M. Jean Desessard. Mais non !

M. Guy Fischer. Si l’objectif est de créer une véritable relation contractuelle, le droit de rétractation devrait figurer dans le texte dont nous discutons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mes chers collègues, je voudrais vous rappeler que le PPAE est, d’abord et avant tout, un engagement réciproque. Et il faut bien mesurer tout le sens du terme « engagement ».

Le nouvel opérateur doit accompagner le demandeur d’emploi dans un projet personnalisé qui peut évoluer dans le temps. Nous ne sommes plus du tout dans un cas de figure conflictuel, comme peut l’être la rupture du contrat de travail. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement précédent, comme elle le fera pour celui-ci.

Monsieur Fischer, vous nous interrogez sur ce que nous avons fait dans le passé. Le contrat de progrès conclu entre l’État et l’ANPE date de 2006. Nous avons déjà demandé à l’ANPE, et nous procéderons de la même manière demain avec le nouvel opérateur, de cibler davantage son action vers les publics sensibles, qui sont les jeunes et les seniors, et de fournir un accompagnement individualisé.

Les performances de l’ANPE progressent. Pour autant, je n’ai jamais entendu parler de « productivité ».

Mme Annie David. Bien sûr que si !

M. Guy Fischer. Allons !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous exigeons simplement de meilleurs résultats, ce qui, selon moi, relève tout de même d’une logique normale : il s’agit d’amener, dans les meilleurs délais, nos concitoyens qui n’ont pas la chance de faire partie du monde du travail vers un emploi.

Pour répondre à vos questions, je trouve tout à fait logique de demander aujourd'hui à l’ANPE, demain au nouvel opérateur, plus de professionnalisation.

Enfin, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous avons la chance d’avoir un million de demandeurs d’emploi en moins et 55 % d’augmentation des moyens financiers. Le rapport l’indique clairement, notre objectif est de diminuer le nombre de demandeurs d’emploi dont l’agent référent doit s’occuper afin que ce dernier puisse être au plus près d’eux et les recevoir de façon régulière, au moins une fois par mois, contre une fois tous les quatre mois actuellement. Là encore, pourquoi vouloir instaurer un droit de rétractation alors que nous nous inscrivons, au-delà de l’aspect humain, dans une démarche professionnelle ? La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je suis défavorable à cet amendement pour les raisons avancées par M. le rapporteur, et pour celles que j’ai déjà mentionnées sur le précédent amendement et qui vaudront pour le prochain. Nous ne partageons pas du tout la même conception du projet personnalisé d’accès à l’emploi, qui n’est ni une mise en accusation ni un contrat.

M. Jean Desessard. Il y a tout de même des sanctions !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. M. le rapporteur nous l’a précisé, le projet personnalisé d’accès à l’emploi est un engagement : c’est justement la raison pour laquelle il faut que les parties prenantes soient certaines de vouloir le signer, et ce en toute connaissance de cause. Tel était l’objet de notre amendement précédent qui portait sur l’accompagnement.

L’amendement n° 22 tend, quant à lui, à permettre au demandeur d’emploi qui s’aperçoit, en rentrant chez lui ou en discutant avec des proches, qu’il lui sera finalement impossible, malgré toute sa bonne volonté, de tenir son engagement de retourner voir son agent référent pour l’informer de son erreur.

Ce droit de rétractation est très souvent accordé. Dans le commerce, lorsque vous achetez à crédit un meuble ou une télévision, vous avez la possibilité de vous rétracter. Ainsi donc, on pourrait le faire pour l’achat d’un objet quelconque, mais pas pour la signature d’un projet personnalisé ! Ce dernier est pourtant un engagement mutuel fort qui, s’il n’est pas respecté par le demandeur d’emploi, peut conduire à la radiation de ce dernier.

