M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, non.
M. Bernard Frimat. Puis, nous sommes passés du respect du pluralisme à la « garantie des expressions pluralistes des opinions », ce qui n’est jamais que ce que l’on trouve dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Là-dessus, donc, rien de nouveau !
Enfin, nous en sommes arrivés à l’adjectif « équitable », dont Michel Mercier nous a dit l’importance, ajout sur lequel, à ma connaissance, il n’y a pas eu l’ombre d’un débat à l’Assemblée nationale.
Ce que nous souhaitons, je vous l’ai déjà dit, ce n’est pas que l’opposition ait un statut. Les statuts, c’est bon pour mettre dans les réserves ! Nous souhaitons simplement que des droits soient reconnus aux parlementaires d’opposition. Telle était d’ailleurs bien l’ambition qui avait animé le comité Balladur, dont je cite un extrait du rapport : « les droits nouveaux reconnus au Parlement ne produiront tous leurs effets sur l'équilibre des institutions que si l'opposition dispose de garanties renforcées ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, ça !
M. Bernard Frimat. Mais nous avons bien vu que, chemin faisant, votre démarche avait évolué et que telle n’était pas la fraction que vous entendiez privilégier, au sens allemand du terme « fraction », qui signifie « parti ». Mais la fraction que vous privilégiiez en l’occurrence, était plutôt la fraction – au sens bien français du terme, cette fois – des trois cinquièmes !
Nous avons eu le sentiment que, pour satisfaire cette fraction, il fallait reléguer les droits de l’opposition, les renvoyer dans une espèce de sous-produit du règlement intérieur de chaque assemblée, mais surtout, ne plus les affirmer dans la Constitution.
Au sein de la Haute Assemblée, nous sommes sans doute nombreux à avoir étudié à l’université les travaux de Raymond Carré de Malberg sur la Stufentheorie, ou théorie de la formation du droit par degrés. Certes, cela ne nous rajeunit pas forcément. (Sourires.)
Mais, s’il existe une hiérarchie des normes, il n’est pas indifférent que les droits de l’opposition soient mentionnés dans la Constitution ou qu’ils figurent seulement dans les règlements des assemblées, surtout quand on connaît les conditions respectives d’élaboration de la loi fondamentale et de ces règlements.
En clair, nous sommes partis du sommet de la hiérarchie des normes pour arriver…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au sous-sol !
M. Bernard Frimat. … peut-être pas au sous-sol, mais au moins à l’entresol !
Pour autant, il n’est jamais trop tard pour bien faire. À cet égard, je précise que nous ne sommes pas opposés à l’attribution de droits aux groupes parlementaires, même s’ils sont qualifiés de « minoritaires ». Simplement, à mon sens, cet adjectif, s’il correspond à une réalité arithmétique, ne permet pas d’obtenir une définition politique suffisamment précise.
Cet amendement vise donc à opter pour une rédaction finalement assez proche de celle que le Gouvernement avait initialement proposée pour cet article. Mais je crains que celui-ci n’ait depuis changé d’avis et que ses positions actuelles ne correspondent plus ni à ses intentions premières ni aux conclusions du comité présidé par M. Édouard Balladur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout d’abord, j’observe que l’amendement de notre collègue est largement satisfait.
M. Bernard Frimat. Mais non !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ensuite, je suis un peu surpris par l’argumentation des auteurs de cet amendement. Selon eux, dès lors que l’on a adopté un dispositif, il n’est absolument plus envisageable de le faire évoluer.
De mon point de vue, c’est justement le dialogue entre les deux assemblées et les débats entre leurs membres qui permettent de progresser.
Ainsi, certains ne voulaient pas d’une mention des groupes parlementaires dans la Constitution. Il n’a pas été aisé de faire accepter une telle reconnaissance, notamment à l’Assemblée nationale. Idem pour l’expression du pluralisme. Mais le texte a tout de même fini par évoluer.
En outre, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, j’avais estimé qu’il était indispensable de garantir constitutionnellement le respect du pluralisme des partis et groupements politiques. Certes, cela n’a pas abouti tout de suite, notamment parce qu’une telle disposition a soulevé d’autres débats, mais au moins avions-nous clairement exprimé notre volonté. D’ailleurs, monsieur Frimat, à l’époque, vous n’étiez pas opposé à cette mesure.
