Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10 du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation doivent être conçus, construits, installés, exploités et entretenus de façon à présenter, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les machines de levage ou portage de personnes doivent être conçues, construites ou équipées de façon que les accélérations et décélérations de l'habitacle ne créent pas de risques pour les personnes.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Le présent amendement a pour objet de renforcer la sécurité des manèges les plus dangereux.
Certains accidents atypiques survenus sur des attractions dites extrêmes, qui, par des dénivelés de plus de 150 mètres à la verticale, des loopings ou des systèmes de lancement des passagers, atteignent en quelques secondes des accélérations et des décélérations de plus et moins 6G, ont conduit des médecins à s'interroger sur l'innocuité de ces équipements.
Aujourd'hui, outre-Atlantique notamment, les autorités envisagent l'interdiction des manèges développant plus de 4G d'accélération.
La commission de sécurité des consommateurs a fait des remarques à propos de ce type de manège.
Des études récentes effectuées par plusieurs médecins, ici en France, montrent en effet que le coeur atteint, sur ces manèges, en quelques secondes, un rythme très élevé, de 70 à 153 battements par minute. Le temps d'exposition très court à ces vitesses les rendrait sans conséquence pour les personnes en bonne santé, mais potentiellement dangereuses pour celles qui sont sujettes à des troubles cardio-vasculaires.
Les spécialistes de physiologique aéronautique confirment que les accélérations positives drainant progressivement le sang vers le bas du corps entraînent une accélération du coeur, qui cherche à compenser le déséquilibre de la pression sanguine.
Sans entrer dans le détail de ces études, j'en appelle néanmoins aux médecins présents dans cet hémicycle, qui en savent beaucoup plus que moi, pour me confirmer la véracité des observations consignées par ces spécialistes. En fait, monsieur le secrétaire d'État, je crains que ne produise un jour un accident mortel. Nous déciderons alors de refaire un texte de loi pour ce cas précis, comme nous le faisons aujourd'hui pour les deux morts survenues l'été dernier.
Le rôle du Parlement et du Gouvernement n'est peut-être pas de réagir au coup par coup, en fonction de l'actualité. Nous devons aussi prévoir, devancer les situations. Aujourd'hui, pour attirer les clients -- parce que c'est de cela qu'il s'agit -, les professionnels cherchent l'extraordinaire et toujours plus de sensations. Il nous appartient donc de mettre un certain nombre de barrières à cette « exagération de l'excessif ».
Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement, comme vient de le dire M. Pastor, vise à soumettre les attractions de levage et de portage de personnes à une obligation de sécurité.
Monsieur Pastor, ce qui est vrai pour l'ensemble des manèges, dans cette proposition de loi, l'est à plus forte raison pour une catégorie d'entre eux, les manèges dits « extrêmes ».
Cet amendement ne fait que répéter l'obligation générale de sécurité des manèges prévue par l'article 1er. L'ensemble des manèges, et non pas seulement les plus rapides d'entre eux, devront donc, en vertu de ce texte, ne pas porter atteinte à la sécurité ni à la santé des personnes. Je rappelle également que, si la loi comprend des dispositions de portée générale, elle renvoie au décret pour leur application.
Pour cette raison, cher collègue, je vous suggère de retirer cet amendement, qui n'apporte rien et ne fait que répéter des obligations générales. Sinon, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Pastor, nous avions déjà évoqué cette question en première lecture et, comme vient de le dire M. le rapporteur, cet amendement n'apporte pas d'élément nouveau au regard des dispositions qui figurent déjà dans le texte.
En effet, ainsi que le prévoit l'article 1er, les lieux et les matériels doivent présenter « la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ». Cette disposition inclut bien les phénomènes d'accélération et de décélération que vous avez brillamment décrits, monsieur le sénateur.
Ce phénomène de vitesse dépend également du type de manège, de sa conception, mais aussi des dispositifs de protection, c'est-à-dire que les sièges, les dispositifs de retenue prévus doivent être adaptés. Tout cela, à notre avis, relève donc plutôt du décret d'application, qui doit mettre l'accent sur les risques particuliers liés aux vitesses et aux accélérations, en renvoyant - ainsi que nous l'avons évoqué également en première lecture - à la norme NF EN 13 814 ou à toute autre spécification technique assurant un bon niveau de sécurité.
