Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
Mme Annie David. … ou de stigmatiser les demandeurs d’emploi.
Je regrette ainsi que M. Leclerc, dans son rapport, ou le Gouvernement lui-même n’ait pas une seule fois recouru à l’expression « salarié privé d’emploi ». En effet, les demandeurs d’emploi sont avant tout, ne vous en déplaise, des hommes et des femmes privés temporairement d’emploi, pour des motifs ne relevant que rarement de leur propre volonté. Les femmes et les hommes dont nous parlons aujourd’hui ne se complaisent pas dans l’assistanat. Ils demandent à travailler contre une juste rémunération, droit fondamental que le système libéral, sous prétexte de rentabilité, leur dénie chaque jour.
Or, si ce projet de loi conservait les dispositions que vous avez initialement prévues, cela reviendrait à faire peser sur les demandeurs d’emploi une présomption de non-recherche d’emploi.
C’est pourquoi nous vous proposons de voter en faveur de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Tout d’abord, madame David, je voudrais vous rassurer : nous avons la même perception des demandeurs d’emploi et de toutes les personnes qui sont privées de travail.
Cet amendement, en fait, reprend les deux amendements précédents.
On l’a répété, ce texte vise à créer une dynamique de l’emploi. Notre seule ambition est de favoriser le retour le plus rapide possible vers le monde du travail de personnes qui ont la malchance d’être privées d’un emploi.
Par conséquent, supprimer le PPAE et surtout l’offre raisonnable d’emploi, c’est aller à l’encontre d’une meilleure efficacité et de la démarche que nous mettons en œuvre de texte en texte. Je le répète, ces résolutions figurent actuellement dans les contrats d’objectifs de l’ANPE, et, depuis un certain nombre de mois, elles sont déjà mises en place. Pour nous, il s’agit d’avoir une performance, d’optimiser la démarche dans une approche personnalisée.
La commission est donc défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Madame David, je crains que votre amendement n’aille au-delà même de ce que vous souhaitez. En effet, en supprimant la totalité du II de l’article 1er, vous éliminez un point dont vous aviez pourtant souligné le caractère intéressant, à savoir l’élaboration conjointe du projet professionnel entre les agents du service de l’emploi et le demandeur d’emploi. Par conséquent, ne serait-ce que pour cette raison, j’y suis défavorable.
J’apporterai à M. Desessard deux éléments de réponse.
Le premier, qui a été souligné par Mme Annie Jarraud-Vergnolle elle-même, c’est que le dispositif proposé repose d’abord, et c’est sa principale utilité, sur l’approche personnalisée, dès le premier entretien, de ce que va être le champ privilégié pour la recherche d’emploi. Cela n’existe pas aujourd’hui.
Le second élément de réponse que je souhaite apporter a trait à la question de la sanction des abus. Au vu, notamment, des exemples étrangers, on peut évaluer ces derniers à environ 5 %.
Permettez-moi de vous donner trois exemples très concrets tirés de la réalité.
Le premier concerne un informaticien ayant travaillé dans une PME et refusant d’être intégré dans une entreprise où il serait chargé d’une hot line dans le domaine informatique. Le deuxième exemple est celui d’une personne ayant travaillé à l’accueil d’une clinique et refusant un emploi d’accueil dans un laboratoire. Le troisième intéresse une personne ayant travaillé sur Firminy et refusant un emploi sur Saint-Etienne, à vingt kilomètres de distance.
Ces trois exemples sont des cas concrets, illustrant ces 5 % de situations abusives qu’il n’est pas normal, selon nous, de laisser subsister sans s’y attaquer.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je remercie M. le secrétaire d’État de m’avoir répondu. Mais sa réponse n’est que partielle.
À la question de savoir si l’offre d’emploi est pourvue, il répond en donnant des exemples. On se demande donc aussitôt pourquoi la personne refuse l’emploi. Il est question d’« offre raisonnable », de « projet personnalisé », mais le demandeur d’emploi lui-même n’est-il pas le mieux à même de savoir ce qui lui convient ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas toujours !