Monsieur le rapporteur, vous affirmez qu’il n’a jamais été question d’amélioration de la productivité. Néanmoins, assistant jeudi dernier, à l’invitation de la commission des finances, à l’audition de M. le secrétaire d’État et de M. Roux de Bézieux, le nouveau patron de l’UNEDIC, j’ai bien entendu ce dernier parler d’une amélioration de la productivité de son institution. Je l’ai interrogé sur la manière dont il comptait procéder pour aboutir à ce résultat, mais je n’ai pas obtenu de réponse véritable. Nous sommes donc très inquiets au sujet de cet engagement que devra prendre un demandeur d’emploi alors qu’il ne dispose pas de la possibilité de se faire accompagner ou de bénéficier d’un délai de rétractation. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. L’un des points forts du Président de la République, c’est qu’il défend la culture du résultat. Il va d’ailleurs jusqu’à noter les ministres ! Nous, parlementaires, allons devoir travailler jusqu’à la fin du mois de juillet pour « produire » des textes ! (Rires.) C’est pourquoi je serais tout de même étonné qu’il n’applique pas cette culture du résultat à l’ANPE et aux ASSEDIC. Cela me paraîtrait en tout cas logique qu’il le fasse ! D’un seul coup, il ne va pas dire que parvenir à ne placer que quelques chômeurs, ce n’est pas bien grave !

Il y aura donc des critères objectifs. Le premier l’est assurément, et porte sur la productivité : combien de demandeurs d’emploi vont être mis au travail ? Le second, qui l’est un peu moins, permet de montrer que les dossiers sont bien suivis : combien de personnes auront-elles été sanctionnées ? Le Gouvernement travaille donc forcément dans un état d’esprit qui est influencé par le signal fort envoyé par le Président de la République sur la nécessaire productivité.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, pourquoi refusez-vous cette commission de recours ? Pourquoi un chômeur sur le point d’être radié ne disposerait-il pas d’une possibilité de s’expliquer ?

Nous ne savons même pas qui décidera de la sanction : l’agent qui a établi le projet personnalisé avec le chômeur ? Son supérieur hiérarchique ? Qui prendra la décision de ne plus indemniser un demandeur d’emploi, de ne plus lui permettre de payer son loyer, d’assurer l’éducation de ses enfants ? Qui en fera une personne sans ressources qui sera obligée d’aller pointer au bureau de l’aide sociale de sa mairie ? Qui donc aura ce pouvoir ?

M. Robert Bret. Alors, la réponse ?

M. le président. La réponse sera apportée par le vote, puisque la commission et le Gouvernement ont déjà donné leur avis !

Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

(M. Philippe Richert remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Est créée une commission de recours gracieux qui reçoit les recours des demandeurs d'emplois à l'encontre d'une décision de sanction. Des représentants des demandeurs d'emploi, des représentants des salariés, des représentants des employeurs, et à titre consultatif, les représentants de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail siègent dans cette commission.

« La commission compétente pour recevoir les demandes de recours gracieux se réunit au moins une fois par moins dans chacun des départements. Les demandeurs d'emplois qui exercent un recours gracieux peuvent se faire accompagner par la personne de leur choix. L'autorité compétente pour prononcer la sanction est tenue d'appliquer la décision adoptée par la commission des recours gracieux. La commission de recours gracieux communique sa décision sous un délai de sept jours.

« Cette commission est compétente pour connaître des litiges nés à l'occasion de la conclusion du projet personnalisé d'accès à l'emploi.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement complète parfaitement les deux précédents.

En effet, après avoir offert au demandeur d’emploi la possibilité de bénéficier à la fois d’un accompagnement et d’un délai de réflexion et de rétractation pour la signature de son projet personnalisé d’accès à l’emploi, nous souhaitons à présent qu’il puisse contester éventuellement ce projet si ce dernier ne correspond pas à ses souhaits initiaux.

Au vu de ce qui m’a été répondu précédemment, je ne me fais pas trop d’illusions sur le sort qui sera réservé à cet amendement. Néanmoins, je tenais tout de même à le présenter, d’autant que, comme les deux amendements précédents, il n’a rien de révolutionnaire.

