Sommaire
2. Organisme extraparlementaire
3. Coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale. - Adoption définitive d'une proposition de loi.
Discussion générale : M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois ; MM. Claude Biwer, Pierre Mauroy, Christian Cointat, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Roland Ries.
MM. le secrétaire d'État, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le président.
Amendement no 1 de M. Claude Biwer. - M. Claude Biwer, Mme le rapporteur, M. le secrétaire d'État. - Retrait.
M. le président de la commission.
Adoption définitive de l'article unique de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
4. Questions d'actualité au Gouvernement
politique économique et budgétaire de la France
MM. Guy Fischer, Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
application de la loi Leonetti sur la fin de vie
M. Gilbert Barbier, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
l'avenir des relations france-gabon
MM. Jean-Pierre Cantegrit, Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
situation financière de la france
MM. François Marc, Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
MM. Adrien Giraud, Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.
MM. Yannick Texier, Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.
politique industrielle de la France
MM. Jean-Marc Todeschini, Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
MM. Gérard Dériot, Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
situation dans l'éducation nationale
MM. Jean-Luc Mélenchon, Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.
banderole déployée à l'occasion du match PSG-Lens
Mme Béatrice Descamps, M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
5. Candidatures à des organismes extraparlementaires
6. Adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament. - Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture.
Discussion générale : Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; MM. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Jean-Pierre Michel, François Autain, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
Mme la ministre.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er ter, 5, 6 et 7. - Adoption
Article additionnel avant l'article 8
Amendement no 1 de M. François Autain. - MM. François Autain, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement no 2 de M. François Autain. - MM. François Autain, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 8
Amendement no 3 de M. François Autain. - MM. François Autain, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Pierre Fourcade. - Rejet.
Mme Catherine Procaccia, M. François Autain, Mme la ministre, MM. André Lardeux, Jean-Pierre Michel.
Adoption définitive du projet de loi.
7. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
compte rendu intégral
Présidence de M. Guy Fischer
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
organisme extraparlementaire
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission du dividende numérique.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires culturelles à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
3
Coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale
Adoption définitive d'une proposition de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale, par la mise en conformité du code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire relatif à un groupement européen de coopération territoriale (nos 182, 238).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai beaucoup de plaisir à intervenir ce matin, dans mes nouvelles fonctions de secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, pour examiner une proposition de loi relative aux groupements européens de coopération territoriale, les GECT, émanant de M. Marc-Philippe Daubresse et plusieurs de ses collègues et adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale.
Je dois le dire d'emblée, ce texte important est au service de l'Europe des citoyens, une Europe incarnée dans des projets concrets et des réalisations qui ne le sont pas moins.
Aujourd'hui, c'est en quelque sorte l'Europe de la coopération au service de nos collectivités territoriales qu'il s'agit, à travers ce texte de loi, de mettre en oeuvre.
Le groupement européen de coopération territoriale sera l'instrument de droit commun de la coopération transfrontalière, transnationale ou interrégionale sur le territoire de l'Union européenne. Il permettra des coopérations inédites dans des domaines comme les transports, la santé, l'éducation ou la gestion des espaces protégés.
Vous le savez, en juillet 2004, la Commission européenne a souhaité inclure ce nouvel instrument de coopération dans la réforme de la politique régionale.
Trois raisons ont ainsi présidé à la création du groupement européen de coopération territoriale.
Tout d'abord, les instruments juridiques existants, à l'instar du groupement européen d'intérêt économique, le GEIE, s'étaient en fait révélés quelque peu inadaptés pour organiser une coopération efficace sur la période de programmation 2000-2006.
Ensuite, compte tenu notamment de l'augmentation du nombre de frontières terrestres et maritimes de l'Union européenne à la suite de son élargissement, il était nécessaire de faciliter le renforcement de la coopération transfrontalière au sein de l'Union européenne.
Enfin, les structures juridiques en matière de coopération transfrontalière étaient multiples et reposaient sur des accords internationaux bilatéraux.
Cette multiplicité de statuts était alors souvent source de complexité et de confusion et constituait, en réalité, un frein à l'aboutissement des projets de coopération transfrontalière.
Ainsi, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à rappeler particulièrement ce point devant vous, pour la première fois, le GECT permettra non seulement à des collectivités territoriales, mais aussi à des organismes de droit public d'États membres de l'Union européenne de passer des conventions directement avec des États étrangers en dehors du cadre de l'État d'origine.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui modifie l'article L. 1115-5 du code général des collectivités territoriales, afin de permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de déroger, uniquement dans le cas de la création d'un GECT, à l'interdiction expresse de passer des conventions avec des États étrangers. Cela va de soi, la signature de telles conventions doit être préalablement autorisée par le représentant de l'État dans la région.
Je tiens toutefois à préciser que l'entrée en vigueur du règlement GECT, effective depuis le 1er août 2007 sur le territoire de l'Union européenne, n'affecte pour autant ni la validité des accords existants ni la possibilité pour les États membres qui le souhaitent de négocier des accords internationaux visant la coopération transfrontalière.
J'insiste sur ce point, un tel outil demeure une option offerte, qui ne substitue pas aux outils existants.
Madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, s'engager sur la voie de la coopération transfrontalière, c'est s'engager sur la voie de la coopération effective et concrète entre les populations ainsi que sur celle de la cohérence des projets frontaliers.
Par ailleurs, je le précise, ce texte ne doit, en aucun cas, servir à l'exacerbation des irrédentismes régionaux, qui pourrait menacer la cohésion de certains États.
Aussi, le Gouvernement est favorable à une adoption rapide de cette proposition de loi, et ce pour deux raisons principales.
D'une part, la Commission européenne veille à la bonne mise en oeuvre du règlement GECT, qu'il nous appartient d'appliquer de manière directe et immédiate, comme le stipulent d'ailleurs les actes de cette nature. Le Gouvernement français, de son côté, veillera à ce que cette mise en oeuvre soit conforme à l'esprit du texte et au respect de notre souveraineté nationale.
D'autre part, de nombreuses collectivités territoriales françaises se sont d'ores et déjà engagées dans des projets GECT. Je pense ici, par exemple, à l'Eurométropole Lille-Courtrai-Tournai, due à l'initiative de l'ancien Premier ministre Pierre Mauroy et officiellement lancée le 28 janvier dernier. Elle devrait être suivie rapidement d'autres initiatives, telles que celle qui devrait associer, pour certains projets communs, les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées et les communautés autonomes de Catalogne et des Baléares. Je citerai également le programme franco-luxembourgeois « Alzette-Belval 2015 », qui associera quatre communes luxembourgeoises à la communauté de communes du pays Haut-Val d'Alzette.
D'une façon générale, tout en encourageant de telles initiatives, je souhaite que l'État, au travers des préfets, soit présent dans les GECT, afin d'assurer la bonne cohérence de ces projets.
Aujourd'hui, une nouvelle étape peut, me semble-t-il, être franchie, avec la mise en place des bases juridiques qui permettront la coopération entre des collectivités et des organismes publics en faveur d'un bassin de vie, d'emplois ou, encore, d'infrastructures.
Il nous faut en effet oeuvrer au profit des intérêts mutuels des territoires.
Dans le cadre de cette discussion parlementaire, le Gouvernement, soutenant cette démarche, approuve les conclusions de la commission des lois du Sénat tendant, sur le rapport de Mme Catherine Troendle, que je tiens à féliciter pour la qualité de son travail, au vote de cette proposition de loi telle qu'adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 29 janvier dernier, et il en souhaite l'adoption dans les mêmes termes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner en première lecture une proposition de loi, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 29 janvier dernier, visant à renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale, par la mise en conformité du code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire relatif à un groupement européen de coopération territoriale.
Cette proposition de loi constitue la reprise, comme vous l'avez bien évoqué tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, sous réserve de quelques légères modifications, de dispositions adoptées par le Sénat le 24 janvier 2007, sur l'initiative de la commission des lois,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. ...par le biais d'un amendement au projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens. Vous en conviendrez, cela méritait tout de même d'être souligné !
Ce projet de loi n'ayant jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et n'ayant même pas été retransmis à son bureau après les élections législatives de juin 2007, M. Marc-Philippe Daubresse et plusieurs de ses collègues ont alors pris l'initiative de transformer les dispositions adoptées par le Sénat en une proposition de loi.
Ces dispositions, que nous avions élaborées avec le concours précieux des services du ministère de l'intérieur, ont pour objet de rationaliser et de rénover les multiples instruments de la coopération décentralisée, en apportant trois modifications au code général des collectivités territoriales.
La première consiste à y introduire les mesures nécessaires à la création de groupements européens de coopération territoriale, prévue par un règlement communautaire élaboré le 5 juillet 2006 et entré en vigueur le 1er août dernier.
Le groupement européen de coopération territoriale pourra se voir confier aussi bien la gestion des programmes communautaires financés par les fonds structurels que la mise en oeuvre de projets de coopération décentralisée. Son principal intérêt est d'être commun à tous les États membres de l'Union européenne, alors que les autres instruments reposent sur des accords internationaux conclus par la France avec tel ou tel de ses voisins.
L'Assemblée nationale a approuvé la rédaction que nous avions proposée, il y a un an, sous réserve de l'extension de la possibilité d'adhérer à un groupement européen de coopération territoriale : d'une part, à l'ensemble des organismes de droit public, au sens d'une directive du 31 mars 2004 relative aux procédures de passation des marchés publics, et pas seulement aux établissements publics administratifs, par exemple un service départemental d'incendie et de secours ou un centre d'action sociale ; d'autre part, aux États frontaliers membres du Conseil de l'Europe, et pas seulement aux États membres de l'Union européenne.
Pour être inhabituelle, la référence dans un texte de loi à une directive communautaire n'est pas non plus inédite. Elle répond surtout à une demande de la Commission européenne qui a, semble-t-il, jugé trop restrictive la rédaction retenue par le Sénat.
Toutefois, la définition des organismes de droit public qui figure dans la directive du 31 mars 2004 est loin d'être claire. Elle me semble autoriser l'adhésion d'une association à un groupement européen de coopération territoriale, à la double condition que cette association ait été créée « pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial » et qu'elle soit placée sous le contrôle de collectivités publiques.
Il est à noter qu'un groupement européen de coopération territoriale de droit français a déjà été créé au mois de janvier dernier, l'Eurométropole Lille-Courtrai-Tournai, sur le fondement d'un accord franco-belge de 2002 autorisant les collectivités territoriales françaises à conclure des accords avec l'État fédéral belge.
La deuxième modification apportée au droit de la coopération décentralisée, à laquelle l'Assemblée nationale a souscrit, consiste à mettre fin à la possibilité de créer un groupement d'intérêt public, sous réserve du maintien jusqu'à leur terme des groupements existants.
Réservée à la mise en oeuvre de politiques communautaires, la formule du groupement d'intérêt public n'a guère été utilisée jusqu'à présent, sans doute en raison des lourdeurs inhérentes à sa création et à son fonctionnement. Elle a désormais vocation à être remplacée par le groupement européen de coopération territoriale.
La dernière modification que nous avions adoptée, il y a un peu plus d'un an, et à laquelle l'Assemblée nationale a également souscrit, consiste à autoriser l'adhésion des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements à des structures de droit étranger en dehors du seul cadre transfrontalier.
Il s'agit de mettre notre droit en conformité avec le deuxième protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, signée le 20 mai 1980 sous l'égide du Conseil de l'Europe, dite Convention de Madrid. Ce protocole est entré en vigueur sur notre territoire le 8 août 2007, après avoir été ratifié le 7 mai 2007. Nos collectivités territoriales et nos groupements pourront ainsi développer des coopérations avec des collectivités territoriales étrangères dont le territoire n'est pas contigu au leur.
Ces trois modifications compléteront utilement les nombreuses réformes opérées depuis quelques années, sous l'impulsion du Sénat, en matière de coopération décentralisée.
Je rappelle que, sur l'initiative de notre collègue Pierre Mauroy, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu la création de districts européens.
Puis, sur l'initiative de notre ancien collègue Jacques Oudin, la loi du 9 février 2005 a doté la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement de nouveaux instruments.
Enfin, la loi du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements, adoptée sur l'initiative de notre collègue Michel Thiollière, a donné une base légale aux actions d'aide humanitaire de nos collectivités.
Le législateur accompagne ainsi, année après année, l'essor d'une coopération décentralisée dont le dynamisme et la diversité méritent d'être salués : au total, près de 3 250 collectivités territoriales françaises et près de 6 000 liens de coopération avec des collectivités de 115 pays ont été répertoriés par la Commission nationale de la coopération décentralisée.
Avant de conclure, je souhaite évoquer brièvement la question restée en suspens de la décentralisation de la gestion des fonds structurels européens pour la période 2007-2013.
Plusieurs collectivités territoriales ont été désignées autorités de gestion de programmes opérationnels. Il s'agit bien sûr de la région Alsace, pour deux programmes relevant des objectifs « compétitivité régionale et emploi » et « coopération territoriale » de la politique de cohésion économique et sociale, mais également de la collectivité territoriale de Corse et des régions Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Guyane, Guadeloupe et Réunion, pour des programmes relevant de l'objectif « coopération territoriale » de la politique de cohésion économique et sociale.
Le gouvernement de M. Dominique de Villepin avait jugé nécessaire de recourir à la loi pour autoriser cette décentralisation, expressément prévue par les règlements communautaires, car la compétence des préfets de région repose sur une base légale.
Toutefois, depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, cette compétence n'est plus exclusive. Dès lors, la décentralisation de la gestion des fonds structurels européens ne nécessite sans doute pas l'intervention du législateur.
L'expérimentation en cours depuis quelques années mérite d'être poursuivie au regard des résultats obtenus par les collectivités territoriales qui y ont participé, notamment ceux de la région Alsace, mais également des craintes suscitées par la perspective d'une gestion totalement décentralisée des crédits de la politique de cohésion.
L'octroi d'importantes subventions globales à de nombreuses collectivités territoriales pour la mise en oeuvre des programmes opérationnels financés par le Fonds européen de développement régional, le FEDER, et le Fonds social européen, le FSE, dans le cadre de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » de la politique de cohésion économique et sociale, mérite également d'être approuvé.
La plupart des conseils régionaux sont ainsi délégataires d'environ 40 % des crédits des programmes opérationnels régionaux financés par le FEDER. Certes, ils ne sont pas formellement autorités de gestion de ces programmes. Pour autant, l'intérêt d'une telle désignation doit sans doute être relativisé car, si elle expose la collectivité publique qui en bénéfice à d'importantes contraintes, elle ne la dispense pas d'associer les autres collectivités publiques à la sélection et à la mise en oeuvre des projets à financer.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a adopté sans modification la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Mes chers collègues, je ne peux que souscrire au principe d'une coopération « inédite, effective et concrète », que M. le secrétaire d'État a évoqué, et qu'apprécier la présentation détaillée et bien cadrée que Mme le rapporteur a faite.
Vous ne serez guère étonnés que l'élu d'une région frontalière, la Meuse, intervienne dans ce débat particulièrement important, tant il est vrai que pour nous, voisins de la Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg, la coopération transfrontalière est une réalité de tous les jours.
Le texte que nous examinons aujourd'hui fait suite à l'adoption d'un règlement communautaire relatif au groupement européen de coopération territoriale, qui a pour objet de permettre l'existence d'une structure uniforme et facilement identifiable d'association entre collectivités de différents États et de répondre, comme l'a indiqué notre rapporteur, à l'une des principales difficultés de la coopération entre collectivités territoriales, à savoir l'articulation entre des ordres juridiques différents.
Je suis persuadé que le groupement européen de coopération territoriale, qui sera doté de la personnalité juridique et soumis aux règles de droit de l'État dans lequel il aura son siège, permettra de faire émerger de nouveaux projets de coopération entre collectivités territoriales transfrontalières et de développer des coopérations déjà existantes.
Cela est d'autant plus vrai que le GECT pourra avoir pour objet aussi bien la gestion des programmes communautaires que la mise en oeuvre de projets de coopération sur la seule initiative des personnes publiques concernées, c'est-à-dire les collectivités territoriales transfrontalières qui en sont membres. Je souhaiterais à cet égard que soient précisées les collectivités concernées. Vous avez indiqué, madame le rapporteur, que 40 % des crédits FEDER dépendaient de la région. Il ne faut pas pour autant oublier l'importance de la proximité.
Cette proposition de loi met donc en conformité le droit français avec les dispositions du règlement communautaire relatif au GECT et introduit pour ce faire, dans le chapitre du code général des collectivités territoriales relatif à la coopération décentralisée, une disposition nouvelle prévoyant les modalités de création et le droit applicable à un GECT ayant son siège en France, ainsi que les conditions d'adhésion des collectivités françaises à des GECT de droit étranger.
Elle permettra, je l'espère, une application géographiquement plus étendue que celle des dispositifs existants. En région Lorraine, l'activité transfrontalière reposait presque uniquement sur l'application de l'entente Saar-Lor-Lux, pour un secteur géographique allant de la Moselle au Luxembourg, ainsi qu'à la Sarre et englobant une petite partie de la Rhénanie-Palatinat, le secteur de Trêves, mais laissant malheureusement de côté le nord de la Meurthe-et-Moselle ainsi que le nord de la Meuse, régions pourtant fortement liées à la Belgique et au Luxembourg.
Ainsi, notre proximité avec le pays d'Alzette que vous avez cité, monsieur le secrétaire d'État, offre une nouvelle possibilité de développer l'activité économique dont nous avons besoin dans ce secteur. Elle se traduit déjà par de nombreuses actions que nous menons en commun.
Les relations économiques déjà existantes dans ces secteurs témoignent des besoins locaux d'actions communes et complémentaires, et nous pouvons espérer que s'élargira, à partir de ce texte, l'application d'un nouveau dispositif qui pourrait être engagé par les collectivités territoriales et porterait tout particulièrement sur les activités économiques et touristiques. J'aimerais savoir si les collectivités communales, voire intercommunales, pourront aussi s'ouvrir à cette démarche transfrontalière.
J'ajoute que le développement de ces dernières activités serait grandement facilité si le Gouvernement nous autorisait enfin à créer des zones franches rurales. J'ai déposé une proposition de loi allant dans ce sens voilà plusieurs mois et j'ai bon espoir qu'elle sera inscrite dans les meilleurs délais à l'ordre du jour réservé du Sénat, acceptée par le Gouvernement et transmise à l'Assemblée nationale pour une application effective.
Au cours de l'examen de l'article unique de la présente proposition de loi, je proposerai un amendement autorisant les GECT à faire appel aux contrats de partenariat public-privé pour la réalisation d'éventuels investissements. Nous venons d'avoir un débat passionnant au Sénat sur ce sujet et il me paraîtrait tout à fait opportun que les collectivités publiques membres d'un GECT puissent, en tant que de besoin, faire appel à ce type de contrats.
Sous le bénéfice de ces observations, j'ai le plaisir de vous indiquer que le groupe de l'UC-UDF votera d'autant plus volontiers cette proposition de loi, qui va dans le bon sens, que nous avions déjà adopté un dispositif identique, le 24 janvier 2007, sous la forme d'un article additionnel au projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens, dont la discussion n'était pas arrivée à son terme.
C'est une belle occasion de faire une nouvelle avancée, et je vous en remercie par avance, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, de l'UMP et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est avec un plaisir tout particulier que j'interviens ce matin dans le débat sur la proposition de loi visant à renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale par la mise en conformité du code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire relatif à un groupement européen de coopération territoriale.
Je salue l'attachement à la coopération décentralisée de l'auteur de cette proposition, Marc-Philippe Daubresse, qui est le premier vice-président de la communauté urbaine de Lille. Je remercie Mme Catherine Troendle pour la qualité de son rapport, qui appuie notre souhait que le Sénat adopte ce texte à l'unanimité, comme l'a fait l'Assemblée nationale, le 29 janvier dernier.
Le groupement européen de coopération territoriale qu'il crée donnera une nouvelle et puissante impulsion, ainsi qu'un champ d'action beaucoup plus large aux démarches de coopération entre acteurs publics au-delà des frontières des États membres de l'Union européenne. Il contribuera ainsi à renforcer l'intégration européenne par des projets concrets touchant la vie quotidienne des habitants.
Attaché depuis toujours au développement de la coopération décentralisée et à celui de la construction européenne, je ne peux qu'approuver ce texte, avec l'ensemble des membres du groupe socialiste du Sénat.
Le GECT, qui fait son entrée dans notre droit, a été créé par le règlement européen du 5 juillet 2006. Né du besoin de faciliter et de promouvoir la coopération transfrontalière, interrégionale et transnationale entre les membres de l'Union européenne, il est l'un des instruments de la politique de cohésion économique et sociale conduite par l'Union pour la période 2007-2013.
Il se distingue sur plusieurs points des autres mécanismes de coopération existants, comme vous l'avez démontré, madame.
Il ne se substitue ni aux diverses conventions de coopération en vigueur ni aux accords internationaux, comme l'accord de Karlsruhe, par exemple. Au contraire, il les complète.
Ainsi, il peut être utilisé non seulement pour des actions de coopération transfrontalière locale, ce qui était le cas auparavant, mais aussi pour des actions de coopération transnationale et interrégionale.
Il est ouvert à toute personne morale de droit public et peut donc inclure des États ou des organismes de droit public, ce qui manquait d'ailleurs à bien d'autres accords de coopération.
Certaines de ses dispositions étant incompatibles avec le droit français actuel, il fallait modifier notre législation. L'article unique de la proposition de loi dont nous sommes saisis prévoit les modalités de création et le droit applicable à un GECT ayant son siège en France, ainsi que les conditions d'adhésion des collectivités à des GECT de droit étranger. Il lève, notamment, l'interdiction faite aux collectivités françaises de passer des conventions avec des États.
Cet article a pour objet de modifier les articles 1115-2, 3, 4 et 5 du code général des collectivités territoriales pour aller dans ce sens. Je ne reprendrai pas l'analyse juridique remarquable que vous venez de développer, madame.
Je voudrais surtout vous dire que ce texte assez remarquable, dont l'élaboration a duré de longues années, ne descend pas du ciel des instances européennes. Je saisis l'occasion pour remercier les membres des gouvernements successifs avec lesquels j'ai échangé des correspondances et qui ont toujours montré beaucoup de bonne volonté pour surmonter les obstacles - et il y en a eu beaucoup ! - et passer du groupement local de coopération territoriale à ce groupement européen de coopération territoriale. Un adjectif change et tout change !
Pour ma part, en tout cas, ce texte concrétise l'aboutissement de dix-sept années de travail sur le terrain au service de la coopération transfrontalière entre la France et la Belgique. L'opération a été délicate. Je présidais la Communauté urbaine de Lille - Lille Métropole, je la préside encore pour une semaine. Il a fallu passer la frontière, travailler avec d'autres territoires et surtout d'autres collectivités pour rassembler et créer le groupement local de coopération transfrontalière. Lorsque l'opportunité s'est présentée d'une coopération transfrontalière européenne incluant l'ensemble des territoires de l'Europe, nous avons évidemment changé notre fusil d'épaule et souhaité devenir un GECT.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, nous avons subi de telles crises menaçantes pour notre identité que notre problème était de relancer cette région qui ne trouvait pas sa place - ou du moins, pas facilement - dans l'aménagement du territoire.
