Sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
2. Convocation du Parlement en congrès
3. Candidatures à une commission mixte paritaire
4. Dépôt d’un rapport en application d’une loi
5. Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme Annie David, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
7. Démocratie sociale et temps de travail. – Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence.
Discussion générale : MM. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ; Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales.
MM. Nicolas About, le président de la commission des affaires sociales ; le ministre.
MM. Jean-Paul Amoudry, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Janine Rozier, Annie David, Christiane Demontès, MM. Serge Dassault, Jean Desessard, Jean-Pierre Fourcade.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
MM. Jean-Luc Mélenchon, le président.
Motion no 283 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Rejet par scrutin public.
MM. Jean-Pierre Godefroy, le président, Paul Girod.
Motion no 60 de Mme Gisèle Printz. – Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le ministre, Guy Fischer. – Rejet par scrutin public.
Mme Annie David.
Amendement n° 62 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Rejet.
Amendements identiques nos 193 de Mme Annie David et 61 rectifié de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Godefroy, Jean Desessard, Jean-Luc Mélenchon, Mme Annie David, le président de la commission. – Adoption des deux amendements.
Amendement no 110 de M. Jean-Paul Amoudry. – MM. Jean-Paul Amoudry, le rapporteur, le ministre, Jean Desessard, Jean-Pierre Godefroy. – Retrait.
Amendements nos 194 de Mme Annie David et 63 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mmes Annie David, Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait de l’amendement no 194 ; adoption de l’amendement no 63.
Amendement n° 120 de M. Jean-Paul Amoudry. – MM. Jean-Paul Amoudry, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement n° 11 de la commission. – M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David, M. le président de la commission. – Rejet.
Division additionnelle avant l'article 2
Amendement n° 195 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Retrait.
Amendement n° 111 de M. Jean-Paul Amoudry. – MM. Nicolas About, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
8. Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
9. Démocratie sociale et temps de travail. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence.
Amendement no 64 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ; Mme Annie David, M. Jean Desessard. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 12 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Adoption.
Amendement n° 196 de Mme Annie David, 65 de M. Jean-Pierre Godefroy et 124 de M. Jean-Paul Amoudry. – Mme Annie David, MM. Jean-Pierre Godefroy, Nicolas About, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 69 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendements identiques nos 131 de M. Jean Desessard et 197 de Mme Annie David. – Mme Gisèle Printz, MM. Jean Desessard, Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Rejet des trois amendements.
Amendements nos 112 de M. Jean-Paul Amoudry, 13 et 14 de la commission. – MM. Nicolas About, le rapporteur, le ministre. – Retrait de l’amendement no 112 ; adoption des amendements nos 13 et 14.
Amendements nos 125 de M. Jean-Paul Amoudry, 66 et 67 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait de l’amendement no 125 ; rejet des amendements nos 66 et 67.
Amendements nos 198 et 199 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Jean-Pierre Godefroy, Jean Desessard. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 178 de M. Claude Lise. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 68 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 200 de Mme Annie David, 180 de M. Philippe Dominati, 15 et 16 de la commission. – Mme Annie David, MM. Philippe Dominati, le rapporteur, le ministre, Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. le président de la commission, Jean Desessard. – Rejet des amendements nos 200 et 180 ; adoption des amendements nos 15 et 16.
Amendement n° 17 rectifié de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David, MM. Jean Desessard, Jean-Luc Mélenchon. – Adoption.
Mme Marie-Thérèse Hermange.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 201 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 18 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendements nos 70 de M. Jean-Pierre Godefroy, 202 à 205 de Mme Annie David, 108 de M. Jean-Paul Amoudry, 19 et 20 de la commission. – MM. Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer, Nicolas About, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait de l’amendement no 108 ; rejet des amendements nos 70 et 202 à 205 ; adoption des amendements nos 19 et 20.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 206 à 208 rectifié de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, le président de la commission. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 21 rectifié de la commission et sous-amendement no 192 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – M. le rapporteur, Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. le ministre, Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David. – Retrait du sous-amendement ; adoption de l’amendement.
Amendement n° 22 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendements nos 23 de la commission et 71 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. le rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, le ministre. – Adoption de l’amendement no 23, l’amendement no 71 devenant sans objet.
Amendement n° 24 rectifié de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 209 rectifié de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Luc Mélenchon. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 134 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 25 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 72 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 113 de M. Jean-Paul Amoudry et 210 de Mme Annie David. – M. Nicolas About, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait de l’amendement no 113 ; rejet de l’amendement no 210.
Amendement n° 213 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
M. le président, Mme Annie David.
Amendement n° 26 rectifié de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendements nos 181 de M. Philippe Dominati, 27 de la commission et sous-amendement no 288 du Gouvernement ; amendement no 28 de la commission. – MM. Philippe Dominati, le président de la commission, le ministre. – Retrait de l’amendement no 181 ; adoption du sous-amendement no 288, de l'amendement no 27 modifié et de l’amendement no 28.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 29 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 30 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendements nos 214, 216, 218, 220 et 223 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. – Rejet des cinq amendements.
Amendements nos 215, 217, 219 et 222 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des quatre amendements.
Amendement n° 221 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 107 de M. Jean-Paul Amoudry. – M. Nicolas About. – Retrait.
Amendement n° 182 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati. – Retrait.
Amendements nos 31, 32 et 285 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Transmission d’un projet de loi
11. Dépôt d’une proposition de loi
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Convocation du Parlement en congrès
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :
« Paris, le 17 juillet 2008.
« Le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République a été voté en termes identiques par l’Assemblée nationale lors de sa séance du 9 juillet 2008 et par le Sénat lors de sa séance du 16 juillet 2008.
« J’ai décidé de soumettre au Parlement convoqué en Congrès le 21 juillet 2008 ce projet de loi constitutionnelle en vue de son approbation définitive dans les conditions prévues à l’article 89 de la Constitution.
« Je vous adresse, ci-joint, avant sa publication au Journal officiel, une ampliation du décret de convocation du Congrès auquel sera annexé le texte que cette assemblée aura à examiner.
« Veuillez croire, monsieur le président, à l’assurance de ma haute considération.
« Signé : Nicolas Sarkozy. »
Je vais vous donner lecture de l’article 2 du décret :
« Art. 2. – L’ordre du jour du Congrès est fixé ainsi qu’il suit :
« Vote sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République. »
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, je vous informe que M. Bernard Accoyer, président du Congrès, a convoqué le Congrès du Parlement le 21 juillet 2008 à quinze heures trente.
3
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire.
J’informe le Sénat que la commission des affaires culturelles m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
4
Dépôt d’un rapport en application d’une loi
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Bruno Racine, président du Haut Conseil de l’éducation, le rapport sur le bilan des résultats obtenus par le système éducatif, consacré à l’orientation scolaire, établi en application de l’article L. 230-3 du code de l’éducation.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires culturelles et sera disponible au bureau de la distribution.
5
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de l’économie est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
6
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les dispositions de l’article 32 de notre règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.
Je ne donnerai pas lecture de l’article 12 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, car il est un peu long et chacun, dans cette enceinte, l’a certainement en mémoire ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Évidemment !
M. Jean Desessard. On a le temps ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. M. Desessard ne se rappelle pas le deuxième alinéa !
Mme Annie David. Si j’évoque cette loi quelque peu emblématique de votre action gouvernementale, monsieur le ministre, c’est pour faire état, cinq ans ou peu s’en faut après sa publication, de l’échec des négociations menées entre le patronat, c’est-à-dire le MEDEF, qui s’arroge le droit de porter la parole du monde de l’entreprise avec les voix de moins du quart des chefs d’entreprise aux élections consulaires, et les organisations syndicales représentatives de salariés.
En effet, alors même que le soutien à la réforme de 2003 de l’une des grandes organisations confédérées de salariés avait été « arraché » contre la promesse d’une négociation sur la pénibilité du travail, aucune avancée n’a été constatée sur cette question.
Une dépêche d’agence de presse l’a d’ailleurs confirmé hier, sous le titre suivant : « Retraite pour pénibilité : la négociation patronat-syndicats tourne court ».
Quel sens allez-vous donner, monsieur le ministre, à la rénovation du dialogue social avec un patronat sourd, ignorant la réalité, c’est-à-dire le fait que des centaines de milliers de salariés, soumis à des conditions de travail particulièrement difficiles, sont placés en situation d’inégalité devant la retraite ?
Aujourd’hui, en 2008, on continue de mourir prématurément quand on a été ouvrier du bâtiment, fondeur ou opérateur en produits chimiques.
Il ne faut pas s’étonner que de nombreux salariés aient fait jouer le dispositif relatif aux carrières longues pour partir à la retraite, ayant parfaitement compris que la négociation sur la pénibilité du travail allait péniblement durer et tout aussi péniblement déboucher sur une absence de résultats…
Monsieur le ministre, cela fait cinq ans que cela dure ! Ce n’est pas la première fois que je vous en parle.
Prendrez-vous des dispositions pour contraindre le MEDEF à revoir sa position et les entreprises à contribuer réellement au respect du droit à la retraite ? Car il s’agit bien de cela, désormais : il faut que la loi protège là où la négociation conventionnelle échoue.
Au demeurant, nous avons quelques doutes sur ce point, tant vous êtes enfermé dans le double carcan des critères de convergence européens et de la rentabilité du capital.