M. Jean Desessard. À une époque, obtenir les congés payés, c’était révolutionnaire ! Il ne faut pas avoir peur d’être révolutionnaire !

Mme Annie David. Cet amendement vise simplement à permettre aux demandeurs d’emploi de bénéficier d’un recours gracieux qui présenterait un double avantage.

D’une part, ce dispositif permettrait aux personnes concernées de contester une décision qui leur semblerait injustifiée, sans avoir à passer par une procédure plus lourde, souvent judiciaire.

D’autre part, contrairement à la procédure actuellement en vigueur, les demandeurs d’emploi pourraient contester une décision tout en évitant l’effet suspensif de l’allocation.

En outre, comment ne pas imaginer que la conclusion des projets personnalisés d’accès à l’emploi ne puisse jamais donner lieu à contestation ?

C’est pourquoi il nous semble important de trouver un outil utile et souple, tant pour les demandeurs d’emploi que pour la nouvelle institution.

Tout comme les deux amendements précédents, cet amendement vise à prévoir pour les demandeurs d’emploi de nouveaux droits, ces derniers étant pour l’heure bien minces, pour ne pas dire inexistants, dans le texte qui nous est proposé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. M. Desessard avait déjà, me semble-t-il, anticipé sur cet amendement. À présent, Mme David anticipe sur le débat que nous aurons à propos de l’article 2, relatif au régime des sanctions. Dans les deux cas, nos collègues n’ont peut-être pas totalement écouté ce que j’avais expliqué durant la discussion générale.

Comme je l’avais alors rappelé, l’article 2 reprend à 90 % ce qui figure déjà dans le code du travail. La seule innovation apportée par cet article réside dans son 2°, aux termes duquel un demandeur refusant à deux reprises, sans motif légitime, une offre raisonnable d’emploi fera l’objet d’une sanction. Pour le reste, toutes les dispositions contenues dans l’article 2, y compris les procédures de recours, existent déjà actuellement.

À ce propos – nous aurons l’occasion d’en discuter de nouveau dans quelques instants –, je précise que ces procédures sont de deux sortes.

Dans un premier temps, la démarche s’effectue auprès du directeur départemental délégué. Puis, il peut y avoir un recours auprès du préfet. C’est à ce dernier qu’il appartient de prononcer une sanction, après avoir recueilli l’avis, certes consultatif, d’une commission tripartite composée de la direction du travail et des partenaires sociaux, c'est-à-dire des représentants des salariés et des employeurs.

Quoi qu’il en soit, il ne me semble pas pertinent d’introduire dans la loi le dispositif que cet amendement vise à instituer, d’autant qu’il serait impossible de le faire à l’article 1er. Quant à l’article 2, je pense avoir répondu par avance à d’éventuelles futures questions.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Comme M. le rapporteur vient de le souligner, cet amendement porte essentiellement sur la question des sanctions, qui relève de l’article 2, et non de l’article 1er.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 24, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le projet personnalisé tient compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications et de ses compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles.

« Le demandeur d'emploi précise également dans son projet personnalisé la nature,  la durée d'engagement et  la forme contractuelle de l'emploi qu'il recherche.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Comme nous avons eu l’occasion de le préciser durant la discussion générale ou en présentant nos précédents amendements, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC ne sont pas opposés par principe à l’élaboration, avec le demandeur d’emploi, d’un projet personnalisé qui lui permettrait de bénéficier d’un retour plus rapide dans le monde du travail.

En revanche, et vous l’aurez compris, notre profond désaccord porte sur les finalités du projet personnalisé que vous concevez, ainsi que sur son contenu.

De notre point de vue, la rédaction actuelle du projet de loi, qui prévoit d’intégrer les notions de « zone géographique privilégiée » et de « marché du travail local », vient contredire le principe pourtant énoncé par le Gouvernement de projet personnalisé. Comment ce projet pourrait-il être personnalisé si, à chaque demande du salarié privé d’emploi, vous lui opposez la situation du marché local de l’emploi ?

