M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je voudrais revenir sur le problème des naturalisations, qui a donné lieu tout à l’heure à un échange entre Mme Assassi et Mme le garde des sceaux.
Je comprends parfaitement l’argument de Mme Assassi selon lequel une personne peut très bien habiter en France et ne pas souhaiter prendre la nationalité française. Je comprends également tout à fait l’argument de Mme le garde des sceaux lorsqu’elle dit que la demande de naturalisation marque un attachement particulier à notre pays et aux valeurs de la République.
Cela étant, madame la ministre, il faudrait que les conditions de naturalisation soient considérablement assouplies.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-René Lecerf. Je suis actuellement les dossiers de deux ressortissants russes très diplômés, qui n’ont pu obtenir jusqu’à présent que des contrats aidés et ne peuvent même pas déposer de demande de naturalisation.
On a commencé par leur demander de renouveler leur passeport, ce qui n’est pas facile quand on a fui son pays chassé par l’antisémitisme. Ils y sont parvenus !
Ensuite, on leur a demandé de produire leur acte de naissance. Ils ont fini par l’obtenir. Et voici qu’on leur demande maintenant les actes de naissance de leurs parents ! Ils ont celui de leur mère, mais pas celui de leur père, parce qu’il est né dans une région qui a été dévastée par la guerre.
Aujourd'hui, ces personnes qui veulent devenir françaises se trouvent dans l’impossibilité de le faire.
Le Gouvernement doit donc assouplir considérablement les règles en vigueur en matière de naturalisation. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous applaudissons notre collègue Jean-René Lecerf, certains qu’il va voter avec nous (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), …
M. Jean-René Lecerf. Certainement pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. … dès lors qu’il a souligné combien il était difficile d’acquérir la nationalité française, même pour ceux qui remplissent toutes les conditions. Nous l’en félicitons !
Mes chers collègues, vous l’aurez remarqué, notre débat est bien curieux : au fur et à mesure des interventions, les arguments en faveur du vote des étrangers se font de plus en plus nombreux. Charles Josselin a donné un nouvel éclairage à ce problème, et chaque orateur apporte des éléments supplémentaires.
Pour ma part, je tiens à apporter ma contribution.
Nous débattons aujourd'hui afin, paraît-il, d’améliorer les conditions d’exercice de la démocratie et les modalités du travail du Parlement en général et du Sénat en particulier.
Or, comment fonctionne notre assemblée ? Lors des réunions de commission, en principe, seuls les sénateurs qui sont malades ou en mission peuvent déléguer leur droit de vote. Pourtant, tous les membres de la majorité sont munis, systématiquement, de pouvoirs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On ne va pas recommencer ce débat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J’ai protesté à de nombreuses reprises contre cette généralisation des pouvoirs, qui est interdite par notre propre règlement.
D'ailleurs, toujours aux termes du règlement du Sénat, ceux qui, sans justification, n’assistent pas aux réunions de leur commission devraient voir leur indemnité de fonction réduite, mais cette disposition n’est pas appliquée, ce qui signifie que le Sénat, ou du moins sa majorité, s’assoit sur son règlement !
Si donc les absents ont tort en commission, il n’en va pas de même en séance publique :…
M. Henri de Raincourt. Si, c’est pareil !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. … où, contrairement à l’adage, les absents ont toujours raison puisque, grâce aux scrutins publics, ils votent avec la majorité !
M. Patrice Gélard, vice- président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Votre groupe a demandé un scrutin public sur cet amendement …
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Trouvez-vous cette situation normale ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous n’avez qu’à proposer une modification du règlement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qui propose de changer ces règles ? Personne !
M. Bernard Saugey. Si ! M. Gélard !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce serait pourtant le moment de le faire.
L’opinion publique est d'accord pour que nous accordions le droit de vote aux étrangers qui se trouvent en France depuis un certain temps.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Organisez donc un référendum, et vous verrez !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils n’ont qu’à demander la nationalité française, nous dit-on. Mais, outre que M. Lecerf a souligné que c’était très difficile, ces étrangers peuvent fort bien vouloir conserver leur citoyenneté d’origine.
Nous avons connu des Espagnols ou des Italiens – du moins jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, qui leur a accordé le droit de vote aux élections locales – qui voulaient conserver leur nationalité, alors même qu’ils vivaient en France, …
M. René Garrec. C’était leur droit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. … ce qui était en effet tout à fait normal.