Pour toutes ces raisons, comme l'a très bien dit M. le rapporteur, le Gouvernement sollicite le retrait de votre amendement, qui est satisfait par le texte tel qu'il est proposé. À défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Pastor, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Pastor. Je suis têtu, je vais le maintenir !
M. le secrétaire d'Etat a parlé de « décret d'application » et je souhaite effectivement - je suis dans mon rôle de parlementaire - connaître les suites données à ce texte, savoir comment le décret sera rédigé, car cette question me paraît importante. Vous nous dites qu'un décret précisera ce point ; je prends donc la balle au bond, monsieur le secrétaire d'État !
Même si cet amendement a peu de chances d'être adopté, j'en conviens, je le maintiens et je compte sur vous pour que le décret fasse allusion aux allures un peu excessives de certains manèges.
M. Charles Gautier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Notre groupe votera pour l'amendement de nos collègues socialistes, qui soulève une réelle question dont il faut effectivement tenir compte. Nous avions déjà discuté de ces problématiques en première lecture.
Je pense qu'il n'est pas trop tôt pour intégrer, au moins dans la réflexion, la dangerosité de ces manèges et de cette demande potentielle d'aller toujours plus vite, toujours plus haut, comme l'a souligné notre collègue M. Pastor.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Tout nouveau manège, machine et installation pour fêtes foraines ou pour parcs d'attraction mis en service en France doit être conforme à la norme NF EN 13814 à compter de la publication de la présente loi.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Aurai-je plus de chance cette fois ?... (Sourires.)
L'amendement n° 2 vise à introduire dans la loi une norme européenne entrée dans l'ordre juridique national le 17 septembre 2007. Il nous paraît logique que le texte de la loi française fasse référence à cette norme européenne.
Comme je l'ai précisé lors de la discussion générale, cet amendement tend à rendre obligatoire l'application de la norme NF EN 13814 à tous les nouveaux matériels mis en service dans notre pays. C'est le moins que l'on puisse faire quand il s'agit de la vie de nos concitoyens !
Vous le savez, les normes sont, par nature, des référentiels d'application volontaire. Mais le principe de la référence aux normes homologuées dans les réglementations est chose courante et encouragé depuis l'entrée en vigueur du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation.
Vous nous proposez, monsieur le rapporteur, de faire de la norme NF EN 13814 une simple référence technique, utilisée pour définir les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, machines et installations actuellement en service.
Je vous propose, pour ma part, d'aller plus loin, et de rendre cette norme d'application obligatoire pour tous les manèges qui entreraient en service à compter de la promulgation de cette loi. Ainsi, la profession se conformera peu à peu à la norme de sécurité reconnue par toutes les institutions au niveau européen, en se fournissant en matériel conforme.
Il nous paraît évident que, enfin, nous appliquions nous-mêmes aux manèges ce que nous avons décidé hier à Versailles pour la mise en place du nouveau traité européen. En deux mots, il s'agit de mettre en oeuvre une relation nouvelle entre la France et l'Europe !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. M. Pastor et les membres du groupe socialiste souhaitent inscrire, dès l'article 1er, la référence à la norme publiée par l'AFNOR. Je rappelle, pour nos collègues, que cette norme spécifie des exigences en matière de conception, de construction, d'installation, de maintenance et d'exploitation des équipements de loisirs, dont les manèges.
J'attire votre attention, mon cher collègue, sur le fait que les dispositions concernées sont de nature réglementaire ; elles n'ont pas leur place dans un texte de loi, d'autant que le projet de décret y fait explicitement référence dans son article 2, ce qui est de nature à rassurer nos collègues sur ce point. Par ailleurs, M. le ministre avait confirmé, lors de la séance publique du 30 octobre 2007, que le décret ferait « référence à la norme visée par l'amendement ».
