M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 148, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la restauration et l'entretien du patrimoine culturel français.
En 1986, l'installation des colonnes du sculpteur Daniel Buren dans la cour d'honneur du Palais-Royal a suscité un vif émoi. Vingt et un ans plus tard, bien que cette oeuvre ait trouvé toute sa légitimité au sein de notre patrimoine culturel national et qu'elle fasse partie des circuits touristiques parisiens, la polémique réapparaît, et ce sur l'initiative de son créateur, qui voit son oeuvre initiale complètement dénaturée du fait de la privation de son écrin d'eau et de lumière initialement prévu.
La colère très médiatisée de Daniel Buren semble avoir porté ses fruits, car la rénovation de son oeuvre a été avancée par rapport au calendrier initial et devrait débuter avant l'été. Les récentes déclarations de M. Michel Clément, directeur de l'architecture et du patrimoine du ministère nous ont appris que la rénovation des colonnes de Buren s'inscrivait dans un vaste plan de restauration dans l'enceinte du Palais-Royal : 14 millions d'euros sont prévus, dont 3,2 millions d'euros seraient dévolus à la cour d'honneur.
Si ce grand programme de rénovation et de restauration, engagé sur l'initiative du ministère de la culture, est satisfaisant et rassurant, il convient de s'interroger sur les possibilités que peuvent offrir les partenariats public-privé, si efficaces dans les pays anglo-saxons et pourtant encore trop peu utilisés en France.
L'État est propriétaire de cette oeuvre, mais il est aussi responsable juridiquement de son devenir, et cela vaut également pour toutes les autres oeuvres acquises par la commande publique, qui s'accumulent avec le temps et ont un jour besoin d'être restaurées.
Comment l'État envisage-t-il de relever ce défi de rénovation et de remise à niveau du patrimoine culturel sur l'ensemble de son territoire ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, l'oeuvre de Daniel Buren « les deux plateaux », communément appelée « les colonnes de Buren » et installée en 1986, est en effet une oeuvre emblématique de l'intégration de l'art contemporain dans les plus beaux lieux patrimoniaux français. Elle est d'ailleurs classée au titre des monuments historiques depuis 1994.
La fréquentation publique intense du site, qui est devenu un haut lieu touristique, a sérieusement altéré l'oeuvre de Daniel Buren, et bien qu'une rénovation en ait déjà été effectuée en 1994, une restauration lourde de l'ensemble de la cour d'honneur du Palais-Royal est désormais indispensable.
La demande de Daniel Buren de voir son oeuvre remise en état et entretenue dans les meilleures conditions est donc parfaitement légitime, et cette opération s'intègre, comme vous l'indiquez, dans un vaste plan de restauration du Palais-Royal.
Cette opération est en cours et associe chacune des institutions publiques qui occupent ces bâtiments prestigieux comme la Comédie-Française, le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel.
Le ministère de la culture et de la communication, pour ce qui le concerne, a prévu de consacrer 14 millions d'euros à cette opération jusqu'en 2011. Celle-ci comprend la restauration des façades sur la rue de Rivoli, la cour d'honneur, les différentes galeries qui l'entourent et les péristyles de Joinville et de Beaujolais. Par ailleurs, la Comédie-Française aménage actuellement des salles de répétition sous la cour d'honneur.
J'ai souhaité accélérer le calendrier de rénovation de l'oeuvre de Daniel Buren, dont le démarrage était prévu en 2009 ; c'est à l'été 2008, c'est-à-dire le plus rapidement possible, que sera engagée la restauration « des deux plateaux », de façon que l'articulation avec les travaux qui vont avoir lieu pour l'étanchéité des salles de répétition de la Comédie-Française se fasse dans les meilleures conditions.
J'ai rencontré Daniel Buren le 18 janvier dernier, et je lui ai confirmé l'engagement ferme du ministère de la culture et de la communication de préserver l'intégrité « des deux plateaux ». Je lui ai également indiqué qu'il serait bien évidemment associé à la restauration, ainsi qu'à la préparation d'un protocole d'entretien de son oeuvre, qui a jusque-là fait cruellement défaut. Il s'agit d'une oeuvre majeure - même si les polémiques subsistent - à laquelle nous sommes tous profondément attachés.
