M. Jean-Pierre Bel. On apprécie !
M. Éric Doligé. Attendez, je vais me rattraper ! (M. Jean Desessard s’exclame.) Mais il fallait que ce soit dit : il convient de faire passer certains messages de temps en temps !
J’en arrive maintenant à l’expression de la bonne humeur.
Projetons-nous vers le futur et arrachons les boulets que traînent nos entreprises et qui empêchent les citoyens de se réaliser économiquement.
Dans votre texte, vous brisez heureusement de très nombreuses chaînes.
La première est celle qui empêchait le citoyen de créer facilement son entreprise. Avec le statut de l’auto-entrepreneur individuel, vous allégez, fiscalement grâce au prélèvement fiscal libératoire, mais aussi socialement, avec le rescrit social pour le régime des indépendants et avec son extension, ainsi qu’administrativement, avec les dispenses d’immatriculation à divers registres, sans pour autant mettre en difficulté les chambres de métiers, qui, à juste titre, peuvent s’inquiéter.
Il faut veiller à ce qu’ainsi nous ne déséquilibrions pas nos chambres Peut-être faudrait-il, à terme, réfléchir à leur financement et à la juste répartition de la taxe d’apprentissage.
Une autre chaîne brisée est l’assouplissement dans le changement d’usage des locaux. Il sera nécessaire d’améliorer un peu le texte lors de nos débats.
Il faut également inscrire à l’avantage des petites entreprises l’élargissement du champ des biens insaisissables.
Depuis des années, nous souhaitons tous revoir les effets de seuil. Personne n’a osé le faire. Heureusement, ce texte le prévoit dans certains domaines. Comme mon collègue Bruno Retailleau l’a souligné, nous aurions pu réfléchir au seuil des cinquante salariés qui est destructeur.
Bien sûr, je ne passerai pas en revue toutes les améliorations de ce texte, car elles sont nombreuses.
J’aimerais insister encore sur quelques points qui ont déjà été repris par certains de mes collègues.
Mme Goulet a justement insisté sur les blocages concernant les droits de séjour pour les étrangers. Une amélioration est proposée pour les droits de séjour de ceux qui peuvent apporter à la France une contribution économique.
À Shanghai, j’ai rencontré des investisseurs chinois qui n’arrivaient à venir en France qu’après un mois de tracasseries. Il est plus facile d’aller en Chine pour un Français que pour un Chinois de venir en France.
M. Éric Doligé. En Inde, j’ai fait des pieds et des mains pour permettre à un Indien d’investir dans mon département et d’y créer une entreprise certainement prometteuse.
Pour que des dirigeants japonais viennent deux ans dans notre pays pour diriger d’importantes entreprises, nous leur imposons de faire des heures de file d’attente, avec des personnes en situation délicate.
Les Tunisiens que j’ai pu rencontrer à Tunis, qui sont francophones et francophiles, et qui ont fait leurs études en France il y a trente ans, préfèrent envoyer leurs enfants suivre leurs études en Roumanie, où se trouvent des écoles françaises parallèles, ou aux États-Unis. C’est un vrai gâchis. Il faut remédier à cette situation. Le texte ne va pas assez loin. Il faudrait aller plus au fond sur ces sujets.
Un autre point que je souhaite aborder concerne les commissaires aux comptes. Ils ont été très inquiets, pour ne pas dire plus, à la suite de la proposition du texte d’origine qui prévoyait de retirer du champ de leurs compétences une partie des petites entreprises. Des compensations fort intéressantes leur ont été proposées. Elles sont d’ailleurs très positives.
La TACA a été maintes fois évoquée. Un peu comme la vignette du temps de Ramadier, cette taxe avait été créée dans un but précis. Peu à peu, elle a été confisquée et une part seulement est allée véritablement à l’aide au commerce par le biais du FISAC.
Des amendements intéressants permettront de sanctuariser une somme qui, probablement, avoisinera 100 millions d’euros. Pour moi, il devrait s’agir non pas d’un plafond, mais d’un plancher.
Nous savons tous qu’il existe de vrais projets au niveau du commerce et de l’artisanat, et que les collectivités locales ont su mettre en œuvre le FISAC dans l’intérêt du commerce local. Il faut faire tomber certains verrous.
