M. le président. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. Voilà quelques semaines, avant l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi dont nous débattons, le communiqué suivant a été rendu public : « L’Assemblée nationale examine une réforme très importante du livret A. Les signataires souhaitent attirer son attention sur les risques que comporte le texte actuel et lui proposer des améliorations.
« Comme l’a demandé la Commission européenne, le projet de loi ouvre la distribution du livret A à l’ensemble des banques, mais il va très au-delà de cette demande et peut mettre en danger deux services d’intérêt général reconnus par Bruxelles : l’accessibilité bancaire et le financement du logement social.
« La réforme a pour effet l’abandon de la centralisation complète du livret A.
« Le taux de 70 % de centralisation de la collecte livret A-LDD, auquel s’était engagé le Gouvernement, ne figure pas dans la loi : en laissant une part non définie de la collecte à la disposition du secteur bancaire, la réforme crée un risque de confrontation entre les intérêts des banques et ceux du logement social si, au-delà d’une probable période de hausse, la collecte subit des fluctuations.
« En cantonnant l’accessibilité bancaire liée au livret A à La Banque Postale, la réforme spécialise les réseaux par type de clientèle, et met à la charge des fonds d’épargne, donc du logement social, le coût supplémentaire de ce service, qui s’ajoutera à celui de la rémunération des banques.
« En l’état, le texte ne répond donc pas, dans la durée, aux conditions posées par le Président de la République à l’ouverture de la distribution : sécurité de la collecte pour le logement social et diminution du coût des prêts.
« Les signataires demandent en conséquence :
« Le principe d’une centralisation complète de la collecte du livret A, ou à défaut l’inscription dans la loi d’un taux minimum de centralisation fixé à 70 % de la collecte des livrets A et LDD, le seuil-plancher prévu par le texte intervenant comme clause de sauvegarde.
« L’affectation garantie de la ressource au logement social : d’autres emplois d’intérêt général ne doivent être autorisés qu’en cas d’excédents constatés.
« Une gouvernance et un contrôle de la Caisse des dépôts prenant en compte son rôle dans le financement du logement social, et le caractère non discriminatoire des prêts selon les organismes et les territoires.
« La prise en charge par l’ensemble des banques distribuant le livret A de l’accessibilité bancaire. À défaut, la garantie dans la loi du non-report sur les prêts en cours ou à venir au logement social du coût du service assuré par la Banque Postale.
« Un encadrement clair et rigoureux de la rémunération des banques.
« La répercussion complète de toute baisse du coût de la ressource sur le coût des prêts en cours ou à venir au logement social, pour soutenir la production et favoriser des loyers accessibles aux ménages à ressources modestes.
« L’engagement du Gouvernement à ne pas diminuer les subventions aux opérations de logement social, ce qui aboutirait à supprimer le seul effet positif de la réforme sur l’équilibre des opérations et le niveau des loyers. »
Ce communiqué a été publié le jeudi 29 mai 2008.
Suit la qualité des signataires : « Marc Censi, président de l’Assemblée des communautés de France, Jacques Bigot, président de l’Association des communautés urbaines de France, Michel Destot, président de l’Association des maires de grandes villes de France, Martin Malvy, président de l’Association des petites villes de France, Bruno Bourg-Broc, président de la Fédération des maires des villes moyennes, André Laignel, secrétaire général de l’Association des maires de France, Michel Delebarre, président de l’Union sociale pour l’habitat. »
Une telle prise de position impose que nous ne légiférions pas à la légère. Il est manifeste que le texte que nous examinons aujourd’hui ne recueille aucunement le soutien large que le Gouvernement était en droit d’attendre d’une telle disposition.
Bien au contraire, de nombreux élus, de sensibilité proche du Gouvernement, trouvent que la réforme qui nous est proposée présente nombre de défauts.
Je tenais, au moment où nous engageons la discussion de cet article, à faire état de cette prise de position parce qu’elle nous amène tous à nous interroger et montre à quel point les associations d’élus sont légitimement préoccupées par ce qui se prépare.
M. le président. Je rappelle au Sénat que, pour la clarté des débats, il a été décidé, sur proposition de la commission spéciale, d’examiner en premier lieu les amendements tendant à la suppression de l’article 39.
Je suis donc saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 371 est présenté par Mme Bricq, MM. Massion, Repentin, Angels et Collombat, Mme Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Pastor, Raoul, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 979 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 890 rectifié est présenté par Mmes Beaufils, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l’amendement n° 371.