Concernant le financement de ce chantier, l'État va bien sûr assumer sa responsabilité. Vous avez évoqué les partenariats public-privé, qui représentent souvent un moyen de financement tout à fait intéressant ; nous y pensons d'ailleurs pour la future philharmonie. Le processus est très long, mais nous allons tout faire pour associer les partenaires privés afin que cette opération soit un exemple de la participation des entreprises à de grands chantiers de l'État. Nous avons aujourd'hui bon espoir de trouver un partenaire privé pour la restauration des colonnes de Buren.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Je souhaite remercier Mme la ministre de sa réponse et me féliciter de la prise de conscience de l'État quant à la nécessité d'entretenir le patrimoine culturel français.
projet de jardin-musée des sculptures sur l'île Seguin
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, auteur de la question n° 151, adressée à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Fourcade. L'aménagement des 52 hectares de terrains délaissés par Renault sur le territoire de la commune de Boulogne-Billancourt est réalisé par une société d'économie mixte « Val de Seine Aménagement », dont les actionnaires sont les villes de Boulogne-Billancourt et de Sèvres, le département des Hauts-de-Seine, la Caisse des dépôts et consignations, la Caisse d'épargne de Paris et le Groupe Dexia.
Dans le cadre d'une zone d'aménagement concerté, qui couvre à la fois les terrains Renault et le quartier sensible du Pont de Sèvres, la société d'aménagement et d'économie mixte réalise à la fois des opérations d'aménagement, des équipements publics, des voieries et des logements sociaux. Une convention publique d'aménagement a été signée avec la commune de Boulogne-Billancourt en 2004. Sa réalisation fait l'objet d'une large concertation avec les riverains et les associations de la ville, du département et de la région.
À ce jour, 45 % du programme de constructions qui s'élève à 842 000 mètres carrés de surface hors oeuvres est engagé et fait l'objet de permis de construire déposés ou délivrés.
À l'intérieur de cet ensemble, trois programmes sont juxtaposés.
La réhabilitation du quartier du Pont de Sèvres fait l'objet d'un contrat avec l'ANRU, contrat qui est bloqué depuis six mois par le président du conseil général des Hauts-de-Seine.
Le deuxième programme concerne le trapèze de Billancourt et les terrains qui y sont associés. L'opération se déroule sans problème - et sans recours -, et vingt-sept cabinets d'architectes y travaillent, de Norman Foster à Franck Hammoutène, et de Jean Nouvel à Jean-Paul Viguier.
C'est le programme retenu pour l'île Seguin qui est le moins avancé. Prévoyant 175 000 mètres carrés de constructions, l'île doit recevoir des éléments scientifiques, des éléments culturels et des éléments d'accueil tournés vers l'international. À ce jour, trois programmes ont été engagés et ont fait l'objet de promesses de vente avec versements d'acomptes : un grand hôtel, une résidence pour chercheurs et artistes et l'Université américaine de Paris.
J'ajoute que l'île Seguin a été acquise par la société d'aménagement et d'économie mixte auprès de Renault pour la somme de 54 millions d'euros et que la vente des droits fonciers pour les trois programmes dont je viens de parler représente une recette de 30 millions d'euros.
Aussi est-ce avec beaucoup d'étonnement, madame la ministre, que j'ai pris connaissance, à la fin du mois de janvier, dans un grand quotidien, d'une interview du conseiller culturel du Président de la République, M. Benhamou, affirmant que le Président de la République souhaitait utiliser l'ensemble de l'île Seguin pour réaliser un grand jardin de sculptures contemporaines annulant ainsi les programmes déjà engagés. M. Benhamou ajoutait que le coût du projet serait de l'ordre de 200 millions d'euros et qu'il devrait être financé « par le conseil général, les élus locaux et les collectivités territoriales ».
Ce projet devrait se substituer à celui qu'avait proposé en son temps le Premier ministre, M. de Villepin, et le ministre de la culture et de la communication, M. Donnedieu de Vabres, qui concernait un centre européen de création contemporaine qui, au moins, prévoyait une participation de l'État à hauteur de 50 millions d'euros.
Madame la ministre, je me permets de poser trois questions.
Est-il concevable que, au mépris de l'autonomie des collectivités territoriales et des engagements pris par des élus locaux, un conseiller du Président de la République annonce un projet dont il n'a ni la maîtrise ni le financement ?
Quelle est l'intention du Gouvernement sur l'utilisation de la pointe aval de l'île Seguin, pour laquelle ni les maires concernés ni le président de la société d'aménagement et d'économie mixte n'ont été informés ou invités à donner leur avis ?