Pour ne pas allonger mon propos, je conclurai en évoquant deux points : la négociabilité et les conditions de paiement.
Je me réjouis que la négociabilité ait enfin été reconnue comme nécessaire. En 2007, je vous l’avais ici même demandée. Il m’avait été répondu que c’était trop tôt et que cela allait venir. Vous avez tenu votre promesse. Je vous en remercie.
La France ne peut pas, dans de trop nombreux domaines, toujours se singulariser en allant à contre-courant. Il y a encore trop de secteurs où nous n’avons pas eu le courage de faire le saut. J’en citerai trois : l’ISF, la négociabilité et les conditions de paiement. Nous en réglons deux. C’est un progrès. Vous vous doutez néanmoins que j’aimerais que l’on arrive à régler également le troisième !
En ce qui concerne la négociabilité, je pense que nous avons su imaginer quelques garde-fous. Il faudra en ce domaine accepter d’organiser un débat parlementaire sur l’Autorité de la concurrence.
Pour ce qui est des conditions de paiement, Philippe Marini nous a dit il y a quelques instants que, jeune débutant auprès du gouvernement, il avait reçu une mission sur le crédit fournisseurs. Après trente ans, nous faisons enfin un grand pas en avant. Il ne faudra pas en rester là.
Madame la ministre, j’espère que vous vous souviendrez du début de mon propos et de mon agacement. J’espère que vous vous souviendrez également de ma satisfaction devant une véritable avancée qui devrait permettre d’améliorer le pouvoir d’achat et les conditions de la compétitivité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. Jean-Pierre Bel. Ce n’est pas sûr !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, vous pourriez faire respecter le temps de parole de chacun au lieu de restreindre le mien !
M. le président. Je fais respecter le temps de parole des groupes !
M. Jean Desessard. Au-delà ou en dépit des couacs médiatiques et des déclarations contradictoires entre les ministres, il faut reconnaître à ce gouvernement une continuité dans sa politique, qui repose sur deux axes centraux : adapter à marche forcée la société française à la mondialisation, et pour ce faire déréglementer au niveau social et économique ; orienter le système politique français vers un régime présidentiel.
Il faut également reconnaître à ce gouvernement un talent de communication, puisque cette politique de dérégulation porte le nom de « modernisation ».
Tout d’abord, nous avons eu l’été dernier la « modernisation » fiscale illustrée par le paquet de la loi TEPA, soit un vrai cadeau de 15 milliards d’euros aux plus riches.
Puis nous avons eu la « modernisation » de la Constitution, ou plutôt la « présidentialisation » du régime.
Ensuite, nous avons eu la « modernisation sociale », c'est-à-dire la suppression des différents régimes de protection sociale.
Aujourd'hui, le Président de la République et le Gouvernement s’attaquent à une prétendue modernisation économique, qui n’est en fait qu’une adaptation aux règles, ou plutôt à l’absence de règles, de la mondialisation économique.
Demain, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, vous nous proposerez la modernisation de l’audiovisuel, ou « comment l’Élysée pourra contrôler l’ensemble des médias français », suivant l’exemple de Berlusconi en Italie.
M. Jean-Pierre Bel. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Madame la ministre nous précise que ce projet de loi de « modernisation » de l’économie a trois objectifs : débrider la croissance, créer de l’emploi et baisser les prix.
Le Gouvernement cherche à atteindre 0,3 point de croissance. Madame la ministre, il y a un an, vous étiez plus optimiste et vous nous aviez annoncé plus de gain de croissance !
Le Gouvernement cherche également à créer 50 000 emplois supplémentaires. Par quels moyens y arrivera-t-il, sinon par le travail précaire et sous-payé, qui remplace les postes en CDI ?
Le Gouvernement cherche enfin à redonner plus de pouvoir d’achat aux Français.
Ce qui est bien avec ce gouvernement et cette majorité, c’est leur maîtrise de la communication. Après avoir dit aux Français dans une campagne de publicité qu’ils se trompaient, qu’ils ne savaient pas compter et qu’ils avaient plus de pouvoir d’achat qu’hier, vous lancez aujourd’hui la publicité permanente devant le Parlement !