M. Thierry Repentin. La décision de la Commission européenne de banaliser la distribution du livret A en France, pour mettre fin à la situation de monopole actuelle, a – dois-je le rappeler ? – fait l’objet d’un recours déposé le 23 juillet 2007 par l’État français. À ce jour, la décision de justice n’a toujours pas été rendue.
En fait, ce recours n’avait pour objet, du point de vue du Gouvernement, que de gagner du temps, ce dernier ayant renoncé, parallèlement, à défendre les spécificités de l’épargne réglementée des Français, tout en élaborant une réforme, dans l’urgence – d’ailleurs le projet de loi a été déclaré d’urgence –, d’un livret A dont l’histoire ancienne a marqué autant nos concitoyens que les vénérables institutions que sont La Poste, les Caisses d’épargne et le Crédit mutuel.
Le livret A, c’est l’épargne populaire. Mais le Gouvernement a saisi l’occasion qui lui était donnée pour mettre en œuvre, dans le domaine de l’épargne – il le fait d’ailleurs aussi dans d’autres domaines –, une politique de dérèglementation et de remise en cause d’un dispositif ancien, qui a pourtant fait ses preuves de service public et de solidarité.
Les mesures contenues dans l’article 39 du projet de loi de modernisation de l’économie vont bien plus loin que la simple généralisation de la distribution du livret A par les banques, car elles remettent en cause la centralisation complète des fonds collectés auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Or, rien ne justifie l’abandon de ce mécanisme de centralisation. En tout cas, l’Union européenne n’a pas demandé l’adoption d’une telle disposition.
Remettre en cause cet équilibre est dangereux pour l’avenir du financement du logement social, car rien ne garantit, à terme, un niveau de collecte suffisant. L’expérience de la transformation de l’ancien livret CODEVI en livret de développement durable le démontre.
En outre, aucune garantie réelle n’est apportée en ce qui concerne le renforcement ou, simplement, le maintien de l’accessibilité bancaire des plus démunis : seule la Banque Postale serait transformée en banque des plus fragiles, alors que les autres établissements bancaires n’auraient à assumer aucune véritable contrainte et pourraient choisir leur clientèle !
Enfin, le recours intenté par l’État français ne sera pas interrompu par l’adoption éventuelle du projet de loi. À moins que l’État ne retire ce recours, nous verrons alors comment la juridiction saisie jugera la législation française éventuellement modifiée !
La Commission européenne n’a rien demandé d’autre que de mettre fin au monopole de la distribution. Jamais elle n’a demandé de remettre en cause la centralisation des fonds collectés, ni la rémunération des opérateurs bancaires. Elle a même reproché au Gouvernement français de ne pas l’avoir associée à sa démarche et de passer par pertes et profits les services d’intérêt économique général, auxquels concourt le livret A, dans sa configuration actuelle.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de renoncer à remettre en cause le livret A et à tout ce qu’il permet, tout ce qu’il représente, tout ce qu’il signifie.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 979.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à la suppression de l’article 39, qui introduit la généralisation du livret A. Ce produit bancaire était jusqu’alors réservé à trois banques : La Banque Postale, la Caisse d’épargne et le Crédit mutuel. On pourrait penser que la généralisation envisagée tend à développer ledit produit. Or tel n’est pas le cas.
Il convient de rappeler l’attachement des Français au livret A. Le nombre de ces livrets déjà ouverts en France est très élevé ; on en compte près de 46 millions. Dans notre pays, ce produit joue un rôle important d’épargne populaire. Il est l’instrument du financement du logement social et un élément essentiel de la politique de la ville.
Nous devons garantir et faire perdurer le système de financement du logement social par le biais du livret A, ce qui n’est pas, hélas ! le sens de la réforme qui nous est proposée.
Pourquoi changer un système qui marche bien ? J’avais déjà formulé la même remarque au sujet de l’entreprise Aéroports de Paris. Alors que tout le monde reconnaissait que le dispositif fonctionnait, cette société a été privatisée.
De même, EDF était une entreprise qui marchait bien. On l’a privatisée et, désormais, c’est le bazar ! On ne comprend plus rien, on ne sait plus où trouver une agence pour effectuer un changement. Tout est devenu extrêmement compliqué, et cela va moins bien qu’avant !
Et l’on intitule ce texte « projet de loi de modernisation de l’économie » ! Moderniser n’est pas forcément, à mon avis, améliorer.
Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission spéciale. Et la Commission européenne ?