Bien des arguments ont été développés, et on pourrait en avancer d’autres encore. En résumé, chers collègues de la majorité, vous faites preuve pour la plupart – osons le mot – d’une certaine hypocrisie ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) En effet, alors que vous avez l’habitude de suivre le Président de la République, vous vous y refusez aujourd'hui quand il affirme qu’il est favorable au droit de vote des étrangers – il est vrai sans proposer de texte en ce sens. Votre attitude est incompréhensible !
L’opinion publique retiendra que nous avons eu raison de ne pas voter cette révision constitutionnelle et que vous avez eu tort de vous opposer à une disposition qui relevait du simple bon sens !
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Nous avons déjà eu en première lecture un débat extrêmement intéressant et de grande qualité sur ces questions ô combien sensibles et importantes. Je ne crois pas qu’il soit opportun de le reprendre aujourd'hui avec des arguments presque identiques, surtout si c’est pour que chacun critique la position de l’autre.
Vous le savez, sur cette question cruciale, les sensibilités individuelles divergent et ne sont homogènes nulle part dans cette assemblée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sauf en commission !
M. Christian Cointat. Je voudrais réagir aux propos de notre collègue Charles Josselin, qui visiblement ne connaît pas bien les Français établis hors de France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Josselin. Vous me dites cela, à moi ? C’est la meilleure !
M. Christian Cointat. C’est ce qui ressortait de votre intervention, mon cher collègue, et c’est ce qui me pousse à prendre la parole !
M. Charles Josselin. Vous, vous ne connaissez que Bruxelles !
M. Christian Cointat. Vous donnez à entendre, tout au moins, car tel n’est peut-être pas le fond de votre pensée, que les Français qui vivent à l’étranger sont des gens aisés.
Or, je regrette de devoir le préciser, un grand nombre de nos compatriotes expatriés sont de condition modeste ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Charles Josselin. Ce sont pour moitié des binationaux ! Pour eux, le problème ne se pose pas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vraiment, monsieur Cointat…
M. Christian Cointat. Qu’ils vivent dans des pays riches ou dans des pays pauvres, nos compatriotes expatriés ne comprendraient pas que nous accordions le droit de vote aux ressortissants étrangers si eux ne bénéficient pas, là où ils se trouvent, de la même prérogative.
M. Charles Gautier. Il faut que vous la demandiez !
M. Christian Cointat. Je ne suis pas opposé à l’extension de la citoyenneté, mais cette notion ne peut être séparée de celle de réciprocité. Tels sont les termes du problème. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Chers collègues de l’opposition, si vous voulez faire aboutir ce dossier, si vous souhaitez qu’un jour la citoyenneté européenne soit élargie, vous devez examiner les problèmes tels qu’ils se posent réellement et ne pas vous contenter de lancer de grandes idées, en soutenant, par exemple, que les Français de l’étranger sont des riches – c’est ce que vous avez affirmé, monsieur Josselin ! – et ne peuvent être comparés aux étrangers présents en France. Non, encore une fois, beaucoup de nos concitoyens établis hors de France vivent exactement dans la même situation que certains étrangers présents sur notre territoire…
M. Charles Gautier. N’exagérons rien !
M. Christian Cointat. … et doivent donc être traités de la même façon !
C’est tout ce que je demande !
Dès lors que l’on reconnaît la réalité des faits, on peut comparer les situations, discuter, progresser et trouver des solutions qui répondent aux attentes de tous. Mais telle n’est pas l’attitude que vous avez choisie : vous ne tenez pas compte de la réalité ; vous vous cachez derrière un dogme au lieu de chercher à faire progresser le droit en vous appuyant sur des faits concrets tirés de la vie de tous les jours. C’est dramatique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vais finir par demander la clôture du débat !
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Chers collègues de la majorité, je vous rappelle que le lien entre citoyenneté et nationalité n’existe pas dans la vie quotidienne.
J’en veux pour preuve que les dotations versées aux collectivités territoriales, comme la DGE, la dotation globale d’équipement, ou la DGF, la dotation globale de fonctionnement, sont déterminées en fonction du nombre des habitants et non de leur nationalité.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est normal ! Cela n’a rien à voir !
