Sommaire

Présidence de Mme Michèle André

1. Procès-verbal

2. Dépôt d'un rapport en application d’une loi

3. Orientation budgétaire. – Débat sur une déclaration du Gouvernement.

MM. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales, chargé des équilibres financiers généraux de la sécurité sociale ; Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles ; Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Christian Gaudin, Mme Nicole Bricq.

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

M. Roland du Luart.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

4. Saisine du Conseil constitutionnel

5. Orientation budgétaire. – Suite d’un débat sur une déclaration du Gouvernement.

Mme Christiane Demontès, MM. Serge Dassault, Adrien Gouteyron.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Clôture du débat.

6. Modernisation des institutions de la Ve République. – Suite de la discussion d’un projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture.

Rappel au règlement

M. Jean-Claude Peyronnet, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Article additionnel après l’article 9

Amendement n° 106 de M. Bernard Frimat. – MM. Jean-Claude Peyronnet, Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois ; le secrétaire d'État. – Rejet.

Article additionnel après l’article 10

Amendement n° 107 de M. Bernard Frimat. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État, Pierre-Yves Collombat, Jean-Claude Peyronnet. – Rejet.

Article 11

Amendement n° 50 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et sous-amendement no 147 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet du sous-amendement et de l’amendement.

Amendement n° 49 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendements nos 1 et 19 de M. Alain Lambert. – MM. Alain Lambert, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Amendement no 109 de M. Bernard Frimat. – Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Michel Dreyfus-Schmidt. – Rejet.

Amendement no 108 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 12

Amendements nos 110 de M. Bernard Frimat, 52 et 51 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Sueur, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Robert Badinter. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 110 ; rejet des amendements nos 52 et 51.

Adoption de l'article.

Article 13

M. Didier Boulaud.

Amendements nos 53 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 55 à 57 de Mme Michelle Demessine, 111, 112 de M. Bernard Frimat, 11 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 113 et 114 de M. Bernard Frimat. – MM. Robert Bret, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Luc Mélenchon. – Rejet des neuf amendements.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 13

Amendement n° 115 de M. Bernard Frimat. – Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Article 14

Amendement n° 116 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État, Michel Dreyfus-Schmidt. – Rejet.

Amendement no 117 de M. Bernard Frimat– MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 118 de M. Bernard Frimat. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-René Lecerf. – Rejet.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 14

Amendement n° 58 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Fourcade. – Rejet.

Amendement n° 22 de M. Alain Lambert. – MM. Alain Lambert, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait.

Article 15

Amendements nos 119 de M. Bernard Frimat et 59 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Jean-Pierre Sueur, Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 16

Amendements nos 60 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 120 de M. Bernard Frimat et 23 de M. Alain Lambert. – Mmes Éliane Assassi, Gisèle Printz, MM. Alain Lambert, le rapporteur, le secrétaire d'État, Michel Dreyfus-Schmidt, Josselin de Rohan, Jean-Claude Peyronnet, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Philippe Marini, Christian Cointat. – Retrait de l’amendement no 23 ; rejet des amendements nos 60 et 120.

Adoption de l'article.

Article 17

Amendement n° 27 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. le vice-président de la commission, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. – Retrait.

Adoption de l'article.

Article 18

Motion no 148 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, demandant le renvoi de l’article à la commission. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le vice-président de la commission, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendements identiques nos 62 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 121 de M. Bernard Frimat ; amendements nos 63 à 66 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 8 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 24 de M. Alain Lambert et 122 de M. Bernard Frimat. – Mmes Josiane Mathon-Poinat, Christiane Demontès, Alima Boumediene-Thiery.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

7. Conférence des présidents

8. Modernisation des institutions de la Ve République. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture.

Article 18 (suite)

MM. Alain Lambert, Pierre-Yves Collombat, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ; Bernard Frimat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat, Mme Alima Boumediene-Thiery. – Retrait de l’amendement n° 24 ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 62 et 121 ; rejet des amendements nos 63 à 66, 8 et 122.

Adoption de l'article.

Article 19

Amendements nos 68, 67, 61 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 123 à 125 de M. Bernard Frimat. – MM. Robert Bret, Thierry Repentin, Jean-Pierre Sueur, Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet des six amendements.

Adoption de l'article.

Article 20

Amendements identiques nos 69 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 126 de M. Bernard Frimat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article additionnel avant l'article 21

Amendement n° 25 de M. Alain Lambert. – MM. Alain Lambert, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet.

Article 21

Amendement n° 127 de M. Bernard Frimat. – Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 22

Amendement n° 70 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet.

Amendements nos 71 à 73 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet des trois amendements.

Amendements nos 128 de M. Bernard Frimat et 74 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Bernard Frimat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 23

Amendement n° 75 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements identiques nos 2 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 129 de M. Bernard Frimat. – M. Robert Bret, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l'article.

Article 23 bis

Amendement n° 130 de M. Bernard Frimat. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet.

Adoption de l'article.

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

Article 24

Amendements nos 131 rectifié de M. Bernard Frimat et 76 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Bernard Frimat, Ivan Renar, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet des deux amendements.

Amendements nos 132, 133 de M. Bernard Frimat, 6 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 77 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Bernard Frimat, Pierre-Yves Collombat, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Ivan Renar, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Michel Mercier. – Retrait de l’amendement n° 133 ; rejet des amendements nos 132, 6 et 77.

Adoption de l'article.

Article 24 bis (supprimé)

Amendement n° 78 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Robert Bret, le rapporteur, Mmes Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Robert Badinter. – Rejet de l’amendement, l’article demeurant supprimé.

Article 24 ter (supprimé)

Amendement n° 134 de M. Robert Badinter. – MM. Robert Badinter, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet de l’amendement, l’article demeurant supprimé.

Article 25

Amendement n° 135 de M. Robert Badinter. – MM. Robert Badinter, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-René Lecerf. – Rejet.

Amendement n° 136 de M. Robert Badinter. – MM. Robert Badinter, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M.  Josselin de Rohan, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 25 ter (supprimé)

Amendement n° 79 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Robert Bret, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet de l’amendement, l’article demeurant supprimé.

Article additionnel après l’article 26

Amendement n° 15 de M. Hubert Haenel. – Mme Catherine Troendle, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Hubert Haenel. – Retrait.

Article 28

Amendements nos 81, 80 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 137 de M. Robert Badinter. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l'article.

Article 30 quater. – Adoption

Article 30 quinquies

Amendement n° 138 rectifié de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 30 sexies

Amendement n° 139 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 30 septies

Mme Alima Boumediene-Thiery.

Amendement n° 91 rectifié de M. Ivan Renar. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Gaston Flosse, Pierre-Yves Collombat. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 31 bis – Adoption

Articles additionnels avant l'article 32

Amendement n° 84 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 85 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.

Article 32

Amendements identiques nos 5 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 140 de M. Bernard Frimat. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 33

Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. de Josselin de Rohan, Bernard Frimat, Christian Cointat, Robert Bret.

Amendements identiques nos 18 rectifié de M. Bruno Retailleau et 86 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements nos 141 de M. Bernard Frimat et 87 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Bruno Retailleau, Robert Bret, Bernard Frimat, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des quatre amendements.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 33

Amendement n° 142 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 33 bis

Amendement n° 88 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 34

Amendement n° 143 de M. Bernard Frimat. – M. Bernard Frimat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. –Rejet.

Amendements nos 4 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 144 de M. Bernard Frimat. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Bernard Frimat, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Pierre Sueur. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 145 de M. Bernard Frimat. – Devenu sans objet.

Adoption de l'article.

Article 35

Amendements nos 90 et 89 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Vote sur l'ensemble

MM. Pierre Laffitte, Patrice Gélard, Bernard Frimat, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Alima Boumediene-Thiery, MM. Robert del Picchia, Michel Mercier.

Adoption, par scrutin public, du projet de loi constitutionnelle.

M. le secrétaire d'Etat.

9. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

10. Dépôt d'un rapport d'information

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport en application d’une loi

Mme la présidente. M. le Président du Sénat a reçu de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, président de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement, le rapport pour 2007 de cet organisme, établi en application de l’article L. 141-4 du code monétaire et financier.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.

3

Orientation budgétaire

Débat sur une déclaration du Gouvernement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat d’orientation budgétaire (nos 456 et 457).

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat d’orientation des finances publiques est toujours un moment essentiel, car il permet de débattre des questions de fond. Il revêt aujourd’hui une importance plus grande encore, car j’ai l’honneur de vous transmettre, pour la première fois dans l’histoire de nos finances publiques, les plafonds de dépenses par mission pour les trois prochaines années. C’est une avancée majeure pour la gestion, la visibilité, la prévisibilité et le pilotage des finances de l’État.

Beaucoup a été accompli au cours de l’année écoulée, notamment la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, ou RGPP. Nous sommes désormais à un moment crucial pour nos finances publiques.

Les solutions de facilité sont caduques, notamment l’endettement à faible coût, qui a prévalu pendant de nombreuses années. Parallèlement, les générations issues du baby-boom arrivent à la retraite.

Les travaux que nous avons menés ensemble tout au long de l’année seront les fondements de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Ils nous permettront de concilier une contrainte financière extrêmement forte avec le maintien d’un service public de qualité et d’un système social protecteur.

Je souhaite, pour commencer, faire un point sur l’exécution du budget 2008.

Si l’objectif d’un déficit public de 2,5 points de PIB demeure, il nécessite cependant une grande vigilance concernant la dépense.

Les recettes fiscales de l’État seraient en moins-values par rapport à la loi de finances initiale. Quand, en avril dernier, nous avons révisé notre prévision de croissance du PIB entre 1,7 % et 2 %, nous supposions implicitement que les recettes fiscales enregistreraient une moins-value de 3 milliards à 5 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Les données supplémentaires disponibles à ce jour sur 2008 ne remettent pas en cause cette fourchette.

Sur les dépenses de l’État, c’est essentiellement la révision à la hausse de la charge de la dette qui pèse sur l’exécution, 2 milliards à 3 milliards d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale.

Ce dérapage provient de la hausse des taux d’intérêt et surtout de l’augmentation de l’inflation, qui pèse sur le provisionnement de la charge des obligations indexées.

La mise en réserve de crédits 2008 est typiquement destinée à faire face aux besoins apparaissant en cours d’exécution. À ce stade de l’année, j’estime qu’environ la moitié des crédits mis en réserve, de l’ordre de 3 milliards d’euros, pourrait faire l’objet d’une annulation.

En dépit du poids croissant des charges d’intérêt, je conserve donc l’objectif de respecter l’enveloppe de la loi de finances initiale que vous avez votée.

Pour la sécurité sociale, nous respectons le cadrage financier de la loi de financement de la sécurité sociale, ou LFSS. Le déficit du régime général serait d’environ 8,9 milliards d’euros, donc exactement en phase avec le déficit de 8,8 milliards d’euros prévu dans la LFSS pour 2008.

Ces résultats s’expliquent principalement par les mesures de régulation votées dans la LFSS pour 2008, et par la bonne tenue des recettes, grâce au dynamisme de l’emploi, qui bénéficie d’ailleurs non seulement au régime général, mais aussi à l’ensemble de la sphère sociale.

Sur l’assurance maladie, le comité d’alerte a prévu un dépassement de l’ONDAM, l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, de 500 millions à 900 millions d’euros. Avec Mme Roselyne Bachelot, je reste particulièrement vigilant sur ce point, car nous ne nous satisfaisons pas de ce dépassement, même s’il est inférieur au seuil d’alerte de 1,1 milliard d’euros et au dérapage de 3 milliards d’euros enregistré à la même époque l’année dernière. Je suis persuadé, au demeurant, que MM. Nicolas About et Alain Vasselle partagent mon point de vue. J’insiste sur ce point, car nous assistons parfois à un dérapage, probablement lié à notre culture, qui consiste à intégrer le seuil d’alerte dans l’objectif de dépenses. Or nous ne pouvons pas raisonner ainsi !

Sans verser dans l’optimisme, je confirme que, dans ces conditions, un déficit de 2,5 points de PIB constitue toujours l’objectif du Gouvernement.

Après ce bref rappel des perspectives pour 2008, je veux revenir sur notre stratégie de moyen terme.

Depuis un an, nous appliquons avec constance la même stratégie pour le rétablissement de nos finances publiques, qui est de conjuguer développement de la croissance potentielle de l’économie et maîtrise des finances publiques.

D’une part, il faut développer la croissance potentielle de l’économie grâce aux réformes de structure. Vous avez eu l’occasion d’en débattre de nombreuses fois, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment avec Mme Christine Lagarde, au cours de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, et vous aurez l’occasion de poursuivre ce débat avec M. Xavier Bertrand à l’occasion de l’examen du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

D’autre part, il faut maîtriser la dépense publique, et pour cela, comme je l’ai dit et répété à de multiples reprises, diviser par deux le taux de croissance de la dépense en volume, pour avoir une croissance annuelle de la dépense de l’ordre de 1 % en euros constants.

C’est ainsi que nous retrouverons l’équilibre de nos finances publiques en 2012, et celui de la sécurité sociale dès 2011.

Je sais que nous divergeons quelque peu, monsieur le rapporteur général, sur l’évaluation des efforts nécessaires à la mise en œuvre de cette stratégie. Je note cependant que, en un an, nos estimations se sont rapprochées. En réalité, nous devons faire un effort de dix milliards d’euros par an par rapport au tendanciel. C’est la clef de l’équilibre de l’ensemble des finances publiques.

Dès lors, comment, très concrètement, s’articule la préparation du premier budget triennal avec la stratégie de moyen terme ?

Le premier pas du retour à l’équilibre de nos finances publiques en 2012 consiste à se fixer un objectif ambitieux pour 2009 : il convient de réduire le déficit public de 0,5 point de PIB, pour le ramener à 2 points de PIB. D’autres pays l’ont fait avant nous ; cet effort est donc parfaitement réalisable et attendu par nos partenaires européens. Mais, bien au-delà, le Président de la République l’a rappelé plusieurs fois, cet assainissement des finances de l’État renforcera l’ensemble des réformes en cours destinées à soutenir la croissance. Il ne peut y avoir de croissance durable sans des finances publiques soutenables.

Pour parvenir à cet équilibre, il faut agir dans trois directions : stabiliser chaque année la dépense de l’État en euros constants sur le périmètre élargi établi lors du projet de loi de finances pour 2008 ; réaliser un effort de redressement des comptes de l’assurance maladie de 4 milliards d’euros, dès 2009, pour assurer le retour à l’équilibre du régime général au plus tard en 2011 ; poursuivre les réformes pour trouver nos propres ressorts de croissance dans un environnement mondial difficile.

L’une des principales difficultés de cet environnement, c’est la poussée inflationniste que nous connaissons. Or l’inflation, contrairement à l’opinion répandue parmi nos concitoyens, n’est pas favorable aux finances publiques. Elle augmente les dépenses, immédiatement via la charge des obligations indexées, et l’année suivante via les prestations familiales et de retraite.

En outre, elle n’a pas forcément un effet bénéfique sur les recettes, contrairement à une croyance tenace. L’inflation que nous connaissons aujourd’hui, qui provient principalement des matières premières, est importée. Elle pèse donc sur l’activité et sur les volumes produits. Certes, les prix augmentent, mais les volumes diminuent. Au total, l’effet de l’inflation sur les recettes fiscales est donc très ambigu. Finalement, une telle inflation coûte plus qu’elle ne rapporte !

Je souhaite revenir plus précisément sur la construction du budget de l’État. Pour la première fois, nous mettons à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, les plafonds de dépenses par mission pour les trois prochaines années. C’est une avancée majeure pour la clarté et l’efficacité de la dépense de l’État. Cependant, la construction de ce budget triennal se fait dans un environnement plus contraint qu’il ne l’a jamais été, et ce pour trois raisons.

Tout d’abord en stabilisant les dépenses en euros constants dans le périmètre de la norme élargie, nous faisons un effort supérieur à tout ce qui a été fait par le passé, puisque, en moyenne, de 1999 à 2007, la croissance de la dépense de l’État sur ce périmètre élargi aurait été de 1,1 %.

Ensuite, nous tenons à faire disparaître les sous-dotations qui ont, pendant des années, caractérisé la construction des budgets. Vous les pointez systématiquement du doigt, à juste titre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. Éric Woerth, ministre. Je pense particulièrement aux sous-dotations concernant les crédits dus à la sécurité sociale.

Enfin, les dépenses héritées du passé sont bien plus dynamiques qu’auparavant. L’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom entraîne un accroissement du montant des pensions, qui progressera de près de 2,5 milliards d’euros en moyenne par an de 2009 à 2011.

La charge de la dette s’accroît également brutalement. De 2003 à 2007, elle était quasiment stable. Dans les années à venir, elle augmentera d’un peu plus de 2 milliards d’euros chaque année en moyenne. À titre de comparaison, 2 milliards d’euros, c’est grosso modo la moitié du budget du ministère des affaires étrangères ou la totalité du budget de la culture. C’est très important.

Au total, de 2003 à 2007, le cumul de la charge de la dette et des pensions représentait moins de 30 % de l’augmentation de la dépense de l’État. À l’avenir, c’est exactement le phénomène inverse : la dette et les pensions en absorberont 70 %. C’est un renversement majeur : de 70 % de marge de manœuvre, on passe à 30 %, ou, si vous préférez cette présentation, à 70 % de dépenses contraintes.

Il faut y ajouter l’évolution des prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales : ce n’est alors plus 70 % de la progression des dépenses qui est contrainte, c’est 100 % !

Au total, réaliser le « zéro volume » sur la norme élargie, c’est en fait équivalent à stabiliser en euros courants les dépenses des ministères. Il faut se rendre compte de ce que cela signifie. Certains nous disent qu’il faut en faire plus ; les sénateurs ici présents sont suffisamment experts pour le savoir.

Cela signifie d’abord « zéro valeur » sur les dépenses de personnel. Nous y parvenons grâce à la révision générale des politiques publiques, qui nous permet d’effectuer 30 627 non-remplacements de fonctionnaires partant à la retraite pour l’État.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, les opérateurs sont aussi associés – vous y êtes sensible – à l’effort de réduction des effectifs.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est la première fois !

M. Éric Woerth, ministre. Dès 2009, nous atteignons donc quasiment notre objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Vous trouverez le détail de ces non-remplacements, mission par mission et ministère par ministère, dans le tableau qui vous a été distribué.

À l’inverse d’une logique purement arithmétique ou comptable, qui serait vouée à l’échec, l’effort demandé découle toujours des réformes mises en œuvre.

Certains ministères font ainsi plus que la moyenne, d’autres moins, mais, lors de la RGPP, la recherche des gains de productivité a été poursuivie par tous avec la même intensité. Ces non-remplacements s’accompagnent bien évidemment, comme cela avait été annoncé par le Président de la République, d’un retour vers les fonctionnaires de 50 % des économies induites par les gains de productivité réalisés dans chaque ministère.

C’est aussi le « zéro valeur » pour les budgets d’intervention et de fonctionnement des différents ministères. Il faut naturellement faire des choix. L’enceinte de discussion incomparable qu’offraient les nombreuses « réunions RGPP », auxquelles Philippe Marini était présent, nous y a beaucoup aidés.

Je tiens vraiment à le dire, le travail de la révision générale des politiques publiques enrichira vraiment, dans les années qui viennent, les décisions à prendre concernant l’orientation de nos finances publiques. On ne mesure pas à quel point ce travail est important dans un avenir proche : c’est ce qui nous a permis d’aller au fond de chaque sujet, pas uniquement pour 2009, mais pour les trois ans qui viennent. Il s’agit de prévoir une réforme en 2010 ou en 2011 et d’en inscrire dès maintenant l’impact dans nos finances publiques. La RGPP est en fait le creuset du budget triennal.

Parmi les dépenses, il y a naturellement des priorités.

La première d’entre elles est l’enseignement supérieur et la recherche, dont les moyens seront augmentés de 1,8 milliard d’euros par an, conformément aux engagements du Président de la République.

La mise en œuvre du Grenelle de l’environnement est aussi un engagement majeur du quinquennat. Son déploiement concernera un large éventail de projets comme le logement, le transport ou la recherche. Sa mise en œuvre mobilisera des leviers budgétaires, mais également des outils réglementaires et fiscaux dès le projet de loi de finances pour 2009.

La justice est évidemment une priorité, plus particulièrement l’administration pénitentiaire : 13 200 places de prison seront construites dans les années qui viennent pour « armer » ces établissements. La question des personnels est donc essentielle.

Par ailleurs, compte tenu des besoins en équipement de la défense, on peut dire que le budget d’équipement de la défense est devenu une « quasi-priorité ». J’y insiste, comme mon collègue Hervé Morin, car ce n’est pas ce que j’ai lu ici ou là !

Comme il faut financer ces priorités avec une enveloppe constante, il est évident que certains budgets doivent s’adapter, et donc baisser, afin de nous permettre de respecter notre norme de dépense. Il n’y a eu aucun tabou dans nos discussions, par exemple pour la diminution d’un budget, et je souhaiterais, monsieur le président de la commission des finances, que nous restions sur cette base culturelle du débat d’orientation budgétaire…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. … au moment de la discussion budgétaire de l’automne prochain.

Même dans les politiques prioritaires, la RGPP permet de rationnaliser les dépenses. La diminution d’un budget entre 2009 et 2011 ne signifie donc pas qu’une politique n’est pas prioritaire. C’est une question de redéploiement et de productivité de l’euro dépensé. Il faut avoir cela à l’esprit pour éviter tout commentaire déplacé à ce sujet.

Je le répète, une diminution des crédits à un moment donné ne préjuge en rien le caractère prioritaire ou non d’une politique. Je l’ai déjà affirmé hier devant les députés, mais peut-être moins fortement qu’aujourd’hui. Il faut prendre en compte tous les outils à disposition pour juger d’une politique, d’une mission ou des crédits qui y sont affectés.

Prenons quelques exemples.

Les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durable » diminueront en 2011, pour la simple raison que de nouvelles ressources pourront être mobilisées à ce moment-là. Je pense au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, ce qui permet de jouer sur la subvention de l’État.

Nous nous trouvons dans un jeu complexe, avec plusieurs niveaux de ressources différents, qui peuvent évoluer en trois ans. Mais nous devons intégrer dès maintenant, et c’est tout l’intérêt et toute la force du budget triennal, ces perspectives à moyen terme.

Vous avez entre les mains les résultats de nos travaux. Je ne vais pas « égrener » mission par mission ces résultats, mais ils traduisent tous l’ampleur des réformes qui sont mises en œuvre. Par exemple, dans la mission « Ville et logement », une large réorientation du « 1 % logement » sera opérée. La mission « Sécurité », qui dépend de Mme Alliot-Marie, traduit les orientations de la future loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure dont vous aurez à débattre. Les conclusions de la RGPP sur la mission « Travail et emploi » conduisent à limiter la durée des contrats aidés, qui seront ainsi recentrés sur les personnes les plus éloignées de l’emploi. À partir de 2010, la formation professionnelle sera également mieux orientée au profit des demandeurs d’emploi, qui doivent en être les premiers bénéficiaires.

Pour éviter toute ambigüité, je signale que ces plafonds de dépenses ne contiennent pas à ce stade le revenu de solidarité active, pour la simple et bonne raison que ses modalités, et donc a fortiori son financement, ne sont pas encore arrêtées. Elles le seront, puisque le Président de la République et le Premier ministre ont confirmé à plusieurs reprises leur arbitrage concernant la création du RSA. La question qui se pose est donc celle de ses modalités de gestion et de sa mise en œuvre. Je n’ai pas voulu préempter ces négociations, ni le travail qui sera réalisé par le Gouvernement et fera l’objet d’un projet de loi discuté devant la représentation parlementaire.

Je tiens surtout à préciser que les efforts faits pour tenir ce « zéro valeur » sur les dépenses des ministères constituent le résultat de l’effort de toute l’équipe gouvernementale et de la détermination du Président de la République et du Premier ministre. Il n’y a pas, d’un côté, des « gagnants » et, de l’autre, des « perdants » au sein d’une équipe. Je le redis, il faut cesser de juger un budget uniquement sur son montant. Il faut apprécier l’efficacité des politiques mises en œuvre et la capacité d’un ministre à bien hiérarchiser ces priorités. C’est ainsi qu’un projet de budget se construit.

Je voudrais en venir maintenant à la sécurité sociale.

Pour parvenir à l’équilibre du régime général en 2011, il faut impérativement, vous le savez, que l’assurance maladie soit également à l’équilibre d’ici là. Les caisses d’assurance maladie viennent de nous faire des propositions d’économie pour 2009. Nous allons évidemment les étudier en détail.

Je retiens un message fort des propositions de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM : il existe des marges d’efficience importantes dans notre système, qui rendent possible le retour à l’équilibre des finances sociales, notamment de l’assurance maladie, dès 2011. Ce n’est pas une tactique ou une posture théorique.

C’est le sens de la politique que Mme Bachelot-Narquin et moi-même voulons mener. Nous avons d’ailleurs entamé un cycle de rencontres bilatérales accélérées avec les représentants des mutuelles et l’ensemble des partenaires sociaux, afin de cerner leur état d’esprit et de recueillir leurs propositions avant d’annoncer un certain nombre de mesures. C’est l’esprit de dialogue, mais aussi de décision, qui prime. L’excellent rapport d’Alain Vasselle sur le partage entre l’assurance maladie et l’assurance complémentaire nous inspire particulièrement.

Après ces réunions, nous disposerons d’un éventail de propositions à partir duquel nous prendrons nos responsabilités. Des annonces sont envisageables avant la fin du mois de juillet concernant des mesures à prendre dès 2009. Pourquoi ne pas préempter les mesures de 2009 sur 2008 pour tenter de respecter, ou tout du moins, d’amoindrir le dépassement prévisionnel ? Même s’il est inférieur à celui de l’année dernière, je ne peux décidément pas m’en contenter. J’imagine que c’est aussi votre cas.

Par ailleurs, la baisse du chômage doit pouvoir être mise à profit pour baisser les cotisations et permettre ainsi, à taux de prélèvements constant, une hausse des cotisations retraites. Selon moi, ce mouvement doit être engagé dès 2009.

L’amélioration de la branche vieillesse dépendra principalement de l’évolution de l’emploi des seniors, des âges de cessation d’activité et de liquidation des pensions.

Pour l’emploi des seniors, le Gouvernement a pris ses responsabilités, en annonçant notamment la majoration de la surcote, la libéralisation du cumul emploi-retraite, en fermant progressivement les préretraites sur fonds publics. Ce n’est que par une mobilisation collective, incluant au premier rang les entreprises, que nous assurerons le succès de cette nouvelle culture du travail.

Je veux aussi continuer à clarifier les relations entre l’État et la sécurité sociale, que j’ai déjà évoquées brièvement et que j’examinerai plus en détail.

L’année dernière, j’ai apuré la dette de l’État envers la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien ! Il faudra continuer !

M. Éric Woerth, ministre. Nous en avons abondamment parlé.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Elle s’est reconstituée !

M. Éric Woerth, ministre. Cette dette s’est recréée, certes, à un niveau inférieur.

En réalité, pour la combattre, il faut lutter contre le mal et le prendre à la racine.

M. Éric Woerth, ministre. Et la racine du mal, c’est la sous-budgétisation, et pas autre chose !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà !

M. Éric Woerth, ministre. Nous devons budgétiser, avec précision et justesse, les dépenses de l'État, qui viennent compenser les dispositifs gérés par la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Faute avouée, faute à moitié pardonnée !

M. Éric Woerth, ministre. Je n’avoue pas, même sous la torture du Sénat ! (Sourires.) Je dis les choses telles qu’elles sont ! Très sincèrement, je veux que nous prenions nos responsabilités. On ne peut mener une bonne politique budgétaire en cherchant à dissimuler.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Cela ne sert à rien. À cacher la vérité pendant des années, un jour, elle explose à la figure. Au lieu de cela, nous devons affronter les problèmes tels qu’ils se présentent et prendre des mesures.

Par ailleurs, la dette sociale, actuellement à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, – cela ne vous avait pas échappés ! – …

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n’est pas rien !

M. Éric Woerth, ministre. … sera transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Nous utiliserons dans ce but une fraction des recettes de contribution sociale généralisée, la CSG, qui sont actuellement attribuées au fonds de solidarité vieillesse, le FSV. C’est possible, car le FSV est désormais en excédent.

M. Éric Woerth, ministre. Nous réaliserons évidemment ce transfert dans le respect de l’équilibre financier du FSV.

Nous traiterons également la lancinante et pénible question du fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, du point de vue tant de son déficit que de sa dette.

J’en viens à présent au sujet concernant les collectivités locales.

Comme vous le savez, une Conférence nationale des exécutifs, présidée par le Premier ministre, a eu lieu jeudi dernier.

Le message qu’a transmis le Premier ministre est simple : l’ensemble des concours de l’État aux collectivités locales doit évoluer au même rythme que l’ensemble des dépenses de l’État, c’est-à-dire au rythme de l’inflation.

J’ai bien noté, monsieur le président de la commission des finances, que vous partagiez cette analyse.

Avec une prévision d’inflation à 2 % en 2009, l’ensemble des concours de l’État, soit 55 milliards d’euros hors dégrèvements, augmentera donc de 1,1 milliard d’euros en 2009 par rapport à 2008. Ce montant de 1,1 milliard d’euros supplémentaires en 2009 est tout de même supérieur de 200 millions d’euros à l’augmentation prévue en loi de finances initiale 2008, qui s’élevait à 900 millions d’euros sur le même périmètre.

Je sais bien que c’est difficile et qu’il s’agit là d’une vision quelque peu nouvelle des rapports entre l’État et les collectivités locales.

Je vous demande de prendre en compte le fait que c’est le maximum de l’effort que l’État peut s’imposer sur ses propres dépenses au bénéfice des collectivités. Pour 2010 et 2011, l’ensemble des concours de l’État continuera à évoluer comme l’inflation, ce qui conduira à une augmentation de un milliard d’euros supplémentaires par an.

Quelle traduction donner à cette augmentation de 1,1 milliard d’euros en 2009 ?

Le Premier ministre s’y est engagé lors de la Conférence nationale des finances publiques, si une réforme du FCTVA est envisageable pour l’avenir, à l’évidence, le Fonds ne sera pas réformé en 2009, afin de ne pas mettre en péril les plans de financement des collectivités qui ont déjà investi et comptent récupérer la TVA afférente à leurs investissements.

Cela n’exclut pas de réfléchir au mécanisme même d’évolution du FCTVA et cette discussion pourra être largement ouverte.

Une fois financée l’augmentation du FCTVA, comprise dans le 1,1 milliard d’euros – c’est inutile de le cacher –450 millions d’euros de crédits resteront disponibles, c’est-à-dire un peu de 1 % de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, ou un peu moins de 1 % du périmètre du contrat. À cet égard, des ajustements pourront être effectués.

Il nous faut réfléchir conjointement à l’utilisation de ce 1 % donné par l’État, qui va au-delà de ce qu’il fait pour lui-même, puisqu’il applique la norme « zéro valeur » à ses politiques d’intervention et de fonctionnement des ministères.

Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, il n’est pas possible que la DGF continue à progresser sur son rythme actuel.

C’est ce que nous avons essayé de dire, en essayant de protéger au maximum la confiance qui peut exister entre les collectivités et l’État, confiance partagée, mais qu’il faudra, au fur et à mesure du temps, fonder sur une nouvelle manière de voir les choses. Avec Michèle Alliot-Marie et Christine Lagarde, nous y travaillerons, en liaison avec l’ensemble des collectivités locales.

Après cette présentation des enjeux et des orientations pour l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales, je reviendrai, pour finir, sur deux importants sujets de gouvernance : la loi de programmation des finances publiques et la maîtrise des niches fiscales et sociales, sujet sur lequel le Sénat est très en pointe. (M. le rapporteur général sourit.)

La révision de la Constitution a été l’occasion d’ouvrir un large débat sur l’opportunité d’inscrire dans la loi fondamentale une règle de finances publiques. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !

M. Éric Woerth, ministre. Le résultat auquel nous sommes parvenus pour l’instant me parait très satisfaisant : une loi de programmation des finances publiques, qui s’inscrit dans un objectif d’équilibre. Il ne suffit pas de trépigner en disant qu’il faut être à l’équilibre, encore faut-il préciser comment on y arrive. C’est, de mon point de vue, la partie la plus difficile !

La panacée n’est pas l’instauration d’une règle totalement fermée. Il s’agit de « faire ». C’est à cela que nous nous attelons, avec l’aide puissante du Sénat ; c’est aussi inscrire dans la Constitution un cadre général pour nos finances publiques.

Ainsi, les objectifs que je vous ai décrits seront bien contenus dans la Constitution au travers de cette loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, qui permettra de définir une stratégie d’ensemble, dépassant la vision limitée qu’offrent aujourd’hui les débats sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui nous permettra, en outre, de nous mettre en conformité avec nos obligations communautaires, s’agissant de la transmission légitime à la Commission européenne des trajectoires de redressement des finances publiques.

Un autre sujet nous tient à cœur : c’est le sujet des niches fiscales et sociales. (M. le rapporteur général s’exclame.)

Nous ne sommes pas au bout du débat !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, on continue à en créer !

M. Éric Woerth, ministre. J’ai la conviction très forte que nous devons poursuivre ce débat ensemble.

Le nombre de niches et leur montant sont devenus un véritable enjeu de finances publiques. Telle la goutte d’eau qui fait déborder le vase, force est de constater à un moment donné qu’il est impossible de continuer ainsi.

C’est pourquoi le Premier ministre a décidé, lors de la dernière Conférence nationale des finances publiques, que ces niches fiscales et sociales seraient limitées dans le temps et soumises à une évaluation systématique.

C’est pourquoi aussi, lors de mes rencontres avec chacun des ministres, mais également lorsque le Premier ministre a arbitré les sujets qui n’avaient pas pu l’être, nous avons discuté non seulement des dépenses budgétaires, mais aussi des dépenses fiscales ou des exonérations de charges sociales.

Il nous faut aller encore plus loin. Sur les dépenses fiscales et des exonérations diverses de charges sociales, j’envisage donc plusieurs actions, et ce dès le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Nous améliorerons la qualité de l’information du Parlement, en récapitulant de façon claire toutes les décisions prises à ce sujet au cours de l’année dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Surtout, nous instaurerons un objectif de dépenses fiscales dans le projet de loi de finances, probablement de manière indicative à ce stade. Ses modalités restent à définir et nous le ferons ensemble. Une fois renforcé, complété et précisé, cet outil peut être très puissant si nous savons le mettre en œuvre.

J’avais à vrai dire de la sympathie pour l’amendement proposé par MM. Arthuis, Marini, About et Vasselle. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est gentil !

M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement, qui visait à valider en loi de finances initiale et en loi de financement de la sécurité sociale les niches votées dans des lois ordinaires, avait été adopté par le Sénat.

Je comprends que la commission des lois de l’Assemblée nationale y voie une atteinte à des principes juridiques que je ne saurais contester.

Reste qu’il nous faut lutter ensemble contre la prolifération, excessive à mon goût comme au vôtre, de ces dispositions.

Nous sommes face à une situation inédite pour nos dépenses publiques : la dynamique de charge d’intérêt et celle des pensions accentuent les contraintes qui pèsent sur les autres dépenses, qu’il s’agisse de la masse salariale ou des dépenses d’intervention.

Il est donc plus que jamais indispensable de réaffirmer la maîtrise de la dépense publique et d’améliorer son efficience.

Nous nous en sommes donné pleinement les moyens durant cette année, avec la révision générale des politiques publiques, la RGPP, avec les discussions qui se sont engagées dans la sphère sociale, avec le budget triennal, avec la maîtrise des niches et avec la loi de programmation des finances publiques.

C’est cette alliance de réformes de structures profondes et de règles de gouvernance efficaces, qui nous permettra de réussir et d’atteindre l’objectif, non pas comptable, mais véritablement politique, de parvenir à l’équilibre de nos finances publiques dès 2012, et ce avec l’aide constante, puissante et sincère du Sénat. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, ce débat d’orientation budgétaire revêt un relief particulier, peut-être plus que les années précédentes.

Outre sa vertu pédagogique, il nous permet, en nous appuyant sur les résultats du premier exercice budgétaire de la nouvelle législature, d’aborder avec réalisme les prochaines échéances budgétaires.

Elles seront, en effet, particulièrement importantes et, pour tout dire, monsieur le ministre, cruciales.

Outre le fait qu’elles s’inscrivent dans le cadre rénové d’une programmation pluriannuelle de nos finances publiques, le projet de budget pour 2009 sera à l’évidence, comme le rapporteur général nous le précisera bientôt, un « moment de vérité ».

Je ne doute pas que nos collègues, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales, feront de même pour le projet de budget de financement de la sécurité sociale.

L’exercice 2009 est, sans doute, un moment de vérité.

La situation de nos finances publiques se caractérise par une certaine viscosité. La programmation pluriannuelle, heureuse initiative du Gouvernement, monsieur le ministre, apportera peut-être la fluidité espérée.

Le déficit public, toutes administrations publiques confondues, s’élève à 50 milliards d’euros. Cela souligne l’ampleur de la tâche à accomplir pour parvenir, ainsi que le Gouvernement s’y est engagé et comme le Premier ministre l’a récemment rappelé, à l’équilibre des finances publiques en 2012, soit dans quatre ans seulement.

Nous avons bien entendu vos propos volontaristes, monsieur le ministre. Vous avez raison de ne pas sous-estimer les contraintes à surmonter.

Ce retour à l’équilibre suppose d’autant plus de détermination et de volonté politiques que les derniers chiffres concernant la croissance n’incitent guère à l’optimisme. Vous l’avez vous-même rappelé la semaine dernière, monsieur le ministre, en évaluant déjà l’enveloppe des moins-values fiscales à un montant qui pourrait se situer entre 3 milliards et 5 milliards d’euros.

Le ralentissement économique, qui résulte à la fois des effets larvés et délétères de la crise des subprimes, de l’appréciation probablement excessive du prix des matières premières – et en tout premier lieu, du pétrole –, mais aussi du climat de défiance qui « empâte » nos économies développées, nous invite à redoubler d’attention.

Il n’est malheureusement pas à exclure que, sans correction significative, notre déficit public s’accroisse de nouveau et même franchisse, en 2008, la barre des 3 % du PIB. J’ai bien noté que ce n’était pas votre prévision et qu’il n’y avait pas de votre part de fatalisme, ce dont on ne peut que se réjouir.

Une telle perspective n’est pas envisageable au moment où notre pays vient de prendre la présidence de l’Union européenne.

Pour conjurer cela, il est indispensable de comprimer le déficit en réduisant les dépenses tout en ne diminuant pas, inutilement, nos ressources.

De ce point de vue, et avant votre intervention, monsieur le ministre, je ne pouvais cacher mon inquiétude, s’agissant notamment de la prochaine généralisation du revenu de solidarité active, le RSA,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah le RSA !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. …qui, quelle que soit la noblesse des motivations de ses promoteurs – et à titre personnel, je pense que c’est un bon dispositif (M. Nicolas About rit.) –, serait financé par un surcroît de 1 milliard ou 1,5 milliard d’euros de dépenses publiques.

Un instant, j’avais même imaginé que la non-indexation des éléments ouvrant droit à la prime pour l’emploi et, sans doute, le « pincement » de la limite supérieure y ouvrant droit viendraient en déduction.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est ce que nous préconisions !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais il est apparu que cette évaluation avait été faite en tenant compte des éléments de modération de la prime pour l’emploi. En outre, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué qu’aucun arbitrage n’avait été fait. Par conséquent, je veux croire que le financement du RSA se fera par redéploiement. Je vous fais confiance, même si je vous mets en garde !

De même, je ne souhaite pas que les ressources fiscales soient, sans examen préalable, trop rapidement réduites. À défaut de pouvoir mettre fin à toutes ces niches fiscales, toutes ces exemptions, toutes ces exonérations, tous ces abattements, toutes ces défiscalisations dont la justification s’émousse avec le temps et qui sont autant de coups de canif portés à notre pacte fiscal, je plaide pour une limitation de leurs effets.

En l’espèce, il me semble indispensable que l’avantage procuré par ces niches soit plafonné pour chaque foyer fiscal.

Le barème de l’impôt sur le revenu était sans doute excessif et, à certains égards, confiscatoire. Probablement pour en amoindrir les effets, la France a multiplié les niches fiscales, jusqu’à s’en faire une « spécialité ». Maintenant que notre barème est comparable à celui qui est en vigueur dans la plupart des pays similaires à la France, je le répète, nous devons avoir la sagesse de plafonner ces niches pour chaque foyer fiscal.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est donc avec grand intérêt que j’ai entendu les propos courageux et responsables tenus par le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer sur l’extinction programmée du bénéfice de l’indemnité temporaire versée à certains fonctionnaires retraités dans quelques-uns de nos territoires ultramarins.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il aura fallu plaider longtemps !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Depuis bientôt cinq ans, monsieur le rapporteur général !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela prouve qu’il ne faut jamais se décourager !

M. Gérard Longuet. Le génie est une longue patience ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela prouve aussi que nous avions raison !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Chacun le sait, ce dispositif n’est pas conforme à l’idée que nous nous faisons de l’équité républicaine et ne contribue pas au nécessaire développement économique de ces collectivités ultramarines.

M. Gaston Flosse. Je n’en suis pas certain !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aussi, permettez-moi de vous dire que l’évocation d’une prochaine baisse du taux de la TVA dans le secteur de la restauration ne peut, dans l’état actuel de nos finances publiques, me satisfaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mauvaise promesse !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sans même évoquer son impact macroéconomique, qui m’apparaît très incertain et limité, je m’interroge sur le coût de cette mesure, qui devrait être comprise entre 2 milliards et 3 milliards d’euros, soit autant de déficit en plus, et sur sa compatibilité avec les engagements de retour à l’équilibre de nos comptes d’ici à la fin de cette législature.

La viscosité et, pour tout dire, la gravité de la situation de nos finances publiques nous obligent à des remises en ordre salutaires et indispensables, mais aussi à une saine et utile pédagogie de la réforme. Nous ne pouvons faire l’économie de la réforme car, à terme, ce seront les réformes qui feront les économies, comme le rappelle le Président de la République.

De ce point de vue, permettez-moi de saluer à nouveau l’ambition réformatrice incarnée par la révision générale des politiques publiques, dont vous êtes le rapporteur général, monsieur le ministre. Celle-ci vise à accroître l’efficacité du système, à en adapter la gouvernance, à en diminuer les frottements. On ne peut qu’espérer qu’elle rejoigne dans l’ambition réformatrice celle qui, sous l’autorité du général de Gaulle, fut portée, en son temps, par le rapport Rueff-Armand !

Si chacun souhaite que les synergies et, donc, à terme, les gains de productivité soient encore plus significatifs, je tenais à saluer cette démarche, qui est portée au plus haut niveau de l’État et dont vous êtes l’acteur et le moteur, monsieur le ministre. Sachez que notre soutien vous est acquis !

Nous attendons avec impatience les premiers résultats de la revue générale des prélèvements obligatoires, cette petite sœur de la révision générale des politiques publiques. Je souhaite vivement qu’elle nous aide à trouver les moyens de rendre notre pays plus compétitif dans une économie désormais mondialisée, afin que tous ceux qui entreprennent retrouvent des marges de manœuvre et de liberté. J’en attends de l’audace et des propositions innovantes !

Nous ne saurions nous satisfaire de modifications à la marge, d’améliorations d’un système de prélèvements qui date du précédent millénaire et qui n’est plus adapté au nomadisme économique, à la disparition des frontières fiscales ou à l’irruption des nouvelles technologies, qui taillent en pièces nos convictions fiscales les plus fortes.

À cet égard, le temps est venu de nous demander s’il est encore fondé d’affirmer que certains impôts seraient payés par les ménages tandis que d’autres le seraient par les entreprises. Cette convention est commode et politiquement correcte, mais elle nous égare. À la vérité, les impôts et les prélèvements sociaux sont toujours, en définitive, payés par les ménages. Les impôts, taxes et autres cotisations sociales acquittés par les entreprises se retrouvent nécessairement dans le prix des biens et des services offerts aux consommateurs.

Les conséquences étaient sans gravité lorsque l’économie nationale échappait encore à la mondialisation, à la concurrence des territoires plus compétitifs que le nôtre du fait de lois moins exigeantes ou de systèmes fiscaux moins pesants et moins agressifs envers la production et l’emploi.

Les discours anesthésiants et les propos convenus ne suffisent plus à masquer l’ampleur des délocalisations d’activités et d’emplois. Ce matin, l’actualité nous apprend la disparition de plusieurs centaines d’emplois dans le secteur automobile. Faut-il rappeler que la France produisait 3,3 millions de véhicules automobiles en 2001 et qu’elle en a produit 2,2 millions en 2007, soit un tiers de moins ? Malheureusement, je crains que ce mouvement ne se poursuive. Qui peut encore sous-estimer l’ampleur du déficit croissant de notre balance commerciale, qui atteint 40 milliards d’euros en 2007 ? Cela signifie que nous consommons plus que ce que nous produisons.

Nous avons rendez-vous avec la réalité économique. Les impôts de production, notamment les cotisations assises sur le travail, qui financent les branches santé et famille, sont des activateurs de délocalisations d’activités et d’emplois. Il en est de même, dans une mesure significative, de la taxe professionnelle. Il va falloir, monsieur le ministre, rompre avec les tabous et mettre en chantier des réformes qui ne peuvent plus attendre.

Voilà un an, vous vous en souvenez, nous avions déjà débattu de cette question. C’est dire si je suis impatient de connaître les orientations de la revue générale des prélèvements obligatoires. J’ajoute que la dématérialisation des transactions ne fait qu’aviver la problématique fiscale. Le commerce par internet, le e-business, rend la perception des impôts et des taxes aléatoire. Au surplus, les États se livrent à une concurrence fiscale sans merci.