Il s'agit bien d'une difficulté de compréhension entre nous, entre le législatif et le réglementaire. Comme pour l'amendement précédent, je rappellerai que, si la loi comprend des dispositions de portée générale, elle renvoie au décret pour leur application. Pour cette même raison, monsieur Pastor, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage le point de vue de la commission. Nous avions déjà eu l'occasion d'évoquer ce sujet en première lecture, monsieur Pastor.
Effectivement, la loi fixe les principes généraux de sécurité auxquels doivent être soumis les manèges, les machines et les différentes installations. Vous voudriez faire référence à une norme qui, par définition, est de nature évolutive.
Par ailleurs, la référence à cette seule norme dans la loi serait insuffisante pour la protection des consommateurs. J'ai eu l'occasion d'indiquer, en première lecture, que le Gouvernement préciserait, dans le décret d'application, ce point qui vous est cher. Je suis en mesure de vous annoncer que nos services préparent actuellement ce décret, qui devrait être prêt dans le courant du mois de février et sera présenté au Conseil d'État dans le courant du mois de mars.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sollicite, lui aussi, le retrait de votre amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. Charles Gautier. C'est parce que vous êtes pour que vous êtes contre !
Mme la présidente. Monsieur Pastor, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Pastor. Madame la présidente, je suis ravi de constater que, à la suite de la première lecture, le Gouvernement a décidé de prendre un décret qui reprécisera cette question. Sincèrement, le fait qu'une loi française - et ce ne serait pas la première fois - fasse référence à un certain nombre de directives ou de recommandations européennes ne me gêne pas !
C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation sont soumis à un contrôle technique initial et périodique portant sur leur état de fonctionnement et sur leur aptitude à assurer la sécurité des personnes. Ce contrôle technique, effectué ou vérifié par des organismes agréés par l'État, est à la charge des exploitants. - (Adopté.)
Article 2 bis
Tout exploitant de manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation est tenu de faire connaître au public, par voie d'affichage, le nom de l'organisme de contrôle technique et la date de la dernière visite de contrôle de l'équipement. - (Adopté.)
Article 2 ter
Un rapport du Gouvernement est remis chaque année au Parlement sur l'accidentologie survenue lors des fêtes foraines et dans les parcs d'attraction. - (Adopté.)
Mme la présidente. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Yannick Texier, pour explication de vote.
M. Yannick Texier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, aussi surprenant que cela puisse paraître, les manèges et attractions ne sont soumis, en France, à aucun texte spécifique. Cela tient, pour partie, à des raisons historiques qui ont fait de la fête foraine un espace de liberté.
La réglementation en vigueur date de 1983 et il est bien évident, près de vingt-cinq ans plus tard, qu'il fallait prendre des dispositions strictes de sécurité et de contrôle au regard des nouveaux manèges, dont les performances sont sans commune mesure avec celles des manèges de 1983.
Jusqu'à présent, la sécurité des manèges et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction relevait simplement de l'obligation générale de sécurité inscrite dans le code de la consommation. Une réglementation propre aux fêtes foraines et parcs d'attractions en matière de sécurité est donc aujourd'hui la bienvenue.
La proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson vise, en conséquence, à créer un cadre légal pour réglementer spécifiquement la fabrication et l'exploitation des attractions foraines et des parcs de loisirs, ainsi qu'à confier à des organismes indépendants et agréés par l'État le soin de vérifier ou d'effectuer eux-mêmes des contrôles techniques périodiques, permettant de s'assurer de la sécurité de ces machines pour des utilisateurs toujours plus nombreux et amateurs de sensations toujours plus fortes.
Ce texte prévoit donc de donner une valeur légale et réglementaire aux stipulations de la convention du 17 août 2007 sur la sécurité des manèges, conclue sur l'initiative de Mme le ministre de l'intérieur, et qu'elle-même a signée - avec les représentants des forains, des organismes de contrôle, l'Association des maires de France - tout comme les secrétaires d'État à la consommation et aux entreprises.
