M. Jean Desessard. Exactement !
Mme Annie David. Quant aux employeurs, ils n’ont aucune obligation, alors qu’ils portent une grande part de responsabilité dans la situation de l’emploi ! On pourrait légitimement penser que les droits des demandeurs d’emploi sont partiellement constitutifs des obligations des employeurs. Je pense à la transmission d’offres d’emploi à l’ANPE, qui n’en est destinataire que de 30 % ! Bon nombre d’entreprises préfèrent se dispenser de passer par la case « service public de l’emploi », préférant recourir aux sociétés privées de placement ou encore aux sociétés d’intérim, autorisées à proposer des CDI, et tout cela sans la moindre sanction.
Après avoir entendu les propos tenus par notre collègue Serge Dassault lors de votre audition, monsieur le secrétaire d’État, jeudi dernier,…
M. Guy Fischer. Des propos scandaleux !
Mme Annie David. … je suis très inquiète quant au devenir de ces femmes et de ces hommes jetés à la rue par des patrons voyous, dans l’indifférence du Gouvernement !
Je vous épargnerai la liste des entreprises qui licencient sans vergogne, elle serait trop longue.
M. Guy Fischer. Si, il faut la citer !
Mme Annie David. L’exemple d’Altadis est suffisamment éloquent et mon département est loin d’être épargné ; j’étais samedi dernier aux côtés des ouvriers papetiers de ma commune pour dénoncer une fermeture abusive, alors qu’un projet alternatif existe ! On est bien loin, avec ce projet de loi, de la responsabilité sociale des entreprises prônée par le Président Sarkozy et reprise dans le Grenelle de l’insertion !
Bien au contraire, votre texte – très cohérent, il est vrai – s’inscrit parfaitement dans votre projet de société : passer d’un État social à un État libéral et pénal !
Pour conclure, loin de votre politique de culpabilisation des demandeurs d’emploi, de stigmatisation de ces femmes et de ces hommes privés d’emploi, je voudrais vous rappeler les mots de John Morley, professeur à l’École de commerce de l’université de Nottingham : « Un travailleur qui ne peut pas trouver d’emploi est un personnage infiniment plus tragique que n’importe quel Hamlet ou Oedipe ».
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas votre texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est rassurant !
M. Jean Desessard. Très bonne intervention !
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, durant la campagne présidentielle qui devait précéder son élection, le Président de la République s’est engagé à ramener, en cinq ans, le taux de chômage à 5 % pour renouer avec le plein emploi, et surtout à réduire le délai de recherche d’emploi à cinq mois.
Personne ne le conteste aujourd’hui, et ce malgré le nouveau choc pétrolier, le taux de chômage en France n’avait atteint un niveau aussi bas depuis le début des années quatre-vingt. Baissant de manière continue depuis 2006, il s’élève à 7,2 % cette année, soit 1,2 point de moins qu’il y a un an, avec 14 % de chômeurs en moins.
Cette situation n’est pas uniquement due à l’augmentation du nombre de départs à la retraite et à l’évolution démographique du pays. En effet, au cours du premier trimestre, l’économie française a continué à créer de nombreux emplois - près de 70 000 emplois dans le secteur marchand de notre économie. Par ailleurs, le nombre de CDI est resté stable en 2007, à 86 %.
Toutefois, comment ramener le taux de chômage de 7 % à 5 % ? Atteindre cet objectif nécessite certainement aujourd’hui un nouveau type de mobilisation, de la part tant des demandeurs d’emploi que des services chargés de les aider à trouver un emploi.
La fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, qui devrait être achevée au début de l’année 2009, permettra de redéployer les moyens du service public de l’emploi et devrait faire baisser le nombre de demandeurs d’emploi suivis par chaque conseiller. Ne serait-il pas opportun également d’associer plus étroitement les services d’orientation de l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, à l’organisme issu de cette fusion, ainsi que nous l’avions suggéré dans le rapport de la mission commune d’information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle ? Les agents du nouveau service public de l’emploi devront également consentir un effort de formation pour être à la hauteur des exigences requises afin d’appliquer efficacement et, surtout, humainement ce projet de loi.