Notre amendement vise donc à substituer la rédaction actuelle par deux alinéas.

Le premier alinéa que nous proposons précise que le projet personnalisé tient compte des qualifications et des compétences acquises par le demandeur d’emploi lors de ses expériences professionnelles passées. Notre volonté est de tenir compte des expériences passées et acquises par le salarié en exercice mais n’ayant pas fait l’objet d’une procédure de validation des acquis de l’expérience. Cette disposition pourrait constituer un avantage certain pour les salariés privés d’emploi ayant travaillé longuement dans une même entreprise, mais à des postes différents, et n’ayant pas pu bénéficier pendant leur temps de travail d’une telle validation.

Le second alinéa que nous proposons fera, je le crois, l’objet d’un bien moindre consensus, si tant est que le premier fasse l’objet d’un consensus, ce qui n’est à mon avis pas certain.

Nous souhaitons permettre au demandeur d’emploi de préciser le type de contrat espéré, sa nature et sa durée lors de l’élaboration du projet personnalisé.

Vous l’aurez toutes et tous compris, cet amendement, auquel les sénatrices et sénateurs du groupe CRC sont très attachés, vise à limiter un risque qui nous semble grand, compte tenu de ce que nous avons entendu, à savoir le fait d’imposer au demandeur d’emploi toute offre proposée.

C’est la fameuse logique libérale, selon laquelle mieux vaut un emploi à temps partiel ou un emploi mal payé que pas d’emploi du tout.

Je voudrais d’ailleurs attirer votre attention sur les propos qu’avait tenus M. Xavier Bertrand lors de l’examen du projet de loi portant modernisation du marché du travail, propos qu’il a répétés à de nombreuses reprises dans les médias. À l’entendre, il voudrait limiter les temps partiels subis. Autant vous dire que c’est également notre cas !

L’amendement n° 24 concerne précisément cette situation, puisque le demandeur d’emploi qui refuse de subir un contrat à temps partiel ou un contrat à durée déterminée pourrait le faire préciser dans son projet personnalisé.

Les organisations syndicales, qui ont toutes refusé de parapher ce projet de loi, ont d’ailleurs regretté un point : tant dans les négociations que dans la rédaction de l’avant-projet de loi, le Gouvernement ignore la question pourtant cruciale de la nature du contrat que pourrait constituer l’offre raisonnable d’emploi et que le chômeur pourrait se voir contraint d’accepter.

Le risque est grand que l’une des principales missions de la nouvelle institution soit, demain, de proposer aux demandeurs d’emploi des bad jobs, ces emplois à temps très partiels, physiques, sous-payés et sans évolution de carrière.

Le patronat, quant à lui, ne s’y est pas trompé. L’ensemble des organisations représentant les employeurs n’ont pas oublié de vous apporter leur soutien, ces derniers étant trop contents de pouvoir bénéficier d’une main-d’œuvre à moindre coût, tout en évitant d’aborder la question de la rémunération et des conditions de travail.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail :

« Ce projet précise, en tenant compte de la formation du demandeur d’emploi, de ses qualifications, de son expérience professionnelle, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local, la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée pour la recherche d’emploi et le niveau de salaire attendu.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement a pour objet de modifier la rédaction proposée par le projet de loi pour le deuxième alinéa de l’article L. 5411-6-1 du code du travail.

Actuellement, le projet de loi fixe trois critères pour l’offre raisonnable d’emploi, en l’occurrence la zone géographique, le niveau de salaire et la nature de l’emploi.

La commission propose de préciser que ces critères sont définis en tenant compte de la formation, de la qualification, de l’expérience et de la situation personnelle et familiale de chaque demandeur d’emploi.

M. le président. Le sous-amendement n° 52, présenté par M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 2, après les mots :

emplois recherchés

insérer les mots :

ou des formations à mettre en œuvre

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Le projet personnalisé d’accès à l’emploi ne définit pas simplement l’emploi recherché ; il doit mettre l’accent sur la formation à suivre pour l’obtention de cet emploi, car nombre de demandeurs d’emploi attendent une telle formation.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, remplacer les mots :

des emplois recherchés

par les mots

de l'emploi recherché

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous avons coutume de dire que « le diable se cache dans les détails ». Le texte de votre projet de loi en offre une nouvelle illustration.

