Mme Nicole Bricq. Dites-le à M. Brice Hortefeux !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Quelle image la France donne-t-elle, lorsque, à l’arrivée très matinale de vols internationaux, des centaines de passagers doivent faire des queues interminables parce que le nombre des guichets de contrôle se limite à un ou deux ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur. C’est la vérité !
M. Jean Desessard. Cela ne va pas ! C’est le bazar et pourtant cela a été privatisé !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Combien de passagers étrangers se sont-ils jurés, en quittant notre pays, de ne plus y revenir, excédés eux aussi par les attentes interminables au contrôle des passeports ?
Mme Nicole Bricq. Et à l’entrée aux États-Unis, il n’y a pas de queues interminables ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame Bricq, j’ai connu des files d’attente bien moins longues aux États-Unis qu’en France à cinq heures du matin !
En fait, c’est tout un état d’esprit qui doit être transformé, et nous ferions bien de nous inspirer de certains États partenaires pour inculquer à tous ceux qui se trouvent en contact avec des étrangers, qu’ils soient policiers, douaniers ou chauffeurs de taxi, la notion d’accueil et de service.
Ne pourrait-on, par exemple, prévoir l’impression d’une petite fiche « Bienvenue en France » (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste),…
M. Thierry Repentin. C’est mignon !
Mme Odette Terrade. Bienvenue aux sans-papiers ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. …qui pourrait donner quelques indications de base aux touristes,…
M. Michel Billout. L’emplacement des centres de rétention !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. …que ceux-ci viennent en France pour leur agrément ou pour affaires ? Cette fiche comporterait, par exemple, les numéros de téléphone essentiels, ou expliquerait qu’il y a, au-delà du chiffre affiché au compteur des taxis, des suppléments liés au nombre de bagages.
Il s'agirait d’une mesure toute simple, qui éviterait peut-être ces réactions très dommageables que vous pourriez lire dans la presse internationale, mes chers collègues de l’opposition,…
Mme Nicole Bricq. On la lit ! Pas de leçons !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. …selon lesquelles il faut éviter la France parce qu’il y a des fraudeurs dans ce pays ! (Marques de lassitude sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Thierry Repentin. Et des gens qui ne respectent pas leur temps de parole !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Vos amis n’ont pas respecté les leurs ! (M. Thierry Repentin martèle son pupitre.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ne pourrait-on apprendre à nos administrations que la culture de nombreux pays implique que l’on réponde toujours à une lettre dans les jours qui suivent sa réception ? Nous aurions d’autant plus intérêt à appliquer cette méthode, qui participe d’un élémentaire respect, lorsque nous traitons avec des étrangers. C’est avec de petits gestes comme ceux-ci que l’on perd ou gagne du crédit et des possibilités d’influence.
Nous avons besoin d’une véritable stratégie, avec un plan d’action à moyen et à long terme. La semaine dernière, nous auditionnions dans le cadre de la commission des affaires étrangères et de la défense l’auteur d’un rapport sur l’expertise internationale, qui dénonçait l’affaiblissement considérable de notre présence dans les instances internationales.
J’ajouterai une simple question, qui ne figurait pas dans ce rapport : comment se fait-il que les pays d’Europe centrale ou orientale aient sollicité l’expertise des États-Unis, avec un financement de la Banque mondiale, pour créer des écoles nationales de la magistrature, alors même qu’il n’existe pas d’établissements de ce type aux États-Unis et que, vous le savez, les magistrats y sont élus ? Nous, pourtant, nous disposons d’écoles de ce genre, reconnues pour leur excellence, et notre tradition juridique s’apparente davantage à celle de ces pays. Une réflexion sur cet échec nous permettrait sans doute de progresser quant au comportement à adopter en ce domaine…
Nous avons besoin de coordonner nos efforts en matière d’économie internationale, de coopération et de développement. Nous avons besoin de sélectionner les meilleurs talents, les meilleurs chercheurs, ce qui passe non seulement par une redynamisation de nos réseaux, comme Campus France, mais aussi par un soutien accru à nos lycées français à l’étranger. Toutefois, encore faut-il pouvoir accorder des visas et des bourses et accueillir dans de bonnes conditions d’encadrement ces étudiants !
Pour créer de nouveau un cercle vertueux, où le respect – si important, comme notre débat d’aujourd'hui l’a montré ! – figurerait au centre de notre politique, nous avons besoin d’un grand sursaut national et de plus d’audace dans les réformes, même et surtout si celles-ci sont difficiles.
