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Emplois réservés et défense
Adoption d'un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense (nos 324, 264).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la défense, vous le savez, ce n’est pas seulement un instrument privilégié de la souveraineté nationale et un outil de crédibilité internationale pour la France, ce n’est pas simplement une institution qui engage l’avenir de la nation et met en jeu la conception que nous nous faisons de notre pays et de sa place dans le monde ; c’est aussi une communauté de femmes et d’hommes dévoués, disponibles, d’ailleurs reconnus dans le monde entier pour leur courage et leur professionnalisme, ainsi que nous avons encore pu le constater récemment. La défense, c’est une vocation, un engagement, et il est juste que la nation veille à la poursuite de la carrière professionnelle de ces hommes et de ces femmes.
En effet, en même temps qu’une importante rotation du personnel militaire, la professionnalisation des armées induit un vaste besoin de reconversion, tant il est vrai qu’elle impose de disposer d’une armée jeune.
Chaque année, quelque 30 000 militaires, dont plus de 20 000 sans droit à pension, quittent l’institution. Il serait dommageable que l’État et les fonctions publiques territoriale et hospitalière ne bénéficient pas, en retour, des investissements humains et financiers consentis dans le domaine de la formation pour ces personnels. L’on peut ainsi raisonnablement estimer à 3 000 le nombre de militaires qui pourraient être recrutés dans la fonction publique d’État chaque année.
Par ailleurs, lorsqu’un jeune engagé arrivant au terme de son contrat n’a pas trouvé d’emploi, c’est naturellement le ministère de la défense qui lui verse l’allocation chômage, pendant une durée maximale de vingt-trois mois.
Il convenait donc d’adapter le système en place ; tel est l’objet de ce projet de loi.
Je résumerai ainsi l’esprit de ce texte : moderniser et respecter le principe des emplois réservés, donner une nouvelle chance aux militaires pour réussir leur reconversion professionnelle.
Il s’agit en effet de moderniser la procédure bien connue des emplois réservés, qui n’a pas changé depuis la loi de 1924.
Auparavant, l’objet initial des emplois réservés, institués en 1905, était de récompenser les soldats pour les services rendus à la nation en leur permettant d’accéder à des emplois publics ou à des emplois de sociétés majoritairement subventionnées par l’État.
Si la loi de 1924 a pérennisé ce dispositif pour les militaires, en réservant un quota d’emplois publics à ceux qui avaient réussi un examen – cela sera d’ailleurs un des points de notre discussion –, il reste que, alors que se créaient les fonctions publiques territoriale et hospitalière, ce principe est resté inchangé, de sorte que seuls sont restés accessibles par la voie des emplois réservés les emplois et les corps de la fonction publique d’État.
C’est pourquoi le projet de loi prévoit de revenir au principe originel des emplois réservés, à savoir permettre un accès à tous les emplois publics.
Ainsi, le Gouvernement affirme comme obligation nationale le principe de l’accès par la voie des emplois réservés à tous les corps ou cadres d’emplois des catégories B et C des trois fonctions publiques.
Ces emplois sont accessibles selon une procédure dérogatoire au droit commun des concours, gérée à l’échelon interministériel par le secrétariat d’État chargé des anciens combattants.
Qui en sont les bénéficiaires ? Nous maintenons la distinction entre deux catégories distinctes, tout en tenant compte de l’évolution de la société.
La première catégorie de bénéficiaires, à juste titre prioritaire même si elle n’est pas la plus nombreuse, est constituée des invalides de guerre et des militaires blessés ou ayant contracté des maladies et infirmités au cours d’opérations extérieures, ainsi que de leurs conjoints ou de leurs partenaires pacsés – cet élément étant évidemment nouveau – et des orphelins de guerre.
Je soulignerai à cet égard que le projet de loi tend à élargir le champ des catégories professionnelles ou sociales ouvrant l’accès aux emplois réservés. Il ouvre aussi aux orphelins et aux pupilles de la nation l’accès à l’ensemble des emplois réservés, ainsi qu’aux enfants de harkis ; cette dernière mesure fera d’ailleurs l’objet d’un amendement du Gouvernement.