En effet, l’une des clefs de la réduction du taux de chômage est la mise en œuvre d’une double action associant accompagnement et stimulation du demandeur d’emploi.
Cette dualité de la démarche se calque en fait sur le principe retenu dans le cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, lequel a été repris dans celle de 1958 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. »
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. Bernard Seillier. Mais se pose la question de la mise en œuvre de cette double exigence.
Au-delà de cette déclaration solennelle, il s’agit de mettre en place une procédure pratique, efficace et humaine de cette réciprocité d’obligations qui pèsent, en premier lieu, sur le citoyen et, en second lieu, sur la nation, mais qui fondent au total la justice.
Ce projet de loi vise justement à suivre cette double démarche : à un effort personnel pour travailler s’associe un accompagnement pour trouver un emploi.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. Bernard Seillier. Il semble inspiré par le programme britannique du New Deal, qui fait bénéficier d’un accompagnement personnalisé les personnes au chômage depuis plus de dix-huit mois, délai ramené à six mois pour les jeunes demandeurs d’emploi.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. Bernard Seillier. Le temps de trajet considéré comme acceptable peut aller jusqu’à deux heures, et un suivi des actes de recherche d’emploi est par ailleurs assuré. Chaque demandeur d’emploi doit entreprendre dix démarches tous les quinze jours. Le demandeur peut réduire sa demande à un certain type d’emploi le premier trimestre. Au-delà, toute proposition doit être acceptée. Tel est le système britannique.
Le dispositif français que nous examinons est moins brutal. Il repose sur une définition beaucoup plus précise du projet personnalisé d’accès à l’emploi par le demandeur d’emploi et le service public de l’emploi, projet à partir duquel se définit désormais l’offre raisonnable d’emploi.
Il introduit également une progressivité dans l’abaissement des exigences posées par le demandeur en fonction de l’échec des premières tentatives.
Ce texte permet ainsi d’introduire des critères modulables et évolutifs dans le temps pour déterminer une offre d’emploi raisonnable, partant du principe qu’il est normal d’élargir géographiquement le champ de la recherche et d’abaisser les prétentions salariales après une certaine durée de chômage, tout en conservant une prise en compte personnelle de la situation très précise de chaque demandeur d’emploi.
Le débat porte sur la définition de l’offre raisonnable, et l’important est de savoir ce qui doit être considéré comme une offre d’emploi que le demandeur ne peut refuser.
Afin d’éviter que ne se renouvelle l’aventure malheureuse du CNE, et la censure judiciaire qui s’est ensuivie, il faudra tenir compte, pour définir le concept d « offre raisonnable d’emploi », des débats qui se sont développés en Europe depuis les années quatre-vingt-dix, sur la notion de qualité de l’emploi, notamment avec l’introduction du concept d’ « emploi inadéquat », puis d’ « emploi décent » retenu par le Bureau international du travail.
Je pense que, à l’avenir, la personnalisation, caractéristique du projet de loi, nous mettra à l’abri de ce risque. Et je suis certain, monsieur le secrétaire d'État, que vous tiendrez compte de ces références européennes dans vos instructions.
Les agents du service public de l’emploi sont déjà tenus de sanctionner le chômeur qui ne recherche pas activement un emploi.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr ! Il y en a qui le découvrent !
M. Bernard Seillier. S’ils ne le font que très rarement, c’est parce que les sanctions leur paraissent trop lourdes et les offres insuffisamment adaptées à la qualification des demandeurs. Dans l’état actuel des choses, le système est grossier.