Au-delà des déclarations louangeuses, voire lyriques, des rapporteurs, si nous grattons le vernis de ce texte fourre-tout, c’est la dérégulation de notre économie qui apparaît !
Du petit commerce au hard discount en passant par le statut de l’auto-entrepreneur ou par le livret A, ce texte touche à tout.
Certains points clés, comme les questions relatives à la Caisse des dépôts et consignations, auraient mérité d’être traités dans des textes spécifiques !
La Caisse des dépôts et consignations est un outil formidable pour l’action publique qu’il ne faut surtout pas banaliser. Au contraire, c’est une exception française qu’il faut préserver, voire étendre à l’Union européenne.
M. Thierry Repentin. Très bien ! C’est une bonne suggestion !
M. Jean Desessard. Au-delà du mélange des genres, ce texte est injuste.
Toutes ces mesures disparates sont, en effet, profondément déséquilibrées et ne favorisent que les intérêts de quelques minorités.
Ainsi, en favorisant leur installation, vous donnez la possibilité aux grandes surfaces de dominer encore plus le petit commerce, au mépris des règles d’urbanisme, d’aménagement du territoire et de protection de notre environnement.
Votre volonté proclamée de défense des petits commerces ou des petits producteurs sera sans effet puisque l’idéologie de ce texte consiste en fait en une adaptation à la mondialisation économique et à la concurrence sans entraves.
Cette dérégulation à tout-va de l’économie ne s’accompagne d’aucun garde-fou ou de mesures de protections. Comme c’est le cas au fil de chacune de vos mesures, ce seront les plus faibles et les plus pauvres qui seront les premiers touchés.
Dans ce texte, ce sont les PME et le commerce local qui souffriront, alors que les grandes surfaces et les banques seront les grands bénéficiaires de la réforme.
Le consommateur-citoyen est également le parent pauvre de cette loi, et ce n’est pas en facilitant l’implantation de nouvelles surfaces commerciales qu’il verra son pouvoir d’achat augmenter.
Contraindre, par exemple, les petits producteurs de légumes du sud de la France à baisser leurs prix, ce n’est pas augmenter le pouvoir d’achat. Importer des produits de pays à faible protection sociale et écologique pour faire baisser les prix, ce n’est pas augmenter la production française. Cela revient donc à baisser le pouvoir d’achat des salariés, des citoyens français.
Il y a bien des solutions pour augmenter le pouvoir d’achat. Mais ce ne sont certainement pas celles qui sont préconisées dans le texte.
Si l’on veut vraiment s’attaquer à ce problème, il faut soit augmenter les salaires, soit diminuer les dépenses contraintes, comme le coût du logement ou des transports.
Cela ne pourra se faire que grâce à la mise en place de mesures structurelles telles que la construction rapide et à grande échelle de logements sociaux, ainsi que le développement de l’offre de transport.
Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est ni la réforme du livret A, appelée « modernisation du livret A » – il fallait y penser ! – ni la diminution des ressources allouées aux transports publics, comme le prévoit le projet de loi, qui soulageront nos concitoyens les plus démunis devant la flambée actuelle des prix des denrées alimentaires et de l’énergie.
Les conséquences de la mise en œuvre des mesures du présent projet de loi seront également catastrophiques en termes environnementaux.
Mon temps de parole ayant été écourté, monsieur le président, je reviendrai plus précisément sur tous ces points au cours de l’examen des articles.
En conclusion, ce texte s’inscrit dans un modèle de croissance extensive, sans fin. Il ne prend nullement en compte la finitude de notre planète et ne se soucie pas de notre qualité de vie !
Aujourd’hui, le progrès ou la modernisation, ce n’est pas courir après une croissance illusoire ; ce n’est pas se positionner sans réflexion dans la compétition économique mondiale au détriment des droits sociaux et environnementaux. Au contraire, l’anticipation du monde de demain, c’est la préservation des ressources, la planification des besoins énergétiques, l’échange et le partage à l’échelle de la planète pour la préserver. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Billout applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, favoriser l’emploi par le développement des petites et moyennes entreprises, offrir un tremplin aux entrepreneurs et à ceux qui se cherchent éventuellement une vocation d’entrepreneurs, améliorer la transmission des entreprises, réduire certaines formalités administratives, dynamiser la concurrence, consolider la place financière de Paris, développer le haut débit, ce sont autant de mesures auxquelles un libéral comme moi ne peut que souscrire.