Nombreuses sont les dispositions du projet de loi que nous allons examiner dans un instant qui, précisément, renforcent encore la pénibilité du travail, dont il s’avère, jour après jour, qu’elle est bien loin d’être une illusion et qu’elle tend à devenir la réalité quotidienne de millions de salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Madame David, vous ne pouvez pas dire que le consentement d’une confédération syndicale de salariés au projet de réforme des retraites a été obtenu en contrepartie de négociations sur la pénibilité du travail.
En effet, l’amendement relatif à la pénibilité du travail a été déposé très tardivement au cours du processus législatif – c’est moi qui l’ai soutenu, et même imposé, en tant que rapporteur du texte –, bien après la fin des discussions entre le Gouvernement et les organisations syndicales. Ce n’était donc pas un élément clé de ces discussions.
En revanche, cette question constituait, à mon sens, un aspect essentiel de la réforme des retraites : on ne peut plus fermer les yeux sur le fait qu’aujourd’hui, dans notre pays, l’espérance de vie d’un cadre supérieur est supérieure de sept ans à celle d’un ouvrier.
Voilà pourquoi ce sujet me tient à cœur, ainsi qu’à des millions de salariés et à tous ceux qui sont présents dans cet hémicycle.
M. Robert Bret. Cela fait cinq ans que cela dure !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas la faute du Gouvernement !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Bret, on ne peut pas à la fois vouloir que le dialogue social ait toute sa place et se déroule sans précipitation et nous reprocher qu’il n’ait pas encore porté ses fruits ! La cohérence s’impose à tous, nous aurons certainement l’occasion d’y revenir dans quelques instants.
Mme Annie David. Pour les 35 heures, c’est vite fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. Les négociations interprofessionnelles ont débuté voilà exactement trois ans.
J’ai écrit aux partenaires sociaux le 24 juin dernier – c’est une démarche que certains m’ont reprochée, mais que j’assume – en les invitant à renouer le dialogue avant l’été. Une réunion a eu lieu hier. Elle était de la plus haute importance, et, même si un constat partagé des points d’accord et de désaccord n’a pu être établi, elle a néanmoins permis certaines avancées, insuffisantes pour que les discussions puissent aboutir.
Ce dossier ne doit pas s’enliser. Voilà pourquoi je recevrai, dès la rentrée, les partenaires sociaux, pour l’étudier avec eux. En effet, il revient aujourd’hui au Gouvernement et aux partenaires sociaux de relancer la négociation. Cela relève de notre responsabilité à tous. Je crois au dialogue social, et ce dossier me tient à cœur autant qu’à vous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Acte est donné de ce rappel au règlement.
7
Démocratie sociale et temps de travail
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (nos 448 et 470).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd’hui, un délégué syndical qui ne s’est jamais présenté aux élections et qui appartient à un syndicat dont les effectifs sont faibles peut signer un accord qui engage la totalité des salariés.
Aujourd’hui, dans une entreprise de papeterie, par exemple, qui n’a pas de délégué syndical, il n’y a pas de solution pour négocier un accord collectif avec les salariés.
Aujourd’hui, un salarié d’une chocolaterie qui souhaite faire des heures supplémentaires au-delà du contingent de 130 heures ne le peut pas si son entreprise n’a pas demandé d’autorisation administrative.
Aujourd’hui, un cadre en forfait jours qui veut racheter des jours de repos ne pourra le faire au-delà de 2009.
Le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui apportera une réponse précise et concrète à toutes ces situations. Il marque une étape sans précédent dans les relations collectives de travail. Grâce à lui, les acteurs du dialogue social verront leur légitimité renforcée, et la négociation collective disposera de plus d’espace pour s’exprimer, notamment à l’échelon de l’entreprise, là où l’attente d’une régulation négociée des rapports sociaux est la plus forte.
Avant de vous présenter les grandes lignes de ce projet de loi, je souhaite rappeler le contexte et l’esprit dans lequel il a été élaboré.
Depuis la dernière guerre, notre pays vit une situation paradoxale : d’un côté, la quasi-totalité des salariés du secteur privé sont couverts par des conventions collectives, ce qui place la France en tête des pays européens en ce domaine,…
M. Xavier Bertrand, ministre. … de l’autre, nous sommes le dernier pays d’Europe pour le taux de syndicalisation, avec seulement 5 % des salariés syndiqués dans le secteur privé. Il nous faut changer cela.
Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui s’inscrit, comme la loi portant modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, dans le cadre de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007.
Dès le 18 juin 2007, le Gouvernement a transmis aux partenaires sociaux un document d’orientation les invitant à négocier sur la démocratie sociale. Lors de la conférence sociale du 19 décembre dernier, le Président de la République a renouvelé son souhait de voir aboutir les négociations sur ces questions.
À cette occasion, il a également réaffirmé son engagement de rompre avec l’organisation du travail trop rigide imposée par les 35 heures. Nous voulons tenir les engagements que nous avons pris devant les Français pendant la campagne présidentielle. Pour s’affranchir du carcan des 35 heures imposées, la meilleure solution est de donner aux salariés et aux entreprises la possibilité, comme cela existe dans de grandes démocraties européennes, de déterminer ensemble, par la négociation collective, l’organisation du travail la mieux adaptée au développement de l’entreprise comme aux attentes des salariés.
C’est la raison pour laquelle, le 26 décembre dernier, le Premier ministre a envoyé aux partenaires sociaux un document d’orientation additionnel leur demandant d’élargir leurs négociations à la question du temps de travail. Ce document posait des questions précises que je voudrais rappeler devant vous : quel doit être le domaine impérativement réservé à la loi ? Quel doit être le domaine réservé aux accords collectifs et, au sein de ces accords, quelle articulation trouver entre le niveau de la branche et le niveau de l’entreprise ? La loi a-t-elle vocation à fixer des règles en matière de contingent d’heures supplémentaires et de repos compensateur ?
Toutes les questions, écrites noir sur blanc, étaient donc sur la table depuis le 26 décembre dernier. Le 10 avril, les partenaires sociaux ont abouti à une position commune, texte signé par le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, la Confédération générale du travail, la CGT, et la Confédération française démocratique du travail, la CFDT.
Aujourd’hui, le projet de loi qui vous est présenté vise à donner force obligatoire à la position commune en matière de représentativité des syndicats et de financement des organisations de salariés et d’employeurs.
En revanche, le projet de loi va au-delà d’un article de cette position commune, l’article 17, sur la question du temps de travail. Nous assumons nos divergences avec certains signataires de la position commune à ce sujet, car nous pensons que le problème des rigidités induites par les 35 heures est trop important pour que sa solution soit encore retardée.
Je viens de le dire : les choses étaient claires depuis le début. Les salariés comme les entreprises ne peuvent attendre plus longtemps des solutions. C’est tout de suite qu’il faut répondre au besoin de faire des heures supplémentaires sans être bloqué par certaines limites, qui est une réalité immédiate.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Celles et ceux à qui les 35 heures conviendraient pourront y rester. Les autres auront la possibilité de dépasser ce système trop rigide.
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est du baratin !
M. Xavier Bertrand, ministre. La loi du 31 janvier 2007 a instauré un mode de fonctionnement nouveau en matière de relations entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux. Il nous appartient de réaffirmer dans ce cadre la légitimité et l’autonomie de tous les acteurs, en respectant les responsabilités de chacun. L’application des critères de représentativité pourra instaurer une nouvelle donne en conférant une légitimité supplémentaire aux partenaires sociaux.
Mais la démocratie politique est aussi légitime dans le champ social que dans les autres champs, mesdames, messieurs les sénateurs. Dans cette perspective, permettez-moi de saluer le travail de la commission des affaires sociales, en particulier de M. le rapporteur, Alain Gournac, qui a eu le souci d’améliorer encore ce texte. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Le projet de loi comporte deux parties : la première est consacrée à la rénovation des règles de la démocratie sociale, la seconde à une réforme du temps de travail qui simplifie les règles et donne plus d’espace à la négociation d’entreprise dans l’organisation du temps de travail.
La première partie vise donc à refonder les règles de représentativité des syndicats, qui, dans notre pays, n’avaient pas changé depuis la dernière guerre.
En démocratie, la légitimité s’acquiert par le vote. Nous allons appliquer ce principe de base, conformément au souhait des signataires de la position commune. Ce sont donc les salariés qui choisiront demain qui pourra négocier en leur nom à tous les niveaux. Ce sont les salariés qui permettront de décider si un accord collectif peut ou non s’appliquer dans leur entreprise. Ce sont les salariés, et eux seuls, qui décideront du nombre, de la place et de la force des organisations syndicales. Il s’agit d’une réforme historique, car la France, avec l’Espagne, fondera la représentativité des syndicats sur l’élection.
La représentativité des organisations syndicales ne sera plus acquise d’en haut pour redescendre jusqu’au terrain : elle sera désormais acquise dans l’entreprise, là où les relations sociales s’expriment le plus directement, le plus près possible du terrain, pour remonter ensuite jusqu’à l’échelon national.
Pour être représentatives, les organisations syndicales devront désormais respecter les principes républicains, avoir une ancienneté de plus de deux ans, être indépendantes, rassembler des adhérents et recevoir des cotisations, enfin garantir la transparence financière et exercer une influence.
Elles devront également bénéficier d’une audience électorale appréciée selon des seuils à partir des résultats aux élections professionnelles. Pour être représentatif, un syndicat devra avoir obtenu 10 % des suffrages aux élections professionnelles dans l’entreprise et 8 % à l’échelon des branches et au niveau interprofessionnel.
Ce syndicat pourra être catégoriel s’il est affilié à une confédération syndicale nationale catégorielle interprofessionnelle et s’il a mesuré sa représentativité selon un ou plusieurs collèges électoraux.
