M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente,

est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de modernisation de l’économie.

Organisation des débats

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'économie
Discussion générale (début)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, conformément à ce que j’avais annoncé, notre commission spéciale s’est réunie pendant la suspension de séance.

Pour faciliter nos débats au cours de cette semaine, et après en être convenu avec nos collègues de la commission spéciale, je vous propose d’organiser nos travaux de la manière suivante.

Tout d’abord, afin de tenir compte des obligations communautaires de Mme la ministre, je demande l’appel en priorité, le jeudi 3, à la reprise de l’après-midi, des articles 31 à 31 ter, assortis des amendements nos 321 rectifié et 322, portant articles additionnels après l’article 31 ter, puis des articles 36 à 42 octies et de l’amendement n° 338, portant article additionnel après l’article 42 octies.

La discussion se poursuivrait ensuite le vendredi. Après l’achèvement de l’examen du titre IV, le Sénat reprendrait la discussion du projet de loi là où elle se serait interrompue le jeudi en fin de matinée.

Par ailleurs, je souhaite la disjonction des amendements de suppression ou de rédaction globale qui provoquent, sur quatre articles, la discussion commune d’importantes séries d’amendements. Il s’agit : à l’article 3, de l’examen séparé des amendements identiques de suppression nos 299, 326 et 458 ; à l’article 21, de l’examen séparé des amendements identiques de suppression nos 413 et 526 et des amendements de rédaction globale nos 509 et 527 ; à l’article 27, de l’examen séparé de l’amendement de suppression globale n° 494, des amendements identiques nos 798 rectifié et 968 de suppression d’une division et de l’amendement n° 802 de rédaction globale d’une division ; et, à l’article 39, de l’examen séparé des amendements identiques de suppression globale nos 371 et 979 et de l’amendement n° 377 de rédaction globale d’un article de code.

Afin que nul ne l’ignore et qu’aucune crainte ne subsiste, je précise que tous ces amendements sont des amendements « extérieurs ». Les rares amendements de suppression ou de rédaction globale déposés par la commission spéciale – je crois qu’il y en a deux – portent sur des sections des articles les plus longs, en l’occurrence les articles 27 et 39. Ils sont maintenus en discussion commune.

Ainsi, je tiens à le souligner, ces propositions de la commission spéciale sont exclusivement destinées à rendre nos travaux intelligibles, et non pas à les abréger par quelque artifice réglementaire.

M. le président. Nul n’en doutait, mon cher collègue !

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette proposition ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Favorable.

M. Daniel Raoul. Il serait malvenu qu’il en soit autrement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Discussion générale (suite)

Organisation des débats
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'économie
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le pouvoir d’achat est aujourd’hui la préoccupation majeure de nos concitoyens, confrontés à la reprise de l’inflation, à la flambée des prix du pétrole et à des prix de l’immobilier durablement élevés.

Le projet de loi de modernisation de l’économie vise à relancer le pouvoir d’achat en simplifiant la vie des entrepreneurs, en renforçant la concurrence afin de faire baisser les prix, en restaurant l’attractivité financière de notre pays, qui souffre d’une image très négative par rapport à nos voisins européens, et en mobilisant des financements au service de notre économie.

Je ne peux qu’approuver de tels objectifs et espérer qu’ils seront atteints le plus rapidement possible.

Toutefois, je regrette le manque de cohérence et de hiérarchisation des priorités de ce texte. Les thématiques abordées sont multiples et n’ont pas toujours de lien entre elles. Pour leur très grande majorité, elles ont été occultées par la réforme de l’urbanisme commercial. On nous propose un seul projet de loi là où il en aurait fallu plusieurs pour traiter les sujets de manière exhaustive et permettre ainsi à cette future loi d’être effectivement le texte fondateur de la rénovation de notre économie.

Je regrette également le recours excessif aux ordonnances, qui revient à confisquer le pouvoir législatif du Parlement. Je remarque d’ailleurs que le Gouvernement propose des articles d’habilitation dans plusieurs projets de loi récents. Les sénateurs centristes réprouvent vigoureusement cette pratique.

Avant d’aborder ce qui constitue, à mon sens, les principales mesures de ce projet de loi, je tiens à saluer le travail considérable des trois rapporteurs, mené sous l’égide du président de la commission spéciale, M. Gérard Larcher.