M. Jean Desessard. Vous l’avez dit !
M. Philippe Dominati. Absolument ! Après la méfiance qui vient de s’exprimer à l’égard de la modernisation, je souhaite quelque peu équilibrer le propos.
S’agissant de la méthode, on peut effectivement comprendre les interrogations que notre collègue Daniel Raoul a exprimées cet après-midi sur la notion d’urgence, sur le délai de quelques jours dont nous avons disposé pour prendre connaissance du rapport établi par les trois rapporteurs.
Mais il faut se rappeler qu’il s’agit d’un travail de fond, engagé depuis plusieurs mois, d’abord par un groupe intercommissions, devenu une commission spéciale. Présidée par M. Gérard Larcher, cette dernière a procédé à quatre-vingt-treize auditions lors de multiples séances de travail, notamment, lorsque nous le souhaitions, avec vous-même, madame la ministre, et avec les secrétaires d’État rattachés à votre ministère, le programme d’auditions ayant été établi de manière thématique.
Après son examen par l'Assemblée nationale, le texte est passé d’une quarantaine d’articles à plus de cent vingt, et fait aujourd'hui l’objet de près de 1 040 amendements. Cela prouve l’attente, la demande, le succès qu’engendre nécessairement la modernisation de l’économie. Le Gouvernement, en l’occurrence, a eu raison de recourir à la procédure d’urgence, car il y a urgence.
S’agissant des trente propositions, très concrètes – vous en avez fait la démonstration –, qui ont été formulées, je reviendrai sur trois thèmes.
Au titre Ier, la notion de l’auto-entrepreneur, qui a suscité un certain nombre de réflexions lors des auditions en commission, est essentielle. En effet, il s’agit d’accompagner la démarche de la personne qui souhaite créer son entreprise. Mais, quel que soit l’entrepreneur, il faut l’inciter à prendre goût à l’économie, pour essayer de développer des produits, des projets. Tout ce qui peut favoriser le développement des initiatives va dans le bon sens.
Il faut donc réduire au maximum les formalités, rendre le projet le plus souple possible ; c’est une nécessité.
Je suis, pour ma part, favorable à la dynamisation de la concurrence. Il faudra donc atteindre le seuil des 1 000 mètres carrés le plus rapidement possible. Sur ce sujet, la commission fera quelques propositions. Mais le temps n’est plus vraiment aux évaluations.
Les évaluations, c’est ce qu’on nous renvoie à la figure chaque fois que l’on veut ralentir un projet, ne pas répondre à une nécessité. Il faut véritablement améliorer les choses.
Plusieurs projets de loi se sont succédé, mais il faut aller beaucoup plus loin. Nous sommes à l’ère du commerce électronique et les réserves qui sont formulées me font penser à celles qui étaient émises à propos des centres commerciaux en centre-ville il y a vingt ou trente ans.
Les sept marches de progrès qu’a définies M. Philippe Marini, rapporteur de la commission spéciale, sont évidemment essentielles pour la place financière de Paris et pour l’élue de la capitale que vous êtes, madame la ministre. Nous vous ferons des propositions qui permettront, éventuellement, d’aller plus loin dans ce domaine.
Ce texte est courageux. Pour reprendre l’expression d’un nouveau libéral, le maire de Paris,…
M. Jean Desessard. Il est social-libéral !
M. Philippe Dominati. …que nous avons en commun, et qui prône l’audace, je dirai que ce texte est audacieux.
Je ferai néanmoins deux réserves.
La première concerne les délais de paiement.
Voilà quelques années, j’ai eu l’occasion de sauver une entreprise simplement parce que, dans la relation étroite que peut avoir le chef d’entreprise avec un fournisseur, nous avions pu assurer de la trésorerie sur les délais de paiement. Les remarques qui ont été faites ici ou là sur les aménagements à apporter dans la réduction des délais de paiement sont fondées. Il ne faut pas mettre en péril un certain nombre d’activités ou d’entreprises. Ce n’est qu’en fonction du contrat existant éventuellement entre le fournisseur et le chef d’entreprise, en aménageant des délais de paiement, que l’on peut inciter le banquier à apporter de la trésorerie afin de permettre la poursuite de l’activité.