Madame le ministre, vous avez parlé fort justement de courage. Ce projet de loi s’inscrit dans cette logique, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, à ce stade de notre débat tout a sans doute été dit. Cependant, je voudrais saluer l’engagement difficile, mais nécessaire, du Gouvernement, qui doit s’inscrire, me semble-t-il, dans la perspective du développement durable.
Certes, les chiffres du chômage sont encourageants, mais la confiance des Français dans l’avenir se trouve entamée. Si l’inflation est annoncée à un niveau élevé mais, somme toute, encore raisonnable, la hausse du coût des denrées alimentaires et, bien entendu, de l’énergie, atteint des sommets.
Ces augmentations de prix pèsent sur le budget des ménages. Pour ce qui est de l’alimentaire, nous devons bien évidemment nous poser des questions. Il faut agir pour contenir les prix aussi équitablement que possible. Tel est l’objectif que vise le présent projet de loi, à travers le renouveau de la libre concurrence au profit des consommateurs. Je le répète, il s'agit d’une évolution tout à fait positive.
Je voudrais féliciter nos collègues Laurent Béteille, Élisabeth Lamure et Philippe Marini, pour la qualité du travail de la commission spéciale chargée de l’examen de ce texte, sous la houlette compétente de notre collègue Gérard Larcher. Pourtant, d’une manière sans doute un peu provocatrice, je veux commencer par me réjouir de ce qui est absent de ce texte – je veux parler de l’urbanisme.
Je me félicite que l’on s’éloigne de ce concept illusoire d’« urbanisme commercial », qui ne traite en général que de commerce et méconnaît les préoccupations d’aménagement du territoire. J’en demande pardon à MM. Gérard Longuet et Thierry Repentin, mais nous pourrions nous retrouver, me semble-t-il, sur l’idée que c’est le mode de vie qui affecte l’urbanisme,…
Mme Nicole Bricq. Absolument !
M. Ambroise Dupont. …même si on peut aussi affirmer que c’est l’inverse !
Les quelques dispositions du projet de loi qui tendent à se raccrocher au code de l’urbanisme ne me paraissent pas suffisantes pour que l’on ait le sentiment d’avoir abordé le problème de la ville et les évolutions préoccupantes de celle-ci, c’est-à-dire l’étalement urbain et la diminution, voire la disparition, de l’activité commerciale des centres-villes.
Pour autant, le texte présenté aujourd’hui est naturellement dense et il couvre un spectre de sujets très large. Il va des mesures d’encouragements aux entrepreneurs, qui sont indispensables et bienvenues, à la relance de la concurrence, au renforcement de l’attractivité du territoire et à l’amélioration du financement de l’économie.
Je me limiterai à certaines dispositions du titre II du projet de loi, intitulé « Mobiliser la concurrence comme nouveau levier de croissance », en particulier à deux axes du texte. En premier lieu, la mise en place de saines conditions de concurrence permettra une revitalisation du commerce en centre-ville. En second lieu, il faut espérer que celle-ci participera à l’amélioration des rapports entre producteurs et distributeurs.
Le développement de la grande distribution a consisté en l’implantation d’installations commerciales de plus en plus loin du centre-ville et des lieux de résidence. Cette extension constante des périphéries de nos agglomérations s’est souvent réalisée au détriment à la fois de la qualité des entrées de villes et de l’activité en centre-ville.
Les commerces centraux ont été étouffés par la concurrence des grandes surfaces. Les boutiques de détail se sont raréfiées en centre-ville, alors qu’elles constituent le principal facteur d’animation de nos quartiers et que, au-delà du service rendu au public par le commerce de proximité, elles créent aussi, et peut-être avant tout, du lien social.
Il ne s’agit pas seulement ici d’une question de commerce, mais bien d’un problème de société. Les petits commerces constituent l’âme des centres-villes, un lieu de vie, de rencontres et de convivialité, un facteur essentiel de notre qualité de vie menacée. C'est pourquoi je pense que l’attention que leur porte Jean-Pierre Raffarin est plus qu’utile : elle est indispensable.
Comment alors restaurer des lieux de vie, d’échange et de convivialité en centre-ville ? Je pense que les mesures mises en place par l’article 27 du présent projet de loi peuvent contribuer, sous certaines réserves, à restaurer l’attractivité des centres-villes pour les commerces. Elles devraient permettre de rendre au commerce un pouvoir et même un devoir d’imagination en centre-ville.