Comme je constate que le député de Boulogne-Billancourt, dans sa lettre de candidature aux élections municipales, souhaite « relancer la proposition de Nicolas Sarkozy, d'une île Seguin dédiée à la culture et à l'environnement avec un musée-jardin mondial », je souhaite savoir si le Gouvernement a progressé dans sa réflexion sur l'avenir de l'île Seguin et s'il envisage de faire part de ses propositions à la société d'aménagement et d'économie mixte ainsi qu'aux collectivités territoriales qui en assument la programmation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, il a été en effet envisagé de créer sur l'île Seguin un centre européen de création contemporaine, foyer de création artistique de niveau international, à l'instar d'initiatives équivalentes dans d'autres pays européens.
Ce projet a été conçu en partenariat avec les collectivités territoriales, le conseil général des Hauts-de-Seine et la ville de Boulogne-Billancourt, et il s'inscrit dans le cadre d'un ensemble plus vaste qui tient à l'aménagement de l'île Seguin porté par les collectivités territoriales concernées.
Daniel Janicot a été chargé d'une mission à cet effet et il a remis un projet de préfiguration concernant la pointe de l'île, les emprises où devait normalement s'élever la fondation de François Pinault.
À ce stade, et compte tenu des articles de presse qui ont pu paraître, je peux dire que la réflexion sur les projets culturels se poursuit. Aucune décision formelle n'est prise et les choix à venir devront bien sûr prendre en compte ce qui existe déjà. À l'évidence, l'aménagement de l'île sera réalisé avec la mairie de Boulogne et le conseil général des Hauts-de-Seine, qui a fait connaître son intérêt pour un grand projet de « vallée de la culture », dont l'île Seguin pourrait être un élément majeur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je remercie Mme la ministre des trois indications qu'elle vient de me fournir.
Premièrement, on ne peut pas jeter à la rivière, s'agissant de l'île Seguin, les projets déjà engagés et financés. Ce serait un gaspillage dont nous n'avons aujourd'hui nul besoin.
Deuxièmement, la réflexion du Gouvernement progresse, et je suis tout à fait disposé à ce que la pointe aval de l'île Seguin serve d'assise à un grand projet culturel dédié à l'art contemporain. Cela me paraît tout à fait dans l'optique actuelle du rayonnement international de notre pays.
Troisièmement, enfin, j'ai noté avec intérêt que les élus locaux et les responsables de cette affaire seraient consultés sur l'évolution de la réflexion du Gouvernement. J'en prends acte avec beaucoup de satisfaction.
consulats généraux à gestion simplifiée
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 154, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Richard Yung. Avant d'en venir à ma question, qui porte sur l'évolution du réseau consulaire, je tiens à féliciter les services du ministère des affaires étrangères, d'une part, et l'armée française, d'autre part, de la manière dont ils ont assuré la sécurité, puis l'évacuation de la communauté française de N'Djamena. Grâce à une organisation rigoureuse, ce sont près de mille personnes qui ont ainsi été évacuées ce week-end, en toute sécurité.
Tout le monde est conscient de la nécessité d'adapter notre réseau consulaire aux évolutions de la diplomatie française, des relations économiques et des intérêts fondamentaux de la France.
Nous sommes largement engagés dans un mouvement marqué vers l'Est et vers l'Asie. Depuis cinq ans, trente et un consulats ont été soit fermés, soit transformés. Ce nombre est considérable, d'autant que seuls cinq nouveaux consulats ont été ouverts. On constate donc non seulement un redéploiement, mais aussi une diminution des moyens mis à la disposition du réseau consulaire.
Cette évolution va sans aucun doute se poursuivre. Nous sommes inquiets quant à l'avenir du consulat de Haïfa, consulat historique, qui est au centre de plusieurs communautés importantes. Il semble qu'une partie de ses compétences doive être transférée à Jérusalem ou à Tel-Aviv. Pour l'heure, nous n'avons aucune certitude.
Pour une communauté française, le consulat est et reste la maison de la France. C'est à la fois la mairie, la sous-préfecture, la préfecture. C'est là que le ressortissant français est pris en charge et, en cas de besoin, que l'on assure sa sécurité.
L'évolution du réseau consulaire, certes nécessaire, se fait sans concertation, ce que déplorent les élus de l'Assemblée des Français de l'étranger et, d'une manière générale, tous ceux qui sont concernés. Nous sommes toujours placés devant le fait accompli. Bien que ces décisions soient de nature régalienne et relèvent de la responsabilité du ministère des affaires étrangères, il serait de bonne politique d'informer et de consulter les élus et les communautés françaises.