En revanche, la réforme proposée repose sur la logique, apparemment bien équilibrée, d’engagements réciproques : le service public de l’emploi s’engage à mettre en œuvre toutes les actions jugées nécessaires pour faciliter le retour à l’emploi du demandeur et lui propose des offres d’emploi considérées comme raisonnables. En contrepartie, le demandeur d’emploi s’engage à accepter ces offres selon un processus qui se durcit dans le temps, ce qui n’est pas en soi critiquable, car, ne l’oublions pas, le chômage est aussi destructeur pour la personnalité. La progressivité des efforts pour en sortir n’est donc pas incohérente en soi.
Ce projet de loi a le mérite de préciser l’élaboration d’une offre d’emploi raisonnable en partant de la situation même du demandeur : la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, la zone géographique dans laquelle le demandeur recherche un emploi, ainsi que le niveau du salaire attendu. L’offre raisonnable d’emploi ainsi définie dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi est adaptée à chaque demandeur d’emploi en fonction de sa formation, de ses qualifications, de son expérience professionnelle et de sa situation personnelle et familiale.
L’enjeu est de taille, car, si l’on admet que la fixation d’exigences est conforme au principe constitutionnel selon lequel tout citoyen doit travailler, il est un autre principe énoncé au onzième alinéa° du même préambule de la Constitution de 1946, repris en 1958 : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
Les premiers critères de l’impossibilité ne soulèvent pas de difficulté majeure, puisqu’il s’agit de l’état même de la personne.
En revanche, la formule ultime du projet de loi : « Après un an d’inscription, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi rémunéré au moins à hauteur du revenu de remplacement », tout en répondant aux mêmes conditions en termes d’éloignement géographique, pourrait sembler faire l’impasse sur la carence due à l’état de l’économie, par insuffisance des emplois disponibles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Bernard Seillier. L’expérience le démontrera. Mais, finalement, peu importe, car le principe constitutionnel est respecté tant que le demandeur d’emploi auquel on ne peut rien reprocher continue à toucher un revenu de remplacement …
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. Bernard Seillier. … correspondant à son «droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence », ainsi que le prévoit le préambule de la Constitution de 1946.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Bernard Seillier. La question de garanties en termes d’indemnisation et, surtout, de formation et d’accompagnement sera déterminante pour assurer la bonne régulation du dispositif et faire d’un système acceptable, ce qui me semble être le cas aujourd’hui, un système également exemplaire, ce qu’il peut être demain.
Les dispositifs d’accompagnement pour le retour à l’emploi doivent s’articuler avec l’insertion sociale ou professionnelle et la formation. Le Centre d’études de l’emploi relève que les dernières étapes de la décentralisation ont bouleversé le partage des compétences dans ces domaines.
Dans le rapport sénatorial de 2007 sur la formation professionnelle, déjà cité, nous soulignions la nécessité de mettre en place une réorganisation importante pour mobiliser la formation professionnelle au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les demandeurs d’emploi, qui profitent très peu jusqu’à présent, comme certains l’ont déjà souligné, des crédits de la formation professionnelle.
Le succès de la réforme à laquelle vous êtes aussi attentif en matière de formation professionnelle, monsieur le secrétaire d'État, sera déterminant pour l’ensemble de la performance française en matière d’emploi. La réforme d’aujourd’hui en sera donc aussi tributaire.
Il faut également évoquer les maisons de l’emploi, qui paraissent dans ce contexte, et dans leur conception originelle, être des lieux de convergence des politiques publiques et des initiatives privées, même si leur création et leur fonctionnement sont liés aux ententes locales. Ces maisons de l’emploi participent à l’accompagnement des demandeurs d’emploi, soutiennent la création d’entreprise et exercent des actions en matière de prévision des besoins de main-d’œuvre et de reconversion des territoires. Leur articulation avec le service rénové de l’emploi devra être précisée à la suite du rapport Anciaux.
Je voudrais enfin dire un mot sur les créations d’entreprises et, singulièrement, des très petites entreprises par des demandeurs d’emploi.