Seuls les syndicats représentatifs pourront désigner un délégué syndical, et celui-ci devra lui-même avoir personnellement obtenu 10 % des suffrages exprimés. C’est également un point capital de la réforme : à l’avenir, le délégué tirera sa légitimité non seulement de son appartenance à un syndicat représentatif, mais aussi de son résultat personnel aux élections professionnelles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le premier tour des élections sera ouvert à tous les syndicats légalement constitués depuis au moins deux ans, indépendants et républicains.
Avant de devenir représentatif si les salariés le souhaitent, chaque syndicat existant depuis au moins deux ans pourra nommer un représentant syndical dans l’établissement, qui aura les mêmes attributions que le délégué syndical, sauf bien sûr le pouvoir de signer des accords collectifs, pouvoir qui ne sera acquis qu’avec la représentativité.
Cette réforme entrera en vigueur immédiatement dans les entreprises, dès les premières élections professionnelles, c’est-à-dire, potentiellement, dès 2008. Pour les branches et le niveau interprofessionnel, elle entrera en vigueur dans cinq ans au plus tard.
Enfin, pour établir les résultats électoraux à l’échelon national, il faudra mettre en place un instrument de collecte incontestable et exhaustif, qu’il nous faudra bâtir rapidement et dans la plus grande transparence.
L’Assemblée nationale a adapté les dispositions du code du travail pour lesquelles cela était nécessaire du fait de la nouvelle donne créée par les nouvelles règles de représentativité. Le protocole préélectoral ne nécessitera plus l’unanimité des signataires dans la majeure partie des cas.
S’agissant du vote des sous-traitants chez le donneur d’ordre, elle a introduit des règles d’ancienneté minimale qui réduisent les difficultés d’application. Je sais que, sur cette question importante, la commission des affaires sociales souhaite faire des propositions. Le Gouvernement y sera attentif.
Réformer la démocratie sociale, cela implique aussi de rendre les accords plus légitimes et plus accessibles.
Désormais, tous les accords devront répondre à une double légitimité : d’une part, l’adhésion de syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 30 % des suffrages, et, d’autre part, l’absence d’opposition de la part de syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 50 % des suffrages.
Les possibilités de négocier seront également élargies, y compris pour les 10 millions de salariés travaillant dans des entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Mais, avant d’ouvrir plus largement cette possibilité de négocier, le projet de loi accorde un délai d’un an pendant lequel de nouveaux accords de branche pourront venir s’ajouter aux seize accords de branche existants, pour encadrer la négociation avec des élus du personnel ou des salariés mandatés par un syndicat.
C’est une avancée très importante en vue de permettre que les entreprises dépourvues de délégués syndicaux puissent accéder à la négociation collective. Cela étant, nous devons résoudre plus globalement une autre question, celle des 4 millions de salariés qui travaillent dans des entreprises de moins de onze salariés.
Sur ces questions, la position commune a prévu la mise en place d’un groupe de travail, et j’ai bien noté l’intention des signataires de le réunir sans attendre.
Il me semble indispensable, et le projet de loi le prévoit, qu’une négociation nationale interprofessionnelle trouve rapidement des solutions à l’ensemble des questions relatives au développement du dialogue social dans les très petites entreprises. Comment mesurer l’audience des syndicats dans les branches où la majorité des salariés travaillent dans des TPE où il n’y a pas d’élections ? Comment assurer la représentation de ces salariés ?
Il nous faut répondre à ces interrogations pour que la réforme soit opérationnelle partout et pour tous. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a souhaité fixer une date butoir pour la négociation prévue par le projet de loi sur ce sujet.
Ce texte vise également à garantir au financement des organisations syndicales et des organisations professionnelles davantage de transparence et une plus grande sécurité juridique.
Un des critères de la représentativité sera désormais la transparence financière. Les ressources et les dépenses des organisations syndicales et professionnelles devront avoir un lien avec leur objet et être retracées dans des comptes annuels. Ces comptes devront être certifiés dès lors que les ressources dépasseront 153 000 euros par an.
Par ailleurs, le projet de loi tend à sécuriser les mises à disposition de salariés syndiqués prévues par accord collectif d’entreprise au profit d’organisations syndicales de salariés ou d’employeurs.
Enfin, le projet de loi comporte une disposition encadrant les accords qui prévoient un financement du dialogue social au travers d’une contribution des entreprises. Il ne s’agit en rien de créer une nouvelle taxe ou une nouvelle obligation : ces accords existent déjà et trente branches, couvrant plus de 2 millions de salariés, en ont déjà signé depuis les années quatre-vingt-dix.
Les accords déclinant l’accord de décembre 2001 sur le financement du dialogue social dans l’artisanat signé par l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, et l’ensemble des organisations syndicales ont déjà largement été étendus et appliqués depuis leur signature, à l’exception de deux d’entre eux, dans le bâtiment notamment. Nous avons entendu les remarques formulées à leur sujet, et j’ai donc attendu la fin du contentieux judiciaire qui a conduit la Cour de cassation à les déclarer légaux en octobre 2007.
C’est la raison pour laquelle le projet de loi fixe un cadre posant un certain nombre de limites : il s’agit de ne financer que le dialogue social, en évitant de payer deux fois lorsque l’on dispose déjà de représentants du personnel. Ces accords ont vocation à être étendus dans ces nouvelles limites légales au cours de l’année 2009.
L’Assemblée nationale a prévu que ces dispositions entrent en vigueur de façon différée, au 30 juin 2009, c’est-à-dire à la même échéance que les négociations sur le développement du dialogue social dans les petites entreprises, ce qui est logique, car les accords sur le financement du dialogue social visent essentiellement les petites entreprises. Je sais que d’autres amendements viendront en discussion et que, comme à l’Assemblée nationale, nous aurons sur ce sujet un débat.
J’en viens maintenant à la seconde partie du projet de loi, qui vise à donner plus d’espace à la négociation d’entreprise ou de branche pour aborder la question du temps de travail dans les entreprises.
Renforcer l’efficacité de notre démocratie sociale suppose de repenser l’articulation des rôles entre la loi et l’accord collectif. Il faut permettre aux accords d’entreprise de déterminer, au plus près du niveau où les décisions s’appliquent dans les entreprises, l’organisation du travail la mieux adaptée au développement de l’entreprise comme aux attentes des salariés en matière de pouvoir d’achat et de gestion du temps de travail. C’est une question de pragmatisme.
L’article 17 de la position commune visait à permettre à des accords d’entreprise recueillant l’adhésion de syndicats représentant 50 % au moins des salariés de déroger, de manière expérimentale, aux contingents conventionnels d’heures supplémentaires fixés par des accords de branche signés avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004. Partout ailleurs, dans la position commune, le seuil retenu est de 30 %, mais à l’article 17, il était de 50 % : c’était à mon sens la garantie du statu quo. Nous ne pouvons pas nous le permettre en matière d’heures supplémentaires dans les entreprises.
Nous ne reprenons pas la réponse spécifique et expérimentale de l’article 17, mais nous nous inscrivons dans une logique similaire : donner plus d’espace à la négociation d’entreprise, sur le contingent d’heures supplémentaires comme, plus généralement, sur l’aménagement du temps de travail, tout en maintenant dans la loi les principes fondamentaux du droit de la durée du travail.
Rien ne change en matière de repos et de durée maximale du travail. Resteront ainsi inchangées la durée maximale hebdomadaire de travail, la durée maximale hebdomadaire moyenne de travail sur douze semaines, la durée maximale quotidienne de travail, la durée minimale de repos quotidien et la durée minimale de repos hebdomadaire à laquelle s’ajoute le repos quotidien. (Mme Gisèle Printz s’exclame.)
Mme Christiane Demontès. Alors pourquoi légiférer ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vais tout vous expliquer, madame le sénateur !
Rien ne change non plus en matière de durée légale du travail, qui reste fixée à 35 heures hebdomadaires.
M. Guy Fischer. C’est ce qu’on dit…
M. Xavier Bertrand, ministre. Elle constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires et de leur taux de majoration, garantissant ainsi l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
C’est amusant de voir comme le chiffre « 35 », accolé au mot « heures », réveille un certain nombre de tabous idéologiques à gauche ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) C’est pour le moins surprenant ! Je vais vous dire une chose : nous laissons à la gauche l’idéologie, nous revendiquons le pragmatisme ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. L’esclavagisme !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est toute la différence entre nous, mais c’est une différence souhaitée par les Français. (Nouveaux applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Pas du tout !
M. Xavier Bertrand, ministre. Avec ce projet de loi, nous arrêtons enfin la « machine à compliquer » mise en marche voilà maintenant bien longtemps dans notre pays. Pour une fois, un projet de loi relatif au droit du travail simplifie et clarifie vraiment les choses.
M. Guy Fischer. Soixante-cinq heures par semaine !
Mme Annie David. Il n’y a plus de règles !
M. Xavier Bertrand, ministre. … nous les rendons plus efficaces et nous donnons plus de marge aux négociateurs.
Le nombre d’articles consacrés au temps de travail dans le code du travail passera de soixante-treize à trente-quatre. Voilà qui est clair et concret ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Sans négociation !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le projet de loi pose des règles simples.
Il sera possible, par accord d’entreprise, de fixer toutes les règles en matière de contingent d’heures et de repos compensateur.