La seconde réserve que je formulerai concerne l’absence de toute suppression d’organismes, alors que plusieurs sont créés. J’aurais apprécié que le Gouvernement nous suggère quelques pistes à cet égard et chiffre les économies que nous pourrions réaliser auprès d’un certain nombre d’administrations.
Cela m’amène, en conclusion, à évoquer une proposition qui me paraît faire défaut dans ce projet de loi de modernisation de l’économie. Mais peut-être n’est-il pas nécessaire de l’inscrire dans le texte dans la mesure où elle risque d’être hors de son champ d’application. Cette proposition est toutefois le socle d’une économie moderne.
Vous avez évoqué un coût de 450 millions d’euros pour financer ce projet de loi. Or les recettes supplémentaires attendues au titre de l’impôt sur les sociétés représentent entre 2,5 milliards et 5 milliards d’euros, selon ce que l’on y inclut. Pourquoi rapprocher ces chiffres ? Parce que nous sommes le pays d’Europe où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés, avec, peut-être, la Suède.
Ces prélèvements sont en effet de 4 % supérieurs à la moyenne européenne. Nos dépenses publiques représentent 52,6 % du PIB, c’est-à-dire neuf points de plus que l’Allemagne de M. Schröder, quinze points de plus que l’Espagne de M. Zapatero. Telle est la réalité.
Alors, si l’on peut faire un rêve, madame la ministre, ce serait, dans une trente et unième proposition, de baisser de 1 % par an pendant quatre ans les prélèvements obligatoires afin de rejoindre la moyenne européenne et de moderniser enfin notre économie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Et le Danemark ? Au moins, vous ne vous cachez pas d’être libéral !
M. Philippe Marini, rapporteur. C’est la voie de la vertu !
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d’État, madame et messieurs les rapporteurs de la commission spéciale, mes chers collègues, en nous soumettant ce projet de loi en urgence, le Gouvernement nous a présenté d’excellentes mesures, facteurs de progrès, et nous a annoncé quelques bonnes nouvelles dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Le constat de la situation économique de la France demeure cependant très préoccupant. Sans vouloir afficher un alarmisme de mauvais aloi, force est de constater que les indicateurs sont à l’orange et que nous continuons à perdre des parts de marché.
Certes l’environnement conjoncturel international est difficile, marqué par une certaine volatilité des marchés, les secousses des subprimes, la flambée des prix du pétrole et des matières premières agricoles.
Nous ne pouvons plus continuer ainsi, et il nous faut absolument, en relançant la croissance, réduire la dette publique, mettre fin à ces vingt-cinq ans de déficit budgétaire.
M. Jean Desessard. Avec 15 milliards de cadeaux fiscaux !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. D’autres pays ont réussi à réduire, voire à supprimer leurs déficits ; rien ne nous empêche d’y arriver aussi, car nous avons tous les talents indispensables à cette fin.
Nous avons un immense besoin de réformes et celles qui sont prônées à travers ce projet de loi de modernisation de l’économie, même si elles sont les bienvenues, ne vont sans doute pas encore assez loin. (M. Jean Desessard s’esclaffe.)
Nous avons, certes, déjà beaucoup progressé ces derniers mois et le Forum économique mondial, qui nous avait, en 2006, classés au vingt-huitième rang en termes de compétitivité, nous a fait gagner dix places en un an.
Les circonstances font que nous avons actuellement une « fenêtre d’opportunité » et il ne faut pas que nous manquions ce tournant.
Bravo, madame le ministre, pour cet excellent texte et pour les dispositions particulièrement novatrices et opportunes qu’il contient. Je citerai tout particulièrement les dispositions relatives à la fin des contrats, car elles me semblent essentielles.
Nous avons, en effet, la nécessité absolue d’apporter plus de flexibilité à notre droit du travail, quelque peu archaïque et suranné par certains de ses aspects.
M. Jean-Pierre Bel. Oh là là !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Comment ne pas être interpellés par le fait que, toujours selon le Forum économique mondial, nous sommes dans ce domaine cent vingt-neuvième sur cent trente et un pays ?