Tout d’abord, en ce qui concerne les autorisations d’équipements commerciaux, je me félicite du maintien d’une procédure collégiale et du renforcement du rôle des élus au sein des nouvelles commissions départementales d’aménagement commercial. En effet, ce sont eux qui connaissent le mieux leur territoire et ses équilibres et qui assument régulièrement la responsabilité de leurs choix. Il me paraît donc juste qu’ils détiennent la majorité des sièges au sein des nouvelles commissions.
En revanche, les quelques dispositions de l’article 27 qui concernent les SCOT, les schémas de cohérence territoriale, et les PLU, les plans locaux d’urbanisme, me paraissent difficiles à mettre en œuvre, compte tenu de la diversité des SCOT, voire de leur absence dans certaines zones.
En outre, si les documents d’urbanisme ont fait leurs preuves au service de l’organisation harmonieuse du territoire, ils ne peuvent équilibrer la concurrence. Et si l’on objecte que la définition de zones d’aménagement commercial inciterait à la conclusion de SCOT dans les régions où ceux-ci sont absents, cet argument ne me semble pas très convaincant, car alors il faudrait prendre en compte le temps d’élaboration de ces schémas, soit quatre à cinq ans au minimum.
Le projet de loi porte ensuite une réforme des seuils d’autorisation. En tant que membre de la commission des affaires culturelles, je tiens à souligner l’importance de l’article 28, qui dispose que la création de cinémas de plus de 300 places nécessite une autorisation de la commission départementale d’aménagement commercial. Il faut préserver la richesse de l’offre culturelle sur nos territoires et prendre en compte l’effet sur la diversité cinématographique dans la zone concernée ainsi que l’impact sur l’aménagement culturel du territoire et sur l’environnement.
L’implantation sans limites de multiplex serait tout à fait dommageable pour cette diversité. Certains de nos voisins européens ont vu disparaître totalement les salles indépendantes et les petits cinémas de quartier. Mes chers collègues, ne suivons pas leur exemple !
Enfin, le relèvement du seuil d’autorisation des projets d’équipement commerciaux de 300 mètres carrés à 1 000 mètres carrés devrait favoriser le développement de nouvelles surfaces en centre-ville et redynamiser ainsi une concurrence qui n’existe plus dans de trop nombreuses zones. Toutefois, madame la ministre, soyez attentive aux producteurs et à la production française.
Le relèvement du seuil d’autorisation pour les projets d’équipement commerciaux vise à restaurer les conditions d’une meilleure concurrence entre distributeurs, afin de favoriser la baisse des prix.
C’est en effet entre les distributeurs qu’il convient de recréer une concurrence qui, trop souvent, n’existe plus. Les producteurs et les transformateurs, comme les industriels, ne sont pas responsables de la hausse des prix alimentaires. Leurs coûts de production, en particulier l’énergie, ont considérablement augmenté et, finalement, leurs marges se sont réduites. Je souhaite me faire ici l’écho de leurs vives préoccupations.
Face à une multitude de producteurs, qui disposent d’un savoir-faire unique, comme l’attestent les marques et les AOC, les appellations d’origine contrôlées, une poignée de centrales d’achat se trouvent en position de force pour tirer les prix vers le bas. Toutefois, ces pressions à la baisse ne profitent pas aux consommateurs. Il convient donc de relancer la concurrence entre distributeurs.
C'est pourquoi le seuil d’autorisation fixé à 1 000 mètres carrés constitue une disposition importante. L’ancien seuil de 300 mètres carrés n’avait pas permis de préserver les petits commerces auxquels nous tenons. Il faut ouvrir les centres-villes aux moyennes surfaces ; c’est la contrepartie de la négociabilité des conditions de vente. Avant tout, c’est entre distributeurs que la concurrence doit jouer si nous voulons contenir les prix sans déstructurer notre tissu productif.
Or c’est dans le domaine de la grande distribution que la concurrence est faussée. En effet, certaines enseignes disposent de quasi monopoles locaux. Et ce n’est pas un hasard si, dans les zones où un plus grand nombre d’enseignes sont présentes, les prix sont moins élevés que dans des zones où la concurrence ne joue pas. Les marges de la distribution sont souvent confortables, alors qu’à chaque bout de la chaîne les producteurs et les consommateurs sont vulnérables.
Pourtant, si j’approuve les dispositions prévues dans le projet de loi, je souhaite vous faire part de mes espoirs et de mes doutes quant à leur résultat.