Cette fécondité de l’activité humaine me semble très prometteuse, ainsi qu’a régulièrement l’occasion de le préciser l’Association pour le droit à l’initiative économique, présidée par Maria Novak. Il faut impérativement que les agents du service public, ainsi que les agents issus d’entreprises privées spécialisées dans le placement et l’accompagnement qui y sont associés, soient formés pour accompagner les demandeurs d’emploi qui souhaiteraient créer leur entreprise. N’est-ce pas là une catégorie d’offre raisonnable d’emploi qui mérite d’être prise en compte ? C’est d’ailleurs ce que j’avais déjà souligné dans mon rapport intitulé Pour un contrat d’accompagnement généralisé, rendu après la mission que j’avais effectuée en 2003 auprès de François Fillon, alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, j’apporte mon soutien à la réforme manifestement bien élaborée qui nous est aujourd’hui présentée, en espérant qu’elle n’est qu’une première étape d’une réforme plus vaste visant à réconcilier les dimensions économique et sociale de nos activités grâce à une véritable économie politique, celle que vous avez engagée, monsieur le secrétaire d'État. Son succès aura une portée considérable, car les demandeurs d’emploi ont besoin d’être soutenus dans cette précarité qui doit être provisoire. Ils doivent se sentir compris et aidés par la collectivité nationale. D’une manière globale, ce sont aussi tous les citoyens qui, grâce à cette réforme, doivent pouvoir être rassurés sur le sérieux et la solidarité qui existent, dans notre pays, en matière de justice sociale. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis quelques années, le service public de l’emploi, le SPE, est en pleine mutation, et il s’agit ici d’en améliorer l’efficacité.
Quelles que soient les rigidités affectant le marché du travail, le SPE a un rôle déterminant à jouer dans la lutte contre le chômage. Or, c’est une nécessité, il doit être réformé. Son architecture générale ayant été élaborée à une époque de plein emploi, dans une économie encore protégée, elle est devenue obsolète.
Notre SPE n’est plus adapté aux caractéristiques du chômage français, à savoir un chômage de masse, de longue durée, affectant les jeunes, les seniors, les travailleurs peu qualifiés, dans une économie ouverte de plus en plus globalisée.
La nécessité s’impose à nous, comme à toutes les économies développées, de mettre en place un véritable système d’accompagnement des demandeurs d’emploi dans leurs recherches, tout en contrôlant mieux l’effectivité de ces dernières.
C’est aujourd’hui une évidence : le fait d’être demandeur d’emploi implique non seulement des droits, qui doivent être des droits effectifs, mais également des devoirs consistant à tout faire pour se réinsérer dans l’emploi, sans pour autant accepter n’importe quoi.
Il faut noter que l’utilisation du terme de « demandeur d’emploi » n’est pas neutre. Il procède d’une philosophie d’activation de l’indemnisation du chômage. Il signifie bien qu’une personne involontairement privée d’emploi n’est pas passive. Bien au contraire, il s’agit de quelqu’un d’actif qui agit pour retrouver un emploi correspondant à ses compétences et à ses prétentions salariales, et c’est à ce titre que lui est versée une indemnité.
C’est pour ces raisons que les deux principales évolutions qu’a récemment connues le SPE ont constitué, à nos yeux, de véritables avancées.
La première d’entre elles, M. le rapporteur l’a évoquée, est la mise en place par l’ANPE, depuis 2006, d’une politique de suivi individualisé des demandeurs d’emploi. Ce suivi a été formalisé dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi. Il est assuré par la désignation d’un « référent » pour tout demandeur d’emploi inscrit depuis plus de trois mois.
Afin que ce suivi puisse être mis en place, l’ANPE a vu ses moyens augmenter. Même si cette augmentation a été substantielle, il est permis de s’interroger sur le point de savoir si elle a été suffisante.
En effet, en dépit de la diminution du nombre de demandeurs d’emploi, les référents sont surchargés et ne peuvent assurer le suivi personnalisé dans les meilleures conditions. Toutefois, cette situation devrait beaucoup s’améliorer grâce à la seconde grande réforme entreprise. Je veux évidemment parler de la fusion entre l’ANPE et le réseau des ASSEDIC, opérée par la loi du 13 février 2008. La fragmentation du SPE constituait une entrave sérieuse à son efficacité. Nous nous réjouissons que cette fusion ait été engagée et s’achève au début de l’année prochaine.