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, 100 % des dépôts collectés au titre du livret A sont centralisés, puis entièrement gérés par la Caisse des dépôts et consignations, qui les utilise pour financer le logement social. Cette centralisation des dépôts à la Caisse des dépôts et consignations est remise en question par le projet de loi.
Les ministres nous annoncent que le taux de centralisation du livret A et du livret de développement durable sera d’environ 70 %, mais rien ne nous le garantit. C’est l’affectation des fonds collectés au titre du livret A qui est remise en cause.
Tout d’abord, le seuil de centralisation des dépôts collectés pas la Caisse des dépôts et consignations n’est pas inscrit dans la loi, ce qui ne nous laisse pour toute garantie que la bonne foi des ministres. Malgré tout, nous sommes sceptiques. Nous ne nous permettons pas de mettre en doute votre bonne foi, mais vous savez bien, mes chers collègues, que les gouvernements passent…
À une époque où la demande de logement n’a jamais été aussi forte, nos concitoyens ne peuvent souffrir une telle incertitude. Nous voulons la garantie que le seuil des dépôts collectés sera adapté, sur le long terme, aux besoins du financement des logements sociaux.
Par ailleurs, l’affectation des fonds non centralisés, c’est-à-dire 30 % des dépôts, comme on nous l’annonce, est, elle aussi, incertaine. Ces fonds devront servir au financement des PME ou à des travaux d’économie d’énergie. Je n’y suis pas opposé, mais je doute que les banques affecteront toutes les ressources collectées à ces fins.
Mme la ministre de l’économie reconnaissait elle-même, lors de la première lecture de ce texte à l’Assemblée nationale, que ce type de collectes décentralisées connaissait des applications imparfaites. Elle nous disait que la somme réellement consacrée au financement des PME, au titre du livret de développement durable, ne s’élevait qu’à 55 %, malgré l’obligation faite aux banques de leur consacrer 70 % des sommes collectées !
Nous ne pouvons pas faire confiance aux banques, acteurs privés de l’économie, pour assurer des missions d’intérêt général ; ce n’est d’ailleurs pas leur rôle !
Ce sont les établissements bancaires, et pas l’intérêt général, qui seront les grands gagnants de cette mesure. En effet, la généralisation du livret A fera bénéficier les banques d’un afflux de nouveau clients. Mais rien ne les empêchera de diriger les clients venus pour ouvrir un livret A vers d’autres placements financiers plus rémunérateurs et ne bénéficiant pas à la collectivité. Ce sont donc le financement du logement social et la collectivité qui seront les grands perdants de cette mesure.
Pour finir, je m’interrogerai, comme M. Repentin, sur l’action du Gouvernement. Celui-ci a déposé, dans un premier temps, un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes afin de contester la décision de la Commission d’étendre à toutes les banques la distribution du livret A. Or nous avons appris par Mme Lagarde, s’exprimant sur ce sujet le 17 juin dernier, que le Gouvernement souhaitait désormais retirer ce recours.
M. Thierry Repentin. Ah non !
M. Jean Desessard. Quel signal politique contradictoire ! Alors que vous vous opposiez à la généralisation du livret A, vous nous proposez aujourd’hui une loi qui va au-delà des recommandations de Bruxelles !
Comme nous l’avons dit lors de la discussion générale, l’objectif de ce projet de loi n’est pas de moderniser l’économie, mais de casser ce qui fonctionnait bien.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 890 rectifié.
Mme Odette Terrade. Nous aurions pu croire, à l’énoncé du titre de ce chapitre, que le Gouvernement entendait renforcer un circuit de financement qui, quelles que soient les crises passées, a fait ses preuves au service des besoins de la population, notamment des plus démunis, dans sa mission d’accessibilité bancaire gratuite et égalitaire.
Nous aurions pu croire, à l’heure de la Présidence française de l’Union européenne, que M. Sarkozy allait avoir le courage de défendre la spécificité française, en inscrivant dans la loi les services d’intérêt économique général que constituent les systèmes, uniques au monde, de collecte de l’épargne populaire et de financement public du logement social, plutôt que de céder devant les lobbies financiers, très actifs à Bruxelles, mais aussi trop présents dans les coulisses de nos assemblées.
Moderniser le livret A, pourquoi pas ? Il ne représente plus que 4 % de l’épargne des Français, alors qu’il est souscrit par plus de 50 millions de nos concitoyens. Il contribue à un financement égalitaire du logement social, facilite l’accessibilité financière des exclus bancaires, garantit publiquement les fonds déposés et rémunère l’épargne constituée.