Leur proposition centrale, c'est-à-dire la reconnaissance – enfin ! – de la notion d’entreprise de taille moyenne, me semble absolument déterminante. On ne peut pas traiter de manière identique une entreprise de 500 ou 1 000 salariés et un grand groupe international. Tous les pays d’Europe reposant sur un capitalisme familial fort ont encouragé le développement d’entreprises de taille moyenne. Les sénateurs du groupe UC-UDF sont donc très favorables à cette disposition, qui devrait permettre de revitaliser et de développer de nombreuses entreprises, de créer de l’activité et de contrer ainsi les délocalisations. Il est important d’ouvrir ce chantier et de l’inscrire rapidement à l’agenda européen.

J’en viens maintenant aux dispositions du projet de loi.

Le titre Ier vise notamment à créer un statut de l’auto-entrepreneur, caractérisé en particulier par des régimes fiscal et social simplifiés et allégés sur la période d’amorçage de l’activité. Cette mesure est innovante. Elle permettra d’accompagner et, tout simplement, d’aider les personnes qui souhaitent créer leur propre emploi.

À ce titre, je voudrais mentionner quelques chiffres. En 2007, dans mon département, la Réunion, plus de 4 000 personnes se sont mises à leur compte. Ce dispositif est donc loin d’être accessoire et pourra susciter de nombreuses vocations, d’autant qu’il sera possible de coupler l’activité salariée ou une pension de retraite avec un tel statut. Toutefois, il est nécessaire de prévoir quelques garde-fous, afin que les artisans et autres petites entreprises n’aient pas à souffrir de concurrence déloyale.

Nous proposons donc que l’immatriculation aux registres professionnels reste obligatoire pour les auto-entrepreneurs, mais qu’elle soit gratuite. Nous souhaitons également circonscrire le cadre de leur activité en interdisant à un salarié de créer son entreprise dans le même secteur d’activité que la société qui l’emploie. Il s’agit là d’une mesure de bon sens.

Le projet de loi permet également de mieux protéger le capital de l’auto-entrepreneur. Les députés ont considérablement renforcé cette protection, ce dont je me réjouis. Je souhaite cependant qu’elle soit également étendue aux logements sociaux, d’autant que le nombre des logements sociaux en accession à la propriété est de plus en plus élevé.

D’autres dispositions vont également dans le bon sens pour aider les entrepreneurs. Je pense notamment à la neutralisation des conséquences financières du franchissement des seuils de dix et vingt salariés par les entreprises, à la possibilité d’utiliser un logement situé en rez-de-chaussée pour développer son activité professionnelle, sans avoir à accomplir des démarches administratives lourdes, mais également à la simplification du fonctionnement des sociétés à responsabilité limitée, avec la diffusion de statuts types ou l’instauration d’un nouvel indice de révision des loyers des baux commerciaux, basé sur l’indice des prix à la consommation.

Toutes ces mesures réduiront les tracasseries administratives auxquelles les entrepreneurs sont confrontés. Elles diversifieront et augmenteront les sources de financements disponibles, notamment grâce à l’assouplissement des contraintes fiscales sur le capital-risque.

Je regrette que le très haut débit soit seulement abordé sous un aspect extrêmement réducteur, alors qu’il aurait mérité un texte à lui seul. Si nous nous en tenions à la version issue de l’Assemblée nationale, nous ne légiférerions quasiment que pour la ville de Paris intra-muros.

Heureusement, Mme le rapporteur Élisabeth Lamure a déposé un amendement tendant à partager l’utilisation des infrastructures publiques des réseaux câblés, ce qui permettra d’accélérer le développement du très haut débit sur les communes déjà équipées. Mais cela n’est pas suffisant. C’est pourquoi le groupe de l’UC-UDF propose la création d’un fonds pour l’équipement du territoire en très haut débit, qui serait alimenté par une taxe sur les opérateurs. En effet, en raison de l’étroitesse de leur marché et de leur enclavement des territoires, des territoires comme la Réunion ne sont pas rentables pour les opérateurs privés. Si l’État n’impose pas à ceux-ci des obligations en termes de couverture du territoire, je crains que nous n’approfondissions encore la fracture numérique et qu’il ne soit de plus en plus difficile pour les territoires ruraux et enclavés de maintenir leur attractivité. C’est pourquoi notre amendement revêt à nos yeux une importance primordiale.