M. Jean Desessard. Sachant que lorsqu’on ne travaille pas on gagne moins que lorsqu’on travaille, j’imagine que les personnes concernées choisiront plutôt de travailler. Par conséquent, si elles refusent un emploi, c’est qu’elles ont de bonnes raisons de le faire. Sinon, les raisons financières les pousseraient à travailler.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne récuse pas les trois exemples que vous avez donnés, mais l’essentiel est de savoir si les postes ont été pourvus par d’autres. Voilà la question qui est posée par l’opposition.
Vous croyez que, parce qu’une personne refuse un emploi, celui-ci est perdu par la France. Mais non ! Un grand nombre de personnes sont susceptibles de postuler à un même emploi. Si une personne le refuse et qu’une autre, qui habite plus près, à qui le poste convient davantage, l’accepte, au niveau économique, cela revient au même.
Il aurait donc fallu aller jusqu’au bout de votre démonstration et nous dire si ces trois postes avaient été pourvus. Peut-être ont-ils fait le bonheur de trois autres demandeurs d’emploi, qui, à travers un parcours personnalisé, ont jugé l’offre raisonnable ?
Vous ne m’avez donc répondu qu’à moitié, puisque, dans les trois cas que vous avez cités, nous ne savons pas si les postes ont été ou non pourvus par d’autres personnes.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 6, présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail, remplacer les mots :
l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1
par les mots :
le service public de l’emploi
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Le Gouvernement, dans son désir de mettre en place sans attendre son offre coercitive d’emploi avant la négociation de la prochaine convention d’assurance chômage, confie une mission à un organisme qui n’existe que sur le papier.
L’institution nationale publique issue de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC n’est pas encore en état de fonctionner. Elle n’a même pas encore de nom.
L’instance provisoire chargée de sa mise en place est seulement en train d’organiser les services et de mettre en œuvre les procédures d’information et de consultation des personnels, ainsi que le prévoit l’article 6 de la loi relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi. Il serait d’ailleurs intéressant que M. le secrétaire d’État tienne informé le Parlement du suivi de ce dossier.
Votre institution nationale publique n’a aujourd’hui qu’une existence juridique formelle, mais en pratique seulement prospective. Il semble donc prématuré et hasardeux de lui confier la mission d’accompagner les demandeurs d’emploi. Notre amendement vise donc à en revenir à la mention explicite du service public de l’emploi.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail par les mots :
ou, en liaison avec elle, par tout organisme participant au service public de l’emploi
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 6.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le code du travail indique explicitement que le projet personnalisé d’accès à l’emploi doit être élaboré « par l’ANPE ou, en liaison avec elle, par tout autre organisme participant au service public de l’emploi ».
En pratique, nous le savons, l’ANPE travaille avec des organismes que nous fréquentons tous : l’Association pour l’emploi des cadres, l’APEC, les missions locales, le réseau Cap Emploi. Le projet de loi ne reprenant pas ces précisions, on pourrait croire que le nouvel opérateur aura le monopole de l’élaboration ainsi que, dans la dynamique, de l’actualisation du projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Afin de clarifier la rédaction du texte, l’amendement n° 1 vise à mentionner expressément la possibilité de confier l’accompagnement des demandeurs d’emploi à différents acteurs, y compris – pourquoi pas, à terme ? – à des opérateurs privés ; l’UNEDIC le fait déjà actuellement.
Mme Le Texier nous propose de substituer aux mots « institution mentionnée à l’article L. 5312-1 » les mots « le service public de l’emploi ». Mais cette seconde notion est beaucoup plus large que la précédente, car le service public de l’emploi inclut les directions du travail et de l’emploi, les organismes de la formation professionnelle, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, etc., qui font tous partie du service public de l’emploi. Tous ces organismes ont-ils vocation à établir le projet personnalisé d’accès à l’emploi ? Non !