Pour conclure, je veux insister, compte tenu d’un contexte économique international de crise, sur la nécessité absolue de tenir fermement la dépense publique, de poursuivre résolument l’action réformatrice engagée par le Gouvernement et, enfin, de ne pas confondre la lutte contre la vie chère par l’intensification de la concurrence entre les distributeurs avec l’amélioration du pouvoir d’achat qui résulterait d’une plus grande compétitivité du travail, des entreprises et de nos territoires.

Qu’il s’agisse de l’État, de la sécurité sociale ou des collectivités territoriales, tous les acteurs publics doivent contribuer à la maîtrise des dépenses et à l’équilibre de nos finances. Mais si l’art de gouverner est en cause, tel est aussi le cas de l’art de légiférer, monsieur le ministre. Nombre de lois sont assorties de nouvelles normes. Par exemple, la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux prévoyait que ces derniers devaient bénéficier de soixante heures de formation. Désormais, il est question de cent vingt heures. Qui en supportera le coût ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le contribuable local !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il semble que nous sommes incapables de légiférer sans poser de nouvelles normes qui, toutes, génèrent des dépenses publiques, sinon pour l’État, à tout le moins pour les collectivités territoriales. (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.)

Notre démarche est souvent totalement contradictoire, voire schizophrénique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aurons-nous la sagesse de ne légiférer que d’une main tremblante chaque fois que des dépenses deviennent incontournables pour satisfaire une belle idée ?

La problématique est identique pour la dépense fiscale. Certes, nous tenons la dépense budgétaire, mais nous multiplions les dépenses fiscales et « plombons » les ressources de budgets futurs.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué le Grenelle de l’environnement : j’en redoute l’échéance ! Quelles seront ses conséquences en matière de dépenses fiscales ? Je voudrais que Gouvernement et Parlement, nous soyons tous convaincus de la nécessité d’équilibrer nos finances publiques. C’est vital ! Il y a des stratégies, il faut de la méthode, de la discipline.

Monsieur le ministre, dites bien à vos collègues qu’il n’est plus question, par exemple dans le domaine du logement, de réduire systématiquement le taux de TVA à 5,5 % simplement pour faire un coup d’éclat ! Nos finances publiques n’y résisteraient pas ! L’équilibre à l’échéance de 2012, tant de fois proclamé, serait une pure illusion. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons aujourd’hui un nouveau débat, le troisième, sur les orientations des finances publiques, qu’elles soient budgétaires ou sociales, de notre pays pour l’année à venir et, ce qui est nouveau et ce dont je me félicite, pour les trois prochaines années.

Ce débat, qui avait été très éclairant l’année dernière, me paraît crucial aujourd’hui ; il s’agit bien de déterminer, compte tenu de la situation actuelle et des perspectives d’ores et déjà connues pour les années qui viennent, les meilleures orientations possibles pour nos finances publiques.

La conjoncture économique maussade, marquée par un ralentissement de l’activité et une hausse de l’inflation, le poids des déficits et de la dette accumulés, le niveau élevé des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires exigent que nous prenions des décisions à la hauteur de l’enjeu.

Nous ne pouvons plus nous contenter de mesures ponctuelles, car seules des réformes d’ampleur permettront à notre pays de se mettre en condition pour faire face au défi que constitue le vieillissement de la population. Celui-ci est bien réel : en matière de retraite, de santé et de dépendance, il pourrait se traduire par au moins trois points de PIB de dépenses supplémentaires d’ici à 2050.

Dans ces conditions, seul un assainissement véritable de nos finances pourra garantir la pérennité de notre modèle social, modèle auquel nous sommes tous, à juste titre, attachés. Il nous faut donc cesser de reporter les dépenses d’aujourd’hui sur les générations de demain.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela étant, j’ai bien conscience que nous avons déjà, plusieurs fois, ici même et dans d’autres lieux, pris cet engagement formel qu’il nous faut désormais impérativement tenir.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela signifie que nous devons, d’une part, prendre la véritable mesure des évolutions actuelles des finances de la sécurité sociale et, d’autre part, nous donner les moyens de nous attaquer aux causes structurelles des déficits sociaux.

Je vais maintenant vous présenter les principaux éléments du diagnostic établi par la commission des affaires sociales. Notre rapporteur, Alain Vasselle, par ailleurs président de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, vous décrira tout à l’heure les conditions que nous estimons indispensables pour parvenir à un vrai retour à l’équilibre.

Où en est-on aujourd’hui ?

Après les déficits records du régime général, avec plus de 11 milliards d’euros en 2004 et en 2005, et la légère décrue de 2006, avec un déficit ramené à 8,7 milliards d’euros, 2007 a connu un nouveau dérapage des comptes : le déficit du régime général s’établit finalement à 9,5 milliards d’euros, avec un dépassement de plus de 3 milliards d’euros de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie, l’ONDAM, et une progression supérieure à 6 % des prestations de la branche vieillesse.

En 2008, on revient seulement à la situation de 2006, avec un déficit attendu de 8,9 milliards d’euros. Il n’y a donc pas d’amélioration ; on note simplement un maintien du déficit du régime général aux environs de 9 milliards d’euros, et ce pour la troisième année consécutive, ce qui reste bien évidemment préoccupant.

Quelles sont les caractéristiques principales de la situation actuelle ?

Du côté des recettes, tout d’abord, on constate une évolution plutôt positive. Elles continuent en effet de progresser à un rythme élevé – plus de 4 % –, principalement grâce à la poursuite de la croissance soutenue de la masse salariale du secteur privé, ce qui entraîne une hausse des cotisations et de la CSG. Cette bonne tenue des recettes pourrait toutefois ne pas se prolonger au-delà des derniers mois de 2008.

Du côté des dépenses, les évolutions sont très différentes selon les branches.

Le déficit de la branche retraite devrait être supérieur à celui de la branche maladie. Il se creuse très nettement, pour atteindre 5,6 milliards d’euros sous l’effet conjoint de l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom et de la poursuite des départs anticipés pour carrière longue. Ceux-ci s’élèveront à environ 120 000 cette année pour un coût estimé à 2,5 milliards d’euros.

Pour la maladie, les dépenses progressent légèrement moins vite qu’en 2007, grâce aux effets conjugués du plan d’économies de l’été dernier et de la mise en place des franchises au 1er janvier.

Toutefois, et M. le ministre l’a indiqué voilà un instant, un nouveau dépassement de l’ONDAM est prévu, évalué entre 500 millions d’euros et 900 millions d’euros par le comité d’alerte, soit un peu en deçà du seuil de déclenchement de la procédure d’alerte. Dans ces conditions, le déficit de la branche pourrait dépasser l’objectif initial de 4 milliards d’euros.

Pour la famille, l’excédent, assez léger, retrouvé en 2007, après trois années de déficit, est confirmé en 2008.

La branche accidents du travail–maladies professionnelles enregistre elle aussi un excédent pour la deuxième année consécutive.

Deux branches sont donc en excédent et deux autres en déficit, mais ces déficits sont lourds. Cumulés pour ces deux branches sur les deux derniers exercices, ils approchent 20 milliards d’euros. Ce montant donne la mesure du chemin qu’il va falloir parcourir pour revenir à l’équilibre de nos finances sociales, et plus encore pour respecter l’objectif extrêmement ambitieux du Gouvernement d’un retour à l’équilibre du régime général dès 2011. Mais nous sommes prêts à y croire.

À cet égard, monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir transmis un document préparatoire au débat plus complet que celui de l’année dernière et, surtout, plus respectueux de la spécificité des finances sociales.

Vous ne nous donnez pas encore de trajectoire pluriannuelle détaillée pour l’évolution de l’ONDAM, comme le prévoit pourtant la LOLF pour la sécurité sociale, mais vous nous apportez certaines réponses et vous définissez de façon claire les grandes orientations que vous vous fixez.

Nous attendons avec impatience d’en connaître le détail, qui devra figurer dans les prochaines lois de financement et lois de finances, ainsi que dans la première loi de programmation des finances publiques qu’il nous faudra examiner à l’automne prochain.

Nous souhaitons que l’avancée incontestable qu’a représentée la création des lois de financement de la sécurité sociale, confortée par le cadre juridique rénové de la loi organique du 2 août 2005, soit maintenue et renforcée.

C’est pourquoi l’information du Parlement en matière de finances sociales doit être encore améliorée afin que nous disposions d’éléments aussi transparents et précis que ceux qui sont désormais disponibles en matière de loi de finances.

Cela me conduit à vous rappeler certaines demandes, déjà formulées à plusieurs reprises par la commission des affaires sociales.

Il est important que le cadrage pluriannuel figurant à l’annexe B du projet de loi de financement ne se contente pas de fournir une prévision volontariste et peu étayée. Il devra proposer des scénarios d’évolution solidement établis à partir d’hypothèses crédibles et différenciées.

Nous souhaitons aussi que les mesures nouvelles proposées soient chiffrées. Cela signifie en particulier que l’annexe 9, qui explicite l’impact sur les comptes des mesures nouvelles, soit moins succincte.

Afin de favoriser la transparence des comptes et de permettre au Parlement d’exercer pleinement son pouvoir de contrôle, il est indispensable que celui-ci dispose d’un chiffrage plus précis et plus exhaustif des différentes réformes proposées, en recettes comme en dépenses, en particulier de chacun des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme cela existe d’ailleurs pour le projet de loi de finances.

Avant de conclure mon propos, je tiens à évoquer en quelques mots la certification des comptes de la sécurité sociale.

Nouveau pouvoir de la Cour des comptes institué par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, la certification des comptes des organismes de sécurité sociale est un exercice très utile et extrêmement instructif pour nous, parlementaires. Elle nous offre un nouvel éclairage sur la comptabilité et la gestion de ces organismes, ainsi que de nouveaux moyens d’exercer notre contrôle.

Je pense par exemple aux comptes de la branche famille, que la Cour n’a pas été en mesure de certifier …

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ni ceux de la branche maladie !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. … cette année comme l’année dernière en raison de l’ampleur des incertitudes les entourant, ainsi que nous l’a déclaré le Premier président de la Cour, M. Philippe Séguin. Il est désormais de notre devoir de faire en sorte que cela change et que, l’année prochaine, la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, puisse présenter des comptes améliorés pour la branche famille.

Pour ce qui est du refus de certifier les comptes de la branche recouvrement et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, il va également falloir que les points de « désaccord » entre la Cour, d’une part, les services de l’ACOSS et de la tutelle – vos services, monsieur le ministre –, d’autre part, ne puissent pas se reproduire. Nous sommes prêts à travailler avec vous en ce sens.

En conclusion, je veux insister sur le caractère stratégique de l’année 2009. Des décisions majeures, peut-être douloureuses, devront être prises pour inverser les tendances actuelles et permettre un retour à l’équilibre à moyen terme de nos comptes sociaux. Nous ne pouvons plus repousser encore les échéances.

Monsieur le ministre, je souhaite que les décisions du Gouvernement traitent réellement et en profondeur l’ensemble des questions que M. Alain Vasselle et moi-même évoquons ce matin devant vous. Vous pouvez compter sur notre soutien. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’espère que ce débat d’orientation budgétaire est le dernier de l’ancien temps, en d’autres termes du temps d’avant la révision constitutionnelle ! En effet, si cette dernière est adoptée lundi, notre débat se conclura, l’an prochain, par une résolution. (Très bien ! sur les travées de lUMP.) Cela transformera beaucoup, me semble-t-il, la conception des débats, contribuera à les finaliser et permettra à notre Haute Assemblée de prendre ses responsabilités.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Par ailleurs, j’espère aussi que, l’an prochain, nous aurons des écrans afin de projeter des tableaux, des animations, comme nous en avons fait l’expérience, voilà quelques années, pour la présentation d’une loi de finances. En effet, à quoi bon paraphraser à la tribune des tableaux de chiffres ? Ne serait-il pas préférable de mieux associer l’auditoire à une vision plus concrète et plus moderne des enjeux de nos finances publiques ?

J’espère enfin, et surtout, mes chers collègues, que, l’an prochain, le temps des menaces se sera éloigné.

Cette année, nous examinons les perspectives des finances publiques dans un contexte international et national plus que contrasté.

Nous vivons un choc de l’énergie, choc qui nous appelle, comme les précédents, à envisager des mesures structurelles, des changements de comportements. Il conviendra d’en tirer les conséquences dans les priorités que nous nous fixerons en matière de finances publiques. Vous y avez d’ailleurs fait allusion avec le Grenelle de l’environnement, monsieur le ministre.

Nous vivons sans doute un choc financier, ou plutôt un choc des systèmes financiers. Il n’y a plus de crise des subprimes, il y a une crise de la confiance sur les marchés, une crise du risque et de son appréciation. Et de cette crise, personne ne sortira indemne dans le monde. L’onde de choc se propage des États-Unis aux autres zones du monde, en particulier à l’Europe.

Entre la sphère financière et la sphère réelle, les liens sont multiples. L’accès au crédit sera plus difficile pour les particuliers, pour les entreprises, mais aussi pour l’État ! J’y reviendrai en évoquant la dette publique, l’une des préoccupations les plus lourdes de la période actuelle.

Notre environnement est caractérisé par des risques de discontinuité : l’inflation renaissante, l’énergie toujours plus chère, la parité monétaire pénalisante, la croissance qui marque le pas, autant d’éléments d’une équation d’une très grande difficulté.

Monsieur le ministre, cette difficulté constitue, pour la commission des finances du Sénat, une motivation supplémentaire pour soutenir vos efforts, lesquels s’inscrivent dans l’enjeu de toute une législature. Mais c’est 2009 qui sera l’année de vérité, l’année qui marque un tournant : c’est en 2009, en effet, que l’on saura si l’on est véritablement sur la trajectoire. C’est en 2009, et en exécution, que l’on saura si l’information diffusée à l’extérieur est identique à celle qui est destinée à l’intérieur.

Nous transmettons régulièrement à l’Union européenne des perspectives triennales qui se fondent sur des appréciations de la croissance. Par ailleurs, sur le plan interne, nous élaborons des perspectives triennales, mission par mission. Encore faudrait-il s’assurer que les données économiques de base sont les mêmes. Or, nous vivons avec certaines habitudes : il y a des perspectives d’un côté et des perspectives de l’autre. Il convient de les unifier, de rendre cohérentes nos appréciations du contexte économique.

Monsieur le ministre, en matière de méthodes, beaucoup de choses restent à faire. Certes, vous avez déjà bien progressé, notamment en intégrant les opérateurs dans certaines normes des finances publiques. Vous vous souvenez sans doute que l’une des critiques que le Sénat et sa commission des finances avaient formulées ces dernières années s’adressait aux facilités que se donne l’État en « s’agencisant » de plus en plus, si vous me permettez ce néologisme. En d’autres termes, l’État s’efforce de mettre, en face de chaque priorité, une recette affectée et une caisse d’affectation, cette dernière devant supporter des salaires et des dépenses de fonctionnement.

Cette approche conduit à un État de plus en plus fracturé, un État qui éprouve donc des difficultés croissantes pour maîtriser ses grands enjeux de finances publiques. Vous avez donc décidé de vous y attaquer, de la modérer et de la limiter. La tâche est difficile, mais vous pouvez être assuré de notre soutien.

En ce qui concerne les méthodes d’appréciation de la masse globale des dépenses du secteur public, il convient de raisonner au niveau des trois sous-secteurs de l’administration publique que sont l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales.

S’agissant des collectivités locales, nous serons particulièrement attentifs, dans cet hémicycle, à la façon dont on nous proposera d’apprécier l’enveloppe normée pour 2009. Nous sommes très attachés, notamment, au maintien des droits d’accès au fonds de compensation pour la TVA.

M. Roland du Luart. Exactement !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans ce domaine, il faudra faire preuve de pédagogie pour expliquer que le contrat est respecté et que personne n’est pris en traitre.

Mme Nicole Bricq. Ce sera dur !

M. Philippe Marini, rapporteur général. De la même manière, monsieur le ministre, s’agissant du principe constitutionnel d’autonomie financière et fiscale des collectivités locales, auquel le Sénat, toutes tendances politiques confondues, est extrêmement attaché, nous ne pouvons qu’être préoccupés de ce que nous lisons ici ou là sur la taxe professionnelle. N’oublions pas qu’il s’agit, notamment par le jeu de l’intercommunalité que vous connaissez d’ailleurs vous-même très bien, de la principale recette dédiée au développement économique local.

Nous souhaitons être pleinement associés à la réflexion qui sera menée sur ce sujet, et qui doit être guidée par le principe d’autonomie fiscale. Surtout, il faudra éviter d’agir dans la précipitation afin de ne pas déstabiliser des collectivités qui devront déjà vivre avec la contrainte de dotations risquant, comme les autres dépenses de l’État, de devoir évoluer à un rythme que je qualifierai de « très raisonnable ».

Si vous le permettez, mes chers collègues, je souhaiterais également ajouter quelques considérations sur la révision générale des politiques publiques, à laquelle vous avez bien voulu nous associer dans votre propos, monsieur le ministre.

S’agissant des missions qui ont d’ores et déjà été conduites dans ce cadre, les décisions prises représentent des économies nettes de l’ordre de 6 milliards d’euros par an – une fois les restitutions aux fonctionnaires effectuées –, soit de 4 à 5 % des crédits concernés par cette révision générale.

Nous souhaitons vivement que cette révision se poursuive avec persévérance et dans le même souci d’exhaustivité qu’aujourd’hui, c’est-à-dire rubrique par rubrique.

Ensuite, nous sommes parfaitement convaincus, comme vous l’êtes également, monsieur le ministre, de l’importance du chemin qui reste à parcourir pour aboutir à l’équilibre de nos finances publiques en 2012. Nous savons que ce chemin est encore très incertain et qu’il nous faudra, d’une part, combler les 50 milliards de déficit actuel du secteur public et, d’autre part, compenser la plus grande partie possible des mesures nouvelles qui ont été prises ces dernières années et qui ont abouti à de la dépense fiscale supplémentaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette dépense fiscale constitue l’un de nos principaux défis. Vous avez fait allusion, monsieur le ministre, à la position que nous avons défendue lors de la première lecture du projet de loi constitutionnelle actuellement en cours d’examen. Le Sénat avait en effet retenu la formulation issue d’un amendement que Jean Arthuis, Nicolas About, Alain Vasselle et moi-même avions présenté et défendu. Il s’agissait de faire prévaloir la hiérarchie des normes suivante : Constitution, lois organiques, lois financières et, enfin, lois ordinaires. Malheureusement, la commission des lois de l’Assemblée nationale n’a pas partagé cette vision des choses.

Permettez-nous néanmoins, monsieur le ministre, de persister et de signer : en matière de décisions engageant les finances publiques, il faut, d’une part, avoir un cadre de référence et, d’autre part, faire preuve de sens des responsabilités. Mais comment pourrait-on en faire preuve sur des textes partiels, voire parcellaires ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, ces textes sont défendus par des ministres qui sont par nature dépensiers. Le seul ministre qui ne soit pas dépensier, c’est vous, monsieur Woerth ! C’est pourquoi seuls les textes que nous examinons sous votre autorité, et qui s’inscrivent dans le cadre de la vision globale que vous défendez, peuvent tendre vers l’objectif d’équilibre de nos finances publiques.

Donc, nous persistons et signons : les éléments qui ont une influence sur le solde des finances publiques doivent impérativement figurer dans les lois financières, c’est-à-dire les lois de financement de la sécurité sociale et les lois de finances de la République.

Nous serons également très attentifs, monsieur le ministre, à ce qui sera réalisé dans les deux domaines que sont, d’une part, la revue générale des prélèvements obligatoires et, d’autre part, la maîtrise et la gestion de la dette publique. C’est d’ailleurs en évoquant ces deux dernières questions que je terminerai cette brève présentation.

S’agissant de la revue générale des prélèvements obligatoires, nous aurions souhaité qu’elle fasse l’objet de la même préoccupation de méthode que la révision générale des politiques publiques et qu’elle en soit le strict pendant. En l’état, elle nous semble encore perfectible.

Il manque en particulier une vraie stratégie des prélèvements obligatoires, que Jean Arthuis ne cesse pourtant d’appeler de ses vœux. Certes, on peut contester certains éléments de son analyse. En revanche, on ne saurait contester le fait que les prélèvements obligatoires expriment une certaine conception de la société, mais aussi une vision de la politique économique que l’on souhaite conduire. Quand on examine les réformes une par une, par touches et retouches successives, de manière parcellaire, on se perd inévitablement dans les détails et on finit par perdre de vue la politique qu’il faut conduire, et même la politique tout court !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Finalement, on refuse d’appliquer la politique à l’économie ce qui, à n’en pas douter, constitue une réelle défaillance.

Au sein de la dépense fiscale et sociale, nous serons également particulièrement attentifs à une rubrique absolument considérable, que ne manquera pas d’aborder tout à l’heure notre excellent rapporteur spécial Serge Dassault : les exonérations de charges ! (Ah ! sur les travées de lUMP.) Elles représentent environ la moitié du déficit qu’il va bien falloir réduire, monsieur le ministre.

Ainsi permettez-nous de vous dire sans ambages que, si nous réduisions le plafond des exonérations, actuellement fixé à 1,6 SMIC, de 0,1 point chaque année – pour passer de 1,6 à 1,5 en 2009, de 1,5 à 1,4 en 2010 et de 1,4 à 1,3 en 2011 –, nous ferions déjà, sur le chemin de la convergence, une distance tout à fait appréciable !

M. Serge Dassault. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Une telle réduction progressive nous permettrait de modifier les comportements économiques et de passer d’une logique d’exception à une vision plus pérenne des prélèvements obligatoires, particulièrement des prélèvements sociaux. (Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. Serge Dassault et Michel Esneu applaudissent.)

Enfin, en guise de conclusion, je développerai quelques considérations sur la question de la dette.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, la charge de la dette est longtemps restée stable, à environ 45 milliards d’euros par an, ce chiffre étant à peu près constant de 2000 à 2006. Toutefois, en 2007, les charges d’intérêt des administrations publiques ont augmenté de plus de 12 %, du fait de l’évolution du marché, et nous avons terminé l’année avec un montant proche de 52 milliards d’euros. La conjugaison des tensions qui existent actuellement sur les marchés de taux d’intérêt, de l’inflation et des perspectives incertaines de nos finances publiques ne peuvent que conduire à un alourdissement de la charge de la dette, toutes choses égales par ailleurs.

Au demeurant, j’aurais bien aimé, si les moyens techniques avaient existé, mes chers collègues, faire projeter dans l’hémicycle cette courbe (M. le rapporteur général montre un graphique), qui représente tout simplement les conditions d’emprunt des États européens. Elle montre que, en termes de conditions moyennes de financement de la dette, le meilleur élève européen est l’Allemagne, et le moins bon la Grèce. Elle révèle aussi que la France a longtemps bénéficié des mêmes conditions que l’Allemagne mais que, depuis un an environ, les courbes se détachent.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, nous ne sommes pas encore trop mauvais, mais nous devons payer de l’ordre de vingt points de base de plus que l’Allemagne, ce qui nécessite bien entendu une trajectoire de redressement.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’en arrive au terme de mon intervention. Le débat d’orientation budgétaire est un rendez-vous absolument nécessaire. Cette année, nous l’avons préparé dans des conditions très difficiles. En effet, jusqu’à ces derniers jours, nous n’avions, à l’exception des perspectives générales, que très peu d’informations sur l’année 2009. Je reconnais ainsi que, lorsque j’ai eu l’honneur de présenter mon rapport à la commission des finances voilà une semaine, j’ai dû inventer un certain nombre de choses… (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Nous ne nous en sommes pas rendu compte !

M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, monsieur le ministre, vous étiez alors dans l’incapacité de me transmettre plus d’informations, parce que certains arbitrages étaient encore en suspens.

Monsieur le ministre, la commission des finances soutient, et soutiendra à l’avenir, tous vos efforts dès lors qu’ils iront dans le sens de l’assainissement de nos finances publiques, de la rigueur – dans le bon sens du terme – et de la bonne gestion de l’État et de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales, chargé des équilibres financiers généraux de la sécurité sociale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les interventions du président de la commission des finances, du président de la commission des affaires sociales et du rapporteur général, qui nagent tous trois comme des poissons dans l’eau dans ces sujets financiers, je crains que mon propos ne vous paraisse quelque peu laborieux.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je souhaite vous apporter l’éclairage de la commission des affaires sociales sur un sujet particulièrement sensible, celui de l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.

D’aucuns considèrent que, en dépit d’un déficit quatre ou cinq fois supérieur à celui du budget de la sécurité sociale, tout va plutôt bien du côté du budget de l’État. Dès lors, ils désignent la sécurité sociale comme le mauvais élève de la classe.

Pourtant, que nous appartenions à la commission des finances ou à la commission des affaires sociales, nous devons les uns et les autres nous exercer à travailler ensemble pour contribuer à un meilleur équilibre des comptes.

Le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, s’est posé la question, voilà un instant, du meilleur chemin à suivre pour permettre le retour à l’équilibre de la sécurité sociale.

Je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, que, pour le régime général, le Gouvernement s’est fixé comme objectif pour le moins ambitieux d’un retour à l’équilibre en 2011, ainsi qu’Éric Woerth vient d’ailleurs de le rappeler. Si nous voulons atteindre cet objectif, il nous faut répondre à plusieurs questions, et plus spécialement à trois qui, à mes yeux, restent en suspens et exigent un engagement fort de la part du Gouvernement.

La première de ces questions, qu’ont évoquée tant M. le ministre que MM. Arthuis, Marini et About, est celle de la dette cumulée du régime général, qui, aujourd’hui, se chiffre à quelque 25 milliards d’euros et risque d’atteindre 30 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2008. Vous conviendrez, mes chers collègues, que ces montants ne sont plus soutenables compte tenu de la situation actuelle des marchés financiers, que Philippe Marini vient de rappeler. La Caisse des dépôts et consignations a d’ailleurs fait savoir à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, qu’elle ne pourrait bientôt plus garantir le financement. Le traitement de cet aspect relève donc de l’extrême urgence.

Lors de la conférence des finances publiques du 28 mai dernier, le Gouvernement s’est engagé à régler la question en 2008. Ce point est d’ailleurs confirmé dans le document que vous nous avez transmis en préparation de ce débat, monsieur le ministre.

La solution retenue serait le transfert de la dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est logique !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais ce principe nécessite des précisions, et je souhaiterais que M. le ministre puisse répondre à quatre interrogations.

Premièrement, à quelle hauteur le Gouvernement envisage-t-il ce transfert ? Deuxièmement, celui-ci concernera-t-il l’ensemble des branches ou certaines d’entre elles seulement ? Troisièmement, les dettes du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, feront-elles également l’objet du transfert ? Si tel est le cas, il s’agira non plus de 30 milliards, mais de près de 40 milliards d’euros ! Quatrièmement, enfin, est-ce la totalité des déficits qui sera prise en compte, c’est-à-dire ceux qui seront constatés à la fin de l’exercice 2008, ou est-il envisagé d’arrêter les comptes au 31 décembre 2007, ce qui conduirait, bien entendu, à retenir un montant bien inférieur ?

Nous avons voté dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, la LOLFSS, une disposition, introduite du fait de l’adoption par les députés d’un amendement du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui prévoit que tout nouveau transfert de dette à la CADES doit être accompagné d’une recette nouvelle.

M. Philippe Marini, rapporteur général, et Mme Nicole Bricq. Oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Adrien Gouteyron, qui a été président du conseil de surveillance de la CADES, sait combien chacun de ces transferts place celle-ci dans une situation difficile ; pourtant, chaque fois nous avons reculé, comme cela a été dénoncé. Or, Nicolas About l’a rappelé, un engagement très clair a été pris par ce gouvernement : nous nous refusons à transférer sur les générations futures le poids de la dette que nous avons nous-mêmes fait naître ces dernières années.

La date limite actuelle de la CADES pour remplir sa mission est 2021. Si, comme vous l’avez déclaré à plusieurs reprises depuis votre prise de fonctions, monsieur le ministre, vous ne voulez pas augmenter la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, il faudra trouver une autre recette qui soit aussi dynamique, aussi régulière et aussi fiable. Vous évoquez le redéploiement d’une partie des excédents du FSV. Je ne suis pas certain, pour ma part, que cette recette offre réellement toutes les garanties nécessaires, car les soldes constatés sur ce fonds sont relativement aléatoires et très sensibles à l’évolution de la conjoncture économique.

Si une partie des recettes du FSV est transférée, il faudra que cela se passe dans la transparence et dans le plus grand respect de la LOLFSS, c’est-à-dire que le montant soit suffisant et s’accompagne d’une marge de garantie permettant d’éviter la reconstitution d’un déficit dans les comptes du FSV lui-même. Ce dernier, en effet, est soumis à un effet de ciseaux important : quand la conjoncture est favorable, il renoue effectivement avec les excédents, mais, dès que se produit un ralentissement de la croissance ou une diminution de l’activité, ses déficits peuvent atteindre des montants importants ; son déficit cumulé est actuellement de l’ordre de 5 milliards d’euros. Il n’est donc pas possible de s’appuyer sur les seules recettes. Pour tout transfert d’une recette à la CADES, il faut également prendre en considération ses conséquences sur la dynamique des dépenses du FSV. Si, dans quelque temps, la croissance n’est plus au rendez-vous, nous risquons de constater un creusement des déficits en termes aussi bien de flux que de cumul.

La deuxième question qu’il me paraît également nécessaire de clarifier est celle des relations financières entre l’État et la sécurité sociale. L’année 2007, nous devons en convenir, a permis d’importantes avancées dans ce domaine ; la mise en place d’un ministère des comptes publics, notamment, y a largement contribué.

Néanmoins, monsieur le ministre, vous avez vous-même rappelé que, si vous avez apuré une dette antérieure d’un montant légèrement supérieur à 5 milliards d’euros, une nouvelle dette s’est malheureusement reconstituée. Il conviendra donc que la prochaine loi de finances mette un terme définitif à cette difficulté et que soient correctement budgétisés le coût de certaines exonérations ciblées ainsi que la dépense de l’aide médicale d’État, l’AME. Celle-ci, dans la loi de finances pour 2008, est sous-estimée de 260 millions d’euros environ.

La troisième question porte sur la situation désespérée du FFIPSA : le déficit annuel du fonds dépasse désormais 2 milliards d’euros, et son déficit cumulé atteint aujourd’hui 6 milliards d’euros. Or, aucun début de solution n’est encore esquissé pour remédier à cette situation. Ces dernières années, quelques pistes avaient bien été envisagées, notamment celle de la compensation démographique, mais toutes ont été abandonnées. Qu’en est-il aujourd’hui, monsieur le ministre ?

Vous avez affirmé votre intention de résoudre cette question dans le courant de l’exercice 2009, sans préciser quels moyens ni quelles pistes vous entendiez privilégier pour y parvenir. Je vous rappelle que la responsabilité du traitement de ce dossier vous incombe, comme le souligne régulièrement la Cour des comptes.

Les textes indiquent que l’État doit assurer l’équilibre des comptes par le biais d’une dotation budgétaire et précisent : « le cas échéant ». J’avais proposé par voie d’amendement, voilà un certain temps, de supprimer ces trois mots – « le cas échéant » –, car le Gouvernement en tire argument pour ne pas honorer l’engagement qu’il avait pris devant la représentation nationale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et ne pas passer par la case déficit !

M. Alain Vasselle, rapporteur. J’en viens maintenant, au-delà de ces trois questions qui s’inscrivent dans le court terme, aux conditions de caractère plus structurel.

Il est nécessaire, si l’on veut que l’assurance maladie atteigne l’équilibre en 2011, d’envisager des mesures de fond. Le directeur de la CNAM a présenté un plan qui repose sur la mobilisation de nouvelles recettes, de l’ordre de 1 milliard d’euros, et sur la réalisation d’environ 2 milliards d’euros d’économies ayant pour objet d’utiliser les réserves « d’efficience » que vous avez évoquées, monsieur le ministre. Mme Bachelot-Narquin, ministre de la santé, a demandé pour sa part que soit consenti un effort supplémentaire de 1 milliard d’euros, ce qui permettrait d’atteindre les 4 milliards d’euros que vous avez mentionnés dans votre intervention liminaire.

Il faut, nous semble-t-il, aller encore plus loin et envisager de véritables réformes structurelles. J’en citerai essentiellement deux.

La première concerne les soins de ville. Dans ce domaine, une réflexion sur la prise en charge des personnes souffrant d’une affection de longue durée, les ALD, est indispensable. Ce poste absorbe, mes chers collègues, les deux tiers des dépenses de soins de ville et représente 86 % de l’accroissement annuel des dépenses. Compte tenu de cette charge, nous ne voyons pas comment éviter des mesures plus contraignantes, et le fait que M. Van Roekeghem soit immédiatement revenu sur les propositions qu’il avait formulées en cette matière ne doit pas nous conduire à renoncer à une réflexion qui reste nécessaire pour savoir comment contenir l’évolution de ces dépenses désormais insupportable pour l’équilibre de nos comptes.

La seconde réforme sur laquelle il nous faudra nous pencher d’une manière un peu plus active que nous ne l’avons fait les années passées est l’association de l’hôpital aux politiques de réduction des déficits.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vous renvoie au récent rapport de la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, sur les insuffisances du pilotage de la politique hospitalière pour le détail des mesures que nous préconisons.

Un autre chantier devra être ouvert, celui de la répartition de la charge de la dépense entre le régime de base et les régimes complémentaires.

Philippe Marini et Jean Arthuis ont déploré tout à l’heure ces normes qui viennent sans cesse alourdir le poids des dépenses que doivent supporter les budgets tant des collectivités locales que de l’État.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est effectivement insupportable !

M. Alain Vasselle, rapporteur. J’ajouterai à la liste des éléments auxquels nous devrions être plus attentifs la multiplication des agences, des structures, voire des autorités ad hoc.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Toutes ces nouvelles agences ! Il faut arrêter de créer des structures inutiles !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il ne se passe pas un jour, mes chers collègues, sans que les textes de loi que nous examinons prévoient la création d’une structure ou d’une autorité. Pas plus tard que demain, à travers le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, il nous sera demandé d’instituer encore une « haute autorité », pour laquelle il faudra encore rémunérer des agents, et qui coûtera donc encore quelque argent. Au-delà des normes, posons-nous également la question de la pertinence de la multiplication des structures de ce type !

Pour ce qui concerne la branche vieillesse, le Gouvernement a rendu public le 28 avril dernier un document d’orientation issu de ses premières concertations. Ces orientations sont bonnes sur le plan général, mais il faudra que leur déclinaison permette de réduire véritablement le déficit de la branche.

Tout d’abord, nous devons obtenir des résultats en matière de promotion de l’emploi des seniors : sur ce point, mes chers collègues, la France est la lanterne rouge de l’Europe ! Je considère pour ma part que, si cela s’avère nécessaire, il ne faudra pas hésiter à en passer par la pénalisation des entreprises !

Ensuite, nous devons agir sur le dispositif des carrières longues. Nous avons en effet constaté que les critères retenus pour permettre à un certain nombre de personnes de faire valoir leurs droits avaient conduit à divers abus et effets d’aubaine. Des mesures ont déjà été prises par le Gouvernement pour les contenir. Il nous faudra rester vigilants pour éviter que ne se perpétue le dérapage constaté depuis la mise en place de la réforme de 2003.

En ce qui concerne la pénibilité, enfin – ce sujet a été intégré au cadre des discussions –, il faudra en mesurer la dimension de coût et de soutenabilité financière ; celle-ci a fait défaut au moment de l’examen de la réforme de 2003 et de l’adoption de la mesure sur les carrières longues.

Est également dans l’air une idée à laquelle, je crois, seul Nicolas About a fait une très rapide allusion : la possibilité d’aller « piocher » dans les excédents de la branche famille.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est dangereux !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce serait un choix politique ; je ne le conteste pas, et il mérite effectivement réflexion. Cela étant, attention ! Ne créons pas l’illusion que les excédents de la branche famille deviendront tels qu’ils permettraient de tout financer ! On envisage déjà de les utiliser pour financer une partie de la réforme des retraites ; on les a évoqués dans le cadre du financement de la perte d’autonomie ; on voudrait maintenant les appeler à la rescousse de la branche maladie…

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela fait partie des besoins familiaux !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait ! Je mets simplement en garde contre le fait que cela nécessitera une étude d’impact !

D’une manière générale, comme la mission « dépendance » le soulignait dans son rapport d’étape, l’ensemble des besoins et des coûts liés au vieillissement de la population devra faire l’objet d’une approche globale, prospective et, surtout, plus approfondie. Les besoins de financement devront être chiffrés le plus correctement possible, de façon à éviter une nouvelle impasse.

Soit dit en passant, monsieur le ministre, mes chers collègues, je trouverais dommage que nous ne saisissions pas l’occasion que nous fournit l’examen de la réforme constitutionnelle pour introduire dans la loi fondamentale l’obligation pour le Gouvernement d’adjoindre à chaque projet de loi des études d’impact.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est particulièrement nécessaire lorsqu’une mesure est proposée dans la loi de finances ou dans la loi de financement de la sécurité sociale. Philippe Marini le rappelait tout à l’heure en évoquant l’amendement portant sur les exonérations que la commission des finances et la commission des affaires sociales avaient défendu en commun : pas un texte de loi qui ne contienne des mesures d’exonération…

M. Philippe Marini, rapporteur général. Aberrant !

M. Alain Vasselle, rapporteur. … sans que nous ayons l’assurance que la compensation soit au rendez-vous.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Évidemment !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous rejoignons là le problème plus général des niches.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous ne pourrons pas non plus échapper à la nécessité de poser la question de l’âge du départ à la retraite et du nombre d’années d’activité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Tous nos voisins européens ont fait cet effort. Il est à mon avis illusoire de penser régler le problème de l’équilibre de la branche vieillesse sans toucher à l’âge du départ à la retraite. Il y faudra du courage politique, il y faudra beaucoup de pédagogie et de sensibilisation auprès de nos concitoyens, mais cela me paraît être un élément essentiel à prendre en considération.

J’en viens enfin à quelques observations sur le financement de notre protection sociale, sur la préservation des recettes actuelles et sur l’apport de ressources nouvelles.

La préservation des recettes nécessite de limiter le développement des dispositifs d’exonération de charges sociales, qui, comme Philippe Marini le rappelait, atteignent aujourd’hui un niveau record de plus de 30 milliards d’euros. Ces dispositifs sont, pour leur grande majorité, compensés par l’État, et le Gouvernement a particulièrement été attentif à ce qu’il en soit ainsi. Je remercie et félicite Éric Woerth de veiller à ce que la compensation se fasse à l’euro près.

Les exonérations restent néanmoins une source de fragilité réelle pour les finances de la sécurité sociale : aujourd’hui – et M. le ministre le sait bien –, 2,4 milliards d’euros ne sont toujours pas compensés. Une partie de cette somme est liée aux mesures antérieures à la loi de 1974. Par ailleurs, on considère que l’intéressement et la participation ne sont pas l’équivalent d’un revenu ou d’un salaire, et que l’on peut se dispenser de les compenser.

Nous devrons nous interroger sur la pertinence du maintien de ces dispositions. Ces questions ont amené la Cour des comptes – M. le président de la commission des affaires sociales l’a indiqué à la fin de son propos – à se poser la question de la certification des comptes de l’ACOSS.

Cette préservation des recettes passe aussi par une réflexion sur les diverses exemptions d’assiette ou « niches sociales », qui représentent 40 milliards d’euros. Si l’on ajoute les pertes liées aux 40 milliards d’euros d’exemption d’assiette et les 30 milliards d’euros d’exonérations, on n’est pas loin des 75 milliards d’euros de niches fiscales dont vous avez parlé.

Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué la nécessité de s’orienter vers un plafonnement des niches fiscales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mes chers collègues, nous devons veiller à ce que le budget ne se serve pas de la loi de financement de la sécurité sociale et des niches sociales pour apporter une compensation aux bénéficiaires des niches fiscales, qui seront plafonnées. En effet, nous avons trop souvent constaté que la loi de financement de la sécurité sociale servait de variable d’ajustement pour les comptes du budget de l’État. J’espère donc que les niches sociales ne serviront pas à régler le problème des niches fiscales !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il vaudrait mieux supprimer les niches que les plafonner !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je partage votre point de vue, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général : lorsque nous traitons des comptes publics, il faut bien les étudier dans leur globalité, en ce qui concerne tant les dépenses sociales que les dépenses fiscales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait d’accord !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Notre collègue député Yves Bur vient de publier un rapport complet sur cette question. Il en ressort que toute une série de dispositions pourraient être adoptées pour limiter la prolifération de ces exonérations.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vous rappelle que, de notre côté, nous avons proposé un système de validation des mesures d’exonération en loi de financement de la sécurité sociale ; M. le rapporteur général l’a évoqué, et je n’y reviendrai pas.

La commission des lois considère que cette disposition relève non pas de la Constitution mais de la loi organique.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des lois de l’Assemblée nationale !

M. Alain Vasselle, rapporteur. M. About et moi-même avons déposé une proposition de loi organique que le Sénat a approuvée. Monsieur le ministre, puisque vous partagez également notre point de vue, j’attends que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour que celle-ci l’approuve.

Parmi les nouvelles contributions qui pourraient être envisagées figure l’instauration d’une contribution forfaitaire de faible montant sur l’ensemble des niches sociales, ou  flat-tax, proposition que nous avions avancée lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

De même, nous avons également proposé une nouvelle taxe sur les boissons sucrées et les produits de grignotage, dans un souci autant sanitaire que financier. Monsieur le ministre, il s’agit d’une question sur laquelle vous vous étiez engagé à produire une étude. J’aimerais savoir si vous l’avez menée à bien et quelles en sont les conclusions.

Dans le même ordre d’idée, des marges existent-elles encore sur la taxation de certains produits alcoolisés ?

S’agissant d’autres modes de financement, la réflexion sur une modification de la répartition des charges entre le régime obligatoire et les assurances complémentaires devra être poursuivie. C’est un chantier que M. le Président de la République avait annoncé, mais qui n’a pas encore été mis en œuvre.

Mes chers collègues, compte tenu du temps de parole qui m’était imparti, je ne peux vous parler de la dépendance ; mais nous aurons ultérieurement l’occasion d’évoquer le cinquième risque.

En conclusion, je souhaite que les prochaines lois financières permettent de traiter en profondeur dans la transparence et dans le souci des générations futures l’ensemble des textes que nous aurons à examiner. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur deux sujets qui relèvent des secteurs de compétences de la commission des affaires culturelles : le financement du patrimoine et la mise en œuvre de la TNT.

Tout d’abord, le problème du financement de notre patrimoine historique et architectural est revenu au premier rang des préoccupations de la commission des affaires culturelles et surtout de son groupe d’études sur le patrimoine, grâce aux auditions auxquelles nous avons procédé et aux constatations que nous avons effectuées.

Monsieur le ministre, les orientations qui seront retenues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 sont attendues avec appréhension par les différents acteurs concernés : notre commission a pu en prendre la mesure en entendant notamment, ces dernières semaines, les propriétaires de monuments privés et les élus des villes à secteurs sauvegardés. Ces inquiétudes concernent à la fois le niveau des crédits budgétaires qui seront consacrés à ce secteur et l’avenir des politiques fiscales qui contribuent à son financement, venant ainsi en appui de l’investissement privé.

En effet, les récentes annonces concernant une « remise à plat » des « niches fiscales » – vous l’avez évoqué ce matin dans votre propos liminaire, monsieur le ministre – ont visé, en particulier, deux des principaux leviers de notre politique patrimoniale : le régime fiscal des monuments historiques et le régime adossé à la loi Malraux, concernant les secteurs sauvegardés et les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.

Tout en saluant le courage avec lequel le Gouvernement s’attache à évaluer l’efficacité de nos dépenses fiscales, afin de lutter contre les effets d’aubaine que certaines mesures peuvent susciter, j’insiste auprès de vous, monsieur le ministre, sur les différences essentielles qui séparent les deux dispositifs que j’ai évoqués des produits d’optimisation fiscale.

Comme l’ont d’ailleurs reconnu les rapports de l’Assemblée nationale et de l’Inspection générale des finances, dans ces deux cas, la dépense fiscale vient directement se substituer à la dépense budgétaire. Il s’agit non pas d’inciter mais d’accompagner les investissements nécessaires par une juste compensation des contraintes architecturales et environnementales que le législateur impose à ces propriétaires.

Notons par ailleurs que cette dépense publique est, en outre, largement compensée par les retombées économiques et fiscales – directes ou indirectes – qu’elle suscite, en termes d’emploi, de recettes de TVA ou, bien sûr, de tourisme.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles est attachée à ce que ces leviers essentiels de notre politique patrimoniale ne soient pas vidés de leur efficacité, par des ajustements qui méconnaîtraient leurs spécificités.

Contrairement à des conclusions hâtivement formulées et qui ne paraissent pas répondre à la réalité, instituer un plafonnement pourrait ainsi s’avérer problématique, sauf à définir, en concertation avec les acteurs concernés, un niveau réaliste et raisonnable.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une ouverture !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Par ailleurs, d’autres points de convergence semblent pouvoir aisément émerger en vue de mieux encadrer ces dispositifs et d’accroître la lisibilité de l’effort public consenti.

Ne cédons toutefois pas à la tentation de la complexité, comme cela avait été pointé par notre commission avant d’être finalement sanctionné par le Conseil constitutionnel dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006.

Quelles sont dans ce contexte, monsieur le ministre, les évolutions envisagées concernant ces deux régimes fiscaux et, surtout, quelle sera la méthode de concertation retenue afin de définir leurs aménagements éventuels ?

En parallèle, un maintien à niveau de l’effort budgétaire en faveur de la sauvegarde de notre patrimoine historique sera-t-il assuré pour 2009 ? Un nouveau fléchissement enverrait en effet un signal très négatif à l’ensemble du secteur et aurait des conséquences préoccupantes sur l’activité des entreprises d’entretien et de restauration concernées par le patrimoine.