Elle permettra de remédier, pour une partie, au manque de personnel que je viens d’évoquer, grâce à un redéploiement des moyens qui devrait faire baisser dans d’importantes proportions le nombre de demandeurs d’emploi suivis par chaque conseiller.
Les chiffres avancés par le Gouvernement sont très encourageants, puisque le nombre de demandeurs d’emploi suivis par un conseiller devrait passer de cent quarante à trente.
Il ne nous paraît pas superflu d’affirmer clairement le contenu des droits et devoirs des demandeurs d’emploi. Mais, plutôt que de réformer les droits des demandeurs d’emploi, le seul objet du texte qui nous est soumis est de préciser le contenu des droits existants, en leur donnant, il est vrai, un caractère évolutif.
En effet, le présent projet de loi n’est pas, à proprement parler, une réforme ; c’est plutôt un ensemble de précisions. Elles sont de trois types.
Le premier type de précisions apportées concerne très généralement les relations entre les demandeurs d’emploi et le futur organisme issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC.
En vertu, donc, de la nouvelle rédaction de l’article L. 5411-6 du code du travail, le nouvel opérateur se voit assigner la mission d’orienter et d’accompagner dans leur recherche les demandeurs d’emploi immédiatement disponibles à l’embauche.
Pour leur part, les demandeurs d’emploi ont l’obligation de participer à la définition du projet personnalisé d’accès à l’emploi, d’accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi et d’accepter les offres raisonnables d’emploi qui leur sont proposées.
Le deuxième type de précisions est relatif au contenu du projet personnalisé d’accès à l’emploi, le PPAE. Il est précisé que ledit projet est élaboré conjointement par le demandeur d’emploi et le service public de l’emploi.
Est ainsi créé, en quelque sorte, un devoir nouveau de la part du demandeur d’emploi : celui de participer à la mise en place de son projet personnalisé. Aussi, le PPAE énoncera la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, ainsi que la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu.
Nouveau devoir, mais nouveaux droits aussi, puisque le texte prévoit également que le PPAE retracera les actions que le nouvel opérateur s’engagera à mettre en œuvre dans le cadre du SPE, notamment en matière d’accompagnement et, le cas échéant, de formation et d’aide à la mobilité.
C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement de la commission tendant à souligner que le PPAE doit tenir compte de la formation, des qualifications, de l’expérience professionnelle, de la situation personnelle et familiale du demandeur d’emploi et de l’état du marché du travail local, pour déterminer non seulement la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, mais aussi la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu. Par rapport au texte initial, cela nous semble plus respectueux des équilibres entre droits et devoirs des demandeurs d’emploi.
Troisième type de précisions, présenté comme le plus important : celui qui est relatif à la définition de « l’offre raisonnable d’emploi ». Cette notion n’est pas vraiment nouvelle ; elle existe déjà sous une autre appellation dans le code du travail. Le projet en précise le contour et la rend évolutive. Il est vrai que ce n’est pas superflu. La notion est en effet assez floue et les partenaires sociaux ne l’ont pas précisée, ce qui a conduit à des interprétations disparates peu conformes à l’équité.
En vertu du présent texte, l’offre raisonnable d’emploi sera appréciée au regard de trois éléments : les caractéristiques de l’emploi recherché, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu.
L’apport de ce texte réside tout autant dans la détermination de ces critères que dans la dynamisation de deux d’entre eux, puisque la loi prévoit que leur appréciation évoluera dans le temps, ce qui semble logique. Il est bien naturel, en effet, d’élargir son champ de recherche géographique et de modérer ses prétentions salariales en cas de réelles difficultés à retrouver un emploi, le tout dans la limite du raisonnable, un raisonnable qui nous semble correctement apprécié par le texte.