Il sera possible de dépasser le contingent d’heures en consultant les institutions représentatives du personnel, dans la limite de la durée maximale de travail et de la durée minimale de repos. Il deviendra ainsi plus facile de recourir aux heures supplémentaires.
Mme Annie David. Ça, c’est sûr…
M. Xavier Bertrand, ministre. Prenons l’exemple d’une entreprise de huit salariés qui rencontrerait des difficultés de recrutement et aurait besoin de main-d’œuvre à des périodes précises.
Mme Annie David. Et les CDD à objet défini ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le contingent d’heures supplémentaires est aujourd’hui fixé à 130. Au-delà, c’est un véritable parcours du combattant ! Nous voulons mettre un terme à cette situation. Dès l’entrée en vigueur du texte, une telle entreprise pourra dépasser son contingent d’heures supplémentaires sans demande d’autorisation administrative.
M. Guy Fischer. Ben voyons !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est pratique, c’est simple et c’est surtout efficace ! Voilà ce que demandent, dans les entreprises, aussi bien les employeurs que les salariés.
M. Jean-Luc Mélenchon. Non ! C’est faux !
M. Xavier Bertrand, ministre. En ce qui concerne les forfaits annuels, le présent projet de loi pose des balises. Ils devront toujours être mis en place par le biais d’accords collectifs. Leur utilisation sera réservée à certains types de salariés, ayant le statut de cadre, autonomes dans la gestion de leur emploi du temps, pour les forfaits annuels en jours et les forfaits annuels en heures.
Les salariés travaillant au forfait jours pourront, s’ils le souhaitent – j’insiste sur ce point –, faire des jours supplémentaires au-delà de 218 jours (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.),…
M. Jean-Luc Mélenchon. Comment pourront-ils résister à l’employeur ?
M. Xavier Bertrand, ministre. … pour lesquels la rémunération sera alors majorée d’au moins 10 %, ce qui accroîtra leur pouvoir d’achat. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est lamentable !
M. Xavier Bertrand, ministre. L’Assemblée nationale a souhaité apporter à ce sujet un certain nombre de garanties. Elle a ainsi rappelé que les conventions de forfaits sont contractuelles et nécessiteront donc l’accord écrit du salarié.
Surtout, elle a fixé un plafond en jours qui s’appliquera à défaut de stipulations contraires d’un accord. Ce plafond de 235 jours permettra de garantir le repos de deux jours par semaine en moyenne, alors qu’aujourd’hui un cadre peut travailler jusqu’à 282 jours par an.
Mme Annie David. Ce n’est pas vrai !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je n’ai entendu personne s’émouvoir de la mise en place de ces forfaits jours par une ministre de l’emploi et de la solidarité qui s’appelait Martine Aubry ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous vous répondrons tout à l’heure !
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà la vérité !
En effet, il ne sert à rien de prévoir sur le papier une limite de 218 jours, alors que l’on sait très bien qu’il n’existe aucun garde-fou jusqu’à 282 jours !
Je voudrais aussi remettre les pendules à l’heure sur un autre point : bien évidemment, le 14 juillet, le 15 août, le 25 décembre ou encore le 1er janvier sont des jours fériés…
M. Guy Fischer. Vous voulez les supprimer !
M. Xavier Bertrand, ministre. … prévus par conventions collectives, et ils le resteront. Il n’y a que ceux qui n’ont rien à dire de sérieux qui cherchent à faire peur sur ce sujet ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ne nous provoquez pas !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n’est certainement pas là la façon dont il convient d’aborder un débat aussi attendu par les Français ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Enfin, et surtout, le projet de loi a pour objet de simplifier significativement la réglementation sur le temps de travail, en créant un nouveau mode unique d’aménagement négocié du temps de travail ; il remplacera les quatre modes actuels et offrira des règles beaucoup plus souples.
Mme Christiane Demontès. C’est sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Grâce à ce nouveau cadre légal, il ne sera plus nécessaire de programmer pour l’ensemble des entreprises d’une branche les durées des semaines de travail pour toute l’année à venir.
Aujourd’hui, un salarié à temps partiel n’a pas accès aux journées de RTT, et ne peut absolument pas les racheter. Avec ce texte, ce sera enfin possible.
Je sais que la commission des affaires sociales aura également le souci d’améliorer la manière dont ces nouvelles mesures relatives au temps de travail s’appliqueront en organisant mieux leur articulation avec les autres dispositions légales. Je serai bien évidemment sensible à ses suggestions.
L’accord devra par ailleurs fixer un délai de prévenance en cas de changement de durée ou d’horaires de travail. Sauf stipulation contraire, ce délai sera d’au moins sept jours.
Enfin, l’Assemblée nationale a introduit des dispositions rénovant les règles de fonctionnement du compte épargne-temps, le CET, en privilégiant la négociation d’entreprise, en facilitant les liens avec l’épargne retraite et en organisant la portabilité des avoirs stockés sur le CET.
M. Guy Fischer. Il faut surtout augmenter les salaires !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous percevez bien la philosophie générale de ce projet de loi. Pendant longtemps, la loi a imposé d’en haut. Nous voulons quant à nous une loi qui apporte des garanties dans les entreprises, tout en accordant une liberté de choix. Il s’agit de permettre aux entreprises et aux salariés de trouver les solutions les plus adaptées aux besoins de chacun, dans le dialogue.
C’est bien parce que les représentants des salariés auront une légitimité renforcée dans les entreprises qu’ils pourront se saisir des nouveaux espaces que nous ouvrons à la négociation collective. J’insiste sur ce dernier adjectif, car il ne s’agit en aucune manière de renvoyer les salariés à un face-à-face avec leur employeur. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. À peine ! Vous pensez qu’on peut négocier avec le couteau sous la gorge ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Lisez donc le texte !
Notre modèle, c’est bien celui de la négociation collective et de la participation de chacun à la détermination des règles qui le concernent. Ce n’est pas la même règle pour tous qui tombe d’en haut ! Ce n’est pas le même cadre, celui des 35 heures, pour toutes les entreprises en France, mais ce n’est pas non plus l’individualisation sans règles !
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme est ambitieuse ; elle est aussi attendue. Comme tout changement fondamental, elle ne manque pas de susciter des remarques et des interrogations, mais je voudrais vous renvoyer, s’agissant de la question essentielle de l’avenir du dialogue social, à ce qui s’est passé à l’automne dernier.
Après la présentation d’un texte sur le service minimum au cours de l’été, nous avions engagé la réforme des régimes spéciaux. Alors qu’une grève longue, qui allait durer neuf jours, se déroulait, on nous disait que c’en était fini du dialogue social en France. Or, cela n’a pas empêché la signature, quelques mois après, de deux textes majeurs relatifs au marché du travail et à la représentativité. Le dialogue social n’a pas pour objet de faire plaisir au Gouvernement ou à tel ou tel des partenaires sociaux. Il doit nous faire avancer sur un certain nombre de sujets, par exemple celui de la pénibilité du travail.
Mme Annie David. En faisant travailler les gens 48 heures par semaine ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Sur cette question, les négociations interprofessionnelles sont enlisées, mais nous ne les laisserons pas en l’état. Nous allons maintenant intervenir pour trouver des solutions avec les partenaires sociaux. (Les sénateurs du groupe CRC et du groupe socialiste manifestent leur scepticisme.)
Ce projet de loi réforme en profondeur les règles de la démocratie sociale et offre de nouveaux espaces à la négociation d’entreprise. Avec lui, la place et la légitimité de la négociation collective se trouvent confortées comme jamais auparavant dans notre système de relations professionnelles. Il a vocation à produire des effets dès son entrée en vigueur, à l’automne prochain. Mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme historique, ce sont les acteurs de l’entreprise qui lui donneront toute sa portée une fois que vous lui aurez conféré, par votre vote, force obligatoire et force législative. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, fruit de plusieurs années de réflexion et de concertation avec les partenaires sociaux, porte sur deux sujets majeurs : la rénovation de la démocratie sociale, d’une part, la réforme du droit de la durée du travail, d’autre part.
La réforme de la démocratie sociale qui nous est proposée a été engagée voilà plus de trois ans. En effet, dès 2005, le Premier ministre d’alors, M. Dominique de Villepin, avait demandé à Raphaël Hadas-Lebel, président de la section sociale du Conseil d’État, de formuler des propositions pour réformer les règles en matière de représentativité syndicale et de validité des accords collectifs, les modalités du dialogue social au sein des PME et le financement des organisations syndicales.
Remis en 2006, le rapport Hadas-Lebel préconisait d’apprécier la représentativité des organisations syndicales en fonction de leur audience électorale, mesurée grâce aux résultats des élections professionnelles ou des élections prud’homales, ou encore via une élection de représentativité. Il suggérait de fixer à 10 % le seuil de représentativité, afin de limiter la dispersion syndicale.
Consulté à son tour, le Conseil économique et social a approuvé ces recommandations, en optant cependant pour un seuil de représentativité de 5 %.
Le 18 juin 2007, le nouveau Premier ministre, M. François Fillon, a adressé aux partenaires sociaux, en application de la procédure prévue par la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, un document d’orientation pour les inviter à négocier sur la représentativité syndicale, la validité des accords collectifs et le développement du dialogue social dans les PME.
À la demande du chef de l’État, ce document d’orientation a été complété, en décembre dernier, afin que les négociations portent aussi sur le temps de travail et sur le financement des organisations syndicales de salariés et d’employeurs.
Ces négociations ont abouti à la signature d’une position commune par deux syndicats de salariés, la CGT et la CFDT, et deux organisations patronales, le MEDEF et la CGPME.