Nous proposons que l’ANPE aujourd’hui ou le nouvel opérateur à partir du 1er janvier 2009 puissent, eux seuls, dans le cadre du service public de l’emploi, établir avec le demandeur d’emploi ce fameux projet personnalisé d’accès à l’emploi, fondé sur la notion d’offre raisonnable d’emploi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. L’amendement n° 6 soulève deux questions tout à fait pertinentes portant, d’une part, sur les organismes associés au projet personnalisé d’accès à l’emploi et, d’autre part, sur la période intermédiaire.
S’agissant du second point, le Gouvernement a déposé un amendement n° 51, qui viendra en discussion à la fin du débat, pour préciser que, pendant la période intermédiaire, l’ANPE assure la mise en œuvre de la réforme. Madame Le Texier, je me permets donc de vous demander de bien vouloir retirer votre amendement, puisque l’amendement n° 51 du Gouvernement permettra de répondre à votre préoccupation de façon sans doute plus précise juridiquement.
S’agissant du premier point, l’amendement n° 6, en faisant référence au service public de l’emploi, comme l’a dit M. le rapporteur, embrasse un ensemble d’organismes trop large. La notion de service public de l’emploi englobe des organismes qui n’ont pas vocation à définir le projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Pour ces mêmes raisons, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1, qui est plus précis.
M. le président. Madame Le Texier, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
Mme Raymonde Le Texier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 1.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 5411-6-1 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le demandeur d’emploi peut, s’il le souhaite, se faire accompagner le jour de la signature de son projet personnalisé de retour à l’emploi, par la personne de son choix.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a pour objet de permettre au demandeur d’emploi de bénéficier, s’il le souhaite, du soutien d’une personne de son choix le jour de la signature de son projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Cet accompagnement, nous le concevons comme un outil au service du demandeur d’emploi, pour lui permettre de bénéficier des conseils et du recul dont chacun d’entre nous peut manquer, dès lors qu’il s’agit de sa propre situation.
Le projet personnalisé, s’il revêt les caractéristiques que vous prévoyez, pourrait être lourd de conséquences pour le demandeur d’emploi et pour l’évolution de sa situation. Il nous paraît donc légitime d’autoriser ce dernier à être assisté, si tel est son souhait.
La rédaction que nous proposons précise que le demandeur d’emploi peut être accompagné « s’il le souhaite ». C’est volontairement que n’avons pas instauré un mécanisme particulier, qui n’aurait pas manqué d’ajouter une lourdeur supplémentaire pour l’institution et de la complexité pour le demandeur d’emploi, alors que nous voulons, au contraire, lui permettre de trouver de l’aide.
De la même manière, nous ne souhaitons pas préciser la qualité de l’éventuel accompagnant, afin de permettre au demandeur d’emploi de se faire assister par un proche, comme par un militant des organisations de chômeurs ou de précaires.
Je crois pouvoir l’affirmer ici, cet amendement est très équilibré. Il apporte un « plus » aux demandeurs d’emploi, et je n’ose imaginer que le Gouvernement, qui prétend vouloir renforcer les droits de ces derniers, puisse rejeter notre proposition.
Lors de l’examen du projet de loi relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi entraînant la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, nous étions intervenus en séance pour défendre un certain nombre d’amendements visant à créer des droits similaires en faveur des demandeurs d’emploi. Nous étions sans doute en avance d’un texte, ce que je veux bien admettre puisqu’il s’agissait alors de définir les modalités de la fusion elle-même ; mais aujourd’hui, nous discutons bien d’un projet de loi qui veut définir les droits et les devoirs des demandeurs d’emploi. Cet amendement s’inscrit donc pleinement dans la logique de droits nouveaux accordés aux demandeurs d’emploi : cette fois-ci, il s’agit du bon texte !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse du bon texte.