En effet, les questions de relations commerciales, de concurrence et d’équilibre des prix sont complexes, chacun le sait. Pour ma part, je les aborde avec humilité et empirisme. Nous savons que certaines lois visant à la modération des prix et à l’équilibre des rapports entre producteurs, distributeurs et consommateurs ne sont pas parvenues aux résultats escomptés.
Je souhaite aussi vous faire part de l’inquiétude des élus sur la réforme du seuil du versement transport qui, en vertu de l’article 12 du projet de loi, passera de neuf à dix salariés. Je me félicite de la volonté du Gouvernement d’alléger les charges des PME, particulièrement lorsqu’elles pèsent directement sur l’emploi. Cette mesure aura pourtant un effet négatif sur le développement des transports publics, alors que le Grenelle de l’environnement tendait à favoriser les transports en commun. En outre, il appartiendra aux collectivités locales de prendre à leur charge le déficit des syndicats de transport urbain. Est-ce opportun ?
En définitive, le titre II comporte des dispositions intéressantes tant en matière d’autorisation d’équipements commerciaux qu’en ce qui concerne les rapports commerciaux entre distributeurs et producteurs. Nous sommes d’accord : la modernisation doit se faire au profit des consommateurs, sans pour autant écraser les producteurs de produits agricoles et ceux qui les transforment. Il faudra être vigilant. C’est pourquoi je compte sur vous, madame la ministre. D’une manière générale, la réussite de ces mesures dépendra de l’action de l’Autorité de la concurrence. Je me réjouis des véritables pouvoirs de sanction dont elle est dotée. Souhaitons qu’elle soit à la hauteur de sa tâche.
Je ne reprendrai pas le sujet évoqué par notre collègue Philippe Leroy sur le haut débit et le numérique. Je me contenterai de préciser que j’y attache autant d’importance que lui : c’est une nécessité pour l’égalité des territoires et leur aménagement.
En conclusion, je reviendrai sur la notion d’urbanisme commercial contre laquelle je me suis insurgé au début de mon intervention. Pour moi, l’urbanisme est le cadre de l’organisation de notre vie, de l’aménagement du territoire, du développement durable ; le commerce est une force attractive si puissante qu’elle fait exploser, en la soumettant, toute volonté de qualité urbaine. Il faudra bien, me semble-t-il, grâce à la volonté des élus, la faire un jour entrer dans le cadre général du code de l’urbanisme. Mais c’est, à juste titre, un autre sujet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président de la commission spéciale, vous avez eu raison de situer ce débat dans le contexte qui est le sien, à savoir la défense de l’économie française et sa modernisation dans le cadre d’une mondialisation où la France doit pleinement jouer son rôle.
Monsieur Béteille, vous avez évoqué, à juste titre, l’assoupissement de la France, auquel nous répondons par certaines mesures d’assouplissement, grâce au vent de liberté que nous souhaitons faire souffler sur l’économie française. Et c’est bien dans la perspective de poursuivre le programme ambitieux de réformes qu’il a mis en œuvre que le Gouvernement propose aujourd'hui des dispositions au service d’objectifs fondamentaux : davantage de croissance, davantage d’emplois, davantage d’entrepreneurs, davantage de concurrence et davantage de pouvoir d'achat.
M. Jean Desessard. C’est simpliste !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je sais qu’il s’agit d’une logique qui paraît un peu simpliste, mais je m’en expliquerai dans un instant, et vous aurez alors tout loisir d’en juger.
Les grandes caractéristiques de ce projet de loi ont été parfaitement résumées par Mme le rapporteur, Élisabeth Lamure : équilibre, réalisme, prospective. Le travail considérable mené par les rapporteurs et l’ensemble de la commission spéciale nous a fait progresser dans cette voie.
Pour atteindre ces objectifs ambitieux, le Gouvernement a une feuille de route. Monsieur Marini, pour vous, le grand escalier de la compétitivité compte sept marches, les plus importantes. Pour ma part, même si le chiffre sept est magique, je considère qu’il y en a plus encore : chaque article de ce texte dense représente une marche.
Oui, des inquiétudes peuvent survenir au gré de tel ou tel article. Oui, il faut parfois aller à l’encontre d’un certain nombre d’intérêts bien établis, de petites forteresses, de petites niches, de petites rentes. Ce sera tout à l’honneur de la Haute Assemblée que de savoir tout à la fois en tenir compte et parfois y résister. Le Sénat trouvera sa légitimité en préservant l’intérêt général plutôt que les intérêts particuliers, surtout lorsque ce sera l’ensemble de nos concitoyens qui en tirera profit.
