans le mois suivant la communication de l'acte.

« La saisine de la chambre territoriale des comptes est notifiée à la société,  au haut-commissaire de la République, à l'assemblée et au conseil des ministres de la Polynésie française, ainsi que, s'il y a lieu, à l'organe compétent de l'établissement public intéressé. La transmission de la saisine à la société impose à l'organe compétent de celle-ci une seconde délibération de l'acte en cause.

« Dans le mois suivant sa saisine, la chambre territoriale des comptes fait connaître son avis au haut-commissaire de la République, à la société, à l'assemblée et au conseil des ministres de la Polynésie française, ainsi que, le cas échéant, à l'organe compétent de l'établissement public intéressé. »  - (Adopté.)