Les propositions du rapporteur de la commission des affaires économiques, adoptées en première lecture par le Sénat le 30 octobre dernier, ont été confirmées par l'Assemblée nationale, et nous nous en réjouissons. Les quelques modifications rédactionnelles qui ont été apportées par nos collègues députés ne remettent pas en cause l'économie générale du texte, mais apportent des précisions d'importance dont nous nous félicitons.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP, dans son ensemble, apportera son entier soutien à cette proposition de loi si attendue ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier notre rapporteur, qui est l'auteur de l'ensemble de cette proposition de loi.
Ce dispositif faisait défaut dans notre pays. Il convenait de mieux cadrer l'utilisation des manèges et l'organisation des fêtes foraines, afin que les maires ne soient plus soumis à une pression, sans disposer des outils leur permettant de contrôler ce qui se passe sur le territoire de leur propre commune. Pour toutes ces raisons, je tenais à vous remercier de cette démarche, monsieur le rapporteur. Mes remerciements s'adressent également à M le secrétaire d'État.
Il est vrai que j'ai eu moins de chance en deuxième lecture qu'en première, mais je n'ai pas oublié l'accord positif de M. le rapporteur, en première lecture, sur la publicité des contrôles, afin que les utilisateurs et les citoyens puissent savoir exactement à quel moment et par qui les contrôles des équipements ont été réalisés. Ces mesures nous semblent aller dans le sens de la transparence qui est aujourd'hui nécessaire dans notre société.
Pour ces raisons, et aussi parce que ce texte facilitera la vie sur le territoire national, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Si vous le permettez, madame la présidente, j'adresserai quelques mots de remerciement à l'ensemble de mes collègues, à M. le secrétaire d'État, ainsi qu'aux administrateurs qui m'ont accompagné dans la préparation de cette proposition de loi. Après tout, nous ne votons pas souvent des propositions de loi ; nous adoptons plutôt des projets de loi !
Cette unanimité retrouvée, comme en première lecture, démontre à l'évidence que, dès lors que le Parlement - et, en particulier, le Sénat - s'intéresse à la sécurité de nos concitoyens, il sait faire preuve de cohésion.
Je remercie l'ensemble des groupes et M. le secrétaire d'État pour nous avoir accompagnés dans l'étude de ce texte qui touche véritablement au quotidien des consommateurs : plus de cent millions de passagers utilisent les manèges chaque année ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de l'examen de cette proposition de loi, je voudrais vous remercier pour votre belle unanimité sur ce texte et, surtout, féliciter Pierre Hérisson, qui en a pris l'initiative, sur un sujet qu'il connaît bien. En effet, au sein de l'Association des maires de France, il a été, depuis de nombreuses années, l'interlocuteur du monde du loisir et des forains, et il a travaillé très tôt sur des propositions susceptibles d'améliorer la situation.
Cette proposition de loi est donc la consécration d'un travail de longue haleine, mené en partenariat entre l'Association des maires de France, le Parlement et le Gouvernement - je voudrais également remercier Michèle Alliot-Marie pour l'excellente coopération entre les services des ministères de l'intérieur et de la consommation sur ce sujet. Ce texte permet une véritable amélioration de la protection au quotidien des consommateurs.
Merci pour celle belle unanimité, qui va dans le sens d'une vraie revalorisation du travail du Parlement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
8
Organismes génétiquement modifiés
Discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (nos 149, 181).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d'État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économique, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat parlementaire est évidemment essentiel : tout d'abord, parce qu'il représente le premier passage du flambeau, dans ce processus du « Grenelle de l'environnement », de la société réunie dans toute ses composantes aux représentants élus de la nation ; ensuite, parce qu'il engage des perspectives de moyen et long terme qu'il s'agit de peser véritablement dans ces dimensions. Ce débat aurait-il donc pu mieux commencer ailleurs qu'au Sénat ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez aussi bien que moi les questions auxquelles nous sommes confrontés. Nous entrons dans un monde fini, avec des ressources finies et fragiles : climat, sols, services que nous rendent jour après jour les systèmes vivants, eau douce... Nous devons inventer un développement raisonnable, viable, praticable pour un peu plus de six milliards d'habitants et, bientôt, neuf milliards d'êtres humains. Autant dire que la manoeuvre est délicate : l'erreur et la négligence en seront d'autant plus coûteuses, l'inventivité et la responsabilité d'autant plus impératives.