La première partie du projet de loi retranscrit fidèlement les termes de cette position commune, sauf sur la question du financement du dialogue social, sur laquelle je reviendrai dans un instant.
Le projet de loi prévoit d’abord de réformer les règles de la représentativité syndicale, qui ont peu évolué depuis une quarantaine d’années et sont devenues inadaptées aux nouvelles exigences de la négociation collective.
La présomption irréfragable de représentativité accordée à cinq organisations syndicales confère à celles-ci un avantage considérable, puisqu’elles sont présumées représentatives à tous les niveaux, quelle que soit leur implantation réelle.
Il faut reconnaître que cela ne favorise guère les recompositions syndicales. La présomption irréfragable de représentativité pose en outre un problème en cas de signature d’un accord dérogatoire, c’est-à-dire qui comporte des dispositions moins favorables pour les salariés que celles figurant dans la loi ou dans les accords collectifs de niveau supérieur, car il faudrait alors pouvoir s’assurer que les syndicats qui l’approuvent sont réellement représentatifs.
En vue de refonder la démocratie sociale, le projet de loi reprend l’essentiel des préconisations de la position commune du 9 avril 2008. Il actualise les critères de la représentativité syndicale, qui étaient restés inchangés depuis 1950.
En particulier, le critère de l’attitude patriotique pendant l’Occupation est conservé dans son esprit – il en a été longuement question en commission des affaires sociales –, puisque le projet de loi prévoit de faire désormais référence au « respect des valeurs républicaines ». Cette évolution est conforme au souhait qu’avait exprimé notre commission au moment de la recodification du code de travail. (M. le ministre approuve.)
Une obligation de transparence financière est imposée aux organisations syndicales et d’employeurs. Il s’agit là d’une première réponse au trouble provoqué par « l’affaire UIMM ».
L’audience, enfin, devient le critère essentiel de la représentativité syndicale ; elle sera appréciée au regard des résultats de chaque organisation au premier tour de l’élection des institutions représentatives du personnel – comité d’entreprise ou délégués du personnel.
Pour être reconnu représentatif, un syndicat devra obtenir au moins 10 % des voix dans l’entreprise et 8 % des voix à l’échelon de la branche et sur le plan national. Certains jugent ces seuils trop élevés et dangereux pour le pluralisme syndical, mais il nous faut assumer la volonté qui est la nôtre d’encourager une recomposition du paysage syndical dans notre pays. L’émiettement actuel n’est favorable ni aux salariés – la division syndicale n’ayant jamais contribué à la défense de leurs intérêts – ni aux employeurs, qui ont du mal à négocier avec des acteurs multiples et parfois tentés par la surenchère.
M. Guy Fischer. Il y a à redire ! Nous en reparlerons…
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission des affaires sociales souhaite ainsi encourager le rapprochement en cours entre l’UNSA, l’Union nationale des syndicats autonomes, et la CGC.
Elle souhaite également engager le débat sur la question de la représentativité des organisations patronales (Exclamations sur les travées du groupe CRC.), dont nous reparlerons lors de l’examen des articles. En effet, il lui a paru logique que les critères de représentativité de ces dernières soient mieux définis, sans quoi les syndicats de salariés auront face à eux, pour négocier, des organisations patronales qui pourraient être considérées comme moins légitimes qu’elles.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Robert Bret. C’est le cas !
M. Jean Desessard. Vous avez déposé des amendements dans ce sens ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Attendez ! Ne soyez pas aussi impatients, mes chers collègues…
Un autre sujet de préoccupation, pour la commission, concerne la représentation professionnelle des journalistes. En l’état actuel, le projet de loi risque de faire disparaître le syndicat le plus représentatif de cette profession, à savoir le Syndicat national des journalistes, le SNJ.
Soucieuse de préserver l’indépendance des journalistes, la commission vous proposera de prévoir des règles particulières pour cette profession, qui fait déjà l’objet d’un livre spécifique dans le code du travail.
Les nouveaux critères de représentativité auront des conséquences sur la vie syndicale dans l’entreprise et sur les règles de validité des accords collectifs.
Afin de renforcer la légitimité du délégué syndical, celui-ci sera dorénavant choisi parmi les salariés ayant recueilli au moins 10 % des voix aux dernières élections professionnelles. Chaque syndicat, même non représentatif, pourra par ailleurs désigner un représentant de la section syndicale qui sera chargé de l’animer et de préparer les prochaines élections professionnelles.
Les accords collectifs seront eux aussi plus légitimes, puisqu’ils devront, pour être valides, être signés par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant obtenu au moins 30 % des suffrages aux dernières élections et ne pas faire l’objet d’une opposition de la part de syndicats représentatifs ayant obtenu la majorité des suffrages.
Il s’agit là d’une étape supplémentaire vers la mise en œuvre du principe de l’accord majoritaire, qui demeure l’objectif final des signataires de la position commune.
Dans les PME, enfin, le texte facilitera la négociation avec des élus du personnel ou des salariés mandatés afin d’y favoriser le développement de la pratique conventionnelle.
En ce qui concerne le financement du dialogue social, je souhaite dire un mot de l’article 8, qui donne une base légale incontestable à l’accord UPA du 12 décembre 2001, car je sais que nombre de nos collègues ont été interpellés à ce sujet dans leurs départements.
Cet accord divise les organisations patronales. Il prévoit la mise en place d’une contribution à la charge de l’employeur pour financer le dialogue social dans les branches. Le MEDEF et la CGPME contestent ce nouveau prélèvement obligatoire et mettent en doute la légitimité de l’UPA pour signer un accord applicable à toutes les entreprises de l’artisanat. Les recours en justice qu’ils ont engagés n’ont cependant pas remis en cause la validité de l’accord, qui a été confirmée.
Dans ces conditions, la commission approuve le choix du Gouvernement de conforter l’accord UPA. Je signale que l’Assemblée nationale a modifié le dispositif initial pour lui donner plus de souplesse et qu’elle a retardé sa date d’entrée en vigueur afin que celle-ci coïncide avec l’achèvement des discussions, prévues par la position commune, sur la représentation des salariés et l’amélioration du dialogue social dans les petites entreprises. Je vous proposerai à mon tour, au nom de la commission, quelques ajustements complémentaires destinés à apaiser les craintes des uns et des autres.
J’en viens maintenant à la seconde partie du projet de loi, consacrée à la réforme du temps de travail.
Je le dis clairement, la décision du Gouvernement d’introduire ce second volet dans le texte a mécontenté les organisations signataires de la position commune, qui ont estimé que ce volet ne respectait pas les termes de leur accord et que cela risquait de mettre en péril le dialogue social.
M. Robert Bret. Voilà !
M. Guy Fischer. C’est un coup de force !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On n’écrit pas la loi sous la dictée !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il est exact que la position commune n’envisageait qu’une mesure de nature expérimentale, ponctuelle et strictement encadrée, qui n’aurait pas fait évoluer les choses en matière de contingent conventionnel d’heures supplémentaires.
C’est pourquoi le Gouvernement, honorant en cela une promesse électorale maintes fois entendue, a décidé de s’affranchir des termes de la position commune pour proposer une réforme de plus grande ampleur.
M. Guy Fischer. C’est le coup de force du Gouvernement !
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission soutient cette initiative. Ce serait, en effet, une singulière conception de la démocratie que de vouloir empêcher le pouvoir politique de mettre en œuvre les engagements pris devant les Français, lorsqu’il apparaît que les partenaires sociaux ne sont pas en mesure de parvenir à un compromis satisfaisant.
En outre, il nous paraît légitime de lier réforme du temps de travail et rénovation de la démocratie sociale, puisque le temps de travail a vocation à devenir l’un des thèmes de négociation privilégiés dans les entreprises et dans les branches.
Le texte s’écarte donc résolument de la logique des 35 heures. Nous le disons tout aussi résolument : nous ne pensons pas que l’on puisse créer des emplois en partageant le travail. Cela n’a marché nulle part ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n’est pas vrai ! Sinon, cela se saurait !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si, 400 000 emplois ont été créés !
M. Alain Gournac, rapporteur. Laissez-moi terminer ! Vous vous exprimerez tout à l’heure !
M. Robert Bret. Vous dites des contre-vérités !
M. le président. Mes chers collègues, seul M. le rapporteur a la parole !
Veuillez poursuivre, monsieur Gournac.
M. Alain Gournac, rapporteur. Au contraire, c’est en donnant plus de liberté que l’on enclenchera une dynamique économique vertueuse. Je suis, vous le savez, profondément attaché à la valeur travail,…
M. Jean-Luc Mélenchon. Comme Karl Marx ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac, rapporteur. … grâce à laquelle je me suis construit, et j’ai souffert, à l’époque des 35 heures, que notre pays donne l’impression qu’il voulait s’en détourner. (Protestations sur les mêmes travées.)
Dans un récent rapport, le Conseil d’analyse économique souligne qu’« aucune étude empirique ne permet de préciser qu’une réduction autoritaire de la durée du travail pourrait accroître l’emploi ».
M. Henri de Raincourt. C’est sûr !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il ajoute que les emplois créés grâce aux lois Aubry l’ont vraisemblablement été grâce aux allégements de charges et à la flexibilité accrue du temps de travail.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est certain !
M. Alain Gournac, rapporteur. La réduction de la durée légale du travail n’a eu, en tant que telle, qu’un impact marginal, et il n’est même pas sûr que cet impact ait été positif !