M. Bernard Frimat. Je ne le suis toujours pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. In fine, nous sommes parvenus à une rédaction qui nous paraît parfaitement correspondre à nos souhaits.
Au demeurant, nous ne pouvons pas dissocier l’article 1er du présent projet de révision constitutionnelle de l’article 24, aux termes duquel le « règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein ». En l’occurrence, sont concernés non seulement les groupes parlementaires de l’opposition, mais également les groupes qui ne se reconnaissent ni dans la majorité ni dans l’opposition.
M. David Assouline. Cela n’existe pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Car le fondement du parlementarisme, ce sont tout de même les groupes parlementaires.
Auparavant, dans la Constitution, on ne s’interrogeait pas sur l’appartenance d’un groupe à la majorité ou à l’opposition. Seuls les groupes en tant que tels étaient reconnus.
M. David Assouline. Mais c’est l’opposition qu’il faut respecter !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut respecter tous les groupes, mon cher collègue.
M. David Assouline. Oui, mais il faut respecter l’opposition en tant que telle !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien entendu ! Simplement, respecter l’opposition, c’est d’abord respecter les groupes parlementaires.
Or, je vous le rappelle, le projet de révision constitutionnelle vise à leur attribuer un certain nombre de droits, qu’ils se situent dans l’opposition, dans la majorité ou qu’ils ne se reconnaissent – c’est bien leur droit – ni dans l’une ni dans l’autre.
Certains souhaiteraient sans doute – c’est une opinion respectable, mais il faudrait alors en tirer toutes les conséquences – que notre système politique évolue vers le bipartisme. Après tout, ce modèle existe dans nombre de grandes démocraties sans que cela choque quiconque.
Mais, compte tenu des caractéristiques de notre système politique, et je pense que nous devons les respecter, il faut garantir des droits spécifiques aux groupes parlementaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec ce texte, ce n’est pas le cas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les travaux du Sénat, puis ceux de l’Assemblée nationale, ont permis d’atteindre cet objectif.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, qui nous semble par ailleurs satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Comme M. le rapporteur vient de le souligner, la rédaction de l’article 1er a évolué au cours des deux lectures du projet de révision constitutionnelle. Dès lors, l’amendement n° 95 est satisfait par cet article.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je n’ai peut-être pas le talent ni de M. le rapporteur ni de Mme le garde des sceaux,…
M. Josselin de Rohan. Trop modeste !
M. Bernard Frimat. … mais j’estime tout de même être le mieux placé pour savoir si mon amendement est satisfait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je pense effectivement qu’il l’est en grande partie !
M. Bernard Frimat. Si c’était le cas, je le reconnaîtrais, mais, à mes yeux, cet amendement n’est nullement satisfait.
En effet, je souhaite que les droits de l’opposition soient garantis au sommet de la hiérarchie des normes, c'est-à-dire dans la Constitution. Vous serez au moins d'accord avec moi pour admettre que le sommet la hiérarchie des normes, c’est la Constitution…
Selon vous, monsieur le rapporteur, mon amendement serait « satisfait » au seul prétexte qu’il est prévu de reconnaître le droit des groupes parlementaires dans le règlement de chaque assemblée, c'est-à-dire à l’un des échelons les plus bas de la hiérarchie des normes !
Mes chers collègues, ou les mots ont un sens, ou ils n’en ont pas. S’ils ont bien un sens, dites simplement que nous n’avons pas la même opinion – cela, nul ne le conteste –, mais faites-moi au moins le plaisir de considérer que j’ai tout de même parfois une lueur de compréhension et que je suis capable de savoir si mon amendement est satisfait ou non !
Et, en tout état de cause, n’essayez pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La volonté affichée par M. le rapporteur de reconnaître les groupes parlementaires est contredite par les faits.
Comme vous le savez, mes chers collègues, il n’y a pas d’amour ; il n’y a que des preuves d’amour. (Sourires.) Lors de l’examen du présent projet de révision constitutionnelle, nous avions obtenu une petite satisfaction. Désormais, les groupes parlementaires pourraient saisir le Conseil constitutionnel. Il s’agissait d’un progrès considérable dans la reconnaissance de ces groupes, qu’ils se situent dans l’opposition ou dans la majorité. Une telle disposition permettait aux groupes de concourir effectivement à l’expression du suffrage, donc à la démocratie, au Parlement. Or l’Assemblée nationale a rejeté cette mesure, tellement le droit ainsi créé lui semblait « exorbitant » !