Le livret A mérite certainement un coup de pouce pour renforcer les missions qui lui sont historiquement attachées, pour accroître ses ressources et pour développer ses emplois au bénéfice de tous. Or c’est un coup de poignard que lui assène le Gouvernement !
Malgré les engagements publics pris par Mme la ministre, force est de constater qu’aucune concertation n’a été réellement engagée avec les associations de consommateurs, opposées à cette réforme, ni avec les associations caritatives, qui jugent la charte d’accessibilité bancaire aussi peu crédible qu’un vœu pieux, ni avec le mouvement HLM, qui demande une réflexion approfondie et sans précipitation, ni avec les organisations syndicales, qui s’alarment des licenciements massifs dans les réseaux des caisses d’épargne et de La Poste, qui vont se compter par milliers.
Cet article 39, qui banalise le livret A en permettant aux banques d’améliorer la présentation de leur bilan, qui organise l’apartheid, pour le moment financier, des populations jugées indésirables dans les agences bancaires, qui met en demeure le service public de financement du logement social de se privatiser pour survivre, est inacceptable.
Nous sommes, pour notre part, encore attachés au pacte républicain qui nous unit à l’ensemble de nos concitoyens. Si vous l’êtes aussi, mes chers collègues, vous ne pourrez que soutenir notre demande de rejet de cet article.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission spéciale. La commission spéciale ne peut que s’opposer à de tels amendements de suppression, compte tenu du caractère impératif de la banalisation de la distribution du livret A.
Je vous rappelle que la décision de la Commission européenne du 10 mai 2007 est exécutoire depuis le 11 février dernier et que notre pays est désormais passible d’une procédure en manquement.
Nous devons donc présenter officiellement la réforme du livret A avant la mi-août, au risque de faire l’objet d’une procédure en manquement.
Surtout, sur le fond, la réforme qui nous est proposée est totalement satisfaisante puisqu’elle permet à la fois de garantir le financement d’un logement social et d’offrir aux consommateurs un choix plus large d’établissements bancaires pour ouvrir un livret A.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 371, 979 et 890 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, Mme Boutin et moi-même nous livrerons, sur ces amendements, à un numéro de duettistes. (Sourires.) Bien que nous soyons d’accord sur l’ensemble des arguments présentés, chacune d’entre nous a en effet sa propre expertise, dont nous souhaitons toutes deux vous faire profiter.
Le Gouvernement ne peut être que défavorable à ces trois amendements de suppression.
Je reviendrai sur certains des points évoqués, parfois de manière caricaturale, en limitant mon propos aux questions fiscales et financières, celles relatives au logement social relevant de la compétence de Mme Boutin.
Tout d’abord, vous avez été nombreux à faire des observations sur la procédure suivie par le Gouvernement et à nous reprocher une certaine précipitation. Je vous invite, à et égard, à rendre visite à Mme Neelie Kroes, commissaire européen chargé de la concurrence.
Mme Nicole Bricq. Nous l’avons reçue, madame !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je sais que vous l’avez auditionnée, mais peut-être apprendrez-vous avec intérêt qu’elle attend justement, de notre part, un peu plus de précipitation. Mme la vice-présidente de la commission spéciale a rappelé que nous devions présenter cette réforme à la mi-août. Nous devons donc sans retard aborder la question de la généralisation du livret A.
S’agissant de la méthode retenue, je précise que nous avons fait appel à des experts. M. Camdessus nous a livré un rapport tout à fait éclairé et nourri par les longues consultations qu’il a menées. Nous avons ensuite consulté les organisations de tous ordres, les banques, les consommateurs et les épargnants, qui sont très attachés au produit livret A. Nous avons également mené un travail de coproduction avec les parlementaires intéressés par le sujet, ce qui nous a amenés à tenir compte des différentes remarques afin d’élaborer le texte que nous vous présentons. Nous vous inviterons enfin à un travail de « postproduction », afin de s’assurer que cette réforme sera correctement mise en œuvre et utile pour nos concitoyens.
J’en viens au produit livret A lui-même, auquel les Français sont très attachés, comme l’indiquaient récemment certains journaux du matin.
Ce produit ne change pas dans sa nature. Il demeure accessible à tous, liquide, il profite d’une fiscalité particulièrement intéressante, d’un taux de rémunération, attractif ; plafonné, il ne peut devenir une niche fiscale sans fond ni plafond. Je le dis très clairement, il n’est pas question de toucher à tout cela !