Nous avons également quelques inquiétudes sur le financement du logement social. La généralisation du livret A nous est imposée par une décision de la Commission européenne du 10 mai 2007.

Les sommes collectées sur ce produit d’épargne sont tout à fait considérables. Les encours centralisés à la Caisse des dépôts et consignations s’élèvent à 140,5 milliards d’euros, dont 120 milliards pour le livret A, 19,7 milliards pour le livret bleu et 7,7 milliards pour le livret de développement durable. Quant aux prêts, ils représentent un encours de 96,7 milliards d’euros, dont 88,2 milliards d’euros sont consacrés au financement du logement social et à la politique de la ville. Ainsi, en 2007, la Caisse des dépôts et consignations a accordé 4,4 milliards d’euros de prêts à la construction pour les 54 000 logements sociaux bâtis cette année. Ces prêts couvriraient les trois quarts de la construction d’un logement social. C’est pourquoi il est très important de sécuriser cette ressource en fixant dans la loi le taux de centralisation des encours des livrets A auprès de la Caisse des dépôts.

Nous vivons actuellement une véritable crise financière, qui commence déjà à avoir des retombées sur les encours de crédit. Les banques sont en train de modifier leur politique de crédit non seulement auprès des particuliers, mais également auprès des entreprises.

Dans le contexte de crise des liquidités que connaissent les banques, il nous semble primordial de pérenniser l’utilisation des dépôts collectés au titre du livret A pour le financement du logement social et de garantir que la Caisse des dépôts gardera les moyens de continuer à bonifier les prêts pour le logement très social, afin de permettre de pratiquer des loyers bas.

M. Jean Desessard. Nous vous rejoignons !

Mme Anne-Marie Payet. C’est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens.

J’en viens, enfin, aux particularismes des économies ultramarines, qui, à l’heure actuelle, doivent clairement entrer dans une nouvelle phase de leur développement.

Contrairement à la métropole, elles sont en phase directe avec la concurrence des pays moyennement avancés, où les prix de production sont extraordinairement inférieurs à ceux des DOM – le rapport est de un à dix entre la Réunion et l’île Maurice, et même de un à cinquante avec Madagascar – et les normes inexistantes faussent totalement la concurrence. À cela s’ajoute la distance par rapport à la métropole et aux marchés importants. Cependant, malgré tous ces handicaps, l’activité reste vigoureuse.

Pour toutes ces raisons, il est important d’adapter ce projet de loi aux spécificités des DOM. En ce qui concerne les délais de paiements, les députés ont déjà adopté un amendement qui permet de faire courir le délai à partir de la réception des marchandises.

Les principales lacunes restantes sont les suivantes. Pour la plupart, j’ai déposé des amendements tentant de les combler.

Le champ du Small Business Act tel qu’il est proposé doit être élargi pour être pleinement applicable dans les DOM.

Plus encore qu’en métropole, la grande distribution exerce dans les DOM une forte pression à l’égard des petits fournisseurs ; le rapport de force est donc très déséquilibré et les dispositions sur la négociabilité des conditions générales de vente ne vont pas améliorer la situation.

L’Autorité de la concurrence, si elle fonctionne comme le Conseil de la concurrence, sera inopérante dans les DOM ; il est indispensable de prévoir une antenne locale pour favoriser le recours des opérateurs.

Le FISAC ne fonctionne pas bien dans les DOM : il serait donc nécessaire de déconcentrer sa gestion. Le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer a pris des engagements en ce sens, mais je pense que des précisions doivent figurer dans ce texte.

La réforme de l’équipement commercial est très sensible dans les DOM, car la grande distribution a un poids absolument prédominant ; il s’agit du premier secteur économique. Il est donc essentiel de prévoir des mesures d’adaptation au seuil de 1000 mètres carrés pour ne pas déstructurer les marchés et l’appareil de production local.

Le rescrit fiscal sur le crédit d’impôt recherche attribué à OSÉO doit faire l’objet d’une adaptation propre aux DOM, où c’est l’Agence française de développement qui exerce la mission confiée à OSÉO en métropole.