Le sujet d'aujourd'hui a toute la dignité et la complexité de la politique, dans le sens le plus noble du terme : il s'agit de construire un cadre juridique responsable, après en avoir pesé tous les aspects - y compris à terme -, pour les applications dans notre société de technologies nouvelles : les modifications génétiques d'organismes vivants.
Il y aura d'autres générations de produits biotechnologiques créés à partir de végétaux ou d'animaux, d'autres techniques émergentes.
M. Bernard Chevassus-au-Louis, président du Muséum national d'histoire naturelle, disait en 2005, dans une interview, qu'il fallait « une nécessaire cohérence des attitudes vis-à-vis du regard sur les risques et les bénéfices : si l'on défend le caractère potentiellement ?révolutionnaire? des bénéfices, il faut admettre que les risques posent des problèmes radicalement nouveaux. Ou alors, on défend la thèse de la double continuité. »
Nous devons donc voir loin dès aujourd'hui. Les sciences cherchent et trouvent ; la démocratie, à travers ses représentants, doit pouvoir choisir comment elle utilise, avec lucidité, volonté et cohérence, les résultats de la science.
Il y a urgence, parce que les biotechnologies font déjà partie des techniques qui auront le plus d'incidence sur nos activités, nos références sur le vivant et, bientôt, sur nous-mêmes. Il s'agit d'en faire ce que nous voulons, et non pas l'inverse.
Il y a urgence, parce que, aujourd'hui, très pratiquement, les OGM représentent 100 millions d'hectares de cultures en Argentine, aux États-Unis, au Brésil ou au Canada, avec les questions multiples, roses ou grises, que pose cette situation.
Il y a urgence, parce que de grandes firmes étrangères déposent des brevets, suscitent des règles de droit et capturent des marchés.
Il y a urgence, parce que les recherches, où qu'elles se développent, ne sont pas à la hauteur des questions posées : comment réussir des agricultures diversifiées, robustes, économes en eau, en énergies fossiles, en engrais et en pesticides ? Comment bâtir un équilibre géopolitique, porteur de paix, alors que la surface cultivable par terrien se réduit drastiquement et que les ressources agricoles renchérissent ? Comment assurer que l'agriculture sera aussi écologique, c'est-à-dire qu'elle ne contribuera pas à fragiliser davantage encore les fonctionnements biologiques dont nous dépendons ? Comment garantir, dans cette évolution, efficacité, mais aussi équité et justice, conditions indispensables à la pérennité des démocraties ?
Nous avons besoin, à l'évidence, d'accroître rapidement les connaissances scientifiques et pratiques pour que toutes ces questions soient traitées avec la même célérité, afin de garantir aux politiques qu'ils prennent des décisions éclairées, comme ce sujet l'exige.
Sur plusieurs de ces aspects, des interrogations ont été exprimées par les nombreux groupes de travail ayant oeuvré dans le cadre du Grenelle de l'environnement, composés d'agriculteurs, de scientifiques, d'élus, de représentants d'associations de consommateurs, familiales et de défense de l'environnement. Certaines questions ont également été débattues au sein du comité de préfiguration d'une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés.
À l'occasion de ces divers échanges, ont émergé des observations, des interrogations nouvelles concernant la dissémination du pollen à longue distance, les incidences des OGM sur la faune du sol ou sur des insectes non ciblés, la persistance éventuelle de toxines Bt.
Il est, en outre, apparu délicat que l'on ne puisse pas réaliser d'études épidémiologiques sur l'impact des OGM sur la santé humaine, y compris aux États-Unis. Il faut souligner, en particulier, la difficulté d'assurer la traçabilité des OGM du végétal jusqu'au consommateur. A été également évoquée la question des protocoles toxicologiques pratiqués pour des plantes modifiées.