Monsieur le secrétaire d'État, comment envisagez-vous l'évolution du réseau consulaire pour les prochaines années, en particulier pour 2008 et 2009 ?
J'en viens à la question plus précise des consulats à gestion simplifiée. Au total, dix-sept consulats à gestion simplifiée ont été créés. Il s'agissait d'alléger la formule consulaire, de la « débarrasser », si je puis dire, de sa mission de gestion, sans doute afin d'économiser des moyens.
Après quatre ou cinq ans d'expérience, l'heure est au bilan. Pour notre part, nous considérons que ce bilan est négatif.
Tout d'abord, les consulats dits à gestion simplifiée ont un rôle extrêmement flou. Ils doivent assurer la présence politique diplomatique française, réaliser des analyses politiques. Mais quelles analyses politiques fait-on à Port-Gentil, à Recife ou à Porto, où la vie politique est calme, alors que l'ambassade est à quelques dizaines ou quelques centaines de kilomètres ?
Ensuite, ces consulats n'assurent plus aucun service aux communautés françaises. Nos ressortissants sont obligés de se déplacer à l'ambassade ou au consulat général de plein exercice le plus proche, parfois distants de 200, 300 ou 500 kilomètres.
Enfin, mais peut-être nous apporterez-vous des précisions sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, l'économie de moyens semble limitée puisque, dans les faits, on maintient à temps plein un poste de consul général et tout ce qui va avec : personnels de service, voiture, logement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous nous indiquer comment vous envisagez l'avenir des consulats à gestion simplifiée ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur Yung, les questions que vous abordez sont aussi celles que se pose le Gouvernement dans le cadre de la réflexion sur la révision générale des politiques publiques. Je peux en témoigner pour avoir assisté à des réunions au cours desquelles nous avons évoqué, avec lucidité, ce qui va comme nous le voulons et ce qui pourrait aller mieux.
La réforme du réseau consulaire qui a été engagée, notamment en Europe, commence à produire des effets.
Cette réforme a déjà permis le regroupement d'activités consulaires sur des pôles de compétence, notamment au travers de la centralisation des services d'état civil et de délivrance de visas dans plusieurs pays de l'Union européenne. Des pôles consulaires régionaux sont expérimentés. Ils assurent, autour d'un pôle très bien doté en moyens de traitement des dossiers, un rôle d'accueil et de réception des demandes.
La réforme a également permis le recours plus important aux nouvelles technologies en matière d'administration des Français, notamment en Europe, où les communautés françaises sont très nombreuses. Le registre mondial du réseau d'administration consulaire informatisée, intitulé RACINE, opérationnel depuis juin dernier, se révèle très utile pour faciliter les formalités à accomplir en matière d'administration des Français. Tout Français qui dispose de son numéro d'identification consulaire, le NUMIC, pourra s'inscrire au registre mondial, quel que soit son lieu de résidence à l'étranger, et consulter son dossier.
S'agissant de la mise en place de consulats généraux à gestion simplifiée, je reconnais que le dispositif est perfectible et il nous appartient de fixer les limites de l'exercice. Pour autant, monsieur le sénateur, tout n'est pas aussi négatif que vous le dites, loin s'en faut. Bien que n'ayant pas votre expérience, j'ai été parlementaire. J'ai donc pu me faire une idée de la manière dont fonctionne un consulat général à gestion simplifiée qui, déchargé de tâches consulaires regroupées dans un seul poste, continue à assumer des responsabilités, parfois spécialisées sur le plan économique, culturel ou autres.
Les consulats à gestion simplifiée, bien qu'ils n'aient plus une mission classique, ont vocation à assurer le maintien d'une présence de haut niveau et à jouer un rôle polyvalent utile. Cela passe par une rationalisation des tâches administratives et consulaires classiques soit dans les capitales, soit dans des pôles plus importants.
Ce système fonctionne bien là où le relais avec les services centraux, ou avec des consulats généraux qui gardent toutes leurs attributions, est facile, soit grâce à la mise en place de moyens nouveaux, soit parce que les distances ne compliquent pas trop la tâche de nos ressortissants. Il me paraît judicieux, dans une région où la France a une présence culturelle ou économique, de renforcer son rayonnement par la présence d'un consulat.