M. Gérard Longuet. Tous les habitants bénéficient des services publics !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il en est de même pour le nombre d’élus. À titre d’exemple, une ville de 100 000 habitants, dont 70 000 sont Français, désigne 53 conseillers municipaux, alors que, si seuls les habitants possédant la nationalité française étaient pris en compte, elle n’en élirait que 43, soit dix de moins !
M. Gérard Longuet. Les élus gèrent les moyens accordés aux habitants !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Si le nombre des élus et les montants des dotations budgétaires sont fixés en fonction du nombre des habitants et non de la nationalité de ces derniers, pourquoi les étrangers sont-ils exclus de la citoyenneté ? Il s'agit d’une question de justice : pour être cohérent, il faudrait réduire le nombre des élus et les dotations de ces collectivités.
M. Gérard Longuet. Vous souhaitez donc que les étrangers ne bénéficient plus des services publics ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Quant à l’argument de la réciprocité, que vous brandissez sans cesse, j’aimerais savoir, madame le garde des sceaux, si le Gouvernement a déjà interrogé les États étrangers sur ce point. Si ceux-ci ont refusé d’accorder le droit de vote à nos ressortissants, nous en débattrons, mais si la question n’a jamais été posée, comment pouvez-vous continuer à utiliser cet argument ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nos débats en première lecture ont été approfondis et ils ont permis de trancher cette question ; nous pouvons certes les recommencer en deuxième lecture, mais telle n’est pas la tradition.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Alors supprimons les secondes lectures !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne vous ai pas interrompu, quand bien même vos propos m’ont parfois fait sursauter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et moi, les vôtres !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’en suis fort aise et j’espère qu’ils continueront à vous faire cet effet !
Madame Boumediene-Thiery, toute population suscite des charges, et il est normal que celles-ci soient couvertes par des recettes. Je vous signale qu’un grand nombre des habitants de nos collectivités ne sont pas citoyens et bénéficient néanmoins des dotations de l’État. Votre argument n’est donc pas recevable.
Dois-je vous rappeler que les enfants jusqu’à dix-huit ans font partie de la population ?
Mme Éliane Assassi. Ils sont pour la plupart Français !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Et de toute manière, avant dix-huit ans, on ne vote pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Français ou étrangers, personne ne se pose la question : ils font partie de la population et entraînent des charges pour la collectivité, ne serait-ce que pour la cantine, par exemple. Il est donc normal que les dotations soient réparties en fonction du nombre d’habitants.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Et que le nombre des élus soit calculé par rapport à la population totale, cela ne vous gêne pas ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vous suggère de déposer une proposition de loi sur le sujet. Il sera intéressant de voir qui la votera ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Dreyfus-Schmidt, si hypocrisie il y a, je la trouve plutôt de votre côté. Pendant des années, la gauche a promis le droit de vote aux étrangers, mais elle n’a jamais tenu sa promesse. (Exclamations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Voilà l’hypocrisie !
M. David Assouline. C’est le Sénat qui a bloqué cette proposition !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Président de la République a été élu sur des engagements de campagne clairs.
M. Jean-Marc Todeschini. Comme le pouvoir d’achat !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le droit de vote des étrangers n’en faisait pas partie.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous êtes sénateur depuis très, très longtemps.
M. Bernard Saugey. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. Il n’est pas le seul !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous auriez pu peser de tout votre poids et faire entendre votre forte voix pour que le droit de vote des étrangers, qui semble vous être si cher, soit adopté à l’époque.
M. David Assouline. Le projet était sur le bureau du Sénat et la droite l’a bloqué ! Et le Sénat est toujours de droite !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pas du tout, monsieur Assouline ! Ne reprenez pas l’antienne d’un Sénat à droite qui bloque toute réforme. Si cela ne s’est pas fait avant, c’est tout simplement parce que la gauche n’a jamais mis le projet sur la table, contrairement aux engagements qu’elle avait pris ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Nous devons moderniser la loi !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous sommes là pour cela !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, laisser s’exprimer Mme le garde des sceaux !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Et vous êtes vous-mêmes à l’origine de ces amalgames entre immigration et citoyenneté qui nous ont conduits au communautarisme. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Car telle a été votre politique vis-à-vis de l’immigration quand vous étiez au pouvoir, à tel point que vous ne parliez plus du droit de vote des étrangers, et ce sont les extrêmes qui s’en sont emparés, ce qui explique qu’il soit devenu un sujet tabou.