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est un ramassis de contre-vérités qui ne correspondent en rien à la réalité ! Vous, c’est zéro pointé depuis que vous êtes aux affaires !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous connaissez mieux l’organisation du travail que moi, monsieur Mélenchon, c’est certain ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Notre critique des 35 heures n’a donc rien d’idéologique, comme on l’entend dire parfois. Elle s’appuie au contraire sur des analyses solidement étayées, qui émanent des meilleurs experts.
M. Jean-Luc Mélenchon. Les vôtres !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je ne crois pas utile de revenir sur le détail des mesures présentées dans le projet de loi en matière de temps de travail, M. le ministre l’ayant déjà fait avec talent. Je rappellerai simplement trois points essentiels.
Tout d’abord, le texte fait disparaître le contingent d’heures supplémentaires tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il sera désormais possible d’effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent, à condition d’accorder au salarié une contrepartie en repos.
Ensuite, il supprime les dispositifs d’aménagement du temps de travail qui existent actuellement, pour les remplacer par un dispositif unique d’aménagement du temps de travail par voie d’accord collectif.
M. Alain Gournac, rapporteur. Enfin, il simplifie le régime des conventions de forfait. Le texte prévoit, notamment, que les salariés travaillant au forfait jours pourront renoncer à des jours de repos en échange d’une rémunération majorée, à condition que le nombre de jours travaillés dans l’année n’excède pas un maximum qui sera déterminé par voie d’accord et fixé, à défaut d’accord, à 235 jours, ainsi que l’a décidé l’Assemblée nationale.
Mme Annie David. Et vous prétendez vous préoccuper de la santé des salariés !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je voudrais, pour terminer, faire quatre observations.
Tout d’abord, le projet de loi procède, et cela est suffisamment rare pour être souligné, à une remarquable simplification du droit du travail,…
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Ah ça oui !
M. Alain Gournac, rapporteur. … qui est bien compliqué. Rédiger des lois plus courtes et plus simples est aussi un objectif politique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) Combien de chefs d’entreprise, dans les PME, sont encore capables de comprendre – je le dis avec tout le respect que j’ai pour eux ! – toutes les subtilités du droit de la durée du travail ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Tous ceux qui sont allés à l’école et qui savent lire ! Comme les Irlandais !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ensuite, le projet de loi donne la priorité à l’accord d’entreprise, l’accord de branche devenant supplétif, afin que les règles relatives à la durée du travail puissent être définies au plus près des réalités du terrain. Nous ne pensons pas que ce choix soit de nature à créer un quelconque dumping social.
Pour que l’accord d’entreprise soit valide, l’employeur devra recueillir l’assentiment de syndicats ayant obtenu au moins 30 % des voix, et les syndicats majoritaires pourront toujours exercer leur droit d’opposition. Cela garantit que les accords signés seront équilibrés. (Mme Annie David s’exclame.)
En outre, le texte maintient la durée légale du travail, qui marque le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, à 35 heures hebdomadaires.
M. Guy Fischer. C’est une tromperie !
M. Alain Gournac, rapporteur. Toute autre décision aurait été incohérente avec celle qui a été prise l’an dernier, dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, de défiscaliser les heures supplémentaires.
Enfin, je voudrais souligner, car c’est important, que le projet de loi laisse inchangées les règles sur la durée maximale du travail journalière et hebdomadaire, de façon à ne pas menacer la santé et la sécurité au travail. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C’est vide de sens ! C’est faux ! On pourra travailler jusqu’à soixante heures !
M. Alain Gournac, rapporteur. L’adoption de ce texte nous permettra donc de rompre avec la logique de la réduction du temps de travail qui a tant pesé sur la compétitivité du pays et sur le pouvoir d’achat des ménages,…
Mme Gisèle Printz. Ce n’est pas vrai !
Mme Christiane Demontès. Parlons-en, du pouvoir d’achat !
M. Alain Gournac, rapporteur. … et, en même temps, d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire des relations sociales. J’y vois, pour ma part, deux excellentes raisons de l’approuver. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
Organisation des débats
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, pour la clarté de nos débats, je souhaiterais que puissent être examinés séparément les amendements nos 78, 232, 141, 233 et 79, à l’article 16, les amendements nos 85 et 247, à l’article 17, et les amendements nos 95 et 268, à l’article 18.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Amoudry. (Applaudissements au banc de la commission.)
M. Jean Desessard. Ne vous laissez pas faire au Congrès, l’UDF ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi est pour le moins ambitieux. En effet, il ne vise pas moins qu’à redynamiser la démocratie sociale, à assouplir l’organisation du temps de travail, à relégitimer les syndicats en améliorant leur représentativité et à s’affranchir des contraintes liées aux 35 heures.
Lorsque l’on connaît les difficultés du dialogue social et la réalité de la vie économique, peut-on ne pas souscrire à de tels objectifs ? Cela me semble difficile.
Cela étant, par-delà une ambition et un volontarisme politique bienvenus, l’architecture de ce projet de loi ne nous semble pas couler de source et son contenu apparaît quelque peu déséquilibré.
Le présent texte met en effet en parallèle, et sur un pied d’égalité, deux volets qui, pourtant, ne relèvent pas de la même logique procédurale et ne visent pas le même aboutissement législatif.
Tandis que la partie du projet de loi consacrée à la démocratie sociale s’appuie sur une concertation substantielle, formalisée par la position commune du 9 avril 2008, et porte une réforme structurelle de la représentativité syndicale, le volet relatif à la réforme du temps de travail va très largement au-delà du seul article de la position commune traitant de cette question… mais en ne réformant l’aménagement du temps de travail que par touches et contournement.
Alors, pourquoi avoir voulu traiter de l’un et de l’autre sujets au sein du même véhicule législatif ?
Le choix fait par le Gouvernement n’ôte rien à l’importance du texte en matière de représentativité syndicale. La représentativité des syndicats, c’était le serpent de mer de la démocratie sociale. Jusqu’alors, aucun gouvernement n’avait osé s’y attaquer. Celui-ci le fait. C’était une nécessité, une urgence même, car les critères de représentativité, inchangés depuis 1946, étaient totalement obsolètes.
Partenaires sociaux et Gouvernement ont voulu prendre à bras-le-corps la question de la représentativité syndicale, mais le résultat est-il positif ? À notre avis, oui, même si cette affirmation mérite d’être nuancée.
La réforme proposée démocratisera vraiment la représentativité syndicale, renforçant potentiellement les organisations. Pourtant, elle pourrait, dans le même temps, fragiliser ces mêmes organisations, à tout le moins certaines d’entre elles, et c’est bien là le paradoxe.
Oui, indéniablement, la réforme qui est proposée démocratisera le dialogue social, d’une manière positive en fondant la légitimité des organisations sur des critères pleinement démocratiques, et négativement en battant en brèche tous les archaïsmes liés aux anciens critères de représentativité.
Positivement, les nouveaux critères de représentativité établis par le présent texte et issus de la position commune – respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale, audience, influence, effectifs et cotisations – sont bien de nature à renforcer la légitimité des syndicats de salariés et à redynamiser la démocratie sociale.
Arrêtons-nous un instant sur certains de ces critères.
L’influence, tout d’abord, est un critère jurisprudentiel très pertinent désormais intégré au corpus législatif. Il est éminemment démocratique puisqu’il évalue la capacité d’une organisation à mobiliser et à peser dans le débat.
Ensuite, les critères de la transparence financière et de l’audience sont, eux aussi, déterminants pour démocratiser le dialogue social.
Ce n’est donc pas un hasard si ces critères sont détaillés dans le projet de loi.
L’article 8, consacré aux ressources et moyens des organisations syndicales et professionnelles, est porteur d’une avancée significative en ce qu’il impose une obligation de transparence financière aux syndicats. Dorénavant, ceux-ci auront l’obligation d’assurer la certification et la publicité de leurs comptes.
En outre, la possibilité de créer, par accord ou convention, une ressource assise sur la masse salariale assurera le financement du dialogue social tout en n’imposant pas aux entreprises de payer deux fois, puisque toutes leurs dépenses engagées au titre du dialogue social pourront être déductibles de l’assiette de cette nouvelle contribution.
Ces règles sont fondamentales et nous y sommes très favorables, en particulier parce qu’elles permettront d’organiser le dialogue social dans les branches composées de très petites entreprises au sein desquelles des négociations internes ne peuvent avoir lieu.
C’est pourquoi il nous paraît important qu’elles puissent entrer en vigueur en même temps que l’ensemble de la loi, et non à partir du 30 juin 2009 comme le prévoit actuellement le texte, tel qu’amendé par l’Assemblée nationale. Nous avons déposé un amendement en ce sens, aucune raison valable ne nous semblant justifier un tel différé.
L’autre critère fondateur de la nouvelle représentativité syndicale est bien sûr l’audience, un critère qui substitue une légitimité réellement démocratique, fondée sur le vote, à une légitimité historique, héritée du passé. Dans son principe, nous ne pouvons qu’adhérer à cette mesure.
Je l’ai dit, la présente réforme démocratisera le dialogue social positivement en fondant sa légitimité sur des critères démocratiques, mais aussi négativement en tirant les conséquences de cette rénovation des critères de légitimité, c’est-à-dire en battant en brèche, un à un, tous les archaïsmes associés aux anciens critères.
Premier archaïsme, de taille : la présomption irréfragable de représentativité. Elle disparaît, c’est un grand pas en avant.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Jean-Paul Amoudry. Cette présomption sans fondement démocratique nous venait d’une tout autre époque. Il appartiendra maintenant à chaque organisation de faire établir sa représentativité sur la base de critères objectifs.