En effet, vous vous inspirez, dans cet amendement, des dispositions applicables à l’entretien préalable de licenciement ou à l’entretien préalable à la rupture conventionnelle du contrat de travail pour nous proposer que le demandeur d’emploi puisse se faire assister par une personne de son choix.
À mon sens, le parallèle est très difficile à soutenir, car l’élaboration du projet personnalisé d’accès à l’emploi et l’entretien préalable à un licenciement sont totalement différents.
Dans le cadre du projet personnalisé d’accès à l’emploi, le demandeur d’emploi n’est pas confronté à une personne dont les intérêts divergent des siens. Au contraire, il élabore son projet avec un référent qui doit le conseiller et l’accompagner dans sa recherche d’emploi. Je ne vois pas pourquoi, en l’occurrence, le demandeur d’emploi aurait besoin d’être assisté pour cet entretien, car il est en présence d’une personne qui a pour mission de le guider, de le conseiller et de l’accompagner. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je comprends les préoccupations de Mme David : dans certains cas, les demandeurs d’emploi sont accompagnés de façon tout à fait informelle, par exemple par un membre de leur famille.
Ce qui me gêne dans l’amendement n° 21, c’est qu’il place l’agent du service public de l’emploi en position d’accusateur : le demandeur d’emploi aurait besoin d’être assisté pour se défendre contre une accusation. Or le rôle de l’agent du service public de l’emploi n’est pas d’accuser, et ce serait presque faire insulte à la vocation de ce service. Il consiste à accompagner et à aider le demandeur d’emploi à définir son projet personnalisé, ce qui n’a rien à voir !
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 21.
Mme Annie David. Je ne voudrais pas que l’on me fasse dire ce que je n’ai absolument pas dit ! Si je relis le texte proposé par cet amendement – « le demandeur d’emploi peut, s’il le souhaite, se faire accompagner le jour de la signature de son projet personnalisé de retour à l’emploi, par la personne de son choix » –, j’observe qu’il n’est pas question d’accuser qui que ce soit !
Simplement, les demandeurs d’emploi, dans l’élaboration de leur projet personnalisé, se trouvent tous dans des situations différentes. Ils ne se présentent pas à un entretien dans le même état d’esprit lorsqu’ils viennent d’être licenciés depuis quelques semaines ou trois ou quatre mois – c’est à peu près le délai dans lequel le projet personnalisé doit être établi – ou lorsqu’ils sont au chômage depuis plus longtemps, qu’ils ont perdu confiance en eux, qu’ils se sont sentis dévalorisés à plusieurs reprises et ont le sentiment de ne plus pouvoir y arriver.
L’accompagnement que nous proposons n’est pas une quelconque mise en accusation de l’agent qui préparera le projet personnalisé d’accès à l’emploi. Il ne s’inscrit pas non plus, contrairement à ce que disait M. le rapporteur, dans la même logique que l’assistance à l’entretien préalable au licenciement : la personne qui accompagne est là non pas pour informer le salarié sur ses droits, mais pour conseiller le demandeur d’emploi qui peut se trouver démuni, dans une situation d’incompréhension face à ce que lui propose l’agent de l’institution. L’accompagnant n’étant pas lui-même concerné, il bénéficiera d’un plus grand recul pour donner des conseils au demandeur d’emploi.
Ce projet de loi prétend créer de nouveaux droits et de nouveaux devoirs à l’intention des demandeurs d’emploi : il ne peut pas créer uniquement des devoirs sans créer de droits. Or se faire accompagner lors d’un entretien est un droit tout à fait légitime. Songez qu’une personne procédant à un achat important a le droit de se faire conseiller, et même de se dédire ! Dans le cas présent, notre amendement permettrait d’équilibrer les dispositions de ce projet de loi pour accorder enfin de vrais droits nouveaux aux demandeurs d’emploi. En aucun cas, notre intention n’est d’accuser qui que ce soit !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je réadapte mes chiffres, monsieur le secrétaire d’État : 95 % des demandeurs d’emplois cherchent réellement du travail et 5 % auraient besoin d’être un peu « poussés ». Je m’étais trompé en disant que la proportion était de 98 % contre 2 %. Je resterai sur ces chiffres jusqu’à la fin du débat !