Il nous faut donc impérativement réformer notre code du travail en facilitant l’embauche mais aussi le licenciement (Exclamations sur les travées du groupe socialiste),…
M. Jean Desessard. Surtout le licenciement ! Cela créera des emplois ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. …car c’est la garantie d’une économie plus vivante et plus dynamique.
Nous avons déjà relativement peu de petites et moyennes entreprises alors, de grâce, laissons-leur un peu plus de liberté ! Les exemples britannique et nordique nous prouvent que la flexibilité en matière de recrutement et de licenciement est une condition essentielle à la création même d’emplois.
M. Thierry Repentin. C’est ce qu’ils disent à Gandrange chez Mittal-Arcelor !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Nous sommes sans doute un peu trop laxistes ou permissifs,…
Mme Nicole Bricq. C’est la faute de mai 68 !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. …mais il nous faut aussi avoir le courage de voir la réalité en face. On peut s’interroger sur le fait que notre pays soit, de tous les États européens, celui où l’on travaille le moins, avec une semaine à 35 heures ; c’est aussi chez nous, hélas ! que sont battus tous les records en matière d’absentéisme au travail !
M. Jean-Pierre Bel. Et de productivité !
M. Jean Desessard. Et l’absentéisme des sénateurs UMP !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je voudrais également attirer votre attention, madame le ministre, sur la réduction à soixante jours des délais de paiement prévue à l’article 6. Une telle mesure était indispensable alors même que, dans la plupart des autres pays, les clients paient dès la réception ou à trente jours maximum.
Il conviendrait toutefois de réfléchir au maintien d’un délai de quarante-cinq jours pour les libraires indépendants, profession, qui vous le savez, est particulièrement menacée, qui a besoin d’être protégée et de pouvoir garder plus longtemps en référence un certain nombre d’ouvrages essentiels.
Cette mesure était vitale pour les PME.
Sans doute pourrions-nous également aller au-delà de cette mesure en impliquant davantage les banques. Une PME dont la facture n’est pas honorée se voit compter des agios si elle est à découvert. Il faudrait sans doute permettre une communication du bordereau à la banque afin que cette dernière puisse engager une procédure de recouvrement auprès de la banque du client. Ainsi, la PME serait garantie et pourrait, par conséquent, se projeter dans l’avenir, et donc investir, changer de statut, mieux exporter ou créer davantage d’emplois.
Mais au-delà des domaines précis abordés dans ce projet de loi, c’est toute une culture qu’il faut changer et un vrai esprit d’entreprise et d’engagement qu’il nous faut créer en France pour faire revenir la croissance. Nous devons remettre le travail au cœur de notre société, afin qu’il en redevienne une valeur intrinsèque.
La réalité de certains sondages comparatifs est, à cet égard, insupportable : interrogés sur le parcours idéal à leurs yeux, l’immense majorité des élèves des classes d’affaires en Grande-Bretagne ou aux États-Unis se voient réussir à la tête d’une entreprise qu’ils auraient eux-mêmes créée, alors que les élèves français rêvent plutôt, eux, d’intégrer un grand groupe, avec tout ce que cela peut représenter de sécurité. (Mme Nicole Bricq hoche la tête.)
Audaces fortuna juvat est un proverbe latin que je cite souvent et qu’il me semble important de répéter. Il nous faut, en effet, donner à nos jeunes compatriotes le sens du risque, le goût de la création d’entreprise et de la mobilité, la notion du devoir avant celle des droits, car c’est seulement à ce prix que nous accroîtrons notre rayonnement économique. Cela, me semble-t-il, passe aussi par un enseignement ciblé, dès la sixième peut-être, sur ce que sont les enjeux économiques et ceux du monde de l’entreprise.
Mme Nathalie Goulet. Par l’enseignement des langues étrangères !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Le volet « attractivité du territoire » de ce projet de loi me paraît fondamental, mais vous ne vous étonnerez pas qu’en tant que sénateur des Français de l’étranger je veuille également évoquer son indispensable corollaire, le dynamisme de notre pays au-delà des frontières extérieures et la conquête de nouveaux marchés.