La seconde catégorie de bénéficiaires, la plus nombreuse, est constituée des militaires. Le projet de loi prévoit en particulier d’étendre le champ des emplois réservés aux militaires qui servent à titre étranger, dans la Légion, même s’ils ne sont pas ressortissants d’un État de l’Union européenne. De fait, les militaires ayant accompli un certain nombre d’années de service – qui est actuellement de quatre ans et sera fixé par décret en Conseil d’État – constituent d’ores et déjà la grande majorité des bénéficiaires des emplois réservés.
Le Gouvernement a également souhaité revoir la procédure d’accès aux emplois réservés, la sélection par examen que j’évoquais à l’instant n’étant pas, en l’occurrence, satisfaisante.
D’une part, elle repose sur des résultats d’épreuves essentiellement académiques, qui ne sont pas toujours en rapport avec les fonctions que les candidats auront à exercer ni avec leur cursus. Ainsi, cette procédure élimine un certain nombre de candidats malgré des compétences avérées, et ne couvre pas les emplois de la filière technique, alors que les armées réalisent des efforts considérables en matière de formation.
D’autre part, les modalités de recrutement de la fonction publique ont évolué, intégrant le recrutement sans concours.
C’est pourquoi le Gouvernement, pour donner plus d’ambition à la réforme, proposera, par le biais d’un amendement, de supprimer les examens et de remplacer les listes de classement par des listes d’aptitude fondées sur la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle.
Enfin, le projet de loi comporte quelques dispositions annexes.
L’une d’entre elles transfère le contentieux des soins gratuits et de l’appareillage aux juridictions des pensions, conformément à un avis du Conseil d’État de 2003. Je précise que cette réforme constitue une simplification administrative et représente une économie de fonctionnement non négligeable.
Une autre disposition vise à ajouter la notion d’âge maximal de maintien en première section pour les officiers généraux, afin d’assurer un vivier suffisant pour le recrutement des contrôleurs généraux des armées en mission extraordinaire.
Enfin, il est prévu de faire basculer les servitudes encadrant les anciens établissements militaires de la Société nationale des poudres et explosifs du régime exceptionnel vers le régime de droit commun des plans de prévention des risques technologiques. Cela permettra de mieux assurer la protection des populations.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux éléments du projet de loi que j’ai l’honneur de soumettre à votre approbation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le dispositif des emplois réservés méritait clairement d’être réformé, et ce pour plusieurs raisons.
Conçu et développé dans l’environnement économique et social de l’après-Première Guerre mondiale, il devait tout d’abord être adapté aux réalités d’aujourd’hui. Le projet de loi qui nous est soumis a notamment cet objet.
Plus inquiétante me semble être la désaffection croissante qui touche ce dispositif depuis quelques années. Grâce à l’implication des personnels qui le mettent en œuvre, il assure, certes, le reclassement des personnes prioritaires de façon efficace, mais il faut noter que ces personnes sont peu nombreuses : une trentaine au cours des quinze dernières années, pour lesquelles les services du ministère ont pu assurer un accompagnement individuel.
En revanche, le dispositif peine à représenter un réel débouché pour la reconversion des militaires, qui constitue son deuxième objet. Une large majorité des postes théoriquement disponibles sont en effet rendus aux administrations. Le nombre de personnes effectivement nommées s’est établi à un niveau historiquement bas en 2005 avec 381 nominations, soit à peine plus qu’au titre du dispositif de la loi 70-2, pourtant traditionnellement plus sélectif.
Or, loin d’être désuètes, les filières d’accès des militaires à la fonction publique sont plus que jamais nécessaires.
Tout d’abord, nous n’avons certainement pas encore pris la pleine mesure des effets de la professionnalisation sur les besoins de reconversion de nos personnels. Alors que nos militaires du rang n’ont toujours, en moyenne, que 4,4 années de service derrière eux, 19 000 personnes quittent chaque année l’armée sans pension militaire, tandis que le nombre de bénéficiaires d’une allocation chômage payés par la défense a doublé entre 2000 et 2005, pour s’établir à près de 10 000.
Enfin, l’ampleur annoncée des suppressions de poste, qui seraient au nombre d’environ 40 000, selon les derniers chiffres,…
M. Guy Fischer. Plutôt 42 000 !
M. André Dulait, rapporteur. … rend indispensable la mobilisation de tous les instruments de reconversion qui se trouvent à notre disposition, y compris les emplois réservés.
Il importe, par conséquent, d’enrayer la décrue des nominations et de dynamiser autant que possible ce dispositif. Les amendements que vous nous proposerez d’adopter, monsieur le secrétaire d'État, afin de modifier le mode d’accès aux emplois réservés devraient permettre de remédier pour partie à la désaffection qui touche celui-ci et qui tient, notamment, à la rigidité et à la complexité du dispositif, tant pour les administrations que pour les candidats.
La suppression de l’examen professionnel et des listes de classement au profit d’un mécanisme qui emprunte à la fois à la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle et aux procédures de nomination de la fonction publique territoriale nous paraît de nature à lever de nombreux obstacles.
Les administrations ne seraient plus obligées de recruter dans l’ordre de la liste, et le candidat ne serait plus tenu d’accepter la proposition qui lui est faite. Seule la caducité des listes lui serait opposable : deux ans sur une liste régionale, suivis d’une année sur une liste nationale, soit trois ans au maximum.
La commission souscrit pleinement à l’assouplissement du dispositif qu’apportent vos amendements, monsieur le secrétaire d'État, et elle se félicite de ce que le Gouvernement ait mis à profit le temps qui s’est écoulé depuis le dépôt de ce texte pour prolonger sa réflexion et faire évoluer le projet de loi. Elle s’interroge simplement sur la place qui sera faite aux bénéficiaires prioritaires dans cette nouvelle configuration : y aura-t-il pour eux une liste séparée, un ordre de classement ? Quelle sera la marge de manœuvre des administrations dans l’examen de leur profil ?
L’incitation des administrations à recruter se trouve renforcée par la combinaison de ce système avec l’article L. 407 du statut général des fonctionnaires, aux termes duquel elles ne pourront remettre directement au concours les postes non pourvus, comme c’est le cas actuellement, mais devront les proposer à d’autres publics prioritaires, notamment aux personnes handicapées.
Cette réforme est tout à fait positive, me semble-t-il, et elle va davantage dans le sens de l’intérêt commun des administrations et des candidats. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, les amendements que vous nous soumettrez font passer le texte déposé au Sénat du simple « toilettage » à la réforme de fond.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission propose, pour l’essentiel, d’apporter trois modifications à ce texte.
La première proposition concerne les militaires réformés qui, dans l’équilibre du nouveau dispositif, doivent rejoindre la catégorie des personnes prioritaires, sauf à considérer, par exemple, qu’un policier blessé en service serait davantage prioritaire qu’un gendarme qui aurait accompli la même mission à ses côtés. Cette proposition fait l’objet des trois premiers amendements qui vous seront soumis, mes chers collègues, cette modification s’étendant aux ayants droit.
La deuxième proposition de la commission vise à exclure du dispositif les militaires radiés des cadres ou ayant fait l’objet d’une résiliation de contrat pour motif disciplinaire. En effet, un accès dérogatoire à la fonction publique ne saurait profiter à des personnes dont la défense a souhaité se séparer. Le ministère doit jouer le jeu à l’égard des administrations d’accueil, dont il fait au demeurant partie, sinon l’ensemble du dispositif risque de ne pas bien fonctionner.
Enfin, la troisième proposition de la commission consiste à ouvrir l’accès à la catégorie A. Nous considérons en effet que dans le nouveau dispositif, tel qu’il sera proposé, rien ne justifie désormais de restreindre l’accès par la voie des emplois réservés aux seules catégories B et C. Une telle restriction nous semble même dommageable à la nécessaire dynamisation de ce dispositif. Tous les garde-fous nécessaires sont en place : pourcentage d’emplois réservés et corps exclus prévus par décret en Conseil d’État, listes d’aptitude et libre choix des administrations. Je précise, par ailleurs, que le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels, qui sera soumis à l’examen du Sénat à la fin de ce mois, prévoit, quant à lui, l’accès des fonctionnaires à tous les corps militaires par la voie du détachement.
Nous pensons qu’il serait logique, à terme, de rapprocher le dispositif des emplois réservés de celui de la loi 70-2, au profit d’un mécanisme unique de mobilité des militaires vers la fonction publique, et réciproquement. Il faudrait alors réserver un dispositif spécifique aux personnes prioritaires qui relèvent fondamentalement d’une autre logique, celle de la solidarité nationale. Dans l’immédiat, ce texte constitue une avancée.
Pour le reste, la commission présente une série d’amendements de clarification ou de correction d’erreurs matérielles qui n’appellent pas de commentaire particulier.
En dernier lieu, monsieur le secrétaire d'État, la commission souhaiterait attirer votre attention sur la nécessité impérative de modifier et d’améliorer l’image de ce dispositif auprès tant des administrations que des personnels auxquels il s’adresse.
Sa désignation même est ambiguë et prête à confusion. Avec les modifications que vous nous soumettez, elle ne correspond plus véritablement à la réalité du dispositif. Nous pensons donc, monsieur le secrétaire d'État, que vous devriez la modifier.
Nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de le faire par voie législative, mais cela nous est apparu malaisé, dans la mesure où, sur le plan juridique, il s’agit d’un droit accessoire au droit à pensions, inséré comme tel dans le code des pensions militaires d’invalidité.
En revanche, monsieur le secrétaire d'État, rien ne vous interdit d’en modifier l’appellation « grand public », au profit d’une désignation plus attrayante. Nul ne doit plus penser qu’un emploi lui est précisément « réservé » dans une administration ; chacun doit plutôt considérer qu’une nouvelle carrière peut s’ouvrir à lui après qu’il a servi une première fois l’État au sein des armées.
Voilà, madame la présidente, mes chers collègues, les principales observations de la commission sur ce projet de loi, dont elle vous recommande l’adoption sous réserve de la prise en compte des amendements qu’elle vous soumet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous allons examiner a pour objet principal de moderniser le dispositif plus que centenaire des emplois réservés, sans en remettre en cause la pertinence et la nécessité.
Nous ne pouvons que nous en féliciter, car ce texte vient opportunément améliorer les possibilités de reconversion des militaires. C’est là un enjeu de première importance pour notre pays, en raison de la professionnalisation de nos armées décidée en 1996.
Nous possédons aujourd’hui une armée professionnelle, au sein de laquelle des engagés volontaires consacrent plusieurs années de leur vie à la défense du pays. Ceux-ci retournent donc à la vie civile plus tard que ne le faisaient les appelés : à l’approche de trente ans pour les militaires du rang, voire au-delà pour les sous-officiers, qui ont la possibilité d’effectuer quinze années de service pour bénéficier d’une pension de retraite à jouissance immédiate.
La reconversion des militaires constitue donc un problème relativement récent pour nos armées. Nous le savons tous, en effet, dans une armée dont la plus grande partie des effectifs était composée d’appelés, la question de la reconversion ne se posait pas. Le service militaire n’était qu’une parenthèse de dix à douze mois dans le parcours de jeunes gens qui reprenaient leur itinéraire civil sitôt leur temps accompli.
L’armée avait assez peu d’influence sur le parcours professionnel de ces jeunes, même si une partie d’entre eux en profitaient pour acquérir un certain nombre de savoirs, mettre en pratique des connaissances ou passer des examens.
Il semble donc aujourd’hui indispensable d’assurer les moyens d’une reconversion à la vie civile, notamment par le biais de la procédure des emplois réservés, sous peine de remettre sur le marché du travail des personnels qui se trouveraient désavantagés par rapport à ceux qui auraient préféré se former plutôt que servir leur pays sous l’uniforme.
Une autre raison doit pousser les armées à aider leurs personnels à se reconvertir : dans un marché de l’emploi contraint, la qualité de la formation professionnelle proposée peut constituer un argument en faveur du recrutement. Les militaires savent qu’à l’issue de leur période d’engagement le ministère de la défense met à leur disposition un outil de reconversion très performant, leur permettant de trouver dans le civil un emploi à la mesure de leurs capacités.
Dès lors, l’acte de s’engager peut apparaître aux yeux de l’intéressé comme le moyen à la fois de mener une carrière dans le métier des armes, conformément à ses souhaits, et d’assurer son avenir professionnel, une fois l’engagement militaire achevé.
Les efforts déployés en matière de reconversion par les armées françaises ne sont pas entièrement étrangers aux résultats enregistrés en termes de recrutement. Toutes les enquêtes réalisées auprès des jeunes engagés l’ont montré : la reconversion conditionne directement la qualité du recrutement.
C’est dans ce contexte qu’il faut situer ce projet de loi, dont l’objet est clair : moderniser un dispositif ancien et inadapté, afin de doter l’institution militaire des moyens de reclasser ceux qui la quittent.
Je ne reviendrai pas sur les détails techniques de ce texte, notre excellent rapporteur, M. André Dulait, nous ayant déjà apporté toutes les précisions nécessaires à la bonne compréhension du projet de loi.
Nous savons que l’accès des militaires à la fonction publique peut se faire, aujourd'hui, par les voies traditionnelles des concours, externes ou internes. Toutefois, les militaires qui quittent l’institution peuvent, en outre, bénéficier de possibilités d’accès direct à la fonction publique et d’emplois réservés.
S'agissant du dispositif qui nous intéresse, les conditions d’accès, de sélection des candidats au sein des armées, de reclassement et de reprise d’ancienneté manquaient d’homogénéité. Par ailleurs, le recrutement subordonné à la réussite à un examen nécessitait une motivation et une implication personnelle importantes.
Le nombre élevé de postes ouverts mais rendus à l’administration chaque année, faute de candidats sérieux, confirmait la désaffection pour ce type de recrutement, malgré un important effort d’information et un investissement financer non négligeable. La réactualisation du dispositif des emplois réservés s’imposait donc, tant pour les militaires que pour les administrations d’accueil.
C’est pourquoi ce projet de loi, tout en préservant la procédure dérogatoire et les catégories de bénéficiaires, vise à élargir le champ d’application et à assouplir, fort opportunément, le régime des emplois réservés.
Nous partageons les interrogations de la commission sur la nécessaire montée en puissance du dispositif et nous attendons, monsieur le secrétaire d'Etat, des éléments de réponse à ce sujet.
Le groupe de l’UMP se félicite de cette réforme, qui touche au cœur de la reconversion des militaires – un sujet auquel, vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, nous attachons une importance primordiale.
À cet égard, je crois qu’il serait particulièrement utile que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – je parle sous le contrôle de son président –, en liaison avec les services compétents du ministère, puisse dresser un bilan par armée de la reconversion des militaires. Nous pourrions ainsi analyser des réalités parfois extrêmement différentes et des particularités souvent nombreuses, d’autant qu’avec l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, l’enjeu financier de la reconversion des anciens soldats est loin d’être négligeable.
Nous connaissions déjà les efforts considérables déployés par les armées dans les domaines de leur organisation et de leur fonctionnement. Nous mesurons désormais la détermination qu’elles mettent à former et à reconvertir leurs personnels. Monsieur le secrétaire d'État, nous voterons bien entendu ce texte, qui va, à nos yeux, dans le sens d’une amélioration de la condition des militaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en prévision des profondes restructurations envisagées au sein de la défense nationale et qui, selon les dires du ministre de la défense, se traduiront chaque année par la suppression de 6 000 postes pendant sept ans, un projet de loi sur les emplois réservés pouvait sembler opportun.
Pourtant, un tel texte ne pourra amortir la dureté du choc que ces restructurations provoqueront sur nos territoires. Indépendamment de ces sombres perspectives, il devenait urgent et nécessaire de moderniser ce dispositif de reconversion des militaires non-officiers et de l’adapter aux évolutions de notre société.
Institué avant la Première Guerre mondiale, ce dispositif avait à l’origine, suivant en cela une logique de solidarité nationale, pour objet de « récompenser » certains soldats blessés en leur garantissant un retour à la vie civile dans de bonnes conditions, grâce à une procédure dérogatoire d’accès à l’emploi public.
Bien qu’il ait connu un certain nombre de modifications et d’adaptations, ce dispositif, quelque peu marginal, est devenu à bien des égards obsolète et ne correspond plus aux réalités d’aujourd’hui.
En effet, depuis la professionnalisation des armées, la reconversion professionnelle des militaires est un problème majeur. Avec la multiplication des contrats courts, ce sont environ 30 000 hommes et femmes qui, chaque année, sont rendus à la vie civile. Plus de la moitié d’entre eux sont concernés par l’ensemble des outils de reconversion mis en place par le ministère de la défense.
L’accès à un emploi public par la voie des emplois dits « réservés » n’est qu’un élément parmi bien d’autres. Dans la réalité, il est mal perçu par les intéressés, parce qu’il ne semble pas leur offrir un véritable débouché sur les trois fonctions publiques. J’en veux pour preuve le fait que le nombre de postes effectivement pourvus n’a cessé de décroître depuis cinq ans. Ainsi, en 2006, moins de 500 personnes étaient concernées.
Cette sous-utilisation démontre, à l’évidence, que les procédures sont aujourd’hui trop rigides et certainement inadaptées. La modernisation de la filière d’accès aux emplois réservés de la fonction publique, telle qu’elle nous est ici proposée, est donc, de ce point de vue, totalement justifiée.
M. André Dulait, rapporteur. Très bien !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Vous allez donc voter ce texte !
M. Guy Fischer. Il est en effet légitime de faire jouer la solidarité nationale en faveur des militaires qui ont subi des préjudices et de vouloir redynamiser cette filière spécifique de reconversion professionnelle.
Aussi approuvons-nous l’élargissement de ces possibilités de reconversion et l’assouplissement du dispositif qui nous sont proposés.
M. André Dulait, rapporteur. Très bien !
M. Guy Fischer. De même, l’évolution de la société impose d’élargir le bénéfice de ces mesures aux conjoints et concubins, qu’ils soient liés ou non par un pacte civil de solidarité,...
M. André Dulait, rapporteur. C’est fait !
M. Guy Fischer. ...aux victimes d’actes terroristes, aux personnes qui ont subi une atteinte à leur intégrité physique dans l’exercice de leur fonction, ou bien encore aux militaires ayant servi à titre étranger.
En revanche, monsieur le secrétaire d'État, au regard de la situation sociale actuelle, mais surtout de son évolution probable dans les années à venir, ce projet de loi n’est pas à la hauteur et manque d’ambition.
Comment pouvez-vous espérer faire face, même partiellement, aux 42 000 suppressions d’emplois en sept ans, qui sont, dans les armées, la transposition mécanique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux imposé par la Révision générale des politiques publiques ?
En fait, ce texte ne modifie qu’à la marge un système qui devrait changer de nature. Vous en restez à la conception originelle, qui repose sur une logique de solidarité nationale à l’égard des services rendus, alors que, pour répondre aux besoins qui se font jour, il faudrait désormais uniquement concevoir ce dispositif en termes de reconversion et de mobilité des militaires vers la fonction publique civile.
Il aurait fallu une réforme de fond, qui instaure non plus des emplois dits « réservés », ce qui, en ces temps de diminution drastique de l’emploi public, peut être perçu comme un privilège, mais un véritable système de passerelles au sein de la fonction publique, fondé sur la reconnaissance des compétences.
Donc, malgré quelques avancées positives, ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux. Pour cet ensemble de raisons, le groupe communiste républicain et citoyen s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Vous nous décevez !
Mme la présidente. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi a pour but de réformer légèrement le dispositif des emplois réservés, qui consiste en un accès dérogatoire à la fonction publique pour différentes catégories de bénéficiaires.
M. le rapporteur l’a rappelé, ce dispositif a été instauré au début du XXe siècle, afin de récompenser certains soldats en leur garantissant une forme de « reconversion » par l’accès aux emplois publics. Après la Première Guerre mondiale, ce dispositif a changé de nature et a été réorienté au service des pensionnés militaires d’invalidité et des victimes de guerre.
Le projet de loi maintient les principes concernant la procédure dérogatoire et les catégories de bénéficiaires. Il s’applique à élargir le champ des bénéficiaires en prenant en compte les évolutions de la société.
Le texte en vigueur, objet de nombreux ajouts tout au long de son histoire, contient aujourd’hui des dispositions caduques. Son « toilettage » est indispensable pour assurer son efficacité.
Je partage les interrogations de M. le rapporteur et de la commission des affaires étrangères sur la capacité du dispositif, même rénové, à représenter un véritable débouché pour la reconversion. Je constate que ses effets quantitatifs sont aujourd’hui très limités : sur 3 000 postes offerts, à peine 500 désignations sont enregistrées.
Il est vrai que ce type de mesure est nécessaire pour faire face aux contraintes de la professionnalisation des armées et aux réductions programmées des effectifs, ce dans un contexte économique et financier rendu chaotique par l’action du Gouvernement.
En effet, dix ans après le début de la professionnalisation des armées, le ministère de la défense va s’engager dans une nouvelle démarche importante de réorganisation de ses structures, de réduction des effectifs et de diminution considérable des implantations territoriales des unités militaires. Disons les choses comme elles sont : pour les personnels de la défense, le « plan social » est en marche !
Cette démarche est engagée sans véritable concertation avec les parlementaires, ni avec les élus en général. Les annonces gouvernementales, contradictoires, se succèdent dans une grande cacophonie. La presse est toujours informée avant les parlementaires et les fuites, plus ou moins contrôlées, deviennent une forme de gouvernance,...