La création d’une Haute Autorité de la statistique doit s’accompagner de l’ouverture d’agences locales dans chaque DOM et d’une refonte des modèles statistiques qui ne sont plus en phase avec la réalité économique locale.

Enfin, puisqu’il s’agit de moderniser l’économie, c’est l’occasion d’en finir avec les pratiques rétrogrades en matière de vente du tabac outre-mer. J’ai déposé plusieurs amendements en ce sens, dont certains avaient déjà été adoptés par le Sénat lors de l’examen d’autres projets de loi, puis supprimés par la commission mixte paritaire ou par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et sur plusieurs travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après la loi TEPA de juillet 2007, après la loi pour le développement de la concurrence de l’automne 2007 et la loi pour le pouvoir d’achat de janvier dernier, nous sommes aujourd’hui réunis afin d’examiner un projet de loi qui a l’ambition de moderniser notre économie.

C’est tout à fait légitime et nécessaire. La baisse d’activité qui vient d’être annoncée par l’INSEE souligne l’impérieuse nécessité de réformer notre économie.

Cette année, le taux de croissance devrait demeurer à un niveau très faible : 1,5 % ou 1,6 %. Les carnets de commandes des chefs d’entreprise commencent à se dégarnir. La balance commerciale, qui pendant plusieurs années avait été largement excédentaire, devrait de nouveau présenter un solde négatif, de l’ordre de 43 milliards d’euros pour cette année. Si l’on y ajoute l’inflation la plus forte observée depuis 1991, on peut en déduire que le pouvoir d’achat va diminuer. Dans ces conditions, la consommation des ménages, principal moteur de la croissance, va progresser lentement.

J’appelle de mes vœux l’augmentation de la croissance de 0,3 %, les 6 milliards d’euros de PIB supplémentaires et les 50 000 emplois que vous avez évoqués tout à l'heure, mais ces données me laissent sceptique.

En d’autres termes, les Français vont continuer à subir les effets de la crise financière, du ralentissement mondial, de l’appréciation de l’euro et de l’envolée des prix. Ils vont également continuer à payer l’absence de réformes économiques efficaces et justes.

Je me permets de rappeler que le pays porte un jugement critique sur cette politique économique. En effet, selon un sondage paru le 24 juin dans Les Échos, 63 % de nos concitoyens considèrent qu’elle est mauvaise.

Sur la forme, le projet de loi appelle plusieurs remarques.

Tout d’abord, je ne comprends pas pourquoi nous devons travailler selon la procédure d’urgence. Il me semble pour le moins paradoxal et surprenant de permettre trois lectures pour examiner le projet de loi sur les chiens dangereux et de déclarer l’urgence, soit une seule lecture, sur un texte aussi important, qui vise à moderniser notre économie ! Notre collègue Gérard Longuet a dit tout à l'heure que c’était dans l’urgence que l’on faisait les meilleurs textes ; j’en accepte l’augure, mais je demeure sceptique. (M. Jean Desessard rit.) C’est le rôle de l’opposition.

En outre, je constate à regret que vous éludez le débat sur plusieurs points importants en sollicitant des habilitations pour légiférer par voie d’ordonnance. Si une telle procédure peut se comprendre dans certains domaines comme celui de la propriété industrielle, les autres habilitations me paraissent excessives.

Enfin, le projet de loi a un aspect « fourre-tout » ; quelqu’un a parlé d’inventaire à la Prévert, mais on pourrait aussi évoquer le pointillisme. Il est en effet question d’urbanisme commercial, de la réforme de Radio France international, des poursuites commerciales, de la propriété industrielle…

M. Jean Desessard. C’est une loi « râteau » !

M. Richard Yung. Bref, il est question de tout, mais rien n’est traité complètement.

Sur le fond, le texte comprend bien sûr un certain nombre de dispositions intéressantes, comme la réduction des délais de paiement, le début d’une réflexion sur un Small Business Act à la française – puisqu’on parle anglais à présent –, les mesures visant à encourager la création des PME et à faciliter leur vie quotidienne, ou encore celles qui tendent à faciliter les reprises de SAS et de SARL, à moderniser le système de brevets.

Néanmoins, globalement, ce projet de loi manque de souffle, d’énergie mobilisatrice, de vision claire proposée au pays qui permette de mobiliser toutes les énergies pour relancer la consommation et la machine économique.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Richard Yung. Je ne passerai pas en revue les différents titres, je formulerai simplement quelques remarques sur des points particuliers.