Ainsi, la rédaction proposée pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail affirme que le projet personnalisé précise les caractéristiques des emplois recherchés. J’ai bien dit : « des emplois » ! Vous utilisez le pluriel pour qualifier les objectifs de ce projet personnalisé. Pour nous, ce n’est pas sans signification. Plus précisément, ce n’est pas sans traduire la position qui est la vôtre en matière de retour à l’emploi.

En réalité, votre ambition est non pas de permettre au salarié privé d’emploi de bénéficier d’un contrat à durée indéterminée à temps plein, mais tout simplement de le faire sortir des statistiques du chômage par tout moyen, le cas échéant en le contraignant à accepter plusieurs emplois, sur la durée et la rémunération desquels nous n’avons aucune garantie.

Avec cette rédaction, nous comprenons bien que votre seul objectif est l’« employabilité », terme bien barbare, et non la qualité de l’emploi. D’ailleurs, vous n’êtes plus en capacité de garantir celle-ci, tant les politiques libérales que vous menez conduisent à un affaiblissement général des droits pour les demandeurs d’emploi, comme pour l’ensemble des salariés.

Je vous entends déjà nous rétorquer que nous avons des a priori à l’égard du Gouvernement et de sa majorité. Soit, mais le recours au pluriel ne peut pas nous laisser indifférents. Et s’il ne s’explique pas par votre volonté de pouvoir imposer aux demandeurs d’emploi le cumul de deux emplois précaires, il est lié – et ce n’est guère mieux – à la faible confiance que vous portez en la capacité de la future institution à replacer durablement un demandeur d’emploi dans un parcours professionnel classique.

Si vous ne croyez pas vous-même en cela, raison pour laquelle l’institution aurait à proposer « des emplois », et non pas « un emploi », c’est que vous connaissez les limites de votre politique, faite de trappes à bas salaires, de dérégulation des dispositions protectrices d’emploi et d’absence de volonté de doter la France d’outils législatifs pérennisant l’emploi lorsque les sociétés installées sur notre territoire multiplient les profits.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, après le mot :

recherchés

insérer les mots :

ainsi que la catégorie et la durée du contrat de travail

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Nos amendements sur cet alinéa portent sur deux éléments constitutifs de la relation de travail : la nature du contrat et la rémunération du salarié.

En effet, la « nature » et les « caractéristiques » des emplois recherchés constituent une définition assez vague, et M. le rapporteur a d’ailleurs ressenti la nécessité de préciser les termes.

Selon M. Leclerc, le projet personnalisé d’accès à l’emploi « indiquera quel métier ou quel type de fonction recherche le demandeur d’emploi, mais aussi s’il souhaite un CDD ou un CDI, un emploi à temps plein ou à temps partiel ; ces précisions seront opposables à l’opérateur qui ne pourra sanctionner un demandeur d’emploi qui refuserait un emploi ne répondant pas à ces critères ». Il ne paraît pas inutile d’inscrire de telles précisions dans la loi.

M. le rapporteur soulève également la question de l’opposabilité. Elle va de soi tant que l’offre dite « raisonnable » n’entre pas vraiment en scène, c'est-à-dire à l’issue des trois premiers mois de chômage. Mais, après six mois ou un an, lorsque le demandeur d’emploi doit accepter un emploi rémunéré au niveau de son allocation, même si le poste ne correspond pas à sa qualification et est éloigné de son domicile, cette opposabilité existe-t-elle encore ?