La région parisienne ne cesse de grandir, englobant de nouveaux départements à travers des structures créées en ce sens. J'ai interrogé tous les ministres sur le point de savoir ce qu'ils allaient faire de ces deux petits canards que sont le Nord et le Pas-de-Calais, situés au-dessus de cette grosse boule de la région parisienne. En guise de réponse, on me renvoyait toujours, sur un ton un peu gêné, à mon aptitude à nouer des relations internationales, en particulier avec les pays européens voisins. Par conséquent, la vocation du Nord-Pas-de-Calais était certainement de trouver des solutions sur le plan international.
Voilà comment j'en suis venu à me dire qu'il fallait créer, et, par conséquent, faire émerger une grande eurométropole bilingue et triculturelle de 2 millions d'habitants, au coeur du triangle Londres-Paris-Bruxelles. La communauté urbaine de Lille compte 1 million d'habitants, celle de Courtrai-Tournai également. Par conséquent, c'est un ensemble de 2 millions d'habitants qui est rassemblé dans le GECT.
Nous souhaitions tellement cette grande eurométropole que, comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'État, et vous aussi, madame la rapporteure, nous avons anticipé le vote de ce texte. Ainsi, grâce à la dérogation obtenue par le préfet de région, M. Canepa, le premier groupement européen de coopération territoriale est né voilà un peu plus de deux mois, le 28 janvier 2008. Il s'agit de l'eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Si je dis Kortrijk, c'est, bien entendu, de Courtrai qu'il s'agit, mais c'est une concession que nous avons faite à nos amis flamands. Par conséquent, le titre comporte deux noms français et un nom flamand - Lille-Kotrijk-Tournai - pour un ensemble qui regroupe 145 communes françaises et belges. La première assemblée qui a été réunie ce jour-là m'a fait l'honneur de m'élire à la présidence de cette entité.
L'entreprise a été ardue et les obstacles nombreux, mais je crois que la force et la volonté des quatorze membres fondateurs, au premier rang desquels se situent les deux États français et belge, ont permis de surmonter ces difficultés.
J'associe à cette réussite tous ceux qui, au fil des années, n'ont pas ménagé leur peine pour faire vivre une coopération entreprise de longue date entre la communauté urbaine de Lille-métropole et ses partenaires wallons et flamands, puis avancer pas à pas vers la réalisation d'aujourd'hui.
Tout a commencé avec la conférence permanente intercommunale transfrontalière, qu'on appelait la COPIT, et que j'avais créée avec mes amis belges en octobre 1991, voilà quelques années. Cette conférence portait déjà la volonté de voir émerger une agglomération franco-belge de 2 millions d'habitants.
Vint ensuite le groupement local de coopération transfrontalière, le GLCT, créé en 2005 par l'accord de Bruxelles. Fait de telle façon qu'on pouvait immédiatement le mettre en oeuvre, il a permis de créer des outils juridiques de coopération. Ainsi, le GLCT « Lille Eurométropole franco-belge » créé le 1er juin 2006 a permis de passer d'une association de droit français, la COPIT, à une structure publique mutuellement reconnue. Enfin et parallèlement, l'arrivée du GECT a fini de faire sauter les derniers obstacles juridiques et permis la création, dans des délais relativement rapides, du premier GECT en Europe. En plus, il a élargi considérablement le champ puisque tous les États membres de l'Union sont concernés.
À cet égard, si cette journée du 28 janvier 2008 a été historique pour les relations franco-belges, elle l'a aussi été pour l'Europe des citoyens.
Je voudrais souligner le rôle important joué par la Commission et le Parlement européen pour inscrire dans le droit cette nouvelle structure de gouvernance transfrontalière. La gouvernance, c'est un mot facile dont on ne sait pas ce qu'il recouvre exactement comme pouvoir ! Quoi qu'il en soit, cela a permis de qualifier ce GECT.
Bien sûr, pour l'eurométropole Lille-Kotrijk-Tournai, dont le siège social est fixé à Lille et les services opérationnels, sans doute à Courtrai et à Tournai, tout reste à faire. L'assemblée générale a approuvé un budget qui doit permettre d'installer une équipe - préalable ô combien nécessaire ! - et de lancer le programme de travail 2008-2010.
Nous allons devoir être créatifs, imaginatifs et aller au-delà des projets dans les cartons, ceux de l'eurométropole franco-belge. Puisque, grâce au GECT, notre dimension a changé, j'ai proposé plusieurs axes de réflexion et d'action : notamment construire une Europe des citoyens. Ce qui caractérise cette entreprise, c'est qu'elle n'est tombée ni du ciel, ni des institutions. Elle est venue de la base, des collectivités, donc des citoyens.
J'ai proposé de construire et d'améliorer cette eurométropole des citoyens grâce à une collaboration très active avec les communes tant en Belgique qu'en France en la dotant de projets transfrontaliers structurants.
Il n'est pas si éloigné le temps où les autoroutes s'arrêtaient à quelques kilomètres de la frontière. Ainsi, pour aller à Wattrelos, ville très proche, il fallait prendre l'autobus, passer la frontière à pied et reprendre une heure plus tard un autre autobus pour arriver à destination.
L'eurométropole franco-belge est la première réalisation à avoir marqué les esprits. Il faut donc la doter de projets transfrontaliers et structurants, mutualiser les équipements et consolider les réalisations sociales. Ainsi, quand les États sont défaillants, des initiatives locales doivent pouvoir être prises.
Par exemple, la France n'offre pas de structures suffisantes en faveur de l'enfance handicapée, contrairement à la Belgique, qui, en avance dans ce domaine, dispose de structures beaucoup plus souples. De ce fait, les enfants handicapés qui ne trouvent pas de place en France - je ne parle pas seulement du Nord-Pas-de-Calais, mais de l'ensemble du territoire français - sont accueillis en Belgique et y grandissent.
De même, la France souffre d'un manque de structures adaptées pour les personnes âgées valides, alors qu'en Belgique les maisons de retraite foisonnent. De plus, à quelles lois sont soumises ces personnes âgées françaises qui vivent en Belgique ? Quelle est leur situation vis-à-vis la sécurité sociale française ? Dans de nombreux secteurs, nous devons faire face à un bricolage juridique, qu'il faut revoir afin d'éviter les surprises désagréables.
Par ailleurs, il nous faudra répondre aux grands défis que sont l'environnement et le développement économique et social auxquels il faut ajouter de grands événements fédérateurs, à l'instar des défilés carnavalesques belges.
Nous avons suivi le pas de nos voisins en organisant des grandes rencontres culturelles et festives. Je pense notamment à l'extraordinaire rassemblement de Lille 2004, organisé par la ville de Lille et la communauté urbaine.
Une commission parlementaire franco-belge a fixé un programme qui nous occupera tout au long des années à venir.
De ce point de vue, le GECT offre de larges opportunités pour faire vivre cette grande ambition et améliorer la vie des gens.
Cela implique, bien entendu - ce qui n'est pas toujours le cas de l'ensemble des projets européens -, une volonté des citoyens et des élus de s'accorder avec ce qui a été décidé par les instances européennes ou par les gouvernements concernés, en l'occurrence les gouvernements français et belge.
Grâce à ce nouvel instrument juridique, nous allons pouvoir faire émerger une cité inédite, une métropole, et prouver que, dans cette grande Europe du Nord-Ouest, des femmes et des hommes qu'une barrière ancestrale divise artificiellement, désirent participer et partager des projets, édifier des réalisations novatrices, construire un avenir commun, bref vivre ensemble.
Pour nos deux départements bloqués tout en haut de la France, qui ne trouvaient plus leur place à cause de l'extension de la région parisienne, j'ai dû passer la frontière et faire valoir mes relations internationales. C'est ainsi que, d'une communauté urbaine d'un million d'habitants, nous sommes passés à une communauté urbaine de 2,5 millions d'habitants, ce qui est très satisfaisant.
Telle est, mes chers collègues, l'expérience que je voulais vous faire partager en intervenant dans ce débat pour y apporter une note humaine. Vous ne pouvez imaginer le nombre de réunions où les Français et les Belges se sont regardés dans le blanc des yeux pour arriver à ce résultat.
De plus, la métropole de Lille a un versant du côté flamand et un versant du côté wallon, ce qui complique les choses. Le problème de la langue se pose.
Quoi qu'il en soit, la structure que nous avons mise en place fonctionne grâce à une vraie volonté. La Belgique, dans sa zone frontalière, est attachée à la métropole lilloise et veut se développer avec elle.
Telle est l'expérience à peu près unique dont je voulais témoigner, expérience à la fois citoyenne et dépendante des États et de l'Europe tout entière.
Je pense que, dès maintenant, des GECT pourront se constituer un peu partout au sein de l'Union européenne et, dans un instant, mon collègue Roland Ries expliquera son projet de création d'un GECT Strasbourg-Kehl. Je ne puis que l'encourager dans cette voie et réaffirmer le vote favorable des socialistes sur la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui. (Applaudissements.)
M. le président. Merci de nous avoir fait vivre cet instant, monsieur Mauroy !
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui rénove et simplifie les instruments juridiques de la coopération internationale, ainsi que la coopération interrégionale et transnationale.
Elle est la preuve concrète de la réalité européenne et témoigne de la manière pragmatique dont l'Union européenne peut avancer au plus près des attentes de nos concitoyens et des besoins de nos territoires.
Il s'agit d'inscrire dans notre code des collectivités territoriales les dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 qui crée le Groupement européen de coopération territoriale, souvent appelé GECT.
Les collectivités territoriales françaises disposent, avec ce groupement, d'un outil juridique particulièrement adapté pour développer, au sein de l'Union européenne, avec des collectivités de pays membres, des projets de développement et de partenariats inédits au service de nos concitoyens, dans des domaines aussi divers que la santé, l'environnement, les transports ou l'économie.
De nombreuses structures juridiques existent dans notre droit pour répondre aux besoins de la coopération décentralisée : groupements d'intérêt public, sociétés d'économie mixte locales, districts européens.
Or cette multiplicité d'instruments juridiques est source de complexité et manque de lisibilité pour les citoyens.
Le groupement européen de coopération territoriale a vocation à se substituer à ces différents montages juridiques et a pour ambition de devenir l'instrument de droit commun de la coopération transfrontalière, transnationale ou interrégionale sur le territoire de l'Union européenne ; il constitue donc un facteur de simplification.
Si ce statut juridique est applicable sur le territoire de l'Union européenne depuis le 1er août 2007, date d'entrée en vigueur du règlement communautaire, quelques adaptations du droit français sont, toutefois, nécessaires.
Ainsi, la proposition de loi introduit dans le code des collectivités territoriales une disposition nouvelle qui précise les modalités de création et de fonctionnement d'un tel groupement européen siégeant en France, ainsi que les conditions d'adhésion des collectivités françaises à des groupements européens de droit étranger, dispositions particulièrement utiles.
En outre, elle prévoit que les établissements publics puissent être membres d'un groupement européen de coopération territoriale.
Enfin, pour la première fois en droit français, la possibilité est offerte aux collectivités territoriales de conclure des conventions avec des États étrangers.
L'article unique de la proposition de loi vise également à supprimer la possibilité de recourir à la formule du groupement d'intérêt public, ou GIP, sous réserve du maintien jusqu'à leur terme des groupements existants.
Au regard du nombre trop faible de créations de groupements d'intérêt public, cette suppression est pleinement justifiée et permettra d'éviter la survivance d'une disposition juridique devenue redondante.
Le groupe UMP se réjouit de l'examen de ce texte par le Sénat et se félicite de l'esprit consensuel qui règne sur les travées de notre assemblée concernant les questions de coopération décentralisée, ainsi que l'ont rappelé précédemment mes collègues Claude Biwer et Pierre Mauroy.
Je tiens également à saluer, au nom de l'ensemble de mes collègues, notre rapporteur, Mme Catherine Troendle, qui avait déjà souhaité accélérer le processus de rénovation des instruments de la coopération décentralisée, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens.
La proposition de loi dont nous discutons constitue, en effet, la reprise, à quelques modifications près, d'un amendement que notre rapporteur avait défendu au nom de la commission des lois et que la Haute Assemblée avait adopté en janvier 2007.
À cet égard, nous pouvons regretter que ce projet de loi dont l'objet principal était de promouvoir la décentralisation de la gestion des fonds structurels européens n'ait jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Cela soulève une question de fond, monsieur le secrétaire d'État. Il serait, me semble-t-il, opportun - et j'espère que nous en parlerons à l'occasion du prochain débat sur la réforme de la Constitution - que lorsqu'une assemblée adopte une proposition de loi, celle-ci soit obligatoirement inscrite à l'ordre du jour de l'autre assemblée. Il ne sert à rien de donner ce pouvoir au Parlement si cela ne se concrétise pas par un vote commun des deux chambres.
Au demeurant, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est attendue avec impatience dans différentes régions transfrontalières ; nous l'avons bien compris à travers les précédentes interventions.
Elle sera tout particulièrement utile pour la coopération entre la France, la Belgique et le Luxembourg, pays qui, comme vous le savez, sont chers à mon coeur et dont j'ai l'honneur de présider le groupe d'amitié.
Je n'évoquerai pas le cas de la Belgique, puisque M. Mauroy, que nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt, nous a fait profiter de son expérience à la fois riche, longue et passionnante en la matière.
Je soulignerai simplement que cette coopération permettra d'accompagner le développement économique du sud du Luxembourg ainsi que les coopérations en matière de transports, de santé et de services au bénéfice de nos deux États.
Plus largement, cette coopération revêt une importance majeure pour notre pays en ce qu'elle contribue à la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse et moderne des territoires.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP adoptera ce texte qui permettra de faire avancer l'Europe des projets et des ambitions au service de tous les citoyens, autrement dit, l'Europe du concret, celle qui crée les solidarités de fait chères à Robert Schuman, et qui sont à l'origine de tout notre travail en vue de la construction européenne, cette Europe que veulent et attendent les peuples de l'Union ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après la création du district européen, issu de l'article 187 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la coopération transfrontalière dispose aujourd'hui d'un nouvel outil juridique d'origine communautaire, le groupement européen de coopération territoriale.
Ce groupement, régi par le règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, et qui était applicable au plus tard le 1er août 2007, renforce l'action internationale des collectivités territoriales en prévoyant un instrument juridique inédit de coopération décentralisée.
La présente proposition de loi a donc pour objet principal, outre le fait d'autoriser l'adhésion des collectivités territoriales françaises à des organismes de droit public étranger et leur participation au capital de personnes morales de droit étranger, de mettre en conformité le code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire de 2006.
Le groupement européen de coopération territoriale vise à réaliser une meilleure cohésion économique et sociale au sein de l'Union européenne, en facilitant la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale entre ses membres.
À cette fin, il a pour vocation d'améliorer la mise en oeuvre de programmes et de projets de coopération territoriale cofinancés par l'Union, notamment au titre des fonds structurels et des nouveaux programmes « Interreg » pour la période 2007-2013.
La réunion de collectivités territoriales des différents États membres au sein de groupes de coopération ne constitue pas en soi une nouveauté. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est que ce groupement européen de coopération territoriale sera doté de la personnalité morale et de la capacité juridique, ce qui lui permettra de se doter d'une organisation, de disposer d'un budget, de recruter du personnel, ou encore d'ester en justice. Le droit applicable à l'interprétation et à l'application de la convention qui se trouve à l'origine du GECT sera celui de l'État membre où le groupement a son siège.
L'objectif, pour la Communauté européenne, est de réduire les difficultés qu'éprouvent aujourd'hui les collectivités territoriales des États membres à réaliser et à gérer des actions de coopération territoriale dans le cadre des législations nationales.
Cette conception de l'Europe semble étrangement opposée à celle qui est traditionnellement défendue par les tenants de l'Europe libérale, qui ont fait du dumping social, de la concurrence entre les États - notamment en matière fiscale - et de la disparition des services publics leurs maîtres mots.
Présenté dans les termes du règlement européen de 2006, le groupement européen de coopération territoriale tranche donc quelque peu avec les options libérales que Bruxelles tente d'imposer aux États membres.
Nos concitoyens sont attachés à l'échelon local ; la jeune génération vit aujourd'hui à l'heure européenne. La meilleure façon de construire l'Europe au quotidien, ce n'est pas de développer une Europe technocratique, avec une Commission qui possède tous les pouvoirs sans disposer d'aucun mandat populaire ; c'est, au contraire, de jouer sur ce double attachement, au territoire local et à l'Europe. De même, un nombre croissant d'associations et de syndicats nouent des échanges et coordonnent leurs actions bien au-delà de nos frontières.
Les groupements européens doivent traduire toutes ces évolutions. Ils doivent permettre la réalisation de l'objectif de cohésion économique, sociale, territoriale, culturelle et environnementale qui fait justement défaut à l'Europe d'aujourd'hui.
Cette coopération transfrontalière entre collectivités territoriales étrangères a bénéficié d'outils innovants, tels que le district européen, prévu par la loi d'août 2004, qui constitue un outil juridique de coopération pour l'ensemble des zones frontalières françaises.
En revanche, ce n'est que plus récemment, avec le développement des programmes interrégionaux financés par l'Union européenne, que se sont développées des coopérations interrégionales.
Espérons que cet instrument commun à la coopération transfrontalière, interrégionale et transnationale que constitue le groupement européen de coopération territoriale améliorera réellement les liens entre les collectivités.
En effet, le GECT constitue une structure cohérente d'association entre les collectivités de différents États. Il devrait répondre à l'une des principales difficultés, à savoir la réalisation et la gestion d'actions de coopération dans le cadre de procédures nationales et d'ordres juridiques différents. Il n'est jamais simple, en effet, de connaître les règles applicables à la coopération ; nous avons fait l'expérience de plusieurs imbroglios juridiques.
Nos collègues élus de départements transfrontaliers ont évoqué cette coopération. M. Mauroy, en particulier, nous a brillamment fait sentir ce que pouvait être cette Europe des peuples, et nous a donné envie de la développer.
Toutefois, les groupements européens de coopération territoriale ne peuvent constituer les seuls moteurs de cette solidarité dont nous avons tant besoin. Ils ne doivent pas être les tickets modérateurs d'une Europe libérale : ces entités territoriales ne peuvent d'ailleurs à elles seules justifier la politique de Bruxelles.
Ce qui montre de façon évidente leur utilité, c'est l'absence d'une Europe des peuples. Bruxelles continue, hélas ! d'appliquer sa politique d'exhortation aux mouvements de capitaux, aux délocalisations, et de soutien à la libre concurrence. Or c'est justement cette politique qui fait des ravages.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc cette proposition de loi, tout en espérant que c'est au travers des collectivités et de leurs élus que se réalisera l'Europe des peuples. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur des travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé aujourd'hui a pour objet, je le répète, d'adapter à notre droit national le règlement européen du 5 juillet 2006 relatif au Groupement européen de coopération territoriale, ou GECT, et de rénover les instruments de la coopération transfrontalière et territoriale en Europe, dont l'importance n'échappera pas à l'élu de l'Est que je suis.
En tant qu'européen convaincu, je me réjouis de voir un texte permettre la levée d'un certain nombre d'obstacles juridiques ; en tant qu'élu alsacien, je suis plus satisfait encore, tant il est vrai que la coopération transfrontalière a été au coeur de la vitalité économique, sociale et culturelle de l'Alsace en général et de Strasbourg en particulier.
Par le passé, la signature d'accords de coopération avec l'ensemble des pays limitrophes avait permis la création, à la suite de l'accord de Karlsruhe de 1996, du Groupement local de coopération transfrontalière, ou GLCT.
De même, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait institué le district européen. La région Alsace avait pris toute sa part dans cette réforme, avec la création de l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau et du district Mulhouse-Colmar-Fribourg-en-Brisgau.
Quelle sera la plus-value juridique et politique - si j'ose m'exprimer ainsi - du GECT ? Tout d'abord, ce dispositif permettra de résoudre l'une des principales difficultés de la coopération entre collectivités territoriales, c'est-à-dire, bien sûr, l'articulation entre des ordres juridiques différents, qui rend toujours difficile la mise en oeuvre de la coopération.
Le GECT sera par ailleurs doté de la personnalité juridique ; il pourra se doter d'une organisation, disposer d'un budget, acheter et vendre des biens et des services, mais aussi employer du personnel.
Pour autant, cet outil ne constitue pas la panacée. En effet, la création du GECT ainsi que les modifications de ses statuts restent soumises à l'approbation des États membres, même si ceux-ci n'appartiennent pas au groupement. De plus, les statuts du GECT, ainsi que leurs modifications, sont soumis à la règle de l'unanimité, alors que ceux des GLCT issus de l'accord de Karslruhe sont adoptés à la majorité qualifiée des deux tiers.
Il faut ajouter que la mise en place d'un GECT ne permettrait pas d'éviter le lourd recours aux accords interétatiques pour certains équipements transfrontaliers, alors même que la question serait purement d'intérêt local.
Enfin, et surtout, l'étendue des missions du GECT, si elle est appropriée à un cadre de coopération transfrontalière, ne permet pas la prise en compte des problèmes spécifiques à Strasbourg ; vous me permettrez, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de vous livrer à présent quelques réflexions sur cette question en ma nouvelle qualité de maire de cette ville.
Tout le monde le sait, la présence à Strasbourg des institutions européennes, et notamment du Parlement européen, est fragile. Chaque année, le vote du calendrier parlementaire en session plénière est l'occasion d'une nouvelle démonstration de force du lobby des partisans d'un recentrage des activités sur Bruxelles. Les « anti-Strasbourg » ont trouvé, dans le litige qui a opposé fortement le Parlement européen et la ville de Strasbourg à propos de la vente de certains bâtiments, de nouveaux arguments allant à l'encontre du siège strasbourgeois.
Pour nous, les questions de sièges et de capitales ne sont pas annexes, et elles ne peuvent être réglées uniquement selon des critères d'ordre financier ou technique. Ce sont des questions politiques, qui appellent des décisions du même ordre, et une vision à long terme.
Il serait utile, et même urgent, que la France comprenne enfin l'exacte portée, pour l'un des pays fondateurs de l'Union, de la présence du Parlement européen sur son sol national.
La seule solution pour faire de nouveau de Strasbourg la capitale parlementaire de l'Europe serait, à mon sens, de permettre l'émergence d'un territoire transfrontalier à statut spécifique, attractif à la fois pour les institutions politiques et pour les sièges sociaux de grandes entreprises européennes.
L'idée de fond serait ainsi de passer d'une logique de coopération à une logique d'intégration et de codécision, autrement dit de dépasser les barrières juridiques et mentales entre les communautés, ce qui permettrait de créer les fondements d'une nouvelle forme de gouvernance et d'une réelle démocratie transfrontalière.
Nous sommes convaincus que seule cette ambition politique forte de création d'une entité transfrontalière à statut juridique et fiscal spécifique peut garantir aujourd'hui que la métropole Strasbourg-Kehl-Ortenau gardera son statut de capitale parlementaire de l'Europe.