Mme David pose en fait la question de la radiation, à terme, car le projet personnalisé d’accès à l’emploi, en fin de compte, remplit une double fonction.
La première fonction consiste en une aide apportée au demandeur d’emploi pour formuler sa demande. Je suppose qu’on l’informera également des offres d’emploi existant dans la région parce qu’on ne le laissera pas exprimer ses vœux sans l’informer de ce qu’il est possible de faire. Je comprends tout à fait qu’on aide le chômeur à s’orienter. On peut d’ailleurs se demander pourquoi cette démarche n’a pas été engagée plus tôt !
J’ai travaillé avec des associations de chômeurs : M. le rapporteur disait qu’il avait une longue expérience des demandeurs d’emploi, mais moi aussi ! J’ai même fait quelques manifestations avec eux ; nous avons remporté de petites victoires, mais nous n’avons pas résolu le problème du chômage ! Au moins, nous nous sommes battus pour défendre la dignité des chômeurs. Je peux donc vous dire que la majorité d’entre eux sont malheureux d’être sans emploi et que l’on ne peut pas leur reprocher de refuser le travail. Peu importe !
La première fonction du projet personnalisé d’accès à l’emploi est donc, je le répète, d’aider le chômeur. Puisque cela n’a pas été fait plus tôt, il faudra nous expliquer pourquoi on le fait maintenant. Je ne m’y attarde pas.
Mais ce projet personnalisé a une seconde fonction : à terme, il sera l’instrument qui permettra de prononcer la radiation du chômeur. C’est pourquoi Mme David, dans son intervention, vous demande d’établir un parallèle entre le droit social et les droits des chômeurs, parallèle que vous refusez.
C’est là le cœur du problème : vous dites que le chômeur a des droits. Si on prononce une radiation, pourquoi le chômeur ne serait-il pas assisté ? Le chômeur a tendance à se sentir coupable, à se demander s’il a bien fait d’accepter ou non l’offre d’emploi. Une personne extérieure peut l’informer objectivement sur ses droits de demandeur d’emploi et l’aider à faire échec à la radiation.
De fait, l’agent de l’ANPE ou de la structure que vous allez mettre en place a un double rôle : d’un côté, il aide le demandeur d’emploi et, de l’autre, il le sanctionne s’il refuse un poste. C’est d’ailleurs pourquoi les associations de chômeurs refusaient le guichet unique et la fusion des instances : ceux qui aident ne doivent pas être ceux qui sanctionnent.
Là, nous sommes en pleine contradiction ! Le projet personnalisé d’accès à l’emploi constitue non seulement une aide à l’égard du chômeur, mais aussi un outil en vue de sanctionner ce dernier.
Monsieur le rapporteur, vous ne voulez pas que le demandeur d’emploi soit accompagné lors de l’établissement du projet personnalisé. Mais, en cas de radiation, je suppose que vous accepterez que le chômeur soit assisté par une personne chargée de le défendre.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je souhaite simplement conforter les propos tenus par Mme David et M. Desessard. En tant qu’élus, notamment élus de villes dans lesquelles un taux important de chômage est enregistré, nous parlons d’expérience : nous sommes nombreux à constater les difficultés que peuvent rencontrer les chômeurs. Je pense plus particulièrement aux jeunes pour lesquels les missions locales et différentes institutions et associations sont amenées à intervenir.
L’amendement n° 21 vise à donner au demandeur d’emploi la simple possibilité se faire accompagner, et rien ne dit que cette dernière sera systématiquement utilisée. Mais, par exemple, il n’est pas si facile qu’on pourrait le croire de remplir les imprimés permettant de bénéficier de l’expérimentation du RSA, et cela demande une certaine réflexion.