Pour cela, le Gouvernement a choisi un axe clair, je l’ai rappelé : plus d’entreprises pour plus de concurrence. Je comprends bien que la politique qui consiste à choisir de faire souffler un vent de liberté et non à maintenir un mécanisme d’administration de notre économie ne plaise pas à tout le monde. À écouter certains d’entre vous, j’avais l’impression d’être face à des doctrinaires en quête de principes d’un autre temps,...
Mme Nicole Bricq. Vous ne faites pas d’idéologie, vous !
Mme Christine Lagarde, ministre. ...dans un cadre totalement dépassé où je me demande quelle place a l’Europe, dont nous verrons tout à l’heure briller les étoiles sur une Tour Eiffel soudain nimbée de bleu. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit.)
Il est vrai que l’on me cherche souvent querelle en matière de politique économique, en me demandant s’il s’agit d’une politique de l’offre ou d’une politique de la demande, d’une politique macroéconomique ou d’une politique microéconomique, d’une politique monétaire, budgétaire, fiscale ou d’une politique de la concurrence.
Mme Nicole Bricq. On ne vous l’a pas demandé !
Mme Christine Lagarde, ministre. Eh bien ! sachez que c’est un peu tout cela à la fois, dans une Europe qui reste fermement attachée aux objectifs de l’agenda de Lisbonne, qui souhaite promouvoir l’Europe de la connaissance et permettre à la France de jouer pleinement son rôle.
Mme Nicole Bricq. En économie, il y a des fondamentaux !
Mme Christine Lagarde, ministre. Pour atteindre les trois objectifs fondamentaux que j’ai rappelés à de multiples reprises, mais que je suis heureuse de mentionner à nouveau, à savoir la compétitivité des entreprises, qu’elles soient privées ou publiques, l’employabilité des acteurs de l’économie, qu’il s’agisse des salariés ou des fonctionnaires, l’attractivité du site « France », notamment pour faire en sorte que les entreprises y prospèrent et que les investissements directs étrangers viennent s’y implanter, nous serons ravis d’utiliser tous les leviers disponibles dans le cadre de politiques le plus souvent définies à l’échelon européen.
Certains d’entre vous ont parlé de « jungle », de « zoo ». Lacordaire a même été cité, certes avec beaucoup de talent, mais de façon un peu tronquée, puisqu’il me semble qu’il a déclaré plus précisément : « Entre le pauvre et le riche, entre le maître et l’esclave, entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui libère. » C’est bien l’honneur de votre assemblée que de forger cette loi et de permettre la régulation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez certains que nous utiliserons tous ces mécanismes.
D’aucuns ont évoqué la loi TEPA adoptée l’été dernier : loi scélérate, loi fatale !
Mme Nicole Bricq. Loi funeste !
Mme Christine Lagarde, ministre. Permettez-moi de m’arrêter un instant sur le paquet fiscal, qui bénéficie à près de 90 % de nos concitoyens, notamment à ceux qui effectuent des heures supplémentaires. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Je souhaiterais que vous vous adressiez aux millions de salariés profitant aujourd'hui des dispositions relatives aux heures supplémentaires, qui leur permettent d’accroître leur pouvoir d'achat de trois manières : d’abord par l’augmentation du taux horaire, ensuite par l’exonération des charges sociales, enfin par l’exonération fiscale. Je ne pense pas qu’ils seraient d’accord avec vous pour considérer qu’il s’agit d’une « loi fatale », d’autant que l’on observe, mois après mois, depuis son entrée en vigueur le 1er octobre dernier, que le nombre d’entreprises y ayant recours augmente régulièrement...
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas ce que disent les statistiques ! Demandez à Xavier Bertrand !
Mme Christine Lagarde, ministre. ...et que 55 % des entreprises mensualisent aujourd'hui leurs cotisations. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur. Très juste ! Très utile rappel !
Mme Christine Lagarde, ministre. La loi TEPA a permis de réhabiliter la valeur travail au sein de notre économie.
Mme Nicole Bricq. Il faut que cela profite à ceux qui la créent !
Mme Christine Lagarde, ministre. Créer de la valeur travail dans notre économie est indispensable à tous les échelons, en particulier pour ceux qui effectuent un travail salarié.