Notre ambition est donc de faire, à terme, de l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau un symbole au moins aussi fort pour les Européens que peut l'être Washington DC pour les Américains.
La ville de Strasbourg est consciente que l'initiative politique doit revenir d'abord aux acteurs locaux. C'est la raison pour laquelle j'engagerai personnellement de nouvelles discussions avec nos partenaires allemands, afin de relancer l'Eurodistrict avec ce nouveau cadre juridique.
J'entends donc, au cours des prochains mois, organiser la consultation des populations concernées. Fort du résultat obtenu - car il ne fait pas de doute, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que les Strasbourgeois et les habitants de Kehl et de ses environs apporteront massivement leur soutien à une telle ambition -, les autorités politiques de l'Eurodistrict se rendront en délégation à Paris et à Berlin afin de soumettre notre projet aux autorités nationales.
Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, la présidence du Conseil européen offre une « fenêtre de tir » à la France pour donner un appui décisif et concret à l'enjeu national que représente « Strasbourg, capitale européenne ». C'est pour cela que, dès maintenant, il importe que le Gouvernement français apporte son soutien à cette initiative ambitieuse qui, de mon point de vue, constitue la seule manière de conforter définitivement la vocation européenne de Strasbourg.
Je forme le voeu, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, qu'à l'occasion de la présidence française soit signé un traité entre la France et l'Allemagne, afin d'attribuer à l'Eurodistrict une pleine autonomie politique, opérationnelle et financière, tout en garantissant, bien entendu, le maintien et le respect de la souveraineté nationale.
Ce traité pourrait, notamment, fixer l'étendue exacte des compétences réglementaires de l'Eurodistrict, en particulier la soumission aux règles de droit public de l'État sur le territoire duquel la réglementation adoptée s'applique, ou encore les modalités de fixation et de réversion de la part « Eurodistrict » de la taxe professionnelle, du montant des taxes aéroportuaires - il s'agit d'un vaste sujet ! -, et d'éventuelles écotaxes locales.
Voilà l'ambition qui est la nôtre. J'espère, monsieur le secrétaire d'État, pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement à ces initiatives. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur des travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Madame le rapporteur, je tiens tout d'abord, à vous remercier une nouvelle fois du travail approfondi que vous avez accompli sur cette proposition de loi.
Vous aviez engagé cette réflexion dès 2007, au travers d'un amendement parlementaire relatif au projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de gestion des fonds structurels européens, et vous l'avez poursuivie avec ce texte.
Vous avez évoqué la question de la gestion des fonds structurels européens, qui avait d'ailleurs été débattue à cette occasion. L'État a engagé avec les régions une démarche tout à fait claire : il a confirmé sa volonté de garder la gestion de ces programmes, à la définition et à la conduite desquels les présidents de région se trouvent néanmoins étroitement associés, sous l'autorité du préfet de région.
Enfin, je partage votre volonté de continuer l'expérimentation qui est en cours en Alsace et qui, j'y insiste, sera naturellement poursuivie.
Monsieur Biwer, vous avez évoqué la région Lorraine et son programme de reconversion des friches industrielles du site d'Esch-Belval.
L'ampleur de l'opération d'aménagement engagée favorisera la création d'une véritable agglomération transfrontalière. Elle contribuera, j'en suis certain, à redynamiser un bassin d'emploi durement touché par les lourdes restructurations industrielles qui furent nécessaires au début des années quatre-vingt.
Monsieur le sénateur, vous avez également évoqué votre projet de zones franches rurales. Je vous rappelle que la loi du 23 février 2005 visait à développer l'activité dans le monde rural. Avant d'envisager une réforme nouvelle des dispositifs qu'elle a mis en place, il me paraît nécessaire de procéder à une évaluation précise de leurs résultats.
Dans cet objectif, le nouveau secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire, M. Hubert Falco, que chacun ici connaît bien - et pour cause ! -, a d'ores et déjà engagé une évaluation des zones de revitalisation rurale, les ZRR. Dès que ce travail sera achevé, des initiatives pourront être envisagées dans le sens que vous souhaitez, monsieur le sénateur.
Quant à l'adhésion d'intercommunalités au GECT, elle est prévue par la proposition de loi pour les établissements publics de coopération intercommunale tant français qu'étrangers.
Monsieur Mauroy, je sais que ce débat est important pour vous, car il intervient au moment où aboutit un projet que vous portez depuis de très nombreuses années.
L'eurométropole Lille-Courtrai(Kortrijk)-Tournai - ville natale de Clovis, si mes souvenirs sont exacts ! (Sourires) - a été créée le 28 janvier dernier, anticipant en cela l'adoption de cette proposition de loi. Ce projet se fonde sur un accord franco-belge du 16 septembre 2002 et constitue d'ailleurs le premier GECT français.
Aujourd'hui, l'eurométropole rassemble deux millions d'habitants et marque une étape majeure dans la construction de cette Europe concrète que nous évoquons depuis le début de cette discussion. Pour faire court, nous pourrions intituler cette réalisation Bienvenue chez les Ch'tis-belges ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur le sénateur, je saisis cette occasion pour rendre un hommage tout particulier à l'action continue que vous menez avec beaucoup de détermination en faveur de la coopération transfrontalière. Vous oeuvrez en ce sens depuis très longtemps, surtout en tant que président de la Mission opérationnelle transfrontalière, la MOT, qui a servi et sert toujours d'appui juridique et méthodologique à la réalisation de projets dont l'efficacité est reconnue.
Il me semble d'ailleurs que la première initiative prise dans ce domaine l'avait été par vous-même, monsieur le sénateur, dans les années quatre-vingt-dix, pour l'établissement d'une ligne d'autobus interfrontalière entre Roubaix, Wattrelos et Moutron.
M. Pierre Mauroy. Oui !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C'était une première, qui a marqué le début d'une coopération beaucoup plus développée, que nous concrétisons aujourd'hui avec l'adoption de ce texte.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, de ce rôle pionnier que vous avez joué dans la construction de cette politique transfrontalière.
Monsieur Cointat, vous avez souligné l'esprit consensuel qui préside à l'examen de ce texte, ce dont je me réjouis également. Vous avez par ailleurs rappelé que ce texte était très attendu dans les régions transfrontalières, qui vous sont chères. Le Gouvernement y est particulièrement attentif. Je souhaite comme vous que notre droit national puisse être modifié au plus vite.
Pour ce qui est de l'inscription d'une proposition de loi adoptée par une assemblée à l'ordre du jour de l'autre assemblée, vous connaissez mon attachement aux droits du Parlement. La réforme constitutionnelle qui a été adoptée dernièrement en conseil des ministres et qui sera soumise au Congrès dans quelques semaines vise notamment à permettre au Parlement d'améliorer la maîtrise de son ordre du jour. Cette disposition est de nature à répondre à votre interrogation.
Madame Mathon-Poinat, vous avez mis l'accent, au nom du groupe CRC, sur les progrès concrets que peuvent permettre ces groupements européens de coopération territoriale pour des opérations contribuant à améliorer les services à nos concitoyens. À l'évidence, je partage ce point de vue.
Je souhaite cependant revenir sur vos propos relatifs à l'action de l'Union européenne. Je tiens à insister sur l'importance des fonds structurels du Fonds social européen en termes de cohésion sociale pour notre pays et pour la construction européenne. Pour la France, ces fonds européens représentent chaque année pour les régions périphériques une manne de 10 milliards d'euros, ce qui est, vous en conviendrez, une somme considérable.
Enfin, je rappellerai le rôle que le Gouvernement a joué pour encourager l'élaboration de ces groupements européens de coopération territoriale.
Monsieur Ries, vous souhaitez faire de l'eurodistrict Strasbourg-Kehl-Ortenau une véritable agglomération transfrontalière, dotée d'un statut spécifique.
L'exemple de l'eurométropole Lille-Courtrai-Tournai, projet porté par votre collègue Pierre Mauroy, est à cet égard important et intéressant. Nous disposons là d'un fabuleux laboratoire d'application du GECT, qui pourrait guider utilement votre réflexion en la matière. Vous le savez, les services de l'État vous apporteront toute l'aide nécessaire dans votre réflexion, comme ils l'ont fait à Lille.
L'idée d'un statut juridique particulier pour l'eurodistrict, que vous souhaitez voir adopter pour renforcer encore son intégration, mérite un examen approfondi. Les perspectives d'autonomie politique et fiscale que vous évoquez sont ambitieuses. Il va de soi que je suis disposé à en discuter avec vous quand vous le souhaiterez.
Soyez certain que la présence du Parlement européen à Strasbourg constitue bien un enjeu majeur pour la France, car c'est là son siège historique. Cela fait d'ailleurs l'objet d'un protocole annexé au traité d'Amsterdam. Bien évidemment, le Gouvernement n'entend pas voir le rôle de Strasbourg remis en cause par qui que ce soit, et il sera en première ligne dans cette affaire. Je tenais à vous l'assurer de façon solennelle aujourd'hui, mais, je le sais, nous aurons l'occasion d'en reparler.
En conclusion, et même si beaucoup d'entre vous l'ont déjà souligné, je rappellerai que le groupement européen de coopération territoriale contribue à construire une Europe du quotidien, qui la rapproche des préoccupations de nos concitoyens. C'est ainsi qu'il faut concevoir l'Europe : une Europe qui puise ses sources dans la proximité et dans des réalisations concrètes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous avez évoqué l'avant-projet de révision constitutionnelle et les dispositions visant à renforcer l'initiative du Parlement, je ne peux résister au plaisir d'y revenir.
Pour que les législations aboutissent, encore faut-il que chaque assemblée puisse examiner les propositions de loi adoptées par l'autre ! L'histoire de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est, de ce point de vue, remarquable ; il faut la rappeler.
Une proposition de loi avait d'abord été votée par le Sénat, mais elle n'a jamais été reprise par l'Assemblée nationale. Ensuite, une proposition de loi améliorée, mais sur le fond identique, a été proposée à l'Assemblée nationale. Le Sénat, parce que, comme le Gouvernement, il juge ce sujet important, l'a inscrite à son ordre du jour.
La Haute Assemblée est toujours heureuse de voter des propositions de loi adoptées par l'Assemblée nationale. Je ne vous en citerai que quelques-unes, monsieur le secrétaire d'État - vous pourrez en faire part à l'ensemble du Gouvernement et aux ministres concernés -, car elles témoignent de ce souci du Sénat de faire voter les propositions de loi de l'Assemblée nationale : proposition de loi relative à la simplification du droit, proposition de loi visant au contrôle de la vente et de l'utilisation des mini-quads, mini-motos et engins assimilables - c'est un problème considérable -, proposition de loi créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines, notamment en matière d'assurance pour les voitures brûlées.
Le Sénat a, quant à lui, adopté une proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile. J'espère qu'elle sera prochainement inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, d'autant que le Gouvernement a reconnu l'importance du sujet et que Mme le garde des sceaux a défendu ce texte.
Si nous voulons vraiment que l'initiative parlementaire devienne réalité, encore faut-il qu'une coopération existe entre les deux assemblées ! De ce point de vue, je dois avouer que le Sénat a toujours joué le jeu.
J'évoquerai enfin la proposition de loi relative à la législation funéraire que notre assemblée a votée à l'unanimité. C'est un sujet auquel elle porte une attention toute particulière, car il est important tant pour les collectivités que pour les familles. Je ne voudrais pas que ce texte soit enterré définitivement à l'Assemblée nationale.
Monsieur le secrétaire d'État, en cas de blocage, il faudrait que le Gouvernement prenne l'initiative et inscrive à l'ordre du jour prioritaire les textes qui lui semblent importants.
On parle beaucoup de la réforme des méthodes de travail du Parlement. Pour que le Parlement soit efficace, il faut que les deux assemblées collaborent et que chacune reconnaisse les vertus de ce qui a été accompli par l'autre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur le président de la commission, le suivi des initiatives parlementaires est au coeur des travaux de la conférence des présidents. Les propositions de loi sénatoriales, bien qu'elles soient importantes, semblent souvent traitées d'une manière critiquable ; nous partageons votre point de vue.
Aujourd'hui, il faut non seulement mettre en oeuvre l'initiative parlementaire, mais aussi la respecter.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Bien entendu, je me ferai l'interprète auprès du Premier ministre et du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement de vos inquiétudes concernant l'inscription à l'ordre du jour des textes d'initiative parlementaire.
La réforme constitutionnelle en cours, dont l'avant-projet a été adopté par le conseil des ministres voilà une quinzaine de jours, et qui devrait être soumise au Congrès dans les prochaines semaines, comporte un volet sur l'ordre du jour du Parlement. Cela me paraît de nature à répondre à vos préoccupations légitimes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Les articles L. 1115-2 et L. 1115-3 sont abrogés ;
2° L'article L. 1115-4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, adhérer à un organisme public de droit étranger ou participer au capital d'une personne morale de droit étranger auquel adhère ou participe au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État membre du Conseil de l'Europe. » ;
b) La première phrase du deuxième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Cette adhésion ou cette participation est autorisée par arrêté du représentant de l'État dans la région. Elle fait l'objet d'une convention avec l'ensemble des membres adhérant à l'organisme public en cause ou participant au capital de la personne morale en cause. » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« La convention prévue à l'alinéa précédent entre en vigueur dès sa transmission au représentant de l'État dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1, L. 2131-2, L. 3131-1, L. 3131-2, L. 4141-1 et L. 4141-2. Les articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 sont applicables à cette convention. » ;
3° L'article L. 1114-4-1 devient l'article L. 1115-4-1 et, dans la première phrase du troisième alinéa de cet article, le mot : « juridique » est remplacé par le mot : « morale » ;
4° Il est inséré un article L. 1115-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1115-4-2. - Dans le cadre de la coopération transfrontalière, transnationale ou interrégionale, les collectivités territoriales, leurs groupements et, après autorisation de leur autorité de tutelle, les organismes de droit public au sens de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, créer avec les collectivités territoriales, les groupements de collectivités territoriales et les organismes de droit public des États membres de l'Union européenne, ainsi qu'avec les États membres de l'Union européenne ou les États frontaliers membres du Conseil de l'Europe, un groupement européen de coopération territoriale de droit français, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière.
« Cette création est autorisée par arrêté du représentant de l'État dans la région où le groupement européen de coopération territoriale a son siège. La personnalité morale de droit public lui est reconnue à partir de la date d'entrée en vigueur de la décision de création. Les dispositions du titre II du livre VII de la cinquième partie qui ne sont pas contraires aux règlements communautaires en vigueur lui sont applicables.
« Un groupement européen de coopération territoriale de droit français peut être dissous par décret motivé pris en Conseil des ministres et publié au Journal officiel.
« Les collectivités territoriales, leurs groupements et, après autorisation de leur autorité de tutelle, les organismes de droit public au sens de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, précitée peuvent, dans les limites de leurs compétences, dans le respect des engagements internationaux de la France et sous réserve de l'autorisation préalable du représentant de l'État dans la région, adhérer à un groupement européen de coopération territoriale de droit étranger. » ;
5° L'article L. 1115-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1115-5. - Aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales et un État étranger, sauf si elle a vocation à permettre la création d'un groupement européen de coopération territoriale. Dans ce cas, la signature de la convention doit être préalablement autorisée par le représentant de l'État dans la région. »
II. - Les groupements d'intérêt public créés en application des articles L. 1115-2 et L. 1115-3 du code général des collectivités territoriales restent régis, pour la durée de leur existence, par ces articles dans leur rédaction antérieure à leur abrogation par la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Biwer et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par le 4° du I de cet article pour l'article L. 1115-4-2 du code général des collectivités territoriales, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le groupement européen de coopération territoriale peut, pour la réalisation de ses investissements, recourir à un contrat de partenariat conclu sur le fondement des dispositions de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariats modifiée par la loi n° du ... relative aux contrats de partenariats.
La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Ce débat témoigne de l'unanimité qui peut se dégager dans cet hémicycle, que ce soit sur ce sujet ou sur celui qui a été évoqué par M. le président de la commission des lois ; les engagements de M. le secrétaire d'État sur cette question démontrent que nous avons eu raison de l'aborder.
Le seul regret que nous pouvons exprimer est que cette unanimité s'explique par le fait que les sénateurs présents et, surtout, les intervenants sont bien souvent des élus directement concernés par la coopération transfrontalière. Les difficultés rencontrées sont donc les mêmes.
Bien que certains éléments de réponse aient déjà été formulés, j'ai souhaité déposer un amendement portant sur le contrat de partenariat public-privé, qui vise à permettre à une personne publique de confier à une entreprise privée une mission globale relative au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements, ou encore la construction, la transformation d'ouvrages ou d'équipements, leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion.
Cet amendement a pour objet d'autoriser les groupements européens de coopération territoriale à faire appel à ce type de contrat.
Tout à l'heure, au cours de la discussion générale, je me suis déclaré très favorable à l'adoption de cette proposition de loi, qui permettra, je l'espère, d'élargir la coopération transfrontalière actuellement en vigueur, que ce soit en Lorraine ou ailleurs, notamment en l'étendant, pour ce qui concerne ma région, au nord de la Meurthe-et-Moselle et de la Meuse. Comme je l'indiquais précédemment, la tendance est de concentrer toutes les actions sur l'entente SaarLorLux. Or d'autres affinités existent et méritent d'être soulignées.
Dans votre intervention, monsieur Mauroy, vous avez évoqué les autoroutes s'arrêtant à quelques kilomètres de la frontière, difficulté que vous avez réussi à régler aujourd'hui grâce à l'activité que vous pouvez déployer dans une métropole de l'importance de la vôtre. Demain, il en sera probablement de même à Strasbourg.
Mais dans les zones rurales, le problème n'est toujours pas résolu. Le train s'arrête à la gare précédant la frontière et les voyageurs doivent en prendre un autre à la gare située au-delà de cette frontière ; entre les deux, ils faut faire de l'autostop ! La situation est sensiblement la même pour ce qui concerne les routes.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai pris acte de vos souhaits d'orienter la politique menée en la matière dans le bon sens. Je retiens de nombreux éléments positifs dans vos propos. Je ne peux que souhaiter que nous puissions développer davantage les possibilités qui s'offrent à l'intercommunalité, voire aux communes directement concernées, de manière que la situation puisse évoluer, même à un rythme peut-être moins rapide que dans les grands centres.
Dans ma région, la véritable métropole est non pas une grande ville française, mais Luxembourg. Le port du nord de la Lorraine, c'est Rotterdam ou Anvers. Si, aujourd'hui, par chance, la population augmente un peu, y compris en zone rurale, c'est en raison de la présence d'entreprises situées au-delà de la frontière. C'est pourquoi je demande qu'il soit possible d'instaurer des zones franches. Or, dans l'état actuel de la réglementation et de la législation françaises, c'est impossible.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter l'amendement n° 1.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Monsieur Biwer, je vous remercie d'avoir déposé cet amendement très pertinent. Cela me donne l'occasion de faire part au Sénat de ma conviction : les contrats de partenariat seront des outils de choix pour le développement de certains projets dans le cadre des GECT ; vous l'avez très bien illustré tout à l'heure par des exemples concrets.
Quoi qu'il en soit, cet amendement aurait eu davantage sa place dans le projet de loi relatif aux contrats de partenariat, que nous avons adopté hier soit.
En effet, l'article 13 de ce texte ouvre déjà la possibilité de recourir à de tels contrats à l'ensemble des pouvoirs adjudicataires et des entités adjudicatrices, au sens de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.
Le groupement européen de coopération territoriale en fera partie, assurément, puisqu'il pourra être composé de collectivités territoriales, de groupements de collectivités territoriales d'États membres de l'Union européenne, d'États membres de l'Union européenne et d'États frontaliers membres du Conseil de l'Europe et d'organismes de droit public, au sens d'une directive du 31 mars 2004.
Pour toutes les règles que le règlement communautaire du 5 juillet 2006 n'aurait pas prévues, le GECT sera soumis au statut des syndicats mixtes ouverts.
De ce fait, aucun doute ne subsiste en ce qui concerne la qualité de pouvoir adjudicataire des GECT.
L'amendement n° 1 étant satisfait, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Mon argumentation sera très proche de celle de Mme le rapporteur.
Monsieur Biwer, votre amendement vise à ouvrir aux GECT la possibilité de recourir à des contrats de partenariat. Or son examen intervient alors que le Sénat vient de voter - la discussion de ce texte s'est achevée hier soir - le projet de loi relatif aux contrats de partenariat.
L'article 13 dudit texte, tel qu'il a été adopté, répond, comme l'a indiqué Mme le rapporteur, à votre attente, puisqu'il prévoit d'autoriser les pouvoirs adjudicateurs non soumis au code des marchés publics à recourir aux contrats de partenariat.
C'est pourquoi je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Biwer, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Claude Biwer. Il est heureux que le projet de loi que nous avons adopté cette nuit ouvre une voie, qui n'est pas encore complètement dégagée. Comme l'a fait remarquer M. le président de la commission, ce texte doit être examiné par l'Assemblée nationale. Encore faut-il qu'il soit inscrit à son ordre du jour ! Je ne reviendrai pas sur les propos de M. Hyest, que je partage.
Monsieur le secrétaire d'État, vous vous êtes engagé à nous aider à progresser dans cette voie ; j'en prends acte. Néanmoins, j'aurais préféré que certaines dispositions figurent dans la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui, et non qu'elles soient rattachées à un autre texte.
Évidemment, je partage le souci exprimé par les uns et les autres en la matière : l'essentiel est que des mesures soient prises et que nous puissions avancer sur ce sujet aussi vite que possible.
Pour toutes ces raisons, je retire l'amendement n° 1, en espérant qu'il ne sera pas mis aux oubliettes, car quelques éléments nous manquent encore pour bien réussir nos opérations.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons adopté hier soir, en première lecture, le projet de loi relatif aux contrats de partenariat. Mme le rapporteur a levé le doute : les groupements européens pourront participer à des contrats de partenariat public-privé, comme d'ailleurs certaines communautés urbaines, monsieur Mauroy, pour des projets importants. Il s'agit donc d'une ouverture !
Notre objectif, tout le monde en est conscient, est que les groupements européens de coopération territoriale puissent être mis en place le plus rapidement possible. Par conséquent, le Sénat doit adopter le texte conforme. Sinon, la proposition de loi fera l'objet d'une deuxième lecture, alors que le problème est déjà résolu.
Monsieur Biwer, lors de la deuxième lecture du projet de loi relatif aux contrats de partenariat par le Sénat ou lors de son examen par l'Assemblée nationale, certains collègues pourraient relayer votre souhait de préciser les choses en cas de doute. Mais, comme je l'ai déjà indiqué, le doute a été levé.
Puisque vous êtes convaincu de l'intérêt des groupements européens de coopération territoriale, je vous remercie de permettre qu'ils soient mis en place très rapidement : le Sénat et l'Assemblée nationale ayant adopté le même texte, la loi pourra être promulguée dans les meilleurs délais.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité des présents.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.
politique économique et budgétaire de la France
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, qui a annoncé lundi que le Gouvernement fera des « économies partout ».