J’ajoute que la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC soulève aussi le problème de la productivité exigée des personnels. Je me suis toujours opposé aux conditions de travail des ASSEDIC et de l’UNEDIC qui rendent impossible l’établissement d’une relation de qualité entre le chômeur, qui se trouve être en difficulté, et le personnel, auquel il est d’ailleurs très difficile d’accéder.
Dans l’amendement n° 22, que je vais vous présenter dans un instant, nous pousserons cette réflexion plus avant.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 5411-6-1 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le demandeur d'emploi bénéficie, entre la rédaction de son projet personnalisé d'accès à l'emploi et la signature de celui-ci d'un délai de dix jours ouvrés durant lequel il bénéficie d'un droit à rétractation et peut demander à rencontrer son conseiller afin de procéder à la rédaction d'un nouveau projet personnalisé de retour à l'emploi.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement tend à instaurer un droit de rétractation. Ce qui sous-tend le plan personnalisé d’accès à l’emploi, c’est cette volonté manifestée d’établir un contrat. La lecture de l’exposé des motifs de ce projet de loi, tout comme celle du rapport de M. Leclerc, donne l’impression que le Gouvernement a voulu construire – M. le secrétaire d’État l’a d’ailleurs indiqué – une véritable relation contractuelle entre le salarié privé d’emploi et la nouvelle institution.
M. Jean Desessard. Oui !
M. Guy Fischer. Certains diront qu’il s’agit là d’une conséquence de l’inspiration « nordique » de ce projet de loi. Il faut dire que la droite gouvernementale, après avoir cherché son inspiration en Grande-Bretagne et en Irlande, suit maintenant de près la Suède ou le Danemark, toujours cités comme des pays emblématiques.
M. Robert Bret. Sauf pour les référendums !
M. Guy Fischer. Nous nous y sommes régulièrement rendus avec la commission pour suivre ce qui s’y passe. Ne perdons tout de même pas de vue que comparaison n’est pas raison.
Pour notre part, nous craignons fort qu’il ne s’agisse plutôt là d’une manifestation de l’individualisation des relations sociales et de l’interdépendance que le Gouvernement vise à établir entre le droit privé général et le droit du travail, qui en est une branche particulière.
Depuis l’élection de M. Sarkozy à la présidence de la République, cette théorie se développe, quitte à oublier qu’employeurs et salariés, ou bien institutions et demandeurs d’emploi, ne sont pas sur un pied d’égalité. Les travailleurs sont dépendants de leurs employeurs pour gagner leur vie, ce qui entraîne entre eux des rapports particuliers, et les chômeurs sont dépendants de l’institution pour tenter de retrouver un emploi ou de conserver les indemnités nécessaires à leur subsistance. Nous remarquons d’ailleurs souvent que les personnes les plus démunies et les chômeurs ne connaissent pas l’ensemble des droits dont ils peuvent bénéficier et, par conséquent, ne les font pas valoir.
Aussi, il semble clair que le projet personnalisé, dès lors qu’il nécessite l’acceptation du demandeur d’emploi et de l’institution à travers l’agent qui la représente, revêt un caractère fondamental en droit contractuel : l’échange des volontés.
Nous n’imaginons pas que vous puissiez rejeter cet amendement qui, d’une certaine manière, s’inscrit dans cette optique.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Guy Fischer. Naturellement, nous dénonçons ce glissement, particulièrement lorsqu’il a pour conséquence d’individualiser les relations de travail et donc de retirer à l’entreprise et à l’employeur toute responsabilité sociale.
Il nous apparaît toutefois insupportable que les salariés, les retraités et les demandeurs d’emploi soient contraints de subir tous les effets néfastes – ils sont parfois nombreux – sans jamais bénéficier d’un seul des avantages liés à la relation contractuelle.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Guy Fischer. Je sais que mon argumentation va être balayée d’un revers de la main.