Nous souhaitons, nous, développer une politique d’intégration très claire, centrée sur le contrat d’accueil et d’intégration, que les femmes signent, …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n’a rien à voir !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … ce qui signifie qu’elles sont parties prenantes et qu’elles sont engagées dans la démarche, à la différence de ce qui se passait depuis des années.
Je vous rappelle que l’actualité récente nous a offert l’exemple d’une personne demandant la nationalité française et reconnaissant elle-même n’avoir jamais bénéficié des droits les plus élémentaires !
Mme Éliane Assassi. Quel est le rapport ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. On ne peut accorder la citoyenneté française à quelqu'un qui se trouve dans cette situation ou qui ne connaît pas les principes de la République.
Pour notre part, nous facilitons l’intégration, ce que vous n’avez jamais fait, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, à travers le contrat d’accueil et d’intégration, l’apprentissage de la langue, la formation et l’éducation aux principes et aux valeurs de la République. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. C’est de la provocation !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Todeschini, parler de la laïcité et des valeurs de la République, ce n’est pas faire de la provocation !
M. Bernard Saugey. Bravo !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce sujet est beaucoup trop sensible et important pour que nous nous livrions à la polémique.
D'ailleurs, pendant des années vous avez polémiqué et multiplié les provocations autour de ce problème, sans vous préoccuper de le résoudre, avec pour résultat ce communautarisme dont on mesure aujourd'hui les effets et les dégâts. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. Parlons-en !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Lecerf, vous avez raison de souligner qu’il est parfois difficile d’obtenir la nationalité française.
Pourquoi ? Parce qu’il faut vérifier les pièces fournies lors de la demande, que ce soit les actes de naissances ou les actes de mariage, ne serait-ce qu’en raison de l’existence de véritables filières organisées pour frauder.
Cela étant, depuis quelques années, nous avons facilité l’attribution de la nationalité française. Les délais d’instruction sont aujourd’hui de dix-huit mois.
M. David Assouline. C’est une moyenne !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Oui, c’est une moyenne. À un moment donné, il n’y avait pas de moyenne du tout, monsieur Assouline ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Et les critères d’attribution sont extrêmement clairs.
Nous avons même réduit parfois à un an la durée de résidence sur le territoire, quand les conditions d’intégration sont avérées.
M. Jean-Marc Todeschini. Il y en a qui font baisser la moyenne !
M. Pierre-Yves Collombat. Quand on se marie, c’est plus rapide !
M. Jean-Marc Todeschini. Carla a fait baisser la moyenne !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce peut être plus compliqué et plus difficile quand les conditions d’intégration ne sont pas objectivement réunies.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, 80 000 personnes ont acquis la nationalité française en 2006. Le nombre d’acquisitions de la nationalité a augmenté grâce à la politique d’intégration que nous menons et avec les résultats que nous connaissons.
Favoriser l’apprentissage de la langue, des principes et des valeurs de la République, telle est notre manière de former le plus grand nombre à la citoyenneté, sans exclusion et sans tabou ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 138 :
Nombre de votants | 303 |
Nombre de suffrages exprimés | 299 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 150 |
Pour l’adoption | 127 |
Contre | 172 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
L'article 4 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le second alinéa, les mots : « au dernier alinéa de l'article 3 » sont remplacés par les mots : « au second alinéa de l'article 1er » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, sur l'article.
M. Alain Lambert. Ne m’étant pas cru de condition suffisante pour m’exprimer dans la discussion générale, j’ai préféré le faire sur l’article 1er pour m’expliquer sur les différents amendements que j’ai déposés et que je défendrai tout au long de la soirée avec plus ou moins de zèle selon la qualité des réponses qui me seront faites.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur Le zèle vient d’abord, les réponses après…
M. Alain Lambert. Monsieur le président-rapporteur, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt les réponses qui m’ont été apportées en première lecture. Au mieux, j’y ai trouvé de l’ironie, souvent de la condescendance et parfois du mépris. Cela ne venait pas seulement de vous, le Gouvernement en rajoutait de temps en temps.
Je ne me plains de rien. Au contraire, cela me permet de m’expliquer devant vous ce soir et, encore une fois, je le ferai sans esprit de rancune ni de rancœur, je crois l’avoir prouvé dans d’autres occasions. Mais je veux pouvoir m’exprimer !