Vous proposez de mieux utiliser l’agence Ubifrance et de clarifier les relations avec les missions économiques : vous êtes dans la bonne voie. Il est bien que les missions économiques se recentrent sur leurs fonctions régaliennes et ne s’occupent pas d’aider à la vie des entreprises. Cependant, vous vous arrêtez au milieu du gué. Il faudrait aller plus loin et réfléchir à la nécessité de confier aux chambres de commerce franco-étrangères le soin d’assurer le travail de soutien aux entreprises. Ce sont en effet les personnes du secteur industriel et compétitif qui connaissent le mieux les marchés sur lesquels ces entreprises sont implantées. Il y a donc encore un effort à faire.

Vous proposez la détention par l’État du capital de RFI. Cette réforme nous fait craindre le pire, et beaucoup de Français de l’étranger ne l’accueillent pas favorablement.

Nous avons une chaîne de télévision, TV5, reçue partout dans le monde, qui est le vecteur de la culture et de l’information françaises. Il fallait renforcer les moyens de cette chaîne, en particulier dans le domaine de l’information. On a préféré créer une autre chaîne de télévision, France 24, qui n’est reçue nulle part ! Je voyage beaucoup et je n’ai pourtant jamais pu regarder France 24 dans un hôtel… Or cette chaîne nous coûte entre 60 millions et 80 millions d’euros par an.

M. Richard Yung. Il aurait fallu rapprocher RFI de TV5, créant un bloc efficace représentant la France internationalement.

Vous comprenez donc que nous ne soyons pas enthousiastes à l’égard de cette proposition concernant RFI. De surcroît, nous nous demandons pourquoi elle figure dans une loi de modernisation de l’économie.

Vous proposez de favoriser le développement des PME en facilitant les prises de risques. Il s’agit de permettre aux sociétés – SARL, SA et SAS – d’opter, durant les cinq premières années de leur existence, pour un régime fiscal de société de personnes, afin que les associés puissent déduire de leurs revenus personnels une partie des pertes constatées.

Cette disposition aurait certes pour effet de réduire le risque pour l’épargne familiale investie dans de nouvelles sociétés, mais, à mes yeux, elle ne constitue pas une réponse à la question fondamentale du financement des PME, qui est l’une des principales difficultés économiques et structurelles françaises.

M. Daniel Raoul. C’est vrai !

M. Richard Yung. Plusieurs de mes collègues ont évoqué l’exemple de l’Allemagne. La grande force de l’économie allemande, c’est que ses PME – on les trouve partout dans le monde – disposent d’un système de financement très décentralisé, car né de la base.

M. Richard Yung. En France, comme vous le savez, la moindre demande de crédits doit remonter au chef-lieu de département ou à Paris.

Vous proposez également d’alléger les peines des chefs d’entreprise et de ceux qui sont engagés dans l’activité économique lorsqu’ils ont été condamnés pour des actes graves. C’est pour le moins surprenant dans le contexte de la politique que conduit votre gouvernement, où Mme le garde des sceaux nous présente tous les trois mois une nouvelle loi alourdissant les peines, doublant les délais ou créant des peines planchers. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il y a deux poids deux mesures !

M. Jean Desessard. Deux classes deux mesures !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Allons !

M. Richard Yung. Nous avons déjà évoqué la question de la suppression du rôle des commissaires aux comptes. Je pense que nous en débattrons sur le fond.

MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Oui !

M. Richard Yung. Je suis de ceux qui pensent que la fonction de commissaire aux comptes est essentielle pour la confiance et la clarté des relations économiques et financières.

M. Richard Yung. Nous verrons dans le débat ce qu’il en est.

En outre, la création d’une carte de résident de dix ans attribuée aux étrangers qui « apportent une contribution économique exceptionnelle à la France » participe d’une vision utilitariste de l’immigration. Pis, elle établit une hiérarchie entre des étrangers selon que leur « apport » est d’ordre intellectuel ou pécuniaire.

Enfin, je regrette que le projet de loi n’instaure pas l’action de groupe. Vous aviez pourtant annoncé en décembre la création de cette procédure dans le cadre d’un projet de loi en faveur des consommateurs, mais elle est remise à plus tard, avec le projet de loi de dépénalisation du droit des affaires, ce qui n’est pas probablement pas le meilleur service à rendre à l’action de groupe.