La loi TEPA a également permis de conduire une politique de la demande parfaitement légitime et tout à fait opportune en termes de calendrier. Le Gouvernement injecte de l’argent dans l’économie et met en place les moyens d’augmenter le pouvoir d'achat. Cela représente 15 milliards d'euros en année pleine, 90 % au bénéfice de l’intégralité des Français, notamment par le biais des heures supplémentaires.
Certes, c’est un peu tôt, c’est même un peu plus tôt que les États-Unis, qui ont mis en place exactement le même plan de relance à un niveau un peu plus élevé. Dans un cadre identique, M. Zapatero a engagé en Espagne une politique de relance de l’offre, parce que les circonstances internationales le requerraient.
Tout cela est passé sous silence, car la politique de l’offre n’arrange pas tout le monde. J’en veux pour preuve le crédit d’impôt recherche, que l’on oublie souvent de mentionner, ...
Mme Nicole Bricq. On va y venir ! On ne peut pas tout dire !
Mme Christine Lagarde, ministre. ...alors qu’il a pour effet de renforcer non seulement l’attractivité de la France, mais aussi la capacité d’innovation de nos entreprises, notamment en recherche-développement.
Ce sont donc deux mesures importantes en termes d’amélioration tant de la politique de la demande que de la politique de l’offre.
En outre, nous souhaitons renforcer considérablement la politique de la concurrence, au travers du titre II de ce projet de loi.
Tels sont les éléments que je souhaitais rapidement rappeler à ceux d’entre vous qui ne parviennent pas à lire une politique économique un peu moderne,...
Mme Nicole Bricq. Il n’y en a pas !
M. Jean Desessard. Vous avez annoncé 3 % de croissance cette année !
Mme Christine Lagarde, ministre. ...qui s’inscrit dans une logique où la politique monétaire est déterminée de manière collective au sein de l’Union européenne et où la politique budgétaire est convenue par accord avec nos partenaires européens.
En utilisant à la fois l’outil fiscal et l’instrument de la concurrence, nous mettons en œuvre une politique économique fondée, premièrement, sur la compétitivité, deuxièmement, sur l’employabilité, troisièmement, sur l’attractivité.
M. Jean Desessard. Quatrièmement, sur le discours !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je veux également mentionner un certain nombre de chiffres concernant l’emploi, car je suis moi aussi un peu lasse d’entendre à gauche de certains hémicycles que les progrès réalisés en matière d’emploi – le taux de chômage atteint aujourd'hui 7,2 %, ce qui est inégalé depuis vingt-cinq ans – ne recouvriraient finalement que des emplois au rabais, des petits emplois précaires.
Mme Nicole Bricq. Ce sont les services de votre collègue Xavier Bertrand qui le disent !
Mme Christine Lagarde, ministre. Madame Bricq, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention, ayez la gentillesse d’en faire autant !
Mme Nicole Bricq. C’est faux, vous n’avez pas arrêté de parler durant mon intervention !
Mme Christine Lagarde, ministre. Les chiffres publiés par la DARES sont très précis ! En 2007, l’emploi précaire – CDD ou temps partiel –, n’a pas du tout augmenté. Donc, cessons d’énoncer des contre-vérités en matière d’emploi : ont été créés 352 000 emplois en 2007 et 70 000 emplois dans le secteur marchand et non-marchand au premier trimestre 2008. Ce sont des emplois en plus, des salaires en plus et du pouvoir d'achat en plus pour l’ensemble de nos concitoyens qui en bénéficient.
J’en viens maintenant aux aspects plus techniques de ce débat.
Vous avez été nombreux – je pense à l’ensemble des rapporteurs, ainsi qu’à Richard Yung – à vous émouvoir ou à commenter le recours aux ordonnances, auquel, je le sais, toute assemblée est rétive, voire parfois hostile.
Ce texte inclut en effet un certain nombre d’habilitations à légiférer par ordonnances. Il s’agit non pas d’une négation des droits du Parlement, mais d’une nécessité au vu du caractère technique de certaines dispositions – vous l’avez relevé les uns et les autres –, surtout dans le contexte international que nous connaissons et qui nous oblige à légiférer dans l’urgence.
Monsieur Marini, vous avez rappelé que cela n’empêchait pas le Sénat de préciser le champ d’application de ces ordonnances, le cas échéant. En outre, les travaux préparatoires menés par la commission spéciale ont montré que, sur certaines mesures essentielles, il était possible de mettre à profit le débat parlementaire pour les intégrer à la loi. Ainsi, monsieur Béteille, vous nous proposez d’introduire dans le texte les dispositions relatives à l’extension de la fiducie aux personnes physique...