Mme Nicole Bricq. Des économies d'énergie !
M. Guy Fischer. Il a martelé que « tout le monde doit faire des efforts » pour limiter les dépenses publiques.
En son absence, c'est vous que, d'emblée, j'interroge, monsieur le ministre du budget : est-ce aux retraités, aux chômeurs, aux jeunes sans boulot, aux précaires, aux salariés qui ne joignent déjà plus les deux bouts, que vous vous adressez ?
C'est bien une nouvelle politique de rigueur qui est ainsi annoncée, avec l'habituel refrain : « Préparez-vous à vous serrer la ceinture, surtout si vous avez des ressources modestes ! »
Confirmez-vous un plan d'économies supplémentaires de 5 milliards à 10 milliards d'euros par an, reposant essentiellement sur la mise à mal des services publics, puisque 35 000 suppressions de postes sont prévues dans la fonction publique ?
La grande majorité des Français voient non seulement leurs revenus et retraites régresser, mais, de surcroît, leurs conditions de vie se dégradent rapidement. L'heure est à la réduction des dépenses publiques au détriment de ceux qui en ont le plus besoin.
La suppression de plus de 11 000 postes dans l'éducation nationale montre bien que le dogmatisme libéral fait du service public une variable d'ajustement des crises qui secouent régulièrement les places financières.
Monsieur le ministre, si « tout le monde doit faire des efforts », n'est-ce pas au tour des plus riches de mettre la main à la poche ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Robert Hue. Absolument !
M. Guy Fischer. Comment comptez-vous associer les bénéfices du CAC 40, soit 41 milliards d'euros de dividendes, à l'effort national ?
Quand allez-vous remettre en cause la pratique outrageusement inégalitaire des stock-options ? Allez-vous définitivement proscrire les parachutes dorés ? M. Zacharias, ex-P-DG de Vinci, réclame 81 millions d'euros de stock-options ; M. Forgeard, initié d'EADS, a atterri avec un parachute de 8 millions d'euros !
Allez-vous donner du sens à l'impôt sur la fortune en créant les conditions pour que les vraies fortunes y soient réellement assujetties ?
Enfin, allez-vous abandonner ce scandaleux bouclier fiscal instauré l'été dernier ?
Monsieur le ministre, ce sont les plus démunis qui doivent être protégés et non pas les plus riches ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, vous entonnez la ritournelle...
M. Robert Hue. Vous aussi !
M. Éric Woerth, ministre. ... que l'on entend actuellement (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) sur le plan de rigueur que le Gouvernement aurait l'intention de mettre en place.
Je tiens à vous dire une chose : lorsque c'est la gauche qui est au pouvoir, les plans de rigueur consistent, bien souvent, à laisser filer les dépenses et à augmenter les impôts ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous, nous faisons exactement le contraire : nous voulons maîtriser la dépense publique ...
M. Paul Raoult. Et l'endettement de la France ?
M. Paul Raoult. Cela fait sept ans que la droite est au pouvoir !
M. Éric Woerth, ministre. ...qui, aujourd'hui, sont trop élevés. Nous devons donner à notre société les moyens de croître. Ce sont la croissance et la production de richesses qui permettront de créer des emplois et, par voie de conséquence, de lutter efficacement contre la pauvreté, ainsi que d'augmenter le pouvoir d'achat.
M. Paul Raoult. On ne s'en est pas rendu compte ! Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir : pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement s'attache à mettre en oeuvre le programme du Président de la République. Peut-être cela vous surprend-il qu'il essaie de tenir les promesses qu'il a faites ? Il faut, me semble-t-il, le mettre à son crédit.
M. Jacques Mahéas. Plutôt à son débit !
M. le président. S'il vous plaît !
M. Éric Woerth, ministre. Le programme du Président de la République, quel est-t-il ?
Dans le domaine de l'économie, il consiste à étudier les déficits publics avec beaucoup de lucidité et d'attention, afin de les combattre efficacement et de parvenir à la maîtrise de la dépense publique et à l'équilibre des finances publiques en 2012.
M. Paul Raoult. Vous disiez la même chose en 2002 !
M. Éric Woerth, ministre. Croyez-moi, tant que subsisteront des déficits publics en France, ce seront les plus faibles qui s'affaibliront encore. Il faut donc rembourser la dette et relancer la compétitivité du pays. En effet, l'existence d'une lourde dette et l'absence de compétitivité concourent à l'affaiblissement des Français, notamment de ceux qui sont les plus démunis.
Le retour à l'équilibre des finances publiques permettra de redonner des marges de manoeuvre à notre pays et du pouvoir d'achat à chaque Français. Le Gouvernement, je le répète, a donc l'intention de réduire la dépense publique pour parvenir à cet équilibre.
M. Jean-Marc Pastor. Toujours des leçons !
M. Éric Woerth, ministre. Il pourrait y parvenir par une augmentation des impôts, mais telle n'est pas la voie qu'il prend : il a choisi une voie beaucoup plus difficile, beaucoup plus contraignante, beaucoup plus exigeante, celle de la révision générale des politiques publiques.
Demain, le Président de la République, lors du conseil de modernisation des politiques publiques, annoncera un certain nombre de mesures. D'autres suivront, d'ici à l'été. Elles concourront évidemment à cet équilibre, si nécessaire aussi pour les plus démunis, que vous défendez, monsieur le sénateur, tout comme le Gouvernement. Le retour à un pouvoir d'achat fort, à la croissance, à la richesse de notre pays passe par là. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
application de la loi Leonetti sur la fin de vie
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Madame la ministre, la récente et vive émotion suscitée par le cas douloureux de Chantal Sébire, qui s'est donné la mort après avoir vu sa demande d'euthanasie rejetée par la justice, relance le débat sur l'accompagnement en fin de vie dans notre pays.
On aurait pourtant pu croire que cette question avait été tranchée par la loi du 22 avril 2005, fruit d'une réflexion longue et approfondie menée par M. Jean Leonetti, et dans laquelle sont posés des principes clairs : interdiction de l'obstination déraisonnable dans la dispense des soins, droit du patient d'interrompre ou de refuser un traitement, accès aux soins palliatifs.
Elle vise, en quelque sorte, à autoriser le « laisser-mourir » dans des conditions décentes. Faut-il, aujourd'hui, aller plus loin, en légalisant « l'aide à mourir » ou le suicide assisté ?
On ne peut, sous le coup de l'émotion, adhérer à un tel projet, et ce pour deux raisons. D'abord, parce que la demande d'euthanasie est, en réalité, bien souvent liée à la peur de la souffrance et de la déchéance, au souci de ne pas peser trop longtemps sur ses proches, au manque de dialogue, parfois. Ensuite, parce que donner la mort ne saurait en aucun cas constituer un projet médical ; ce serait contraire au serment d'Hippocrate et source de dérives possibles.
Alors, que faire pour répondre aux situations les plus douloureuses ? Appliquons déjà la loi actuelle et menons une véritable politique de prise en charge de la douleur.
En effet, qu'en est-il aujourd'hui ?
La psychologue Marie de Hennezel, auteur d'un rapport sur l'état des soins palliatifs en France qui vous a été remis à la fin de 2007, madame la ministre, dresse un constat sévère : inégalités profondes dans l'accès aux soins palliatifs, hétérogénéité des pratiques, insuffisance de moyens, sous-effectifs et, surtout, déficit d'information. Selon elle, les possibilités ouvertes par la loi Leonetti sont, en particulier, mal connues et incomprises.
Finalement, la tentation de répondre au voeu de mort par un geste létal est révélatrice d'un défaut de formation et d'une solitude des soignants. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation, au-delà de la mission que vous avez confiée à M. Jean Leonetti ?
Il restera toujours des cas de détresse, ceux de malades dont l'espérance de vie n'est pas menacée, et auxquels il sera difficile de répondre.
Cependant, ce n'est pas une loi sur l'euthanasie qui amendera les consciences. En revanche, on peut craindre qu'elle ne vienne freiner les efforts des soignants pour améliorer leur pratique, pour la penser, pour inventer une manière d'être humble et humaine auprès de ceux qu'on ne peut plus guérir. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le sénateur, vous venez de poser une question extrêmement délicate. Le souvenir poignant de Chantal Sébire nous invite à être responsables et à donner une réponse qui parte de la tête, sans doute, mais aussi beaucoup du coeur.
Le problème de l'accompagnement en fin de vie est régi, dans notre pays, par la loi Leonetti, qui - faut-il le rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs ? - a été adoptée à l'unanimité. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. François Autain. Non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elle l'a été, en tout cas, à l'unanimité à l'Assemblée nationale et à la quasi-unanimité ici même ! (Protestations sur les mêmes travées.)
M. François Autain. Non ! C'est faux !
M. le président. S'il vous plaît ! Il s'agit d'un sujet douloureux : il convient d'écouter en silence les orateurs !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans la loi Leonetti, sont rappelés un certain nombre de principes éthiques qui régissent notre République, notamment celui-ci : la personne qui souffre a droit à notre attention, à notre solidarité. Si ces gestes de vie sont, avant tout, prodigués par la communauté soignante, il n'en demeure pas moins qu'ils s'imposent évidemment à tous.
La loi Leonetti dispose que la volonté du malade doit être respectée et que l'acharnement thérapeutique n'est pas de mise, que chaque malade a droit à un accompagnement et à une sédation de sa douleur, et, enfin, que la culture des soins palliatifs doit être développée.
M. François Autain. C'est un voeu pieu !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Quelle est la situation ?
Vous avez évoqué à juste titre, monsieur le sénateur, le rapport que m'a remis Marie de Hennezel. Il en ressort que de nombreux médecins méconnaissent la démarche palliative...
M. François Autain. Nous, nous ne connaissons pas le rapport !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ...et que les soins palliatifs sont très mal répartis. Elle a pu le constater après avoir participé à un certain nombre de colloques et procédé à des expertises et à des évaluations.
M. le Premier ministre a demandé à M. Jean Leonetti d'évaluer sa loi.
M. François Autain. Il n'était pas le mieux placé pour le faire !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il a, en effet, été constaté qu'une demande d'euthanasie n'était pas maintenue si des soins palliatifs de qualité étaient proposés.
À la demande du Président de la République, j'entends donc développer la culture palliative, à savoir les unités et les réseaux de soins palliatifs, ainsi que des lits identifiés comme tels.
M. François Autain. Il faut des moyens pour cela !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En effet, monsieur le sénateur, le fait de donner la mort ne peut en aucun cas constituer une démarche de soins. Cet acte peut, certes, résulter d'une sédation extrême offerte par la culture palliative, mais il ne saurait être assimilé à un geste soignant.
Telle est la pratique éthique que je vous propose. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
l'avenir des relations france-gabon
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Elle porte sur les relations franco-africaines et, plus particulièrement, sur nos relations avec le Gabon ; je vous rappelle que je préside le groupe d'amitié France-Gabon du Sénat.
Depuis l'indépendance réussie des pays d'Afrique noire, réalisée sous l'égide du général de Gaulle (Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), la France a maintenu avec ces derniers des liens étroits et harmonieux.
La présence française y est encore forte. Actuellement, près de 10 000 Français résident au Gabon, pays avec lequel nous avons des échanges économiques considérables et où les investissements français sont importants.
Le président Omar Bongo Ondimba est un grand ami de la France. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Qui pourrait le nier ? À chaque fois que nous avons eu besoin du Gabon, notamment lorsque la vie de Français était en jeu, comme ce fut récemment le cas au Tchad, ce pays a su accueillir nos compatriotes sans discussion et sans visa.
M. Paul Raoult. Combien cela coûte ?
M. Jean-Pierre Cantegrit. Dès lors, comment expliquer, monsieur le secrétaire d'État, que la télévision publique française, en l'occurrence France 2, relayée par d'autres chaînes publiques, s'en prenne aux résidences immobilières du président Bongo, comme si elle était chargée d'une commission d'enquête sur un sujet qui n'est ni d'actualité ni une nouveauté ? ((Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Marc Todeschini. Non, ce n'est pas nouveau !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Comment se fait-il que l'on expulse des étudiants gabonais qui font des études en France, alors que M. Brice Hortefeux a conclu un accord sur la gestion concertée des flux migratoires ?
Comment se fait-il que votre prédécesseur, M. Jean-Marie Bockel, homme sympathique, (Rires sur les travées du groupe socialiste.) ...
M. François Autain. Un socialiste ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Cantegrit. ...s'en prenne aux accords qui nous lient avec les pays africains amis de la France, reprenant à son compte ce qu'avait fait M. Jean-Pierre Cot, ministre délégué à la coopération de François Mitterrand, subissant ensuite le même sort que lui ?
M. François Autain. Deux socialistes ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Cantegrit. Les résultats ne se sont pas fait attendre : les relations se sont tendues, les deux chambres du Parlement gabonais se sont réunies en session extraordinaire, stigmatisant les actions qui violent la souveraineté des États et déstabilisent les pouvoirs établis ; des manifestations ont eu lieu devant l'ambassade de France, qui a été couverte de graffitis.
Le représentant des Français du Gabon, M. Michel Auguste, et les entrepreneurs français m'expriment leurs inquiétudes sur les conséquences du sentiment anti-français et du durcissement des conditions de délivrance des visas.
Il est grand temps, monsieur le secrétaire d'État, de reprendre sereinement les relations anciennes et amicales que nous avons avec le Gabon et avec son président Omar Bongo. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le sénateur, les relations bilatérales entre la France et le Gabon restent vivaces et confiantes.
M. Charles Gautier. Encore la langue de bois !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Elles ont été marquées par la visite officielle du Président de la République le 27 juillet dernier à Libreville. De nombreuses visites ministérielles réciproques continuent de ponctuer nos échanges dans les domaines de l'économie, de la santé, de l'environnement...
M. Robert Hue. Et du pétrole !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. J'envisage moi-même de me déplacer au Gabon à la fin du mois, ainsi d'ailleurs que dans d'autres pays africains, notamment au Sénégal et au Togo.
Les autorités gabonaises sont très impliquées dans le suivi de notre coopération, qui se définit en fonction des accords signés en 2005. Celle-ci est très active au Gabon et concerne trois secteurs : la forêt et l'environnement, les infrastructures et l'éducation.
Monsieur le sénateur, l'importance de notre action, la qualité des projets et le grand intérêt manifesté par les autorités gabonaises sont un gage de la durabilité de notre coopération, que, me semble-t-il, vous appelez de vos voeux, monsieur le sénateur.
Dans votre question, vous avez fait référence à différents malentendus ou incompréhensions, qui ont été levés à ce jour.
S'agissant de l'immigration, l'accord relatif à la gestion des flux migratoires doit être prochainement ratifié par le Parlement, ce qui constitue un point très positif. Cet accord facilite l'accès à l'emploi des étudiants gabonais ; nous ferons tout pour qu'ils puissent être diplômés en France. Le flux migratoire concernera également certaines catégories de salariés.
En 2007, la France a délivré 11 105 visas à des Gabonais, pour 12 697 demandes, soit un taux d'acceptation de 87 %. Comme vous pouvez le constater, la situation est donc très positive.
L'enquête préliminaire que vous évoquez a été classée le 15 novembre 2007...
M. Jean-Marc Todeschini. On respire !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. ... et vous comprendrez qu'il n'appartient pas au Gouvernement de commenter les décisions prises par les autorités judiciaires.
M. Marcel-Pierre Cléach. Bien sûr !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. La France et le Gabon entretiennent donc un dialogue serein, qui caractérise habituellement leurs échanges.
Le discours prononcé par le Président de la République au Cap, à la fin du mois de février, a tracé la direction de nos échanges. Il ne reste plus au Gouvernement qu'à appliquer l'ensemble des orientations évoquées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
situation financière de la france
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Ma question s'adresse à Mme la ministre des finances, mais je sais que c'est M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui va me répondre.
La politique économique du Gouvernement inquiète profondément les Français. Ils l'ont fait clairement savoir lors des récentes élections : ils trouvent votre politique injuste et sans effet sur leur pouvoir d'achat.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ils sont clairvoyants !
M. François Marc. De fait, le moral des ménages français s'est encore dégradé en mars, pour tomber à son plus bas niveau depuis que l'INSEE a commencé à le mesurer en janvier 1987. Ce score, mesdames, messieurs les ministres, est le pire de ces vingt dernières années !
Visiblement, les discours volontiers rassurants du Gouvernement sur la santé de l'économie française ne convainquent plus grand monde.
Les derniers chiffres portés à notre connaissance, cette semaine, sont effectivement accablants. Le déficit « dérape », puisqu'il représente désormais 2,7 % du PIB, contre les 2,4 % prévus ; la dette publique, en augmentation de 5,2 %, atteint 1 209 milliards d'euros, soit 64,2 % du PIB.
Quant à la croissance, les très bonnes performances de la France obtenues du temps de la gauche ne sont plus qu'un lointain souvenir. (Rires sur les travées de l'UMP.)
Rappelez-vous, mes chers collègues ! Nos résultats, durant la période 1998-2002, étaient meilleurs que ceux de l'Allemagne et de la plupart des pays européens ! Depuis, la dégradation s'accentue et vous êtes obligés de réviser régulièrement à la baisse vos prévisions trop optimistes.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Vous oubliez les 35 heures !
M. François Marc. Pour l'année 2008, vous nous annonciez, il y a peu, un taux de croissance de 2,25 %. Aujourd'hui, vous vous raccrochez encore à un taux proche de 2 %. En fait, il atteindra seulement 1,5 %, si l'on en croit les experts qui ont été auditionnés hier au Sénat.
La France va bientôt présider aux destinées de l'Union européenne, avec une carte de visite bien peu reluisante. Notre pays enregistre un lourd déficit, la dette dépasse largement le seuil de Maastricht et nous sommes en train de devenir, après l'Italie, la lanterne rouge de la croissance économique au sein des pays européens.
M. Paul Raoult. C'est triste !
M. François Marc. Monsieur le ministre, quand une politique ne marche pas, il convient d'en changer d'urgence. Vous devez donc au plus vite remettre en question le paquet fiscal adopté en juillet 2007 : 15 milliards d'euros ont été accordés aux plus aisés des Français, sans aucun effet visible sur la croissance ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Vous avez, ce faisant, accentué le déficit budgétaire, ce qui va vous obliger à mettre sur pied un plan d'austérité de plusieurs milliards d'euros. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Monsieur le ministre, au lieu de demander des sacrifices à tous les Français, ne conviendrait-il pas d'abord de corriger profondément votre politique injuste et inefficace ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, vous avez, encore une fois, la mémoire un peu courte ! Vous parlez des bonnes performances de la gauche. J'affirme, au contraire que vous avez gâché la croissance française ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
En effet, elle était forte à l'époque où vous étiez aux affaires et, très sincèrement, cette situation avait peu à voir avec le sens de votre action.
M. Paul Raoult. Il y avait de la croissance, au moins !
M. Éric Woerth, ministre. Vous avez également fait voter la loi qui a le plus nui à la compétitivité française, je veux parler de la loi sur les 35 heures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Sincèrement, les yeux dans les yeux, ayez recours à des arguments qui tiennent la route ! Retrouvez un peu la mémoire, cela vous évitera de donner leçons sur leçons ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Au demeurant, nous allons poursuivre la politique économique que nous menons. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, elle repose sur un certain nombre d'éléments.
M. Guy Fischer. Sur la rigueur !
M. Éric Woerth, ministre. À défaut d'« entonner une nouvelle ritournelle » (Sourires.), je redis que nous souhaitons revenir à l'équilibre des finances publiques. Pour ma part, j'assume le « dépenser moins » et le « dépenser mieux ». (Très bien ! sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La révision générale des politiques publiques a pour objet d'examiner l'ensemble des dépenses publiques, afin de déterminer comment elles peuvent correspondre aux besoins des Français, dans le respect, bien évidemment, des recettes publiques.
J'évoquerai également le paquet fiscal, qui revient souvent dans vos propos. À l'Assemblée nationale, lors du débat qui s'est tenu sur la situation économique, sociale et financière de la France, l'opposition n'a cessé de répéter qu'il fallait le supprimer. Un tel discours, dépourvu de toute proposition nouvelle, ne peut tenir lieu de politique.
Le paquet fiscal vise à améliorer le travail...
M. Guy Fischer. Cadeau !
M. Éric Woerth, ministre. ... à favoriser une augmentation sans précédent des heures supplémentaires, ...
M. Guy Fischer. Cadeau !
M. Éric Woerth, ministre. ..., à permettre aux Français de devenir propriétaires de leur résidence, ...
M. Paul Raoult. Et les logements sociaux qu'il faudrait construire !
M. Éric Woerth, ministre. ... et à diffuser, dans l'ensemble de la société française, une croissance durable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nous allons, bien évidemment, tout mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs suivants : l'assainissement des finances publiques, la relance de la croissance française et la réforme en profondeur de notre société pour plus de justice, d'équité et de pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud.
M. Adrien Giraud. Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, nous vous avons accueilli avec joie lors de votre récente visite officielle à Mayotte.
Nous sommes sûrs que vous avez pris une mesure plus exacte non seulement des contraintes qui pèsent sur nos efforts de développement économique et social, mais aussi des préoccupations qui résultent pour nous d'un environnement international compliqué.
Sur les problèmes de développement, nous comprenons mal que nos entreprises soient exclues du système des zones franches globales d'activités que vous proposez pour l'outre-mer, alors qu'elles auraient tout à y gagner, au besoin avec les adaptations requises par nos spécificités.
Par ailleurs, la conjoncture politique et diplomatique, liée aux difficultés de l'île comorienne d'Anjouan, a entraîné pour Mayotte - et à Mayotte même - de graves conséquences, en raison des violences exercées sur les personnes par des clandestins comoriens.
Ces événements sont d'autant plus fâcheux que les autorités de l'Union des Comores paraissent décidées à s'opposer au retour de leurs ressortissants reconduits à la frontière.
Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous faire part d'un document officiel de l'Union des Comores, dans lequel il est écrit : « Il serait inopportun et malvenu d'organiser des reconduites à la frontière des Comoriens à partir de Mayotte ».
Une note de service, signée du secrétaire général comorien, précise : « Il est strictement interdit à toute agence de voyage, aérienne ou maritime, nationale ou étrangère, de transporter des Comoriens dits « clandestins » à partir de Mayotte jusqu'à nouvel ordre ».
Qu'en est-il pour Mayotte du projet des zones franches globales d'activités, alors que nous avons besoin d'instruments performants de développement ?
Mais, surtout, les Mahorais ne peuvent admettre que Mayotte, qui n'aspire qu'à la tranquillité au sein de la République Française, devienne le théâtre habituel de violences engendrées par les affrontements entre les îles voisines.
Face à cette situation difficile, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous faire part des mesures d'urgence susceptibles de mieux assurer la sécurité de la population de Mayotte ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu rappeler que mon premier déplacement m'a conduit à Mayotte, où je représentais le Gouvernement à un moment particulièrement difficile,...
M. Jacques Mahéas. Ah oui !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. ... celui de l'arrivée du colonel Bacar.