Dans ces conditions, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je rejoins mon collègue Bernard Frimat : ne nous faites pas prendre des vessies pour des lanternes ! En réalité, vous ne voulez tout simplement pas reconnaître les droits de l’opposition.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les médias concourent, par leur pluralisme, à la libre information des citoyens. La loi garantit leur indépendance aussi bien vis-à-vis de l'État que des intérêts économiques de leurs actionnaires. Elle les protège des conflits d'intérêt et interdit les concentrations excessives. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Selon nous, il est nécessaire de compléter cet article 1er, relatif au pluralisme des opinions dans notre pays, par un alinéa concernant l’indépendance et la liberté des médias.
En effet, dans la société actuelle, les médias écrits et audiovisuels, et l’information au sens large, sont des éléments fondamentaux dans la formation des convictions et des jugements que nos concitoyens portent sur les événements et la réalité. Ils forgent souvent ce qu’on appelle « l’opinion publique ». En ce sens, ils constituent un réel pouvoir, voire un contre-pouvoir, par rapport au pouvoir en place, quel qu’il soit.
Mais, pour qu’ils puissent jouer leur rôle premier d’information – ce n’est d’ailleurs pas contradictoire avec l’affirmation de convictions par la presse d’opinion –, encore faut-il que leur indépendance soit garantie.
À cet égard, les mauvais exemples récents abondent. Ils vont de la troublante proximité du chef de l’État avec certains grands groupes de presse jusqu’à son intervention directe pour critiquer les programmes du service public de la télévision, en passant par sa décision d’amputer ses ressources publicitaires, ce qui a pour premier résultat de profiter aux concurrents privés.
Compte tenu de ces conditions qui sont malsaines pour la démocratie, il n’est pas inutile de préciser, parmi les grands principes républicains définis à l’article 1er de la Constitution, que la loi garantit l’indépendance des médias. Nous affirmons même très concrètement que celle-ci doit être totale vis-à-vis non seulement de l’État, mais également des entreprises et de leurs actionnaires.
En son temps, Jacques Prévert déclarait déjà : « Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie. »
Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En première lecture, le Sénat a adopté un amendement tendant à inscrire à l’article 34 de la Constitution que la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».
À mon sens, c’est largement suffisant, d’autant plus que l’Assemblée nationale a ajouté à l’article 1er du projet de révision constitutionnelle une disposition aux termes de laquelle la « loi garantit les expressions pluralistes des opinions ».
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission et émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par MM. Frimat, Assouline, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.... - Les moyens de communication, écrite, audiovisuelle, radiophonique et numérique concourent, par leur pluralisme, à la libre expression et la libre communication des pensées et des opinions. La loi garantit leur indépendance et met en place les règles limitant les concentrations, assurant la transparence des entreprises de communication et les relations entre les propriétaires de ces entreprises et l'État. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement vise à inscrire dans la Constitution les principes devant guider le législateur pour assurer le maintien du pluralisme dans les médias.
En première lecture, le Gouvernement s’est opposé à l’adoption d’un amendement similaire en se référant à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, selon lui, garantirait suffisamment l’indépendance des médias et le maintien du pluralisme.
Certes, le Conseil constitutionnel s’est prononcé plusieurs fois sur cette question. Le 11 octobre 1984, il a consacré « le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale » comme « objectif de valeur constitutionnelle ». Puis, dans sa décision du 18 septembre 1986 sur la loi relative à la liberté de communication, il a étendu cette exigence aux services de télévision et de radio, estimant que le respect du pluralisme de l’expression des différents courants politiques et socioculturels sur les supports de communication audiovisuelle constituait l’« une des conditions de la démocratie ».
À présent, madame le garde des sceaux, vous ajoutez un nouvel argument – vous l’aviez déjà fait lors de la discussion générale – pour rejeter une telle proposition. L’amendement que je défendais tendant à affirmer le principe général d’indépendance, de pluralisme et de liberté des médias a été adopté par le Sénat en première lecture et cette disposition figure toujours dans le texte que nous examinons en deuxième lecture.
Or ce n’est pas par hasard que vous vous opposez à l’amendement que je propose. Le dispositif qu’il vise à instituer est la concrétisation du principe que je viens de rappeler.
En effet, depuis l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958 et les décisions du Conseil constitutionnel que j’ai mentionnées, le secteur des médias a profondément évolué.