J’en viens au second sujet que je voudrais aborder rapidement : il s’agit du financement du déploiement de la TNT.

Je vous rappelle que la loi du 5 mars 2007 avait prévu la création d’un groupement d’intérêt public, ou GIP, chargé de mettre en œuvre les mesures propres à l’extinction de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique. Le GIP France Télé numérique gère aussi le fonds chargé d’aider les foyers exonérés de redevance audiovisuelle à financer le passage à la TNT.

Ce GIP doit être financé à parité par l’État et les chaînes de télévision ; c’est pourquoi je me permets d’insister, monsieur le ministre, pour que le groupement soit doté dès 2009 des moyens indispensables à son intervention tant au profit des collectivités locales confrontées à des difficultés dans la couverture numérique de leur territoire que pour l’aide apportée aux personnes les plus fragiles : personnes âgées, handicapées ou isolées.

Selon la première étude de perception du grand public menée par France Télé numérique, un Français sur dix est réfractaire au passage au tout numérique et démuni face à ce dernier.

Au regard de l’importance de ce nouveau chantier qui place la France en position éminente, il est primordial d’aider et d’assister nos concitoyens les plus démunis à effectuer l’adaptation et les branchements nécessaires poux continuer à regarder la télévision, une télévision contemporaine dotée de la technologie la plus avancée.

Monsieur le ministre, je limiterai là mon propos dans le cadre du temps qui m’a été imparti, mais nous serons bien évidemment attentifs à tous les autres domaines de la compétence de la commission des affaires culturelles et participerons à la discussion budgétaire correspondante. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, le débat d’orientation budgétaire pour 2009 se déroule sous des auspices pour le moins pessimistes et, dans ce contexte, vous persistez dans la même stratégie, avez-vous dit ce matin.

Alors que la croissance est en berne, que les comptes publics sont dans le rouge, que des perspectives sombres s’annoncent pour 2009 – des économistes parlent d’une croissance de 1 % –, la précarisation de l’emploi est accélérée, les comptes sociaux sont en difficulté. Tel est le résultat patent de plus d’un an de politique du Gouvernement

Même le CAC 40 est en chute libre, puisqu’il a perdu plus de 30 % de sa valeur ! Seules les distributions de dividendes et l’augmentation du nombre des contribuables de l’ISF montrent que tout ne va pas si mal pour certains !

Nous devons donc mettre en question les choix opérés depuis le printemps 2007 – pour certains bien avant, d’ailleurs – avant que de donner sens à ce qui pourrait constituer une alternative à une politique de plus en plus inefficace et de plus en plus décriée par l’opinion publique.

Dans quel contexte nous trouvons-nous ?

Si l’on s’arrête aux seuls comptes publics, ce débat d’orientation est marqué par la situation préoccupante des finances publiques et sociales, situation dont personne, au demeurant, ne paraît aujourd’hui, et particulièrement ce matin, devoir contester la gravité.

Point d’orgue de cette situation, la dette publique d’État galope, atteignant désormais un encours de 966 milliards d’euros, niveau jamais égalé auparavant.

Fait plus préoccupant, la part de la dette constituée de titres de court terme – les Bons du Trésor à un an – est en progression sensible depuis le début de l’année, atteignant désormais 102 milliards d’euros.

S’agissant de l’exécution budgétaire 2008 en cours, malgré les habituelles mesures de gel mises en œuvre depuis le début de l’année, la situation présentait fin mai un découvert de plus de 50 milliards d’euros, et ce malgré la bonne tenue des rentrées de l’impôt sur les sociétés et d’une TVA portée par la hausse des prix de l’énergie et des carburants.

Ce n’est d’ailleurs qu’au prix de manœuvres dilatoires sur les dépenses d’intervention que le solde budgétaire global n’est pas plus dégradé.

De plus, les prévisions de croissance de l’INSEE demeurent relativement modestes puisque l’on parle d’un taux de 1,6 % cette année, et d’un taux inférieur à deux points l’an prochain.

Comment, avec 5 % de croissance mondiale, les pays de la zone euro et la France en particulier présentent-ils de telles faiblesses de leur taux de croissance ?

Si une maturité économique différente de chaque pays peut expliquer cette situation, nous croyons pour notre part que cet échec des politiques européennes sur la croissance économique tient bien sûr à d’autres raisons.

Le frein principal à la croissance économique, qu’on le veuille ou non, ce ne sont pas les garanties collectives accordées aux salariés ou l’absence de flexibilité du marché du travail, c’est bien plutôt la politique économique et monétaire européenne, qui impose l’austérité pour les dépenses budgétaires, la liberté de circulation des capitaux, des taux d’intérêt élevés et la raréfaction de la création monétaire. Ne sont pas non plus en cause les collectivités territoriales, qui seraient trop « dépensières », aux yeux de certains, et devraient appliquer la même rigueur que l’État en matière budgétaire. Encore heureux qu’elles n’aient pas trop réduit leurs dépenses d’investissement, sinon nous aurions déjà connu la récession !

Ce qui est aujourd’hui en cause, ce sont bel et bien les politiques guidées par le respect des critères de convergence, par le pacte de stabilité, ainsi que par l’autisme de la Banque centrale européenne, la BCE. À quoi sert-il d’économiser quelques centaines de millions d’euros en supprimant des emplois publics quand le seul relèvement des taux directeurs de la BCE, dont l’indépendance est consacrée par le traité de Lisbonne que vous avez voté, mes chers collègues, coûte de 2 à 3 milliards d’euros de plus, en année pleine, au service de la dette ?

Les politiques d’austérité mises en place depuis longtemps conduisent donc à peu près partout aux mêmes résultats : mauvais état des comptes publics, dette de plus en plus importante, faible croissance globale des économies et aggravation continue des inégalités sociales, minant ainsi le pacte républicain.

De ce point de vue, le Gouvernement s’est particulièrement distingué avec la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, qui n’a trouvé une véritable traduction que pour ce qui concerne la fiscalité du patrimoine.

Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, le budget, déjà mal en point, va enregistrer une moins-value fiscale de 400 millions d’euros au moins, pour permettre à 3 000 contribuables de l’ISF de se libérer de tout ou partie de leur impôt, en finançant prétendument les PME : 400 millions d’euros pour 530 millions de capitaux mobilisés, quel gaspillage de fonds publics pour un résultat ridicule sur le plan macroéconomique, d’autant que 450 millions d’euros suffisent à défiscaliser les intérêts du Livret A et du livret de développement durable, qui représentent un encours de 200 milliards d’euros !

Voilà un exemple clair et net des gâchis qui conduisent aujourd’hui le budget de l’État au déficit ! Il faut donc mettre un terme à ce que le rapport d’information Migaud-Carrez appelle « l’évolution déraisonnable » de la dépense fiscale. Actuellement, le premier poste budgétaire de l’État est non pas l’éducation nationale, mais bel et bien la masse considérable des dépenses fiscales.

Cette année, ce sont 73 milliards d’euros de recettes fiscales qui vont ainsi disparaître, et la perte sera plus grande encore l’an prochain ! Et ce montant ne tient pas compte des 30 milliards d’euros de recettes fiscales que l’État a cantonnés au financement des allégements de cotisations sociales, des 12 milliards d’euros destinés à compenser la réforme de la taxe professionnelle et des 5 milliards d’euros de recettes utilisés à mal compenser le transfert de la gestion du RMI aux départements, sans parler de l’allocation personnalisée d’autonomie, et j’en passe !

Entre dépenses fiscales et recettes dédiées, ce sont des milliards et des milliards d’euros qui manquent aujourd’hui pour assurer l’équilibre des comptes publics ! Et ce, pour quelle efficience de la dépense fiscale ? Depuis 2003, l’essentiel de la progression de la dépense fiscale, soit 23 milliards d’euros – c’est une somme que vous avez validée à travers vos votes, mes chers collègues –, ne semble pas avoir atteint ses objectifs en matière de croissance et d’emploi ! Mais il en a atteint un autre, qui n’était pas prévu : celui de laisser le déficit persister à un haut niveau !

Dans le même temps, l’impôt sur les sociétés a baissé, l’imposition des revenus du capital s’est allégée et l’imposition des patrimoines s’est fortement réduite !

M. Thierry Foucaud. Nous ne souhaitons pas que la loi de finances de 2009 se contente d’apporter quelques modifications cosmétiques, associées à une nouvelle purge de la dépense publique. L’annonce de la suppression de 30 000 à 35 000 emplois publics laisse pourtant craindre que tel sera le choix opéré par le Gouvernement.

De même, il est de plus en plus question que les collectivités territoriales soient mises à contribution. Le pacte de stabilité s’annonce sévère : blocage de la dotation globale de fonctionnement, mise en cause du fonds de compensation pour la TVA, nouvel allégement de la taxe professionnelle sans compensation ; vous lancez une véritable déclaration de guerre aux élus locaux ! Comme si les termes « dépense » et « publique » étaient incompatibles à vos yeux, monsieur le ministre !

Il est vrai que la dépense privée est tellement plus vertueuse, comme le montrent les milliards que Total engloutit chaque année dans le rachat de ses propres actions – le litre de super à 1,60 euro sert donc à quelque chose ! –, ou encore les dizaines de milliards que nos banques ont dilapidé – « claqué », oserai-je même dire – dans la crise des subprimes américaines et qui se traduisent aujourd’hui par des suppressions d’emploi massives !

En transformant ces milliards d’euros de dépense fiscale inefficiente en dépense publique utile, nous répondrons aux besoins populaires en matière d’emploi, de logement, de protection sociale, de vie sociale et associative, de sécurité et de développement des services publics. Pour retrouver le chemin de la croissance, la France doit retrouver celui de la dépense publique, un chemin qui est aussi celui de la justice fiscale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an après l’élection du Président de la République, les Français sont impatients de constater les effets des réformes votées par la majorité.

Tous les observateurs internationaux en conviennent, notre pays a besoin de profondes transformations pour sortir de la léthargie dans laquelle il est engoncé depuis plus de vingt-cinq ans. Il est vital que nous ne nous enfoncions pas dans une spirale sans fin de déficits et de perte de compétitivité, alors que nos partenaires bénéficient d’une croissance vertueuse. Nous en sommes tous convaincus mais, jusqu’à présent, nous n’avions que peu réagi. Le monde ne nous attendra pas. Comme l’écrivait Voltaire, « les Français arrivent tard à tout, mais enfin ils arrivent ». Donnons-lui tort et montrons-nous enfin des précurseurs de la réforme.

Sans réforme, donc sans croissance, la France ne pourra atteindre aucun des objectifs auxquels elle aspire : ni la création de richesses, ni la compétitivité, ni la paix sociale, et nous reculerons encore au sein de la hiérarchie économique mondiale. Bien sûr, monsieur le ministre, le contexte économique international accroît la difficulté de votre tâche. Mais nos compatriotes attendent des résultats, et vous le savez.

Cette situation exige de votre part, et de la part de l’ensemble du Gouvernement, une politique très volontariste, lisible et transparente. Crise des crédits hypothécaires américains aux conséquences plus catastrophiques qu’il était envisagé, renchérissement du prix des hydrocarbures, hausse continue du prix des matières premières et des produits alimentaires, surévaluation patente de l’euro : tout contribue à ralentir la croissance de la zone euro et de l’économie française. Même si l’annonce d’Alexeï Miller, président directeur général de Gazprom, selon laquelle, avant la fin de l’année, le baril de pétrole atteindra 250 dollars et les 1 000 mètres cubes de gaz frôleront les 1 000 dollars, frise l’action psychologique, elle n’est pas absurde.

L’entrée en récession, pour les deux premiers trimestres de l’année, du Danemark, pays vertueux et souvent cité en exemple, constitue un signal d’alarme fort sur les risques encourus par notre pays à moyen terme.

L’état de nos finances publiques reste très préoccupant. « Il faut arrêter la fuite en avant », déclarait encore récemment M. le Premier ministre. Néanmoins, on constate un nouveau creusement de 41 milliards d’euros au cours du premier trimestre, la dette publique dépassant désormais les 1 250 milliards d’euros, soit 65,3 % du PIB, et ce sans tenir compte des engagements hors bilan qui excèdent les 300 milliards d’euros.

La récente hausse du taux de refinancement de la BCE à 4,25 % vient encore surenchérir le coût des intérêts de notre dette, second budget de l’État, je le rappelle. Il serait dangereux, car irresponsable, que quiconque mise sur un surcroît d’inflation pour rogner une partie de ces engagements vu l’augmentation des coûts qui en découleraient, sauf à vouloir rembourser cette dette au détriment des ménages, déjà suffisamment mis à contribution.

Cela dit, monsieur le ministre, votre hypothèse d’une inflation à 2 % et d’un baril de pétrole à 125 dollars ne me semble pas du tout réaliste.

Je regrette, comme certains de mes collègues, que n’ait pas abouti le débat engagé sur les lois de finances, à l’occasion de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République. L’adoption de la mesure proposée aurait eu le grand mérite de contraindre chaque année le Gouvernement à présenter un budget en équilibre – c’est une impérieuse nécessité –, et aussi à renforcer la clarté et la sincérité des comptes. Le déficit de nos comptes a, de plus, pour corollaire d’affaiblir l’autorité qui devrait être la nôtre au moment où la France préside l’Union européenne.

Avoir les moyens de nos ambitions politiques suppose l’exemplarité, et ce d’abord sur le plan budgétaire. Dès lors, comment prétendre insuffler une nouvelle dynamique à une Union européenne résignée à jouer les seconds rôles ? Sur quelle autorité morale pouvons-nous nous appuyer lorsque nos comptes publics sortent des limites, déjà extensibles, du pacte de stabilité ? Les références à une histoire glorieuse, mais déjà lointaine, sont dépassées, voire contre-productives. La méfiance de nos concitoyens envers l’Europe ne risque pas de s’amenuiser. Il est d’ailleurs symptomatique de constater l’hostilité grandissante à l’égard de la BCE, alors que celle-ci peine de plus en plus à trouver des arguments pour justifier sa politique des taux.

Certes, la BCE confirme son inflexible indépendance face aux politiques, mais il n’est pas hérétique de s’interroger sur la pertinence même de son ancre nominale : est-il définitivement opportun qu’une banque centrale ne poursuive qu’un objectif de stabilité des prix ou bien est-il envisageable de lui assigner, au même rang, un objectif de soutien à l’activité ?

L’engagement du Gouvernement à tenir les critères de stabilité avant 2012 est modérément ambitieux, mais demande néanmoins de réels efforts. La série de mesures structurelles fortes, à l’instar du projet de loi de modernisation de l’économie, a été saluée par le Fonds monétaire international, pour son effet dynamisant.

Enfin, la révision générale des politiques publiques donnera une vision globale de leur efficacité ou de leur inefficacité. Nous en attendons les conclusions définitives avec impatience. Les audits menés par votre prédécesseur au ministère du budget permettent déjà de rationaliser certains postes de dépenses. Mais beaucoup reste à faire, et, disant cela, je pense entre autres à la politique erratique de la gestion immobilière de l’État. Il est tout simplement ubuesque que l’État ne connaisse pas l’étendue de son parc immobilier !

M. Éric Woerth, ministre. Mais il le connaît très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Nos collègues Bernard Angels, Marie-France Beaufils, Paul Girod et Adrien Gouteyron avaient parfaitement analysé ces dysfonctionnements dans leur rapport d’information. L’État doit élaborer une politique immobilière d’ensemble, qui ne saurait ni se résumer à des opérations de cession, qui ne sont pas sa finalité, ni se cantonner à une logique essentiellement ministérielle, donc cloisonnée.

Sur ce point, je salue votre heureuse initiative visant à mettre en place un opérateur unique de rationalisation et de valorisation de 45 milliards d’euros d’actifs.

Vous souhaitez réinstaurer la confiance, alors qu’un grand nombre de nos compatriotes souffrent aujourd’hui du retour de l’inflation. La hausse des prix des hydrocarbures serait peut-être plus supportable si elle ne s’accompagnait de la peur du déclassement social.

Certes, les instituts statistiques annoncent, depuis des années, une inflation comprise entre deux points et trois points, mais de nombreux Français constatent quotidiennement que les prix des produits de consommation courante augmentent beaucoup plus.

Les plus modestes, alors qu’ils peinent, chaque mois, à subvenir à leurs besoins élémentaires ou même à se loger, sont modérément heureux de savoir que le prix en valeur absolue des produits de haute technologie n’a jamais été aussi bas. Il faut savoir que les dépenses contraintes – logement, assurances, transports, téléphone – atteignent aujourd’hui, en moyenne, 30 % des revenus ; elles n’étaient que de 12 % en 1960.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Aymeri de Montesquiou. N’oublions pas non plus que ceux qui gagnent entre 20 000 euros et 55 000 euros par an, c’est-à-dire 50 % des Français, constituent le véritable baromètre d’une consommation dont ils sont le principal moteur. Trop riches pour toucher des aides sociales, trop pauvres pour jouer des multiples outils d’allégements fiscaux, ils souhaitent – et ce n’est que justice élémentaire ! – pouvoir vivre décemment de leur travail. C’est un objectif prioritaire qui est loin d’être atteint.

Leur incompréhension est manifeste envers la multiplication inconsidérée des niches fiscales, « mauvaise herbe fiscale », comme les qualifie Philippe Marini. Entre 1997 et 2006, 227 nouvelles niches ont été créées, pour un total estimé à 650. En 2008, l’État aura ainsi abandonné 72,3 milliards d’euros de recettes fiscales, soit 27 % de l’ensemble de celles-ci et 3,8 % du PIB !

Si certaines niches répondent à un souci légitime d’allégement de la pression fiscale ou d’allocation des ressources, leur prolifération pose un vrai problème d’équité fiscale. Elle souligne aussi que l’aspect parfois confiscatoire de notre système fiscal en est venu à engendrer de telles injustes absurdités.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Aymeri de Montesquiou. Notre collègue député Charles de Courson soulignait à bon droit que « les mille premiers bénéficiaires, par ordre décroissant, des niches fiscales sont des contribuables qui, par le truchement des investissements outre-mer, réussissent à faire baisser de plus de la moitié leur impôt sur le revenu et obtiennent une réduction moyenne d’impôt de 300 000 euros ».

Mieux ou pis, les 100 000 contribuables tirant le meilleur profit des dérogations fiscales catégorielles ont réduit leur impôt de 15 240 euros en moyenne, soit un manque à gagner pour l’État de 1,5 milliard d’euros. Ce n’est ni équitable ni juste.

De surcroît, un grand nombre d’entre elles ont une efficacité douteuse.

Le dispositif Robien a atteint ses limites et amplifie même le retournement spectaculaire du marché de l’immobilier dans certaines villes moyennes. La défiscalisation des investissements outre-mer, n’en déplaise peut-être à mes collègues ultramarins, a, quant à elle, favorisé la cherté du logement et accru les difficultés des opérateurs de logements sociaux.

La mise à plat de ce système est certes ardue. En effet, l’impact macroéconomique des niches fiscales n’est pas nul, mais, surtout, comme aime à le rappeler Gilles Carrez, « dans chaque niche, il y a un chien qui mord ».

M. Alain Vasselle, rapporteur. Oh là là !

M. Aymeri de Montesquiou. Le degré de sophistication dans l’exception fiscale est tel que le législateur se heurte désormais à l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et de clarté de la loi, comme en 2005, lorsque le Conseil constitutionnel avait censuré le plafonnement de certains avantages dans le secteur sauvegardé.

Pourtant, des solutions existent. Je vous propose une idée simple : dès lors qu’un avantage fiscal perd sa finalité d’allocation de ressources pour devenir un simple instrument d’optimisation fiscale pour les mieux informés, il n’a plus sa raison d’être.

La mission d’information de l’Assemblée nationale sur les niches fiscales a rendu des conclusions intéressantes à cet égard. Elle propose, entre autres, d’instaurer un maximum global de réduction fixe : l’avantage diminuerait en proportion du revenu quand ce dernier augmenterait. En associant ce dispositif à un véritable toilettage des niches inutiles ou inéquitables, l’État économiserait certainement plusieurs milliards d’euros.

Monsieur le ministre, les attentes de réforme des Français sont considérables. Nous avons déjà trop tardé. Non seulement nos partenaires européens ne nous attendront pas dans le grand jeu économique mondial, mais, aujourd’hui, la Chine, l’Inde, le Brésil sont devenus nos concurrents directs. Je crains que nous ne puissions entraver notre déclin si vous ne parvenez pas à tenir vos engagements budgétaires d’ici à 2012, lesquels ne sont pas excessivement ambitieux.

Votre volonté est évidente, vos efforts certains. Aussi, je souhaite que, dans quatre ans, vous puissiez dire que mes propos d’aujourd’hui n’étaient que ceux d’un Cassandre mal avisé. (Applaudissements au banc de la commission.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’orientation budgétaire qui nous intéresse aujourd’hui doit être un point clé dans la vie des finances publiques et sociales de notre pays. Il intervient en effet à un moment charnière de la préparation du projet de loi de finances pour l’année 2009, lequel sera sans nul doute, et je le regrette, l’un des plus difficiles à boucler depuis de nombreuses années.

Avant toute chose, je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, de nous permettre de débattre des orientations budgétaires de la France à un moment si important économiquement, mais aussi si dense en matière législative, au milieu de cette session extraordinaire.

On évoque beaucoup le renforcement des pouvoirs du Parlement. Celui-ci passe par plus de contrôle, notamment budgétaire, et également par une plus grande écoute des parlementaires eux-mêmes sur les grandes orientations à prendre. Je ne doute pas que tel sera le cas pour le débat qui nous intéresse désormais.

Nous avons constaté et adopté la semaine dernière le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007 ; il a été l’occasion de faire le point sur l’exercice de l’année dernière et de tirer le bilan financier de nos comptes. Les résultats constatés sont loin d’être satisfaisants. Ils doivent nous alerter, nous inquiéter, sur la situation de notre économie, de nos finances publiques, et sur leur avenir.

Je vous l’avoue, je suis en effet très inquiet sur la situation financière de notre pays et, en l’état, je suis plutôt pessimiste sur la possibilité de dégager des marges de manœuvre pour prendre toutes les mesures nécessaires à leur redressement. Mais je ne suis pas résigné ; c’est pourquoi, à cette inquiétude, il faut opposer un devoir de responsabilité fort et ferme de notre part, de la part du Gouvernement et, sans doute, de la part de tous les Français.

Avant d’aborder ce point sur la responsabilité, j’aimerais revenir sur ce qui me préoccupe et justifie mon appréhension.

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes analyse les causes et les conséquences de leur dégradation. Un certain nombre de critiques déjà évoquées sont sans appel.

Tout d’abord, avec une remontée du déficit public français à 2,7 % du PIB, la situation financière s’est aggravée en 2007, à contre-courant du retour à l’équilibre observé en moyenne dans les autres pays de la zone euro, notamment en Allemagne. Cette aggravation d’origine structurelle est due à une insuffisante maîtrise des dépenses pour compenser les réductions d’impôts et de cotisations sociales.

Ce résultat est très loin d’être satisfaisant. Si on le compare au solde de l’année 2006, qui était de moins 39 milliards d’euros, en prenant en compte l’incidence de la modification du calendrier de versement des pensions des agents de l’État, le résultat ne s’améliore que de 0,6 milliard d’euros. C’est la fin d’une lente diminution du poids du déficit public dans notre économie.

Par ailleurs – c’est la deuxième critique –, le déficit de l’État augmente en 2007, quel que soit le référentiel comptable retenu. Le besoin de financement des collectivités locales reste limité, mais s’alourdit aussi sous l’effet d’une forte croissance des dépenses. Le besoin de financement de l’ensemble des régimes de base de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, s’alourdit également. Rappelons que le déficit de la sécurité sociale, régimes de base et FSV, reste de l’ordre de 11 milliards d’euros, avec une « dette sociale » qui augmente de 9 milliards d’euros.

Ensuite, troisième critique, la dette publique, qui avait baissé en 2006, a de nouveau augmenté en 2007, contrairement, là encore, à la tendance observée dans les autres pays européens, pour atteindre 63,9 % du PIB à la fin de l’année 2007 – soit 47 000 euros par actif, sans même tenir compte d’une partie des dettes de RFF, que seul l’État pourra rembourser –, ce qui entraîne une charge d’intérêt de 52 milliards d’euros, soit 2 000 euros par actif. L’augmentation de ce ratio de dette est le résultat mécanique du niveau actuel du déficit.

Enfin, l’équilibre des comptes publics en 2012, inscrit dans le programme de stabilité, suppose de ramener la croissance des dépenses en volume de 2,2 % en moyenne sur les dix dernières années à 1,1 % par an, alors qu’elle a encore été de 2,5 % en 2007. Le respect du pacte implique donc une économie de 46 milliards d’euros à l’horizon de 2012 ! Nous devons équilibrer et planifier cet effort.

Comme le disait notre éminent collègue Alain Lambert, en réunion de commission des finances la semaine dernière, nous connaissons l’objectif pour 2012. Il est donc nécessaire de répartir très précisément les efforts annuels à réaliser et, surtout, de s’y tenir, afin de ne pas, une nouvelle fois, reconstruire l’an prochain un nouveau plan de redressement pluriannuel qui décale encore d’une année le retour à l’équilibre.

Monsieur le ministre, vous l’avez souligné et je salue votre réalisme, les contraintes qui vont peser sur le budget de la France vont être croissantes.

Le contexte économique mondial et national est de plus en plus « tendu », avec, d’une part, un ralentissement attendu de la croissance et, d’autre part, la flambée de l’inflation. Comment ne pas évoquer le renchérissement des matières premières, au premier rang desquelles le pétrole, et le déséquilibre flagrant entre l’évaluation du dollar et celle de l’euro ?

Ces deux constats, dans un contexte de crise financière internationale, ont et auront, dans les années à venir, des conséquences dramatiques : une croissance atone, l’inflexion du marché immobilier, la faiblesse de la consommation et des investissements, l’augmentation des prix énergétiques et alimentaires, le déséquilibre de la balance commerciale, etc.

Mes chers collègues, il est de notre devoir de parlementaires de mettre des mots sur une réalité toujours plus difficile. Dans ce contexte, je vous appelle peut-être à plus de prudence, notamment sur les prévisions de croissance. Mieux vaudrait les sous-estimer, comme l’a longtemps fait le Canada, quitte à ensuite enregistrer des plus-values qui nous permettraient de diminuer le montant de notre dette publique. Ne pas surévaluer nos capacités correspondrait à une gestion « en bon père de famille », dont la France a bien besoin. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus, je crois, prendre de risques financiers.

Par ailleurs, nous avons des contraintes structurelles internes très fortes et quasiment inévitables. Vous évoquiez, monsieur le ministre, le poids croissant des pensions de retraite et de la charge de la dette. Il est dramatique de penser que la dynamique de ces deux dépenses absorbera dans les années à venir près de 70 % des augmentations, déjà faibles, de la dépense de l’État. Les marges de manœuvre seront bientôt nulles.

Ce qui m’inquiète le plus, c’est à la fois l’avenir de nos enfants et l’image que notre pays donne à ses différents partenaires aux échelons européen et mondial.

Concernant ce que nous allons laisser à nos enfants et à nos petits-enfants, des réformes structurelles sont nécessaires et requièrent une forte volonté politique. Lorsque nous acceptons les déficits et la dette publique, c’est à eux que nous devons penser. Nos décisions d’aujourd’hui créent leur dépendance de demain. Nous sommes liés aux générations futures par un pacte tacite. Ne transformons pas ce lien en une dépendance financière pour eux à cause d’un héritage qu’ils pourraient refuser !

Par ailleurs, notre attitude financière a des conséquences sur nos relations avec nos partenaires européens, principalement ceux de la zone euro. Nous sommes dépendants de tous les pays du marché commun, comme eux le sont de nous. Le respect des critères du pacte de stabilité doit sous-tendre nos réflexions sur l’évolution des finances publiques. Les signes que nous envoyons aujourd’hui à nos amis européens ne sont pas très convaincants quant à notre bonne volonté. Pour la plupart de nos partenaires, nous profitons de la zone euro pour amortir la dégradation de nos finances publiques.

Dans ce contexte extrêmement contraint, les possibilités d’évolution sont très limitées. Les marges de manœuvre économiques restent extrêmement réduites pour le pays.

L’ensemble des dépenses publiques ne peut absolument plus augmenter, pas plus en volume qu’en valeur. En outre, ces limitations devront concerner toutes les administrations, de l’État au système social, en passant par les collectivités territoriales.

Concernant les recettes, nous pourrons difficilement en créer de nouvelles ; il paraît donc nécessaire de limiter leur affaissement. Il en va de la « soutenabilité » de nos finances publiques.

Comme je le disais au début de mon propos, cette inquiétude ne traduit aucune résignation. Alors, profitons-en pour réformer en profondeur nos méthodes de travail, en particulier en matière budgétaire.

Pour cela, il me paraît indispensable de développer une véritable culture de la responsabilité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Christian Gaudin. Nous sommes des élus. Les Français nous ont confié des mandats ; nous devons les respecter.

Être responsable, c’est dire la vérité à nos concitoyens sur les difficultés qui s’annoncent.

Être responsable, c’est être persévérant dans les réformes, même si elles sont impopulaires.

Être responsable, c’est bien évidemment être fidèle à nos engagements, en particulier à ceux qui ont été pris à l’égard de nos voisins européens.

À l’heure actuelle, parmi les évolutions envisageables à plus ou moins long terme, on évoque beaucoup les fameuses dépenses fiscales. Évaluées à 73 milliards d’euros en 2008, elles ne sauraient être écartées a priori de tout mécanisme de régulation. Leur croissance est souvent sous-estimée, car certains dispositifs sortent de la liste des dépenses fiscales annexée au projet de loi de finances, en raison de leur histoire, et sans autre précision, ce qui n’a pas de justification économique.

Malgré un tel biais, on observe un fort développement des dépenses fiscales, surtout depuis l’instauration d’une norme de dépenses budgétaires en 2001. On en comptait 398 en 2000, et leur nombre est passé à 486 en 2008. Dans le projet de loi de finances pour 2008, seulement 80 % sont chiffrées. Et encore, pour la moitié d’entre elles, il ne s’agit que d’un ordre de grandeur.

Pour apprécier la croissance de leur montant total, il faut tenir compte des variations annuelles de ce taux de chiffrage, qui augmente depuis 2005. Il apparaît alors que le coût total des dépenses fiscales a crû en moyenne de 5 % par an de 2004 à 2007 et qu’il augmentera encore de 5 % en 2008, rythme bien supérieur à celui des dépenses couvertes par la norme. Parallèlement à une amélioration de leur recensement et de leur chiffrage, il pourrait être envisagé d’encadrer leur évolution par une norme spécifique.

Comme cela est évoqué dans le rapport qui a été remis au Parlement, nous pourrions imaginer des limitations dans le temps ou en volume de ces dépenses fiscales. Nous ne manquons pas d’imagination à ce sujet, et vous savez bien que le Sénat et sa commission des finances se sont déjà largement penchés sur la suppression de niches fiscales ; je n’y reviendrai donc pas.

Il serait également souhaitable de réserver à la loi de finances la possibilité de créer des dépenses fiscales. Toutefois, je ne m’étendrai pas sur le débat qui a lieu à propos de la modification de l’article 34 de la Constitution. Un système de caducité automatique des dépenses fiscales qui ne seraient pas reprises dans la plus prochaine loi de finances pourrait être instauré. M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, vous en parlerait beaucoup mieux que moi !

Toujours en matière de recettes, je voudrais évoquer brièvement la TVA sociale, ou « TVA de compétitivité », selon les sensibilités de chacun.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bonne idée !

M. Christian Gaudin. Je connais la fragilité de ce sujet, mais vous savez que les centristes y sont très attachés. Je souhaite savoir où en sont les réflexions sur cette réforme, qui pourrait participer au rééquilibrage de notre compétitivité internationale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Christian Gaudin. Cette dernière remarque me permet d’évoquer la structure économique de notre pays. Nous venons d’examiner longuement le projet de loi de modernisation de l’économie.

Je voudrais une nouvelle fois vous convaincre de l’importance dans notre paysage économique de la valeur ajoutée des petites et des moyennes entreprises ; je parle de celles qui embauchent entre cent salariés et trois cents salariés. L’exemple allemand est à ce titre très régulièrement évoqué. Pourquoi nos PME manquent-elles de compétitivité sur le plan international ? Nous devons investir et créer un environnement favorable à l’investissement pour l’innovation dans nos PME. Je crois beaucoup en elles pour emmener notre pays sur le chemin du redressement.

À présent, je souhaiterais encore et toujours rappeler quelques mesures d’ordre fiscal que M. Philippe Marini, rapporteur général, et moi-même avions formulées dans notre rapport d’information intitulé La bataille des centres de décision : promouvoir la souveraineté économique de la France à l’heure de la mondialisation.

La fiscalité française et son environnement sont complexes, instables et insuffisamment attractifs. Nous pourrions proposer une diminution du taux facial de l’impôt sur les sociétés, ainsi qu’une harmonisation et une consolidation de son assiette. La France ne peut pas se permettre de demeurer durablement hors du jeu de la compétition fiscale. Nous avions ainsi suggéré l’objectif d’un taux légèrement inférieur à 30 %.

J’en viens à l’assiette de ce prélèvement. Il nous semble opportun de faire aboutir l’initiative européenne de l’assiette commune, optionnelle et consolidée d’impôt sur les sociétés. Cette harmonisation au niveau de l’Union européenne serait un premier pas vers la possibilité de légiférer à l’unanimité en matière de fiscalité des entreprises à l’échelon communautaire. Les débats sur les taux étant actuellement bloqués, ceux qui sont relatifs à l’assiette semblent moins problématiques.

En outre, je veux évoquer rapidement le problème de la stabilité de nos règles fiscales. Comment ne pas rappeler le besoin, en ce domaine, de prévisibilité et de lisibilité de notre droit, principalement aux yeux de nos voisins étrangers ? Il y va aussi de notre responsabilité de décideurs politiques.

J’aimerais également évoquer l’importance des collectivités territoriales dans le redressement de nos finances publiques. En tant que sénateurs, nous nous devons d’être réalistes à l’égard de leur rôle, de leurs missions et de leurs responsabilités.

Comme nous l’avons vu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, l’insertion des prélèvements en faveur des collectivités locales au sein de l’enveloppe normée des dépenses est une nouvelle contrainte budgétaire pour l’État et, bien sûr, pour les collectivités elles-mêmes. Nous devons en être conscients, la hausse des dotations des collectivités sera extrêmement limitée pour 2009 et pour les années suivantes. Elle ne devrait atteindre que 2 % pour 2009.

En tant que représentants des collectivités territoriales, notre responsabilité est de faire comprendre que tout le monde doit participer à l’assainissement de nos finances publiques. L’État doit jouer non pas contre, mais avec les collectivités locales. Ainsi, régions, départements et communes devront également contribuer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques.

Bien entendu, les relations ne doivent pas se concentrer dans une seule direction. Ainsi, l’État doit également s’appliquer à lui-même la fameuse « règle d’or » imposée aux collectivités locales en matière de gestion budgétaire. Par ailleurs, l’instauration d’un dialogue permanent et récurrent en vue de la réforme tant attendue de la fiscalité locale est une condition sine qua non de l’apaisement des relations entre tous les acteurs.

Pour conclure, monsieur le ministre, je vous demande –mais je sais que vous partagez cette éthique de responsabilité –de ne pas enjoliver la situation économique et financière de la France dans la construction du budget pour 2009. Nous devons être clairs et transparents pour les Français, pour l’avenir et pour l’ensemble de nos partenaires européens. (Applaudissements au banc de la commission. – MM. Roland du Luart et Éric Doligé applaudissent également

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat est passionnant et chacune des interventions est extrêmement riche.

Toutefois, le temps passe et nous ne pourrons pas clore cette discussion avant la suspension du déjeuner.

Par conséquent, je propose au Sénat que nous puissions entendre nos collègues Nicole Bricq et Roland du Luart avant la suspension, et que nous reprenions le débat après le déjeuner.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette proposition ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. « Je réduirai la dette et le déficit, qui ont été creusés par l’échec des politiques antérieures, alors que nos politiques réussiront. Les générations futures ne peuvent pas accepter que les générations actuelles vivent à leur crédit ». Voilà ce qui figurait dans la profession de foi du candidat de l’UMP à l’élection présidentielle, M. Nicolas Sarkozy, au printemps 2007.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes d'accord ! Nous partageons totalement ce point de vue ! Vous aussi, non ?

Mme Nicole Bricq. À peine élu, le Président de la République s’affranchit du retour à l’équilibre des comptes publics, repousse cette échéance à 2012 et engage son Gouvernement dans une politique de baisses d’impôts et de dépenses fiscales pour la plupart improductives, dilapidant ainsi les quelques marges de manœuvre dont il disposait, alors que la crise financière démarre aux États-Unis.

Le Gouvernement justifiera après coup son plan de l’été 2007 par une nécessaire relance censée soutenir l’économie réelle quand celle-ci serait affectée. Mauvaise pioche : à l’été 2008, nous y sommes : tous les indicateurs sont au rouge !

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Selon la Cour des comptes, il faudrait 46 milliards d’euros d’économie. Et, d’après M. le rapporteur général, pour satisfaire d’ici à 2012 la trajectoire transmise aux instances de l’Union européenne, le montant des économies et des redéploiements nécessaires s’élèverait à 65 milliards d’euros.

Avec de tels choix politiques, l’équation est impossible à résoudre. La baisse de la croissance et la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt alourdissent mécaniquement la dette. D’ailleurs, la charge de la dette devient bondissante ou, selon le joli mot de M. Philippe Marini dans son rapport écrit, « dynamique ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !

Mme Nicole Bricq. Aujourd'hui, elle atteint 52 milliards d’euros.

Dans le même temps, les recettes se contractent. Les dépenses fiscales engagées dans les trois dernières années pèseront sur les budgets en 2009 et en 2010. Le scénario du Gouvernement qui a été communiqué à Bruxelles est intenable. Nul ici ne s’illusionne sur ce point.

Cela dit, comme je connais le sort qui attendait les messagers porteurs de mauvaises nouvelles dans les temps anciens, je préfère m’arrêter là ! (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, nous tenons à vous ! (Nouveaux sourires.)

Mme Nicole Bricq. Mais j’y reviendrai !

La vérité est que le Gouvernement n’a plus de marges de manœuvre. Alors qu’il a lancé de multiples chantiers, inspirés par le Président de la République, et retardé l’ajustement budgétaire, il a négligé le principal : toute réforme a un coût initial si l’on veut s’assurer de sa fluidité, de son acceptation et de l’adhésion de ceux qui sont concernés. Et si économies il y a, elles ne se produiront qu’à moyen ou à long terme.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Exact !

Mme Nicole Bricq. Condamné à une discipline financière qu’il n’a pas anticipée, le Gouvernement n’a plus guère de cartouches dans sa gibecière.

C’est là où l’injustice du paquet fiscal pèse de tout son poids, car elle a miné la confiance. En privilégiant les situations rentières, en proposant un agenda partisan et des mesures socialement biaisées, le Gouvernement et sa majorité ont ruiné toute possibilité de mobilisation des salariés, qui seront – et ils l’ont bien compris – les grands perdants de la crise.

Dès lors que les causes de l’inflation sont exogènes – le phénomène est lié à la hausse des prix des matières premières et de l’énergie –, les salaires n’y sont pour rien. Pourtant, et c’est un paradoxe effrayant, ce sont les salariés qui paieront les aléas de la conjoncture et de la finance. Au moment où il faudrait mener une politique contracyclique, vous n’en avez plus les moyens.

Les déficits qui s’accumulent serviront à justifier les coupes dans les politiques publiques. Or le pays a besoin de dépenses publiques. Je pense notamment aux dépenses d’avenir pour la recherche, pour l’éducation, pour l’enseignement supérieur, pour l’innovation, afin de disposer de petites et moyennes entreprises fortes, avec des produits et des services bien orientés à l’exportation.

La dépense publique est également utile pour développer les solidarités. Étant donné le bouleversement – je dirai même le « décentrement » – du monde que nous vivons actuellement, et qui va sans doute encore durer plusieurs années, il faut précisément multiplier les solidarités à l’égard de ceux qui peuvent perdre dans cette mutation.

À cet égard, le débat sur le financement du revenu de solidarité active est emblématique. C’est la prime pour l’emploi, la PPE, qui sera redéployée vers lui. J’admets que c’est un raccourci, mais songez que le message porté par cette réforme est terrible : la redistribution se fera désormais des pauvres vers les encore plus pauvres.

Il y a, de plus, le risque que le revenu de solidarité active, le RSA, ne devienne une subvention au temps partiel et aux bas salaires. L’effet de substitution de la prime ou l’emploi, ou PPE, vers le RSA pénalisera les couples biactifs, car ces deux dispositifs n’ont pas la même base de calcul. Je suppose que nous en reparlerons.

Pour en finir avec l’état des lieux, j’indique que la mise en œuvre d’un plan de rigueur d’ampleur – c’est ce que le Gouvernement s’apprête à faire – amputera une croissance déjà faible et fera repartir le chômage à la hausse. Dans tous les cas de figure, il n’y a pas d’issue heureuse.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors, que proposez-vous ?

Mme Nicole Bricq. Face à cela, quelle est la stratégie du Gouvernement ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Et quelle serait la vôtre ?

Mme Nicole Bricq. J’ai regardé les leviers sur lesquels il compte agir. Comme ils ont déjà été mentionnés, je ne les évoquerai que brièvement.

La révision générale des politiques publiques a pour objectif principal non pas d’améliorer l’efficience de l’État, mais de justifier a priori la réduction de la dépense publique et du nombre de fonctionnaires. Le calcul a été effectué. En net, on aura atteint péniblement 6 milliards d’euros d’économies.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce serait déjà quelque chose !

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, si j’ai bien entendu le Président de la République, sur ces 6 milliards d’euros, vous vous apprêtez à dépenser 3 milliards d’euros pour satisfaire à la baisse de la TVA dans la restauration.

En outre, de nouvelles niches fiscales ont été ajoutées à l’occasion du débat sur le projet de loi de modernisation de l’économie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. À hauteur d’environ 400 millions d’euros !

Mme Nicole Bricq. Effectivement, monsieur le rapporteur général.

Le Gouvernement fixe la norme des dépenses pour 2009 à 2 %. Pour ma part, je pense qu’elle concernera tous les budgets et qu’il n’y aura pas de « sanctuaire », contrairement à ce qui a pu être affirmé. Les dépenses d’intervention seront mises à l’épreuve.

Qu’en est-il des dépenses fiscales ? Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure que le débat était encore ouvert. Est-il envisagé de les plafonner ? De les passer en revue, de les évaluer ou de les limiter dans le temps ? De supprimer les niches « verticales », comme le souhaite M. le rapporteur général ? Il faudra attendre le projet de loi de finances pour 2009 pour connaître le chemin qui sera emprunté. Vous aurez sans doute fort à faire. Tout à l’heure, le président de la commission des affaires culturelles, M. Jacques Valade, défendait encore la niche fiscale relative au patrimoine et aux monuments historiques !

Quant à la référence constitutionnelle concernant les dépenses fiscales et les exonérations sociales, je rappelle que le groupe socialiste s’est rallié à l’amendement défendu par MM. Marini, Arthuis et Vasselle. Nous ne désertons pas ce terrain, comme vous pourrez le constater cet après-midi quand nous reprendrons le débat sur les institutions,…

M. Philippe Marini, rapporteur général. Majorité d’idées !

Mme Nicole Bricq. …et nous regrettons la position de la majorité.

S’agissant des annulations de crédit, 3 milliards d’euros de crédits mis en réserve seraient annulés. Imposer un nouveau tour de vis aux collectivités locales ? Lors de la réunion du Conseil national des exécutifs, la semaine dernière, le Premier ministre n’a pas caché son intention d’encadrer plus sévèrement les dotations de l’État, et, singulièrement, la dotation globale de fonctionnement.

C’est une cible tentante, d’autant que l’hypothèse du Gouvernement de retour à l’équilibre d’ici à 2012 fait des collectivités locales une variable essentielle. Or leur endettement ne pèse que 11 % dans la dette publique. Dans ces conditions, vous aurez du mal à en faire un bouc émissaire.

On ne voit pas vraiment comment les collectivités locales réduiraient drastiquement leurs dépenses, auxquelles le Gouvernement assigne un taux de croissance de 1,4 %, quand, dans le même temps, leurs recettes directes sont amputées des effets de la réforme de la taxe professionnelle déjà engagée, quand les droits de mutation à titre onéreux sont moindres du fait du retournement immobilier. Le schéma du Gouvernement n’est pas réaliste, et je pense que tout le monde le sait ici.

Quant à se séparer d’actifs non stratégiques, comme j’ai entendu Mme la ministre de l’économie, de l'industrie et de l'emploi en parler, l’état délicat des marchés financiers n’est guère propice à ces désengagements. On cédera encore des actifs immobiliers, mais cela n’ira pas très loin, et, au bout du compte, l’État se sera encore appauvri.

S’agissant de la fiscalité, il est paradoxal que nous n’ayons pas connaissance du résultat de la revue générale des prélèvements obligatoires au moment où nous tenons le débat d’orientation budgétaire. Au moins doit-on lire les intentions qui pointent çà et là.

Plaider, comme le font certains, pour des impôts à large assiette et à faible taux nous inquiète beaucoup. Vous avez déjà passablement raboté le seul impôt progressif dont nous disposons, l’impôt sur le revenu ; cela suffit !

Vous utiliserez sans doute quelques artifices comptables pour passer sous la toise des 3 %. Mais cela ne trompera ni les parlementaires ni la Cour des comptes,…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On constitutionnalise la sincérité !

Mme Nicole Bricq. … et ce sera de bien peu d’effet sur un déficit structurel, et non pas conjoncturel.