Je tiens à préciser que cette arrivée n'a pas été souhaitée par la France, qu'elle a été subie et que nous avons eu à lancer une procédure d'immigration irrégulière tout à fait classique, qui a d'ailleurs été traitée immédiatement par le gouvernement français comme elle devait l'être, c'est-à-dire dans le respect des lois de la République et des conventions rappelant les droits de l'homme, mais aussi avec célérité et fermeté.
Nous sommes conscients des risques qui pèsent sur la sécurité des Mahorais. J'ai pu constater moi-même les violences commises à Mayotte, qui ont fait des blessés, parfois graves. Nous avons pu saluer ensemble l'efficacité de la réaction des services publics.
Pour ce qui concerne plus généralement la question de l'immigration irrégulière, thème de mon déplacement, le Gouvernement renforce ses dispositifs de contrôle. Dans quelques semaines, le troisième radar destiné à couvrir le secteur du sud de l'île sera installé et des moyens de navigation supplémentaires seront apportés aux services concernés pour renforcer les contrôles à la frontière.
Mais, à l'évidence, ces contrôles ne porteront pleinement leurs fruits que si nous sommes en mesure de développer avec l'Union des Comores une politique de partenariat permettant la reconduite à la frontière des étrangers arrêtés en situation irrégulière.
Vous avez raison de dire que le dialogue est de plus en plus nécessaire entre le gouvernement français et le gouvernement de l'Union des Comores pour aboutir, non seulement à ce résultat, mais aussi à un contrôle dès l'origine, c'est-à-dire dès les plages d'Anjouan, afin d'éviter que des Comoriens n'embarquent en nombre pour pénétrer sur le territoire national.
Le Gouvernement porte une attention toute particulière à ce problème et, depuis mon retour, de nombreuses réunions interministérielles ont permis d'aller dans le sens que vous souhaitez.
Vous avez posé la question du développement économique. Lors de ma rencontre avec les responsables du conseil général de Mayotte, ces derniers m'ont annoncé que, le 18 avril prochain, l'assemblée départementale prendrait la décision d'engager le processus de départementalisation au titre de l'article 73 de la Constitution. Dans le cadre de ce processus, une fois que les Mahorais se seront prononcés librement, une « loi Mayotte » viendra adapter toutes les dispositions de la loi de programme pour l'outre-mer au territoire de Mayotte.
Enfin, j'ajoute que le contrat de progrès que j'ai signé, à hauteur de 330 millions d'euros, constitue une première réponse à vos préoccupations économiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
plan école primaire
M. le président. La parole est à M. Yannick Texier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Il n'a encore rien dit !
M. Yannick Texier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.
M. François Marc. Cela tombe bien !
M. Yannick Texier. Pendant la campagne présidentielle, au cours de l'un de ses discours, Nicolas Sarkozy affirmait que « l'école est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas ».
Mme Nicole Bricq. Il en a tellement dit !
M. Yannick Texier. Pour les Républicains que nous sommes, attachés à la promotion de l'individu par le mérite et par le savoir, c'est d'abord à l'école primaire que se transmet ce patrimoine inestimable.
M. Paul Raoult. Cela, c'est vrai !
M. Yannick Texier. Monsieur le ministre, aujourd'hui, de très nombreux pays européens, tels que la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal ou le Royaume-Uni, sont en train d'opérer un recentrage des programmes d'enseignement de leurs écoles primaires sur la transmission des savoirs fondamentaux.
Pendant ce temps, la place de la France recule dans les enquêtes internationales.
M. Paul Raoult. C'est vrai aussi !
M. Jacques Mahéas. Onze mille postes en moins dans l'éducation nationale !
M. Yannick Texier. L'enquête internationale PIRLS - Progress in international reading literacy study -, réalisée en novembre 2007 sur l'apprentissage de la lecture à dix ans, classe la France au dix-septième rang sur vingt-deux pays examinés.
M. Jean-Luc Mélenchon. Oh ! Arrêtez de vous en réjouir ! Vous avez vous-même du mal à lire ! (M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, lève les bras au ciel.)
M. Yannick Texier. L'enquête PISA, Programme international pour le suivi des acquis des élèves, portant sur la culture mathématique et la compréhension de l'écrit à quinze ans, mesure distinctement le recul de la France : légèrement au-dessus de la moyenne de l'OCDE en 2000, elle se situe aujourd'hui en dessous de cette moyenne.
À l'heure où l'on s'interroge sur un meilleur apprentissage des langues étrangères dès l'école primaire, trop d'élèves arrivent en sixième en maîtrisant difficilement la lecture et la grammaire de leur langue maternelle.
Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle semble peser sur les élèves les plus fragiles, ceux qui attendent précisément de l'école qu'elle les aide à surmonter le poids de la fatalité et du déterminisme.
M. Daniel Raoul. C'est du copié-collé !
M. Josselin de Rohan. C'est la vérité ! C'est cela qui vous dérange !
M. Yannick Texier. Ce constat n'est pas acceptable, compte tenu des moyens que notre pays y consacre. Ces élèves, leurs familles, la nation tout entière n'attendent pas de leurs élus qu'ils retombent dans l'éternelle querelle d'experts, à laquelle semblent d'ailleurs vouloir vous inviter certains de vos prédécesseurs.
M. Jacques Mahéas. Ah bon ?
M. Yannick Texier. Monsieur le ministre, vous avez annoncé la mise en place de nouveaux programmes à l'école primaire : est-ce suffisant, selon vous, pour inverser la tendance et améliorer sensiblement les performances de notre école primaire ?
Quelles mesures envisagez-vous pour que les élèves du primaire puissent aborder leur scolarité au collège, forts d'un vrai bagage de connaissances ? Quelles seront vos méthodes ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, vous venez de faire un constat, que chacun partage et qui ne met d'ailleurs pas en cause la bonne volonté ni le professionnalisme des enseignants.
Il nous oblige cependant à nous interroger sur l'efficacité globale de l'école primaire, d'autant qu'il convient d'ajouter aux chiffres que vous venez de citer le fait que, au cours de ces vingt dernières années, nous avons perdu 200 000 élèves à l'école primaire alors que nous avons augmenté de 12 000 le nombre de nos enseignants, et que nos élèves bénéficient de cent heures de cours de plus que la moyenne des élèves des pays européens.
Pourtant, les enquêtes montrent que nous régressons dans les domaines les plus nécessaires, s'agissant en particulier de la performance en matière de lecture et d'écriture.
Dès lors, que voulons-nous faire ?
Nous voulons donner plus à ceux qui ont moins. Cela signifie, d'abord, qu'il faut refaire des programmes, de façon lisible et simple, en trente-quatre pages au lieu de cent six, sans document incompréhensible, pour faire en sorte que le savoir soit partagé par la nation et, en particulier, que l'on n'hésite pas à se montrer ambitieux et exigeant. Je suis même surpris, par exemple, que l'on puisse faire une querelle à la France au motif qu'elle veut que les enfants de sept ans sachent diviser un nombre entier par deux, question qui, semble-t-il, ne se pose nulle part ailleurs que chez nous !
Donner plus à ceux qui ont moins, c'est, ensuite, organiser différemment le temps scolaire. Il faut que les 15 % d'élèves qui sont en grande difficulté puissent être accompagnés par les enseignants eux-mêmes.
M. Jacques Mahéas. Votre prédécesseur, M. Ferry, n'est pas d'accord !
M. Xavier Darcos, ministre. Voilà pourquoi les enseignants auront deux heures dans leur service qu'ils consacreront plus particulièrement à ces élèves.
Donner plus à ceux qui ont moins, c'est aussi apporter ce que les familles aisées trouvent hors de l'école : nous donnons gratuitement à tous les élèves un accompagnement éducatif en fin de journée et, surtout, dès la semaine prochaine, nous prévoyons des stages pour des élèves de CM 1 et CM 2, qui voudraient se rattraper en mathématiques ou en français. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) J'observe d'ailleurs que, dans la zone B, la première à mettre en oeuvre ce dispositif dans quelques jours, 40 000 élèves se sont inscrits, 8 000 professeurs sont volontaires.
Permettez-moi de souligner qu'il n'y a pas d'idéologie dans ces choix ! Il est normal que la République donne gratuitement ce que les familles aisées trouvent autour d'elles. Je suis donc surpris de voir des communes, comme celle de Toulouse, refuser le dispositif, parce qu'il pourrait arranger le ministre ! Pensons, s'il vous plaît, à la justice sociale et à l'intérêt des enfants ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Donner plus à ceux qui ont moins, c'est, enfin, évaluer de manière objective : nous voulons non pas discuter des méthodes des enseignants, mais vérifier si les élèves savent, oui ou non, les choses simples dont ils auront besoin.
Cessons de décrire les vélos, montons dessus ! C'est ce que l'on demande aux élèves, pour qu'ils trouvent très tôt des exercices qui leur donneraient une certaine liberté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Voici ce que nous voulons !
M. Jacques Mahéas. Même entre vous, vous n'êtes pas d'accord !
M. Xavier Darcos, ministre. Ainsi, nous accomplirons la promesse du Président de la République de diminuer de moitié l'échec scolaire et du tiers le redoublement aujourd'hui inefficace.
C'est ce que nous allons faire ensemble, si vous le voulez bien ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)
politique industrielle de la France
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle porte à nouveau sur la sidérurgie, mais aussi sur la politique industrielle du Gouvernement.
Interpellé hier à l'Assemblée nationale, monsieur le Premier ministre, vous avez laissé votre secrétaire d'État improviser une réponse sur l'annonce de la suppression de près de six cents emplois à Gandrange. En réalité, plus du double d'emplois disparaîtront avec la sous-traitance.
En juin 2006, face aux parlementaires français, Lakshmi Mittal avait pris des engagements clairs sur l'avenir du site de Gandrange : « Aucune suppression d'emploi n'aura lieu en Lorraine. Le groupe continuera à investir dans la recherche et le développement. »
En février, en réponse à l'annonce par Arcelor-Mittal du licenciement boursier de six cents ouvriers, le Président de la République s'était rendu sur le site pendant quarante-cinq minutes et avait promis aux salariés de revenir avec une solution pour éviter ces suppressions d'emplois et, surtout, pour permettre le maintien de la production sur place : « Soit nous arrivons à convaincre Mittal et nous investirons avec lui, soit nous trouvons un repreneur et nous investirons avec lui » avait-il déclaré.
M. Jacques Mahéas. C'était avant les élections !
M. Jean-Marc Todeschini. Comme il l'a fait à plusieurs reprises sur différents dossiers avant les échéances électorales, le Président de la République avait fortement politisé le dossier en se déplaçant.
Monsieur le Premier ministre, avec l'annonce faite hier par Arcelor-Mittal, à Luxembourg, du maintien du plan de suppressions d'emplois, annonce qui fait la une de la presse aujourd'hui, allez-vous - puisque vous êtes absent dans cet hémicycle - laisser un autre secrétaire d'État me répondre, comme M. Chatel l'a fait hier à l'Assemblée nationale, que tout va bien, que les promesses présidentielles sont tenues, que les six cents sidérurgistes seront reclassés à proximité, qu'il nous faut tirer des conclusions pour l'avenir , qu'il nous faut rendre notre industrie plus performante et qu'il nous faut garantir la formation des salariés de demain afin d'améliorer l'adéquation entre l'offre et la demande ?
Mais quelle offre, monsieur le Premier ministre, si, demain, la France n'a plus d'industries, avec un gouvernement, le vôtre, qui n'a aucune politique industrielle d'envergure ? (Oh ! sur les travées de l'UMP)
M. Jacques Mahéas. Eh oui !
M. Jean-Marc Todeschini. À un moment où le marché de l'acier dans le monde n'a jamais été aussi florissant, faut-il vous rappeler que l'acier qui ne sera plus produit sur le site de Gandrange le sera tout simplement en Allemagne, pays qui possède une véritable stratégie industrielle, tout comme le Luxembourg ou la Belgique ?
Oui, monsieur le Premier ministre, la Lorraine et toute la France ont les yeux rivés sur ce dossier à la suite du déplacement du Président de la République, mais aussi de vos récentes déclarations sur le plein emploi.
La Lorraine exige de Nicolas Sarkozy et de votre gouvernement que vous teniez vos promesses de maintien intégral de l'emploi sur le site de Gandrange, d'une part, et du renforcement des capacités industrielles de la France, d'autre part.
Si le Gouvernement a une véritable politique industrielle, il doit faire preuve de davantage de fermeté à l'égard d'un groupe qui souhaite fermer une usine rentable, uniquement pour accroître la rémunération de ses actionnaires, alors même qu'il dégage des bénéfices colossaux, à hauteur de 7,5 milliards d'euros en 2007.
Tout doit être entrepris pour l'adoption d'un plan industriel alternatif, qui stabilise le site de Gandrange, l'emploi et l'activité. Nicolas Sarkozy est invité à revenir sur place et à tenir ses promesses. Il y est attendu !
Ce qui est en jeu à travers Gandrange, partie visible de l'iceberg, c'est l'emploi industriel, la politique industrielle de la France. Qu'avez-vous à répondre, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur Todeschini, rassurez-vous, les réponses du Gouvernement ne sont pas des réponses improvisées.
M. Jean-Marc Todeschini. Pourquoi « improvisées » ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Nous essayons, sur ces sujets graves, de répondre aux questions justifiées des parlementaires.
La France veut rester un grand pays industriel, nous le souhaitons tous. Dans ce cadre, l'avenir de notre industrie sidérurgique est évidemment un sujet déterminant, comme l'ont rappelé le Président de la République et Christine Lagarde.
Je me permets de le souligner, c'est grâce à l'action du Président de la République que M. Mittal a accepté de laisser deux mois de réflexion, qui ont permis d'explorer au maximum les différentes solutions alternatives.
M. François Autain. C'est incroyable !
M. Jean-Marc Todeschini. Ce n'est pas sérieux !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. La réponse de la direction à ces propositions sera faite dans le cadre du comité d'entreprise du 4 avril prochain.
M. Jean-Marc Todeschini. Elle a été donnée hier à Luxembourg ! Elle fait le titre du journal ! (M. Todeschini brandit un exemplaire du Républicain lorrain.)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je pense que nous avons tous à coeur de respecter le déroulement de la procédure et, notamment, de laisser le comité d'entreprise répondre.
À l'évidence, le Président de la République et le Gouvernement souhaitent que la réponse apportée soit une vraie réponse, et non pas une fausse solution visant uniquement à repousser les échéances. À cette fin, nous serons extrêmement attentifs, notamment aux plans d'investissement, les seuls à même d'assurer l'avenir de l'industrie sidérurgique.
Votre question, et je vous en remercie, portait aussi sur l'ensemble de la politique industrielle que compte mener le Gouvernement.
À cet égard, il convient de distinguer deux points centraux : tout d'abord, il faut anticiper autant que possible les mutations industrielles qui, à chaque fois, sont extrêmement douloureuses.
M. Jean-Marc Pastor. C'est mal barré ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Au-delà de nos passes d'armes, certaines situations humaines sont extrêmement difficiles, nous le savons tous.
Tout ce qui relève de la politique de recherche, du développement des pôles de compétitivité, de la mise en place des crédits impôt-recherche constitue les meilleurs gages de l'avenir en matière d'emploi et de politique industrielle.
Par ailleurs, les chantiers concernant la formation professionnelle sont également essentiels, pour deux raisons.
Premièrement, c'est la seule manière de permettre à nos compatriotes de se positionner sur les métiers d'avenir.
Deuxièmement, quand nous avons des crises et des mutations industrielles aussi douloureuses, c'est en mettant en oeuvre des politiques de formation extrêmement approfondies que l'on peut permettre aux salariés touchés de retrouver le plus rapidement possible un emploi.
Ce chantier fera partie des réformes que nous conduirons avec Christine Lagarde en 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
emploi des seniors
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot.
M. Gérard Dériot. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Il n'y a jamais eu aussi peu de demandeurs d'emploi en France depuis 1984, et, pourtant, l'emploi des seniors demeure un point faible propre à notre pays.
C'est pourquoi, voilà un mois, le Président de la République a demandé à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, Christine Lagarde, de travailler à « des mesures extrêmement précises » dans ce domaine.
Alors qu'une large concertation s'est engagée avec les organisations syndicales pour la préparation de la future grande loi sur les retraites, c'est également l'emploi des seniors qui se retrouve au centre des sujets de discussion.
En effet, l'approbation de l'allongement de la durée de cotisation à 41 ans semble conditionnée par la résolution de la question suivante : comment demander à des salariés de cotiser plus longtemps ou de partir plus tard à la retraite si deux tiers d'entre eux ne sont plus au travail au moment de faire valoir leurs droits ?
Avec un taux d'emploi de 38 % pour les 55-64 ans en 2006, et malgré une amélioration de 6,5 points entre 2000 et 2005, la France se situe en effet, selon Eurostat, plus de 5 points en-dessous de la moyenne de l'Union européenne, qui est de 43,5 %, et loin de l'objectif de 50 % fixé pour 2010 au niveau communautaire.
Pour parvenir à cet objectif, il faudrait que le nombre des seniors en activité en France s'accroisse de l'ordre de 1 million d'ici à 2010. C'est la raison pour laquelle nous sommes très attentifs à ce que le projet de loi sur les retraites soit axé sur l'emploi des seniors.
Je souhaiterais également appeler l'attention du Gouvernement sur l'inquiétude qui pèse dans certains territoires, en particulier ruraux, quant au devenir de nombre d'entreprises artisanales, commerciales ou agricoles, lorsque le chef d'entreprise prend sa retraite et ne trouve pas de repreneur.
Le départ à la retraite de la génération des baby-boomers, d'une part, et les tensions sur le marché du travail, d'autre part, nous font craindre, dans des départements comme l'Allier, la disparition de nombreuses petites entreprises, faute de repreneur, et donc une perte d'emplois et de vitalité économique.
Aussi souhaiterais-je savoir, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour remédier à cette situation.
Pourriez-vous également nous préciser quelles décisions vous comptez arrêter en faveur de l'emploi des seniors ?
Qu'en est-il du concept de « bonus-malus » pour les entreprises, avancé dès l'automne dernier par le Gouvernement ? Et quel est ce « système de label » que vous avez vous-même évoqué il y a un peu moins d'une semaine ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur Dériot, vous m'interrogez sur l'emploi des seniors, sujet que vous connaissez parfaitement.
Vous avez rappelé que, aujourd'hui, l'emploi se porte très bien en France (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), puisque, même si cela doit en gêner certains, avec un taux de chômage de 7,5 %, notre pays connaît une situation qui n'a jamais été aussi bonne depuis 25 ans.
Pour autant, nous avons bien conscience que tout n'est pas parfait. En effet, depuis plus de 30 ans, l'emploi des seniors dans notre pays nous fait honte, avec un taux anormalement bas, notamment par rapport à nos voisins européens, ainsi que vous l'avez souligné.
Politiques, entreprises, partenaires sociaux, il faut avoir le courage de reconnaître que nous avons tous une part de responsabilité en la matière. Un choix social a été tacitement fait, reposant sur une approche totalement fausse selon laquelle en écartant de l'emploi les seniors, on ferait de la place aux jeunes. Or nous savons bien que ce n'est pas en gérant la pénurie que l'on crée les emplois de l'avenir.
C'est pour cette raison que le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité faire de ce sujet l'un des chantiers prioritaires de l'emploi en 2008.
Avec Christine Lagarde, et dans le prolongement du sillon qui avait été tracé par votre collègue Gérard Larcher avec son plan en faveur de l'emploi des seniors en 2005, nous voulons agir sur trois leviers.
Premièrement, nous souhaitons faciliter l'intérêt financier pour les seniors à prolonger leur activité.
Deuxièmement, nous encouragerons les entreprises dont les pratiques sont vertueuses en matière de gestion de leur pyramide des âges, notamment celles qui ont une politique destinée à favoriser la place des seniors en leur sein. C'est cette idée de « label » que je compte porter. À l'inverse, les entreprises qui ont « expulsé » tacitement leurs seniors feront l'objet d'un malus. À un moment, il ne faut plus en rester au stade des bonnes intentions.
Troisièmement, Christine Lagarde a mis en place avec l'ANPE un programme d'accompagnement extrêmement vigoureux en matière de recherche d'emploi. Rechercher un emploi quand on a plus de 50 ans n'est pas aussi facile que quand on a 40 ans. J'ai demandé à pouvoir disposer des premiers résultats de ce programme qui, mois après mois, me permettront de vous rendre compte des effets positifs ou non de cet ensemble de mesures.
Un gigantesque chantier nous attend. C'est bien d'une révolution culturelle qu'il s'agit : faire comprendre que, à plus de 55 ans, on a encore une vie professionnelle devant soi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. M. Jean Boyer applaudit également.)
situation dans l'éducation nationale
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, en application d'une politique purement idéologique de restriction des services publics...
M. Josselin de Rohan. Cela commence bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. ...qui, sous toutes les latitudes, a abouti aux mêmes aberrations, l'éducation nationale subit aujourd'hui l'une des politiques de réduction de ses moyens les plus brutales qu'elle ait jamais connues. Cette année, 11 208 postes sont supprimés, dans des conditions telles qu'il suffit de 2 élèves de moins dans l'enseignement secondaire pour que l'on supprime un poste, alors qu'il en faut 53 de plus dans l'enseignement primaire pour que l'on en crée un.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas dépenser mieux que de retirer 54 établissements d'enseignement public professionnel dans un pays qui connaît une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, au moment où le service public de l'enseignement professionnel compte 20 000 élèves de plus depuis 2002. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Dépenser moins pour la jeunesse de France, ce n'est pas dépenser mieux, au moment où sont rognés les horaires légaux appliqués aux matières qui constituent des référentiels obligatoires de l'enseignement professionnel ou de l'enseignement général.
Ce n'est pas dépenser mieux que d'obérer l'avenir en ne prenant aucune mesure d'anticipation. Vous réduisez de 50 % les postes ouverts aux concours alors qu'augmente la population scolaire qui s'apprête à entrer dans le secondaire.
Ce n'est pas dépenser mieux que de transformer une mesure qui était expérimentale et applicable aux élèves individuellement - je veux parler du passage du bac professionnel en trois ans - en une mesure générale que vous appliquez à l'ensemble de l'enseignement professionnel, au moment même où l'on constate que 20 % des élèves ont besoin de cinq ans pour passer le même bac professionnel.
M. Josselin de Rohan. Et pourquoi pas dix ans ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Cette politique suscite une réprobation générale. Les élus, présidents de conseils régionaux, présidents de conseils généraux, maires des communes qui ont ouvert, rénové, réhabilité ou construit des établissements sont atterrés à l'idée que ces équipements restent inemployés parce que vous les obligez, par décision administrative, à les fermer.
Les conseils d'administration des lycées, pour 80 % d'entre eux, proportion jamais vue dans notre pays, et la totalité des syndicats ont refusé les dotations horaires globales qui leur ont été proposées. En outre, chaque jour, dans chaque ville de France, des lycéens manifestent.