Deuxième archaïsme : l’ouverture du premier tour des élections professionnelles aux seules organisations syndicales représentatives. Cela aussi, heureusement, va changer. L’ouverture du premier tour de ces élections à tous les syndicats est une mesure de justice.
Troisième archaïsme : un délégué syndical peut engager les salariés parce qu’il a été désigné par son organisation. C’est encore un changement majeur : dorénavant, le délégué syndical devra avoir recueilli personnellement au moins 10 % des suffrages valablement exprimés au premier tour des élections professionnelles. Le délégué syndical tirera sa légitimité de sa désignation, mais aussi directement des urnes.
Quatrième archaïsme, peut-être le plus important : la possibilité qu’avait chaque syndicat représentatif d’engager tous les salariés en signant un accord jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
La loi du 4 mai 2004 est heureusement revenue là–dessus en posant le principe de l’accord majoritaire, principe dont la mise en œuvre est concrétisée par ce texte avec la création du droit d’opposition.
Le présent projet de loi va beaucoup plus loin en prévoyant que la validité d’un accord soit subordonnée à sa signature par des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés aux élections professionnelles, ainsi qu’à l’absence d’opposition de syndicats représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors du même scrutin. Avec ce texte, c’est la conclusion même des accords qui se démocratise réellement.
Cette démocratisation renforce la légitimité des organisations et devrait théoriquement conduire à un accroissement de leur poids dans le dialogue social. Pourtant, paradoxalement, de nombreux aspects du texte nous font craindre que son application ne conduise à un affaiblissement des syndicats.
Tout d’abord, si la réforme démocratise la représentation syndicale, le fait-elle en favorisant le pluralisme ? En apparence, oui ; en réalité, nous craignons que ce ne soit pas le cas.
En apparence, entre l’ouverture du premier tour des élections professionnelles à tous les syndicats, l’abandon de la présomption irréfragable de représentativité et le droit de désigner un représentant de la section syndicale à toute organisation, le projet de loi favorise le pluralisme syndical.
Cependant, la réalité est certainement moins favorable. Le choix des élections professionnelles comme mesure de l’audience n’est pas satisfaisant, car il exclut les salariés des très petites entreprises, qui représentent 92 % des entreprises françaises et 37 % des salariés.
C’est pourquoi nous présenterons deux amendements, l’un visant à retenir les résultats des élections prud’homales comme mesure de l’audience, l’autre étendant à toutes les branches le mécanisme prévu par le projet de loi pour les seules branches au sein desquelles plus de 50 % des entreprises n’organisent pas d’élections professionnelles.
Non seulement le choix des élections professionnelles ne nous semble pas judicieux, mais le seuil de voix retenu pour déterminer la représentativité dans l’entreprise, sans qu’il ne soit fait de distinction entre les entreprises, est aussi de nature à exclure de la table des négociations des organisations qui représentent pourtant de nombreux salariés. Pour mémoire, on a retenu un seuil de 10 % alors que le Conseil économique et social évoquait, dans son avis de décembre 2006, un seuil de 5 %.
Un tel système pourrait réduire le pluralisme syndical dans les grandes entreprises, et ce alors même que l’entreprise devient l’échelon de négociation de droit commun.
Afin de corriger cet effet indésirable de la loi, nous proposerons de distinguer entre les entreprises de plus de 1000 salariés et les entreprises de moins de 1000 salariés pour l’application du seuil de 10 %.
Mais que révèlent ces choix ? Certainement que l’on attend une recomposition du paysage syndical, faite de fusions et d’alliances. Une fois de plus, si c’est le choix de la démocratie, c’est aussi celui d’une forme de démocratie bien déterminée : la démocratie majoritaire.
En d’autres termes, si nous nous félicitons des réelles avancées qu’elle permet en matière de représentativité syndicale, nous craignons que cette réforme ne porte irrémédiablement atteinte au pluralisme syndical.
La position commune du 9 avril dernier porte bien mal son nom. Seules deux des centrales syndicales bénéficiant de la présomption irréfragable et représentant l’ensemble des catégories socioprofessionnelles l’ont signée : la CGT et la CFDT. Cela ressemble à une alliance de deux grands contre les petits. Cette tendance lourde, que nous autres centristes connaissons bien pour la subir, nous ne pouvons que la déplorer. La démocratie, ce n’est pas seulement la majorité, c’est aussi la représentativité ; la représentativité, ce n’est pas uniquement le vote, c’est aussi le pluralisme.
Ainsi, le présent projet de loi risque de fragiliser le syndicalisme en ne favorisant pas son pluralisme. De surcroît, alors qu’il vise prétendument à renforcer les organisations, il pourrait encore les affaiblir.
En premier lieu, ce texte consacre, paradoxalement, la fin du monopole syndical de négociation.
En effet, il permet tout d’abord aux institutions de représentation du personnel ou à un salarié de négocier en l’absence même d’accord collectif préalable. Afin de conserver le principe de la négociation des accords collectifs par les syndicats, nous défendrons un amendement visant à abaisser de 200 à 50 l’effectif salarié au-dessous duquel les accords collectifs peuvent être négociés par les représentants élus du personnel ou par des salariés mandatés en l’absence de représentation syndicale.
Par ailleurs, le projet de loi bat en brèche le monopole de négociation syndical en faisant sortir certaines matières du champ de la négociation et en multipliant les cas d’accord de gré à gré entre salariés et employeurs. C’est justement ce que prévoit ce texte, en matière d’aménagement du temps de travail, avec les dispositions relatives au forfait annuel jours.
En second lieu, en faisant de l’entreprise l’échelon de principe du dialogue social, le texte affaiblit les syndicats. Cela apparaît notamment en matière de réforme du temps de travail.
J’en arrive ainsi au second volet du projet de loi.
Cette partie du texte ne bénéficie pas, à nos yeux, de la même légitimité sociale que la précédente. Sans avoir été formellement transgressée, la règle posée par la loi du 31 janvier 2007 n’aura pas été appliquée avec l’effectivité que l’on pourrait attendre. La question du temps de travail n’a été rajoutée aux négociations ayant conduit à la position commune que tardivement, par le biais d’un document d’orientation additionnel. Aussi ce qui est aujourd’hui proposé dépasse-t-il de très loin le seul article de la position commune abordant la question.
Cet article 17 prévoyait, à titre expérimental, que des accords d’entreprise puissent déroger aux règles fixées par la branche en matière de dépassement du contingent d’heures supplémentaires. Ce qui est proposé va bien au-delà de ce dispositif, sans toutefois bouleverser directement le régime des 35 heures.
Vous le rappeliez, monsieur le ministre, la durée légale du travail demeure fixée à 35 heures et constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Le taux de majoration de ces heures reste le même. La durée maximale hebdomadaire n’est pas modifiée, comme la durée maximale hebdomadaire moyenne de travail sur douze semaines ou la durée maximale quotidienne de travail et les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire.
Toutefois, avec ce texte, nous assistons à un renversement des principes gouvernant la négociation relative au temps de travail : l’entreprise devient l’échelon de négociation de principe. L’autorisation administrative est supprimée et le repos compensateur entre dans le champ de la négociation.
Certes, un règlement continuera de jouer le rôle de filet de sécurité en déterminant les règles de dépassement du contingent d’heures supplémentaires, mais faire de l’entreprise l’échelon de négociation de principe ne constitue pas un progrès social et humain. C’est pourquoi, le pouvoir de négociation des syndicats nous paraissant affaibli, la branche doit demeurer l’échelon pertinent. Nous défendrons des amendements en ce sens.
Nous avons relevé que les changements les plus substantiels relatifs au temps de travail portent sur les forfaits annuels jours. Or le dispositif présenté nous semble insuffisamment protecteur des salariés. Nous considérons que le nombre de jours annuels travaillés doit être mieux encadré et que leur rémunération doit être réellement attrayante. Par ailleurs, il appartient au législateur de favoriser une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Là encore, nous défendrons des amendements visant à corriger les insuffisances du texte.
Comme je l’ai dit, monsieur le ministre, notre groupe accueille favorablement la réforme que vous nous proposez,…
M. Jean-Paul Amoudry. … mais il la considère aussi largement perfectible.
Je voudrais conclure par deux questions touchant aux deux volets du texte.
Première question : pourquoi un projet de loi portant sur la rénovation de la démocratie sociale n’aborde-t-il pas en même temps la question de la représentativité des organisations patronales ? Il y a là, nous semble-t-il, un manque, qu’il importe de combler.
M. Guy Fischer. Deux poids, deux mesures !
M. Jean-Paul Amoudry. Seconde question : puisque l’on supprime le contrôle administratif sur le recours aux heures ou jours supplémentaires, comment entend-on contrôler l’effectivité de l’augmentation de salaire qui doit l’accompagner ? Comment s’assurera-t-on que, dans notre pays, l’on pourra effectivement travailler plus pour gagner plus ? (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, la rondeur de vos paroles ne fera pas oublier la brutalité de vos décisions.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vois que vous appréciez et j’en suis ravi, monsieur le ministre !
Le projet de loi que nous allons examiner est une illustration de mon propos. En effet, ce texte est perçu comme une trahison par les partenaires sociaux.
Alors que les deux principaux syndicats de salariés, la CGT et la CFDT, ainsi que le MEDEF et la CGPME, étaient parvenus à un accord, le Gouvernement a décidé de ne pas le respecter, au seul motif qu’il ne correspondait pas à ses objectifs.