Je voudrais tout de même dire quelques mots du montage lié au transfert de la dette de la sécurité sociale à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. Il s’agit à la fois d’un contournement de l’obligation de prévoir une recette, et d’un détournement, puisque les excédents du fonds de solidarité vieillesse devraient aller au fonds de réserve des retraites.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq. Tous ces éléments mis bout à bout nous conduisent effectivement à nous interroger.

Je suis dans l’opposition, et je n’ai donc pas à me mettre à la place du Gouvernement ; et, si je prétends donner à ce dernier des conseils alors que ses objectifs sont divergents des nôtres, il n’a pas de raison de les suivre ; mais au moins peut-il les écouter.

Il faudrait, pour le moins, donner un peu d’air à nos finances publiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oxygénez les finances publiques !

Mme Nicole Bricq. Il faudrait revenir sur les largesses accordées aux situations rentières qui n’apportent rien à la compétitivité et au bon positionnement de la France dans la mondialisation. Vous savez très bien de quoi je veux parler : les successions, les donations, les prélèvements libératoires sur le patrimoine, j’arrête là !

Il faudrait revenir sur une grande partie du paquet fiscal, coûteux, qui s’est révélé impropre à ramener confiance et croissance. Il n’y a pas de honte à reconnaître son erreur, mais il est diabolique de persévérer dans l’erreur.

Il faudrait arrêter de poursuivre les exonérations sociales et les niches fiscales qui encouragent les situations rentières.

Il serait plus raisonnable de se fixer comme objectif de stabiliser les prélèvements obligatoires, comme nous l’avions dit pendant la campagne présidentielle, puisque la baisse de quatre points promise par le Président de la République n’a aucune chance d’être atteinte.

Il faudrait arrêter de développer un climat anxiogène à propos de la dette en l’individualisant sur la tête de chaque Français. Il faudrait, en face de la dette, faire figurer la somme des actifs…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cinq cents milliards d’euros !

Mme Nicole Bricq. …et de l’encore bonne signature de la France. Il faudrait dégager les moyens de financer de grandes politiques d’économies d’énergie, de prendre en compte le vieillissement de la population et les effets qu’il aura sur l’organisation de la société, et investir massivement dans l’innovation et la connaissance. Bref, il faudrait repenser notre modèle de développement pour réussir le passage de la France dans le XXIe siècle. Vous ne le préparez pas, et l’histoire des peuples montre qu’ils n’oublient jamais longtemps les fautes de leurs gouvernants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

(M. Adrien Gouteyron remplace Mme Michèle André au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La parole est à M. Roland du Luart.

M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapporteur général, M. Philippe Marini, a raison de souligner que l’année 2009 constitue un tournant en matière de finances publiques.

Il est vrai que ces dernières ont atteint une sorte de point de rupture, sous la double pression de l’endettement et du vieillissement de la population.

Certes, le ralentissement de la croissance économique, l’augmentation des taux d’intérêts et le regain d’inflation rendent plus difficile à atteindre l’objectif de 2,5 points de PIB de déficit public fixé par le Gouvernement pour 2008.

Vous prévoyez, monsieur le ministre, d’annuler environ la moitié des crédits mis en réserve en début d’année pour respecter les plafonds de dépenses votés par le Parlement.

Nous savons aussi que vous suivez de près, avec Mme Roselyne Bachelot, l’évolution des dépenses de la sécurité sociale, afin de prévenir tout dépassement et de tenir, là-aussi, l’objectif fixé par le Parlement.

Mais nos difficultés budgétaires ne sont pas seulement conjoncturelles, elles sont aussi et surtout structurelles.

La remontée des taux d’intérêt et la poussée d’inflation ne font que mettre en évidence le poids croissant de la dette dont la charge a longtemps été contenue, voire occultée, par les baisses de taux successives.

À cet égard, le groupe UMP du Sénat ne peut que se féliciter de la mise en place d’une stratégie de moyen terme pour le rétablissement de nos finances publiques.

Cette stratégie repose à la fois sur des réformes de structures pour développer la croissance potentielle de l’économie et sur une maîtrise durable de la dépense publique.

Nous saluons la confirmation par le Gouvernement de l’objectif d’un retour à l’équilibre des finances publiques en 2012, et dès 2011 – nous osons l’espérer – pour la sécurité sociale.

La présentation d’un budget pluriannuel traduira cette ambition et redonnera de la perspective à nos concitoyens, et peut-être même de la confiance.

Le cap des réformes fixé par le Président de la République doit donc être tenu, par gros temps comme par petit temps.

La hausse des prix et des taux d’intérêts contraint ainsi l’État à stabiliser les dépenses des ministères en euros courants, afin de respecter globalement le « zéro volume ». Nous mesurons l’effort que cela représente, monsieur le ministre, d’autant plus que les crédits progresseront dans certains secteurs prioritaires comme l’enseignement supérieur, la recherche et la justice

C’est là que la RGPP prend tout son sens, en permettant d’identifier les gisements de productivité et d’atteindre quasiment l’objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux en 2009, soit plus de 30 000 postes.

Nous ne pouvons que vous encourager, monsieur le ministre, à étendre cet exercice de clarification et de rationalisation à l’ensemble des dépenses d’intervention, comme vous le suggère la commission des finances.

Notre commission vous suggère également de passer en revue l’ensemble des niches fiscales et sociales. Il est vrai que certaines d’entre-elles mériteraient, au minimum, d’être soumises à une évaluation. L’ancien rapporteur des crédits de l’outre-mer que je suis en est particulièrement convaincu.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Roland du Luart. Enfin, nous vous encourageons à poursuivre la clarification des relations entre l’État et la sécurité sociale, et surtout entre l’État et les collectivités territoriales.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que le Sénat insiste particulièrement sur ce dernier point.

Lors de la Conférence nationale des exécutifs, le 10 juillet dernier, l’État a annoncé sa volonté d’appliquer aux concours qu’il verse aux collectivités locales la même règle du « zéro volume » qu’il applique à ses propres dépenses.

Nous ne sommes pas opposés à ce que les collectivités territoriales contribuent à l’effort collectif de retour à l’équilibre des comptes publics, mais cela doit se faire dans la transparence et la cohérence.

À cet égard, l’inclusion du FCTVA dans le périmètre soumis au « zéro volume » en 2009 peut être source de confusion, voire d’inquiétude, parmi les élus locaux.

Certes, nous avons bien compris que le FCTVA ne sera pas réformé en 2009, afin de ne pas remettre en cause les plans de financement des investissements que les collectivités locales ont bâtis en intégrant le versement de ce fonds au bout de deux ans.

Néanmoins, la forte progression du FCTVA attendue en 2009, soit 660 millions d’euros, aura pour effet mécanique de préempter une grande partie du 1,1 milliard d’euros de progression de l’enveloppe globale des concours concernés, compte tenu d’une prévision d’inflation de 2%.

Les autres dotations, et en particulier la DGF, risquent d’en subir les conséquences, ce qui pose de nombreuses questions, notamment en matière de péréquation.

Surtout, l’inclusion du FCTVA dans l’enveloppe des concours de l’État risque de provoquer une confusion sur la nature même de ce fonds, que la majorité des élus locaux considère non pas comme une dotation mais comme un simple remboursement.

Dans la mesure où le remboursement de la TVA ne porte déjà que sur 15 % environ et non sur 19,6 %, l’inclure dans les dotations serait considéré comme une double peine budgétaire affectant les investissements des collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, nous aimerions obtenir des éclaircissements sur ce point ainsi que sur vos intentions concernant l’évolution future du fonds de compensation pour la TVA à l’horizon de 2011. Dans ce domaine, comme dans d’autres, nous souhaitons qu’aucune décision ne soit prise sans une large concertation préalable.

Dans le même esprit, le groupe UMP du Sénat s’est fermement opposé à ce qu’une réforme de la taxe professionnelle soit engagée sans qu’aient eu lieu au préalable une évaluation de la réforme précédente et une concertation approfondie avec les élus locaux.

Le Gouvernement nous a entendus sur ce point, et nous l’en remercions. Un rapport sera présenté au Parlement au début de l’automne pour faire le bilan de la réforme de 2005. C’est sur cette base, et dans la concertation, que seront examinés d’éventuels ajustements.

Aucune réforme de la taxe professionnelle ne sera donc inscrite dans le projet de loi de finances pour 2009, conformément au souhait de notre groupe.

La réforme des valeurs locatives sera également conduite dans la concertation, ce qui devrait rassurer les élus locaux.

Au-delà des questions de méthode, Mme Christine Lagarde a exclu que la réforme de la taxe professionnelle repose sur une quelconque perte de recettes pour chacune des collectivités ou sur telle ou telle perte d’autonomie financière de ces dernières. Il s’agit pour nous d’un engagement essentiel compte tenu de l’attachement du Sénat au respect du principe d’autonomie financière des collectivités locales.

Nous sommes également très attachés – vous n’en serez pas surpris, monsieur le ministre – à nos départements. À cet égard, nous apprécions que le Président de la République et le Gouvernement se soient clairement démarqués de la proposition de les supprimer avancée par la commission Attali. Pourriez-vous nous en apporter la confirmation ?

Pour notre part, nous privilégions la clarification des compétences à la suppression hypothétique de tel ou tel échelon. C’est pourquoi nous soutenons toute démarche de clarification et de concertation qui s’ajoute à celle déjà lancée sur l’intercommunalité dans la perspective du futur projet de loi de modernisation de la démocratie locale que le Gouvernement souhaite présenter au Parlement au cours du premier semestre de 2009.

Sur tous ces sujets, le Sénat ne manque pas de propositions, comme le montrent les travaux de l’Observatoire de la décentralisation.

Enfin, notre groupe tient à saluer la création de la commission consultative d’évaluation des normes, sur l’initiative du Sénat, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2007. Cette commission devrait être installée en septembre et commencer ses travaux à partir du mois d’octobre. Elle permettra de mieux associer les élus locaux à l’élaboration des textes réglementaires susceptibles d’avoir un impact sur les collectivités territoriales. En effet, dans ce domaine aussi, nous avons atteint le point de rupture !

Nous pouvons accepter une contribution accrue des collectivités locales à l’effort de redressement des finances publiques, mais à la condition que l’État cesse de multiplier les normes et les transferts de charges « larvés ».

Nous sommes favorables à la clarification des relations entre les différents acteurs de la dépense publique, mais à tous les niveaux, …

M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !

M. Roland du Luart. … non seulement entre collectivités locales, mais aussi entre les collectivités locales, l’État et la sécurité sociale.

Nous disons « oui » à la réforme de la fiscalité locale, mais conduite dans la concertation, sans précipitation, sans remettre en cause ni l’investissement ni l’autonomie des collectivités territoriales et sans entraîner de hausse globale des prélèvements obligatoires.

Tel est pour nous le socle d’un partenariat véritablement équilibré avec l’État, d’une gouvernance efficace de ce pacte de confiance et de responsabilité que nous appelons tous de nos vœux.

C’est sur cette base que nous pourrons tous ensemble – État, sécurité sociale, collectivités locales, entreprises et contribuables – faire les efforts nécessaires pour soutenir la croissance, rétablir l’équilibre de nos finances publiques et préserver notre modèle social. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

4

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. J’ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 15 juillet 2008, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative aux contrats de partenariat.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

5

Orientation budgétaire

Suite d’un débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. Nous reprenons le débat d’orientation budgétaire consécutif à une déclaration du Gouvernement.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préalable à mon intervention, je souhaite, comme le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Vasselle, déplorer que le Gouvernement ait publié très tardivement le document préparatoire à ce débat. De ce fait, nous avons été dans l’obligation de travailler, une fois encore, dans la précipitation, ce qui est fort dommageable et dénote le peu de considération dans laquelle l’exécutif tient le législatif.

Monsieur le ministre, il y a tout juste un an, vous affirmiez que la situation de nos finances publiques restait préoccupante. Vous ajoutiez, comme si nul n’était responsable, qu’il était nécessaire d’éviter les querelles de clocher et les sempiternels procès en responsabilité pour tenter d’améliorer les performances de l’action publique.

En l’occurrence, le budget de 2006 n’était effectivement pas le vôtre. C’était seulement celui de votre majorité, et la distinction pouvait être de mise. Or tel n’est plus le cas aujourd’hui : c’est bien au bilan d’une année d’exercice du pouvoir et à sa mise en perspective pour 2009 que nous devons nous atteler.

Il y a donc un an, ce gouvernement, reniant son propre héritage politique, s’engageait à mettre en place une stratégie de retour à l’équilibre des finances publiques à l’horizon de 2012.

Mécaniquement, il lui fallait obtenir un taux de croissance annuel du PIB égal ou supérieur à 2,5 %. Étaient en cause selon vous, à l’époque, monsieur le ministre, « la crédibilité de la France et, surtout – pacte de stabilité ou pas, engagements européens ou pas –, le sort de nos enfants et des générations à venir ».

Nous sommes d’accord avec vous. C’est donc à la lumière de vos propos que nous nous proposons d’observer les résultats obtenus. Mon intervention viendra compléter sur ce point celle de Nicole Bricq.

En 2008, la croissance ne sera que de 2 points, voire de 1,5 point. Nous sommes donc loin des 2,5 points, sinon des 2,25 points de croissance sur lesquels a été bâti le budget. Nos critiques se sont donc bel et bien révélées justifiées.

On voudrait que ce bilan négatif soit contrebalancé par des perspectives optimistes. Or il n’en est rien. Dans son rapport annuel sur les perspectives de l’emploi, l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE, estime que le taux de chômage devrait remonter sensiblement. Quant à la Cour des comptes, elle n’est guère plus favorable puisqu’elle considère que notre déficit public devrait s’élever à 2,5 % du PIB, soit le taux le plus élevé de la zone euro.

Enfin, le déficit structurel atteint 2,9 % du PIB en 2007 et risque de dépasser les 3 % cette année.

La dette publique, pour sa part, représente 64 % du PIB, ce qu’a très justement rappelé le rapporteur de la commission des affaires sociales. Si ce dernier s’en tient à constater que notre pays est confronté à une conjoncture mondiale peu dynamique, j’ajouterai pour ma part que, malgré la crise des subprimes, les chocs pétroliers, ainsi que la hausse des matières premières, et sans considération de la globalisation financière qui accentue les possibilités d’effets récessifs, cette majorité a maintenu son cap, lequel est fait de vieilles lunes libérales, de déréglementation et de précarisation généralisée !

Bref, c’est une application méthodique d’une brutale idéologie qui n’a rien à envier à celle qui fut mise en œuvre par Mme Thatcher voilà plus d’un quart de siècle ! Désormais, aucun secteur n’est épargné. Notre protection sociale, elle aussi, est directement visée.

L’ensemble des dépenses du régime général représente près de 323 milliards d’euros. En 2007, trois des quatre branches enregistraient un solde négatif. Cette année, les branches accidents du travail et maladies professionnelles, AT-MP, et famille enregistrent un excédent respectif de 300 millions d’euros et de 400 millions d’euros. En contrepartie, la branche maladie devrait enregistrer un déficit supérieur à 4 milliards d’euros et la branche vieillesse un déficit supérieur à 5,6 milliards d’euros.

À ce propos, qu’en est-il de l’emploi des séniors ? Les déclarations gouvernementales se succèdent sans que la situation s’améliore : l’âge moyen de cessation d’activité ne dépasse pas cinquante-huit ans et huit mois, et plus de 60 % des salariés de plus de cinquante-cinq ans sont évincés du marché du travail.

Si nous sommes d’accord avec M. le rapporteur de la commission des affaires sociales quand il déclare que le fait de pénaliser les entreprises qui n’intègrent pas les séniors peut être une possibilité, nous ne le suivons pas quand il remet en cause le dispositif des carrières longues qui pourrait devenir source d’effet d’aubaine.

Curieusement, rien n’est dit au sujet du réabondement régulier du fonds de réserve. Il fait pourtant partie du contrat social et son renforcement est indispensable. Les cessions d’actifs de l’État et les cessions du patrimoine immobilier de l’État, tout comme les revenus financiers et des niches sociales pourraient être mis à contribution.

Enfin, l’annulation d’une partie du paquet fiscal, notamment la partie relative à l’exonération des grosses successions, pourrait représenter une manne de près de 2 milliards d’euros. Je n’insisterai pas davantage sur ce point, que ma collègue Nicole Bricq a longuement développé tout à l’heure.

Venons-en à l’assurance maladie et au déficit chronique dans lequel vous l’avez conduite depuis six ans. La commission des comptes de la sécurité sociale estime que le déficit s’élèvera à 4,1 milliards d’euros à la fin de 2008, ce qui porte le déficit cumulé de cette branche à 8,9 milliards d’euros.

Chaque année, l’ONDAM que vous définissez s’avère irréaliste. Constatant les dérives, vous saisissez l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM, pour qu’un plan de sauvegarde soit proposé. Le dernier plan date du 2 juillet. Selon la direction de l’UNCAM, il devrait permettre une réduction des dépenses de près de 2 milliards d’euros et engendrer 1 milliard de recettes supplémentaires pour 2009.

Quant au déficit du régime général, il devrait, nous dit-on, être progressivement ramené à 2,8 milliards d’euros en 2009, à 1,4 milliard en 2010 et disparaître en 2011.

Permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur ces plans et, par extension, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le récent rapport d’information de l’Assemblée nationale, qui porte sur la mise en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, est sans appel. Il en souligne les résultats médiocres et signale que seul un cinquième des textes nécessaires à sa mise en application est paru.

Il en va ainsi de dispositions renforçant la transparence des pratiques tarifaires, de l’information écrite préalable précisant le tarif des actes effectués et le montant du dépassement, ou bien de la possibilité pour les organismes de sécurité sociale de requalifier des actes ayant eu pour objet le non-paiement des cotisations sociales. Monsieur le ministre, est-ce vraiment sérieux alors que vous exigez 3 milliards d’euros d’économie de l’assurance maladie, voire 4 milliards d’euros ?

Dans pareil contexte, quelle confiance peut-on placer dans un gouvernement qui ne met pas en vigueur 80 % des dispositions votées par la représentation nationale ?

Quelle pertinence revêtent vos appels incessants à de véritables réformes structurelles, qui se solderont toujours par une hausse du restant à charge des patients et une contraction de l’accès aux soins ?

De ce point de vue, le chantier des allocations de ressources est symptomatique de votre conception de la société et plus encore de l’être humain.

Le Président de la République a été très clair puisqu’il souhaite « accroitre la responsabilité individuelle ». Cette rupture avec les fondamentaux de notre système de protection sociale a dernièrement pris la forme des scandaleuses franchises médicales, qui pénalisent les malades ! Seuls les femmes enceintes, les enfants et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle, la CMU, y ont échappé pour l’instant. Comment ne pas s’inquiéter quand le Président de la République, confondant intentionnellement l’assurance maladie avec une assurance commerciale, n’hésite pas à déclarer « qu’il n’y a pas d’assurance sans franchise » ?

C’est dans cette logique que le Gouvernement, comme les trois gouvernements qui l’ont précédé, intervient sur la définition du périmètre de prise en charge des soins, le fameux « panier de soins ». À cet égard, la ministre de la santé n’a pas hésité à s’interroger sur la prise en charge des frais optiques. L’opinion publique a promptement réagi et Mme la ministre fut obligée de se rétracter.

Il y a quelques jours, voilà que ce sont les 8 millions de malades atteints d’une affection de longue durée qui étaient pris pour cible. Certes, nous n’aurions pas dû être surpris par cette annonce puisque le Président de la République soulignait qu’il souhaitait, pour ce qui était des affections de longue durée, « que nous concentrions nos efforts sur la prise en charge de ce qui est essentiel », ce qui revenait à exclure peu à peu les soins annexes du champ du remboursement intégral.

Ces annonces participent de votre entreprise de destruction de notre pacte social. Elles tendent à valider le transfert de charge des régimes obligatoires vers les régimes complémentaires et les individus eux-mêmes. La cause est entendue : désormais, l’accès aux soins sera fonction de la richesse de chacun. Rien de bien neuf depuis La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable… »

Les logiques qui prévalaient à l’époque sont les vôtres. Un grand quotidien du soir rapportait, il y a quelques jours, les propos d’une personne diabétique qui affirmait : « Cela me fait peur, cette dérive de la sécu ». Elle n’est pas la seule, car même si le plan de maitrise des dépenses voté par le conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, a été expurgé de cette mesure, il n’en demeure pas moins, ainsi que l’atteste la position du rapporteur de la commission des affaires sociales, que la question reste posée.

Face aux difficultés financières, le rapporteur de la commission des affaires sociales en appelle à une éventuelle modification de la répartition des charges entre l’assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires. Les marges bénéficiaires de ces assurances complémentaires sont passées de 12 % à 23 %, ce qui représente un excédent de 3 milliards à 4 milliards d’euros, alors que, dans le même temps, les cotisations ont augmenté de 13 % à 14 %, plus vite que les prestations.

Ces hausses engendrent de l’exclusion, d’autant que le pouvoir d’achat est en baisse et la précarité en augmentation. Désormais, 7 % à 8 % de nos concitoyens sont sans couverture complémentaire. Dans un esprit de justice sociale et de renforcement de notre politique de santé, il faudra donc impérativement en tenir compte.

M. le président. Veuillez conclure, madame Demontès !

Mme Christiane Demontès. J’en termine, monsieur le président.

Nous savons bien que le gouvernement actuel a pour principal axiome économique la baisse du coût du travail via l’exonération de cotisations sociales. Chaque année, cette politique prive notre système de plus de 41 milliards d’euros de recettes. Or nous savons, et la Cour des comptes l’avait bien souligné dans son rapport de l’année dernière, que cette politique est d’une efficacité toute limitée. Depuis des années, les parlementaires socialistes vous interpellent à ce sujet.

Nous vous demandons, tout comme notre rapporteur M. Alain Vasselle, non seulement d’instaurer l’obligation pour l’État de compenser intégralement ces exonérations, mais également de les conditionner. Vous restez sourds à ces demandes.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Christiane Demontès. Je vous signale, monsieur le président, que, si nous siégeons cet après-midi, c’est parce que nos débats ont, ce matin, pris beaucoup de retard.

M. le président. Cela n’a rien à voir avec la durée de votre discours !

Mme Christiane Demontès. Si, cela a à voir avec la durée puisqu’il n’y a pas eu de débat.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est précisément parce qu’il y a eu un débat que nous avons pris du retard !

Mme Christiane Demontès. En conclusion, je voudrais simplement revenir sur la situation difficile dans laquelle votre politique - je pense notamment à la tarification à l’activité, la T2A - a plongé nos hôpitaux publics. Les déficits hospitaliers ont atteint en 2007 plus de 690 millions d’euros, dont 370 millions d’euros pour les seuls CHU.

Enfin, nous soutenons les revendications de la Fédération hospitalière de France, notamment pour ce qui concerne l’évolution de l’ONDAM.

Notre collègue Claude Domeizel déclarait, l’année dernière, que votre politique en matière de retraites était « une politique de gribouille ». Elle demeure telle quelle alors que celle que vous menez en matière d’assurance maladie et donc de santé est injuste et dangereuse.

Le groupe socialiste ne saurait la cautionner. Il la dénonce donc avec la plus grande fermeté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, je voudrais d’abord vous dire combien je mesure la difficulté de la gestion des finances de l’État dans le contexte actuel. Les graves problèmes financiers de l’économie américaine, la hausse constante du prix du pétrole, une parité dollar-euro très défavorable pour nos exportations, l’augmentation des taux d’intérêt qui aggrave nos charges d’emprunt et la menace de la poussée inflationniste ne facilitent pas votre tâche.

Je voudrais préciser que, dans ce débat comme dans d’autres, je ne suis contre rien a priori, mais que j’essaye de prévoir et d’indiquer les conséquences économiques, qui peuvent être fort graves, de certaines décisions politiques.

Monsieur le ministre, je voudrais vous proposer plusieurs mesures de nature à réduire notre déficit budgétaire, objectif numéro un du Gouvernement.

Premièrement, je souligne que les emprunts utilisés pour financer non pas des investissements mais des charges de fonctionnement récurrentes aggravent sans retour notre endettement. La charge de la dette utilise une part de plus en plus importante de nos recettes fiscales, réduisant d’autant nos capacités de dépenses et nécessitant de nouveaux emprunts. Mortel cercle vicieux !

Il faudrait éviter ce genre d’opérations ou au moins les limiter dans le temps, ce qui n’est malheureusement le cas pour aucune de ces aides. On ne sait pas combien de temps cela va durer. En réalité, ce n’est pas à l’État de payer les charges de sécurité sociale que les entreprises doivent elles-mêmes assumer.

Cela concerne, en particulier, le paiement du passage aux 35 heures, toujours utilisé sans limite depuis dix ans, et sans décision de diminution. Cela aura coûté au budget plus de 100 milliards d’euros à raison de 10 milliards d’euros par an, et tout cela pour ne pas travailler ! Jusqu’à quand cela va-t-il durer alors que les 35 heures disparaissent ?

Cela concerne le projet de loi sur la réforme du temps de travail, dont nous devons, demain matin, aborder l’examen. J’espère pouvoir faire adopter un amendement que je présenterai sur ce sujet.

Cela concerne aussi les paiements par l’État aux entreprises et aux salariés des charges sur salaires jusqu’à 1,6 SMIC, sans limite et sans décroissance, alors qu’il serait utile de les réduire. Jusqu’à quand cela va-t-il durer ? Il faudrait prévoir, dès maintenant, une limite à ces aides et les réduire peu à peu comme l’a proposé Philippe Marini. C’est très urgent.

La réduction des charges au titre des 35 heures et du SMIC représente aujourd’hui plus de 20 milliards d’euros, soit presque la moitié de notre déficit budgétaire en 2008. Il est temps de s’arrêter. Certes, les entreprises vont réagir, peut-être avec le MEDEF. Mais, entre l’aggravation de la dette de l’État et les difficultés des entreprises, il faut choisir.

En tout cas, la suppression de ces mesures réduirait considérablement nos déficits budgétaires et faciliterait le retour à l’équilibre en 2012.

Deuxièmement, il faudrait réduire les charges sur salaires qui supportent une grande partie du financement de la sécurité sociale : 30 % de ces charges concernent le financement de la sécurité sociale. Il faut trouver le moyen - ce n’est pas facile - de financer la sécurité sociale autrement, évidemment sans l’État, qui n’est plus en mesure de le faire.

Aujourd’hui, il n’y a aucune chance d’équilibre entre les dépenses de la sécurité sociale et leur financement par des prélèvements sur les salaires, ca il n’y a aucun lien entre eux. En vérité, il faut parler non pas de déficit mais de financement insuffisant, car la sécurité sociale n’a pas la maîtrise de ses recettes. Il faut donc trouver de nouveaux financements.

À cause de ce prélèvement sur les salaires, nos coûts de production sont plus élevés que ceux de nos voisins qui ne font pas supporter par les salaires les charges de sécurité sociale. La suppression de cette mesure réduirait les charges sur salaires de 30 % et améliorerait la compétitivité des entreprises. C’est absolument indispensable. Cela réduirait aussi le montant des paiements des charges sociales des entreprises par l’État, ce qui diminuerait d’autant notre déficit.

Ensuite il faudra trouver un paramètre ne concernant ni les salaires ni l’État.

J’ai déjà fait une proposition concernant le chiffre d’affaires hors taxes moins la masse salariale. Cette proposition a beaucoup d’avantages et peu d’inconvénients. Il serait utile de l’étudier.

Elle permettrait de réduire les charges sur salaires et présenterait l’avantage d’être financée par les résultats de l’activité des entreprises sans qu’il soit nécessaire de faire appel à l’État. Un coefficient unique affecté à ce paramètre permettrait d’équilibrer les charges réelles de sécurité sociale. En outre, toutes les entreprises seraient concernées.

On arriverait ainsi à équilibrer les comptes de la sécurité sociale, à réduire les charges des entreprises et celles de l’État. Outre l’équilibre de la sécurité sociale, cela permettrait en même temps la réduction de nos coûts de production, l’amélioration de notre compétitivité ; rien que des avantages ! J’ai appelé ce système « coefficient activité ». Pour le promouvoir, je propose de mettre en place un groupe de travail associant des membres de la commission des finances et de celle des affaires sociales.

Rien n’est parfait, mais il serait suicidaire de ne rien faire. Voila une proposition que je souhaitais formuler pour relancer la croissance et financer correctement la sécurité sociale.

Troisièmement, enfin, permettez-moi de vous faire une nouvelle proposition concernant nos relations avec la Communauté européenne : une harmonisation de notre fiscalité avec celle de nos voisins européens, de manière que nos contribuables payent moins d’impôts, qu’ils ne quittent plus la France, ne serait pas inutile, alors que la France préside la Communauté européenne.

En effet, la disparité avec nos voisins en ce qui concerne certains impôts est trop grande et constitue un appel à l’expatriation. Il faut savoir que, actuellement, deux à trois Français par jour, en moyenne, s’expatrient afin de payer moins d’impôts, et ce ne sont pas les moins fortunés.

La France se vide de ses élites jeunes et moins jeunes, et cela nous cause un préjudice considérable. Cela réduit nos capacités d’investissements – investissements qui se font ailleurs –, notre compétitivité et notre croissance. Il serait donc également urgent d’étudier cette question.

Telles sont, monsieur le ministre, les quelques propositions que je voulais vous présenter, dans la perspective de faciliter notre retour à l’équilibre budgétaire, qui est une absolue priorité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous livrons depuis ce matin à un exercice intéressant, un véritable exercice de travaux pratiques : le Parlement et le Gouvernement doivent tracer ensemble une trajectoire crédible de redressement de nos finances publiques.

À l’aune, notamment, de mon expérience de rapporteur spécial des crédits de l’action extérieure de l’État, je voudrais vous faire part de deux considérations : pour réussir ce que notre collègue Philippe Marini a appelé, déjà, le « tournant de la législature », il nous faut, tout d’abord, une ambition réaliste et, par ailleurs, une ambition partagée.

En première considération, je soulignerai la nécessité de se fixer un cap ambitieux et réaliste en matière de réduction des déficits et de reflux de la dette publique.

Notre ambition commune, nous la connaissons, c’est celle du retour à l’équilibre, ambition réaffirmée par le Président de la République devant les Français et auprès de nos partenaires européens. Cette ambition est simple et claire, c’est celle d’une politique budgétaire soutenable, qui ne laisse pas à nos enfants le poids d’une dette devenue insupportable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Adrien Gouteyron. Le retournement de la courbe des taux d’intérêt et l’accélération de l’inflation engendrent une augmentation mécanique des charges de la dette de plus de 2 milliards d’euros par an.

Mais il n’est pas d’ambition sans réalisme. À entendre, ici et là, ceux qui professent déjà que le retour à l’équilibre des finances publiques est illusoire en 2012, on peut voir, au Quai d’Orsay, comme dans d’autres ministères, les conservatismes redresser la tête. J’entends dire que, dans ces conditions, puisque tout effort est vain, il n’y a qu’à se laisser aller. Ce serait un mauvais service à rendre aux réformateurs, encore trop peu nombreux, dans tous les ministères, que d’afficher une ambition impossible à tenir.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Adrien Gouteyron. Cela désespérerait le « Billancourt des acteurs de la RGPP » et donnerait ainsi des gages à ceux qui croient qu’il est encore possible de laisser filer la dépense, sinon globalement – plus personne n’ose le soutenir -, du moins pour eux-mêmes.

Proposer une ambition réaliste, c’est faire preuve de crédibilité dans la trajectoire de redressement que vous vous attachez à définir, monsieur le ministre, avec courage et constance.

En matière de réalisme, il faut prendre en compte deux paramètres.

Tout d’abord, redresser les finances publiques, ce n’est pas augmenter les impôts, par l’inflation des taxes et des taux. On entend ici et là évoquer, pour faire face à tel ou tel besoin, ou pour combler tel ou tel déficit, l’expression de « ressource nouvelle », de « financement innovant », appellations pudiques issues d’une sorte de marketing fiscal. Mais ces nouvelles ressources sont en réalité autant de « vieilles recettes » pour augmenter les impôts. M. le président de la commission des finances le sait bien, puisqu’il nous invite à la vigilance. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)

Atteindre l’équilibre des finances publiques en augmentant les impôts, voilà bien une ambition irréaliste, dont notre économie n’a vraiment pas besoin ! Et la manière peut-être plus douce, mais qui reviendrait un peu au-même, de la suppression radicale des niches ne saurait être un gisement budgétaire exploitable…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Adrien Gouteyron.… qu’à condition de bien peser les conséquences économiques de certaines décisions : je pense en particulier au lien entre les allégements de charges et l’emploi.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Adrien Gouteyron. Second paramètre : la trajectoire de redressement des comptes publics ne peut faire abstraction du contexte économique dans laquelle elle intervient. Or l’économie mondiale vit deux chocs majeurs : un choc dans la sphère financière et immobilière ; un choc d’inflation, de hausse des prix des matières premières, à commencer par celui du pétrole.

Dans sa manière d’envisager le retour à l’équilibre des comptes publics, la Commission européenne, comme la France, ne peut faire abstraction de ce double choc de croissance.

Comme le font nos amis anglais, il faut envisager le retour à l’équilibre des finances dans le cadre du cycle économique. Voilà pourquoi je pense que nous avons besoin, à l’horizon 2012, d’une ambition réelle mais aussi tenable : passer d’un déficit de 2,7 % du PIB à un déficit de 1 % en cinq ans, ce ne serait déjà pas rien ! Et d’ailleurs, c’est à cela que s’était engagé M. le Président de la République pendant la campagne électorale.

Ma seconde considération consiste à souligner la nécessité d’un effort partagé. Chaque administration doit y contribuer pour la part qu’elle représente dans les finances publiques : État, sécurité sociale, collectivités territoriales.

Toutefois, il ne doit pas y avoir, dans le domaine des finances publiques, les variables d’ajustement d’un côté et les sanctuaires, voire l’inflation des dépenses, de l’autre. Les collectivités territoriales doivent être à la recherche d’une gestion la plus économe possible, mais elles ne pourront être la variable d’ajustement d’un État qui n’aurait pas tiré toutes les conséquences, dans son organisation, de la décentralisation. De son côté, l’État ne saurait être une variable d’ajustement de dépenses sociales mal maîtrisées.

De la même façon, au sein de l’État lui-même, il paraîtrait peu opportun que les ministères régaliens, comme celui de la défense, supportent la majorité de l’effort de réforme, alors qu’ils constituent le cœur de l’État et financent des « mesures nouvelles » dont l’impact économique apparaît incertain.

M. Adrien Gouteyron. Un rappel en quelques chiffres : le budget du Quai d’Orsay, soit 2,4 milliards d’euros, c’est moins que ce que coûterait aux finances publiques la baisse de la TVA sur la restauration, ou même la généralisation du revenu de solidarité active !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Adrien Gouteyron. J’imagine donc mal que les efforts légitimes que nous demandons aux gestionnaires soient absorbés par de nouvelles dépenses mal calibrées.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !

M. Adrien Gouteyron. Je m’inquiète lorsque le Livre blanc relatif à l’action extérieure de l’État souligne que le ministère des affaires étrangères a déjà accompli beaucoup d’efforts dans la réduction de ses effectifs – sous-entendu efforts supérieurs à ceux d’autres administrations : il y a là un ferment de contestation de la discipline commune de diminution des emplois publics qui est lié à un constat, fondé ou pas, que la discipline n’a pas toujours été dans le passé aussi commune que cela.

Cette discipline devra être commune dans l’avenir, notamment dans l’application de la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

M. Adrien Gouteyron. C’est à cette condition que nous réussirons la réforme de l’État, lorsque l’affirmation par le Gouvernement d’un certain nombre de priorités budgétaires nécessaires ne dispensera pas les ministères prioritaires de la recherche des gains de productivité qui doivent être recherchés par tous. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens juste à ajouter quelques mots dans un débat très dense et qui a débordé du temps qui lui était imparti. Au demeurant, c’est une bonne chose qu’un débat d’orientation budgétaire dure un peu plus longtemps que prévu : c’est le signe que nous avons beaucoup à dire sur nos finances publiques et beaucoup à partager entre opposition et majorité.

Plusieurs d’entre vous ont souligné la justesse de la stratégie que nous mettons en œuvre : soutien à la croissance potentielle, avec les mesures contenues dans la loi relative au travail à l’emploi et au pouvoir d’achat, dans la loi LME et la loi sur le marché du travail que vous allez bientôt examiner.

Cette stratégie est d’autant plus nécessaire que l’environnement national est très perturbé. Nous ne pouvons pas ne pas réagir ! Au contraire, tout nous appelle à plus de réformes justes et efficaces, mais aussi à des réformes structurelles. C’est bien là le cœur de l’action de la majorité.

Face à cette stratégie de réformes, il y a une stratégie de la dépense budgétaire mais aussi de la dépense fiscale. J’ai bien entendu les orateurs qui se sont exprimés sur ce sujet, au premier titre desquels le président de la commission des finances et le rapporteur général : la maîtrise des dépenses est une question cruciale. Vous avez pu constater, à la lecture des documents que nous vous avons remis, combien nous y attachons d’importance. L’environnement est très contraignant, mais notre réponse est à la hauteur de cet environnement.

Pour maîtriser la dépense, il s’agit d’abord de passer de 2 % à 1 % de progression de la dépense, de mettre en œuvre la politique de révision générale des politiques publiques, avec les décisions qu’elle contient aujourd’hui et celles qui viendront s’y ajouter, d’engager un travail plus en profondeur sur la sphère sociale, même si c’est difficile, même si les mesures à prendre sont délicates : on doit à la fois beaucoup expliquer et beaucoup réformer.

Adrien Gouteyron a évoqué le ministère de la défense et le ministère des affaires étrangères à propos de cet effort de réduction de la dépense. Mais, monsieur le sénateur, tous les ministères sont concernés. Cet effort d’ailleurs n’implique pas moins de politique mais une politique plus adaptée. L’euro dépensé doit être mieux évalué et plus performant. Nous devons cet effort à chacun de nos concitoyens, qui sont aussi des contribuables !

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le ministère de la défense va faire beaucoup d’économies en matière de fonctionnement ; ce sera difficile. Son rôle est de répondre à des menaces mesurées, calculées, réfléchies, c’est ce qui ressort du travail mené à l’occasion de l’élaboration du Livre blanc. Il va voir ses crédits d’équipement augmenter de manière assez considérable : 15 milliards d’euros ces dernières années, 18 milliards d’euros dans les années à venir. Cette augmentation provient en partie des économies réalisées sur son propre fonctionnement et recyclées. Il me semble que c’est de bonne méthode.

La maîtrise de la dépense est au cœur de la stratégie de redressement ; Philippe Marini, ainsi que de nombreux autres orateurs l’ont rappelé ; je souhaite le répéter à mon tour.

M. Christian Gaudin a indiqué que nos partenaires étaient également concernés par cet effort de maîtrise de la dépense. En effet, chacun est concerné, dans son domaine, avec son propre système de « gouvernance », avec son propre système de décision.

Le domaine social dispose d’un système très particulier, et l’autonomie des collectivités, nul ici ne peut l’ignorer, doit être totalement respectée, ce qui n’empêche pas le dialogue. Tout en se respectant, l’État et les collectivités locales peuvent avoir un débat clair, net et franc sur l’évolution de leurs rapports en matière de finances mais aussi de compétences. Tout cela ressort de rapports et d’études ; il faut bien à un moment donné en tenir compte.

Nous devrons tenir compte également, dans le domaine de la dépense, des opérateurs, et pas seulement des autres partenaires de la dépense publique. Toutefois, les crédits de ces opérateurs sont inclus dans les crédits des ministères, cela permet de mieux contrôler la situation.

Lorsque l’on parle de « zéro volume » ou de « zéro valeur », cela s’adresse aussi aux politiques d’intervention des ministères. Je pense ainsi à la capacité des opérateurs à recruter. Dans le budget, nous présenterons un tableau des emplois des opérateurs avec une volonté bien définie : tout effort de l’État doit être partagé par les opérateurs de l’État.

Je pense aussi au domaine immobilier, dont M. de Montesquiou a parlé à plusieurs reprises. En la matière, nous devons être exemplaires : l’État est en train de faire beaucoup de progrès à cet égard. Nous connaissons exactement le patrimoine de l’État, monsieur de Montesquiou. Ce qu’il faut, c’est connaître le patrimoine des opérateurs ! C’est une autre affaire ! Mais nous nous efforçons de faire avancer les choses.

J’ai été choqué par les propos de M. Foucaud, propos qui ont d’ailleurs été partiellement repris par Mme Bricq : « Il faut retrouver le chemin de la dépense publique ». Au contraire, il me semble qu’il faut arrêter de prendre le chemin de la dépense publique.

Cela ne signifie pas qu’il ne doit pas y avoir de politique publique, cela ne signifie pas non plus qu’il n’y a pas en France de traditions fondées sur l’intervention de l’État et sur l’importance du service public. Tout cela fait bien sûr partie de notre pacte républicain. Mais ce n’est pas une raison pour faire exploser le volume des dépenses publiques ! Quand on en est à plus de 52,4 % de dépenses publiques et que l’on dispute à la Suède la première place mondiale, c’est qu’il y a quelque chose d’anormal ! D’autant que les Suédois, eux, ont des finances publiques à peu près en équilibre dans la mesure où ils font par ailleurs les efforts nécessaires pour faire face à cette dépense publique. Si nous faisions les mêmes efforts, cela irait peut-être… mais nous ne les faisons pas !

Dès lors, nous devons être de plus en plus exigeants sur la qualité de cette dépense publique, et je trouve naturel de le dire aux contribuables que sont l’ensemble de nos concitoyens.

La réduction des déficits et la maîtrise de la dépense publique confortent toutes les autres réformes structurelles, mais aussi la croissance. C’est parce qu’il y a une maîtrise de la dépense publique qu’il y a une réforme structurelle de nos politiques, et ces deux éléments conduisent à une transformation profonde de notre pays, qui va retrouver ainsi des marges de manœuvre.

Nous ne faisons pas de la comptabilité, mais de la politique, au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire que nous choisissons et hiérarchisons les dépenses en rendant compte à nos concitoyens de la qualité des politiques suivies !

En ce qui concerne les recettes, j’ai bien entendu le message délivré par Jean Arthuis, Philippe Marini, Serge Dassault et beaucoup d’autres orateurs. J’en conviens tout à fait : nous devons préserver nos recettes.

Tout État qui retrouve l’équilibre de ses finances publiques a dû faire un effort important sur la dépense, certes, mais également un effort décisif de préservation de la recette.

« Préserver les recettes » ne signifie pas qu’il ne faut plus accorder d’aides. En fait, il faudra être très attentifs et sélectifs à l’avenir sur tout ce qui concerne la dépense fiscale et, disant cela, je fais écho à Jean Arthuis, Philippe Marini, Alain Vasselle, Christian Gaudin et bien d’autres. Nous devons être très vigilants sur ce sujet ! Nous avons atteint le plafond de ce qui est supportable aujourd’hui.

Une dépense fiscale peut être créée à partir du moment où on en supprime une autre qui n’est plus utile. Il faut donc établir un bilan. Nous le ferons lors de l’élaboration de la loi de finances et je mettrai tout mon pouvoir de conviction pour vous le présenter.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien ! Rendez-vous est pris.

M. Éric Woerth, ministre. Je m’efforcerai de proposer une évaluation des niches fiscales, une vision très sélective de la dépense fiscale, en procédant point par point ; bien sûr le Sénat nous aidera dans cette tâche.

J’ai été très sensible à ce qu’a dit M. Valade à propos du patrimoine. J’ai bien entendu son plaidoyer, qui l’honore, en faveur du patrimoine, des centres-villes, de la défiscalisation issue de la loi Malraux. Nous partageons sa sensibilité et nous verrons ce que nous pouvons faire dans ce domaine.

D’une manière générale, nous devons être très vigilants sur l’ouverture de nouveaux crédits et de nouvelles dépenses fiscales.

Comme il n’y a plus de moyens budgétaires, le monde politique dans son ensemble se précipite vers la dépense fiscale en se disant que c’est plus simple. Mais on ne peut tolérer de laxisme dans ce domaine : la dépense fiscale est la voie de la facilité mais certainement pas de l’efficacité. Nous devons, certes, conserver une forme de souplesse, pouvoir gérer et ne rien nous interdire mais, en même temps, il nous faut être absolument vigilants : nous le serons.

La concertation sur la modernisation de la fiscalité, notamment sur la fiscalité environnementale, a été engagée par Christine Lagarde. Voilà un sujet qui va nous occuper longtemps dans les semaines et les mois à venir, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2009, mais aussi par la suite.

La concertation s’impose aussi dans le domaine de la révision des bases de la taxe professionnelle. J’ai bien perçu une certaine inquiétude sur ce dernier point. Toute la concertation possible doit être mise en œuvre : la taxe professionnelle est un impôt très décrié et en même temps une source de financement considérable pour les collectivités locales. Il faut continuer à y réfléchir : j’ai bien entendu le message de M. du Luart. Sur la révision générale des prélèvements obligatoires, la petite sœur – ou la petite fille, je ne sais pas – de la révision générale des politiques publiques, nous aurons encore beaucoup de débats dans les semaines à venir.

J’ajouterai un mot sur le taux de TVA applicable à la restauration. Le sujet a été évoqué par le président Arthuis ; j’avais le choix d’en parler ou non, mais finalement je vais l’aborder. Il s’agit, là aussi, de tenir un engagement, comme c’est souvent le cas dans la vie politique, pris par le précédent Président de la République et repris par son successeur.

Au-delà même de la problématique particulière à cette question, nous contestons le refus de la Commission et des institutions européennes de toute modification du taux de TVA sur des services sans incidence sur les échanges entre les États membres, comme c’est le cas de la restauration.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais cela a une incidence sur le budget !