Monsieur le ministre, que répondez-vous à tous ceux qui vous disent que c'est trop, à ceux qui s'inquiètent à l'idée que, comme l'an passé, l'éducation nationale supporte la moitié des 35 000 suppressions de postes qui doivent avoir lieu dans la fonction publique, soit 17 000 postes ?
M. Josselin de Rohan. Quelle horreur !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est trop ! Vous allez faire s'écrouler l'éducation nationale ! Cela réjouira sans doute ceux qui applaudissent nos difficultés, mais désespèrera le peuple français, dont c'est le principal instrument de développement collectif et de promotion individuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur Mélenchon, vous parlez d'idéologie ? Eh bien, parlons-en !
Quelle est la réalité des chiffres ? Nous avons perdu ces trois dernières années 145 000 élèves et nous allons en perdre 40 000 de plus. Aujourd'hui, un lycéen français a 30 % d'heures de cours de plus que ses camarades habitant des pays comparables et les crédits divers qui lui sont consacrés sont supérieurs de 22 %. Ne disons pas que l'éducation nationale française est traitée en parent pauvre, qu'elle est maltraitée : le budget que la nation consacre à l'école reste très élevé. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Daniel Raoul. Ce sont des moyennes !
M. Xavier Darcos, ministre. Vous prétendez que ce chiffre de 8 800 emplois est considérable, voire terrible, et que les choses vont empirer. Voyons les faits objectivement.
De prime abord, je vous rappelle que, parmi ces 8 800 postes, 5 000 ont été transformés en heures supplémentaires. Aussi, le service offert aux élèves ne change pas. Seul importe qu'un élève ait devant lui un professeur en train de faire un cours, qu'il soit en heures supplémentaires ou non.
En ce qui concerne les affectations diverses, il est erroné et idéologique de prétendre que les matières obligatoires bénéficieront, à la rentrée prochaine, d'un nombre inférieur d'heures supplémentaires et que des sections seront fermées. Non seulement c'est faux, mais, de surcroît, bien au contraire, nous avons défini, me semble-t-il d'une manière relativement objective, les endroits où il fallait conserver des emplois prioritaires et les endroits où cette priorité était moindre.
Monsieur Mélenchon, si l'on prend l'exemple de votre département, l'Essonne, celui-ci conservera des moyens identiques bien qu'il perde 1 200 élèves dans le secondaire. Dans le primaire, il perdra 500 élèves, mais gagnera 10 postes.
M. Daniel Raoul. C'est dramatique...
M. Xavier Darcos, ministre. Je pourrai vous communiquer les chiffres exacts d'ici peu.
À ce jour, 27 000 élèves bénéficient d'un accompagnement éducatif dans l'Essonne, parce que nous considérons que ce département est prioritaire et qu'il faut l'aider.
Quant à vos propos sur le bac professionnel en trois ans, encore une fois, ils relèvent de l'idéologie, monsieur Mélenchon, car c'est vous-même qui avez initié cette mesure.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela suffit ! (M. Mélenchon se lève.) Vous affirmez cela pour la dixième fois ! Je l'ai fait à titre expérimental. Cessez d'écrire partout ce que vous venez de dire ! (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Monsieur Mélenchon, soyez discipliné et veuillez écouter M. le ministre !
M. Xavier Darcos, ministre. Soit, j'en prends note. Disons alors que nous avons considéré que l'expérimentation que vous avez engagée était de qualité et que nous avons souhaité la généraliser. Ce n'est rien d'autre que du pragmatisme et du refus de l'idéologie !
Enfin, monsieur Mélenchon, je crois vraiment qu'il est nécessaire que l'éducation nationale pense sa réforme. Il est faux de prétendre que le système éducatif va subitement s'écrouler parce que, à la rentrée prochaine, il n'y aura plus, dans tel lycée, que 109 professeurs contre 110 initialement ou parce que les effectifs d'une classe passeront de 30 à 32 élèves. Il faut réformer l'école et le lycée plutôt que de considérer qu'il faut toujours ajouter des moyens, comme nous le faisons depuis 30 ans. Si cela était vrai, nous serions aujourd'hui les premiers du monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
banderole déployée à l'occasion du match PSG-Lens
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Descamps.
Mme Béatrice Descamps. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Samedi soir dernier, le monde du football s'est privé d'une belle fête et les valeurs du sport ont été souillées par la profonde bêtise et les violences de certains supporters. Une fois de plus !
Alors que la tolérance, le respect de l'adversaire et le dépassement de soi auraient dû se manifester, ce sont l'intolérance et l'infamie qui ont marqué la finale de la Coupe de la Ligue opposant le Paris-Saint-Germain au Racing Club de Lens.
Avec le déploiement de cette banderole, les supporters blessés ou insultés et les bus « caillassés », nous sommes loin des « tifosi » et autres provocations traditionnelles entre clubs de supporters.
La région Nord-Pas-de-Calais et le sport ont été bafoués par la violence des mots, qui, au même titre que le racisme et les appels à la haine, ne sont plus tolérables dans nos stades.
S'insurger sous le coup de l'émotion ne suffit pas. Il s'agit de trouver une véritable solution au problème du hooliganisme. L'affaire Kebbé lors du match Libourne-Bastia, l'affaire Ouaddou lors du match Metz-Valenciennes en sont les preuves, et aujourd'hui cette banderole ! Des réponses sont attendues et pas seulement par la population du Nord-Pas-de-Calais.
Si des sanctions exemplaires doivent être prises, comme l'a annoncé Mme la ministre de l'intérieur, d'autres stratégies doivent être mises en oeuvre.
N'est-il pas temps de responsabiliser non seulement les dirigeants des clubs sportifs, mais aussi ceux des clubs de supporters ? Les premiers ne devraient-ils pas être les garants de la responsabilité morale de leurs supporters ? Les seconds, des Ultras aux Boulogne Boys en passant par les Bad Gones, pour ne citer qu'eux, à l'intérieur et à l'extérieur des stades, sont dans l'obligation d'avoir un comportement exemplaire, digne et respectueux des valeurs sportives, ne serait-ce que pour les enfants et les familles qui viennent au stade.
L'Angleterre a réussi à éradiquer le hooliganisme en étant intraitable avec les supporters, qu'ils appartiennent à un club ou qu'ils soient indépendants. La tolérance zéro avec des interdictions de stade de longue durée, l'identification systématique des fauteurs de troubles et la généralisation des places assises et numérotées a porté ses fruits.
Monsieur le secrétaire d'État, un dispositif de sanctions disciplinaires, judiciaires et administratives existe déjà en France. Mais sont-elles suffisamment efficaces sur le long terme ?
Ne pensez-vous pas qu'il est primordial de renforcer le caractère pédagogique, mais aussi financier, de ces sanctions envers les dirigeants de clubs, les supporters et les stadiers, afin que le football demeure un spectacle pour les familles et qu'il retrouve ses lettres de noblesse ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé de sports, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la sénatrice, comme je le disais hier, nous avons atteint samedi soir au Stade de France les sommets de la bêtise humaine. Étant moi-même supporter du Paris-Saint-Germain, j'avais honte !
Ces faits sont malheureusement récurrents dans le football, puisque, vous l'avez dit, après l'affaire Ouaddou, après l'affaire Kebbé, il y a maintenant l'affaire du Stade de France !
Je voudrais d'abord, au nom du Gouvernement, apporter tout notre soutien et toute notre sympathie à l'ensemble des habitants de cette région du Nord-Pas-de-Calais, aux dirigeants du RC-Lens, au staff technique et aux joueurs de ce club, ainsi qu'à son président, Gervais Martel, qui est un ami. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Le Président de la République a reçu mardi matin les dirigeants du Racing club de Lens ainsi que le député-maire de la ville. Nous avons largement évoqué ces problèmes afin de prendre des décisions nouvelles. Roselyne Bachelot et moi-même proposerons au chef de l'État, au début de la semaine prochaine, des mesures plus fermes et plus dures que celles qui existent à l'heure actuelle.
Avant de les évoquer, je dirai que ce fléau est l'affaire de tous, et pas simplement du Paris-Saint-Germain ; c'est l'affaire des pouvoirs publics, de la Fédération française de football, de la Ligue de football, des clubs et aussi, et surtout, des supporters.
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État. Dimanche soir, j'irai voir le match Marseille-Lyon. J'ai organisé une réunion avec tous les présidents des clubs de supporters de Marseille pour leur dire que, s'ils continuent ainsi, ils vont tuer leur passion.
La première mesure à prendre consiste, pour les préfets, à appliquer les interdictions administratives de stade de façon plus ferme qu'aujourd'hui et à allonger les sanctions. Trois mois, c'est trop court ; il faut aller jusqu'à un an !
La deuxième mesure - les Anglais, dont vous avez parlé, y ont eu recours -, pourrait être de sanctionner financièrement les individus racistes et violents.
La troisième, enfin, - c'est un hommage à Hubert Falco -, consisterait à généraliser les travaux d'intérêt général, les TIG, qui ont été mis en place avec succès par la ligue de football amateur du Var.
Comme je vous le disais, ce fléau est l'affaire de tous. Croyez-moi, cela nous préoccupe, car ce que je vois aujourd'hui dans les enceintes sportives m'agace profondément ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Candidatures à des organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jacques Valade pour siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement public du musée du quai Branly et les candidatures de MM. Jacques Legendre et Philippe Richert, votre serviteur, pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein de la commission du Fonds national pour l'archéologie préventive.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
6
Adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament
Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2007-613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (nos 198, 237).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, afin de garantir à tous ses ressortissants des médicaments sûrs, efficaces et de qualité, afin, également, de soutenir le dynamisme de la recherche thérapeutique, la Communauté européenne met en place le marché unique du médicament. Depuis 2001, la Commission européenne a pris dans ce secteur une série de mesures ambitieuses auxquelles la France s'est associée.
Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui en deuxième lecture vise à ratifier l'ordonnance du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.
Ce texte nous permet d'intégrer au droit français cinq directives du Parlement et du Conseil européens - les colégislateurs - que vous avez pu examiner lors des débats entourant l'adoption de la loi du 26 février 2007.
L'ordonnance concerne des produits très divers, allant des aliments diététiques aux produits d'origine humaine, en passant par les produits cosmétiques et les médicaments à usage humain et vétérinaire.
Les questions que soulève ce texte sont techniques. Elles n'en sont pas moins très importantes, comme en témoigne la qualité du débat auquel elles ont donné lieu dans les deux assemblées.
Je tiens à cet égard à rendre hommage au remarquable travail de votre rapporteur, M. Gilbert Barbier, et de la commission des affaires sociales du Sénat, dont je salue le président, M. Nicolas About. La Haute Assemblée, faut-il le rappeler, est depuis très longtemps en pointe sur les questions biomédicales. En cette année où nous célébrons le vingtième anniversaire de la loi Huriet, je tenais à saluer votre rôle précurseur, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. François Autain. Vingt ans, déjà !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le texte comprend onze articles.
L'article 1er est celui de la ratification de l'ordonnance.
L'article 1er bis sollicite une nouvelle habilitation de quatre mois pour légiférer par ordonnance, afin de permettre au Gouvernement d'honorer rapidement les engagements européens de la France, ce qui est le moins pour le pays qui doit assurer, dans quelques mois, la présidence de l'Union européenne.
L'article 2 de ce texte vient compléter l'article 38 du code des douanes. Il s'agit de donner aux agents des douanes de nouvelles prérogatives de contrôle concernant les échantillons biologiques et les produits sanguins, à travers, notamment, des contrôles inopinés.
L'article 3 rectifie une erreur matérielle.
L'article 4 corrige une ambiguïté autour de la question des insecticides et des acaricides à usage médical.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes déjà prononcés en faveur de ces premiers articles, aussi ne m'y attarderai-je pas davantage. Considérons plutôt les dispositions que vous n'avez pas encore eu le loisir d'examiner sous leur forme présente.
L'article 1er ter sollicite une nouvelle habilitation de dix mois pour légiférer par ordonnance. Le Gouvernement pourra ainsi conduire à son terme le projet d'ordonnance qui vise à étendre aux territoires d'outre-mer les dispositions de la loi du 26 février 2007 et celles de l'ordonnance du 26 avril 2007.
L'article 5 concerne les missions de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS. L'Agence, dont la rigueur et l'autorité sont reconnues par tous, sera désormais l'unique autorité compétente en matière de recherche biomédicale. Afin de tenir compte du retard pris dans le calendrier parlementaire, la mise en oeuvre de cette mesure a été reportée du 1er avril, date prévue par le texte que vous aviez voté en première lecture, au 1er juin de cette année.
L'article 6 a été introduit sur proposition de votre assemblée. Il s'agit de repousser l'entrée en vigueur de l'interdiction de l'utilisation, à des fins humanitaires, des médicaments non utilisés, les MNU, interdiction qui avait été décidée par l'article 32 de la loi du 26 février 2007.
En effet, vous le savez, le dispositif Cyclamed, malgré le dévouement des bénévoles et des associations, ne s'est pas montré à la hauteur de ses promesses.
Il est apparu que les médicaments non utilisés ne présentaient pas de garanties suffisantes de qualité et de conservation. Ils sont souvent mal adaptés aux pathologies de ceux qu'ils sont censés soigner. Enfin, et ce n'est pas le moindre des inconvénients, ils ont pu alimenter des circuits parallèles de revente.
L'avis de Médecins du monde et de l'Ordre de Malte, pour ne citer que deux des associations qui partagent ce constat avec l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, nous a confortés dans cette décision.
Nous devons toutefois accorder un délai aux associations humanitaires pour leur permettre de s'organiser et de trouver d'autres sources d'approvisionnement. L'article 6 prolonge donc de quelques mois la période de transition, pendant laquelle l'utilisation de ces médicaments à des fins humanitaires sera strictement encadrée.
L'article 7 donne aux officines la possibilité de sous-traiter certaines préparations à des établissements pharmaceutiques fabricants, sous le contrôle de l'AFSSAPS, et dans le respect des bonnes pratiques que mentionne l'article L. 5125-5 du code de la santé publique.
Le Comité économique des produits de santé, le CEPS, exige des entreprises pharmaceutiques qu'elles mènent des études pharmaco-épidémiologiques après toute autorisation de mise sur le marché. Afin que ces médicaments puissent faire rapidement l'objet d'une évaluation en vie réelle, l'article 8 prévoit de sanctionner les fabricants qui ne conduiraient pas systématiquement ces études ou qui tarderaient à le faire.
Ce texte nous donne également un outil supplémentaire pour mieux connaître les dispositifs médicaux pris en charge par l'assurance maladie.
L'article 9 vise à remplacer la déclaration obligatoire auprès de l'AFSSAPS de la vente de tout produit remboursé par la déclaration obligatoire de son code dans la liste des produits et prestations.
Ces deux derniers articles ont déjà fait l'objet d'une discussion et d'un vote lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Le Conseil constitutionnel a décidé de les écarter, car il a considéré que les économies liées à ces mesures ne justifiaient pas leur rattachement à une loi de financement de la sécurité sociale.
L'intérêt de ces mesures n'en demeure pas moins réel. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de les ajouter au présent projet de loi.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la France ne saurait prendre plus de retard dans la transposition des directives européennes.
Grâce à la qualité de vos débats, grâce à la sagesse des amendements dont vous avez enrichi la première lecture, ce texte est désormais très abouti. Je sais que vous avez, comme moi, à coeur de permettre à la France d'honorer ses obligations européennes et je ne doute pas du soutien que vous apporterez à ce texte particulièrement pertinent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes engagés depuis maintenant plus d'un an dans un important travail de transposition en droit interne de la nouvelle législation européenne en matière de médicament.
Composée d'un règlement et de plusieurs directives, la législation européenne a profondément modifié le code communautaire relatif aux médicaments à usage humain afin de renforcer la sécurité sanitaire des patients et la transparence des travaux des agences chargées d'autoriser la commercialisation des produits de santé.
Elle a aussi pris en compte l'apparition de nouvelles catégories de produits de santé ainsi que l'extension de leur objet, qui va désormais au-delà des seuls médicaments à usage humain.
Plusieurs directives sont donc intervenues dans des domaines aussi divers que les normes de qualité et de sécurité pour le sang humain, les produits cosmétiques, les normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules humains, les médicaments traditionnels à base de plantes ou les médicaments vétérinaires.
Je n'exposerai pas de nouveau ici les raisons qui ont conduit le Gouvernement à solliciter une habilitation pour assurer la transposition de ces directives. Nous les avons déjà évoquées à plusieurs reprises, notamment lors de l'examen du présent projet de loi en première lecture.
Je rappelle que l'ensemble des dispositions à transposer figure dans le texte de l'ordonnance du 26 avril 2007.
Le projet de loi prévoit donc la ratification de cette ordonnance, c'est l'objet de son article 1er et des articles 2, 3 et 4 qui en précisent le texte et qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale.
Quelles sont donc les dispositions qui font l'objet de la deuxième lecture ?
Deux points me semblent devoir retenir particulièrement notre attention.
Le premier est relatif à la distribution et à la destruction des médicaments non utilisés. C'est une question dont nous avons déjà largement débattu à deux reprises, en février et en octobre 2007. Toutefois, lors de l'examen du présent projet de loi en première lecture, le Sénat, avec l'accord du Gouvernement, avait jugé nécessaire de prolonger la période transitoire durant laquelle les ONG pouvaient poursuivre leurs activités. Cette décision était motivée par les difficultés rencontrées par ces structures humanitaires pour trouver de nouvelles sources d'approvisionnement en médicaments.
Depuis lors, la situation a évolué. Le groupe de travail constitué à cet effet est proche - du moins, je l'espère - de rendre ses conclusions. Il est donc possible, comme vous l'avez précisé devant l'Assemblée nationale, madame la ministre, de réduire cette période transitoire. L'échéance est désormais ramenée au 31 décembre 2008. Il s'agit, à mon sens, d'une solution équilibrée.
Le second point nouveau concerne les études postérieures à l'autorisation de mise sur le marché, ou post-AMM. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 contenait des dispositions visant à sanctionner la non-réalisation des études post-AMM, mais cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme.
Considérant, à juste titre, que le dispositif est utile, le Gouvernement a rétabli ce dispositif dans le présent projet de loi, lors de son examen par l'Assemblée nationale.
Je souhaite mettre à profit ce débat pour faire part de quelques incertitudes et je ne doute pas que Mme la ministre pourra nous apporter des précisions utiles.
Comme vous le savez, les études post-AMM sont commandées par le Comité économique des produits de santé, le CEPS.
M. François Autain. Pas seulement !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Notamment !
Or, deux points méritent des précisions.
Tout d'abord, il convient de déterminer dans quels délais seront appliquées ces nouvelles dispositions. Le seront-elles dès la publication de la loi ou faudra-t-il attendre le renouvellement de l'accord-cadre signé entre le CEPS et les entreprises pharmaceutiques ?
Ensuite, y a-t-il des sanctions en cas de non-réalisation des études prévues dans le cadre des plans de gestion des risques ?
J'ajoute une troisième interrogation : selon quelles modalités sera fixé le montant de ces sanctions ?
Outre ces deux mesures, l'Assemblée nationale a enrichi le texte en adoptant diverses dispositions précisant les compétences de l'AFSSAPS, les conditions dans lesquelles les pharmaciens d'officine peuvent réaliser des préparations magistrales et les modalités de régulation des dispositifs médicaux.
Il ne vous aura pas échappé que les articles restant en navette vont au-delà de la simple ratification d'ordonnance, qui constituait le motif initial du projet de loi.
Toutefois, je considère que l'ensemble du texte forme un tout homogène, centré sur la transposition des directives européennes en matière de produits de santé, le renforcement des règles de sécurité relatives à ces produits ainsi que la régulation des modalités de prise en charge des dispositifs médicaux qui constituent un sous-ensemble de produits de santé.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous propose d'adopter ce texte dans la rédaction votée par l'Assemblée nationale afin de permettre son entrée en vigueur rapide. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, mes chers collègues, le texte du projet de loi nous revient de l'Assemblée nationale à la fois « aminci » et augmenté d'un certain nombre d'articles nouveaux. Ceux-ci ont été présentés par Mme la ministre, M. le rapporteur vient de les commenter, et ils ne nous posent pas de problème.
L'article 6, qui porte sur les médicaments non utilisés, avait été introduit au Sénat à la suite de l'adoption d'un amendement du groupe socialiste. Il a été modifié par l'Assemblée nationale, mais on peut estimer qu'un équilibre a été trouvé. Nous ne formulerons donc pas de suggestion supplémentaire.
Les autres articles ne soulèvent pas de difficulté.
En revanche, l'article 8, qui concerne les études post-AMM, me paraît plus intéressant et mérite sûrement des explications. Mon collègue François Autain en dira également un mot tout à l'heure, puisqu'il a déposé plusieurs amendements - que nous voterons.
Madame la ministre, vous aviez annoncé lors de la discussion du PLFSS que des crédits du budget de l'État seraient affectés à ces études post-AMM. Qu'en est-il aujourd'hui ? Ces crédits ont-ils été mis en place ? En d'autres termes, l'État aura-t-il la possibilité de participer à ces études, si importantes pour la sécurité de nos concitoyens qui consomment des médicaments ?
Lors de la première lecture, le Sénat avait introduit dans le texte un article qui a finalement entraîné les sénateurs de mon groupe à s'abstenir au moment du vote sur l'ensemble : il s'agit de l'article 1er bis. Adopté conforme par l'Assemblée nationale, cet article n'est plus en discussion mais figure toujours dans le projet de loi sur lequel nous allons nous prononcer. Il permet au Gouvernement de procéder par ordonnances à la transposition d'une directive européenne relative aux tissus et aux cellules humains, notamment en ce qui concerne le don de gamètes et la procréation médicalement assistée, domaine s'il en est qui relève de la bioéthique. Je rappelle que la loi de bioéthique doit être révisée en 2009, si nous sommes dans les temps.
Nous avions insisté, lors de la discussion de cet article, sur les enjeux éthiques liés, en particulier, à la question du don. Lorsque l'on procède à des comparaisons internationales, y compris avec des pays européens, on constate que la France, pour le sang, les organes et les gamètes, notamment, a choisi le régime du don. Or, dans les directives européennes, le don est certes conseillé, mais il n'est pas obligatoire ; l'exemple des États-Unis nous incite à nous inquiéter : que restera-t-il du don dans un environnement très concurrentiel ?
Aujourd'hui, dans le cadre de la préparation de la loi de bioéthique, des discussions ont lieu au Sénat sur d'autres enjeux bioéthiques, notamment - madame la ministre, cela devrait vous intéresser - sur la maternité pour autrui. Là aussi, il est question du don. À supposer que la France l'admette, la maternité pour autrui sera-t-elle gratuite ? Dans certains pays où elle est autorisée, elle n'est pas gratuite et fait au contraire l'objet d'une rémunération.
Toutes ces questions, parce qu'elles sont éthiques, sont pour nous d'une particulière importance. Nous nous étions abstenus en première lecture, nous nous abstiendrons également en deuxième lecture, pour cette raison, qui nous paraît essentielle.
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, n'ayant pas de critiques majeures à formuler à l'encontre de ce texte,...