Mais revenons-en au volet « attractivité du territoire ». Le baromètre de l’attractivité du site France que publie un grand cabinet international place notre pays en 2007 à la deuxième place européenne en nombre d’implantations internationales et à la cinquième place en nombre d’emplois. L’attractivité existe donc déjà.
M. Jean Desessard. Alors, à quoi sert ce texte !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il suffit d’évoquer l’expression allemande du bonheur « wie Gott in Frankreich » pour savoir que la France est encore souvent considérée comme un pays de cocagne où la qualité de vie est l’une des meilleures du monde.
M. Jean Desessard. Tant mieux !
M. Thierry Repentin. On a du mal à suivre !
M. Philippe Marini, rapporteur. Réjouissons-nous, mes chers collègues, cela est très positif ! Je ne vois pas ce qui vous gêne !
M. Jean-Pierre Bel. Cela nous interpelle !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Certains de mes collègues devraient davantage aller voir dans d’autres pays ce qui s’y passe. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Laissez s’exprimer l’oratrice !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, nous, les membres de la majorité, nous avons l’habitude de ces interruptions permanentes de nos collègues de l’opposition, qui n’ont d’autre objet que de couvrir la voix des orateurs. (M. Thierry Repentin s’exclame.)
Pourquoi ne réussissons-nous pas mieux ? Si nous interrogeons nos amis étrangers, la réponse à cette question est simple : trop d’impôts, trop de bureaucratie, une réglementation excessive et abusive du travail, pas assez de souplesse ou de mesures d’incitation ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
En France, la création ou l’installation d’une entreprise est considérée comme un parcours du combattant. Il nous faut absolument simplifier et rationaliser nos procédures, faciliter les démarches des investisseurs, développer dans notre pays la notion d’accueil et de service.
Certes, les mesures incitatives relatives à l’obtention d’une carte de séjour ou de résident constituent des éléments extrêmement intéressants. Toutefois, c’est à l’étranger, dans nos consulats, que devrait toujours commencer la démarche d’intensification de l’attractivité de notre pays. Notre collègue Adrien Gouteyron, par ailleurs vice-président du Sénat, ne s’y est pas trompé dans l’excellent rapport qu’il a consacré aux ambassades et consulats français à l’étranger.
C’est pour cette raison que j’ai proposé un amendement visant à accorder une certaine priorité dans l’obtention des visas aux responsables et acteurs économiques, connus de nos autorités diplomatiques ou consulaires ou de nos responsables locaux – chambres de commerce, conseillers du commerce extérieur ou Assemblée des Français de l’étranger –, pouvant se porter, dans une certaine mesure, garants de leur légitimité. Une liste de ces acteurs serait actualisée à l’ambassade et pourrait donc servir également d’outil de travail.
En effet, combien de marchés ou d’affaires n’avons-nous pas ratés parce que ces acteurs économiques n’arrivaient pas à obtenir un visa dans des délais raisonnables ou se le voyait refuser sans la moindre explication ?
J’ai d'ailleurs eu l’occasion d’intervenir sur cette question tout récemment, lors de notre débat relatif à la politique étrangère de la France, et de souligner la nécessité d’une meilleure appréhension de notre présence diplomatique et consulaire, notamment en ce qui concerne la formation, la compétence et la durée du séjour de nos agents à l’étranger. Je n’y insisterai donc pas.
En tout cas, notre présence culturelle et audiovisuelle doit absolument être soutenue – j’y reviendrai dans le cadre de la discussion des amendements.
Toutefois, à l’heure où notre déficit commercial bat tous les records, à près de 40 milliards d’euros en 2007, je voudrais simplement souligner combien nous devons veiller à l’image de la France, telle qu’elle se trouve véhiculée à l’étranger par les médias, mais aussi au respect des principes de souveraineté.
Combien d’États ne se sont-ils pas offusqués que des journalistes français prennent fait et cause pour un parti politique donné, sans rechercher l’impartialité ou même sans le moindre souci de la sécurité de nos compatriotes expatriés ?
Néanmoins, cette attractivité passe aussi par l’accueil dans nos aéroports. Si le nouveau terminal de Roissy constitue une magnifique réussite architecturale, qu’il convient de saluer, le processus d’entrée sur notre territoire mérite d’être largement réexaminé, et il serait utile, me semble-t-il, de procéder à un audit sur cette question.