M. Éric Woerth, ministre. Nous devons, dans ce domaine, obtenir la souplesse de définition de notre propre politique et ne pas uniquement relever d’une autorisation de l’Union européenne. Tel est le sens du message du Président de la République.

En tout état de cause, ce n’est pas avant 2011 que nous pouvons envisager un changement, nous aurons d’ici là les moyens de discuter des modalités, si jamais l’Union européenne poursuit la discussion.

Au demeurant, nous devrons répondre à la problématique financière qui se posera : si nous diminuons le taux de TVA sur la restauration, nous devrons, parallèlement, clarifier l’impact financier d’une telle mesure.

M. Dassault a beaucoup parlé de la compétitivité fiscale. Nous devons veiller à cette compétitivité fiscale. Cela dit, elle devient réelle : quand nous le comparons aux autres, nous voyons que notre système fiscal commence à devenir compétitif. N’oublions pas que, derrière cette question, ce sont des emplois, des localisations d’industries et de richesses qui sont en jeu.

Enfin, j’en viens aux collectivités locales. Mesdames, messieurs les sénateurs, le débat sur les finances locales aura lieu. À cet égard, j’appelle chacun à un effort de responsabilité même si je n’ai pas besoin de le faire vis-à-vis du Sénat : tous ses membres connaissent parfaitement le sujet.

Dans le domaine de la dépense, nous exigeons un taux d’effort absolument considérable à l’État, nous voulons appliquer le même taux d’effort dans le domaine de la dépense locale et nous voudrions que la relation financière entre l’État et les collectivités locales soit empreinte de confiance mais aussi de réalisme…

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas demain la veille ! On ne fait plus confiance à la signature de l’État !

M. Éric Woerth, ministre. … afin que nous nous parlions franchement. J’ai essayé de le faire, comme le Premier ministre l’a fait lors de la conférence des exécutifs locaux. J’assume parfaitement notre position : nous ne proposerons pas une augmentation supérieure au taux de l’inflation de l’ensemble d’un périmètre élargi dans lequel nous incluons le FCTVA, ce qui est naturel, puisque le FCTVA est dû aux collectivités locales. Nous disposons d’un reliquat de 400 millions à 500 millions d’euros qui pourront être répartis sur la DGF : nous déterminerons ensemble les modalités de répartition.

J’ai bien conscience que c’est un effort supplémentaire qui est demandé aux collectivités locales, mais, en même temps, c’est bien un effort supplémentaire que consent l’État vis-à-vis des collectivités…

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Woerth, ministre. Si, c’est la réalité, mais nous aurons ce débat, monsieur le sénateur !

Concernant la sphère sociale, j’ai beaucoup apprécié les discours de MM. About et Vasselle, chacun dans son registre. Bien évidemment, la certification des comptes de la branche recouvrement doit aboutir. Je crois qu’il y a trois points de désaccord avec la Cour des comptes, mais ce sont des points de comptabilité qui ne remettent pas en cause la sincérité des comptes de l’ACOSS – remise en cause que n’a d’ailleurs pas faite le Premier président de la Cour des comptes. En tout cas, il n’y a pas de raison que la certification n’aboutisse pas.

Vous avez appelé très brièvement mon attention sur trois questions.

La première concerne la reprise de la dette sociale, qui représente 23 milliards d’euros pour le régime général à la fin de 2008 ; si on y ajoute les 7,5 milliards d’euros du FFIPSA, on obtient plus de 30 milliards d’euros et, si on rajoute les 3,8 milliards du Fonds de solidarité vieillesse, le total global s’élève à 34,3 milliards d’euros. Plusieurs scénarios se présentent donc : nous allons y travailler durant l’été.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Avec quelles recettes ?

M. Éric Woerth, ministre. Je privilégie très clairement l’option consistant à utiliser les excédents du Fonds de solidarité vieillesse en affectant une fraction de la CSG – 1,05 point – à la CADES, ce qui permettra à celle-ci de reprendre cette dette, qui est une dette sociale – même si le cas du FFIPSA peut éventuellement être discuté.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je suis bien d’accord !

M. Éric Woerth, ministre. S’agissant de la dette principale, il n’y a pas de discussion possible, il s’agit bien d’une dette sociale.

Ce « tuyau » que nous rebrancherions sur la CADES, conformément à la loi, correspond à une recette stable. Si tel n’était pas le cas, la qualité de la réponse que nous apportons pourrait être remise en question. Mais il s’agit bien d’une recette stable et pérenne – pour autant que l’on puisse juger de la pérennité de la situation dans les années qui viennent : nous voyons bien comment se trouve le marché de l’emploi. Nous définirons une position en fonction du curseur.

Tout ce que je sais, c’est que, si nous n’avons pas les moyens de reprendre la dette du FFIPSA dans la CADES, il faudra bien que l’État intervienne pour la reprendre. Ce sera difficile, ce sera un vrai sacrifice pour l’État, mais je pense que c’est nécessaire pour la transparence de nos comptes.

La deuxième question portait sur la clarification des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, qui doit être totale : le budget triennal doit s’appliquer, et l’ensemble des crédits que l’État doit à la sécurité sociale doit être mesuré au plus juste.

Monsieur le président About, vous avez parlé de l’aide médicale d’État : celle-ci doit évidemment être rebasée. Elle l’a déjà été en 2008, nous devons continuer ce rebasage.

Enfin, la troisième question concernait le FFIPSA. Je l’ai déjà indiqué, nous avons réglé l’ancienne dette du BAPSA à concurrence d’un peu plus de 600 millions d’euros. Le principal reste à régler, nous le ferons. S’agissant de l’équilibre futur du FFIPSA, je tiens à préciser que son redressement doit être réalisé grâce à l’apport de recettes à hauteur de près de 2 milliards d’euros. Il s’agit de montants tout à fait considérables.

Quant à la taxe nutritionnelle, j’ai demandé, conjointement avec Mme Bachelot-Narquin, une analyse approfondie à l’IGAS et l’IGF : nous aurons les résultats de ce travail d’ici à la fin du mois de juillet et nous vous les communiquerons bien évidemment.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Voilà les réponses que je pouvais apporter, en quelques mots, à l’issue de ce débat d’orientation budgétaire. Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs qui ont participé à ce débat de grande qualité, ainsi que les présidents et les rapporteurs des différentes commissions. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. Je constate que le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 472 et distribuée.

6

Articles additionnels après l'article 9 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Rappel au règlement

Modernisation des institutions de la Ve République

Suite de la discussion d’un projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République (nos 459, 463).

Rappel au règlement

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article additionnel après l’article 9

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous débattons depuis un certain nombre de semaines d’un sujet capital, ou présenté comme tel en tout cas : la réforme des institutions. Nous sommes à cinq jours de la réunion du Congrès à Versailles. Or, aujourd’hui, un important quotidien du soir publie un article présenté comme important, consistant en un entretien accordé par le Président de la République.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très intéressant, d’ailleurs !

M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne conteste pas, bien au contraire, la légitimité de cet entretien car je comprends que le Président s’exprime, ne serait-ce que pour ressouder sa majorité. Il en a le droit et peut-être le devoir.

S’agissait-il de cela ou s’agissait-il de débaucher quelques parlementaires socialistes ? Je l’ignore. Mais, de ce point de vue, ses espoirs seront déçus ! S’il y a des débauchages, ils se compteront sur les doigts d’une main. (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Ce sera le fait d’un ou deux parlementaires qui souhaitent devenir ministres – sans doute d’un seul, d’ailleurs, qui a oublié depuis longtemps qu’il ne l’est plus !

M. Alain Gournac. Ce n’est pas gentil !

M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sera à peu près tout et chacun voit de qui je veux parler…

M. Alain Gournac. Quelle ambiance au PS !

M. Jean-Claude Peyronnet. Il n’y aura donc pas de défections.

Le Président de la République défend son texte, et nous contestons cette défense sur bien des points : nous l’avons dit dans le débat, je n’y reviens que très brièvement.

Sur les nominations, nous avons dit qu’il s’agissait d’un trompe-l’œil, un droit de veto des trois cinquièmes ne pouvant remplacer une majorité positive des trois cinquièmes.

Quant au partage de l’ordre du jour, nous avons montré qu’il ne sera pas plus favorable à l’opposition que le système actuel des niches, à quelques minutes près – et je tiens à rappeler que cette position n’est pas seulement celle du parti socialiste, mais celle de toute la vraie gauche, qui est opposée à ce texte.

Au-delà de ces questions, l’interview contient des avancées intéressantes ou présentées comme telles. Certaines ne concernent pas le Président de la République. Mais son rôle consiste-t-il à s’immiscer dans les affaires du Parlement au point de s’intéresser aux règlements des assemblées et de préciser quel sera le périmètre des groupes politiques ? Lui appartient-il de modifier le règlement des deux assemblées ? Je ne le pense pas.

Je relève cependant un certain nombre d’idées intéressantes et j’en donnerai quatre exemples.

Le décompte du temps de parole du Président de la République et le droit de réponse de l’opposition correspondent à des propositions que nous avions faites et qui n’ont pas été retenues. Le Président de la République promet qu’à l’avenir des avancées interviendront sur ce point ; à quelle échéance ? Nul ne le sait !

S’agissant des principes qui permettront à la loi organique future de garantir les droits de l’opposition malgré l’encadrement du droit d’amendement, mon collègue Jean-Pierre Sueur a exposé combien ce droit d’amendement était fondamental.

Nous avions aussi demandé la possibilité pour l’opposition d’obtenir la création de commissions d’enquête. Le Président de la République exprime son accord, mais pourquoi ne pas avoir inscrit cette disposition dans la Constitution ?

Enfin et surtout, cerise sur le gâteau, est reprise l’idée contenue dans la proposition de loi qu’avait déposée en 1999 Henri de Raincourt et un certain nombre de nos collègues et visant à réformer profondément le système d’élection du Sénat.

Monsieur le président, j’en arrive à l’objet de mon rappel au règlement. Il s’agit en fait d’une demande de suspension de séance qui aurait deux fins.

La première serait de réunir la commission des lois pour qu’elle examine les propositions du Président de la République. Comme il me semble que beaucoup d’incertitudes subsistent, sur le fond, sur le calendrier, il serait opportun d’auditionner le Premier ministre – qui marche mal mais dont l’esprit tourne bien, nous l’avons vu hier ! (Murmures sur les travées de lUMP.) –, qui n’a pas manqué d’être associé aux propositions du Président de la République. L’audition du Premier ministre ou, à défaut, – excusez cette expression, madame la ministre, ce serait en fait un plaisir pour nous – du garde des sceaux nous permettrait d’être éclairés.

J’en viens au deuxième objet de cette suspension de séance. À la suite de cette audition et avec les explications que nous ne manquerions pas d’obtenir, nous réunirions notre groupe politique afin de décider si nous changeons d’opinion et si notre opposition formelle à ce texte peut se transformer en une abstention, voire en une approbation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je me suis demandé si vous n’alliez pas demander l’audition du Président de la République ! (Rires sur les travées de lUMP.)

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle ne fut pas notre surprise – peut-être n’est-elle pas si grande après tout ! – de constater que le Président de la République entend régler lui-même les problèmes, en ce domaine comme en d’autres, et passer par-dessus le Gouvernement et le Parlement. Cette façon de faire en dit long sur sa conception des rapports entre le Président de la République et le Parlement.

Il règle la question du temps de parole à la télévision, alors que sa majorité refuse, depuis le début, d’en discuter ; il régente l’organisation des débats au Parlement, en prévoyant une égalité entre majorité et opposition, ce qui n’a fait l’objet d’aucun débat entre nous puisque nous respectons la majorité ; il se porte garant – je me demande bien comment ! – du droit d’amendement de l’opposition, ce qui va bien évidemment à l’encontre des dispositions prévues dans le projet de loi dont nous débattons depuis des semaines ; il promet des commissions d’enquête à l’opposition, si tel est, du moins je le suppose, son bon vouloir ;…

M. Robert Bret. Le bon vouloir du Prince !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … il passe commande aux sénateurs d’une proposition de loi modifiant le collège électoral, mais celle-ci existe déjà, simplement, les sénateurs ne voulaient pas la défendre !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On l’a déjà votée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Maintenant, commande leur est passée. Cette proposition de loi ferait passer le collège électoral du Sénat de 138 000 à 152 000 grands électeurs, ce qui ne met pas en cause – loin de là ! – la logique majoritaire du Sénat.

Enfin, il entend modifier lui-même le règlement des assemblées en autorisant la constitution de groupes parlementaires à partir de quinze députés.

M. Didier Boulaud. Quel touche-à-tout ! Un véritable homme-orchestre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis hier, M. le rapporteur nous impose, ou plutôt impose à sa majorité, un vote conforme et refuse tout amendement, particulièrement venant de son camp.

Monsieur le rapporteur, les amendements du président de la République sont-ils recevables ? (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Si tel est le cas, je vous demande, monsieur le président, de convoquer une conférence des présidents qui fixera un ordre du jour permettant d’examiner les amendements du Président de la République avant de reprendre le débat, peut-être en septembre…

M. le président. Madame Borvo, vous avez satisfaction puisqu’une conférence des présidents, à laquelle vous allez assister, aura lieu aujourd’hui même à 19 heures.

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de suspension de séance ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, rapporteur. Monsieur le président, la commission des lois n’a été saisie d’aucun nouvel amendement. Je fais d’ailleurs remarquer que seul le Gouvernement pourrait en déposer.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Ce n’est pas le cas.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne vois donc pas pourquoi la commission des lois devrait se réunir. De quoi discuterions-nous ? Des interviews publiées dans la presse ?

M. Robert Bret. Une interview du Président de la République, tout de même !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Peu importe ! La question n’est pas de savoir qui s’est exprimé dans la presse, que ce soit le Président de la République ou un autre. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allons, mon cher collègue !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En revanche, j’estime que le Président de la République a bien entendu ce que les deux assemblées ont souhaité sur la révision constitutionnelle. Et cela, vous oubliez complètement de le dire !

Vous avez réclamé que le temps de parole du Président de la République, qui ne relève pas de la Constitution, soit décompté : il en fait la proposition. Vous avez réclamé des commissions d’enquête : on les constitutionnalise et les règlements des assemblées permettront de préciser les droits des groupes parlementaires. Nous avions insisté pour que les groupes parlementaires soient parfaitement reconnus dans la Constitution : c’est le cas.

Lors de l’examen de votre proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs, nous vous avions annoncé que nous étions prêts à reprendre la proposition cosignée en 1999 par MM. de Raincourt, Arthuis, de Rohan, Larcher et moi-même.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est risible !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vous rappelle que nous l’avons votée, sur la proposition de Paul Girod. Ensuite, vous n’en avez pas voulu, et vous avez voulu nous forcer la main en prévoyant un système où le corps électoral ne correspondait plus à une représentation des collectivités territoriales, ce qui a été censuré par le Conseil constitutionnel. Après la révision constitutionnelle, il faudra mieux prendre en compte les populations.

M. Jean-Claude Peyronnet. Et le comité Balladur ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le comité Balladur a fait ce qu’il a voulu ; nous, nous faisons la Constitution ! Il s’agissait d’un comité de réflexion, et nous ne sommes pas obligés de retenir toutes ses propositions.

M. Patrice Gélard. Ce n’est pas lui le constituant !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je me permets d’ailleurs de vous faire remarquer que vous en contestiez certaines.

Dans ce contexte, il me paraît d’autant plus important de voter la révision constitutionnelle telle que nous la proposons, afin que puissent être mises en œuvre les réformes, qu’elles soient législatives ou réglementaires, auxquelles s’ajoutent les propositions du président Accoyer à l’Assemblée nationale.

S’agissant des règlements des assemblées, nous souhaitons garder une certaine autonomie. Nous avons, nous aussi, toujours défendu le droit d’amendement.

Les propos tenus par le Président de la République renforcent, de mon point de vue, la nécessité de voter très rapidement la révision constitutionnelle ; de la sorte, vous aurez satisfaction sur un certain nombre de préalables que vous aviez posés.

Dans ces conditions, j’estime qu’il n’y a pas lieu de réunir la commission des lois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. La seule chose positive, c’est que le Président de la République ne fera que dix ans de mandat !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je partage pour l’essentiel l’avis de M. le rapporteur. Les choses ont été dites, et c’est mieux ainsi.

Un certain nombre de parlementaires, dans cet hémicycle comme à l’Assemblée nationale, se sont interrogés : après la révision de la Constitution, et particulièrement l’adoption d’un article 51-1 qui ouvre des possibilités pour les groupes de l’opposition, la majorité, le Gouvernement, le Président de la République accepteront-ils de faire des avancées sur certains sujets ?

Des orientations, des engagements ont été pris. En réalité, ils ne se traduiront pas par une modification des articles de la Constitution, puisque, pour l’essentiel, comme M. le président de la commission des lois vient de le rappeler, ces propositions relèvent soit du règlement intérieur des assemblées soit, comme pour le temps de parole, de règles qui n’ont rien à voir avec le débat constitutionnel.

Vous aviez demandé un certain nombre de garanties et vous les avez obtenues. Je souhaiterais que les parlementaires de gauche reconnaissent que tout cela va dans le bon sens et acceptent finalement de revoir leur position.

M. le président. Je vais mettre aux voix la demande de suspension de séance.

Qui est contre cette demande de suspension ?….

(La demande de suspension de séance n’est pas adoptée.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est invraisemblable !

M. le président. Nous reprenons la discussion des articles.

Rappel au règlement
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Article additionnel après l’article 10

Article additionnel après l’article 9

M. le président. L’amendement n° 106, présenté par MM. Frimat, Badinter et Bel, Mme Bricq, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le premier alinéa de l’article 25 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mandat parlementaire de député est incompatible avec l’exercice de tout autre mandat ou fonction électif. »

II. - Le I est applicable à compter de la quatorzième législature.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 106.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 9
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Article 11

Article additionnel après l’article 10

M. le président. L’amendement n° 107, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de la seconde phrase de l’article 32 de la Constitution, le mot : « partiel » est supprimé.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement tend à prévoir que le mode de renouvellement du Sénat, qui est fixé par une loi organique, permette la réélection de cette assemblée en une seule fois. Cette disposition fort simple ne me semble pas appeler d’autres commentaires.

En revanche, monsieur le président, je tiens à le dire, nous avons été choqués de la manière dont il a été procédé au vote sur la demande de suspension de séance. Vous avez d’abord demandé à ceux qui souhaitaient voter contre cette demande de se manifester, alors que, d’habitude, on commence par faire voter ceux qui sont favorables. Vous avez introduit une innovation présidentielle !

M. Didier Boulaud. C’est la rupture !

M. Jean-Pierre Sueur. En fait, nous avons demandé une suspension pour pouvoir réunir notre groupe, mais d’abord pour que la commission des lois puisse examiner l’ensemble des déclarations du Président de la République, dont nul ne peut penser, surtout pas vous, qu’il s’agisse de déclarations anodines arrivant à un moment hasardeux. Au contraire, tout est calculé.

Monsieur le président du Sénat, je me permets de vous demander respectueusement quelle est votre position par rapport à ce singulier renversement de nos principes constitutionnels. Le Parlement est en train de débattre d’un projet de loi dont l’objet est de donner davantage de pouvoirs au Parlement, ce qui, par conséquent, devrait permettre, si j’ai bien compris, de répondre aux accusations d’hyper-présidentialisme que l’on entend ici ou là. Et c’est juste à ce moment-là que le Président de la République se présente comme un hyper-législateur pour proposer, par l’intermédiaire d’un journal, une brouette d’amendements…

M. Alain Lambert. Ce ne sont pas des amendements !

M. Jean-Pierre Sueur.… alors qu’on démontre au Sénat qu’il convient de tout adopter de manière conforme. Cette situation est tout à fait singulière eu égard aux droits du Parlement et à la nécessité de rééquilibrer les pouvoirs au bénéfice de ce dernier.

M. Alain Lambert. Les droits du Parlement, c’est principalement le droit d’amendement !

M. Jean-Pierre Sueur. Mon cher collègue, je m’exprime pendant les cinq minutes auxquelles j’ai droit pour présenter cet amendement.

M. Alain Lambert. C’est cela, présentez donc l’amendement !

M. Jean-Pierre Sueur. Rassurez-vous, si vous nous refusez le droit de nous concerter alors même qu’un événement vient de survenir, nous ne manquerons pas de défendre nos amendements et d’expliquer amplement nos votes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et qu’en pense le Président de la République ?

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais attirer l’attention de mes collègues sur cet amendement, même s’il n’est pas voté, pour que l’idée qui le sous-tend fasse son chemin.

Il s’agit du renouvellement partiel de notre assemblée. Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir du corps électoral du Sénat, il faut bien admettre que l’absence d’alternance depuis des lustres constitue une curiosité !

Le renouvellement partiel en est l’une des causes. Il semblerait tout à fait logique que, comme l’Assemblée nationale, le Sénat soit renouvelé en une fois. Cette idée peut paraître, selon les points de vue, anodine ou révolutionnaire, mais il me semble que nous devons engager une réflexion sur le sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. J’approuve tout à fait les propos de mon collègue. Pour le Sénat, ce serait une chance parce qu’il apparaît comme une chambre modératrice,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est bien !

M. Jean-Claude Peyronnet.… mais uniquement modératrice.

L’élection par moitié est présentée comme un avantage dans la mesure où elle conduit à une certaine modération. En fait, cela place d’emblée le Sénat en position de faiblesse vis-à-vis de l’Assemblée nationale.

Je voudrais terminer en reprenant les propos de mon collègue Pierre-Yves Collombat : le droit d’amendement et les temps de parole dans notre assemblée sont appliqués de façon très libérale, c’est même l’un des systèmes les plus libéraux d’Europe ! L’opposition peut parler très librement et très longtemps. Le seul problème, c’est qu’on ne nous écoute jamais. (Rires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous n’avez qu’à dire des choses intéressantes ! Parlez moins, on vous écoutera plus !

M. Didier Boulaud. Un jour, on s’en souviendra et on s’amusera !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 107.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 10
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Article 12

Article 11

L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° et 3° Supprimés………………………………………………………. ;

3° bis Dans le troisième alinéa, après les mots : « libertés publiques ; », sont insérés les mots : « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ; »

3° ter Après les mots : « assemblées parlementaires », la fin du huitième alinéa est ainsi rédigée : «, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; »

4°, 4° bis et 4° ter Supprimés……………………………………….. ;

5° L’avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État.

« Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. »

M. le président. L’amendement n° 50, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le 3°bis de cet article par les mots :

aussi bien vis-à-vis du Gouvernement que des intérêts économiques de leurs actionnaires, en les protégeant des conflits d’intérêt et en interdisant les concentrations excessives

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Par cet amendement, nous proposons d’inscrire dans la Constitution le principe d’une réelle indépendance des médias. Cette question a pris une importance considérable dans la société, la démocratisation de l’information étant devenue l’un des enjeux essentiels auxquels elle est confrontée.

Tout d’abord, nous assistons à une instrumentalisation, qui s’est considérablement aggravée, de l’information. Cette dernière est désormais non seulement au service de la majorité et du Président de la République, mais aussi du bipartisme. Dans le même temps, nous sommes confrontés à une domination croissante de l’information par l’argent.

C’est une situation qui choque et inquiète de plus en plus nos concitoyens, ainsi qu’un nombre croissant de professionnels. Les journalistes sentent bien les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’avenir de France Télévisions.

Quand des groupes comme Bouygues, Vivendi, Lagardère ou Dassault sont aux commandes des médias audiovisuels, le pluralisme de l’information et de la presse est nécessairement en péril. L’ampleur de la concentration des médias en France met en cause l’indépendance des responsables politiques et économiques à leur égard. Les groupes concernés cumulent ainsi de plus en plus puissance économique et hégémonie idéologique.

De notre point de vue, il serait nécessaire d’adopter une véritable loi anti-concentration. Elle permettrait d’interdire, notamment aux grands groupes financiers, industriels ou de services, les situations de quasi-monopole national ou régional dans la presse, l’audiovisuel et l’édition. Elle permettrait aussi, d’une manière générale, de garantir la diversité des filières de production et de diffusion dans le domaine de l’image, du son et de l’écrit.

M. le président. Le sous-amendement n° 147, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, est ainsi libellé :

Dans l’amendement n° 50, supprimer le mot :

excessives

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le mot « excessives », qui figure dans l’amendement n° 50, me choque beaucoup.

En effet, ses auteurs souhaitent protéger les médias des conflits d’intérêt, « en interdisant les concentrations excessives ». Or je ne connais pas de concentration qui ne le soit pas ! C’est la raison pour laquelle il me semble excessif de parler de concentrations excessives. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Sénat a adopté en première lecture, à l’article 11 du projet de loi, un amendement du groupe socialiste prévoyant explicitement « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».

En ajoutant des critères supplémentaires, on risque de ne pas être exhaustif. Par conséquent, la commission s’en tient aux termes qui ont été adoptés en première lecture et retenus ensuite par l’Assemblée nationale. Elle est donc défavorable à l’amendement n° 50 et au sous-amendement n° 147.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Je souhaite tout d’abord excuser le départ de Mme Dati, qui doit se rendre à une réunion du Conseil supérieur de la magistrature.

S’agissant de l’amendement n° 50, la modification proposée n’apparaît pas opportune à ce stade. Le Conseil constitutionnel reconnaît que la liberté de communication audiovisuelle a valeur constitutionnelle, mais que le pluralisme des courants d’expression est également un objectif à valeur constitutionnelle. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Sur ce fondement, la loi du 30 septembre 1986 comporte déjà des dispositions destinées à éviter les concentrations excessives. Dans ce domaine, le législateur ne peut pas revenir en arrière, puisque le Conseil constitutionnel n’admettrait pas que des dispositions moins protectrices soient adoptées.

Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 50 et sur le sous-amendement n° 147.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. L’amendement qui nous est proposé met à juste titre l’accent sur l’un des vrais problèmes qui se pose aujourd’hui et dont nul ne peut disconvenir. Ce problème prend, me semble-t-il, une actualité nouvelle après les récentes déclarations du Président de la République.

Pour ma part, j’imaginais que, à la suite d’un certain nombre de réactions, la pensée de notre Président de la République se serait infléchie. Mais la lecture d’un journal du soir, qui a d’ailleurs paru à midi, nous permet d’y voir plus clair dans la pensée du Président de la République.

On peut en effet lire, à la page 7, la déclaration suivante : « J’ai dit qu’il n’était pas anormal que le Président de la République nomme le président d’une entreprise propriété de l’État à 100 %.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a un « mais » !

M. Jean-Pierre Sueur. « Avec deux verrous : un avis conforme du CSA et celui des commissions du Parlement. Où est le trouble ? »

Je vais me permettre de répondre respectueusement à M. le Président de la République.

Premièrement, France Télévisions n’est pas une entreprise comme une autre et c’est un grand tort de considérer qu’elle serait identique à toute autre entreprise. Il s’agit des libertés fondamentales, des droits fondamentaux et de l’indépendance des médias.

Deuxièmement, l’avis du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, est qualifié de « verrou ». Cela pose la question de savoir comment sont nommés les membres du conseil, ce qui renvoie à la fameuse « affaire » de la majorité des trois cinquièmes. En effet, c’est une chose de consulter les commissions parlementaires par le biais d’un avis positif exprimé à la majorité des trois cinquièmes, laquelle suppose l’assentiment de la majorité et de l’opposition. Mais c’en est une autre de ne retenir qu’un avis négatif émis à la majorité des trois cinquièmes. Ce « verrou négatif » est extrêmement léger ; peut-on même parler de verrou ?

Troisièmement, le même raisonnement s’applique assurément au verrou des commissions du Parlement.

Où est donc le « trouble » ? C’est que peu de démocraties dignes de ce nom accepteraient cette décision souveraine quasi monarchique : je nomme, parce que je suis Président de la République, le président d’un ensemble considérable de chaînes publiques.

Les prétendus verrous n’existent pas, et ce n’est pas satisfaisant ! Après avoir rappelé les propos du Président de la République parus aujourd’hui dans Le Monde, je laisse chacun, dans cet hémicycle, mesurer ce qu’il en est.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À mes yeux, l’amendement n° 50 complète de façon judicieuse ce que nous avons voté précédemment, en mettant les points sur les i. Certes, la loi interdit les concentrations ; néanmoins, elles existent ! Il faut donc renforcer le dispositif en question et préciser dans la Constitution de quoi il retourne exactement : il ne s’agit pas simplement de garantir l’indépendance, puisqu’on assiste aujourd’hui à des concentrations très importantes. Il faut donc viser précisément les intérêts économiques et les conflits d’intérêts.

Au point où nous en sommes, peut-être faudrait-il demander au Président de la République s’il n’est pas d’accord pour que nous complétions en ce sens la Constitution…

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 147. (M. Dreyfus-Schmidt proteste.)

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l’amendement n° 50.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, monsieur le président ! J’ai déposé un sous-amendement et j’attendais de savoir si le groupe CRC l’acceptait.

M. le président. Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’est expliquée. Elle a eu l’occasion de vous répondre, monsieur Dreyfus-Schmidt !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si j’ai demandé la parole avant la mise aux voix du sous-amendement n° 147, c’était pour demander à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, qui ne s’était pas exprimée sur ce point, si elle acceptait, ou non, ce sous-amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La proposition est acceptée.

M. le président. Quoi qu’il en soit, ce sous-amendement n’a pas été adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 49, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le 3°ter de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - la limitation ou l’interdiction du cumul des mandats électoraux ; »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Par cet amendement, nous souhaitons modifier l’article 34 de la Constitution, afin d’y inscrire le principe de la limitation ou de l’interdiction du cumul des mandats, en laissant à la loi le soin d’en préciser les modalités.

Cette proposition, qui a déjà été évoquée hier, a bien évidemment été refusée. Toutefois, nous maintenons cet amendement, en affirmant qu’il est aujourd’hui nécessaire de permettre une représentation plus forte. Je pense notamment à la parité, au scrutin proportionnel et au vote des étrangers, toutes choses qui permettraient sans doute de donner une autre image à la fois des élus et du Parlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, la définition des règles relatives au régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales fait déjà partie du domaine législatif. Il s’agit donc d’une précision inutile, à laquelle la commission est défavorable. Sinon, on n’en finira jamais !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Ils sont tous deux présentés par M. Lambert.

L’amendement n° 1 est ainsi libellé :

Avant le 5° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le dix-neuvième alinéa de l’article 34 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État et présentent une consolidation des comptes publics dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. L’amendement n° 1 est celui auquel je tiens le plus. Son adoption ou son rejet détermineront d’ailleurs mon vote final.

M. le président. Je vous en prie, monsieur Dreyfus-Schmidt !

Veuillez poursuivre, monsieur Lambert.

M. Alain Lambert. On verra si vous votez tout à l’heure, monsieur Dreyfus-Schmidt !

Cet amendement vise à supprimer un verrou qui existe actuellement dans notre Constitution et qui ne nous permet pas de rapprocher les comptes de l’État et ceux de la sécurité sociale. Quand je parle de « rapprochement », je n’évoque pas les modalités d’une telle opération. En effet, je sais parfaitement que celles-ci doivent faire l’objet d’une loi organique.

L’amendement n° 1 vise donc simplement à ouvrir la voie à la loi organique permettant de rapprocher la loi de finances de l’État et la loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de la consolidation des comptes.

En effet, nous sommes dans une situation baroque, mes chers collègues : à l’occasion de chaque débat budgétaire annuel, nous nous plaignons de ne pas y voir clair, parce que nous avons, d’un côté, les recettes de l’État, de l’autre, celles de la sécurité sociale, les assiettes étant parfois les mêmes, avec des taux différents. Si nous, parlementaires, n’y comprenons rien, nos compatriotes s’y retrouvent encore moins.

Permettez-moi de souligner également une distorsion étonnante : les seuls à disposer de l’information complète sur les comptes publics de la France sont nos partenaires européens et la Commission européenne, puisque les règles internationales nous obligent à leur envoyer, à eux, non pas séparément les comptes de l’État, ceux de la sécurité sociale, ceux des organismes divers d’administration centrale, les ODAC, et ceux des collectivités locales, mais, tout simplement, un document consolidé.

Le paradoxe, c’est que les parlementaires, eux, ne voient jamais ce document consolidé, qui est d’ailleurs envoyé à Bruxelles quinze jours après la fin de la session budgétaire. J’ai donc la conviction que, d’un point de vue démocratique, nous ne pouvons pas rester dans cette situation.

Entendons-nous bien, mes chers collègues, il s’agit de vous demander non pas de voter une loi visant à fusionner les deux actes, mais de supprimer l’interdiction existante et de la transformer en autorisation afin qu’une loi organique organise les relations entre les deux textes, loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale.

Je défendrai d’ores et déjà, monsieur le président, l’amendement suivant n° 19, qui est plutôt un amendement de repli et, je le dis à l’adresse de nos collègues socialistes, qui est rédigé dans les mêmes termes que celui qui a été déposé par Didier Migaud à l’Assemblée nationale.

Mais cet amendement est peut-être un peu trop précis, ce qui le fait entrer dans le champ de la loi organique elle-même. C’est pourquoi je me suis limité, dans l’amendement n° 1, à une rédaction plus concise : « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État et présentent une consolidation des comptes publics dans les conditions prévues par la loi organique. »

M. le président. L’amendement n° 19 est ainsi libellé :

Avant le 5° de cet article, insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° Les dix-neuvième et vingtième alinéas de l’article 34 de la Constitution sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, les lois de finances :

« - déterminent les ressources et les charges de l’État ;

« - déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent le plafond global de ses dépenses.

« Les lois de financement de la sécurité sociale, compte tenu des conditions générales de l’équilibre financier déterminé par les lois de finances, fixent ses objectifs de dépenses dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

Cet amendement est défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a bien évidemment été particulièrement attentive à ces amendements compte tenu de la qualité de leur auteur, l’un des pères de la loi organique relative aux lois des finances.

Les exemples qu’il cite dans l’objet de l’amendement n° 1 montrent que, dans certains pays, les comptes de la sécurité sociale sont absolument distincts des comptes de l’État. Dans ce cas, la consolidation n’intervient pas, puisque les comptes doivent être équilibrés.

D’ailleurs, c’était le cas en France avant la mise en place des lois de financement de la sécurité sociale, qui ont répondu au souhait du Parlement de se saisir du budget de la sécurité sociale, puisqu’il était plus important que celui de l’État. Pour ma part, j’ai connu, en tant que parlementaire, l’époque où les comptes de la sécurité sociale étaient indépendants de ceux de l’État et où le Parlement décidait éventuellement de subventions destinées à compléter les ressources de la sécurité sociale.

S’agissant de la consolidation, la commission a estimé qu’il n’était pas indispensable de lui donner un support constitutionnel et que nous pourrions fort bien en inscrire les règles au sein de la loi organique relative aux lois de finances.

M. Alain Lambert. C’est faux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mon cher collègue, ce n’est pas parce que certaines constitutions mentionnent cette possibilité que nous avons l’obligation de le faire. Il existe des constitutions bavardes, et la nôtre commence à l’être sérieusement ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Je suis donc sincèrement ennuyé car, évidemment, je souhaiterais accueillir favorablement vos amendements. Nous les avons longuement étudiés en commission,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On les a étudiés rapidement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si nous nous sommes montrés parfois un peu laconiques en séance publique, c’est parce que les amendements étaient très nombreux.

Je dois donc, hélas ! émettre un avis défavorable sur vos amendements nos 1 et 19, mon cher collègue, en espérant que M. le secrétaire d’État saura vous convaincre mieux que moi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, vous souhaitez que les lois de finances présentent une consolidation des comptes publics. Soyez assuré que votre préoccupation rejoint pleinement celle du Gouvernement.

Le principe d’unité budgétaire est effectivement essentiel pour permettre une bonne compréhension des comptes. Dès lors qu’il n’y a qu’un seul contribuable, il paraît normal qu’il puisse disposer d’une vision consolidée des comptes publics et mesurer la situation d’ensemble des administrations publiques.

La préoccupation que vous exprimez est donc légitime. Elle sera, à nos yeux, assez largement satisfaite par la possibilité ouverte par la réforme de voter des lois de programmation des finances publiques, qui donneront au Parlement la vision globale que vous appelez de vos vœux.

En effet, pour définir les orientations pluriannuelles des finances publiques, les lois de programmation devront nécessairement procéder à une présentation consolidée des comptes publics. Elles donneront ainsi au contribuable la possibilité d’avoir une vue d’ensemble de nos finances publiques année après année.

Par ailleurs, la volonté de promouvoir une approche globale des comptes publics imprègne toutes les méthodes de travail du Gouvernement.

C’est le cas, d’abord, dans sa structure même. La création d’un ministère des comptes publics s’inscrit pleinement dans cette perspective.

Ensuite, depuis 2006, les débats d’orientation budgétaire et d’orientation des finances sociales se tiennent conjointement. C’est le cas cette année.

La production des comptes de l’État, selon les dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, a fait des progrès considérables en quelques années, comme le montre le projet de loi de règlement des comptes. Les progrès sont d’ailleurs encouragés par la certification de la Cour des comptes.

Dans ces conditions, la consolidation des comptes constitue un horizon vers lequel nous devons nous diriger, mais Bercy confirme que les difficultés techniques d’une telle entreprise sont considérables. Quelle technique de consolidation ? Quel périmètre ? Quel concept ? Quelle trajectoire obtenir ?

Ces difficultés font que cet amendement nous semble aujourd’hui – pardonnez-moi de le dire, monsieur le sénateur – quelque peu prématuré. Il nous paraît, en effet, préférable de travailler progressivement à ce rapprochement, en poursuivant la dynamique d’amélioration de la qualité comptable afin d’envisager une consolidation ultérieurement, dans les meilleures conditions possibles.

Voilà pourquoi le Gouvernement souhaite, monsieur le sénateur, le retrait de l’amendement n° 1.

Par votre amendement n° 19, vous voulez également prévoir que les lois de finances déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale et fixent le plafond global de ces dépenses.

Le Gouvernement partage pleinement votre souci d’assurer la pleine cohérence entre les deux textes financiers. C’est ce qu’il s’efforce de faire désormais, comme je l’évoquais il y a quelques instants, par des débats d’orientation budgétaire et d’orientation des finances sociales qui se tiennent conjointement.

Les deux projets sont d’ailleurs bâtis sur des hypothèses macroéconomiques identiques, arbitrées en même temps.

D’autre part, la cohérence des dispositions relatives aux dépenses, par exemple quand il faut compenser des exonérations, peut être vérifiée par les annexes. Tel est l’objet du « jaune », qui concerne les relations financières entre l’État et la protection sociale.

Enfin et surtout, la cohérence entre « loi de finances » et « loi de la sécurité sociale » sera consolidée par la future loi de programmation des finances publiques. Ce sera précisément l’objet de cette loi dans un cadre pluriannuel.

C’est un changement majeur, dont on ne mesure peut-être pas encore toute la portée, puisque le Parlement pourra débattre de la trajectoire de l’ensemble des finances publiques avec des indications précises, à la fois sur l’État et sur la sécurité sociale.

Dès cet automne, le Gouvernement présentera ce projet de loi de programmation et nous pourrons débattre ensemble sur le fondement de cette vision consolidée des finances publiques que vous appelez de vos vœux.

On pourrait bien évidemment aller au-delà, mais le Gouvernement ne souhaite pas, dans l’immédiat, retenir la proposition, car nous craignons qu’elle soit mal comprise par les partenaires sociaux. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale est obligatoirement soumise à l’avis des conseils d’administration des caisses de sécurité sociale, comme tous les textes les concernant. Si on encadre par avance le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale, on risque de remettre en cause la portée de cette saisine.

Pour cet ensemble de motifs, monsieur le sénateur, le Gouvernement souhaite également le retrait de l’amendement n° 19.

M. le président. Monsieur Lambert, les amendements nos 1 et 19 sont-ils maintenus ?

M. Alain Lambert. Oui, monsieur le président.

J’indique respectueusement au président de la commission des lois que, contrairement à ce qu’il pense, dans la rédaction actuelle de la Constitution, ce rapprochement est impossible. Nous pourrons demander à des experts d’arbitrer notre différend.

En revanche, j’ai bien entendu l’ouverture du Gouvernement. Je lui répondrai simplement que la solennité d’une loi de finances ou d’une loi de financement de la sécurité sociale est tout de même plus grande que celle d’une loi de programmation.

En l’absence d’une volonté d’ôter ce verrou afin d’ouvrir la voie à une loi organique, nous resterons cadenassés au sein de notre Constitution actuelle. Dès lors, par devoir et en conscience, je maintiens mon amendement ; comme je l’ai dit, son adoption ou non déterminera mon vote sur l’ensemble du texte.

Permettez-moi d’apporter une petite précision. Ayant accepté un engagement, je dois quitter l’hémicycle. Je tiens à vous assurer, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, que je pars non pas parce que je serai blessé par le résultat du scrutin qui ne me sera pas favorable, mais simplement par respect pour la personne qui m’a invité. Par conséquent, mes amendements suivants ne seront pas soutenus ; tant pis, j’en assumerai la responsabilité. De toute façon, celui qui comptait à mes yeux était l’amendement n° 1.

M. Robert Bret. Il ne faut pas désespérer !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 26, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Avant le 5° de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’antépénultième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures entrent en vigueur lorsqu’elles sont approuvées par une loi de finances.

« Les mesures de réduction et d’exonération de cotisations et de contributions concourant au financement de la protection sociale ainsi que les mesures de réduction ou d’abattement de l’assiette de ces cotisations et contributions entrent en vigueur lorsqu’elles sont approuvées par une loi de financement de la sécurité sociale. » ;

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 109, présenté par M. Frimat, Mme Bricq, MM. Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Massion, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rétablir le 4° ter de cet article dans la rédaction suivante :

4° ter. Après l’antépénultième alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures et celles relatives aux cotisations sociales continuent à s’appliquer au-delà du 31 décembre suivant leur entrée en vigueur à la condition qu’une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale le prévoie. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, de discuter de cet amendement sous des formes rédactionnelles différentes. Permettez-moi d’en retracer les étapes, pour que l’on comprenne bien de quoi il s’agit.

D’abord, au Sénat, en première lecture, M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général avaient déposé un amendement qui visait à faire valider en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale tout dispositif d’exonération fiscale ou sociale.

Le groupe socialiste du Sénat avait déposé un amendement similaire et avait accepté de le retirer, car son objet était commun avec celui du président de la commission des finances.

Ensuite, en seconde lecture, à l’Assemblée nationale, la commission des lois, par la voix de son rapporteur, Jean-Luc Warsmann, a déposé un amendement de suppression de cette initiative sénatoriale qui avait pourtant réuni l’ensemble du Sénat dans un vote clair, arguant du fait que cet amendement méprisait le principe d’égalité des lois donnant une primauté aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale par rapport aux lois ordinaires et contraignait, en outre, le Gouvernement si ce dernier ne souhaitait pas attendre une loi de finances pour insérer un dispositif d’exonération.

L’amendement de suppression de M. Warsmann a été adopté.

Puis, la semaine dernière, à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement des comptes pour l’année 2007, est apparu un dispositif complémentaire qui prévoyait que, dans la loi de finances et dans la loi de financement de la sécurité sociale était joint, en annexe, un récapitulatif des dispositions relatives aux règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature, adoptées depuis le dépôt du projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale de l’année précédente.

À cette occasion, nous avons assisté à une bataille juridique entre le rapporteur général du Sénat, qui souhaitait supprimer ce dispositif, et le ministre du budget, qui, quant à lui, souhaitait son maintien.

S’agissant de l’opportunité de maintenir cette disposition compte tenu de son caractère inconstitutionnel, il faut rappeler que le Conseil constitutionnel avait clairement affirmé que seule une loi organique pouvait prévoir la possibilité de joindre des annexes aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Au final, le Sénat a voté l’amendement de suppression du rapporteur général, de sorte que les deux dispositifs de départ, considérés comme complémentaires, ont tous deux disparu.

La commission mixte paritaire se réunira le 22 juillet pour examiner les articles restant en discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007. En cet instant précis, rien ne prouve que nous puissions combler ce vide à cette occasion.

C’est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je défends cet amendement tendant à restaurer la capacité pleine et entière du Parlement à prendre la mesure de toute disposition visant les impositions de toutes natures et l’assiette des cotisations sociales dans les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.

Trop souvent, les parlementaires sont mis devant le fait accompli. Ce matin, lors du débat d’orientation budgétaire, nous l’avons unanimement déploré devant le ministre du budget, à propos des dépenses fiscales ou des exonérations sociales. Nous ne voulons pas que les parlementaires en soient réduits à entériner des mesures prises dans le cadre d’autres véhicules législatifs.

Permettez-moi de m’inquiéter de la multiplication des niches fiscales, dont le nombre a augmenté de plus de 20 % ces trois dernières années. Les dépenses fiscales atteignent aujourd’hui 73 milliards d’euros. Face à ce phénomène, nous devons nous doter de règles de bonne gestion publique. Le dispositif proposé dans cet amendement est plus souple que celui que nous avions adopté en première lecture puisqu’il prévoit que les dérogations fiscales ou les exonérations sociales incluses dans une loi votée pourront entrer en vigueur immédiatement ; elles n’auront donc plus besoin d’être validées par une loi de finances ou par une loi de financement de la sécurité sociale pour être appliquées, mais elles devront faire l’objet d’une prorogation par l’une ou l’autre de ces lois.

Ainsi, une confirmation sera requise pour qu’elles puissent continuer à s’appliquer. Ce dispositif permettra, comme tout le monde le souhaite, de faire l’évaluation, au moins a posteriori, de mesures fiscales dont on connaît mal l’impact sur l’équilibre de nos finances publiques.