Depuis vingt ans, l’évolution des technologies a permis la multiplication des supports et des modes d’accès à l’information. Elle a donc conduit à une diffusion largement accrue, démultipliée et en temps réel, des informations et des contenus les plus divers. Et là, le pluralisme et l’indépendance sont des réponses à des questions très concrètes.
Les nombreuses modifications de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication ont successivement revu à la baisse le régime anti-concentration applicable aux services de télévision et de radio et à leurs actionnaires.
Je rappellerai la dernière en date. Elle a été effectuée au détour d’un amendement déposé par un ancien conseiller du Président de la République, notre collègue député Frédéric Lefebvre, sur le projet de loi de modernisation de l’économie.
Cette disposition va permettre à certains opérateurs de chaînes diffusées en télévision numérique terrestre, ou TNT, tels Bolloré, avec Direct 8, ou le groupe M6, avec W9, de rester sous le seuil d’audience de 2,5 % et de continuer de détenir à 100 % les parts de leur société, ou encore à Bouygues d’acquérir 100 % du capital de TMC.
La plupart de ces chaînes étaient sur le point d’atteindre le seuil fatidique de 2,5 % ou l’avaient même dépassé. Sans cet amendement providentiel, leurs dirigeants auraient dû se contenter de 49 % des « parts du gâteau » !
Par ailleurs, la multiplication des acteurs de l’audiovisuel et de la presse dont l’une des sources essentielles de revenus a pour origine la commande publique – je pense, entre autres, à Bouygues, à Lagardère, à Bolloré ou à Dassault – est une modification structurelle qui met en cause l’indépendance et le pluralisme des médias. C’est pourquoi cet amendement vise à lutter contre une telle concentration et à empêcher que l’on puisse à la fois vivre de la commande publique et détenir des médias importants.
Dans la mesure où je me suis déjà exprimé sur le sujet à l’occasion de la discussion générale, je passe rapidement sur les rapports entre le pouvoir politique et les propriétaires des grands groupes de presse français, mais je note tout de même une évolution assez forte.
Les projets nourris par le chef de l’État pour mieux contrôler le service public de l’audiovisuel – je pense tout particulièrement à la nomination annoncée du président de France Télévisions en conseil des ministres – signifient une mise sous contrôle politique de la télévision publique.
Par conséquent, je me réjouis que, malgré votre opposition, madame le garde des sceaux – en première lecture, vous aviez émis un avis négatif sur cet amendement –, « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias » soient garantis dans la Constitution, et ce sur l’initiative du groupe socialiste du Sénat.
Cependant, dans le contexte actuel, il convient d’aller jusqu’au bout et d’accepter cet amendement socialiste qui permet de donner un contenu concret à ce principe général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’article 11 du projet de loi a déjà réglé cette question d’une façon qui nous paraît largement suffisante. Le reste n’a pas sa place dans la Constitution !
La commission émet donc un avis défavorable, comme en première lecture. Je rappelle que nous nous sommes longuement exprimés sur tous ces amendements en première lecture.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Si l’on veut faire acte de modernisation, c’est vraiment le moment ! Comment, en effet, déconnecter le problème des médias, de l’expression, de celui de la démocratie ? C’est absolument impossible ! Si nous voulons être résolument modernes – j’ai compris que c’était le but de la manœuvre –, il faut le montrer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. La concentration des médias est un problème récurrent.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais on ne doit pas le régler dans la Constitution !
M. Pierre-Yves Collombat. La lutte contre les concentrations était déjà l’un des objectifs que s’était fixés le Conseil national de la Résistance lorsque le pays serait libéré. Le résultat a bien été atteint, mais, progressivement, les concentrations se reforment.
Le moment est venu, sans reprendre toute la démonstration, de porter le fer dans la plaie. Les déclarations de principe, comme on dit chez nous, cela ne mange pas de pain. En revanche, limiter les concentrations, établir la transparence des relations entre les différents partenaires, actionnaires et médias, voilà qui a du sens !
Si l’on a vraiment pour objectif de rendre plus vivante notre démocratie, on ne peut pas ne pas s’interroger sur cette question. Peut-être notre proposition vous déplaît-elle aujourd’hui parce que vous voulez absolument obtenir un vote conforme et participer lundi au Congrès réuni à Versailles,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
M. Pierre-Yves Collombat. …mais on ne pourra pas éternellement faire l’impasse sur cette question !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, tout cela me donne un sentiment de déjà vu. (Nous aussi ! sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini. Nous sommes d’accord avec vous ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est vrai que je suis parlementaire « depuis très, très longtemps » (Eh oui ! sur les mêmes travées), comme le disait Mme le garde des sceaux ; sans doute était-elle au berceau lorsque j’ai été élu, d’abord à l’Assemblée nationale, puis, longtemps après, au Sénat.