Je souhaite, à cet égard, revenir sur des allégations publiées dans un journal du soir, selon lesquelles j’aurais l’intention de fiscaliser, dans le secret de mon administration, les produits de l’épargne du livret A. Il n’en est pas question, de même qu’il est faux, madame Bricq, que nous cherchons à modifier la fiscalité attachée au crédit impôt recherche.
M. Jean Desessard. C’est M. Marini qui pense à cela !
Mme Christine Lagarde, ministre. En rendant le livret A accessible auprès de 40 000 agences, au lieu de 22 000 actuellement, et en donnant à chaque titulaire de livret d’épargne la possibilité de s’adresser à la banque de son choix pour ouvrir un livret A, nous facilitons à la fois le recours au livret et sa gestion.
Cette mesure positive correspond parfaitement aux desiderata de la Commission, avec laquelle nous avons entretenu, contrairement à ce que j’ai entendu ici ou là, des contacts étroits et réguliers. Comme mes collaborateurs peuvent en attester, nous nous sommes rendus à de multiples reprises à Bruxelles pour évoquer la façon dont nous allions mettre en œuvre la décision du 10 mai 1007 à laquelle faisait référence Mme la vice-présidente de la commission spéciale.
Non seulement nous ne touchons pas au produit livret A du point de vue des épargnants, mais nous facilitons son accès.
Nous ne faisons en aucun cas de cadeau aux banques à l’occasion de cette réforme. Sur ce point, j’ai entendu de véritables contre-vérités !
Je vous rappelle que, aujourd’hui, la rémunération dont bénéficient les organismes collecteurs est de 1,11 % en moyenne, même si ce taux peut varier un peu selon les livrets et l’organisme concerné. À la suite de la négociation que nous avons menée, nous avons ramené ce taux de commission à 0,6 %. Il n’est donc pas question de faire un cadeau aux banques ! Nous avons, au contraire, divisé par deux le montant de la commission afin de faciliter et de rendre plus rentable le financement du logement social.
Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission spéciale. Eh oui !
M. Jean Desessard. Tout le monde disait que 1,11 %, c’était beaucoup !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il n’est pas non plus question de faire un cadeau aux banques au nom d’une quelconque décentralisation des dépôts, cadeau résultant du passage d’un taux de centralisation des dépôts de 100 % à un taux de 70 %.
Il suffit, pour s’en convaincre, de se livrer à quelques calculs simples. Il faut d’abord appliquer une agrégation entre le taux obligatoire de centralisation auprès de la Caisse des dépôts et consignations, qui est de 100 %, d’une part, et le taux de 9 % de centralisation applicable au livret de développement durable, d’autre part, puis multiplier les deux taux et rapporter le tout à la somme. On aboutit à un taux de 70 %, qui correspond au seuil que nous envisageons de mettre en place par voie de décret.
Le recours au décret s’explique par la nécessité d’ajuster le taux en fonction de la collecte, afin de faciliter le financement du logement social. En effet, lorsque la collecte est très forte, le taux de 70 % est manifestement excessif ; en revanche, lorsque la collecte est plus faible, le même taux peut s’avérer insuffisant. Nous sommes donc loin d’un cadeau accordé aux banques !
J’aborderai un dernier point : ce mécanisme est un moyen pour le Gouvernement de renforcer l’accessibilité bancaire, qui n’est pas suffisante. Nous souhaitons permettre à tous les Français le souhaitant soit d’ouvrir un compte, soit d’engager une procédure de droit au compte.
Tels sont les points que je voulais préciser, mesdames, messieurs les sénateurs. Je laisse maintenant la parole à ma collègue Mme Christine Boutin, afin qu’elle vous fasse profiter de sa propre expertise.
M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de la ville.
Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la préparation de cette réforme a fait l’objet de nombreuses réunions de travail entre les services de Mme Christine Lagarde et les miens, afin de parvenir à un texte non seulement équilibré entre les différentes aspirations que nous avions tous, mais aussi novateur, en ce sens qu’il vise à inscrire dans la loi l’importance accordée au financement du logement social.
Ce projet de loi a, par ailleurs, été amélioré lors de son passage à l’Assemblée nationale.
En ma qualité de ministre du logement et de la ville, je tiens à rappeler les principes essentiels qui guident cette réforme : le Gouvernement entend assurer la pérennité du financement du logement social, diminuer le coût de ce dernier et étendre les dispositions relatives à l’accessibilité bancaire.