M. le président. Veuillez conclure, madame Bricq !

Mme Nicole Bricq. Si mes arguments ne trouvent aujourd’hui aucun écho favorable au sein de la majorité sénatoriale et du Gouvernement, je demande à tout le moins que l’engagement soit pris de réfléchir à des dispositifs susceptibles d’améliorer les règles de gouvernance publique à l’occasion d’une révision de la LOLF – nous en avons déjà effectué une en 2005. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Madame Bricq, vous avez parlé plus de six minutes ! C’est excessif. Je veux bien être tolérant, mais le règlement doit s’appliquer à tout le monde !

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La question qu’a évoquée Mme Bricq n’est pas celle qui est visée dans son amendement ! Ma chère collègue, le contenu de la loi de règlement est défini par la loi organique. (Mouvements divers sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. J’ai rappelé divers épisodes !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Madame Bricq, non seulement vous vous exprimez longuement, mais encore vous m’empêchez de vous répondre ! Dans ce cas, je retourne m’asseoir !

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous vous écoutons religieusement, monsieur le rapporteur. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission des lois avait émis quelques réserves sur l’amendement qu’avait adopté le Sénat en première lecture. Subordonner l’application d’une disposition votée dans le cadre d’un projet de loi à sa validation en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale reviendrait à établir une hiérarchie entre les lois financières et les autres lois. Pour ce seul motif, et après avoir entendu les arguments qu’a opposés l’Assemblée nationale à une telle disposition, je considère qu’il vaut mieux que nous en restions là, même si de hautes autorités nous avaient convaincus de voter cet amendement en première lecture…

En revanche, s’agissant des lois organiques et de la consolidation des comptes et des mesures fiscales par la loi de règlement, la question se pose différemment. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il faille soumettre toute mesure fiscale adoptée dans le cadre d’une loi autre qu’une loi de finances ou qu’une loi de financement de la sécurité sociale à une confirmation par l’une ou l’autre de ces deux types de loi. C’est totalement différent.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Madame Bricq, vous proposez que les règles relatives aux impôts et aux cotisations sociales ne s’appliquent, au-delà du 31 décembre, que si une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale le prévoit expressément. C’est un mécanisme intéressant pour s’assurer que les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale comprendront bien toutes les dispositions fiscales et sociales.

Néanmoins, le Gouvernement craint les conséquences d’un tel dispositif en termes de sécurité juridique pour les contribuables et les redevables. À l’annonce d’une nouvelle exonération, les entreprises et les particuliers pourraient prendre des décisions de long terme, par exemple embaucher un salarié, et, quelques mois plus tard, découvrir que l’exonération n’existe plus. Ce n’est donc pas satisfaisant.

Il est très important d’avoir une vision globale des finances publiques, mais nous avons d’autres moyens pour ce faire.

Par conséquent, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Bricq, l’amendement n° 109 est-il maintenu ?

Mme Nicole Bricq. Bien évidemment, je le maintiens, monsieur le président !

Mes chers collègues de la majorité, je vous ferai remarquer que ce matin, au cours du débat d’orientation budgétaire, vous avez défendu la position que je vous propose d’adopter.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État, et M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

Mme Nicole Bricq. Ne dites pas alors que vous vous souciez des finances publiques ! Ce n’est pas vrai !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le secrétaire d’État, quelle différence faites-vous entre un redevable et un contribuable ? Vous avez utilisé les deux termes. Pour ma part, je ne vois pas de différence entre ces deux catégories.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Les contribuables sont ceux qui paient l’impôt, tandis que les redevables sont ceux qui paient une redevance.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 109.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 108, présenté par MM. Frimat, Badinter et Bel, Mme Bricq, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Massion, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du 5° de cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 20, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du dernier alinéa du 5° de cet article par les mots :

ainsi que la liste des missions du budget de l’État

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 108 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Avis défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 108.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 21, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de l’exercice de l’année 2012, les comptes publics de la France sont exécutés en équilibre, conformément aux engagements pris par la France auprès de ses partenaires de l’Union européenne. L’application de cette règle tient compte du cycle économique. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 11.

(L’article 11 est adopté.)

Article 11
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 13

Article 12

Après l’article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :

« Art. 34-1. - Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique.

« Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 110, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l’article 34-1 de la Constitution :

« Art. 34-1. - Les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions. Celles-ci sont transmises au Gouvernement et publiées au Journal officiel. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 12 du projet de loi constitutionnelle traite des résolutions. Hier, lors de la discussion générale, j’ai tenu à rappeler la rédaction de l’article tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Permettez-moi d’en faire de nouveau la lecture devant vous, mes chers collègues de la majorité, car je ne puis concevoir que vous n’éprouviez pas quelque difficulté à voter cet article : « Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité […]. »

Très franchement, mes chers collègues, comment peut-on envisager d’inscrire dans la Constitution une disposition qui est contraire au principe de la séparation des pouvoirs ?

M. Robert Bret. C’est exact !

M. Jean-Pierre Sueur. Le Parlement, par essence, a le droit de voter toutes les résolutions qu’il veut !

M. Robert Bret. Et même le devoir !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes attaché à l’esprit de nos institutions ainsi qu’à la philosophie de Montesquieu. Comment pouvez-vous justifier un article aux termes duquel le Parlement ne pourrait voter des résolutions qu’à la double condition que le Gouvernement les juge opportunes et qu’elles ne mettent pas en cause tel ou tel aspect de sa politique ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable !

M. Robert Bret. C’est à l’image de la majorité !

M. Jean-Pierre Sueur. Un Parlement élu démocratiquement a le droit de voter des résolutions, quand bien même celles-ci porteraient sur des sujets déplaisant au Gouvernement. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.) Si quelqu’un pense le contraire, je lui saurais gré de m’en expliquer les raisons.

Mes chers collègues, il serait absurde d’accepter de légiférer alors que le Président de la République se substitue purement et simplement au constituant, au législateur et aux rédacteurs des règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat.

D’un côté, le Président proclame son intention d’accorder des droits supplémentaires au Parlement,…

M. Jean-Pierre Sueur.… d’un autre côté, par journal interposé, il rédige lui-même les amendements, les articles de la Constitution et le règlement de chacune des assemblées, ainsi qu’on a pu le constater à la lecture d’un quotidien national.

Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, le Parlement ne devrait être autorisé à voter des résolutions qu’à la seule condition qu’elles conviennent au Gouvernement !

MM. Dominique Braye et Christian Cointat. Ce n’est pas ce que dit le texte !

M. Jean-Pierre Sueur. Cette situation est non seulement paradoxale, mais encore stupéfiante !

Je le répète, mes chers collègues, si l’un d’entre vous considère qu’une telle disposition est légitime, je serai très heureux d’entendre ses arguments !

Dans quelques instants, nous allons nous prononcer sur cet amendement. Nous écouterons donc avec un immense intérêt les explications de vote de nos collègues de la majorité sénatoriale.

M. Didier Boulaud. Ils se coucheront, comme d’habitude !

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 34-1 de la Constitution.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi aussi, je considère cette disposition comme parfaitement irrecevable. Je ne vois d’ailleurs pas concrètement comment elle pourrait s’appliquer. Le Parlement devra-t-il demander l’autorisation au Gouvernement d’examiner telle ou telle résolution ? Mais enfin, la majorité gouvernementale, qui plus est la majorité présidentielle, sous ce régime de plus en plus présidentiel, sera libre de ne pas voter les résolutions qu’elle n’approuve pas ! Dès lors, je ne comprends pas pourquoi il faudrait solliciter l’autorisation du Gouvernement préalablement à la discussion d’une résolution, avant même de savoir si elle recueillera l’approbation d’une majorité de parlementaires.

Franchement, la manière dont on veut que le Parlement fonctionne m’échappe totalement. Il nous faut absolument supprimer cette disposition.

M. le président. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l’article 34-1 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

Elles s’imposent au Gouvernement.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien évidemment, je me fais une tout autre idée des résolutions que celle qui nous est proposée. Étant entendu que les résolutions seront votées par une majorité, puisque au Parlement tout texte, quel qu’il soit, est adopté par une majorité, elles doivent s’imposer au Gouvernement.

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En première lecture, l’Assemblée nationale avait rejeté l’article concernant les résolutions, qui avait d’ailleurs été proposé par le comité Balladur.

Le Sénat avait estimé que le Parlement pouvait être autorisé, par la Constitution, à voter des résolutions – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – d’autant qu’il existe déjà des résolutions européennes.

Nous avions précisé, après un long débat, que les résolutions ne devaient ni directement ni indirectement mettre en cause la responsabilité du gouvernement.

Il s’agit d’un sujet très intéressant. Nous avons donc effectué quelques recherches qui ont montré qu’en 1959 les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat avaient prévu le vote de résolutions. Le Conseil constitutionnel avait alors refusé ce droit au Parlement, considérant qu’il était dépourvu de fondement constitutionnel.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui correspond exactement à celui du projet de règlement élaboré par l’Assemblée nationale en 1959. Il précise ce que le Sénat avait voulu faire en première lecture.

En conséquence, je suis défavorable aux amendements nos 110, 52 et 51.

Je rappelle que les conditions qui encadreront le vote des résolutions seront fixées par la loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons donc la garantie que toutes les conditions seront réunies pour permettre le vote de résolutions.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas possible de faire figurer cette restriction dans la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Sueur, je vous écoute toujours avec une grande patience.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous semblez plutôt bien impatient !

M. Jean-Pierre Sueur. Je me permets de vous interrompre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais je ne l’accepte pas.

M. Jean-Pierre Sueur. Je le fais gentiment !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Alors je vous demande gentiment de me laisser terminer.

Les dispositions de l’article 12 sont de nature à éviter le vote de lois mémorielles comme nous en avons déjà connu. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours plaidé pour que le Parlement puisse adopter des résolutions. Je trouve très néfaste que l’on ait voté certaines lois dépourvues d’efficacité, mais qui jugeaient l’histoire. (Très bien sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Monsieur Sueur, vous évoquiez à l’instant l’Esprit des lois. Montesquieu appelait à tenir compte non seulement de la culture politique d’un pays, mais même de son climat.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Nous ne pouvons pas ne pas nous souvenir des pratiques de la IVRépublique. C’est aussi cela notre culture politique.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Il faut tenir compte de notre histoire. C’est le sens de l’article 12.

Vous proposez de réécrire cet article qui permet aux assemblées de procéder au vote de résolutions et également d’en encadrer la pratique.

Je tiens à rappeler, car je ne voudrais pas que l’on fît semblant de le découvrir, qu’aujourd’hui, en dehors des résolutions européennes, le Parlement ne vote pas de résolutions de portée générale. On nous dit : le Parlement vote des résolutions comme il l’entend. Non ! pour l’instant il ne le peut pas !

Le Gouvernement est attaché à la rédaction de compromis trouvée à l’Assemblée nationale. Elle permet de donner au Parlement un moyen d’expression important, comme c’est le cas dans toutes les démocraties européennes, tout en évitant les dérives qui existaient sous la IVe République, alors que, vous le savez, les résolutions se sont révélées être un moyen de mise en jeu, de manière détournée, de la responsabilité du gouvernement.

Il est dans l’esprit de notre Constitution que le gouvernement puisse éviter la dérive d’une telle procédure. C’est également dans cet esprit que les résolutions ne peuvent s’imposer au gouvernement. Dans ces conditions, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur les trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je tiens à répondre aux deux arguments qui viennent de nous être opposés, l’un par M. le rapporteur, l’autre par M. le secrétaire d’État.

Monsieur le rapporteur, j’ai effectivement interrompu votre propos, permettez-moi maintenant de reprendre ce que je disais.

Vous avez fait référence à une loi organique…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur… qui fixerait les conditions dans lesquelles les résolutions pourraient être votées par les assemblées du Parlement.

J’observe que la rédaction de l’article 12 du projet de loi constitutionnelle issue des travaux de l’Assemblée nationale ne renvoie pas à une loi organique, mais qu’y figure et donc que figurera dans la Constitution la phrase suivante : « Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le gouvernement estime » qu’elles ne lui conviennent pas. Certes, il y aura bien une loi organique qui déterminera les conditions dans lesquelles seront discutées ces résolutions, je n’ai jamais prétendu le contraire, mais cela n’enlève rien au fait qu’il sera inscrit dans la Constitution qu’elles devront recevoir l’agrément du Gouvernement.

Il y a là quelque chose de très fort : alors même que l’on constitutionnalise l’existence de résolutions parlementaires, on en subordonne l’existence à l’appréciation du gouvernement, ce qui est bien évidemment contraire au principe de la séparation des pouvoirs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, comme vous l’avez-vous-même déclaré, les résolutions ne sauraient en aucun cas s’imposer au gouvernement. Il n’y aura donc aucune injonction.

Bref, le fait que le Parlement ne puisse pas s’exprimer librement, dès lors que le gouvernement considère que ce n’est pas opportun,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit de la mise en cause de la responsabilité du gouvernement.

M. Jean-Pierre Sueur.… est totalement contraire au principe de la séparation des pouvoirs, d’autant que lesdites résolutions ne s’imposent en aucun cas au gouvernement.

Cette restriction est véritablement inacceptable. C’est pourquoi nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué l’Esprit des lois. J’ai la conviction que, s’il vous avait entendu, l’auteur de ce livre n’aurait pas manqué d’écrire une nouvelle Lettre persane…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On pourrait en écrire sur le parti socialiste, des Lettres persanes !

M. Jean-Pierre Sueur.… pour stigmatiser avec ironie un régime parlementaire fondé sur la séparation des pouvoirs, dans lequel on subordonne le vote de résolutions par le Parlement à l’appréciation souveraine du gouvernement.

Tout cela est bien contradictoire et bien difficile à défendre !

M. Didier Boulaud. C’est un coup de force !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mes chers collègues, nous touchons à l’absurde.

M. Christian Cointat. Absolument ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Même si le texte qui nous est soumis comporte des idioties, comme vous voulez une adoption conforme, nous pouvons toujours dire ce que nous voulons, vous continuez à en adopter toutes les dispositions.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous en prenez la responsabilité, mais, dès lors, les débats ne servent plus à rien…

M. Patrice Gélard. Nous sommes d’accord !

M. Michel Dreyfus-Schmidt.… et le Sénat non plus.

M. Didier Boulaud. Il se couche.

M. Patrice Gélard. Là, nous ne sommes plus d’accord !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a des gens qui lisent le Journal officiel

L’article 12 prévoit, dans son second alinéa, que « les assemblées peuvent voter des résolutions dans des conditions fixées par la loi organique ». Tout est dit : la loi organique apportera les précisions nécessaires.

Et voilà qu’a été ajouté – et au nom du vote conforme, vous voulez que ce soit maintenu – que « sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolutions dont le gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. »

On aurait pu comprendre, à la rigueur, que l’on ait confié au Conseil d’État ou au Conseil constitutionnel la mission de vérifier les conséquences de l’adoption d’une proposition de résolution. Mais il est absurde de prévoir que ce soit le gouvernement lui-même qui décide.

Je suis persuadé que chacune et chacun d’entre vous en est convaincu, mais comme ce texte doit être voté conforme, alors vous allez le voter conforme… Ce n’est pas du travail !

Pour notre part, nous voterons contre cette disposition.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d’État, certes, aujourd’hui, le Parlement ne peut pas voter de résolution puisqu’il n’a pas dans ce domaine de droits comparables à ceux qui existent dans de nombreux pays.

Il a donc été décidé, par l’article 12, que le Parlement serait désormais autorisé à voter des résolutions. Quelle audace extraordinaire ! Mais, avant de discuter une résolution, le Parlement devra demander au gouvernement si ladite résolution ne le dérange pas. Pour l’heure, nous ne savons même pas encore dans quelles conditions cette proposition de résolution pourra être votée.

Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été développés sur la séparation des pouvoirs. Mais il est sûr que, si cette révision constitutionnelle est votée, il en sortira une confusion extrême des pouvoirs.

D’un point de vue pratique, eu égard au fonctionnement normal des assemblées, je conçois mal que l’on puisse tenir des propos aussi absurdes !

M. Didier Boulaud. Grossiers !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les propositions de résolutions seront soit votées, soit rejetées par les assemblées. Il est donc inutile que le gouvernement, par un moyen que nous ignorons, décide de leur recevabilité.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Tout a été dit ! Je me demande malgré tout comment on peut vouloir inscrire dans une Constitution une disposition qui, à la fois, affirme le droit de résolution – ce qui est très bien – et soumet ce droit à la censure du gouvernement, puisqu’il est écrit que c’est « le gouvernement [qui] estime » si sa responsabilité peut être mise en cause.

Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Si le gouvernement veut s’exprimer, il fera entendre sa voix au moment où l’Assemblée ou le Sénat délibérera. Mais comment peut-il lui-même déclarer irrecevable une proposition de résolution en fonction d’une estimation que l’on ne peut que qualifier de subjective ? Je ne vois vraiment pas comment on peut mettre en œuvre une telle disposition ?

La décision sera à la complète discrétion du gouvernement. Vous créez un droit de résolution. Vous affirmez que c’est un grand progrès, mais vous ajoutez aussitôt : « Excusez-nous, sa mise en œuvre est à la discrétion du gouvernement. » L’axiome « donner et retenir ne vaut » trouve ici tout son sens.

C’est pourquoi, ne serait-ce que pour la plus simple raison constitutionnelle, je vous demande, mes chers collègues, de ne pas accepter cet ajout dans la Constitution.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 110.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 140 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 291
Majorité absolue des suffrages exprimés 146
Pour l’adoption 121
Contre 170

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 12.

(L’article 12 est adopté.)

Article 12
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article additionnel après l'article 13

Article 13

L’article 35 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.

« Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort.

« Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. »

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, sur l’article.

M. Didier Boulaud. Cet article revêt pour nous une importance toute particulière, puisqu’il traite de la guerre, de la paix, de la défense et de la politique étrangère de notre pays.

Nous souhaitons l’amender pour qu’il apporte un changement réellement significatif dans un domaine où la VRépublique présente, reconnaissons-le, de sérieuses déficiences. C’est donc bien volontiers que nous remettons l’ouvrage sur le métier ! Nos amendements tendent à compléter et à améliorer la rédaction de l’article 13 du projet de loi ; ils entendent également souligner toute l’attention que le Parlement devrait porter aux opérations militaires, lesquelles engagent souvent des centaines de soldats français dans des conflits lointains.

Cet article devrait pouvoir constituer, pour le Parlement, une réelle avancée démocratique, de nature à permettre à la France de se comparer avantageusement aux autres grandes démocraties. Mais, pour en arriver là, il faudrait que nos amendements soient adoptés ! À défaut, nous resterons des nains politiques face à la toute puissance de l’exécutif.

Voilà pourquoi nous présentons plusieurs amendements qui, tous, poursuivent la même finalité, à savoir accroître le rôle du Parlement dans les domaines de la défense et des affaires étrangères et, ainsi, contribuer à la mise à mort du néfaste « domaine réservé », véritable tabou institué par la pratique institutionnelle de la Ve République.

Nos amendements cherchent également à créer un système équilibré, prudent, certes soucieux des prérogatives légitimes de l’exécutif, mais aussi capable de garantir la protection et la sécurité des hommes et des femmes qui participent aux opérations militaires extérieures.

Pour résumer, nous proposons un dispositif responsable et efficace.

D’abord, en demandant un vote du Parlement sur les interventions militaires, nous lui permettons d’assumer et d’exercer, en toute responsabilité, un véritable rôle de contrôle.

Ensuite, en soumettant toute prolongation d’une intervention militaire à une autorisation parlementaire, qui devra être renouvelée tous les six mois, nous garantissons l’efficacité de ce contrôle, celui-ci ne pouvant se réduire à un chèque en blanc donné une fois pour toutes.

Enfin, en demandant au Gouvernement d’informer le Parlement sur le contenu des accords de défense et de coopération militaire, nous apportons une contribution effective à la nécessaire rénovation de notre politique étrangère.

Telle est, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, la philosophie générale de notre démarche. Nous souhaitons sortir du virtuel pour donner au Parlement les moyens de contrôler véritablement l’action de l’exécutif ; c’est la preuve de notre bonne volonté.

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 53 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L’article 35 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 35 - Toute intervention des forces armées à l’extérieure du territoire de la République est autorisée par le Parlement, y compris hors session. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Avec cet amendement, nous souhaitons donner au Parlement un réel pouvoir sur les conditions d’intervention de nos forces armées à l’étranger.

Aux termes de l’article 35 de la Constitution de la VRépublique, nos assemblées n’ont à se prononcer qu’en cas de déclaration de guerre. Or l’idée de déclarer officiellement la guerre dans des conflits d’une complexité sans commune mesure avec ceux d’hier n’est plus adaptée au monde d’aujourd’hui.

Cette disposition obsolète conduit donc à une situation dans laquelle la décision finale d’envoi de nos troupes reste du seul ressort du Président de la République, en sa qualité de chef des armées.

Cette pratique, qui tient d’ailleurs plus, comme Didier Boulaud vient de le rappeler, de la coutume que de la Constitution proprement dite, veut que les affaires étrangères et la défense constituent le domaine réservé du Président de la République. Elle ne correspond plus aux réalités et aux exigences de notre époque. Aussi souhaitons-nous que le Parlement soit amené à se prononcer par un débat, suivi d’un vote, sur l’opportunité d’une intervention à l’étranger et qu’il autorise le Gouvernement à la mener.

Pourquoi attendre quatre mois après le début d’une intervention pour solliciter l’autorisation du Parlement ? C’est au nom de la France et avec l’adhésion des représentants du peuple que la décision d’engager nos troupes doit être prise. Certes, il faut s’entendre sur la définition du terme « intervention » et préciser les critères permettant d’identifier celles qui doivent donner lieu à autorisation du Parlement.

Ces critères devraient, notamment, être quantitatifs, c’est-à-dire fonction de l’importance de l’opération, et prendre également en compte les répercussions politiques de l’intervention, tant intérieures qu’extérieures.

Il ne s’agit pas de faire en sorte que le Parlement se prononce sur tous les types d’interventions. Il faut exclure celles qui ont un caractère d’extrême urgence, par exemple celles qui visent à protéger nos ressortissants, celles qui nécessitent confidentialité et rapidité pour être efficaces, ou bien encore celles qui se déroulent à l’étranger, dans le cadre d’exercices communs avec d’autres pays. Il faut exclure également les interventions d’urgence décidées en application de l’article 51 de la Charte des Nations unies pour réagir à l’invasion d’un pays.

En revanche, lorsqu’il s’agit de l’envoi de militaires en corps constitués à des fins opérationnelles, ce qui peut comprendre des missions de combat, dans des situations politiques souvent complexes, et dans le cadre d’un mandat international, nous pensons que les élus du peuple doivent prendre leurs responsabilités.

Le projet de loi prévoit de demander l’autorisation du Parlement au bout de quatre mois. Mais n’est-il pas préférable de l’associer, en amont, à la décision initiale plutôt que de le mettre ainsi devant le fait accompli ?

Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, une nouvelle rédaction de l’article 35 de la Constitution.

M. le président. L’amendement n° 55, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information donne lieu à un débat suivi d’un vote dans les conditions fixées par le règlement des assemblées, dans les deux semaines suivant le début de l’intervention.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Nous sommes l’un des rares pays européens dans lequel le Parlement n’est ni informé ni consulté lorsque nos armées sont amenées à intervenir à l’extérieur de nos frontières. Ce sont pourtant des décisions d’une grande importance, puisqu’elles sont menées au nom de la France et qu’elles engagent souvent la vie des hommes et des femmes qui servent dans nos forces armées.

Or ce type de décision est pris en cercle restreint et, in fine, par un seul homme, le Président de la République. À une époque où l’information circule vite, la représentation nationale ne peut plus être tenue à l’écart de décisions aussi graves.

Ces opérations, qui se sont multipliées ces dernières années, outre qu’elles sont dangereuses – il nous faut déplorer plusieurs dizaines de morts et plusieurs centaines de blessés –, sont de plus en plus longues et de plus en plus coûteuses. Dans ces conditions, il semble tout à fait logique, et même démocratique, de proposer un contrôle du Parlement sur l’emploi de nos forces armées à l’étranger.

En modifiant le rapport entre le Parlement et l’exécutif sur ce sujet essentiel, le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale contient déjà de timides avancées dans le sens que nous souhaitons. Mais si vous avez vraiment la volonté, mes chers collègues, de renforcer les pouvoirs du Parlement, alors vous avez une excellente occasion de le prouver maintenant !

Ainsi, l’article 13 du projet de loi prévoit une information du Parlement sur les conditions et les objectifs des opérations extérieures, dans les trois jours qui suivent le début de celles-ci : c’est bien la moindre des choses ! Il prévoit également un débat, qui s’avère certes nécessaire pour que le pays, par la voie de ses représentants, puisse connaître les tenants et les aboutissants de chaque situation. Néanmoins, le Parlement ne saurait se satisfaire d’une simple information. Il faut également prévoir dans la Constitution l’autorisation par vote du Parlement ; ce serait tout simplement une marque de respect à l’égard du peuple français.

Les interventions de nos troupes à l’étranger, pour être légitimes, ne peuvent se réaliser qu’avec le soutien de la Nation. Comment peut-on imaginer que de telles opérations soient menées contre l’avis de l’opinion publique ou des forces politiques du pays ? À l’inverse, si les enjeux de l’opération sont clairement exposés, en toute transparence, pourquoi douter de l’adhésion du pays ?

Pour ces raisons, nous proposons, à travers cet amendement, que le Parlement puisse voter sur l’opportunité d’une opération extérieure quinze jours après le début de l’intervention. Ce délai de quinze jours nous paraît raisonnable en ce qu’il permet au Parlement d’intervenir avant que le déploiement de nos troupes ne devienne difficilement réversible.

M. le président. L'amendement n° 111, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information donne lieu à un débat qui peut être suivi d'un vote.

La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. L’introduction dans la Constitution d’une procédure d’information et de contrôle du Parlement sur les interventions des forces armées à l’étranger constitue, certes, une nouveauté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous le reconnaissez, quand même !

M. Didier Boulaud. Ce ne serait cependant qu’une avancée toute relative si nous étions cantonnés au rôle de spectateurs recevant une simple information.

M. Robert Bret. Une avancée bien timide, en effet !

M. Didier Boulaud. Naturellement, il ne s’agit pas d’empiéter sur les prérogatives de l’exécutif…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah bon !

M. Didier Boulaud. … et nous n’entendons pas que puissent être mises en cause l’efficacité des interventions de nos forces armées ou la sécurité de nos militaires. À cet égard, le dispositif que nous proposons – une information donnant lieu à un débat, éventuellement suivi d’un vote – nous semble équilibré, rationnel et prudent.

Sur certains points, la pratique parlementaire future viendra fournir un mode d’emploi qui fait aujourd’hui défaut : ce sera notamment le cas pour les différents types d’interventions extérieures, les modes mêmes d’information du Parlement, la date de début de l’intervention, etc.

Sur ces sujets importants, nous pouvons accepter que l’article 13 du projet de loi laisse subsister des marges d’interprétation. Toutefois, il y a des principes sur lesquels nous ne voulons pas transiger. Que serait en effet un Parlement qui ne voterait même pas sur une question aussi essentielle que l’envoi de troupes à l’étranger ? Lorsqu’il s’agit d’envoyer sur une terre étrangère, à des fins opérationnelles, des militaires en corps constitués, il nous paraît indispensable que les Parlementaires puissent prendre leurs responsabilités en se prononçant par un vote. Du reste, un tel vote constituerait pour le Gouvernement un soutien indispensable.

Mes chers collègues, vous n’êtes pas sans savoir qu’un contingent français supplémentaire est en partance pour l’Afghanistan, où, hier encore, des militaires américains ont été tués. Le danger est donc réel ! Nous espérons tous, bien sûr, que nous n’aurons pas à déplorer de telles pertes dans les temps qui viennent. Il reste que, si le Parlement, lorsqu’il en a débattu, avait eu à se prononcer sur cette question de l’envoi de militaires en Afghanistan, le Gouvernement pourrait au moins se prévaloir du soutien du peuple exprimé par la voix de ses représentants. Aujourd’hui, il est trop tard, mais nous savons que les 550 militaires français qui se rendent en ce moment en Afghanistan vont se trouver confrontés, dans les semaines à venir, à des situations extrêmement périlleuses. Il est, par conséquent, fort regrettable que les représentants du peuple n’aient pas eu à se prononcer sur ce choix.

Ne nous trompons pas de débat : les parlementaires sauront faire preuve de responsabilité, tout comme le Gouvernement ; mais il nous faut un système équilibré, qui prenne en compte la nécessaire efficacité des opérations militaires et la non moins nécessaire protection des hommes et des femmes qui en sont les acteurs. Lorsque le pays est engagé dans une opération militaire – surtout si, comme je viens de l’expliquer, elle est complexe, dangereuse, difficile –, le Gouvernement a intérêt à pouvoir s’appuyer sur la confiance et le soutien de la représentation nationale. Sinon, il sera seul à assumer cette responsabilité. Pour notre part, mes chers collègues, nous sommes prêts à l’y aider ; j’espère qu’il en est de même pour vous.

Nous sommes sur le point de réaliser, avec l’article 13, une avancée démocratique majeure. Nous n’avons cependant pas inventé grand-chose puisque plusieurs grandes démocraties européennes ont déjà mis en place de tels dispositifs institutionnels. Toutefois, si nous voulons que le Parlement puisse à la fois être informé et contrôler la mise en œuvre des opérations, il nous faut adopter cet amendement, faute de quoi l’équilibre serait rompu.

M. le président. L'amendement no 112, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa de cet article :

Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, la poursuite des opérations est soumise au vote des assemblées tous les six mois.

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Cet amendement s’inscrit dans la logique générale de nos propositions et la conforte.

Ces dernières années, les opérations extérieures se sont multipliées, et il y a fort à parier que cela continuera ; elles sont aussi plus complexes, plus longues et de plus en plus coûteuses. Leur contrôle continu par le Parlement est donc plus que jamais indispensable, surtout pour éviter l’enlisement de nos troupes et la dérive de nos finances publiques, dont il a beaucoup été question ce matin.

Le coût des interventions extérieures est élevé. En 2009, il est envisagé d’y consacrer 1 milliard d’euros ; ce sera probablement davantage ! Ces dépenses ont été évaluées à 880 millions d’euros pour l’année 2008, dont, malheureusement, seulement 475 millions avaient été programmés dans la loi de finances.

Nous souhaitons donc pouvoir exprimer la même attention à l’égard des interventions qui se prolongent et s’installent dans la durée, contraignant nos forces armées à des efforts importants en matière de relève et la nation, à des efforts budgétaires croissants. Il y va de la crédibilité et donc de l’efficacité de notre engagement. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ce ne sont pas 700 militaires, mais seulement 550 qui partent pour l’Afghanistan : le problème de la relève se pose déjà !

Les parlementaires peuvent exercer un droit de contrôle sur les opérations sur place. Ainsi, notre commission des affaires étrangères et de la défense, dont je salue l’initiative, développe des missions en ce sens en se rendant sur les théâtres d’opération à raison de deux parlementaires sur chaque théâtre, ce qui est très bien.

C’est très bien, mais nous pensons qu’il n’en est que plus nécessaire de donner au Parlement, quand les interventions se prolongent, la capacité de voter pour renouveler, le cas échéant, son autorisation concernant ce type d’interventions extérieures. Il ne serait pas logique de donner une autorisation une fois pour toutes… Ce n’est pas la guerre de Cent Ans ! Certaines opérations extérieures ont tendance à durer des années, et même à s’enliser. Le Parlement doit-il, alors, rester les bras ballants ?

Nous demandons simplement que le vote du Parlement soit ensuite réitéré, car il ne serait pas normal qu’il ne puisse plus en délibérer : nous considérons qu’on ne peut pas donner au Gouvernement une autorisation valable pour… l’éternité !

M. le président. L'amendement no 57, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'autorisation de cette prolongation est renouvelée de quatre mois en quatre mois.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet amendement a pour double objet d’éviter les dangers d’enlisement d’une opération extérieure que vient d’évoquer Didier Boulaud et de combler un vide juridique.

On voit bien que, lorsqu’une opération dure trop longtemps et que les raisons qui l’ont motivée ont évolué – je pense précisément à la Bosnie, à l’Afghanistan ou encore à la Côte d’Ivoire –, il convient de s’interroger sur l’opportunité de la présence de nos troupes dans le pays où elles opèrent. Quelle est la meilleure façon de le faire pour les opérations qui, comme c’est actuellement le cas pour certaines, se poursuivent depuis trois, quatre ou cinq ans, sinon d’en saisir le Parlement ?

Il nous est proposé, dans le projet, d’autoriser la prolongation d’une intervention à l’étranger si celle-ci excède quatre mois, ce délai correspondant grosso modo à la durée moyenne de séjour des unités envoyées à l’étranger, le problème de la relève se posant ensuite. Mais que se passera-t-il quatre mois après que les assemblées auront voté l’autorisation, si l’opération se poursuit ? Si rien n’est prévu, comment seront-elles informées de l’évolution de la situation ? Surtout, pourquoi n’auraient-elles pas à se prononcer de nouveau sur le maintien ou le retrait de nos troupes ?

Nous vous proposons donc, mes chers collègues, le renouvellement régulier, par un vote tous les quatre mois, de l’autorisation de prolonger une intervention militaire à l’étranger.

M. le président. L'amendement no 56, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Cette prolongation est autorisée en vertu d'une loi.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Le Gouvernement devrait désormais soumettre à l’autorisation du Parlement la prolongation d’une intervention de nos troupes à l’étranger lorsque la durée de celle-ci excède quatre mois. Il faut le reconnaître, c’est là une avancée démocratique qui, assurément, permettra à la fois un meilleur contrôle du Parlement sur l’engagement de nos forces et une forme d’association de la représentation nationale à ce type de décision.

Toutefois, les modalités de cette décision ne sont pas vraiment précisées.

Irritée par une formulation maladroite de nos collègues députés et soucieuse d’harmoniser cette procédure avec celle qui est prévue à l’article 53 de la Constitution pour la ratification des accords internationaux, la Haute Assemblée avait décidé, en première lecture, que l’autorisation serait donnée en vertu d’une loi. Il semble que, en effet, s’agissant de décisions de cette importance – qui, je le rappelle, engagent le Gouvernement et ont des conséquences sur la vie des personnels, la sécurité de nos compatriotes et le poids de notre pays dans le monde –, la procédure législative, même si elle est un peu lourde, marque le niveau de solennité nécessaire.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous propose, au travers de cet amendement, de rétablir la procédure législative pour autoriser la prolongation d’une intervention de nos troupes à l’étranger.

M. le président. L'amendement no 11, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. – Après l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À l'expiration d'un délai de six mois après la première autorisation de prolongation de l'intervention, le Gouvernement soumet toute nouvelle prolongation à l'autorisation du Parlement, dans les conditions fixées à l'alinéa précédent. Cette autorisation devra intervenir, pour toute prolongation ultérieure, tous les six mois dans les mêmes conditions.

II. – Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

du délai de quatre mois

par les mots :

des délais mentionnés aux alinéas précédents

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne également la prolongation des interventions.

Si nous décidons, à travers cette réforme, de mieux contrôler l’envoi des forces françaises à l’étranger, il faut alors les contrôler du début à la fin.

Le contrôle doit commencer en amont et porter notamment sur la légalité de l’intervention. Or, si j’ai bien compris les propos de M. Charasse lors de la première lecture, l’absence de ratification peut amener à s’interroger sur cette légalité. C’est donc un véritable problème, et il devrait être traité très tôt dans le processus d’autorisation.

Par ailleurs, dans sa rédaction actuelle, l’article 13 conduirait purement et simplement, une fois la prolongation de l’intervention votée, à accorder un blanc-seing au Gouvernement au bout de quatre mois de présence.

Notre rôle n’est pas seulement de contrôler l’envoi des troupes ; il est également de contrôler leur évolution et leur maintien. Malheureusement, l’article13 est muet sur cette question : une fois les forces envoyées et la prolongation accordée, le Parlement fermera les yeux sur l’avenir de nos contingents ainsi que sur l’issue de l’intervention.

Pourtant, s’agissant des interventions à l’étranger, le véritable risque tient non pas à l’envoi des troupes, mais à l’enlisement éventuel dans des opérations militaires aussi inutiles que coûteuses en termes financiers et humains. L’expérience américaine en Irak mais aussi celle des troupes françaises en Afghanistan nous le prouvent aujourd’hui ; et elles risquent de nous le prouver encore longtemps !

Le contrôle sera donc non seulement un contrôle d’opportunité, mais aussi un contrôle d’efficacité. Il permettra au Gouvernement de justifier devant la représentation nationale l’utilité stratégique et politique de l’intervention.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de mettre en place un contrôle régulier du maintien des troupes françaises à l’étranger. Puisque le projet de loi vise à octroyer davantage de pouvoirs au Parlement, notamment un pouvoir de contrôle, je vous suggère de donner corps à cette volonté en adoptant cet amendement.

Par ailleurs, notre proposition permettrait également à nos concitoyens de mieux comprendre l’intervention des troupes françaises à l’étranger ; car le peuple se pose parfois des questions sur l’opportunité et l’efficacité de certaines opérations militaires.

M. le président. L'amendement no 113, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

« Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il est réuni en session extraordinaire. »

La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. S’il se produit des événements d’une particulière gravité nécessitant un engagement très important des forces armées, on ne peut pas imaginer que le Gouvernement laisse le Parlement dans l’ignorance de la situation. Nous pouvons donc penser qu’il convoquera une session extraordinaire, et ce serait bien normal.

Toutefois, nous ne souhaitons pas que la réunion du Parlement en session extraordinaire reste à l’exclusive discrétion de l’exécutif. C’est la raison pour laquelle il nous paraît nécessaire de prévoir que cette session extraordinaire sera convoquée de droit.

M. le président. L'amendement no 114, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Il s’agit ici du thème récurrent de la nécessaire information du Parlement sur le contenu des accords de défense et de coopération militaire. Le sujet est même devenu une sorte de « marronnier » parlementaire : à chaque réforme, on en reparle ! On promet aussi beaucoup, mais nous ne voyons jamais rien venir !

Afin d’en finir avec cette lancinante ritournelle, nous proposons d’inclure dans la Constitution une disposition tout à fait claire, prévoyant simplement que « le Gouvernement informe le Parlement du contenu des accords de défense et de coopération militaire en vigueur, dans les conditions fixées par le règlement des assemblées ».

Cela nous paraît d’autant plus indispensable que, à l’exception de celles auxquelles nous participons en vertu d’un mandat international, nos interventions militaires à l’étranger se fondent souvent sur des accords de défense signés avec des pays tiers.

Je rappelle que le Président de la République s’est lui-même engagé « à rendre publics tous nos accords de défense ». C’était le 28 février 2008. Certes, il s’exprimait devant le Parlement sud-africain, mais j’imagine que cela valait aussi pour le Parlement français !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n’a pas à être inscrit dans la Constitution !

M. Didier Boulaud. Certains de ces accords, on ne peut pas l’ignorer, mes chers collègues, peuvent avoir des conséquences politiques et militaires de taille : ils légitiment juridiquement et politiquement l’engagement de nos troupes et déterminent le caractère de nos interventions. Ce fut le cas au Rwanda, en Côte d’Ivoire et, plus récemment, au Tchad.

Le Parlement doit-il encore et toujours rester en marge ?

Aujourd’hui, rien ni personne ne devrait s’opposer à ce que nous puissions inscrire dans la Constitution un principe sur lequel tout le monde, ici comme à l’Assemblée nationale, semble d’accord.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’ai eu l’impression, monsieur le président, de revivre la première lecture : mêmes amendements, mêmes discours de M. Boulaud…

M. Didier Boulaud. Et toujours aussi brillants ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sans doute, mais une fois suffit : nous en étions tellement pénétrés en première lecture que nous n’avions pas besoin d’une répétition, d’autant moins que, hélas, elle ne fut pas plus brève !

Quoi qu’il en soit, toutes les explications ont été données en première lecture.

C’est tout de même paradoxal : jamais dans la Constitution le Parlement n’avait été associé à ces questions, et cette réforme, vous l’avez d’ailleurs vous-même reconnu, monsieur Boulaud, marque un renforcement indéniable des pouvoirs du Parlement. Mais vous voulez toujours plus !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En deuxième lecture, l’Assemblée nationale n’a apporté au texte adopté par le Sénat en première lecture que des changements de pure forme, et ces corrections méritaient effectivement d’être apportées. C’est même pour cette raison que cet article fait l’objet de la navette : sans ces corrections de pure forme, aucun amendement n’aurait, de toute façon, pu être déposé ! Rien n’a été modifié sur le fond, et le résultat nous convient parfaitement ! En l’occurrence, il ne s’agit pas de voter conforme : nous sommes en accord total avec l’Assemblée nationale !

J’émets donc un avis défavorable sur tous les amendements identiques à ceux que nous avons examinés en première lecture.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ainsi que vient de le souligner le rapporteur, cet article 13 du projet marque incontestablement une avancée démocratique importante, qui doit permettre au Parlement d’être informé et de contrôler la mise en œuvre des opérations extérieures.

Il faut, bien sûr, un système équilibré. Deux impératifs doivent être conciliés : d’une part, l’efficacité des opérations militaires que nous devons réaliser ainsi que la protection des hommes et des femmes qui les mènent ;…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … d’autre part, la nécessité, reconnue dans cet article 13, du contrôle parlementaire sur des opérations qui engagent notre pays.

Le Gouvernement a été à l’écoute du Parlement en première lecture. Les délais initialement prévus ont été réduits en ce qui concerne tant l’information du Parlement que la demande de son autorisation. Je pense sincèrement que l’équilibre qui a été trouvé est plutôt satisfaisant et correspond à la fois à une meilleure information du Parlement et, naturellement, à la protection du sort de nos soldats engagés à l’extérieur.

Cet équilibre ayant été trouvé en première lecture, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements.

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote.

M. Didier Boulaud. Monsieur le président de la commission des lois, c’est vrai, nous demandons toujours plus, et nous avons bien raison !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Didier Boulaud. Je rappellerai simplement le débat qui s’est déroulé dans cet hémicycle sur la constitution de la délégation parlementaire au renseignement, dont nous faisons partie, vous et moi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et dont je ne parle pas !

M. Didier Boulaud. En l’espèce, on aurait été bien inspiré de nous écouter et de demander plus !

Depuis six mois que cette délégation existe, permettez-moi de le dire, elle vivote !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On n’est pas censé parler de ce qui est fait par cette délégation !

M. Didier Boulaud. Si l’on avait été un peu plus ambitieux lors de sa création, il est probable qu’elle serait un peu plus efficiente !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est du devoir des membres de la délégation de ne pas s’exprimer sur ce qu’elle fait.

M. Alain Gournac. C’est un engagement qui a été pris !

M. Didier Boulaud. J’ai seulement dit qu’elle ne faisait rien. Elle dort !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis vraiment désolé de contrarier M. le rapporteur : je n’ai pas l’intention de faire durer le débat, mais il me semble utile de l’éclairer sur un point, ainsi que tous nos collègues.

Certes, nous formulons des propositions que nous avons déjà formulées en première lecture, mais, entre-temps, nos principes n’ont pas changé : nous sommes donc fondés à intervenir sur une question qui nous paraît principielle. Je pense qu’il ne se trouvera pas ici un seul de nos collègues pour affirmer que la question de la vie et de la mort, qui est sous-jacente dans toute intervention militaire, n’est pas d’ordre principiel. Par conséquent, il est légitime que nous nous y attachions et que nous insistions.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Jusqu’à présent, le Parlement n’était pas informé !

M. Jean-Luc Mélenchon. On ne peut pas, sur une telle question, parler d’« avancée ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si !

M. Jean-Luc Mélenchon. Nous ne négocions pas ! Le peuple est souverain. Il est un et indivisible, sa représentation de même. On se conforme aux principes que l’on défend ou on ne s’y conforme pas.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quand même !

M. Jean-Luc Mélenchon. Pour nous qui sommes les héritiers lointains du texte de Jean Jaurès sur l’armée nouvelle (M. le rapporteur s’exclame), quelle que soit la forme de l’armée, y compris quand elle est professionnelle, elle est le peuple en armes. Par conséquent, la légitimité de l’intervention de la force, c’est la démocratie et cette légitimité est acquise dès lors qu’elle est l’expression du souverain, à savoir le peuple. Voilà pourquoi nous y attachons autant d’importance et d’intérêt.

Vous pourriez dire que le Président de la République, quand il prend la décision, est aussi l’expression de la souveraineté du peuple.

M. Jean-Luc Mélenchon. Oui, mais le pouvoir réside dans le Parlement, et lorsque vous vous présentez devant lui quatre mois après avoir engagé des troupes, il n’est pas vrai que sa décision est libre…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est la fonction exécutive !

M. Jean-Luc Mélenchon. …parce que le Parlement est composé de parlementaires responsables, qui savent que la présence des troupes sur le terrain modifie les conditions dans lesquelles la décision peut être prise, vous le savez comme moi. Regardez nos amis américains, qui ont fait la sottise d’aller en Irak malgré l’avis que la France avait exprimé avec beaucoup de prescience. Maintenant, même ceux qui étaient opposés à la guerre d’Irak savent bien que l’on ne peut pas retirer les troupes comme cela, parce qu’il s’agit d’une guerre et que l’on ne se retire pas d’un conflit du jour au lendemain.

Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas vrai que l’on améliore l’information du Parlement. (M. le secrétaire d’État manifeste son désaccord.) Le Parlement n’a pas à être informé : il doit décider.

MM. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, et Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Avant, on le consultait quand ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà un des faux-semblants de cette réforme : on donne le sentiment que l’on améliore l’autorité du Parlement parce qu’on le consultera quatre mois après avoir engagé des troupes. Mais il s’en passe des choses en quatre mois ! Oui, on peut dire que c’est une information, mais ce n’est plus une décision.

Donc, a contrario, l’introduction dans la Constitution d’une disposition ainsi rédigée signifie que le Parlement est dessaisi de la décision de faire intervenir des troupes.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est incroyable d’entendre cela !