À la Libération, on vient d’y faire allusion, le sentiment était le même. La loi du 11 mai 1946 sur la dévolution des biens de presse visait déjà à éviter que des puissances d’argent ne détiennent des moyens de communication tels qu’ils puissent convaincre les lecteurs par le seul mérite de l’argent.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’était pas essentiellement cela !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission dans lois. Mais non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En 1981, Georges Fillioud avait fait adopter une loi pour éviter précisément les concentrations. On y est revenu !
Notre amendement est ainsi rédigé : « Les moyens de communication, écrite, audiovisuelle, radiophonique et numérique concourent, par leur pluralisme, à la libre expression et à la libre communication des pensées et des opinions. » Mais cela ne doit pas être le pot de terre contre le pot de fer ! Nous avons donc ajouté : « La loi garantit leur indépendance et met en place les règles limitant les concentrations, assurant la transparence des entreprises de communication et les relations entre les propriétaires de ces entreprises et l’État. »
Nous en sommes revenus, aujourd’hui, à la situation que nous connaissions. Notre collègue Serge Dassault ou encore M. Bouygues sont actionnaires de chaînes de télévision ou de titres de presse. Bref, ceux qui ont de l’argent détiennent les moyens de communication. C’est donc un problème récurrent qui n’est toujours pas résolu.
Notre amendement tend à séparer, enfin, les puissances d’argent des moyens de communication.
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Il n’y a pas que les puissances dites « d’argent » qui se concentrent dans la presse : dans certains départements, ou dans certaines régions, le même titre couvre l’ensemble de la presse quotidienne, des journaux hebdomadaires d’arrondissements et des télévisions ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Josselin de Rohan. De qui s’agit-il ? (Sourires.)
M. Philippe Marini. Très utile rappel !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
... - Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Les services de radio et de télévision doivent respecter, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et le Gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant aux groupes parlementaires de l'opposition pour un tiers du temps.
« Par exception aux dispositions qui précèdent, lorsque le Président de la République et le Gouvernement sont issus de majorités politiques d'orientations différentes, les interventions du Président de la République sont décomptées avec celles des personnalités appartenant à l'opposition parlementaire. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. L’un des objectifs affichés de ce projet de loi est de rééquilibrer les institutions et de renforcer les pouvoirs du Parlement ; on l’a vu dans la discussion générale cet après-midi.
Il est à cet égard significatif que nous ayons beaucoup discuté de la prise de parole du Président de la République devant les assemblées.
Cette nouvelle disposition n’est pas que de l’ordre du symbole. Dans une société médiatique comme la nôtre, on ne peut ignorer que le problème posé n’est pas simplement celui de l’équilibre des institutions, mais aussi celui de la manière dont sera répercutée cette prise de parole par les médias audiovisuels.
Toutes les grandes démocraties ont adopté des dispositifs tendant à garantir le pluralisme des opinions. Chez nous, on applique la règle dite « des trois tiers », qui n’a rien, il faut le souligner, d’une disposition de valeur constitutionnelle.
Jusqu’ici, dans un certain consensus, le Président de la République était tenu à l’écart de ce décompte. Pourtant, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, on peut légitimement considérer que la façon dont il transforme la fonction présidentielle, la façon dont il s’expose, dont il sature l’espace médiatique rendent cette disposition inadaptée.
Nous considérons également que cette omniprésence médiatique compromet gravement le pluralisme. Face à cette situation anormale, nous réclamons l’égalité audiovisuelle, car c’est l’une des conditions d’une véritable démocratie.
Pour changer la règle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel se retranche derrière la demande d’une disposition législative pour comptabiliser le temps de parole du Président de la République. Eh bien, nous y sommes !
Nous pensons effectivement qu’il serait sain pour la démocratie, et pour répondre à une évolution bien particulière des pratiques institutionnelles, que le temps de parole du Président de la République soit décompté avec celui des personnalités de la même sensibilité politique.
C’est l’objet de cet amendement, que je vous demande de bien vouloir adopter.