M. Jean-Pierre Michel. C'est dommage !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous attendons la fin ! (Sourires.)
M. François Autain. ... que l'Assemblée nationale a plutôt amélioré, je centrerai mon propos sur les études postérieures à l'autorisation de mise sur le marché, abordées à travers l'article 8. De fait, mon collègue Jean-Pierre Michel l'indiquait à l'instant, elles appellent un certain nombre de réflexions.
Depuis 2005, avec l'instauration des plans de gestion des risques en application de la directive européenne de 2004, ces études ont eu tendance à se multiplier. Elles deviennent même systématiques pour les nouvelles molécules innovantes et coûteuses. Les crises sanitaires comme celles que l'on a connues avec la cérivastatine et le Vioxx ne sont pas étrangères à ce renforcement des évaluations en situation réelle des médicaments, évolution dont on ne peut que se féliciter.
Néanmoins, s'il est incontestable que ces études sont absolument nécessaires, il n'en reste pas moins vrai qu'elles ne sauraient pallier les insuffisances d'une évaluation en amont, c'est-à-dire avant la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché. Or il semble que les AMM soient octroyées de plus en plus facilement et de plus en plus précocement (Mme la ministre proteste), comme si la prescription d'études post-AMM pouvait constituer une alternative crédible et fiable à l'évaluation avant l'AMM, comme si les agences avaient de plus en plus de mal à résister aux pressions de l'industrie pharmaceutique.
Cette dérive est d'autant plus inquiétante que l'on sait que ces études ont très peu de chances d'être réalisées dans des délais raisonnables et que l'on continue néanmoins à les prescrire, et à les prescrire de plus en plus. Les chiffres dont on dispose sont éloquents à cet égard. Les plus récents, qui remontent à mai 2007 et ne prennent pas en compte les études demandées par l'AFSSAPS, montrent que, de 1997 jusqu'à mai 2007, seulement 12 % des 131 demandes ont été menées à leur terme et que pour 43 % d'entre elles le protocole était en cours de mise en oeuvre. En d'autres termes, la moitié d'entre elles n'avait pas reçu de commencement d'exécution.
L'application du principe de précaution aurait dû conduire les agences à ne plus prescrire d'études post-AMM sans être au préalable assurées que celles-ci pourraient être réalisées et financées, et, par voie de conséquence, à différer la mise sur le marché des nouvelles molécules pour lesquelles cette assurance n'aurait pu être obtenue. Cela n'est malheureusement pas la voie qui a été choisie, et on peut le regretter, au moins pour les patients qui sont amenés à prendre des médicaments pour lesquels les mesures de sécurité indispensables, bien que demandées, n'ont pas été mises en oeuvre.
La mission d'information de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments avait pointé en son temps de nombreux dysfonctionnements dans notre système de recours aux études post-AMM.
D'abord, les structures, trop nombreuses, qui constituent autant d'étapes dans le parcours du médicament jusqu'à sa commercialisation et sa prise en charge par l'assurance maladie, peuvent toutes prescrire des études post-AMM : outre l'AFSSAPS, je dois citer la Haute Autorité de santé - la HAS -, le Comité économique des produits de santé - le CEPS -, la direction générale de la santé - la DGS -, et même l'assurance maladie. Il y a manifestement là un problème de cohérence et de coordination que l'on n'est pas parvenu à surmonter en dépit de la création d'un groupe d'intérêt scientifique et, plus récemment, d'un comité de liaison informel.
À tout le moins, et comme c'est d'ailleurs le cas aux États-Unis avec la FDA, la Food and Drug Administration, la HAS devrait être tenue de publier régulièrement, au nom de toutes les autres agences, des informations sur le devenir des études post-AMM que les firmes se sont engagées à réaliser. À l'heure actuelle règne dans ce domaine une véritable confusion, une véritable anarchie, osons le mot, doublée d'une très grande opacité.
En effet, les conventions relatives à ces études passées entre le CEPS et les firmes ne sont pas rendues publiques. Il est donc difficile de savoir précisément quelles études, quels essais ont été demandés ainsi que les détails de leur protocole. On ne sait pas non plus si des délais sont fixés pour la réalisation de ces études, délais pourtant indispensables à la détermination d'un éventuel retard dont l'article 8 prévoit précisément la sanction.
L'unique étude publiée l'a été trois ans après sa réalisation, et trois mois après le retrait du marché du médicament Vioxx sur lequel elle portait. Cela n'a d'ailleurs pas empêché le maintien sur le marché d'un médicament de la même famille, aussi toxique que le précédent, qui est encore prescrit à l'heure actuelle : il s'agit du Célébrex. Cela montre à tout le moins la passivité et la frilosité des agences devant certains impératifs industriels, qui ne coïncident pas toujours avec l'intérêt des patients.
En ce qui concerne, ensuite, les moyens disponibles pour mener les études post-AMM, on relève en France une pénurie d'équipes de recherche spécialisées dans l'évaluation des risques médicamenteux. En 2005, et tout prête à penser que la situation n'a guère évolué depuis, il existait une seule unité INSERM sur plus de cent vingt, et seulement deux équipes universitaires labellisées sur plusieurs centaines qui se consacrent à cette activité pourtant essentielle.
Autre difficulté, l'insuffisance des bases de données, publiques et privées, relatives notamment à la prescription des médicaments. À cet égard, la suppression de l'Observatoire national des prescriptions témoigne du désengagement et du désintérêt manifeste du Gouvernement sur cette question.
Enfin, on peut regretter que les pouvoirs publics ne s'impliquent pas davantage dans le financement de ces études. Je ne sais pas combien le Gouvernement a mobilisé pour la réalisation de telles études dans les années qui viennent ; ce que je sais, en tout cas, et je l'ai appris en prenant connaissance du rapport public annuel 2008 de la Cour des comptes, c'est que, de 1999 à 2004, l'AFSSAPS n'a financé que six études, soit en moyenne une par an. Certes, depuis 2005, elle a mis en place un programme plus ambitieux doté d'un budget d'environ 800 000 euros, permettant de réaliser dix-neuf études. Malheureusement, aucune de ces études n'a été rendue publique.
L'essentiel de l'effort financier, vous l'aurez deviné, repose sur l'industrie pharmaceutique, qui manifestement, et on la comprend, ne se précipite pas pour mettre en oeuvre l'article 6 de l'accord-cadre conclu entre le syndicat de l'industrie pharmaceutique - Les entreprises du Médicament, dit LEEM -, et le CEPS, qui en fixe les conditions. Il est vrai qu'investir dans des études coûteuses qui peuvent aboutir à une remise en cause totale ou partielle de l'AMM du médicament concerné ne va pas de soi pour un laboratoire qui a déjà beaucoup investi pour l'obtenir !
En matière de financement, les pouvoirs publics ont donc un rôle déterminant à jouer, que malheureusement ils n'assument pas.
Devant un tel constat de carence, madame la ministre, on peut légitimement s'interroger sur l'efficacité des dispositions prévues à l'article 8 du projet de loi. Constitueront-elles une base légale suffisante pour contraindre les firmes au respect de leur engagement ? Permettez-moi d'en douter ! En effet, l'article 8 soulève un certain nombre de questions.
Quant à sa date d'entrée en vigueur, d'abord - et M. le rapporteur est intervenu à ce sujet -, dans quelles conditions sera-t-il applicable une fois la loi promulguée ? Faudra-t-il attendre que cette disposition soit intégrée dans un nouvel avenant à l'accord-cadre CEPS-LEEM qui modifierait dans ce sens son article 6 sur le suivi des nouveaux médicaments en pratique médicale réelle ? Cela signifierait qu'elle ne pourrait être opérationnelle avant 2010 ! Ou alors s'impose-t-elle à toute nouvelle convention conclue entre le CEPS et un laboratoire après la date de la promulgation de la loi, malgré l'existence d'un accord entre le CEPS et le LEEM, reconduit pour trois ans par un avenant du 21 janvier 2007, qui en fixe le cadre et ne prévoit pas, j'y insiste, de telles sanctions ?
Quant à son champ d'application, ensuite, l'article 6 de l'avenant à l'accord-cadre CEPS-LEEM prévoit que « l'initiative de ces études peut émaner de la commission de la transparence ou du CEPS ». Cela semble vouloir dire que les études émanant de la commission d'AMM ne sont pas visées par cet article et que, par voie de conséquence, leur non-réalisation ne pourrait donner lieu aux sanctions prévues à l'article 8. Cette discrimination ne semble pas justifiée, d'autant qu'il est prévu dans cet article de l'accord-cadre que, « si l'entreprise démontre que les résultats attendus de l'étude demandée seraient, en tout ou en partie, redondants avec ceux que permettraient d'obtenir dans les mêmes délais des études demandées dans le cadre de l'octroi de l'AMM par la commission d'AMM de l'AFSSAPS et incluses dans le programme de gestion des risques approuvé, l'étude conventionnée est modifiée en conséquence ».
Ainsi, certaines études demandées par la commission de transparence ou par le CEPS ne pourraient pas donner lieu à sanctions au seul motif qu'elles seraient redondantes avec celles qu'aurait demandées la commission d'AMM, qui, elles en sont exemptes !
Il me semble que toutes les études, quel qu'en soit le prescripteur, devraient être traitées de la même façon. Tout retard dans leur réalisation devrait être sanctionné, et a fortiori leur non-réalisation. C'est un impératif de santé publique.
Enfin, en l'absence de délai limite fixé pour la réalisation de ces études, comme c'est le cas actuellement, il apparaît difficile d'appliquer des sanctions pour retard. Aucun délai ne figure ni dans la loi, ni dans la réglementation, ni dans l'accord-cadre. Quant aux conventions CEPS-firmes, où un délai peut éventuellement être fixé, on a vu qu'elles ne sont pas rendues publiques.
C'est pour tenter de combler ces lacunes que je vous proposerai des amendements.
Bien que cet article 8 procède d'une bonne intention, je le reconnais, on est obligé de se montrer très réservé quant à son efficacité, et l'on ne peut que le regretter.
Les sénateurs du groupe CRC et moi-même subordonnerons bien entendu notre vote à l'accueil qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, avant même la discussion des articles, indiquer à Jean-Pierre Michel et à François Autain qu'à nos yeux les amendements présentent certes un intérêt, mais vont peut-être au-delà de ce qui est possible et souhaitable compte tenu de l'important retard qu'a pris la transposition de ces cinq directives.
En revanche, lorsque les entreprises n'ont pas réalisé dans les délais les études post-AMM qui ont été réclamées soit au moment de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché, soit par d'autres autorités, nous considérons qu'il serait normal que le renouvellement ne donne pas lieu à une autorisation définitive. Puisqu'il est possible, au bout de cinq ans, de renouveler l'autorisation de mise sur le marché pour une nouvelle durée déterminée, il n'y a aucune raison que l'entreprise obtienne une autorisation définitive alors qu'elle s'est refusée à faire les études demandées lors de l'octroi de la première autorisation.
Sur ce point, je souhaite que des indications très claires soient fournies aux entreprises intéressées et que des assurances soient données à la représentation nationale, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vais répondre aux questions qui ont été posées sur l'article 8, notamment par M. Michel et par M. Autain, mais je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur de son excellente analyse et du soutien qu'il apporte au Gouvernement sur ce projet de loi plus important qu'il n'y paraît au premier abord.
S'agissant de l'article 8, je souscris tout à fait aux propos de M. le président de la commission : il ne faudrait pas qu'au motif de déposer des amendements on empêche un vote conforme, car cela ne ferait que repousser dans le temps l'application de mesures par ailleurs tout à fait indispensables et dont, à juste titre, vous souhaitez qu'elles ne fassent l'objet d'aucun retard.
M. François Autain. Ce n'est pas un bon argument !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'en est un !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'article 8 prévoit des sanctions en cas de non-réalisation ou de retard dans la réalisation d'une étude pharmaco-épidémiologique postérieure à l'AMM. Ces sanctions seront prévues au travers des conventions entre le CEPS et les laboratoires.
La mesure vise à permettre une évaluation correcte des médicaments dans la vie réelle. Il semble, en effet, indispensable que les études soient réalisées correctement et dans les délais prévus.
Vous avez signalé, monsieur Autain, que le recours à ces études est aujourd'hui très insuffisant.
M. François Autain. C'est un euphémisme !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Selon la Haute autorité de santé, seulement 7 % des études demandées depuis 1997 ont été menées à terme, 54 % d'entre elles n'ont pas commencé et pour 30 % d'entre elles aucun document n'a été adressé par les laboratoires pharmaceutiques concernés à la Haute autorité de santé.
M. François Autain. C'est inacceptable !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le pharmacien que je suis rejoint donc le médecin que vous êtes dans l'analyse et dans le diagnostic, monsieur Autain.
Ces études sont pourtant indispensables si le Comité économique des produits de santé souhaite réévaluer les prix accordés au vu de l'impact d'un médicament dans ses conditions réelles d'utilisation.
Alors, que faire ? Précisément, comme je vous y invite, il faut voter cet article pour nous permettre de mettre sur pied les sanctions financières - des baisses de prix - qui seront prises en cas de non-réalisation ou de retard dans ces études. Je rejoins sur ce point M. le président de la commission des affaires sociales. On ne peut évidemment pas toucher à l'AMM, mais on peut jouer sur les sanctions financières.
Monsieur Autain, vous m'avez vraiment stupéfaite quand vous avez affirmé que les AMM étaient accordées plus facilement. Non, ce n'est pas la réalité. Les AMM font l'objet d'examens de plus en plus rigoureux et approfondis. L'industrie pharmaceutique est d'ailleurs la première à se plaindre - à tort - de la minutie des observations et des préconisations qui sont formulées. Le principe de précaution est mis en oeuvre et les AMM sont au contraire de plus en plus difficiles à obtenir. Elles sont toutes associées maintenant à un plan de gestion des risques et l'exemple des Coxibs est, à cet égard, éclairant.
Je signale d'ailleurs que l'on ne peut pas comparer le Vioxx et ses effets cardiovasculaires avec le produit de la même famille des Coxibs actuellement sur le marché, le Célébrex, parce que les dosages n'ont rien à voir. Il s'agit d'un dosage de 90 milligrammes pour le Vioxx et de respectivement 30 milligrammes et 60 milligrammes de principe actif dans les deux formes du Célébrex. Vous êtes trop fin connaisseur en pharmacologie et en toxicologie pour ignorer qu'en pharmacie l'important, c'est la dose. (M. François Autain manifeste son désaccord.)
M. le président de la commission des affaires sociales et M. Autain m'ont demandé dans quel délai serait mise en oeuvre cette disposition extrêmement importante. Mesdames, messieurs les sénateurs, son application sera immédiate, il n'y a pas besoin de décret.
Mes services m'indiquent qu'un délai de deux mois sera néanmoins nécessaire dès que, comme je l'espère, ces dispositions auront été adoptées et dès qu'elles seront incluses dans l'accord-cadre. Je serai extrêmement vigilante sur cette question. Il suffira donc de quelques semaines pour que ces dispositions soient effectives. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le président de la commission des affaires sociales et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er ter
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix mois à compter de la date de publication de la présente loi, les mesures nécessaires à l'extension et à l'adaptation des dispositions du chapitre Ier de la loi n° 2007-248 du 26 février 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament, ainsi que de celles des ordonnances prises en application de l'article 39 de la même loi, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux Terres australes et antarctiques françaises, aux îles Wallis et Futuna et, en tant qu'elles relèvent des compétences de l'État, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.
Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du deuxième mois suivant la publication de cette ordonnance.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1 ter.
(L'article 1 ter est adopté.)
Article 5
I. - Non modifié......................................................................
II. - Le I entre en vigueur au 1er juin 2008. À cet effet, le ministre chargé de la santé se prononce au titre des articles L. 1123-8 et L. 1123-9 du code de la santé publique sur les demandes d'autorisation déposées jusqu'au 31 mai 2008 inclus concernant les recherches biomédicales autres que celles portant sur des produits mentionnés à l'article L. 5311-1 du même code. - (Adopté.)
Article 6
I. - L'article L. 4211-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 4211-2. - Les officines de pharmacie et les pharmacies à usage intérieur sont tenues de collecter gratuitement les médicaments à usage humain non utilisés apportés par les particuliers qui les détiennent.
« Les médicaments ainsi collectés sont détruits dans des conditions sécurisées ou, sous la responsabilité d'un pharmacien, mis à la disposition d'organismes à but non lucratif et à vocation humanitaire, agréés par le ministre chargé de la santé après avis du conseil central compétent de l'ordre national des pharmaciens.
« La récupération des médicaments non utilisés en vue de leur redistribution ne peut être effectuée que par des organismes à but non lucratif et à vocation humanitaire ayant obtenu l'agrément mentionné au deuxième alinéa.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article et notamment :
« - les conditions de la collecte des médicaments non utilisés mentionnée au premier alinéa ;
« - les conditions de la destruction des médicaments mentionnée au deuxième alinéa, et notamment les conditions de financement de cette destruction ;
« - les conditions de l'agrément des organismes à but non lucratif et à vocation humanitaire mentionné au deuxième alinéa et de la mise à la disposition de ces organismes des médicaments non utilisés. »
II. - À compter du 31 décembre 2008, l'article L. 4211-2 du même code est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Toute distribution et toute mise à disposition des médicaments non utilisés sont interdites. Ces médicaments sont détruits dans des conditions sécurisées. » ;
2° Les troisième et septième alinéas sont supprimés.
III. - Le chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie du même code est ainsi rétabli :
« CHAPITRE V
« Centres et équipes mobiles de soins aux personnes en situation de précarité ou d'exclusion gérés par des organismes à but non lucratif
« Art. L. 6325-1. - Les centres et structures disposant d'équipes mobiles de soins aux personnes en situation de précarité ou d'exclusion gérés par des organismes à but non lucratif peuvent délivrer, à titre gratuit et sous la responsabilité d'un médecin ou d'un pharmacien, les médicaments nécessaires à leurs soins. Cette activité de délivrance est soumise à une déclaration préalable auprès du représentant de l'État dans le département.
« Les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État. »
IV. - Les II et IV de l'article 32 de la loi n° 2007-248 du 26 février 2007 précitée sont abrogés. - (Adopté.)
Article 7
I. - Le 1° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« 1° Préparation magistrale, tout médicament préparé selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé, soit extemporanément en pharmacie, soit dans les conditions prévues à l'article L. 5125-1 ; ».
II. - L'article L. 5125-1 du même code est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Une officine peut confier l'exécution d'une préparation, par un contrat écrit, à une autre officine qui est soumise, pour l'exercice de cette activité de sous-traitance, à une autorisation préalable délivrée par le représentant de l'État dans le département après avis du directeur régional des affaires sanitaires et sociales.
« Pour certaines catégories de préparations, une officine peut, par un contrat écrit, confier l'exécution d'une préparation à un établissement pharmaceutique autorisé à fabriquer des médicaments par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Cette activité de sous-traitance fait l'objet d'un rapport annuel transmis par le pharmacien responsable de l'établissement pharmaceutique au directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
« Ces préparations sont réalisées en conformité avec les bonnes pratiques mentionnées à l'article L. 5121-5. »
III. - Le 6° de l'article L. 5125-32 du même code est ainsi rédigé :
« 6° Les modalités d'application des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 5125-1, notamment les catégories de préparations concernées, et les modalités d'application de l'article L. 5125-1-1. » - (Adopté.)
Article additionnel avant l'article 8
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article L. 5121-9 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les études pharmaco-épidémiologiques mises en oeuvre postérieurement à l'octroi de cette autorisation ne sont pas réalisées dans un délai de cinq ans, celle-ci ne peut être renouvelée. »
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Madame la ministre, vous avez estimé tout à l'heure que j'étais sévère en indiquant que certaines AMM étaient octroyées prématurément.
Je citerai l'exemple de l'Acomplia, autrement dit le Rimonabant, parce que c'est le plus récent. Il a reçu une AMM qui était subordonnée à un plan de gestion du risque, une étude pharmaco-épidémiologique post-AMM, mais la FDA aux États-Unis a interdit sa mise sur le marché. Je pourrais aussi citer le Champix. Il s'agit de médicaments qui n'ont pas été suffisamment évalués et qui mériteraient une étude en amont, quitte à retarder la mise sur le marché.
Je n'ai pas voulu dire autre chose en affirmant que certaines autorisations de mise sur le marché étaient aujourd'hui délivrées prématurément. J'aurais pu citer de nombreux autres exemples, j'ai pris les deux plus récents concernant des médicaments dont on connaît les effets indésirables importants pour les patients.
M. François Autain. Vous n'avez pas complètement répondu non plus à la question : une fois que l'article 8 sera voté, soit dans les deux mois, avez-vous indiqué, que se passera-t-il ? Croyez-vous vraiment que le CEPS et le LEEM vont immédiatement modifier le contrat en conséquence ? Permettez-moi d'en douter. Mais nous en reparlerons.
Par ailleurs, vous ne m'avez pas répondu en ce qui concerne les études post-AMM prescrites par l'AFSSAPS. À défaut, je dois comprendre que ces études-là ne pourront pas faire l'objet de l'application de l'article 8. Le problème reste donc entier, c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai déposé des amendements.
L'amendement n° 1 permettrait de régler de façon très claire tous ces problèmes, car la voie conventionnelle ne me semble pas la plus indiquée.
Je vous invite à adopter cet amendement qui a pour objectif d'empêcher le renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament pour lequel des études post-AMM prescrites n'auraient pas été réalisées. Si vous acceptez le renouvellement de l'autorisation alors que ces études post-AMM n'auront pas été réalisées dans un délai de cinq ans, vous prenez un risque pour la sécurité sanitaire des patients, car cela signifie que, malgré le temps écoulé, le médicament n'aura pas été évalué en vie réelle.
Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas prévoir une disposition permettant, sinon d'interdire, du moins de différer cette autorisation...
M. François Autain. ...jusqu'à ce que ces études soient réalisées.
C'est un moyen beaucoup plus efficace, sûr et d'application plus immédiate que la voie contractuelle ou conventionnelle.
Madame la ministre, j'espère que, mes arguments vous ayant convaincue, le Gouvernement émettra un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Ce sujet a été largement débattu et la commission partage le souci de M. Autain. Il faut bien sûr s'assurer que les études post-AMM demandées par les pouvoirs publics sont menées à bien.
Faut-il pour autant prévoir le non-renouvellement de l'AMM ?
M. François Autain. Oui !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. C'est une sanction extrêmement sévère, surtout si celle-ci intervient de manière automatique.
M. François Autain. C'est dur pour l'industrie, mais pensez aux patients !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Cela peut être préjudiciable tout à la fois pour l'industrie, monsieur Autain, mais aussi pour le patient si ces médicaments sont véritablement efficaces.
M. François Autain. Pour le Rimonabant et le Champix, il y a des équivalents !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Monsieur Autain, vous envisagez uniquement le cas où ces médicaments seraient nocifs pour la santé publique. La plupart des médicaments, heureusement, sont utiles dans le traitement d'un certain nombre de pathologies.