La situation n'est donc pas aussi tranchée que vous le dites. Les aspects positifs sont importants même si, je le reconnais bien volontiers, le dispositif n'apporte pas toujours ce que l'on peut en attendre. C'est pourquoi il faut procéder à des évaluations afin de déterminer ce qui fonctionne bien et ce qui est perfectible.
Une autre piste fructueuse réside dans la coopération consulaire entre les États européens. Certaines formes d'échanges sont devenues régulières : échanges d'informations en matière de visas et de fraudes, stages d'agents, participation réciproque aux réunions consulaires, mutualisation de moyens. Une convention sur les relations consulaires spécifique à l'Union européenne devrait nous permettre d'aller plus loin.
Il est vrai que le travail qui a été accompli depuis vingt ans et que les redéploiements auxquels il a été procédé ne se sont pas traduits par une baisse significative des services consulaires, dont le nombre est passé de 238 en 1987 à 233 en 2007. Pour autant, certains ont évolué, et nous devons là encore réaliser des évaluations.
Cela nous a néanmoins permis de renforcer les postes soumis aux plus fortes pressions : visas, nationalité, état civil en Afrique subsaharienne ou dans d'autres régions du monde. Vous avez évoqué l'inquiétude que vous inspire le consulat de Haïfa. Soyez persuadé que Bernard Kouchner et moi-même sommes très attentifs. Nous avons également renforcé les postes situés dans les pays émergents, la Chine et l'Inde, par exemple.
Dans ces zones prioritaires, des postes ont été créés, hors biométrie. Il n'y a donc pas de désengagement massif, ni en Europe ni dans le reste du monde.
La révision générale des politiques publiques nous permettra de cibler les villes dans lesquelles il est possible, tous services de l'État confondus, de rationaliser les moyens au profit de postes, ou de définition de postes. En effet, au-delà des personnes, il s'agit aussi de la définition des missions. Les consulats à gestion simplifiée pourraient nous permettre, en fonction de l'évolution de la pression, de nos intérêts, de notre rayonnement, de remédier à certains inconvénients que vous avez pointés.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse n'a pas dissipé mes doutes. Je continue de penser que les consulats à gestion simplifiée ne permettent pas vraiment de réaliser des économies. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Pour l'heure, il convient effectivement de réaliser un bilan.
Pour les communautés françaises, la vraie difficulté tient à la distance. Nous allons instituer les passeports biométriques, puis les cartes d'identité biométriques. Pour renouveler son passeport, un ressortissant français habitant Stuttgart devra faire deux heures de train pour se rendre à Munich, ville distante d'environ deux cents kilomètres, une première fois pour la prise d'empreintes, une seconde fois pour retirer le document. Pour ces communautés, cela fait partie de la vie courante.
Tant que nous ne serons pas parvenus à l'utilisation optimale du guichet d'administration électronique GAEL, qui existe déjà et regroupe un certain nombre d'applications - il en sera d'ailleurs question ce soir, au Sénat même, à l'occasion d'une audition sur les systèmes informatiques du ministère -, les Français seront obligés de se déplacer plusieurs fois.
Reste enfin un point sur lequel vous n'avez pas répondu : la concertation. Les choses iraient pourtant beaucoup mieux si le ministère des affaires étrangères abordait ces questions, informait de ses intentions, voire, j'ose cette idée, consultait les Français de l'étranger.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, j'abonderai dans le sens de M. Yung en évoquant le cas de Haïfa, jumelée avec de nombreuses villes, dont Marseille.
La ville de Marseille, le conseil général et le conseil régional y ont construit, à l'époque, un centre franco-israélien qui porte le nom de Gaston Defferre et auquel, d'ailleurs, le Sénat avait également apporté sa participation financière.
Le ministère des affaires étrangères a envie, depuis longtemps, de fermer le consulat de France à Haïfa. Compte tenu de l'effort financier que la France a pu consentir dans cette ville, il serait tout de même surprenant que l'on mette ce projet à exécution.
Je vous serais très reconnaissant, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir veiller à ce point, en complément de la demande de M. Yung.
Maison de la francophonie
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, auteur de la question no 145, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Mme Catherine Tasca. L'idée de regrouper dans un site unique appelé « Maison de la francophonie » toutes les institutions de la francophonie ayant leur siège à Paris, aujourd'hui dispersées dans sept lieux différents, a été lancée par le Président Jacques Chirac au sommet de Beyrouth d'octobre 2002. C'est à l'évidence une nécessité si l'on veut permettre à l'Organisation internationale de la francophonie, l'OIF, de remplir sa mission en pleine cohérence.