Ces interrogations sont présentes dans la société française et, d'une manière générale, dans l'ensemble des sociétés. Plus largement, quand on lit la presse, quand on écoute les discussions, on constate que le débat sur les OGM est un débat scientifique, certes, mais pas seulement.
C'est un débat agronomique et technique : quels moyens divers, fournis par les sciences et les pratiques de terrain, sont à notre disposition pour atteindre les objectifs que j'évoquais au début de mon intervention ?
C'est un débat écologique : quelles solutions sont possibles pour produire demain, sous les climats divers et rapidement changeants de la planète, en conservant cette assurance-vie qu'est la diversité du vivant et des écosystèmes ?
C'est un débat économique, qui touche toutes les filières agricoles et agroalimentaires, et qui porte aussi sur la robustesse et la relative autonomie des économies paysannes, pas seulement dans les pays du Sud.
C'est un débat juridique, qui veut préserver, au-delà des technologies, qui ne doivent être que des moyens, le droit à produire et à consommer, avec ou sans OGM, sans que cela nuise à l'autre dans le premier cas.
C'est enfin un débat sociétal : les Français veulent savoir ce qu'ils mettent dans leur assiette et dans celle de leurs enfants ; ils veulent savoir si les OGM auront une incidence sur leur santé ou sur celle des générations futures ; ils veulent savoir si, demain, ils pourront continuer à consommer des produits de qualité.
Aussi difficiles que soient ces interrogations, nous n'avons pas le droit de les ignorer. La décision politique doit prendre tous ces aspects en compte. Elle a besoin, pour l'éclairer et non pour se substituer à elle, d'une expertise pluraliste. C'est ce que recommandent Marion Guillou, présidente-directrice générale de l'Institut national de la recherche agronomique, Bernard Chevassus-au-Louis et Michel Griffon, agronome et conseiller au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, qui, dans une déclaration commune formulée dans le cadre de l'intergroupe de travail sur les OGM du Grenelle de l'environnement, en ont appelé à « une expertise scientifique menée de façon collective, pluridisciplinaire, contradictoire et transparente ». Ils ont aussi estimé que la société civile et la pratique de terrain doivent être associées à cette expertise sous la forme d' « un deuxième collège de représentants de la société civile dans une nouvelle instance d'expertise » qui devra « rendre un avis incluant les contributions des deux collèges ».
À l'évidence, ce n'est pas faire injure à telle ou telle discipline que de reconnaître qu'elle ne peut couvrir seule tout ce champ. Ce n'est pas menacer ses crédits de recherche, bien au contraire, que de juger ces sujets tellement cruciaux qu'ils doivent irriguer une large palette de laboratoires, qui s'enrichiront réciproquement de leurs découvertes, ce qui renforcera l'originalité et la fécondité de leurs travaux.
C'est parce que le débat dépasse largement la seule sphère scientifique que le Président de la République a voulu cette grande conférence des parties prenantes, ce dialogue enfin possible entre toutes les légitimités sociales. Il fallait ce temps pour que tous les acteurs puissent s'exprimer directement, tous devant tous. Il fallait ce temps de décloisonnement des enjeux pour que chacun comprenne les espoirs et les craintes des autres : consommateurs, agriculteurs pratiquant toutes formes d'agricultures, associations, élus locaux, chercheurs, entreprises.
Au fond, pendant cette période de très long débat approfondi, nous sommes sortis du carcan des préjugés et des tabous. Pour la première fois, sur ce sujet, tous les acteurs ont pu mettre sur la table ce qu'ils savaient et ce qu'ils voulaient savoir. La parole et l'écoute pouvaient être saisies de la même façon par toutes les parties prenantes. Envisager en commun une telle question requérait, pour les uns et les autres, une forme de courage.
En définitive, les grands gagnants de ce débat, ce sont la lucidité et la recherche dans toutes ses composantes, toutes ses disciplines, une recherche « juge de paix » quand il s'agit de déceler les ouvertures, les risques, les espoirs fondés.
Puis, il y a eu le temps présidentiel, fondateur, qui a permis de traduire les aspirations en ligne politique, les souhaits en principes d'action.