Je pourrais citer d’autres exemples, mais, vous l’aurez compris au vu de ces remarques et de celles que les collègues de mon groupe ont déjà formulées, nous sommes pour le moins réservés sur le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.

M. Philippe Leroy. Madame le ministre, votre loi va dans le bon sens. Moderniser, libérer l’économie relève non pas d’une grande loi, d’un seul concept, mais d’une foule d’actions convergentes, qui s’additionnent et créent un climat de progrès.

M. Jean Desessard. De qui l’économie était-elle prisonnière ?

M. Philippe Leroy. Comme vous le savez, libérer revient à agir dans de multiples domaines. Madame le ministre, ne vous laissez pas impressionner par ceux qui souhaitent de grandes lois conceptuelles qui ne seraient que des textes idéologiques. La pratique, en économie, exige d’agir dans le détail.

M. Daniel Raoul. Preuve que non !

M. Philippe Leroy. D’ailleurs, le Bon Dieu et le diable sont dans les détails.

M. Philippe Leroy. Je voudrais, dans un premier temps, m’en tenir à un seul point : la modernisation de l’économie passe par la qualification de nos territoires. Selon moi, les réseaux d’initiatives publiques en matière de télécommunications ou de communications électroniques appartiennent aux infrastructures indispensables à la qualification d’un territoire, au même titre que les routes, l’eau et l’électricité.

En tant qu’ancien aménageur du territoire, je sais combien les collectivités locales ont permis l’égalité de tous les Français face aux aménagements en eau, électricité et téléphone. Cela a été possible grâce à l’engagement des collectivités locales, de l’État et, peu à peu, de partenaires privés.

Au cours des dernières années, nous avons constaté, en France, un progrès significatif en matière d’accès au haut débit ou au moyen débit, de deux à quatre mégabits. Ce progrès, à la fois par le nombre d’abonnés et par la qualité de la concurrence qui a permis une baisse des prix, est le fruit de l’action conjuguée d’opérateurs privés, d’opérateurs traditionnels, dénommés opérateurs historiques, et des collectivités locales.

Dans ce domaine, le Sénat a joué un grand rôle, en votant, en 2004, l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales…

M. Philippe Leroy. …qui permettait aux collectivités locales de s’inscrire en partenaires dans des projets, presque à égalité avec les opérateurs privés. C’est la conjonction des deux secteurs, privé et public, qui permettra d’aboutir rapidement à la couverture nationale souhaitée en haut débit et en très haut débit.

Je voudrais prendre la défense de ces réseaux d’initiatives publiques, car, souvent, on pense que la libre concurrence et l’initiative privée peuvent suffire à équiper le pays. C’est impossible, mes chers collègues ! Nous attendons depuis des années que la totalité du territoire soit pourvue en réseau de téléphonie mobile de deuxième génération. Certes, il reste seulement quelques centaines de communes à équiper. Cependant, l’initiative privée ne peut pas systématiquement satisfaire l’égalité des Français devant certains services actuels.

Aujourd’hui, les services des collectivités locales ont permis de lancer quatre-vingt-cinq projets dont cinquante-six sont déjà opérationnels. Ces dispositifs couvrent deux milliards à trois milliards d’euros d’investissement. Aucun acteur du secteur privé n’aurait pu engager une telle somme afin de déployer vingt mille kilomètres de fibre optique. Aucun n’en avait les moyens. (M. Daniel Raoul acquiesce.)

Nous nous interrogeons actuellement sur la nécessité de pourvoir les entreprises françaises et les particuliers du très haut débit. Dans ce cadre, il ne faut pas répéter les erreurs du passé. Nous devons permettre, dans le domaine du très haut débit, la même réussite que celle que nous avons connue dans le domaine du haut débit : l’égalité entre les partenaires publics et privés, l’établissement d’une saine concurrence entre eux afin que personne ne bénéficie d’une rente de situation, d’un monopole ou d’une position privilégiée. (M. Daniel Raoul sourit.)

J’ai dit voilà un instant que le diable est dans les détails. Un simple brin de paille, une petite disposition législative à laquelle personne ne comprend rien tant le domaine est technique,…