S’agissant tout d’abord de la pérennisation du financement du logement social, il est extrêmement important de bien comprendre ceci : le projet de loi prévoit un niveau plancher de centralisation des ressources collectées à la fois – j’insiste – sur le livret A et le livret de développement durable. À ma demande, ce plancher a été fixé – et ce dans la loi – à 1,25 fois le montant total des prêts au logement social, permettant ainsi de couvrir l’ensemble des besoins de financement, et a même été assorti d’un « matelas » supérieur de 0,25 % à ce qu’il aurait été normal de prévoir.
L’Assemblée nationale, soucieuse d’assurer une permanence de la ressource au logement social, est allée au-delà, en prenant en compte dans le calcul de ce plancher non seulement les prêts au logement social, mais aussi les prêts consentis au bénéfice de la politique de la ville, ce qui répond à vos préoccupations, mesdames, messieurs les sénateurs.
Les organismes d’HLM auront ainsi la certitude de disposer des ressources nécessaires permettant de couvrir largement leurs besoins.
Des dispositions réglementaires fixeront par ailleurs le pourcentage global de centralisation de la collecte réalisée sur le livret A et le livret de développement durable au minimum à 70 %.
Comme vous l’a dit excellemment Mme Christine Lagarde, le décret permet une plus grande souplesse et une réaction plus rapide que la loi. Vous serez tous d’accord avec cela.
Le projet de loi prévoit également que l’épargne collectée sur le livret A soit utilisée en priorité pour le financement du logement social, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Grâce à ce texte, une valeur législative sera donnée à la priorité absolue qui s’attache à consacrer les ressources de l’épargne réglementée à la résorption de la pénurie de logement. C’est là une avancée majeure, qui ne peut que rassurer la ministre du logement et de la ville que je suis.
Par ailleurs – c’est le deuxième point –, la diminution du coût du financement du logement social est un objectif que nous souhaitons bien entendu tous atteindre.
La généralisation à l’ensemble des banques de la distribution du livret A va s’accompagner d’une baisse du taux de rémunération des banques collectrices, comme l’a dit Mme Christine Lagarde. Cette mesure n’est pas un cadeau ; elle va permettre ce financement du logement social dans de meilleures conditions.
Cette baisse sera répercutée sur le coût du crédit octroyé aux bailleurs sociaux, leur permettant ainsi de réaliser des logements locatifs sociaux dans des conditions financières de toute façon améliorées, quel que soit le marché, ce qui n’est pas rien.
Ainsi, le taux des prêts PLUS baissera, à compter du 1er août, de vingt points de base : il passera ainsi de 4,30 % à 4,10 %. Le taux des prêts très sociaux, les PLA-I, baissera, lui, de cinquante points de base : il passera de 3,30 % à 2,80 %, ce qui n’est pas rien non plus. Cette baisse est indispensable.
En effet, pour lutter contre la pénurie de logements, due à l’insuffisance de l’effort de construction pendant de nombreuses années, le Gouvernement s’est fixé comme objectif la construction de 500 000 logements par an, dont 120 000 logements sociaux.
Plus de 430 000 logements ont été mis en chantier en 2007 – c’est un record depuis vingt ans –, dont près de 108 000 logements sociaux financés.
Ces chiffres en appellent d’autres. J’ai eu l’occasion, hier, de présenter, dans un souci de transparence totale – telle n’était pas la règle jusqu’à présent –, un bilan exhaustif de la seconde période triennale de mise en œuvre de l’article 55 de la loi SRU.
L’objectif de production de logements sociaux fixé aux 730 communes concernées était, sur la période 2005-2007, de 63 000 logements. Les résultats ont dépassé de loin les objectifs, puisque ce sont 93 000 logements sociaux qui ont été créés ou lancés !
Cette baisse des taux, qui se cumulera prochainement avec d’autres mesures en préparation dans le projet de loi de mobilisation pour le logement, que j’aurai l’honneur de vous présenter à l’automne, participera au soutien de la construction de logements sociaux.
Troisième et dernier point, l’extension de l’accessibilité bancaire est un souci que nous avons tous. Le projet de loi va permettre de renforcer l’accessibilité bancaire en conservant à la Banque Postale le rôle qu’elle joue aujourd’hui en matière d’accessibilité bancaire. J’y étais très attachée.
Le projet de loi va également améliorer cette accessibilité en consolidant l’effectivité du droit au compte. À cet effet, il est prévu que les banques devront adopter une charte définissant des modalités précises de mise en œuvre de ce droit.
Le ministre du logement et de la ville émet également, bien évidemment, un avis défavorable sur les trois amendements tendant à supprimer l’article 39.