Oui, comme l'Autriche, nous avons eu des doutes sur une espèce particulière d'OGM pesticide. Oui, nous avons décidé, comme d'autres, d'enclencher une procédure contradictoire dans la perspective d'une clause de sauvegarde, en attendant les résultats d'une nouvelle expertise, demandée par la Commission européenne et qui est nécessaire pour obtenir une homogénéité des positions en Europe. Une vérité au-deçà des Pyrénées doit être une vérité au-delà !
Les protocoles d'évaluation datent de dix ans. Les sciences avancent vite, leurs progrès ouvrent de nouvelles questions, en affinent d'anciennes. Nous ne pouvons pas choisir une science contre les autres, nous ne faisons pas notre marché arbitrairement parmi les savoirs : en toute responsabilité, nous devons tous les prendre en compte.
Oui, nous avons le devoir, à l'égard des Français et des générations futures, d'appliquer le principe de précaution de façon cohérente et renseignée par les connaissances les plus récentes en provenance de toutes les disciplines.
Oui, comme les Allemands hier à Goslar, nous souhaitons renforcer l'expertise et améliorer la transparence de la procédure d'autorisation européenne pour les organismes génétiquement modifiés.
Il faudra donc travailler à compléter les critères d'évaluation en fonction de l'avancée des connaissances. En résumé, la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés devra pouvoir non seulement commander des recherches, mais aussi contribuer activement à faire évoluer les protocoles d'évaluation. Elle devra être pluridisciplinaire et faire droit aux savoirs de terrain, afin que les modèles intègrent les observations, et que les secondes valident et stimulent les premiers.
Enfin, notre pays doit investir massivement dans la recherche et, prioritairement, renseigner la société et les politiques sur les questions devant lesquelles nous sommes encore démunis et avons un retard d'information à combler.
Nous venons ainsi de multiplier par trois, sur proposition du Premier ministre et de Valérie Pécresse, les crédits alloués à la recherche sur les OGM. Il faudra irriguer tous les pans des savoirs dont nous avons besoin.
Oui, nous pouvons précautionneusement accepter des essais en plein champ. Comme le recommandent les trois scientifiques précités, ils doivent bien sûr être précédés de travaux en milieu confiné, être développés de manière progressive et faire l'objet de mesures de protection et de vigilance particulièrement strictes.
Ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, a pour objet de préparer l'avenir, de garantir la liberté de chacun. En effet, chacun doit avoir le droit de produire ou de consommer avec ou sans OGM, ce qui signifie sans nuire aux autres. Si, au terme de l'élaboration de la loi, un végétal modifié, puis des végétaux modifiés, sont autorisés à la culture, ce ne pourra être au détriment de cultures antérieures ni de la qualité des produits. Cette loi devra donc aussi garantir, par définition, le droit à cultiver et à consommer sans recourir aux OGM.
Notre société, qui s'inscrit dans un monde aux ressources finies, ne peut se développer que par la qualité. C'est ce que recherchent tous nos concitoyens : de la fiabilité, de la qualité et de la confiance. Or une société de la qualité et de la confiance n'existe que par des conditions strictes de transparence, de sécurité et de responsabilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est à vous qu'il revient, en dernier ressort, de mettre un terme au flou politique, juridique et économique, car le flou suscite la méfiance et multiplie les déconvenues. L'incertitude est le moteur de la recherche, mais le flou et l'irresponsabilité font négliger des pans entiers de recherche, au détriment des objectifs visés, au détriment des filières imprudemment fondées sur des bases mal analysées.
Les produits des biotechnologies sont comme d'autres produits. Ils doivent bénéficier - et par là même leurs utilisateurs - de la même rigueur, du même esprit de responsabilité et de la même sécurité que tout autre produit industriel ou alimentaire. Ce sont aussi des produits neufs, aux propriétés très particulières, certaines prometteuses, d'autres éventuellement préoccupantes.
C'est donc à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il revient de commencer à définir le cadre grâce auquel les organismes génétiquement modifiés pourront s'inscrire dans le champ de la démocratie, c'est-à-dire dans le champ de la transparence, de la liberté et du respect de la loi républicaine.