Au surplus, on ne peut pas remettre en cause ce renouvellement au bout de cinq ans, alors que, pour beaucoup, le renouvellement relève de la législation européenne.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je veux rappeler à la Haute Assemblée que le projet de loi fait partie du processus de transposition dans notre droit de cinq directives du Parlement et du Conseil européens...
M. François Autain. Pas l'article 8 !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le texte qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, permet donc à notre pays d'honorer ses obligations européennes et de ne pas prendre de retard dans la transposition des directives.
M. François Autain. Sauf pour l'article 8 !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'article 8 est le fruit d'une proposition des parlementaires et a déjà été amendé lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
J'ai rappelé pourquoi il avait été disjoint par le Conseil constitutionnel et tout l'intérêt qu'il y avait à l'ajouter au présent texte en discussion.
Je veux préciser que l'autorisation de mise sur le marché peut à tout moment être réévaluée, suspendue ou supprimée...
M. François Autain. Mais oui...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... au vu de tous les éléments et de tous les résultats des études dont disposeraient l'AFSSAPS et l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, l'EMEA, notamment en termes de pharmaco-vigilance.
Je partage l'avis de M. le rapporteur. Dans le cas présent, nous voulons sanctionner le laboratoire en cas de non-réalisation d'une étude en vie réelle et non le patient, ce qui pourtant serait la conséquence d'un retrait de l'autorisation de mise sur le marché.
En effet, l'étude en vie réelle doit permettre d'apporter des compléments d'information sur le médicament, mais elle ne remet pas forcément en cause l'intérêt du produit pour le patient. On sait déjà ce que représente dans l'industrie pharmaceutique le screening pharmacologique qui permet cette mise sur le marché.
La sanction économique est donc la plus appropriée. Il convient bien - comme je vous le propose - de sanctionner le laboratoire déficient et non pas le malade que l'on priverait d'une thérapeutique.
Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de ne pas voter l'amendement.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Madame la ministre, vous n'avez toujours pas répondu à ma question, et je vous la pose de nouveau : les études pharmaco-épidémiologiques prescrites par l'AFSSAPS ou la commission d'autorisation de mise sur le marché dans le cadre d'un plan de gestion des risques sont-elles concernées par cet article 8 ? J'estime - mais je ne demande qu'à être détrompé - qu'elles ne le sont pas.
J'aimerais que vous m'apportiez une réponse précise sur ce sujet, pour la clarté du débat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8
Le 4° bis de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « , ainsi que les sanctions encourues en cas de non-réalisation ou de retard dans la réalisation de ces études qui pourront aboutir, après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations, à une baisse de prix du médicament concerné, fixée exclusivement sur la base des conséquences entraînées pour l'assurance maladie par la non-réalisation des études ».
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque ces études pharmaco-épidémiologiques ne sont pas réalisées dans un délai de cinq ans, l'inscription du médicament concerné sur la liste prévue à l'article L. 5126-4 du code de la santé publique ne peut être renouvelée.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Je pense finir par obtenir une réponse, et, si besoin est, il me reste encore un amendement, monsieur le président ! (Sourires.)
Pour l'heure, je me bornerai à la présentation de cet amendement n° 2.
Il s'agit d'éviter qu'un médicament n'ayant pas satisfait aux obligations en matière d'études épidémio-pharmacologiques post-AMM ne continue à être pris en charge par l'assurance maladie si ces examens n'ont pas été effectués dans les cinq ans qui séparent l'inscription sur la liste de remboursement et sa réinscription.
Cet amendement est symétrique de l'amendement précédent.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de repli !
M. François Autain. Pas du tout !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Le fait de ne pas rembourser les médicaments en raison de l'absence d'une étude pharmaco-épidémiologique constituerait une arme assez lourde, en pénalisant les patients.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article additionnel après l'article 8
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le 4° bis de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, après les mots : « études pharmaco-épidémiologiques », sont insérés les mots : « prescrites par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, la Haute autorité de santé ou le Comité économique des produits de santé ».
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. En l'absence de réponse de Mme la ministre à la question que je lui ai précédemment posée, je demande qu'il soit fait référence dans ce texte aux études pharmaco-épidémiologiques prescrites par l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, et, pas voie de conséquence, aux études prescrites par la HAS, la Haute Autorité de santé, et le CEPS, le Comité économique des produits de santé.
Je le répète, l'article 6 de l'avenant à l'accord-cadre CEPS-LEEM dispose que seules les études demandées par la commission de transparence, qui dépend de la HAS, ou par le CEPS peuvent donner lieu à des conventions et, par voie de conséquence, à d'éventuelles sanctions.
Si vous m'aviez répondu, madame la ministre, que les études pharmaco-épidémiologiques prescrites par l'AFSSAPS étaient visées par l'article 8, j'aurais pu, à la limite, retirer mon amendement. Mais puisque vous ne l'avez pas fait, je maintiens ce dernier par mesure de sécurité. En matière de médicament, deux précautions valent mieux qu'une !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. La mission d'information de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments, que j'ai eu l'honneur de présider en 2005 et en 2006, avait émis le souhait d'un déblocage de financements publics pour la réalisation de ces études.
Sur le fond, je suis d'accord avec vous, mon cher collègue, mais il ne me paraît pas nécessaire de légiférer sur ce point : il revient simplement au Gouvernement d'afficher sa volonté en la matière en inscrivant les sommes permettant à l'AFSSAPS et aux autres organismes publics de réaliser ces études.
Madame la ministre, quelles sont donc vos intentions à cet égard ?
Quoi qu'il en soit, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 3.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, je n'ai pas répondu à votre question car elle est hors sujet avec la transposition de diverses dispositions communautaires en matière de médicament.
Je souhaite néanmoins éclairer parfaitement le débat, car les choses n'ont peut-être pas été bien comprises, même par les spécialistes du médicament.
Il y a, d'une part, des études demandées par l'AFSSAPS et, d'autre part, des études pharmaco-épidémiologiques, qui dépendent du CEPS et sont destinées à suivre le produit en vie réelle.
En général, il faut le reconnaître, les études pharmaco-épidémiologiques reprennent - vous le savez d'ailleurs bien, monsieur le sénateur - les études demandées par l'AFSSAPS.
Néanmoins, cette question mérite, il est vrai, d'être soulevée. Certes, elle n'entre pas dans le cadre du texte que nous examinons aujourd'hui, mais je prends l'engagement devant vous de voir s'il existe des difficultés.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, les études sont indirectement financées. En effet, le prix fixé à l'industrie pharmaceutique tient compte du coût des études.
M. François Autain. De toute façon, c'est l'assurance maladie qui paie !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. De fait, le prix fixé rejaillit sur l'assurance maladie et permet de financer les études. Il n'existe donc pas de problèmes de financement puisque l'assurance maladie les prend indirectement en charge lors de la fixation du prix.
M. François Autain. C'est tout de même les laboratoires qui décident !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Évidemment ! Mais le coût des études demandées fait absolument partie du parcours de fixation des prix, et, croyez-moi, l'industrie pharmaceutique sait parfaitement le rappeler dans son dossier économique. Vous pouvez lui faire tout à fait confiance, monsieur Autain !
À ce stade du débat, tels sont les éléments que je voulais communiquer à la Haute Assemblée en vue de l'éclairer. Je le répète, les études pharmaco-épidémiologiques reprennent les préconisations de l'AFSSAPS.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je ne comprends absolument pas votre démarche, madame la ministre.
Si les études prescrites par l'AFSSAPS peuvent parfois être redondantes par rapport aux études prescrites par la commission de la transparence ou le CEPS, il en est cependant certaines qui sont originales ! (Mme la ministre lève les bras au ciel.) Or, je le répète - et c'est la raison du dépôt des amendements nos 1 et 2 -, celles-ci ne sont pas aujourd'hui visées par l'article 8 du projet de loi. Telle est la raison du dépôt de l'amendement n° 3.
Je constate, madame la ministre, que vous ne tenez absolument pas compte de mes remarques ! (Mme la ministre s'exclame.) C'est très dommageable à la sécurité des patients, lesquels sont en droit d'avoir un certain nombre d'exigences quant à l'utilisation des médicaments ; or ces derniers sont, pour la plupart d'entre eux, mal évalués...
M. François Autain. Mais non, madame la ministre, telle est malheureusement la réalité !
Madame la ministre, vous ne devez pas l'oublier, 140 000 hospitalisations annuelles sont dues à une iatrogénie médicamenteuse,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et combien de malades sont-ils sauvés par les médicaments ?
M. François Autain. ...c'est-à-dire à des accidents provoqués par le médicament.
Le professeur Lucien Abenhaim, autorité respectée et respectable, estime, dans une de ses publications, que 18 000 personnes meurent chaque année à la suite d'un accident médicamenteux. Ce chiffre est considérable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais combien de personnes sont-elles sauvées par les médicaments, monsieur Autain ?
M. François Autain. Il serait donc souhaitable que nous mettions tout en oeuvre pour réduire ces conséquences préjudiciables aux malades.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous voulez priver les malades de traitements intéressants !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. C'est le lobby de Prescrire !
M. François Autain. Je ne vous dis pas que vous défendez le lobby des laboratoires, monsieur le rapporteur ! À chacun son lobby ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je m'insère dans ce débat de spécialistes pour indiquer que l'amendement n° 3, dont je comprends les motivations qui le sous-tendent, présente à mes yeux deux inconvénients graves.
D'une part, la France est l'un des rares pays au monde à disposer d'une pluralité d'organismes susceptibles de demander des études postérieures à l'AMM. Aux États-Unis, où nous sommes allés voilà un certain nombre d'années, mon cher collègue, l'organisme chargé de ces questions est seul compétent pour lancer de telles études. Il n'y a donc pas, comme chez nous, prolifération d'organismes pouvant tous demander des études complémentaires.
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui expliquent notre faible compétitivité dans un certain nombre de secteurs. Nous avons créé beaucoup d'instances,...
M. François Autain. Absolument ! Là, je suis d'accord avec vous !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... et chacune d'entre elles demande des études pour justifier son existence.
D'autre part, l'adoption de cet amendement reviendrait à fragiliser l'AMM. Or, tous les principes européens, tout ce que nous sommes en train d'intégrer dans notre législation et toute la pratique française dans ce domaine visent à renforcer les précautions préalables à toute autorisation de mise sur le marché.
M. François Autain. Justement !
M. Jean-Pierre Fourcade. L'adoption de l'amendement n° 3 laisserait penser que l'on a donné l'AMM sans avoir pris toutes les précautions !
M. François Autain. C'est malheureusement le cas !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce sont les deux raisons pour lesquelles mes collègues et moi-même voterons contre cet amendement. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9
I. - L'article L. 165-5 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 165-5. - Les fabricants ou distributeurs sont tenus, sans préjudice des dispositions de l'article L. 5211-4 du code de la santé publique, de déclarer auprès de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé l'ensemble des produits ou prestations qu'ils commercialisent et inscrivent, sous quelque forme que ce soit, sur la liste mentionnée à l'article L. 165-1 du présent code, en précisant pour chaque produit ou prestation le code correspondant à l'inscription du produit ou de la prestation sur la liste. Ils sont tenus de la même obligation pour toute modification affectant le code d'un produit ou d'une prestation antérieurement déclaré.
« Lorsque la déclaration prévue par le présent article n'a pas été effectuée dans les délais requis, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé peut fixer, après que le fabricant ou le distributeur a été mis en mesure de présenter ses observations, une pénalité annuelle à la charge du fabricant ou du distributeur. Le montant de la pénalité ne peut être supérieur à 5 % du chiffre d'affaires réalisé en France par le fabricant ou le distributeur au titre du dernier exercice clos pour le ou les produits ou prestations considérés ; elle est reconductible le cas échéant chaque année.
« La pénalité mentionnée au deuxième alinéa est recouvrée par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Son produit est affecté aux régimes d'assurance maladie selon les règles prévues à l'article L. 138-8. Le recours présenté contre la décision prononçant cette pénalité est un recours en pleine juridiction.
« Les conditions d'application du présent article, notamment les modalités et délais de la déclaration prévue au premier alinéa, ainsi que les règles et les délais de procédure, les modes de calcul de la pénalité financière mentionnée aux deux alinéas précédents et la répartition de son produit entre les organismes de sécurité sociale sont déterminés par décret en Conseil d'État. »
II. - Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2009. (Adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Nous arrivons au terme de l'examen rapide de ce projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.
Pour le groupe UMP, il s'agit là d'une nouvelle étape dans le renforcement de la sécurité sanitaire. Ainsi, nous procédons à une harmonisation de la législation entre les États membres de l'Union européenne et honorons nos obligations européennes, sans prendre de retard.
Ce projet de loi a été étudié à plusieurs reprises par la commission des affaires sociales, sous l'égide du président de cette dernière et de notre excellent rapporteur Gilbert Barbier.
Le groupe UMP approuve les objectifs fixés par ce projet de loi, et le votera donc.
Je profite de l'occasion qui m'est ici donnée, madame la ministre, pour vous rappeler les préoccupations qui ont été les nôtres, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, s'agissant du reconditionnement des médicaments. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Le groupe CRC, en première lecture, avait voté ce texte dans la mesure où ce dernier se limitait à transposer les directives européennes. Il s'abstiendra cependant cette fois-ci compte tenu du rejet de ses amendements, qui visaient à sécuriser le dispositif et à rendre efficace l'article 8 du projet de loi.
Monsieur Fourcade, si nous sommes d'accord tous les deux pour déplorer la prolifération des structures habilitées à prescrire des études pharmaco-épidémiologiques,...
M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument !
M. François Autain. ...en revanche, je ne vous rejoins pas lorsque vous considérez que l'adoption de l'amendement n° 3 aurait abouti à fragiliser l'autorisation de mise sur le marché.
Aujourd'hui, si l'on délivre de plus en plus facilement des AMM ...
M. François Autain. ... sans avoir mené à bien les études qui les précèdent, c'est précisément parce que l'on s'en remet à des études post-AMM, qui, la plupart du temps, ne sont même pas réalisées ! Les études pré-AMM sont incomplètes, et l'on s'en remet à des études post-AMM qui ne sont pas effectuées !
M. François Autain. Il était donc important de fixer des limites dans le temps pour la réalisation de ces études post-AMM, ainsi que des sanctions, en prenant en compte les études réalisées tant par le CEPS et la HAS que par l'AFSSAPS. Or, aujourd'hui, je le répète, tel n'est pas le cas.
En l'état du texte - et Mme la ministre ne m'a pas répondu sur ce point -, les études prescrites par l'AFSSAPS ne pourront pas faire l'objet de l'article 8. Je le regrette profondément.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je m'inscris totalement en faux contre l'avancée conceptuelle défendue par M. Autain, selon laquelle les études pharmaco-épidémiologiques demandées par le Comité économique des produits de santé ou l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé seraient des études complémentaires de celles qui sont demandées avant l'autorisation de mise sur le marché. Absolument pas !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Effectivement, elles servent pour la suite de la vie du médicament !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les études faites en vue d'une autorisation de mise sur le marché nécessitent différentes démarches - expérimentations mathématiques, sur l'animal puis sur des échantillons humains que nous connaissons très bien - ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... et sont très longues, une dizaine d'années environ. Aucun produit n'est mis sur le marché sans un screening de cette ampleur !
Les études postérieures sont des études de suivi et n'ont en aucun cas vocation à s'intégrer dans le dispositif de l'AMM.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. François Autain. Je n'ai pas parlé d'intégration !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne peux absolument pas vous laisser dire cela sur le plan pharmacologique !
Il est tout à fait normal, que, une fois l'AMM accordée, un suivi du médicament existe, afin que l'industriel rende compte à l'autorité de contrôle sanitaire tant de l'utilisation du produit et des effets secondaires que d'une quelconque difficulté.
Monsieur Autain, comme M. Fourcade l'a excellemment dit - je suis totalement d'accord avec lui sur ce point -, si l'on suivait votre logique, à savoir que les médicaments seraient mis sur le marché à la suite d'études insuffisantes qui nécessiteraient d'être complétées après la délivrance de l'autorisation,...
M. François Autain. Oui !
M. François Autain. Elle est déjà fragilisée !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... qui, dès lors, ne constituerait plus l'élément de sécurité que celle-ci représente actuellement dans les textes.
Monsieur Autain, permettez-moi de vous le dire, avec cet élément du texte, nous apportons au contraire une sécurité supplémentaire. Alors que vous étiez d'accord pour voter le projet de loi sans cette sécurité, voilà que, maintenant que celle-ci vous est apportée, vous vous abstenez, pensant à tort qu'elle est incomplète. J'aimerais que vous fassiez preuve de plus de cohérence !
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Je ne reviendrai pas sur l'article 6, dont les conséquences sur l'action d'un certain nombre d'associations suscitent des réserves de ma part. Nous en avons en effet déjà débattu.
Je m'en tiendrai, en mon nom personnel et au nom de Mme Hermange, aux dispositions relatives aux produits d'origine humaine figurant dans des articles qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale, mais qui ne font pas aujourd'hui l'objet du débat.
Ces dispositions heurtent profondément nos convictions, et c'est d'ailleurs pourquoi nous n'avions pas voté ce projet de loi en première lecture. Aujourd'hui, nous maintenons notre position.
En outre, nous nous interrogeons sur le fait de savoir si les articles concernés ne sont pas en contradiction avec certaines dispositions de la loi relative à la bioéthique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Pour la raison que vient d'exposer notre collègue M. Lardeux et dont j'ai parlé dans ma brève intervention, le groupe socialiste s'était abstenu sur ce texte en première lecture, contrairement à nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen.
Nous pensons en effet qu'il n'est pas raisonnable d'autoriser le Gouvernement à transposer par ordonnance des directives qui touchent au don d'organes, aux cellules, à la matière humaine, domaines qui concernent la loi relative à la bioéthique. Aujourd'hui, nous maintenons cette position.
Certes, nous nous réjouissons de la réintroduction de l'article 8, qui reprend les dispositions de l'article 42 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 déclaré inconstitutionnel pour les raisons que l'on sait. Le groupe socialiste avait d'ailleurs déposé un amendement lors de la discussion du PLFSS.
Toutefois, je regrette que des amendements de M. Autain n'aient pas été adoptés, même si je comprends bien la volonté du Gouvernement d'obtenir un vote conforme, comme c'est souvent le cas... Ces amendements correspondaient en effet à un certain nombre d'observations faites par la mission d'information de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments. Notre excellent rapporteur, Gilbert Barbier, l'a d'ailleurs bien noté,...
M. Guy Fischer. Il l'a admis en partie.
M. Jean-Pierre Michel. ... lui qui présidait cette mission, dont mon collègue François Autain et moi-même étions membres.
M. François Autain. Il a oublié !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. On y reviendra !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne voudrais pas qu'il y ait de confusion à la suite de l'intervention de M. André Lardeux.
Le présent projet de loi permet de ratifier une ordonnance portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament sans porter atteinte aux décisions des États membres en ce qui concerne, notamment, les cellules embryonnaires.
La directive européenne 2004/23/CE vise à établir des normes de qualité et de sécurité pour les tissus et les cellules humains destinés à des applications humaines. Si les cellules embryonnaires ne sont pas exclues du champ d'application de la directive, cette dernière ne porte pas atteinte aux décisions particulières des États membres pour ce type de cellules.
En l'état actuel du droit, issu de la loi de bioéthique, les cellules embryonnaires sont soumises non pas à l'ensemble des dispositions relatives aux tissus et aux cellules, mais uniquement à celles qui régissent leur préparation, leur conservation et leur utilisation.
En effet, à la lecture de l'article L. 1241-5 du code de santé publique, il apparaît que les cellules embryonnaires ne sont soumises qu'à certaines dispositions du titre IV : Tissus, cellules, produits du corps humain et leurs dérivés. Ces dispositions forment le chapitre III : Préparation, conservation et utilisation des tissus, des cellules et de leurs dérivés.
Quant à la recherche sur les cellules embryonnaires, elle est spécifiquement abordée dans un chapitre distinct du code de la santé publique.
Certaines dispositions de l'ordonnance du 26 avril 2007 concernent bien la préparation, la conservation et l'utilisation des cellules, mais sans jamais remettre en cause la position du législateur français sur la question des cellules embryonnaires.
En effet, ces dispositions visent uniquement à garantir un niveau élevé de qualité et de sécurité des tissus et cellules humains, imposé par la directive 2004/23/CE.
Les autres dispositions de l'ordonnance relatives à l'importation et à l'exportation de cellules ne concernent pas les cellules embryonnaires. En particulier la disposition visant le régime d'autorisation de l'importation et de l'exportation des tissus et des cellules ne s'applique pas aux cellules embryonnaires.
Au total, l'ordonnance ainsi que son projet de loi de ratification ne remettent pas en cause la position du législateur français sur la question des cellules embryonnaires, laquelle sera de nouveau débattue dans quelques mois lors de la révision de la loi relative à la bioéthique. Ces textes revêtent, en revanche, un caractère d'urgence lié au retard de la transposition de la directive.
Par conséquent, il ne faut pas qu'il y ait de confusion. Messieurs André Lardeux et Jean-Pierre Michel, en l'occurrence, vos argumentations se rejoignent pour des motifs extrêmement différents, voire diamétralement opposés, mais sachez que le texte ne comporte aucune remise en cause ni extension de dispositions du travail du législateur sur ces sujets.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
7
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Jacques Valade membre du Conseil d'administration de l'Établissement public du musée du quai Branly ;
- M. Jacques Legendre, membre titulaire, et moi-même, Philippe Richert, membre suppléant de la Commission du Fonds national pour l'archéologie préventive.
8
Dépôt d'un rapport
M. le président. J'ai reçu de M. André Lardeux un rapport, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la journée de solidarité (n° 245, 2007 2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 259 et distribué.
9
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 8 avril 2008, à dix heures et à seize heures :
1. Discussion de la proposition de loi (n° 195, 2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'extension du chèque-emploi associatif.
Rapport (n° 254, 2007-2008) de Mme Sylvie Desmarescaux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
2. Discussion de la question avec débat n° 17 de M. Jean-Pierre Godefroy à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur l'aide aux malades en fin de vie.
M. Jean-Pierre Godefroy demande à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative de bien vouloir lui indiquer les initiatives que le Gouvernement compte prendre sur la question des malades en fin de vie.
Plusieurs cas récents mettent aujourd'hui en lumière les lacunes de la loi n° 2005-370 votée le 22 avril 2005. Certes, en s'inscrivant dans le prolongement de la loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir à tous l'accès aux soins palliatifs et de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, elle a confirmé la prohibition de l'acharnement thérapeutique et légalisé le double effet.
Mais, en instaurant un droit « au laisser mourir » qui peut répondre aux situations de malades en fin de vie, elle a volontairement exclu la question « de l'aide active à mourir ».
Comme l'avait déjà proposé le groupe socialiste du Sénat en 2005, il semble aujourd'hui nécessaire d'aller plus loin vers la reconnaissance d'une exception d'euthanasie qui permettrait de gérer les cas exceptionnels pour lesquels les soins palliatifs ne peuvent apporter la solution.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD