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Réforme portuaire
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme portuaire.
Nous poursuivons l’examen de l’article 3.
Article 3 (suite)
M. le président. Quatre des cinq amendements en discussion commune ont déjà été défendus.
L'amendement n° 13, présenté par M. Revet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du II de cet article, remplacer (deux fois) la référence :
1459
par la référence :
1469
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 32 rectifié, 31 rectifié, 29 rectifié et 30 rectifié.
M. Charles Revet, rapporteur de la commission des affaires économiques. L'amendement n° 13 vise à rectifier une erreur matérielle.
S’agissant de l'amendement n° 32 rectifié, les entreprises de manutention portuaire qui achèteront les outillages publics devront engager plusieurs millions d’euros. Il n’est donc pas anormal que le législateur mette en place des mécanismes d’accompagnement fiscaux pour faciliter ce transfert de matériel. Le mécanisme fiscal prévu à l'article L. 1464 J du code général des impôts sera d’ailleurs soumis à l’examen de la Commission européenne pour déterminer s’il s’agit ou non d’une aide d’État autorisée.
Enfin, mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que ces outillages seront, à terme, source de revenus pour la collectivité publique, puisqu’ils seront soumis au droit commun de la fiscalité.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les amendements de repli nos 31 rectifié, 29 rectifié et 30 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les cinq amendements en discussion commune ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Tout d’abord, j’indique à M. Foucaud que je lui communiquerai naturellement les éléments qu’il m’a demandés lors de son intervention sur l’article.
Sur les amendements nos 32 rectifié, 31 rectifié, 29 rectifié et 30 rectifié, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable. Nous avons besoin de cet allégement du poids de la fiscalité.
En revanche, le Gouvernement est bien sûr favorable à l'amendement n° 13 de la commission.
M. le président. La parole est à M. Charles Josselin, pour explication de vote sur l'amendement n° 32 rectifié.
M. Charles Josselin. Mon intervention portera en fait sur l’ensemble de l’article 3, monsieur le président.
Les mesures d’exonération qui sont proposées ne sont pas nouvelles. Il s’agit de dispositions auxquelles les collectivités locales sont habituées et ont parfois recours.
Toutefois, j’observe que le champ d’application est ici un peu singulier. Le plus souvent, lorsqu’une collectivité locale accorde une exonération fiscale, c’est en vue de favoriser la création d’entreprises, et donc d’emplois.
Il n’est pas sûr que, dans le cas présent, nous soyons dans cette situation. La perspective d’un plan social, qu’a évoquée tout à l’heure notre collègue du groupe CRC en présentant ses amendements, n’est pas totalement imaginaire.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le risque de voir les entreprises bénéficiant de cette disposition, prévue pour les seuls outillages transférés, tenter d’en obtenir l’extension à l’ensemble de leurs outillages. Que dire en outre des entreprises concurrentes qui n’acquerront pas d’outillages publics mais demanderont néanmoins à bénéficier de la même mesure ?
Il est donc à craindre que l’application de ce dispositif ne soulève un certain nombre de difficultés. Il faut en être conscient et éviter de créer des situations d’iniquité entre les entreprises. Ce risque est réel.
S’agissant maintenant des collectivités locales, je ne peux pas ne pas poser la question de la compensation éventuelle du manque de recettes qu’entraînerait nécessairement l’application du 2° du I de l'article 3 si elles décidaient de donner suite à l’invitation qui leur est faite.
Or nous savons que les collectivités locales vont être appelées à participer d’une manière ou d’une autre à la nécessaire modernisation des ports, et pas seulement des plus grands d’entre eux.
Lors de l’examen de l’article 7, nous nous pencherons sur les conditions de cession des matériels et des droits qui leur sont attachés. Cela nous donnera l’occasion de rappeler qu’il est important en cette matière de ne pas aller trop loin dans la voie de la générosité, le risque de créer un effet d’aubaine étant évident.
Cela étant, je souhaite d’ores et déjà attirer l’attention du Gouvernement, s’agissant des dispositions fiscales de l’article 3, sur le fait qu’il conviendra d’être extrêmement vigilant, afin d’éviter un détournement de l’intention initiale, aboutissant à une application perverse du dispositif envisagé.
Enfin, il restera à étudier la question, que j’ai soulevée à l’instant, de la compensation ou non par l’État de la perte de recettes pour les collectivités territoriales, qui peut être considérable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Josselin, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans l'intitulé de ce titre, remplacer les mots :
transitoires et finales
par les mots :
affectant le personnel et la propriété des outillages
La parole est à M. Charles Josselin.
M. Charles Josselin. L’actuel intitulé du titre III est totalement hermétique, on en conviendra. Un tel intitulé ne peut en aucun cas donner à connaître du contenu de ce titre, qui est pourtant d’une portée considérable, puisqu’il s’agit du transfert des outillages, d’une part, de celui des personnels qui les servent, d’autre part. Nous sommes ici au cœur de la réforme.
Il convient donc, à notre sens, de permettre à ceux qui n’auront pas le temps d’entrer dans le détail de la loi de pouvoir prendre connaissance du contenu de celle-ci à la seule lecture de ses titres.
C’est pourquoi nous proposons de modifier l’intitulé actuel du titre III, qui ne veut strictement rien dire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Revet, rapporteur. M. Josselin a souligné avec juste raison l’importance de ce titre. La modification de l’intitulé proposée est intéressante, mais je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement avant de me prononcer.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Comme la commission, le Gouvernement estime que l’amendement n° 70 rectifié va dans le bon sens. Cependant, monsieur Josselin, le mot « affectant » ayant, dans la langue française, une double acception,…
M. Charles Josselin. Affectant, affectueux… (Sourires.)
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. … je vous suggère de rectifier votre amendement, afin qu’il vise à remplacer les mots : « transitoires et finales » par les mots : « relatives au personnel et à la propriété des outillages ».
M. le président. Monsieur Josselin, acceptez-vous de modifier votre amendement dans le sens proposé par le Gouvernement ?
M. Charles Josselin. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 70 rectifié bis, présenté par MM. Josselin, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Dans l'intitulé de ce titre, remplacer les mots :
transitoires et finales
par les mots :
relatives au personnel et à la propriété des outillages
Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Charles Revet, rapporteur. Sagesse favorable, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. En conséquence, l’intitulé du titre III est ainsi rédigé.
Article 4
L'annexe II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 de démocratisation du secteur public est complétée par l'alinéa suivant :
« Les grands ports maritimes créés en application de l'article L. 101-1 du code des ports maritimes. » – (Adopté.)
Article additionnel avant l'article 5
M. le président. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Le Cam, Bret, Billout et Danglot, Mmes Didier et Terrade, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant toute vente des outillages et cession des droits réels qui leur sont attachés, par les ports à des opérateurs de terminaux, le Gouvernement remet au Parlement un document faisant état pour chaque port de leur évaluation financière détaillée et motivée. Ce document présente également une simulation des futures ressources des grands ports maritimes.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. C’est peu dire que les articles 5 à 7 du projet de loi posent quelques problèmes !
En effet, alors que la loi est l’expression de l’intérêt général, voici que l’on nous propose de confier à une commission ad hoc, composée de manière exclusive de « personnalités indépendantes » – j’aurais tendance à dire parfaitement autonomes au regard de la défense de l’intérêt public ! –, le soin de fixer les règles du jeu. C’est là une donnée nouvelle et originale, originalité dont nous nous serions bien passés…
N’est-ce pas là, d’ailleurs, un sérieux problème, du point de vue du respect de quelques principes constitutionnels, selon lesquels, notamment, aucune partie du peuple, fût-ce une commission composée de personnalités indépendantes, ne peut s’arroger le droit de « dire » la loi ?
Quand une majorité parlementaire libérale du même calibre que celle qui siège actuellement à l’Assemblée nationale avait décidé de privatiser un certain nombre d’entreprises publiques en 1986, elle avait au moins inscrit dans la loi ce dont il s’agissait.
Ainsi, la commission de privatisation, bien que composée de personnalités indépendantes, ne pouvait déterminer la valeur des actifs publics cédés qu’après en avoir référé au ministre chargé de l’économie et des finances, tandis que ses membres ne pouvaient exercer la moindre responsabilité au sein des organes dirigeants des entreprises concernées, ni en accepter la teneur avant un délai de cinq années à compter de la mise en œuvre des procédures.
Faut-il souligner qu’une telle garantie n’existe pas, en tant que telle, dans le texte que nous examinons aujourd’hui ? Dès lors, ne pouvons-nous craindre que certains membres de la commission d’évaluation ne finissent par trouver intérêt à la mise en œuvre des dispositions du projet de loi, notamment à la cession des outillages ?
Toutefois, il est encore plus préoccupant qu’aucune évaluation réelle de la situation économique des ports autonomes comme des conditions de financement de leurs infrastructures présentes ou de leurs investissements futurs ne soit associée au projet de loi.
On semble vouloir faire considérer comme acquis que les ports autonomes français sont peu compétitifs. Or un éventuel manque de compétitivité tient non pas à la qualité et au savoir-faire des salariés du secteur maritime, mais plutôt à une absence de politique cohérente d’utilisation des capacités maritimes existantes par le gouvernement en place. La Cour des comptes a d’ailleurs témoigné en ce sens.
La France jouit d’une position géographique primordiale sur les principales routes du commerce maritime. Or, l’ensemble de la filière est aujourd’hui en difficulté. Est-ce dû au statut des agents de manutention, ou plutôt à l’absence de vision à long terme de la politique maritime de la France, ainsi qu’à l’insuffisance des investissement réalisés, notamment par les acteurs de la filière du transport ?
Pour ce qui concerne l’amendement n° 39 rectifié, les membres du groupe CRC estiment impérieux que la représentation nationale soit pleinement informée de ce qui se passe effectivement et de l’ensemble des tenants et aboutissants du projet de loi.
Aucun des éléments fournis par l’exposé des motifs du projet de loi ou par le rapport de la commission ne permet de mesurer, sur le plan économique, le bien-fondé de ce qui nous est complaisamment présenté comme la seule solution, c’est-à-dire le démantèlement des ports autonomes et la cession du domaine public qui en résultera.
De surcroît, rien ne prouve que les ports autonomes connaissent des difficultés financières majeures. Bien au contraire, ils enregistrent, année après année, une relative progression de leur activité, certes bien insuffisante parfois au regard de ce qui se passe ailleurs, et une amélioration de leur situation financière.
De notre point de vue, une telle évaluation nécessite une large information de la représentation nationale, pour que nous puissions statuer en toute transparence sur ce dossier essentiel au regard tant du développement durable que de l’aménagement du territoire. Toute autre démarche serait suspecte et susceptible d’aller à l’encontre de l’intérêt même du pays, ne serait-ce – faut-il le souligner ? – que parce que des services publics, tel celui des domaines, peuvent tout à fait produire cette évaluation.
De plus, l’existence et le développement des ports autonomes actuels sont largement liés à l’action des collectivités territoriales, action qui semble comme occultée dans la démarche libérale forcenée des auteurs du projet de loi.
Sous le bénéfice de ces observations, les membres du groupe CRC vous invitent, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Revet, rapporteur. L’article 7 du projet de loi tend à instaurer une commission spéciale pour assurer le bon déroulement et la transparence de la procédure de vente d’outillages.
En outre, le dépôt d’un rapport annuel devant le Parlement prévu à l’article L. 531-2 du code des ports maritimes pourrait répondre aux attentes de nos collègues du groupe CRC.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Charles Josselin, pour explication de vote.
M. Charles Josselin. Je ne suis pas sûr que la référence faite par M. le rapporteur au rapport annuel susvisé soit totalement de nature à satisfaire les auteurs de l’amendement n° 39 rectifié.
Observons, tout d’abord, que ledit rapport, prévu par la loi de 1992, n’a jamais été déposé une seule fois. Espérons que le rapport prévu dans le projet de loi connaîtra un meilleur sort…
M. Charles Revet, rapporteur. Tout à fait !
M. Charles Josselin. En outre, les auteurs de l’amendement n° 39 rectifié expriment un souhait probablement difficile à réaliser, puisqu’il s’agirait de faire connaître au Parlement, avant la vente des outillages, les conditions dans lesquelles ceux-ci seraient cédés. L’amendement vise même une « évaluation financière détaillée et motivée ».
De surcroît, prévoir que le document sera remis au Parlement laisse ouverte la question de savoir qui en sera le destinataire. Est-ce que ce sera le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, ou les rapporteurs des budgets concernant les ports ? Une incertitude demeure, qu’il faudrait pouvoir lever.
Quoi qu’il en soit, la collectivité publique dans son ensemble, en particulier les collectivités territoriales, plus directement intéressées, a le droit, avant la vente, d’être informée des conditions de la cession, de connaître, par exemple, les candidats à l’achat ou à la reprise, information non dénuée d’intérêt qui pourrait être donnée sans trahir forcément les aspects plus commerciaux du dossier. S’agissant de ces derniers, il faudra bien que le Parlement en connaisse, dans le cadre du rapport annuel, mais ce sera nécessairement une fois la vente intervenue.
En tout cas, la demande d’une information préalable à la cession paraît suffisamment justifiée pour que les membres de mon groupe ne s’opposent pas à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Revet, rapporteur. Je suis bien conscient que mon intervention n’amènera pas mes collègues du groupe CRC à retirer leur amendement.
Cependant, dans le projet de loi, le Gouvernement a prévu des modalités pour s’assurer que les conditions de cession soient aussi ajustées que possible. Le dépôt d’un rapport supplémentaire dressant une sorte d’état des lieux et présentant une estimation de la valeur des outillages ne changerait pas la situation.
En revanche, prévoir la remise d’un rapport au Parlement après la cession attestant du bon déroulement de l’opération et permettant une vérification me paraît tout à fait normal.
Nous sommes tous d’accord, me semble-t-il, pour reconnaître qu’il est urgent de faire en sorte que nos ports puissent trouver une nouvelle dynamique. En effet, des emplois directs et induits sont en jeu, et il ne faut surtout pas retarder le processus. Nous n’avons donc pas de temps à perdre avec la rédaction d’un document supplémentaire.
Par conséquent, je confirme l’avis défavorable de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39 rectifié.
M. Charles Josselin. Le groupe socialiste s’abstient.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5
Sous réserve des cas prévus à l'article L. 103-2 du code des ports maritimes, les grands ports maritimes cessent d'exploiter les outillages mentionnés au II de l'article L. 101-3 du même code dans un délai qui ne peut excéder deux ans à compter de l'adoption de leur projet stratégique.
La propriété de ces outillages ou, s'ils sont immobiliers, les droits réels qui leur sont attachés sont cédés à des opérateurs de terminaux dans les conditions définies à l'article 7.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Le Cam, Bret, Billout et Danglot, Mmes Didier et Terrade, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L’article 5 traite du transfert des outillages portuaires à des opérateurs privés de terminaux.
Il s’agit, selon le Gouvernement, de l’une des mesures phares du projet de loi, de l’un des axes de la réforme censée contribuer à la relance de la productivité de nos ports, au prétexte que seule la privatisation permettrait d’améliorer la productivité.
En transférant les outils au privé, et a fortiori les personnels qui les servent, le Gouvernement répond aux attentes du patronat. Ce n’est pas une réforme stratégique, c’est la mise en œuvre d’un vieux concept idéologique visant à démanteler le domaine public maritime, à mettre le mot « fin » à l’histoire syndicale des agents portuaires.
Cet article, à lui seul, traduit l’esprit ultralibéral du projet de loi, puisqu’il valide, en l’absence de toute budgétisation, le principe de céder aux opérateurs privés les installations portuaires existantes, au motif que la maîtrise publique serait improductive.
Toutefois, quelle est la valeur des biens mobiliers, de l’outillage ? Quel est le prix de vente espéré ? Quelles sont les ressources financières attendues ? Quels sont les biens devant être cédés et selon quels critères le seront-ils ? Comment seront indemnisées les collectivités territoriales, dont certaines ont réalisé des investissements en matière d’équipements et d’outillage sur les ports ? Ne vont-elles pas être les grandes perdantes de cette réforme ?
En nous demandant d’adopter l’article 5, autant dire que l’on nous demande d’inscrire dans la loi le principe de céder au secteur privé des équipements financés par l’argent des contribuables, au profit des futurs actionnaires. Cela n’est, pour nous, pas pensable !
En outre, au-delà du principe, que nous refusons, la cession au secteur privé nous amène à nous poser toute une série de questions, notamment en matière de fiabilité technique, le texte n’apportant aucune garantie.
Ainsi, quelle sera, demain, la fiabilité technique de nos ports, une fois que les outillages auront été privatisés et que la concurrence sera la règle au sein du domaine portuaire ? En effet, contrairement à ce que l’on tente de faire croire avec ce projet de réforme, la productivité et la fiabilité des terminaux portuaires ne relèvent pas seulement du facteur humain, tant s’en faut : elles sont avant tout techniques, car les infrastructures doivent être à la hauteur des enjeux.
L’équilibre global qui existe aujourd’hui entre les recettes et les dépenses des ports autonomes est rendu possible par la maîtrise publique, qui fait preuve de vigilance, veille à maintenir l’équilibre entre les différentes activités d’un port, entre les différentes professions au sein du domaine portuaire. Certaines sont lucratives, d’autres moins. Immanquablement, les plus rentables financent en partie celles qui le sont moins. C’est ce qui permet la polyvalence d’un port, la diversité de son offre. In fine, la gouvernance des ports doit intégrer des critères de responsabilité sociale territoriale.
De surcroît, si les opérations commerciales sont transférées au secteur privé, que restera-t-il aux établissements portuaires ? De quels moyens bénéficieront-ils quand ils ne percevront plus les recettes générées par les redevances d’outillage ?
Par ailleurs, les ports autonomes sont exonérés de la taxe professionnelle, mais tel n’est pas le cas des entreprises privées. De fait, la privatisation des outillages va entraîner leur assujettissement à la taxe professionnelle, ce qui, par répercussion, provoquera une augmentation du coût de passage, puisqu’il faudra bien compenser ce prélèvement.
Or, ni la Belgique, ni l’Espagne, ni les Pays-Bas, ni le Royaume-Uni ne sont assujettis à une telle taxe. Autant dire que le transfert de l’outillage n’est aucunement une mesure concurrentielle, contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Revet, rapporteur. La fixation d’une date limite – à savoir deux ans à compter de l’adoption de leur projet stratégique – pour la cessation d’exploitation des outillages par les ports et la procédure de vente des outillages et de cession des droits réels apparaissent légitimes à la commission : tel est l’esprit du texte voulu par le Gouvernement et que nous examinons aujourd’hui.
Sans cette date butoir, les ports ne se sentiraient peut-être pas suffisamment incités à opérer la réforme portuaire. Or, il y a urgence à mettre en place les meilleures conditions possibles pour que nos ports retrouvent leur dynamisme.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?