En d’autres termes, si, après six mois ou un an de chômage, un employeur propose un contrat à durée déterminée à temps partiel rémunéré au SMIC à vingt-cinq kilomètres du domicile du demandeur d’emploi sans transport en commun, donc entrant parfaitement dans le cadre défini par l’article L. 5411-6-4, le fait que le demandeur d’emploi ait demandé dans son projet personnalisé un contrat à durée indéterminée à temps plein fait-il qu’on ne peut l’obliger à accepter l’emploi proposé ? L’interprétation que propose M. le rapporteur est-elle permanente ou temporaire ?

En outre, la question intéresse d’autant plus le chômeur que, comme vous le savez, pour les contrats courts, les aides à la mobilité géographique de l’ANPE sont distribuées avec parcimonie. Actuellement, le problème est crucial en raison du prix des carburants. Les zones rurales seront donc particulièrement pénalisées.

Nous souhaiterions par conséquent entendre la réponse précise de M. le secrétaire d'État à la question précise que nous lui posons, afin qu’elle puisse figurer parmi les travaux préparatoires de la loi.

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, après les mots :

expérience professionnelle,

insérer les mots :

des connaissances et compétences acquises par le salarié au cours de son parcours professionnel,

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, je défendrai également l’amendement n° 27.

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le mot :

familiale

supprimer la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les amendements nos 26 et 27, qui pourraient s’apparenter à des amendements de repli, visent à insérer dans le présent projet de loi des dispositions auxquelles les sénatrices et sénateurs du groupe CRC sont attachés. En effet, ils visent à insérer dans le projet de loi deux dispositions prévues dans un amendement précédent que le Sénat a rejeté.

L’amendement n° 26 constitue, en quelque sorte, un amendement de la seconde chance pour la majorité UMP du Sénat, afin que soient prises en compte dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi les compétences et les techniques acquises par le salarié au cours des emplois qu’il a précédemment exercés mais qui n’auraient pas bénéficié du dispositif de validation des acquis de l’expérience.

L’amendement n°27, quant à lui, tend à supprimer la référence à la situation du marché local de l’emploi, qui est un véritable frein à l’initiative des salariés privés d’emploi puisqu’elle pourrait avoir pour conséquence de limiter le contenu du projet personnalisé et, par là même, les offres d’emploi que la nouvelle institution serait amenée à proposer dans le cadre de ce dispositif.

Votre texte nous apparaît contradictoire avec l’idée même de « projet personnalisé », puisque vous interdisez au demandeur d’emploi de se projeter dans une situation professionnelle radicalement différente de celle dans laquelle il se trouve en ce qui concerne tant son activité professionnelle que le lieu géographique et, par conséquent, le marché local de l’emploi.

Cette disposition, bien qu’elle contredise les annonces du Gouvernement, est cohérente avec votre idéologie. Une fois encore, vous vous placez non pas dans la situation du demandeur d’emploi, mais dans celle du patronat et de la réponse à moindre coût que vous pourrez lui apporter dans les métiers sous tension.

Votre souci est non pas de permettre au demandeur d’emploi de retrouver une activité professionnelle correspondant à ses attentes et rémunérée à sa juste valeur, mais de permettre aux employeurs de bénéficier d’une main-d’œuvre disponible sur un territoire donné.

Comment ne pas mettre en relation cette disposition avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, qui prévoit une régionalisation des diplômes et un financement des universités par les entreprises installées à proximité ? Or, on le sait, ces dernières auront des exigences en matière de formations proposées. Nous ne sommes donc pas à l’abri de diplômes sur mesure pour une activité professionnelle donnée ou un bassin d’emplois, autrement dit correspondant au marché local de l’emploi.

Et que deviendront les jeunes ou les demandeurs d’emploi que vous voulez cantonner dans un marché local de l’emploi, alors qu’il n’est pas sûr que, à la fin de leurs études, les emplois soient toujours là pour permettre l’embauche des jeunes diplômés ? Je pense aux secteurs de la chimie, de la papeterie, mais aussi à l’industrie de l’électronique vers laquelle nombre de nos jeunes ont été orientés alors qu’elle déserte le territoire national pour s’installer là où elle pourra prospérer sans obstacle !

Voilà pourquoi il nous semble important de supprimer cette référence au marché du travail local.