M. Jean-Luc Mélenchon. Auparavant, il y avait un flou, un vide, qui faisait que l’on pouvait imputer telle ou telle caractéristique du chef de l’État qui procédait ou ne procédait pas à cette consultation.

Et ne me dites pas que démocratie et efficacité militaires sont contraires ! Deux exemples prouvent l’inverse.

Premièrement, pour ce qui est de la France, la Grande Guerre de 1914-1918 a été intégralement soumise au contrôle du Parlement, qui se réunissait en comité secret. Cela ne nous a pas empêchés de la gagner !

Deuxièmement, le Parlement a pu délibérer de l’envoi des troupes pour la première guerre du Golfe – j’en parle de façon d’autant plus détendue que je ne l’ai pas voté – la veille du commencement des hostilités.

Par conséquent, l’argument selon lequel la démocratie parlementaire serait inconciliable avec la nécessité de la rapidité de la décision et de son efficacité ne tient pas ! C’est un choix délibéré que nous analysons comme un renforcement de la monocratie qui, dorénavant, sera consolidée par cette disposition que l’on introduit dans la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 14

Article additionnel après l'article 13

M. le président. L'amendement n° 115, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

... - Le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une telle autorisation est exclue dès lors que les mesures envisagées sont relatives aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. En première lecture, le Sénat a adopté sans modification l’article 13 bis, introduit dans le projet de loi constitutionnelle par l’Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur de la commission des lois. Cet article qui tend à imposer la ratification expresse des ordonnances prises en vertu de l’article 38 de la Constitution.

Il s’agit d’une avancée importante, mais insuffisante. Elle risque même d’être contre-productive dans la mesure où le Gouvernement sera conduit à amplifier la pratique de la ratification par voie d’amendements. La ratification sera bien expresse, mais elle interviendra dans n’importe quel véhicule législatif, alors que la ratification d’ordonnances devrait donner lieu au dépôt de textes spécifiques.

En clair, le présent projet de loi constitutionnelle ne changera rien au recours périodique aux ordonnances tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Le rapporteur de la commission des lois du Sénat avait déclaré en première lecture qu’il n’aimait pas spécialement le recours aux ordonnances.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je le confirme !

Mme Gisèle Printz. Il a rappelé que le Sénat l’avait refusé à propos de certains sujets fondamentaux tels que les prescriptions en matière civile.

Nous partageons cet état d’esprit et nous proposons même de l’élever en principe constitutionnel.

Si nous sommes opposés à la suppression de l’article 38 de la Constitution, nous sommes encore plus résolus à penser qu’il est nécessaire de limiter le champ d’intervention des ordonnances en excluant le recours à cette facilité lorsqu’elles concernent la compétence normative du Parlement qui a trait à la protection des droits et libertés des citoyens.

Cet amendement, qui vise à compléter le texte adopté par l’Assemblée nationale, nous permettrait d’agir préventivement afin de renforcer notre droit positif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet le même avis défavorable qu’en première lecture.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 13
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Articles additionnels après l'article 14

Article 14

L'article 39 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Dans la dernière phrase du dernier alinéa, les mots : « et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France » sont supprimés ;

2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.

« Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours.

« Dans les conditions prévues par la loi, le président d'une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose. »

M. le président. L'amendement n° 116, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Les avis du Conseil d'État sur les projets de loi sont rendus publics après leur adoption en conseil des ministres. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement concerne un problème que nous avons déjà évoqué en première lecture – c’est le propre de la deuxième lecture que d’amener à revenir sur des thèmes déjà abordés lors de la première lecture –, celui de la publicité des avis du Conseil d’État.

Nous savons tous que le secret qui entoure les avis émis sur les projets de loi par le Conseil d’État, en tant que conseiller du Gouvernement, est des plus relatifs puisque nombre de nos collègues bénéficient en fait de la possibilité d’en prendre connaissance.

Alors que le Sénat avait, quant à lui, considéré que le Conseil d’État devait conseiller uniquement le Gouvernement, l’Assemblée nationale a réintroduit l’idée selon laquelle il pourrait conseiller aussi le Parlement puisque le président de l’assemblée concernée aura la faculté de lui soumettre pour avis des propositions de loi.

Mais qui sera destinataire de cet avis ? L’auteur de la proposition de loi ? Sera-t-il alors censé le garder secret ou pourra-t-il le rendre public ? Dans ce dernier cas, il y aurait, d’un côté des avis rendus publics sur les propositions de loi et, de l’autre, des avis faussement secrets sur les projets de loi. Il serait beaucoup plus simple de mettre le droit en rapport avec la réalité et de rendre ces avis publics.

On nous a dit, en première lecture, que cela pouvait entraîner des controverses. Mais maintenir le secret uniquement sur les avis concernant les projets de loi risquerait de faire naître la confusion. C’est pourquoi nous proposons de faire ce pas vers la simplicité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avions effectivement supprimé, en première lecture, la disposition permettant – car il s’agit d’une simple faculté – que le Conseil d’État donne des avis sur les propositions de loi. L’Assemblée nationale l’a rétablie, en précisant toutefois que l’auteur de la proposition de loi peut s’y opposer, faute de quoi il risquerait de considérer que sa proposition n’est soumise au Conseil d’État que parce qu’on n’en veut pas.

L’équilibre qui a été trouvé à l’Assemblée nationale nous a semblé satisfaisant. Personnellement, en première lecture, j’y étais favorable.

Cela étant, M. Frimat traite d’un autre sujet puisqu’il évoque les avis du Conseil d’État sur les projets de loi. Or il n’est pas question d’inscrire dans la Constitution que les avis du Conseil d’État sur les projets de loi seront rendus publics ou non. Il y aura une loi : nous pourrons en rediscuter. C’est d’ailleurs une question qui est soulevée en permanence. En général, l’opposition est informée des avis du Conseil d’État avant la majorité ; c’est un état de fait. Quelquefois, nous avons connaissance de l’avis du Conseil d’État par des collègues de l’opposition qui bénéficient de réseaux. Tant mieux !

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est dans Libération !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela étant, nous préférons quand même être dans la majorité plutôt que dans l’opposition !

Quoi qu’il en soit, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Frimat, le Gouvernement partage votre préoccupation d’améliorer la qualité de la législation. Telle est la raison pour laquelle l’article 14 prévoit la possibilité, pour le Parlement, de saisir pour avis le Conseil d’État d’une proposition de loi.

En revanche, le Gouvernement ne partage pas votre position pour ce qui concerne la publicité des avis rendus par le Conseil d’État. L’avis appartient à celui à qui il est rendu. Il faut, me semble-t-il, laisser chaque destinataire libre de lui donner la publicité qu’il souhaite. En particulier, il est préférable de ne pas obliger le Gouvernement à rendre publics les avis du Conseil d’État. C’est, nous le savons bien, un des facteurs de la liberté dont le Conseil d’État sait faire preuve à l’égard du Gouvernement. Il est plus facile de faire au Gouvernement toutes les observations qui lui paraissent utiles si ces avis conservent un caractère confidentiel. Il serait dommage de risquer de mettre à mal cette liberté. Le fait que l’avis soit rendu public avant ou après le passage du projet en conseil des ministres est sans incidence à cet égard.

Monsieur Frimat, voilà pourquoi je souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, le Gouvernement en demandera le rejet.

M. le président. Monsieur Frimat, l’amendement n° 116 est-il maintenu ?

M. Bernard Frimat. Je le maintiens. Les amis de M. Karoutchi se chargeront de le rejeter ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chacun son boulot !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Évidemment, comme il s’agit de la deuxième lecture, vous ne voulez pas qu’il y ait la moindre modification.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est la même chose qu’en première lecture !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et pourtant, tout le monde estime normal que les avis du Conseil d’État sur les projets de loi soient rendus publics.

Vous dites que tout le monde les connaît. Je ne sais pas comment ceux qui les connaissent font pour les connaître mais, moi, je ne les connais pas !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Demandez à M. Badinter !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y aurait des réseaux, nous dites-vous ! S’il y a des réseaux et si tout le monde peut connaître ces avis, autant ne pas être hypocrite !

Si vous aviez accepté des propositions telles que celle-ci, aussi logiques que celle-ci, vous auriez peut-être rendu plus acceptable l’ensemble du projet de loi constitutionnelle, nous aurions pu être séduits par cette réforme. Mais vous ne voulez rien changer ! Vous allez même jusqu’à enlever des droits au Parlement tout en affirmant le contraire ! Là où tout le monde devrait être d’accord, vous ne l’êtes pas ! Vous pouvez être fiers de vous en adoptant une telle attitude… Pour notre part, nous maintenons notre position.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 117, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer les deuxième et troisième alinéas du 2° de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Permettez-moi, monsieur le président, mes chers collègues, de rappeler les termes des deuxième et troisième alinéas du 2° de l’article 14 :

*« La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.

« Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues ».

Derrière cette rédaction, se cache une idée qui doit, à notre avis, rejoindre le cimetière des fausses bonnes idées. Elle avait été défendue avec force par l’ancien vice-président du Conseil d’État, notamment au cours d’une réunion à laquelle il nous avait conviés. Il s’agit de prévoir qu’une étude d’impact doit être présentée avant le dépôt d’un projet de loi, ou même que celui-ci ne peut être déposé devant le Parlement que s’il a donné lieu préalablement à une étude d’impact. Cette idée magnifique recueille l’assentiment de brillants esprits, mais nous ne faisons pas partie de ceux qui l’approuvent. En effet, il suffit de considérer les choses très concrètement pour examiner les conséquences d’une telle mesure.

Prenons, mes chers collègues, l’exemple de ce projet de loi constitutionnelle. Certains membres des ministères concernés devraient établir une étude sur l’impact présumé des dispositions inscrites dans ce projet de loi constitutionnelle. Ainsi, les ministères seraient conduits à élaborer des textes qui entreraient nécessairement dans le débat politique. Or l’impact de telle ou telle mesure, c’est justement l’objet du débat politique. Croire qu’il pourrait y avoir, préalablement au débat politique, une sorte d’étude « objective » qui détaillerait l’impact prévisible des mesures proposées dans ledit projet de loi relève de la pure illusion !

Ma démonstration vaut pour pratiquement tous les projets de loi, mais permettez-moi de citer également, monsieur le président, le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés. Imaginez l’étude d’impact réalisée par le ministère chargé du sujet.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Celui de Borloo !

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle que soit la qualité de ladite étude, le débat parlementaire commencerait par la contestation vigoureuse de ses assertions et de ses conclusions. Sur un tel sujet, c’est d’emblée tout le débat qui est politique, et notre rôle est précisément de l’engager.

En revanche, il serait bien utile de doter le Parlement de moyens supplémentaires pour procéder aux évaluations nécessaires. Nous sommes d’accord pour que le Gouvernement et les groupes parlementaires puissent recourir à leur expertise propre, mais l’idée d’ajouter une étude d’impact censée être neutre est une pure utopie.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du 2° de cet article :

 « La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat comporte une étude d'impact et répond aux conditions fixées par une loi organique.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 117 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission l’a déjà expliqué, il lui semble intéressant que la loi organique détermine les documents qui devront accompagner un projet de loi. L’étude d’impact est l’un des éléments de travail qui ont été cités, mais ce n’est pas le seul. Il peut tout aussi bien s’agir d’une évaluation de la loi précédente, des rapports rédigés par tel organisme, telle commission ou tel groupe de travail qui auront été saisis.

La commission est défavorable à cet amendement parce qu’elle considère que les projets de loi doivent être accompagnés d’un certain nombre d’éléments propres à éclairer le Parlement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà une réponse qui manque d’impact ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement ne peut rejoindre les auteurs de cet amendement, car il partage pleinement le souci exprimé par l'Assemblée nationale d’améliorer la qualité de la législation.

Comme l’avait d’ailleurs relevé le Conseil d’État, de nombreuses circulaires ont été prises en la matière depuis plusieurs années, mais sans succès véritable. Une loi organique pourra notamment obliger le Gouvernement à accompagner les projets de loi de véritables études d’impact. Il s’agit simplement de prévoir des règles de meilleure qualité pour préparer la loi.

Dans ces conditions, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 118, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du 2° de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Le dernier alinéa du 2° de l'article 14 permet au président de chacune des deux assemblées de soumettre au Conseil d'État des propositions de loi avant leur examen en commission, dans les conditions prévues par la loi, sauf si l'auteur de la proposition de loi s'y oppose.

En première lecture, le Sénat avait supprimé cette disposition. Si vous étiez cohérents, mes chers collègues, et si l’impératif du vote conforme ne sévissait pas, vous devriez voter notre amendement.

Les objections émises en première lecture par le Sénat sont toujours pertinentes et justifient la demande de suppression de cette disposition, dont la portée a certes été amoindrie au cours de la navette puisque la demande d'avis sera facultative, au gré de la volonté non seulement du président de l'assemblée, mais aussi de l'auteur de la proposition.

Quoi qu’il en soit, cette disposition relève d’une grave confusion.

C’est une banalité de le rappeler, le Conseil d'État a deux fonctions : une fonction juridictionnelle et une fonction de conseil auprès du Gouvernement. À ce titre, il n’a donc pas à être le conseiller du Parlement. C’est confondre les genres que de solliciter l’avis du Conseil d’État sur une proposition de loi qui relève de la seule initiative du Parlement.

La confusion tient donc d’abord au fait que l’on méconnaît la différence entre l’exécutif et le législatif. Au demeurant, M. le président de la République a, à cet égard, donné cet après-midi une belle leçon de confusion ! L’exemple vient de haut, certes, mais, à tout prendre, nous sommes désolés de constater que la confusion dans ce domaine progresse de cette manière…

La confusion vient aussi de ce que, dans l’intervalle de quelques jours, le Sénat aura adopté des positions radicalement différentes. Où est donc sa crédibilité ?

En tout état de cause, nous ne jugeons pas de bonne politique de demander l’avis du Conseil d’État sur les propositions de loi, tout en rappelant que, selon nous, il convient que les avis du Conseil d’État sur les projets de loi soient rendus publics, ne serait-ce que pour respecter le principe d’égalité, puisque certains en ont connaissance cependant que d’autres demeurent dans l’ignorance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Manifestement, notre collègue Jean-Pierre Sueur n’a pas compris ce qu’était la navette !

M. Robert Bret. Surtout avec un vote conforme !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si nous adoptons les mêmes positions qu’en première lecture, il n’y aura jamais d’accord ! (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.)

Le fait de soumettre une proposition de loi à l’avis du Conseil d’État n’est qu’une simple faculté souhaitée par les députés. De plus, à la demande des députés de l’opposition, l’auteur de la proposition de loi peut le refuser, pour éviter toute pression des présidents des assemblées.

Après avoir lu avec attention les débats de l'Assemblée nationale et dialogué avec mon collègue rapporteur, cette disposition ne m’a pas paru constituer l’un des motifs d’opposition du Sénat pour parvenir à un accord entre nos deux assemblées.

M. Robert Bret. C’est regrettable !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Robert Bret. La commission mixte paritaire a déjà eu lieu ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’ai parlé de « dialogue », mon cher collègue ! Nous continuons le dialogue !

M. Robert Bret. Un dialogue interne à la majorité !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Par cet amendement, il est proposé de supprimer la possibilité pour le Parlement de solliciter, par l’intermédiaire du président d’une assemblée, l’examen d’une proposition de loi par le Conseil d’État.

Il s’agit simplement de permettre au Parlement de solliciter une expertise juridique complémentaire, qui ne peut être que bénéfique au renforcement de la sécurité juridique et à l’amélioration de la qualité de la législation. Cette décision est cohérente avec le renforcement des pouvoirs du Parlement et notamment avec la place plus grande qui sera donnée aux propositions de loi dans le partage de l’ordre du jour.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté avec l’accord du Gouvernement, j’y insiste, un sous-amendement socialiste prévoyant expressément que la saisine du Conseil d’État ne pourrait avoir lieu qu’avec l’autorisation de l’auteur de la proposition de loi. Il s’agit donc bien là d’une simple faculté mise à la disposition du Parlement si le président de l’assemblée et l’auteur de la proposition de loi le souhaitent, et uniquement dans ce cas.

Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C’est quand même incroyable !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vous qui êtes incroyable !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous nous donnez des leçons sur la navette. Normalement, celle-ci doit se poursuivre jusqu’à l’obtention d’un accord entre les deux assemblées.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il va y avoir accord !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On va y arriver !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne veut pas dire que l’on doit systématiquement refuser tout amendement, au motif que l’on veut obtenir un vote conforme.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Peut-être, mais c’est pourtant exactement ce que vous faites !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je m’en suis déjà expliqué hier, mais vous n’étiez pas là, monsieur Dreyfus-Schmidt. Vous n’avez rien compris au dialogue que nous avons engagé avec l’Assemblée nationale !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, M. le président de la commission des lois a l’habitude d’interrompre les orateurs !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Vous aussi, monsieur Dreyfus-Schmidt !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et encore plus que moi !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Résultat : vous n’acceptez aucun amendement. Vous venez encore de refuser que l’avis du Conseil d’État soit rendu public.

En revanche, vous voulez que le président d’une assemblée puisse soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose. C’est une inégalité, car les membres de l’opposition pourraient s’y opposer, alors que ceux de la majorité, évidemment, l’accepteraient.

Ce n’est absolument pas acceptable, mais peu importe ! Puisque cela a été voté, il faut le conserver ! C’est comme ça !

Nous le déplorons vivement et, bien évidemment, pour ce qui nous concerne, nous voterons l’amendement n° 118.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je n’avais pas prévu d’expliquer mon vote. Mais, ayant entendu la leçon de M. le président de la commission des lois sur la navette que nous aurions mal comprise, je me permets quelques observations.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous êtes même opposé aux amendements socialistes de l’Assemblée nationale !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous répondrai aussi sur ce point, monsieur le président de la commission des lois, puisque vous avez bien voulu m’interrompre, ce dont, moi, je vous remercie ! (Sourires.)

Je soulignerai tout d’abord que, lors de la première lecture, d’éminents collègues de notre assemblée, MM. Patrice Gélard et Jean-René Lecerf, ont tenu des propos tout à fait remarquables sur ce sujet.

En présentant leur amendement commun, M. Jean-René Lecerf a déclaré : « le Conseil d’État, qui est d’abord le conseiller du Gouvernement, n’a pas vocation à devenir celui du Parlement. De surcroît, il risquerait de se transformer progressivement en une nouvelle chambre dont les avis deviendraient rapidement incontournables. [...] le Parlement doit être laissé libre de choisir ses experts en fonction des différents textes qui lui sont soumis et qu’aucun monopole, ni même aucune priorité, ne devrait être réservé au Conseil d’État. »

Vous constaterez que je cite les bons auteurs !

J’en viens à la navette.

Monsieur le président de la commission des lois, le groupe socialiste du Sénat a le droit d’avoir une position différente de celle du groupe socialiste de l’Assemblée nationale. Vous le savez, le parti socialiste est très pluraliste…

M. Jean-Pierre Sueur. … et les points de vue s’expriment librement en son sein ! (Rires et exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est d’ailleurs quelque chose que vous aurez du mal à contester, mes chers collègues !

Par ailleurs, vous parlez d’accord, mais nous sentons bien la difficulté à laquelle nous nous heurtons. Vous avez décidé que cette lecture du texte serait la dernière – il n’y aura donc qu’une navette – et que le texte devait donc être adopté conforme en raison de la tenue du Congrès lundi prochain. Dès lors, les conditions dans lesquelles nous travaillons sont telles que la rédaction finalement adoptée sera loin du niveau que l’on pourrait attendre d’un texte aussi important que la Constitution !

Tout à l'heure, il a été question des propositions de résolution, dont l’examen est subordonné à l’avis du Gouvernement. Eh bien, plusieurs collègues de la majorité m’ont confié dans la salle des Conférences : « Vous avez tout à fait raison, mais nous ne pouvons rien faire puisque la décision a été prise d’obtenir un vote conforme. » Tout le monde sait cela !

Nous aurions pu également poursuivre la discussion sur cette affaire d’avis du Conseil d’État. Et il en est de même pour bien d’autres sujets !

Je regrette vraiment que, sur un débat aussi fondamental, on ne prenne pas davantage de temps.

Monsieur le président Hyest, vous nous parlez de vos négociations, de vos discussions.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’ai parlé de dialogue avec l’Assemblée nationale !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais dialogue entre qui et qui ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Entre rapporteurs, évidemment !

M. Jean-Pierre Sueur. « Évidemment », dites-vous. Mais je veux mettre les points sur les i !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est toujours comme ça !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est peut-être toujours comme ça, mais ce dialogue n’a lieu qu’entre le groupe UMP de l’Assemblée nationale et le groupe UMP du Sénat !

En revanche, lors de la tenue d’une commission mixte paritaire, les représentants de l’opposition sont invités à participer au débat, et c’est normal !

M. Robert Bret. Ce n’est pas leur conception du débat démocratique !

M. Jean-Pierre Sueur. Selon la conception qui est la vôtre, la fixation de ce qui doit être le droit et l’écriture de la nouvelle Constitution se décide lors de réunions du groupe majoritaire qui se tiennent ici, à l’Assemblée nationale, à Matignon, à l’Élysée... Telle n’est pas notre conception !

À l’heure où M. le Président de la République nous fait un certain nombre de propositions ou d’observations par le biais d’un entretien accordé au Monde – et je vois que plusieurs collègues sont, en ce moment même, absorbés par la lecture de ce journal –, nous pouvons constater que la méthode d’élaboration de ce texte est totalement contraire aux déclarations en question ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

M. Jean-René Lecerf. Effectivement, je pourrais me sentir quelque peu mal à l’aise puisque, voilà moins d’un mois, je faisais adopter à la quasi-unanimité le même amendement de suppression, avec le renfort de mes collègues Gérard Longuet et Jean-Pierre Raffarin.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne sont pas là !

M. Jean-Pierre Fourcade. J’avais voté contre !

M. Jean-René Lecerf. Effectivement, quelques collègues avaient voté contre, mais ils se comptent sur les doigts d’une seule main, et encore suis-je généreux !

Sur ce sujet comme sur d’autres, en un mois, je n’ai évidemment pas changé d’opinion. Je continue de considérer que cet avis du Conseil d’État sur les propositions de loi est au mieux inutile, au pis regrettable.

De même, je continue de penser que le fait de rendre public un avis du Conseil d’État sur les projets de loi constituerait une avancée et épargnerait aux rapporteurs cette espèce chasse au trésor qui consiste à se procurer ledit avis. Ils finissent toujours par l’obtenir, mais au prix d’une dommageable perte de temps !

De même, je considère qu’il s’agit à tout le moins d’une maladresse, mais plus vraisemblablement d’une erreur, de prévoir dans la Constitution que les ministres reprendront immédiatement leur fonction de parlementaire, éjectant ainsi leur suppléant !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Oh !

M. Jean-René Lecerf. Mon avis est resté le même sur tous ces sujets. J’essaie seulement de les mettre en regard, d’une part, du renforcement des pouvoirs du Parlement,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y en a pas !

M. Jean-René Lecerf. … et, d’autre part, des pouvoirs nouveaux qui sont donnés aux citoyens, notamment à travers l’institution de l’exception d’inconstitutionnalité. C’est pourquoi, bien que je n’aie pas changé d’avis, je voterai différemment. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 15

Articles additionnels après l'article 14

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 40 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je sais bien que nous sommes dans une procédure de navette accélérée, laquelle constitue d’ailleurs, pour le coup, une nouveauté ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Pas très accélérée, quand même !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une pratique nouvelle, même si cela ne figure pas dans la future révision constitutionnelle. Et la procédure est bien accélérée puisque vous n’acceptez aucun amendement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si vous trouvez que le rythme est accéléré, ce n’est pas notre avis !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On peut examiner les aspects positifs et négatifs de cette réforme, mais il n’en reste pas moins vrai que certains sujets sont très importants. Or, avec la méthode retenue, on aboutit à des réformes totalement surréalistes, qui ne correspondent pas du tout à l’esprit de nos institutions. Il en est ainsi de la possibilité de soumettre pour avis des propositions de loi déposées au Conseil d’État, de subordonner les propositions de résolution à l’avis du Gouvernement, etc. Ces réformes-là sont quand même des « ovnis constitutionnels » !

Souvenez-vous : nous avons eu un débat très important sur l’article 40 de la Constitution. Sa suppression fut repoussée à quelques voix près par notre assemblée. Compte tenu de la configuration de notre assemblée, cela signifie que des membres de la majorité UMP – je ne sais plus qui – étaient favorables à cette suppression. Cela vaut donc la peine que nous en discutions plus avant.

L’article 40 de la Constitution empêche toute initiative parlementaire engendrant des dépenses nouvelles. Or il est appliqué de manière sans cesse plus restrictive.

Au Sénat, jusqu’à une époque encore récente, l’article 40 n’était invoqué, si nécessaire, qu’après la présentation de l’amendement en séance publique. C’était, somme toute, relativement démocratique. Cela s’expliquait, tout le monde l’avait bien compris, par l’impossibilité pour le Sénat de renverser le Gouvernement. Depuis l’année dernière, bien que le Sénat n’ait toujours pas la possibilité de renverser le Gouvernement, sous la ferme impulsion de M. Arthuis, le Sénat décidait d’appliquer strictement, excessivement même, comme à l’Assemblée nationale, l’article 40. Ainsi, les amendements jugés trop dépensiers sont-ils déclarés irrecevables par la commission des finances avant même leur dépôt au service de la séance.

Tout dernièrement, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’économie, un amendement déposé non seulement par le groupe communiste républicain et citoyen, mais aussi par le groupe socialiste, visant à obliger les opérateurs privés de téléphonie mobile à créer des tarifs adaptés aux plus défavorisés, a été « retoqué » par la commission des finances, car cette dernière supputait qu’en cas de refus des opérateurs ce serait à l’État d’intervenir. Cela laisse présager ce que sera l’avis préalable du Gouvernement sur une proposition de résolution !

Ce cas extrême montre bien jusqu’où peut aller une interprétation extensive, sans limite, de l’article 40.

M. Arthuis, président de la commission des finances, serait-il le Dr Jekyll et Mr Hyde du droit d’amendement ? (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Il a en effet lui-même proposé, en première lecture, de manière selon moi très judicieuse, la suppression de l’article 40 de la Constitution, au nom d’une amélioration des prérogatives parlementaires en matière budgétaire – il avait même parlé de « maturité parlementaire » ! –, alors que c’est lui qui organise la chasse à l’amendement dépensier depuis plusieurs mois. Comprenne qui pourra !

S’il est un symbole de la primauté de l’exécutif sur le Parlement, c’est bien celui-là : en juillet 2007, le Gouvernement de M. Fillon prélève plusieurs millions d’euros au profit des plus aisés, dans le cadre de la loi TEPA, alors qu’un parlementaire ne peut même pas proposer 100 euros de dépenses publiques,...

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Mais si !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... même compensées par des ressources nouvelles. Là, on mesure bien l’équilibre entre les droits du Parlement et ceux de l’exécutif !

Ceux qui souhaitent réellement revaloriser le rôle du Parlement – puisqu’il n’est question que de cela du côté de la majorité et du Gouvernement ! – peuvent adopter notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avions débattu de ce sujet pendant près d’une soirée entière en première lecture. La commission confirme l’avis défavorable qu’elle avait alors émis sur des amendements ayant le même objet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement confirme également son avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. À mon sens, la suppression de l’article 40 de la Constitution a évidemment une portée symbolique. De ce point de vue, Mme la présidente du groupe CRC, a longuement défendu le retour à la « maturité du Parlement ».

Toutefois, l’article 40, que le Sénat applique enfin de manière correcte, depuis une intervention du Conseil constitutionnel – je m’en félicite, car l’interprétation qui en était précédemment faite ici me paraissait un peu trop laxiste –, est un élément important de la vie parlementaire.

Au moment où nous avons les plus grandes difficultés à convaincre nos partenaires de l’Eurogroupe et de l’Union européenne que nous faisons des progrès sur la voie de la sagesse financière, la suppression de l’article 40 de la Constitution nous ferait immanquablement passer pour des laxistes chroniques. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.)

C'est la raison pour laquelle je m’oppose à l’amendement n° 58 rectifié. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 40 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les dispositions fiscales dérogatoires qui ont pour conséquence une diminution des ressources publiques ou l'aggravation d'une charge publique sont abrogées dans un délai de trois ans à compter de leur entrée en application, à défaut de la présentation par le gouvernement au Parlement d'une évaluation de leur coût et de leur efficacité. »

La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Cet amendement avait déjà été présenté en première lecture. Toutefois, je n’avais pas eu la possibilité de prendre part à la discussion et j’ai été très frustré par les explications que j’ai pu lire dans le compte rendu de nos débats. C’est la raison pour laquelle je souhaitais avoir droit à une « épreuve de rattrapage ». (Sourires.)

Nous en sommes tous conscients, au rythme actuel, la dépense fiscale devient pratiquement aussi importante que la dépense budgétaire. Le seul moyen de remédier à cette situation, c’est d’éviter que la dépense fiscale ne puisse être votée ad vitam æternam. Le fait qu’elle soit votée pour une durée déterminée présenterait un immense avantage : si le Parlement veut la maintenir, il la vote de nouveau ; s’il ne veut pas la maintenir, il ne la vote pas, et l’exonération disparaît.

Cette formule est en outre respectueuse des contribuables puisqu’ils ont une visibilité sur l’avantage fiscal qui leur est proposé.

Certes, une telle disposition aurait peut-être plus sa place dans une loi organique que dans la Constitution.

Toutefois, si l’on m’apportait des assurances un peu plus encourageantes que celles qui ont été données précédemment, je pourrais éventuellement retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Lambert, je ne peux pas m’engager sur le contenu d’une éventuelle future loi organique, mais il est vrai qu’une telle disposition ne relève manifestement pas de la Constitution.

Cela dit, il y a tout de même un paradoxe dans votre proposition, mon cher collègue. En effet, à défaut de présentation par le Gouvernement au Parlement d’une évaluation, les dispositions fiscales dérogatoires pourraient être abrogées. Dès lors, si le Gouvernement estime qu’il ne s’agit pas d’une bonne mesure, il lui suffira de ne présenter aucune évaluation pour qu’elle soit abrogée. A contrario, il présentera une évaluation seulement s’il veut voir proroger la dérogation.

Cela étant, à mes yeux, nous ne devrions pas adopter de mesures indéfinies, dans le domaine fiscal comme dans les autres ; il serait préférable de définir dans la loi la durée d’application d’un dispositif, par exemple deux ans ou trois ans, pour l’évaluer à l’issue de cette période et, le cas échéant, le proroger. Cela me paraîtrait une façon moderne de procéder, tout particulièrement, c’est vrai, en matière fiscale.

Au demeurant, monsieur Lambert, vous avez opté pour cette formule en étant à l’origine de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui a constitué un progrès considérable et un véritable bouleversement de nos pratiques.

Nous devons nous habituer à prendre des mesures de cette manière, en songeant que nous serons peut-être amenés ensuite à les supprimer. Sinon, on crée, d’un côté, des taxes et, de l’autre, des niches fiscales, les unes comme les autres n’ayant, après quelques années, plus aucun sens parce qu’elles ne produisent pas ou plus les effets recherchés.

Quoi qu’il en soit, monsieur Lambert, et sous le bénéfice des explications que je viens de vous apporter – j’espère m’être montré plus convaincant qu’en première lecture –, la commission sollicite le retrait de votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage naturellement vos préoccupations. Vous souhaitez qu’à défaut d’une évaluation de leur coût et de leur portée certaines dispositions fiscales dérogatoires soient abrogées au maximum trois ans à compter de leur entrée en vigueur.

Comme le Premier ministre le rappelait hier encore ici même, le Gouvernement souhaite réellement réduire le nombre des niches fiscales. La diminution de ces exonérations constitue évidemment un axe très important du rétablissement de l’équilibre de nos finances publiques, à un moment où nous en avons particulièrement besoin.

Pour autant, monsieur Lambert, et c’est sur ce point que nos analyses diffèrent, nous ne sommes pas favorables à l’inscription dans la Constitution de la règle que vous préconisez. C’est le Parlement qui vote les exonérations fiscales. Il ne faudrait pas donner au Gouvernement la possibilité de les remettre en cause du fait de sa seule inaction. D’ailleurs, comme vous l’admettez vous-même, cela ne serait pas conforme à l’équilibre de nos institutions.

En outre, les entreprises qui bénéficient d’exonérations fiscales utiles – je pense notamment à certaines dispositions destinées à favoriser la recherche – ne doivent pas être maintenues dans l’incertitude quant à la durée du dispositif dans lequel elles s’engagent, faute de quoi celui-ci pourrait se révéler inefficace.

Cela étant, monsieur le sénateur, le Premier ministre a été saisi de votre demande et il fera très prochainement des propositions en ce sens, même si cet amendement n’est pas adopté aujourd'hui.

M. le président. Monsieur Lambert, l'amendement n° 22 est-il maintenu ?

M. Alain Lambert. Non, je le retire, monsieur le président.

Toutefois, afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté, je tiens à apporter une précision. Mon amendement, qui est peut-être mal rédigé, ne visait nullement à permettre au Gouvernement de légiférer à la place du Parlement.

M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.

Articles additionnels après l'article 14
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 16

Article 15

Dans le premier alinéa de l'article 41 de la Constitution, après les mots : « le Gouvernement », sont insérés les mots : « ou le président de l'assemblée saisie ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 119, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 15 du projet de loi constitutionnelle modifie l’article 41 de la Constitution pour accorder au président de chaque assemblée la faculté de soulever l’irrecevabilité des amendements qui ressortiraient au domaine réglementaire.

Je le rappelle, en première lecture, le Sénat a adopté deux amendements identiques de suppression de cet article, le premier du rapporteur de la commission des lois, M. Hyest, et le second du groupe socialiste. À l’époque, M. le rapporteur nous expliquait qu’une telle disposition était inutile.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Selon lui, il appartenait au Gouvernement de défendre ses propres prérogatives, et non aux présidents des assemblées de le faire à sa place.

Comme M. le rapporteur nous l’avait également rappelé, l’article 41 de la Constitution n’a pas été souvent mis en œuvre par le Gouvernement pour déclarer qu’une disposition était de nature réglementaire. Il est même convenu qu’il pouvait parfois être utile d’outrepasser les dispositions strictes des articles 34 et 37 de la Constitution, qui, comme vous le savez, déterminent le domaine de la loi.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a rétabli l’article 15. D’ailleurs, M. le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale a purement et simplement repris l’argumentation du Gouvernement, expliquant que le dispositif proposé ne pourrait s’appliquer que de manière facultative, contrairement à la recevabilité financière, qui présente un caractère absolu, et estimant infondées les craintes portant sur la limitation du droit d’amendement.

De mon point de vue, l’argumentation de la commission des lois de l’Assemblée nationale, contrairement à celle de la commission des lois du Sénat, apparaît bien faible. C’est pourquoi il n’y aurait, me semble-t-il, que des avantages à nous réunir tous autour de la position de notre rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest.

Mais, pour les raisons déjà évoquées, il n’en sera rien, une fois encore ! En effet, même si cette disposition est perçue comme mauvaise,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai pas dit qu’elle était mauvaise !

M. Jean-Pierre Sueur. … même si elle porte finalement atteinte au droit d’amendement,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. … même si elle donne un pouvoir inutile aux présidents des assemblées, même si la possibilité offerte au Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité à un amendement portant sur un sujet relevant du domaine réglementaire suffit amplement, cet amendement ne sera sans doute pas adopté. (Exclamations amusées.)

Vous l’avez bien compris, l’article 15 vise seulement à donner des arguments à ceux qui voudraient empêcher l’examen de certains amendements.

Franchement, il serait logique de la part du Sénat de se rassembler autour de la pensée de M. Jean-Jacques Hyest ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 41 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je crains que mon amendement ne connaisse le même sort que celui qu’a prédit M. Sueur pour son propre amendement et, disant cela, je pense faire plus preuve de réalisme que de pessimisme !

Comme vous le savez, l’article 41 de la Constitution permet au Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité à une proposition ou à un amendement qui n’est pas du domaine de la loi ou qui est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38, relatif aux ordonnances.

Aux termes de l’article 15 du projet de révision constitutionnelle, cette faculté serait également offerte aux présidents des assemblées parlementaires.

En première lecture, le Sénat s’était opposé à une telle extension. Puis, l’Assemblée nationale a rétabli la rédaction initiale du projet de révision. À présent, vote conforme oblige, la majorité sénatoriale s’apprête à se contredire !

En protégeant les textes d’origine gouvernementale des empiétements du législateur dans le domaine réglementaire, l’article 41 de la Constitution permet au Gouvernement de repousser des amendements ou propositions, alors que le droit d’amendement est précisément une prérogative essentielle pour les parlementaires. Par conséquent, l’article 41 de la Constitution et le droit d’amendement des membres du Parlement sont contradictoires.

On nous explique qu’étendre aux présidents des assemblées la possibilité d’opposer l’irrecevabilité serait une mesure d’égalité entre ces derniers et le Gouvernement.

Ce que nous constatons, c’est surtout qu’une telle extension contraindrait encore plus le droit d’amendement. Alors, de grâce, n’essayez pas encore une fois d’invoquer une revalorisation du rôle du Parlement et des parlementaires ! L’article 15 contribue, au contraire, à limiter leur action.

Il eût mieux valu inscrire dans la Constitution un droit absolu d’amendement pour chaque élu national. Mais l’objectif affiché du renforcement des pouvoirs du Parlement n’est qu’un prétexte à ce qui est en réalité une reprise en main.

La disposition contenue dans l’article 15 constituera une pression supplémentaire pour le président de l’Assemblée nationale, qui pourra lui aussi décider de l’irrecevabilité d’un amendement.

Mme le garde des sceaux a indiqué que l’article 41 était fondamental, tout en soulignant dans le même temps qu’il avait été peu utilisé. L’objectif non avoué serait-il alors de faire en sorte qu’il soit employé bien plus souvent ? Si c’est le cas, inutile de vous dire que cela nous inquiète encore plus !

Pour toutes ces raisons, nous sommes contre l’extension de la possibilité d’opposer l’irrecevabilité aux présidents des assemblées. Mais nous allons plus loin : nous sommes opposés à l’article 41 dans son intégralité.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est autre chose !

Mme Éliane Assassi. Nous en demandons l’abrogation parce qu’il confère selon nous au Gouvernement un pouvoir de nature arbitraire. Il participe de ces dispositions qui consacrent la prééminence de l’exécutif sur le législatif, notamment en favorisant un déséquilibre au profit du domaine réglementaire et en mettant directement en cause le droit d’amendement qui appartient aux parlementaires.

Plutôt que d’étendre l’article 41 de la Constitution, revaloriser le rôle du Parlement supposerait plutôt d’abroger cette disposition. C’est ce que nous proposons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’aime beaucoup entendre M. Sueur prévoir ce que je vais dire !

M. Jean-Pierre Sueur. Je rends simplement hommage à ce que vous disiez auparavant !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je maintiens ce que j’ai dit. Simplement, l’Assemblée nationale tient beaucoup à cet article 15.

M. Jean-Pierre Sueur. Donc, vous retirez vos propos d’hier !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur. Si ! Vous votez contre !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À mon sens, l’article 15 crée une simple faculté. Dès lors, je ne vais pas remettre en cause le choix de l’Assemblée nationale de réintroduire dans le projet de révision constitutionnelle un dispositif prévu par le Gouvernement. Cela fait partie des éléments du dialogue avec l’Assemblée nationale,…

M. Robert Bret. Non, avec l’UMP !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … c’est tout ! Ce n’est pas quelque chose de fondamental ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Josiane Mathon-Poinat. Quelle pirouette !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D’autres acteurs institutionnels souhaitaient également ce dispositif, qui sera – je le crois – peu utilisé. D’ailleurs, l’article 41 est déjà peu employé ; M. le secrétaire d’État pourrait le confirmer. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, autant le supprimer !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis parlementaire depuis vingt-trois ans et je n’ai pratiquement jamais vu un gouvernement demander l’application de l’article 41.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Pour ma part, je le déplore !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On peut, certes, parfois, le regretter.

Cette faculté est étendue aux présidents des assemblées : grand bien leur fasse ! Puisque je ne m’y oppose pas, je suis défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je répondrai brièvement, monsieur le président, parce que nous avons déjà eu ce débat.

En ce qui concerne l’amendement n° 119, je dirai que le Gouvernement est favorable au maintien d’une disposition qui permet aux présidents d’une assemblée de constater l’irrecevabilité d’un amendement de nature réglementaire, comme peut le faire aujourd’hui le Gouvernement. Ce contrôle de l’irrecevabilité, vous le savez bien, n’aura rien de systématique, contrairement à ce qui existe pour l’article 40.

Pour ce qui est de l’amendement n° 159, je rappelle que le Gouvernement est attaché à l’irrecevabilité de l’article 41, qui, même si elle est peu utilisée, a toute son utilité. Le présent projet de loi vise précisément à en faciliter l’usage, le cas échéant.

Le Gouvernement souhaite le maintien de l’article 41 parce que le respect du partage entre loi et règlement participe de l’intelligibilité de la loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. L’argumentation que vient de développer M. le rapporteur ne nous a malheureusement pas convaincus.

Il nous a expliqué qu’il maintenait ce qu’il avait dit en première lecture, mais qu’il était, hélas, contraint de nous demander de nous prononcer en sens inverse de la position qu’il avait défendue.

Cependant, il a ajouté un argument : comme cet article ne sert à rien et puisqu’on ne s’en servira pas, ce n’est pas grave de donner ce pouvoir supplémentaire au président du Sénat !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Non, il n’a pas dit cela !

M. Jean-Pierre Sueur. Il est tout de même difficile d’être convaincu par un tel argument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Article 15
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 17

Article 16

L'article 42 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 42. - La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie.

« Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l'autre assemblée.

« La discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de quatre semaines à compter de sa transmission.

« L'alinéa précédent ne s'applique pas si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45. Il ne s'applique pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 60, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à supprimer la disposition selon laquelle l’examen en séance publique porterait sur le texte issu des débats de la commission concernée.

Cette innovation nous est présentée comme un renforcement des pouvoirs du Parlement, comme une importante revalorisation de la fonction législative. Il nous est expliqué que la discussion du texte de la commission en séance publique nous permettrait de nous recentrer sur les questions de fond. Comme si, sur ce texte, mes chers collègues, nous débattions d’autre chose que de questions de fond !

Le débat en séance publique est un point d’appui pour que l’opposition puisse faire valoir ses analyses et ses propositions de fond, afin de mettre en évidence les différents choix et les différentes orientations. La séance est le lieu de la publicité des débats, de leur transparence, une transparence qui serait renforcée si l’égalité du temps de parole entre les groupes était de mise.

La séance publique est aussi le lieu où tous les parlementaires peuvent s’exprimer et croiser leurs points de vue. C’est d’autant plus utile que de nombreux textes de loi contiennent des dispositions qui intéressent plusieurs secteurs de la vie de notre pays.

De plus, dans cette assemblée, qui comporte de nombreux élus locaux, des maires notamment, beaucoup sont à même d’intervenir utilement sur des textes qui, s’ils ne concernent pas leur commission, les intéressent au regard de la gestion de leur collectivité.

L’article 16 aura surtout des conséquences sur les groupes les moins importants, qui ne disposent pas des moyens d’assurer une présence forte et régulière en commission.

Il faut aussi envisager cet article à la lumière des autres dispositions du projet de loi, notamment des droits de l’opposition.

Tout d’abord, avec ce projet de loi qui ne prévoit ni une modification des modes de scrutin dans le sens d’un renforcement de la proportionnelle ni aucune autre disposition permettant au Parlement d’être réellement représentatif du peuple, le fait majoritaire va en fait s’accentuer.

Aucune garantie ne nous est donnée que le débat en séance publique ne sera pas tronqué. Quelle assurance aurons-nous de pouvoir redéposer des amendements en séance publique ? Quel sera le rôle du Gouvernement à l’égard des commissions ?

L’article 15 renforce les conditions d’irrecevabilité des textes et l’article 18 multiplie les possibilités d’examen simplifié en commission.

Si l’idée est de lutter contre toute tentative d’obstruction de la part de l’opposition, le Gouvernement et la majorité ont mieux à faire : cesser de nous faire examiner autant de projets de lois en urgence – procédure assortie de fait d’une restriction du temps de parole en séance –, cesser de rejeter, trop souvent sans réel examen, les propositions de l’opposition ; bref, permettre un réel débat de fond et non pas imposer au Parlement un seul point de vue, comme la majorité s’apprête une nouvelle fois à le faire avec l’annonce avant tout débat d’une adoption conforme du présent projet de loi constitutionnelle.

Ainsi, loin de renforcer les pouvoirs du Parlement, l’article 16 les amoindrit, mais renforce, par contre, le fait majoritaire.

M. le président. L'amendement n° 120, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. L'article 16 du projet de loi constitutionnelle dispose que la discussion en séance publique des projets de loi se fera dorénavant sur le texte issu des travaux de la commission saisie au fond, à l'exception des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des projets de révision constitutionnelle.

En première lecture, le rapporteur de la commission des lois a indiqué, de manière laconique, que ces dérogations étaient justifiées. Nous pensons au contraire que ces exceptions sont opposées à la logique affichée de la présente réforme constitutionnelle. Si l'on veut véritablement revaloriser le travail des commissions et concentrer le débat en séance publique sur les options de fond, rien ne justifie le sort particulier fait aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets de loi constitutionnelle. On devrait même considérer que la discussion sur la base des conclusions de la commission saisie au fond devrait précisément porter sur ces projets, car ils concernent les domaines essentiels de l'action gouvernementale.

C'est la raison pour laquelle nous déposons de nouveau cet amendement de suppression de la dérogation à la règle de l'examen en séance publique des textes élaborés par la commission.