D’abord, parce que nous sommes engagés dans une réforme de la Constitution dont, après tout, je ne suis pas sûr qu’elle était indispensable. Le fait de pouvoir le dire me soulage.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ça, c’est bien…
M. Alain Lambert. D’abord, sommes-nous d’accord sur le rôle de la Constitution ? Pour moi, la Constitution détermine la forme de gouvernement d’un pays. Cependant, cela ne doit pas seulement se limiter à l’organisation de la Nation comprise comme l’ensemble des personnes vivantes, il faut voir au-delà et comprendre aussi les relations entre les vivants et les générations qui suivront, y compris dans le domaine financier.
Or j’ai eu le sentiment, en écoutant les avis qui ont été données sur mes différents amendements, qu’il était quasi indécent d’oser proposer de parler de finances dans la Constitution, ce monument si précieux, si sacré qu’il est tenu fermé à nos humbles calculs d’épiciers et ne saurait s’ouvrir que pour l’art des juristes ! J’ai d’ailleurs beaucoup de respect pour eux, mais, pour que les juristes vivent, il faut tout de même que la Nation puisse produire des fruits, et que les fruits du travail de la Nation puissent être prélevés et qu’ensuite ils puissent être dépensés !
Voilà pourquoi, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, parler de finances publiques dans la Constitution n’est pas incongru du tout !
Le préambule de la Constitution de 1958 lui-même ne le rappelle-t-il pas, en se référant à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?Vous connaissez tous son article XIV, et pour cause, dans un pays qui prélève autant…Il convient de le rappeler maintenant : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. ».
On me répond que mes amendements sont sympathiques, mais qu’ils trouveraient mieux leur place dans un autre texte, notamment organique… Qu’à cela ne tienne, je défendrai des amendements qui renvoient à la loi organique pour l’application des dispositions de principe que je propose.
Madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la démocratie est en péril non pas seulement quand les représentants se comportent mal, mais aussi lorsque les représentants ont les yeux rivés sur l’immédiat et qu’ils sont aveugles au moyen terme et, surtout, au long terme.
Je veux parler ce soir au nom de ceux qui viennent de naître et qui n’ont pas à ce jour le droit de vote. Je veux parler, en cet instant, au nom de ceux qui vont naître, dont les intérêts doivent être préservés et dont les conditions de vie dépendent directement des décisions que nous prenons en leur nom, parfois en les oubliant !
Il faut que leur parole soit entendue ! Finalement, là encore, la solidarité entre les générations vous est rappelée en permanence. Ne lit-on pas, dans le préambule de la Constitution de 1946, lui aussi repris par le préambule de la Constitution de 1958, que la Nation « assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ? Et cela va bien au-delà des seuls votants !
Si je continue de lire ce préambule, je vois, dans le même ordre d’idée, que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant […], la sécurité matérielle », qu’elle proclame « la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales. ». Vous voyez bien que figurent déjà dans notre texte constitutionnel ces conditions matérielles sur lesquelles vous semblez hésiter.
M. le président. Veuillez terminer, monsieur Lambert.
M. Alain Lambert. Les choix que nous avons faits, notamment en intégrant la Charte de l’environnement dans le préambule de la Constitution, sont de nature absolument équivalente. Et que dit la Charte de l’environnement, sinon que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins » ?
Voilà, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, de quelle inspiration procèdent les différents amendements que je défendrai !
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du 2° de cet article :
« La loi garantit, la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation dans le respect du pluralisme, ainsi que des droits aux partis et groupements politiques qui ne participent pas de la majorité dans chacune des assemblées parlementaires. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. L’amendement n °95 concerne l’article 1er dont Michel Mercier a tenté cet après-midi de nous expliquer toute l’importance.
J’aimerais rappeler tout le chemin parcouru. Nous ne sommes pas dans la redondance puisque cet article a évolué et que le Sénat s’apprête à le voter dans une version différente de celle qu’il avait adoptée en première lecture.
J’aimerais vous relire l’article 1er tel qu’il figurait dans le texte initial du Gouvernement :
« Des droits particuliers peuvent être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. »
Voilà d’où nous partons. Donc, si je comprends à peu près le français, nous partons des droits de l’opposition. Et, chemin faisant, par inflexions successives, nous quittons les droits de l’opposition et nous passons à une garantie du pluralisme, ou au « respect du pluralisme ». Il s’agit de l’expression que Jean-Jacques Hyest a ajoutée, il me contredira si ma mémoire est défaillante.