Pendant cinq ans, les services de l'État ont travaillé sur ce projet et ont finalement choisi un bâtiment situé avenue de Ségur et appartenant à l'État. Une convention avait même été signée avec l'OIF en 2006.
Il est très regrettable que, l'été dernier, sur l'avis de certains parlementaires amplifié par une campagne de presse, le Président de la République ait demandé au Gouvernement de retirer de l'ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement le projet de loi autorisant l'approbation de la convention portant sur la Maison de la francophonie, dont l'examen au Sénat était prévu le 30 juillet 2007. Cette décision tardive et surprenante s'est révélée dommageable pour un projet dont l'utilité ne peut pas être mise en doute.
À la fin de 2007, aucune décision ne semblait avoir été prise. Or c'est la parole de la France et la réalité de son engagement dans la francophonie qui sont en cause. Depuis quarante ans, il n'a pas été facile de bâtir un ensemble institutionnel francophone cohérent et efficace. Les conditions de cette cohérence sont enfin réunies grâce à l'action du secrétaire général, M. Abdou Diouf.
Monsieur le secrétaire d'État, jusqu'à quand le projet de la Maison de la francophonie peut-il être différé ? La France fait-elle encore de la francophonie un axe majeur de sa politique étrangère ? Comment justifier qu'un engagement international pris il y a un an et demi soit ainsi remis en cause ?
Dans le département des Yvelines, les populations originaires des pays francophones - Algérie, Mali, Maroc, Sénégal, mais aussi Roumanie, Vietnam - sont très nombreuses et attentives aux signes que donne la France à ses partenaires. Inquiètes de la politique d'immigration, elles doutent de la solidarité proclamée mais insuffisamment concrétisée.
Le retard apporté au projet de la Maison de la francophonie est forcément vécu par nos partenaires comme un recul. C'est la confiance de la communauté francophone, c'est-à-dire 55 États membres, 13 observateurs et 10 % de la population mondiale, qui s'en trouve entamée.
Monsieur le secrétaire d'État, où en est le projet, six mois après cet épisode qui jette toujours le doute sur la volonté du Gouvernement d'aboutir à une solution rapide ? Et, si solution nouvelle il y avait, pouvez-vous nous indiquer les conditions de sa mise en oeuvre ? Je rappelle en particulier que la convention signée en 2006 prévoyait une mise à disposition à titre gratuit pour une durée de trente ans renouvelable. Pourriez-vous alors garantir au moins la reprise de ces conditions ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, votre question arrive vraiment à point nommé compte tenu des évolutions qu'a connues ce dossier ces derniers jours.
L'idée que vous avez développée de regrouper à Paris, dans un site unique, les diverses institutions de la francophonie est partagée par tout le monde, aussi ne la reprendrai-je pas.
Rappelez-vous, en revanche, la polémique de l'été dernier ; dès ma prise de fonction, comme secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, j'ai été interpellé sur ce dossier par plusieurs sénateurs, en particulier par M. Gouteyron.
L'économie générale du projet initial, celui de l'avenue de Ségur, a été remise en cause à la fois par la création du nouveau ministère de l'écologie et du développement durable et par les surcoûts envisagés pour la décontamination du bâtiment, notamment en matière de désamiantage. Le Gouvernement a donc décidé, en juillet dernier, de retirer de l'ordre du jour du Parlement le projet de loi autorisant l'approbation de la convention portant sur la Maison de la francophonie.
À la même période, le 23 juillet 2007, le secrétaire général de la francophonie, le président Abdou Diouf, était reçu à l'Élysée. À cette occasion, le Président de la République lui a confirmé que l'engagement de la France relatif au regroupement à Paris des opérateurs et institutions de la francophonie dans une Maison de la francophonie serait tenu et a fait savoir qu'il confiait au Premier ministre le soin de trouver un autre lieu avant la fin de l'année 2007.
Le Premier ministre a ainsi chargé une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires étrangères d'étudier rapidement d'autres possibilités. Cette mission a travaillé vite et bien, ce qui lui a permis de remettre son rapport dès novembre dernier. Une réunion interministérielle a décidé le 21 décembre de prendre en compte de manière prioritaire l'une de ses propositions et de la soumettre à l'OIF pour recueillir son avis.