Du point de vue du critère géographique, un demandeur d’emploi ne sera pas tenu d’accepter une offre lui imposant un trajet simple de plus d’une heure.
Du point de vue maintenant de la modération salariale, aucun demandeur d’emploi, fort heureusement, ne pourra être radié pour avoir refusé un emploi rémunéré à un niveau inférieur au montant de l’indemnité de remplacement.
Toujours au chapitre de la modération salariale, le texte précise que le salaire proposé ne pourra être inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et la profession concernées, et ne pourra contrevenir aux règles législatives et réglementaires relatives au salaire minimum.
Dernière protection louable du demandeur d’emploi : dans tous les cas, l’offre devra être compatible avec sa qualification.
En résumé, le dispositif qui fait le cœur même du projet de loi, la définition de l’offre raisonnable d’emploi, nous semble équilibré.
Le régime des sanctions prévu en cas de méconnaissance de ses devoirs par le demandeur d’emploi nous paraît également équilibré. Le texte ne le change d’ailleurs pas fondamentalement, si ce n’est pour l’assouplir.
La radiation ne pourra dorénavant être prononcée pour une durée de deux mois qu’en cas de refus sans motif légitime de deux offres raisonnables d’emploi, alors que, jusqu’ici, la radiation pouvait être prononcée dès le premier refus.
L’ensemble de ces précisions délivre un message clair : il faut agir. Ce message clair est aussi un message incomplet, car il peut laisser croire qu’une réforme des droits des demandeurs d’emploi est mise en route, ce qui est inexact.
Et pourtant, une telle réforme des droits des demandeurs d’emploi est indispensable. Elle est l’axe central de l’un des deux volets du diptyque que constituerait la mise en place, que nous appelons vivement de nos vœux, d’une véritable flexisécurité à la française.
Il est vrai que, cette flexisécurité, nous en approchons à petits pas. L’accord national interprofessionnel signé et la loi portant modernisation du marché du travail vont déjà dans ce sens.
Flexisécuriser nos politiques de l’emploi suppose de contrebalancer la nécessaire flexibilité du droit du travail par une véritable sécurisation des parcours professionnels. Tout cela ne peut se faire que dans le cadre d’une réforme approfondie des droits des demandeurs d’emploi.
Si nous nous inspirons, par exemple, de ce qui s’est fait aux Pays-Bas ou au Danemark, et qui a porté ses fruits, cette réforme devrait, en premier lieu, passer par une revalorisation substantielle de l’indemnisation de remplacement.
Le premier droit des demandeurs d’emploi pourrait être de toucher plus, quitte, en revanche, à ce que la durée d’indemnisation soit revue à la baisse.
Réformer les droits des demandeurs d’emploi, c’est aussi améliorer l’orientation et la transférabilité de leurs droits acquis. Pourrait être reconnu au demandeur d’emploi un droit à conserver ses droits. En sécurisant les parcours professionnels, on pourrait ainsi détacher les droits des travailleurs du statut de salarié.
Nous regrettons que ce projet de loi n’aille pas plus loin dans ce sens, même si nous comprenons le choix fait par le Gouvernement d’adopter une approche morcelée du dossier de l’emploi, parce que respectueuse des négociations engagées.
La négociation de la prochaine convention d’assurance chômage pourra sans doute infléchir notre système vers un modèle français de flexisécurité ; c’est du moins ce que notre groupe souhaite.
Considérant que ce projet de loi constitue déjà une avancée significative, le groupe UC-UDF est, dans l’état actuel du texte, favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et du RDSE.)
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, concernant ce projet de loi, la première question qu’il convient de se poser est la pertinence de son titre. En effet, la notion même de « droits et devoirs des demandeurs d’emploi » implique qu’il s’agit d’une catégorie de personnes qui auraient un statut bien particulier dans notre société.
Pourquoi ne pas légiférer de la même façon sur les droits et devoirs des dirigeants d’entreprise, des patrons ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Déposez des amendements !