En effet, il n’est pas logique que les projets de loi constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale ne puissent être examinés sur la base du texte adopté par la commission, alors même qu’il est de tradition de considérer le vote de la loi de finances comme l’acte essentiel du Parlement.

Pourquoi, alors que l’on veut revaloriser le Parlement à travers le travail de ses commissions, lui interdit-on de débattre sur les travaux de ces dernières pour des projets de loi très importants ?

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, supprimer les mots :

aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et

La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. J’aimerais savoir pourquoi on fait un sort particulier, en matière de délais, aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, alors que j’ai cru entendre, dans les travaux de première lecture, que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale ne se voyaient conférer, dans la hiérarchie des normes, aucune « valeur ajoutée » particulière.

J’imagine qu’on m’éclairera sur ce mystère.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le fait que l’on vote désormais en première lecture sur le texte de la commission est un apport important de cette révision constitutionnelle. Cette proposition figurait d'ailleurs dans le rapport d’information de MM. Gélard et Peyronnet ; elle va effectivement beaucoup changer l’organisation de notre travail parlementaire.

La situation est tout de même extraordinaire : on octroie un droit nouveau au Parlement, et le groupe communiste n’en veut pas !

M. Philippe Marini. C’est vraiment surprenant !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous en avons débattu en première lecture : la commission est favorable à cette mesure ; elle émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 60.

Quant au groupe socialiste, il se demande, tout comme Alain Lambert, pourquoi on exclut de cette possibilité les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.

Il convient de rappeler que, dans ce domaine, le Gouvernement a le monopole de l’initiative législative. Nous avons retenu les considérations du comité Balladur, qui avait conclu que, dans ce domaine crucial de l’action gouvernementale, celui-ci devait conserver l’initiative. Le budget peut certes être amendé, mais il reste dans le cadre proposé par le Gouvernement. C’est pourquoi nous n’avons pas étendu aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale le fait de discuter en séance le texte adopté par la commission.

Compte tenu de ces explications, la commission demande le retrait de l’amendement n° 23 et le rejet des amendements nos 60 et 120.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. J’avoue que j’ai un peu de mal à suivre la position défendue par les auteurs de l’amendement n° 60. Vous proposez de supprimer un élément majeur dans l’entreprise de renforcement du Parlement…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes pas d’accord avec vous !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … en prévoyant que, réserve faite du PLF, du PLFSS et des projets de révision de la Constitution, le texte discuté en séance plénière ne sera plus le projet du Gouvernement mais le texte issu des travaux de la commission qui en a été saisie.

Je constate d’ailleurs une différence d’appréciation entre les différents groupes de l’opposition, puisque certains considèrent tout de même que c’est une avancée.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’exception concernant les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale, elle figurait déjà dans le rapport remis par le comité Balladur. Aux yeux du comité, la règle nouvelle ne s’appliquerait pas aux projets de loi de finances non plus qu’aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, qui sont au cœur des prérogatives du Gouvernement dans la conduite de l’action publique. Elle ne vaudrait pas non plus pour des projets de loi constitutionnelle.

Madame Printz, cette dernière exception se justifie par le fait qu’un projet de loi constitutionnelle est une initiative propre du Président de la République. Il a semblé justifié aux membres du comité Balladur ainsi qu’au Gouvernement qu’une telle proposition du chef de l’État vienne en discussion en séance sous la forme que le Président a souhaitée.

En ce qui concerne les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, monsieur Lambert, le Gouvernement estime que ces projets répondent à des règles très spécifiques au regard des procédures, des délais, de la présentation des amendements. Ces règles figurent dans la Constitution aux articles 47 et 47-1, mais aussi dans la fameuse LOLF, dont vous avez été l’initiateur, ainsi que dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Il a semblé au Gouvernement que ces dispositions organiques avaient leur cohérence et qu’il n’était pas nécessaire de revenir sur ces dispositifs, qui, de l’avis de tous, ont beaucoup apporté au débat budgétaire.

Il a surtout semblé au Gouvernement que ces deux projets très spécifiques correspondaient à des choix déterminants du Gouvernement, qu’ils devaient venir en tant que tels en séance publique et être soumis ainsi très solennellement aux parlementaires.

Sans doute, monsieur Lambert, avez-vous raison en indiquant que des efforts doivent être faits pour que les projets de loi de finances soient remis dans de meilleures conditions à l’automne. Je dois vous avouer que je bataille fermement pour obtenir des améliorations en ce domaine, mais vous savez mieux que moi combien la procédure d’élaboration du budget est lourde et complexe.

je serais heureux que, sous le bénéfice de ces commentaires, monsieur Lambert, vous puissiez retirer votre amendement.

Sur les deux autres amendements en discussion commune, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je me permets de relever la position du Gouvernement, qui demande à Alain Lambert de retirer son amendement, mais qui propose le rejet de notre amendement identique : c’est curieux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais vous ne demandiez pas d’explication !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous aimerions être traités de la même manière dès lors que notre amendement tend exactement aux mêmes fins.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas la même motivation !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne sais pas si Alain Lambert retirera le sien, mais nous sommes tout à fait d’accord avec lui pour que les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale n’aient pas un sort particulier.

La proposition qui consiste à prendre pour base le texte de la commission nous paraît intéressante ; en revanche, il n’y a aucune raison pour qu’il y ait des exceptions.

Nous sommes donc d’accord avec Alain Lambert et vous l’êtes sûrement aussi, mais vous ne cherchez qu’à voter ce texte conforme.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est conforme à ce nous avons voté en première lecture !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n’est pas une raison suffisante. Le rôle du Sénat n’est pas d’émettre un vote conforme à toute force, au contraire !

Nous ne cesserons de dénoncer cette caricature de démocratie.

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.

M. Josselin de Rohan. Ce débat est intéressant, car l’article qui a été adopté par l’Assemblée nationale contient une novation profonde dans le droit parlementaire de la Ve République.

Désormais, il y aura, pour la première assemblée saisie, deux catégories de textes soumis à l’examen en séance publique : ceux qui seront issus du travail de commission, sur lesquels le Gouvernement aura le droit, si je puis dire, de présenter des amendements pour inviter éventuellement l’assemblée à corriger ce qu’il estime trop éloigné de son texte initial, et ceux qui, touchant aux finances publiques, à la sécurité sociale et aux questions constitutionnelles, seront présentés tels que le Gouvernement les aura conçus.

Il est important de souligner que cette dernière catégorie de textes regroupe en effet ceux qui sont essentiels à l’action gouvernementale, qui en sont le fondement, ce qui justifie qu’une telle procédure soit retenue. S’agissant des leviers de sa politique, il est normal que le Gouvernement préfère voir le débat s’engager à partir des dispositions qu’il présente.

Dans un cas, le Gouvernement montre qu’il est prêt à accepter certaines modifications au projet de loi ; dans l’autre, il se prémunit contre ce risque.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très mauvais exemple !

M. Josselin de Rohan. C’est ici qu’intervient l’article 49-3 de la Constitution : si la commission, pour une raison ou pour une autre, dénature profondément le projet de loi, au point que le Gouvernement ne reconnaît plus ses intentions primitives et y voit même un danger pour l’exécution de son programme, le Premier ministre sera conduit à poser la question de confiance.

M. Josselin de Rohan. Cependant, il ne pourra le faire qu’une fois par session. Cela signifie qu’un travail approfondi de recherche de synergie devra être mené entre le Gouvernement et sa majorité.

M. Robert Bret. C’est sans doute le dialogue évoqué par M. Hyest !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Josselin de Rohan. En vérité, monsieur le secrétaire d'État, nous allons entrer dans l’ère du pari, et c’est un pari pascalien, car vous prenez un risque, nous prenons tous un risque : il faudra assurer chaque jour une véritable symbiose entre le Gouvernement et sa majorité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas le cas aujourd’hui ?

M. Robert Bret. Il suffit de lire Le Monde !

M. Josselin de Rohan. Quoi qu’il en soit, personne ne peut dire que cette mesure ne représente pas une nouveauté dans la pratique de la Ve République. J’espère qu’elle sera probante et que nous ne serons pas un jour obligés de revenir en arrière parce que trop de dysfonctionnements auront été constatés. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je suis d’accord sur un point avec M. de Rohan : il s’agit en effet d’une novation importante. Cependant, la proposition que Patrice Gélard et moi-même avions faite était plus encadrée. Je ne suis donc pas sûr que tout le monde mesure bien les conséquences et le travail qu’il reste à faire.

Par exemple, que devient le droit d’amendement des non-commissaires ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On se pose la question !

M. Jean-Claude Peyronnet. Un membre de la commission des finances ou de la commission des affaires économiques pourra-t-il amender un projet de loi dont la commission des lois aura été saisie au fond ?

M. Philippe Marini. Évidemment !

M. Jean-Claude Peyronnet. Certes, cela semble logique, mais qui portera cet amendement ?

M. Philippe Marini. Vous le savez !

M. Jean-Claude Peyronnet. La commission s’adjoindra-t-elle des membres d’autres commissions ? Ou bien l’initiateur de l’amendement le déposera-t-il avec des membres de son groupe ?

Par ailleurs, quelle sera la publicité des travaux ? En effet, il n’est pas concevable que la commission travaille en catimini. Le système ne peut fonctionner que si les débats en commission font l’objet, comme les débats en séance publique, d’un compte rendu publié au Journal officiel. Sinon, l’opposition risque de perdre la réalité de ses droits.

Autres questions importantes : le Gouvernement pourra-t-il être entendu par les commissions ? Viendra-t-il défendre son texte devant elles ? Qui interviendra ?

Si le projet de loi constitutionnelle est adopté – ce que je ne souhaite pas, globalement –, c’est cette mesure qui sera la plus importante, mais à condition que tout le monde joue le jeu. Autrement dit, le fait majoritaire ne doit pas neutraliser le débat. Cette innovation pourrait nous faire gagner beaucoup de temps en séance publique, en nous épargnant d’avoir à reprendre des discussions qui ont déjà eu lieu en commission. La suppression de cette redondance, chacun en conviendra, permettra au Parlement de mieux exercer sa mission de contrôle.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme M. le secrétaire d’État l’a fort bien noté, nous avons des points de vue différents avec le groupe socialiste sur ce sujet. Les questions que vient de soulever Jean-Claude Peyronnet illustrent d’ailleurs parfaitement les raisons de notre totale hostilité à cet article.

En séance publique, un parlementaire en vaut un autre. Chacun, quelle que soit la commission à laquelle il appartient, dispose, fort heureusement, du droit d’amender et peut s’exprimer. Traiter une grande partie des textes en commission rendra assez complexe le maniement de ce droit.

En outre, une telle procédure favorisera les groupes les plus importants et le bipartisme. Les défauts qui sont déjà constatés aujourd'hui vont donc se trouver accentués, et j’ai l’impression que certains, à l’UMP, ne s’en rendent pas compte.

Compte tenu de la nécessaire adéquation entre le Président de la République et la majorité présidentielle, comment imaginer qu’un texte issu de la commission puisse être contraire au projet initial du Gouvernement ? C’est quasiment impossible ! Le cas de figure peut toujours se présenter, mais il créerait une crise dont il faudrait bien tirer les conséquences.

Discuter le texte issu des travaux de la commission revient donc à favoriser les groupes parlementaires les plus importants, à favoriser la majorité présidentielle et à dévaloriser le débat en séance publique, qui est pourtant le moment privilégié de la discussion parlementaire.

Pour toutes ces raisons, nous maintenons notre opposition résolue à cet article.

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.

M. Alain Lambert. Je souhaite retirer mon amendement n° 23, car l’interprétation qui en est faite va totalement à rebours de mes convictions.

Lors des débats précédents, on a un peu trop affirmé, sur le banc du Gouvernement comme sur celui de la commission, que, en voulant accorder l’exclusivité des dispositions fiscales et sociales respectivement aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, nous cherchions à conférer à ces textes une suprématie. Et l’on nous a opposé de grands discours sur la hiérarchie des normes, que nous avons bien sûr écoutés avec révérence.

Mais voilà que, tout à coup, à l’occasion de l’examen de l’article 16 du présent projet, nous entendons dire que les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale constituent, selon M. le secrétaire d’État, des choix « déterminants » du Gouvernement, le président de Rohan allant jusqu’à parler d’éléments « essentiels » de l’action gouvernementale, dont ces textes constitueraient le « fondement ».

On ne peut pas dire tout un jour et son contraire le lendemain.

M. le président. L’amendement °23 est retiré.

La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

M. Philippe Marini. J’aimerais ajouter quelques mots aux propos d’Alain Lambert.

Certes, les projets de loi de finances et leur duplication, les projets de loi de financement de la sécurité sociale, sont des textes fondamentaux. Dans la logique de la Ve République, ils occupent une place toute particulière au sein de notre ordre juridique. Il est donc dommage que les conséquences n’en aient pas été tirées pour leur réserver l’exclusivité de toutes dispositions venant « impacter » le solde public.

La position que le Sénat avait adoptée en première lecture me semblait plus cohérente au regard de l’équilibre des institutions de la Ve République, laquelle s’est bâtie sur une vision de l’intérêt général. Or l’intérêt général s’exprime mieux dans un document global, axé sur la recherche d’une cohésion d’ensemble, telle une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale, que dans une loi sectorielle qui s’efforce de résoudre des problèmes particuliers.

Cela étant, nous sommes en seconde lecture et tous ces débats ont déjà eu lieu. Il va donc de soi qu’il convient de repousser les amendements de suppression, d’autant que celui de Mme Borvo Cohen-Seat, en particulier, me semble reposer sur une véritable confusion.

M. Robert Bret. Elle est dans votre esprit !

M. Philippe Marini. Il ne s’agit pas ici de légiférer en commission, mais de légiférer sur le texte adopté par la commission, ce qui est tout à fait différent.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’avais très bien compris !

M. Philippe Marini. En séance publique, le Gouvernement et tous les parlementaires – quelle que soit la commission permanente à laquelle ils appartiennent – pourront amender le texte.

À la différence de ce qui eût existé si l’on avait choisi le mode de législation en commission, il s’agit simplement ici d’une disposition d’ordre et de procédure qui valorise le travail de la commission parlementaire, ni plus ni moins. Le droit d’amendement des parlementaires n’est aucunement limité, contrairement à ce que M. Peyronnet et Mme Borvo Cohen-Seat ont pu dire tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Indépendamment des dispositions portant sur la circonscription que j’ai l’honneur de représenter, l’article 16 et celui consacré à l’exception d’inconstitutionnalité sont, à mes yeux, les deux plus importants du projet de loi constitutionnelle. À eux seuls, ils justifient l’adoption de ce texte : ils représentent une avancée considérable tant pour le Parlement que pour les citoyens.

Je rejoins M. Peyronnet lorsqu’il dit que l’article 16 du présent projet de loi va tout changer, si tant est qu’on le veuille bien. Cette mesure offrira en effet un véritable pouvoir et une responsabilité supplémentaire au Parlement. C’est la raison pour laquelle je ne peux partager le point de vue du groupe CRC exprimé par sa présidente, Mme Borvo Cohen-Seat, car c’est justement là que le travail parlementaire prendra toute sa force.

Le Gouvernement ne se rend d’ailleurs peut-être pas compte du travail qui l’attend demain pour convaincre les parlementaires du bien-fondé de ses projets de loi.

Quoi qu’il en soit, nous devons absolument voter le texte en l’état et donc repousser ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 16
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Article 18 (début)

Article 17

L'article 43 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 43. - Les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l'une des commissions permanentes dont le nombre est limité à huit dans chaque assemblée.

« À la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à une commission spécialement désignée à cet effet. »

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 43 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

« Les commissions permanentes ou spéciales n'ont pas la personnalité juridique. À ce titre, elles n'ont pas vocation à contracter, fût-ce par la voie de leur président. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Je saisis l’occasion offerte par ce débat pour opérer une petite mise au point.

Lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie, le 4 juillet dernier, le ministre de l'économie a fait savoir au Sénat que le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale et l'auteur d'un rapport avaient conclu une convention avec des représentants du secteur bancaire.

Cette pratique, outre le fait qu'elle méconnaît complètement le bicamérisme puisque le Sénat n'avait pas été informé de cette démarche, constitue un précédent dont la valeur juridique est discutable.

La réforme de la Constitution semble le cadre idéal pour préciser que les commissions permanentes ou spéciales n’ont pas la personnalité juridique et n’ont donc pas vocation à contracter, fût-ce par la voie de leur président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Une telle disposition n’a pas sa place dans la Constitution.

Par ailleurs, il ne semble pas usuel que les commissions passent stricto sensu des conventions de quelque nature que ce soit.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Contrairement au ministre de l’économie, je ne connais pas les détails juridiques de la convention conclue par la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Quoi qu’il en soit, une commission, en elle-même, n’a pas la personnalité juridique, même si elle peut éventuellement passer une convention par le biais de son assemblée.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Par les questeurs !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En tout état de cause, l’amendement proposé ne vise pas à accorder la personnalité juridique à une commission. Quand bien même ce serait le cas, une telle disposition n’aurait pas sa place dans la Constitution, comme vient de le souligner M. Gélard.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je souhaitais juste obtenir cette précision, monsieur le président, et je retire donc mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 27 est retiré.

Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17
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Article 18 (interruption de la discussion)

Article 18

Le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »

M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°148, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale, l'article 18 du projet de loi constitutionnelle relatif à la modernisation des institutions de la Ve République (n° 459, 2007-2008). 

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour cinq minutes, et un orateur d’opinion contraire pour cinq minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 18 du projet de loi constitutionnelle est extrêmement lourd de conséquences, car il ouvre la porte à un encadrement très strict du droit d’amendement et le remet en cause. Je n’ai pas cessé de le dire en première lecture et mon opinion n’a pas changé sur ce point.

Durant les dernières semaines, les auteurs du projet de loi, ceux qui le soutiennent ainsi que le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ont vanté sur toutes les ondes, dans tous les organes de presse, les bienfaits de cette réforme et son caractère historique, voire « révolutionnaire », selon M. Karoutchi !

Évidemment, dans toutes ces déclarations, il n’a jamais été question de l’encadrement du droit d’amendement. Pourtant, ce qui est ici en jeu, c’est bien la réduction de ce droit démocratique essentiel.

Nous nous sommes évertués, ainsi que nos collègues de l’opposition, à dénoncer cet état de fait, mais, évidemment, en raison de la nécessité de voter ce texte et bien qu’il n’accroisse qu’optiquement les droits du Parlement, la propagande a marché à fond !

Le Président de la République, dans l’entretien accordé au Monde daté du  17 juillet, reconnaît explicitement les limites du texte puisqu’il estime nécessaire de s’autoproclamer garant du droit d’amendement de l’opposition.

Pour notre part, nous préférerions évidemment que les garanties figurent dans la Constitution et ne dépendent pas du bon-vouloir du Président de la République.

Le débat ne peut se poursuivre sérieusement sur un point aussi essentiel pour la démocratie parlementaire sans un éclaircissement sur les intentions présidentielles et, surtout, sans un échange en commission des lois. Nous devons adopter un texte qui apporte les garanties nécessaires, c'est-à-dire un texte conforme aux engagements que prend le Président de la République, mais uniquement par voie de presse !

C’est au Parlement de défendre ses prérogatives. Voilà pourquoi il est tout à fait nécessaire de renvoyer cet article en commission pour l’examiner de manière plus approfondie.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Naturellement, la commission n’a pas eu à se prononcer sur cette motion puisqu’elle vient d’être déposée.

À titre personnel, et compte tenu de ce qui a été adopté en commission des lois, je suis défavorable à cette demande de renvoi en commission.

Certes, nous abordons ici les conditions d’exercice du droit d’amendement. Je rappelle que le cadre en sera fixé par une loi organique, qui sera par définition relative au Sénat. Les deux assemblées devront donc trouver un accord. Nous en débattrons de nouveau tous ensemble à cette occasion.

Pour cette raison, le renvoi en commission de cet article est inutile.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’analyse de M. le vice-président de la commission des lois.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 148.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous poursuivons la discussion de l’article 18.

Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 62 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 121 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 62.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article du projet de loi ne devait pas constituer pour le Gouvernement et pour les membres de l’UMP un élément important de débat. En effet, leur leitmotiv au sujet de ce texte est qu’il renforce le rôle du Parlement et qu’il encadre les pouvoirs du Président de la République. Il leur fallait donc minimiser, voire un peu dissimuler cet article 18, qui tend pourtant à limiter le droit d’amendement.

Nombreux sont ceux qui croyaient une telle duplicité impossible : affirmer la revalorisation du Parlement alors que la séance publique et le droit d’amendement sont mis à mal est en effet un exercice quelque peu ardu !

L’amendement est un outil essentiel du parlementaire pour faire valoir son opinion, engager le débat et soumettre ses idées au vote. C’est d’ailleurs le seul moyen dont dispose réellement l’opposition pour proposer d’autres solutions que celles qui sont avancées par le Gouvernement et la majorité. Réduire le droit d’amendement revient donc à tuer le débat démocratique.

Nous l’avons souligné en première lecture, l’articulation de la promotion du travail en commission, l’inscription de l’encadrement du droit d’amendement par les règles des assemblées après le vote d’une loi organique et la réduction du nombre de séances consacrées au débat législatif préparent une réorganisation profonde de la procédure législative, au détriment du débat pluraliste, démocratique et transparent.

Il faut le rappeler inlassablement, le comité Balladur a clairement préconisé la mise en place d’un « 49-3 » parlementaire aux mains de la majorité de chaque assemblée.

Monsieur le président, je considère que, par cette intervention, j’ai également défendu les amendements nos 63, 64, 65 et 66 déposés par mon groupe sur cet article.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 121.

Mme Christiane Demontès. Initialement, l'article 18 du projet de loi constitutionnelle complétait l'article 44 de la Constitution afin de préciser que le droit d'amendement s'exerce en séance ou en commission selon les conditions et les limites fixées par le règlement des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique.

En première lecture, le Sénat a supprimé la mention des limites, incluse dans celle des conditions. Il a également supprimé la référence à la loi organique. Le rapporteur de la commission des lois a notamment constaté : « La référence faite ici à la loi organique limite la compétence de principe que la Constitution reconnaît aux règlements des assemblées et contredit l'autonomie des assemblées pour fixer les modalités d'exercice du droit d'amendement. »

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit de nouveau la possibilité d'adopter une loi organique relative au droit d'amendement.

Cette réforme, présentée dans le but de mieux organiser les débats en séance publique, va faciliter le recours aux procédures simplifiées d'adoption des projets et propositions de loi et ainsi conférer à terme un véritable pouvoir législatif aux commissions, sans aucune ratification en séance plénière.

Cette crainte est justifiée par le fait que le droit d'amendement s'exercera dorénavant en séance publique ou en commission et par la réintroduction de la référence à la loi organique, dont l’objet est de définir non seulement le régime des amendements parlementaires, mais aussi le régime des amendements gouvernementaux, afin de fixer un cadre commun de discussion.

Comme vient de le dire Mme Mathon-Poinat, le droit d'amendement est un droit intrinsèque à la fonction de parlementaire. Or il risque de devenir un droit accessoire, cantonné dans la future programmation de la durée du débat public et encadré par les règles relatives à l'irrecevabilité financière ainsi que l'irrecevabilité matérielle nouvelle relative au respect du domaine de la loi, prononcée à la demande du président de l'assemblée.

Les déclarations contradictoires émanant du président de l'Assemblée nationale, des rapporteurs et du Gouvernement nous laissent dans le flou, sans aucune prévisibilité puisque l'article 18 se contente de renvoyer pour son application aux futures dispositions des règlements des assemblées et à celles d'une loi organique.

Ce sujet transcende les clivages partisans. Il concerne aussi bien les parlementaires qui appartiennent à la majorité que ceux qui appartiennent à l'opposition. Ensemble, nous devons nous montrer vigilants et ne toucher au droit d'amendement que si l'on bénéficie de nombreuses garanties.

Ces dernières n'étant pas réunies au stade de la deuxième lecture, nous réitérons avec encore plus d'insistance notre demande de suppression de l'article 18 du projet de loi constitutionnelle.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Dans le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, après le mot : « ont », sont insérés les mots : « à tout moment du débat ».

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 64, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 65, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution est supprimé.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 8, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :

« Ce droit s'exerce en séance et en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’Assemblée nationale a rétabli l’intervention d’une loi organique pour fixer le « cadre » dans lequel sera exercé le droit d’amendement.

Après les limites et les conditions, voici donc le cadre !

En réalité, il s’agit de synonymes, l’idée de fond étant toujours la même : le Gouvernement entend encadrer le droit d’amendement par une loi organique.

À ce sujet, je rejoins parfaitement les conclusions formulées par M. Hyest lors de la première lecture. Je me permettrai donc, afin de défendre cet amendement, de citer in extenso les propos tenus alors par notre rapporteur : « Votre commission s’est interrogée sur le renvoi à la organique pour déterminer le “cadre” dans lequel s’inscriraient les règlements des assemblées. Dans deux autres articles de la Constitution, les articles 12 et 24, la compétence donnée aux assemblées pour définir les règles qui les concernent n’est pas encadrée. La référence faite ici à la loi organique limite la compétence de principe que la Constitution reconnaît aux règlements des assemblées et contredit l’autonomie des assemblées pour fixer les modalités d’exercice du droit d’amendement. Aussi, nous proposons de supprimer cette référence ».

Je vous propose donc, aujourd'hui, de prendre acte des propos lumineux de notre rapporteur, prononcés ici même voilà quelques semaines, pour supprimer la référence à la loi organique.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 18 (début)
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Discussion générale

7

Conférence des présidents

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Jeudi 17 juillet 2008

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

Vendredi 18 juillet 2008

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

Mardi 22 juillet 2008

À 10 heures, à 16 heures et le soir :

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 448, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé à deux heures et demie la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les délais limite pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés).

Mercredi 23 juillet 2008

À 15 heures :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de l’économie ;

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire ;

À 21 heures 30 :

3°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi ;

4°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007.

Jeudi 24 juillet 2008

À 11 heures 30 :

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

Par ailleurs, la conférence des présidents a fixé les dates de séances de questions d’actualité au Gouvernement.

D’octobre à décembre 2008

- Jeudi 16 octobre 2008 - Jeudi 30 octobre 2008

- Jeudi 13 novembre 2008 - Jeudi 27 novembre 2008

- Jeudi 11 décembre 2008 - Jeudi 18 décembre 2008

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

8

Article 18 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 18

Modernisation des institutions de la Ve République

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 18.

Discussion générale
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Article 19

Article 18 (suite)

L'amendement n° 24, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le dernier alinéa du même article est complété par les mots : « et par la commission saisie au fond ».

La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Monsieur le président, je frémis tant le sujet est délicat !

Il s’agit du vote bloqué, prévu à l’article 44, alinéa 3, de la Constitution. Je ne ferai à personne l’offense d’expliquer cette procédure que nous connaissons tous puisque nous l’avons tous pratiquée.

Pour qu’il n’y ait pas la moindre ambiguïté, je rappelle que le principe du vote bloqué ne doit pas, à mes yeux, être remis en cause. Il peut être utile pour clarifier un débat, accélérer un débat enlisé, surmonter une obstruction. En seconde délibération, il peut servir à revenir sur des erreurs ou des accidents circonstanciels. Le Gouvernement doit pouvoir ainsi conserver la maîtrise du déroulement des débats.

En revanche, les amendements soumis au vote devraient, selon moi, être aussi agréés par la commission saisie au fond. Ce système aurait le mérite de prendre davantage en compte l’expression de la représentation nationale. En cas de désaccord sur un ou plusieurs amendements entre le Gouvernement et la commission saisie au fond, ceux-ci ne seraient pas soumis au vote bloqué et pourraient cependant, pris individuellement, faire l’objet d’une seconde délibération, de manière que les droits ultimes du Gouvernement soient préservés.

M. le président. L’amendement n° 66, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le deuxième alinéa de l’article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’un amendement a été adopté par une assemblée, le gouvernement ne peut demander une nouvelle délibération de l’article amendé au cours de la même lecture devant ladite assemblée. »

Cet amendement a déjà été défendu.

L’amendement n° 122, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l’adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d’autres textes en cours d’examen au Parlement. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement a pour objet d’encadrer le pouvoir d’amendement du Gouvernement en proscrivant les cavaliers législatifs. Je pense que tout le monde sera d’accord sur cet objectif.

On pourrait nous demander pourquoi le Gouvernement, à la différence des parlementaires, ne pourrait pas, lui aussi, déposer tous les amendements qu’il souhaite : tout simplement parce qu’il peut les présenter n’importe quand et, notamment, sans qu’ils aient été examinés par la commission. Il peut ainsi déposer un amendement à la dernière minute, ce qui est tout à fait gênant parce qu’on risque de se trouver face à des dispositions dont il n’a jamais été question par ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Beaucoup de ces amendements ont déjà été déposés en première lecture et rejetés par notre assemblée. Je ne ferai donc pas de longs commentaires.

Je rappellerai qu’il peut être utile d’organiser des débats simplifiés en séance publique, comme le permettra la disposition ajoutée par l’article 18 au premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, en particulier sur des textes à caractère technique qui ne recèlent pas de réels enjeux politiques. La commission est donc défavorable aux amendements identiques nos 62 et 121.

L’adoption de l’amendement n° 63 reviendrait à empêcher les commissions d’examiner les amendements avant leur examen en séance publique. C’est curieux ! Avis défavorable.

Il en va de même en ce qui concerne l’amendement n° 64. Le droit d’amendement du Gouvernement est soumis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel aux mêmes conditions que celui des parlementaires. Les dispositions introduites par cet amendement ne lui sont actuellement applicables qu’à partir de la deuxième lecture d’un texte. Il n’y a aucune raison de les étendre à la première lecture.

L’amendement n° 65 tend à supprimer le vote bloqué, ce qui diminuerait l’une des garanties de l’efficacité de l’action gouvernementale. Il faut maintenir cette procédure, d’autant que le recours à la procédure dite du « 49-3 » sera très encadré. Avis défavorable.

Madame Boumediene-Thiery, l’Assemblée nationale a effectivement souhaité rétablir en deuxième lecture le renvoi à la loi organique, que le Sénat avait supprimé en première lecture. La position des députés se justifie par le souci de fixer un cadre commun aux conditions d’exercice du droit d’amendement par le Gouvernement et les parlementaires. Nous avions, quant à nous, estimé qu’il n’y avait pas de raison d’encadrer le droit d’amendement du Gouvernement.

Par souci de compromis, il est souhaitable d’en rester à cette rédaction, et la commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 8.

L’amendement n° 24 pose pour principe que le Gouvernement devrait obligatoirement retenir les amendements proposés ou acceptés par la commission saisie au fond, ce qui limiterait fortement la portée du vote bloqué. Dès lors que le Sénat se rallie à la limitation du recours au 49-3, il n’est pas souhaitable de restreindre, de surcroît, l’utilisation du vote bloqué qui, même si elle doit rester exceptionnelle, n’en constitue pas moins une garantie de l’efficacité de l’action de l’exécutif.

J’émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement pour qu’on ne puisse pas m’accuser de ne demander le retrait de leurs amendements qu’à certains de nos collègues ! Au demeurant, je demande le retrait de tous les amendements, bien entendu ! Mais, dans le cas présent, la commission, comme en première lecture, a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 66 vise non pas la nouvelle délibération, procédure qui relève de l’initiative du Président de la République, mais la seconde délibération, qui est demandée par le Gouvernement. Celle-ci garantit une certaine souplesse à la procédure législative. Avis défavorable.

L’amendement n° 122 appelle le même commentaire et recueille le même avis défavorable que l’amendement n° 64.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement est naturellement défavorable aux amendements nos 62 et 121, qui tendent à la suppression de l’article 18.

Il ne s’agit nullement, avec cet article, de porter atteinte au droit d’amendement, qui continuera à s’exercer en commission et en séance publique. Évidemment, lorsque, pour quelques textes, tout le monde aura convenu – comme aujourd’hui pour certaines conventions internationales – qu’il n’est pas nécessaire de reprendre en séance publique un débat amplement mené en commission, l’intérêt de rediscuter en séance des amendements déjà examinés en commission sera… limité.

Quant à la loi organique, elle a pour objectif d’assurer que le traitement des amendements du Gouvernement s’effectuera de manière cohérente entre les deux assemblées, sans plus.

L’amendement n°63 du groupe CRC tend à introduire des dispositions qui seraient contradictoires avec le deuxième alinéa de l’article 44 de la Constitution, qui permet au Gouvernement de s’opposer, après l’ouverture du débat, à l’examen des amendements qui n’ont pas été soumis antérieurement à la commission. La clarté et la sincérité du débat parlementaire peuvent justifier une certaine organisation de nature à permettre à chacun de prendre connaissance des amendements déposés. Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Les amendements nos 64 et 122 tendent à interdire au Gouvernement de déposer des amendements d’un certain type en première lecture. Il s’agit d’une proposition du comité Balladur que le Gouvernement n’a pas souhaité intégrer dans son projet de loi, et des amendements de même nature ont été précédemment rejetés. La jurisprudence sur les cavaliers législatifs permet déjà amplement de limiter toute dérive du droit d’amendement gouvernemental en première lecture. L’ajout de cette précision à l’article 44 ne s’impose donc pas.

L’amendement n°65 tend à la suppression du troisième alinéa de l’article 44 de la Constitution. Cet amendement recueille un avis défavorable. En effet, le vote bloqué doit bien entendu être utilisé avec parcimonie et modération, mais cet instrument reste utile pour assurer une certaine cohérence à un texte. Le projet de révision constitutionnelle renforce déjà très largement les pouvoirs du Parlement et réduit un certain nombre de prérogatives du Gouvernement, comme l’a dit M. le rapporteur, notamment en ce qui concerne le recours à la procédure de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

L’amendement n° 8 recueille également un avis défavorable, car le Gouvernement ne souhaite pas que le règlement de chaque assemblée puisse apporter des limitations à son droit d’amendement. Autant il est légitime que les règlements arrêtent les règles concernant le dépôt des amendements des membres de chaque assemblée, les modalités de leur examen, de leur discussion et de leur vote, autant il ne paraît pas souhaitable au Gouvernement que de telles règles puissent le contraindre, d’autant que ces règles pourraient être très différentes d’une assemblée à l’autre. C’est d’ailleurs le sens du renvoi à la loi organique qui a été réintroduit par l’Assemblée nationale.

Monsieur Lambert, le Gouvernement comprend bien qu’il faille accorder un droit de regard aux commissions saisies au fond sur la possibilité de recourir à la procédure de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution.

Votre argumentation est très équilibrée puisque vous considérez que la procédure du 44-3 ne doit pas être remise en cause dans la mesure où elle peut, comme vous le dites, aider à clarifier le débat, à accélérer un débat enlisé, à surmonter une obstruction. C’est effectivement le point de vue du Gouvernement, qui n’a pas souhaité modifier cette procédure. Le comité Balladur lui-même, de composition pluraliste, ne l’avait pas proposé.

Le Gouvernement estime aussi que le vote bloqué doit être utilisé avec parcimonie, je l’ai dit à l’instant ; je crois que c’est plutôt le cas aujourd’hui.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. J’en viens à votre proposition selon laquelle les commissions pourraient codécider avec le Gouvernement des amendements faisant l’objet du vote bloqué.

Dans le cadre de l’équilibre général de cette réforme, le Gouvernement est attaché à ce que certains instruments soient maintenus qui lui permettent de faire valoir son point de vue. C’est pourquoi il estime qu’il doit pouvoir disposer de la procédure de l’article 44, alinéa 3, notamment en cas de désaccord profond avec la commission saisie au fond. C’est l’un des éléments de l’équilibre de la procédure législative.

En conséquence, monsieur le sénateur, je me permets de vous demander – c’est à peine si j’ose le faire, après les reproches qui ont été formulés tout à l'heure par M. Dreyfus-Schmidt ! – le retrait de votre amendement n° 24. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 66 tend à interdire au Gouvernement de demander, au cours d’une même lecture, une nouvelle délibération. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 62 et 121.

M. Bernard Frimat. Nous avons demandé un scrutin public sur ces amendements de suppression, non pas pour multiplier les scrutins publics, auxquels nous savons nos collègues de l’UMP très attachés en cas de difficulté, mais simplement parce que l’article 18 nous semble essentiel.

Monsieur le secrétaire d’État, vos paroles, tant en première qu’en seconde lecture, ne nous ont pas rassurés. Vous avez utilisé la conjonction « et » –  « en commission et en séance plénière »  –- alors que le texte dit « ou ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est pareil !

M. Bernard Frimat. Je ne pense pas, sauf si le Gouvernement présente un amendement de dernière minute, que nous soyons partis pour constitutionnaliser les pages d’un grand quotidien du soir ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ce serait, certes, une innovation constitutionnelle intéressante, mais je crains que nous ne votions à Versailles, lundi, que sur le texte que nous avons à débattre et qu’il n’y ait pas de codicille sous forme d’appendice « mondial » !

Le Président de la République nous annonce qu’il se porte garant des droits de l’opposition. Vous me permettez de trouvez cela très injuste pour la majorité ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Jean-Jacques Hyest. C’est l’arbitre !

M. Bernard Frimat. Car nous avons, nous, une démarche beaucoup plus consensuelle – nous sommes d’ailleurs les seuls –, visant à ce que l’ensemble des parlementaires puisse en toute équité bénéficier du droit d’amendement.

Or il nous semble que, loin d’en accorder les garanties, vous renvoyez le droit d’amendement et la manière dont il sera exercé au règlement des assemblées parlementaires.

J’ai eu l’occasion d’expliquer hier que nous nous trouvions face à une dégradation, en termes de qualité juridique des instruments de référence. Nous souhaitons réellement que cet article fasse l’objet d’un scrutin public pour bien montrer que nous sommes là au cœur de l’explication et de la défense de ce qui est une démarche démocratique.

À qui fera-t-on croire que réglementer le droit d’amendement et ne garantir, par article du journal Le Monde interposé, que le droit d’amendement de l’opposition, en laissant en déshérence celui de la majorité –  ce qui est insupportable –, constitue une avancée démocratique ?

Nous sommes simplement devant une diminution du droit du Parlement. C’est un recul supplémentaire que recèle ce texte cette loi, lequel en comporte de nombreux, et qui justifie notre position.

Mais nous ne désespérons pas de vous convaincre ! La nuit aidant, vous arriverez peut-être à comprendre qu’il était possible d’aller vers une révision plus intelligente. À ce moment-là, en deuxième lecture, monsieur le secrétaire d’État, saisi d’un élan démocratique que nous saluerions à sa juste valeur, vous nous proposeriez la constitutionnalisation des propositions du Président de la République ! (M. le secrétaire d'État s’exclame.) Cela aurait le mérite de les faire passer du statut de coup de communication à celui de progrès démocratique ! Cela dit, je pense que nous en sommes loin. La nuit nous apportera sans doute tout de même quelques précisions, sous votre houlette bienveillante, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez fait toute votre communication, monsieur le secrétaire d’État, depuis des mois, sur le renforcement des pouvoirs du Parlement. Or nous avons constaté qu’en réalité il ne s’agissait aucunement de cela. En effet, malgré toutes les possibilités dont disposent déjà, dans la Constitution telle qu’elle est aujourd’hui, le Gouvernement et la majorité pour encadrer le débat parlementaire, cette révision ne va vous servir qu’à le contraindre encore davantage et, notamment, à réduire le droit d’amendement des parlementaires.

Nous avons tenté de contrecarrer la communication gouvernementale en expliquant que la vraie raison de cette révision constitutionnelle, une présidentialisation accrue du régime, n’était hélas pas contrebalancée par un renforcement des droits du Parlement.

Le Président de la République a lui-même voulu cette réforme depuis qu’il est élu, afin d’exercer sans entraves son rôle de chef absolu de l’exécutif, un rôle qu’il revendique, comme il le démontre aujourd’hui en venant s’immiscer, par le biais d’un entretien accordé au Monde, dans le débat entre le Gouvernement et le Parlement. Et, à cette occasion, il s’affirme garant du droit d’amendement ! Et vous n’en profitez pas ? Il y a là un léger dysfonctionnement ! Apparemment, il est le chef de l’exécutif, mais l’exécutif ne suit pas puisqu’il refuse toute modification de cet article 18 dans un sens qui permettrait d’asseoir le renforcement de ce droit d’amendement des parlementaires.

Nous sommes donc confortés dans l’idée qu’il ne s’agit donc en rien, avec ce texte, de renforcer les droits du Parlement. Le Président de la République fait des effets d’annonce, il parle dans la presse ! Peut-être qu’avec votre révision il en sera tout autrement, mais ça, nous ne pouvons pas le prévoir, car nous ne lisons pas dans le marc de café !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous vivons donc à l’heure de la juxtaposition des contraires. C’est l’apothéose de l’oxymore ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Tout à l’heure, il a été fait allusion à la première page du numéro du journal Le Monde paru aujourd’hui à midi. Mais il faut aussi lire en détail la page 6.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ! Elle est encore mieux !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous y voyons qu’au moment même où il nous dit qu’il est nécessaire et urgent de renforcer les pouvoirs du Parlement, M. le Président de la République se comporte comme un hyper-président. (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

Cet hyper-président, à lui seul, statue sur la Constitution, la loi et le règlement des assemblées parlementaires. C’est extraordinaire !

Ainsi, on fait le contraire de ce que l’on dit et l’on dit le contraire de ce que l’on fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si l’on croyait tout ce qu’il dit !

M. Jean-Pierre Sueur. Si vous le permettez, je vais m’en tenir à quelques lignes de propos du Président de la République :

« Les propositions de Bernard Accoyer sur les droits de l’opposition et des groupes parlementaires à l’Assemblée seront mises en œuvre. »

Donc, voilà que le Président décide de quelque chose qui relève tout de même, à l’évidence, de l’Assemblée nationale !

« Je suis pour que le seuil de constitution d’un groupe à l’Assemblée, qui est actuellement de vingt membres soit abaissé à quinze. »

Je pensais que c’était une prérogative du Parlement que de statuer en la matière… Mais c’est le Président qui décide !

« Je suis favorable à l’égalité du temps de parole entre majorité et opposition dans les débats. »

Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas le cas aujourd’hui !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais je ne vous empêche pas de parler, chère collègue, en particulier lors des séances de questions d’actualité.

Je termine par cette citation, qui nous ramène à l’amendement n° 121 : « Lors du vote de la loi organique qui précisera les conditions et limites du droit d’amendement, je veillerai à ce que les droits de l’opposition soient garantis. »

Le Président dit bien que la loi organique précisera non seulement les « conditions » du droit d’amendement, mais aussi ses « limites ». Pensez-vous, mes chers collègues, qu’il soit nécessaire de faire une loi organique pour préciser les « limites » du droit d’amendement ?

Jusqu’à ce jour, nous vivons avec une Constitution qui garantit pleinement le droit d’amendement. Pourquoi faut-il que le Président de la République vienne nous dire qu’outre la Constitution il y aura une loi qui précisera naturellement le règlement mais qui aura pour finalité non seulement de préciser les conditions du droit d’amendement mais aussi ses limites ?

Il y a là quelque chose de très inquiétant : l’hyper-président fait tout, y compris ce qui n’est pas de son ressort. En vertu de la Constitution, le Président n’a pas les pouvoirs qu’il s’arroge dans la page 6 du journal Le Monde ! Voilà la vérité de la Constitution sous l’égide de laquelle nous vivons !

Et ce que dit explicitement le Président de la République renforce nos inquiétudes parce qu’il s’agit réellement, monsieur le président – je sais que cela doit vous préoccuper, comme tous les parlementaires –, de restreindre le droit d’amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. J’aime beaucoup la dialectique, mais il y a quand même des limites à ne pas franchir !

Je crois que le sophisme est une de vos règles, monsieur Sueur, et c’est un peu dommage parce que vos interventions sont toujours très talentueuses.

Mais là, franchement, vous allez un peu loin !

D’abord, vous parlez des organes de presse dont il faut garantir la liberté. Or vous faites une publicité pour le moins curieuse pour un journal !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une publicité de Sarkozy !

M. Christian Cointat. Et comme par hasard, ce n’est pas un journal de droite !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le journal du Président !

M. Christian Cointat. Deuxième chose : vous n’avez pas cessé de réclamer un geste du Président de la République. Il le fait, vous le critiquez ! Il faudrait savoir ! Il répond à votre attente, et vous répondez que ce n’est pas ce que vous vouliez !

En réalité, vous êtes dans une situation où quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, quoi qu’on propose, vous n’en voulez pas l’accepter, même si c’est dans l’intérêt général. C’est bien regrettable !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes le porte-parole de l’Élysée ?

M. Christian Cointat. Il y a des gestes, des avancées, on essaie de défendre l’intérêt général et l’intérêt du Parlement. C’est aussi à nous de prendre nos responsabilités ! Il est bien clair que le Président de la République ne va pas décider pour le Parlement ! C’est ridicule d’en arriver à soutenir une telle argumentation !

Le Président de la République est le garant de la Constitution, vous le savez tous : c’est dans son rôle. C’est pourquoi, très naturellement, il donne sa vision des choses. Cela peut nous éclairer. De plus, c’est une garantie qu’il vous apporte, un geste qu’il fait en votre direction. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Vous devriez être satisfaits, vous pourriez même demander davantage ! Pourquoi pas ? Mais, au moins, n’essayez pas de ridiculiser une démarche très sérieuse.

Alors oui, vous l’avez dit, c’est un hyper-président. « Hyper », c’est mieux que « super » ! Finalement, vous adorez le Président, puisque c’est pour vous un super-homme ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Moi aussi, j’apprécie d’ordinaire les interventions de notre collègue Cointat.

Quel est le problème qui est ici posé ? Quelle est notre inquiétude ? Elle tient à ce que le Président de la République est devenu le chef de l’opposition parlementaire. (Sourires.) Oui ! Avant il l’était par Premier ministre interposé. Mais maintenant celui-ci a mal au dos !