Il s'agit d'un ensemble immobilier sis au 19-21 avenue Bosquet, dans le VIIe arrondissement de Paris, qui, avec une surface utile brute de plus de 6 000 mètres carrés, présente l'avantage de correspondre aux besoins de la francophonie, d'être immédiatement libre et de ne nécessiter que de modestes travaux de rénovation et d'aménagement.
Le Président de la République a proposé ce projet au secrétaire général de la francophonie par courrier du 8 janvier. J'ai eu l'honneur de présenter personnellement à ce dernier les lieux, que nous avons visités ensemble le 31 janvier, c'est-à-dire la semaine dernière ; c'est pourquoi je soulignais, madame, que votre question arrivait à point nommé.
Le président Abdou Diouf a écrit le jour même au Président de la République afin de lui indiquer que cette offre répondait aux souhaits et besoins de l'OIF : « J'ai retenu de cette visite la meilleure impression en raison de l'emplacement central et prestigieux tout comme de la fonctionnalité des installations, susceptibles toutefois d'être améliorées pour répondre parfaitement aux besoins du projet. » Effectivement, nous avons vu ensemble les améliorations qu'il est possible, sans grands travaux, d'apporter à cet ensemble immobilier.
Le secrétaire général de l'OIF poursuit : « Permettez-moi, monsieur le Président de la République, de vous exprimer au nom de l'ensemble des États et des gouvernements notre très grande satisfaction pour ce choix qui illustre si bien l'engagement déterminé pour le projet francophone et votre volonté de soutenir une francophonie aussi ambitieuse qu'efficace.
« Des initiatives diligentes seront prises pour profiter pleinement des délais raccourcis et favoriser un regroupement de tous les services francophones disséminés dans la ville de Paris afin d'assurer une meilleure coordination et, par conséquent, une plus grande efficience de leurs actions ». Et le président Abdou Diouf termine sa lettre par un mot manuscrit extrêmement chaleureux.
Ainsi, le projet pourra être réalisé non seulement pour un coût très inférieur à celui de l'avenue de Ségur, mais aussi dans des délais sensiblement plus courts, c'est-à-dire avant la fin de l'année 2009 et non en 2010, monsieur Gouteyron, puisque nous avons eu un échange à ce sujet.
M. Adrien Gouteyron. Le Parlement a joué son rôle !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. L'engagement de la France pourra donc être tenu et une nouvelle convention sera signée à brève échéance entre la France et l'OIF. Un projet de loi tendant à autoriser sa ratification devrait être présenté sans difficulté au Parlement au printemps.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Je salue ce happy end d'un épisode qui avait été pour le moins troublant quant aux choix du Gouvernement concernant l'installation de l'OIF à Paris. Ne l'oublions pas, c'est un privilège pour notre pays que d'accueillir l'Organisation dans sa capitale !
J'ai bien noté le gain en matière de calendrier, puisque, c'est très important, tout devrait être prêt à la fin de 2009.
M. Adrien Gouteyron. Eh oui !
Mme Catherine Tasca. Je souhaite que cela se traduise aussi dans les faits.
Vous avez été moins précis sur le coût réel de l'opération, monsieur le secrétaire d'État.
Mme Catherine Tasca. Aussi, je souhaite que le Parlement puisse en être informé dès que le programme précis des aménagements aura été établi.
Enfin, la superficie disponible dans le nouveau projet semble être sensiblement inférieure à celle qui avait été envisagée avenue de Ségur. Or le programme incluait dans la fonction du futur siège de l'OIF une dimension culturelle intéressante, grâce à un espace consacré à des conférences et des expositions.
Savez-vous déjà, monsieur le secrétaire d'État, si la configuration des locaux sur lesquels s'est porté le choix du Gouvernement permettra de maintenir ce type d'activités ? Il est très important pour les pays membres de la francophonie que le siège de l'Organisation soit non seulement une institution bureaucratique - même si les services et bureaux sont bien sûr nécessaires -, mais aussi un vrai lieu de rendez-vous, un point de rencontre pour tous ceux qui participent à la vie de l'Organisation internationale de la francophonie.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, il sera possible très rapidement d'organiser des expositions dans une salle prévue à cet effet, après quelques aménagements auxquels fait allusion le président Abdou Diouf dans sa lettre.
Quant au financement, il sera évidemment évoqué de manière transparente avant le débat parlementaire.