Monsieur le ministre, si vous vous en étiez tenu à la première partie de votre projet de loi, nous aurions pu en débattre sereinement, même s’il ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes. Nous aurions pu, sous conditions, être favorables à la transcription de cet accord dans la loi.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce sont des procès d’intention, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Godefroy. Hélas, vous avez profité de la situation pour proposer un texte radical, rompant brutalement avec tous vos discours antérieurs sur la place de la négociation sociale et la protection de notre contrat social.
La seconde partie de ce projet de loi est en effet pour nous inacceptable, et nous allons tenter de vous démontrer à quel point votre texte constitue un recul, bien au-delà de la question des 35 heures. C’est en fait une véritable régression sociale, un retour en arrière considérable en matière de législation sociale.
Avant d’entrer dans les détails, il me faut tout de même dire un mot sur la forme et les délais inacceptables que vous nous imposez. L’été est une nouvelle fois le moment que vous avez choisi pour infliger de mauvais coups aux salariés. Plusieurs textes nous ont ainsi été soumis dans l’urgence, sous couvert de réforme, pendant cette session extraordinaire.
À l’heure où l’on parle de réforme des institutions et de renforcement des droits du Parlement, ce texte vient démontrer une fois de plus à quel point vos actes sont très différents de vos paroles, notamment pour ce qui est de la déclaration d’urgence, qui est, de fait, devenue la règle et non plus l’exception. Ainsi, vous avez déclaré l’urgence pour la totalité des textes réformant le droit du travail.
M. Jean-Pierre Godefroy. La première partie de ce projet de loi organise donc la transposition dans notre droit de la position commune signée au mois d’avril dernier par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME.
Nul ne conteste la nécessité d’établir de nouvelles règles de représentativité des syndicats de salariés. Les dispositions de l’arrêté de 1966 sur la représentativité des cinq centrales de l’époque sont clairement obsolètes.
D’une meilleure représentativité doit naître une validité moins contestable des accords, ce qui impliquera moins de recours juridictionnels ; nous sommes d’accord sur ce point.
Depuis longtemps, le parti socialiste dénonce l’archaïsme d’un système de représentativité déterminé par décret et l’existence d’accords minoritaires s’imposant à l’ensemble des salariés.
Nous nous réjouissons donc que les partenaires sociaux aient pu discuter de ce sujet et aboutir à un compromis, même si celui-ci n’est pas parfait et pose question sur un certain nombre de points. Nous y reviendrons.
À l’évidence, la représentativité syndicale ne peut résulter que du vote des salariés, de tous les salariés. C’est pourquoi, sans rien ignorer du débat légitime entre les organisations syndicales, nous avions songé, pour notre part, à retenir comme instrument de mesure le scrutin prud’homal, qui présente l’avantage de permettre à tous les salariés,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais certains en sont exclus !
M. Jean-Pierre Godefroy. … y compris ceux des PME, d’exprimer leur choix, de surcroît le même jour.
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas imaginer un « scrutin national du dialogue social », organisé le même jour sur l’ensemble du territoire ?
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Le choix des élections professionnelles par entreprise pour déterminer la représentativité nous gêne dans la mesure où cela conduit à une application progressive de la loi, au fur et à mesure du déroulement de ces élections, tous les quatre ans.
L’argument du vote et de la représentativité mesurée dans l’entreprise, au plus près de l’action syndicale, conserve néanmoins toute sa force : c’est le choix des signataires de la position commune et nous le respectons, même si le débat, pour nous, reste ouvert. Nous prenons acte de leur volonté de négocier rapidement sur la question de la représentation des salariés dans les petites entreprises, aujourd’hui exclues du dispositif.
De même, nous nous sommes toujours clairement prononcés en faveur de l’accord majoritaire à tous les niveaux. Les signataires de la déclaration commune ont avancé dans cette voie, en reprenant le principe d’une validation des accords par des syndicats représentant au moins 30 % des salariés, en l’absence d’opposition majoritaire. Nous respectons cette position, même si l’objectif de l’engagement majoritaire reste en débat.
Pour autant, le texte, dans sa rédaction actuelle, n’est pas satisfaisant. Si nous reviendrons plus en détail, au cours de l’examen des articles, sur les nombreux points qui nous posent problème, je voudrais d’ores et déjà en évoquer deux.
En premier lieu, il faut noter qu’aucune disposition n’est prévue dans le texte pour déterminer la représentativité des organisations patronales, qui est pourtant peu claire.
Outre le MEDEF, la CGPME et l’UPA, existent l’UNAPL, pour les professions libérales, l’USGERES, représentant les acteurs de l’économie sociale, le GEMA, pour les mutuelles d’assurances, et l’UNIFED, pour les établissements de soins à but non lucratif. Pour garantir la légitimité des futurs accords, il nous semble indispensable que toutes les parties à l’accord soient représentatives, et pas seulement les syndicats de salariés.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons donc déposé un amendement à ce sujet.
M. Jean Desessard. Très bon amendement !
M. Jean-Pierre Godefroy. En second lieu, se pose le problème des syndicats professionnels autonomes, dont l’action est menacée par ce texte. Je pense, bien sûr, au Syndicat national des journalistes, dont la place et le rôle dans les entreprises de presse doivent être préservés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous allons nous y efforcer !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il y va de leur indépendance. Pour autant, mes chers collègues, cela ne concerne pas que le SNJ.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a également les pilotes.
M. Alain Gournac, rapporteur. Et les conducteurs de train !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous proposerons donc un amendement concernant l’ensemble de ces syndicats.
Par ailleurs, monsieur le ministre, même sur cette première partie du projet de loi relative à la démocratie sociale, vous avez montré quel était votre véritable objectif, en appelant au respect de la position commune quand cela vous arrangeait ou en modifiant le texte, avec la complicité du rapporteur de l’Assemblée nationale, quand cette position commune ne vous satisfaisait pas complètement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est une preuve d’intelligence et cela montre la place réservée aux parlementaires dans la rédaction de la loi !
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, les travaux de l’Assemblée nationale ont réservé quelques surprises. Si le projet de loi adopté en conseil des ministres respectait le texte de la déclaration commune, les nombreux amendements adoptés en première lecture ont quelque peu modifié la donne.
J’en veux pour preuve le durcissement des conditions de calcul des effectifs dans les entreprises, ce qui aboutira mécaniquement à un nombre inférieur de délégués du personnel et de comités d’entreprise.
M. Jean-Pierre Godefroy. J’en veux pour preuve, également, le report, une nouvelle fois, de l’entrée en vigueur de l’accord UPA. Ainsi, depuis sept ans, un accord sur le financement du dialogue social signé par toutes les organisations syndicales de salariés et les représentants patronaux de 800 000 entreprises artisanales ne peut entrer en application, par la seule obstruction du MEDEF.
Monsieur le ministre, nous attendons que le Gouvernement « reprenne la main », pour reprendre votre propre expression.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les tribunaux l’ont validé !
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est passé devant la Cour de cassation !
M. Jean-Pierre Godefroy. Quant à la seconde partie du projet de loi, les mots me manquent pour dire tout le mal que je pense des huit articles qui la composent, lesquels rompent définitivement avec le modèle social que nous connaissons aujourd’hui.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous remercie de ces félicitations, monsieur le ministre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Hélas ! Ces six dernières années, notre modèle social a déjà subi de nombreux coups de boutoir ; vous êtes en passe de l’achever ! Et l’on a bien du mal à croire à la sincérité des propos du Président de la République sur l’Europe et la préservation de notre modèle social…
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Il nous a trahis !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les organisations syndicales, comme les salariés français, n’oublieront d’ailleurs pas que c’est vous, monsieur le ministre, qui n’avez pas respecté la promesse faite par votre prédécesseur,…
M. Guy Fischer. Vous l’avez trahie !
M. Jean-Pierre Godefroy. … notre collègue Gérard Larcher, en donnant votre accord à l’acceptation de la directive « temps de travail », qui généralise l’opting out.
M. Jean-Pierre Godefroy. Dans ce cas, vous nous le démontrerez tout à l’heure !
À Bruxelles comme à Paris, c’est la frange la plus libérale de l’UMP qui l’a emporté.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est dommage que notre collègue Gérard Larcher ne soit pas présent parmi nous aujourd’hui. Ce serait très intéressant de l’entendre.
M. Guy Fischer. Vous avez trahi !
M. Jean-Pierre Godefroy. Prouvez le contraire !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est vous qui avez signé, monsieur le ministre, ce n’est pas moi !
M. Jean-Pierre Godefroy. Serait-ce enfin l’aboutissement du processus engagé depuis 2002 ?
Mme Gisèle Printz. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je rappelle qu’en six ans, c’est le septième texte qui vise à assouplir le dispositif des 35 heures !
Depuis 2002, nous avons ainsi notamment subi plusieurs augmentations successives des contingents d’heures supplémentaires et la modulation de leurs majorations, la création des « heures choisies », la monétarisation des repos compensateurs et des comptes épargne-temps, ainsi que l’élargissement du recours au forfait. Mais je crains qu’en cette matière votre capacité d’imagination ne soit sans limite…
Mme Annie David. Une fois de plus !
M. Jean-Pierre Godefroy. … et que, dans quelques mois, vous ne nous bricoliez une nouvelle idée qui accentuera encore la déréglementation des relations sociales.
Déjà, avec ce projet de loi, vous mettez en œuvre une déréglementation sans précédent. Cela dépasse d’ailleurs largement la seule question des 35 heures, qui, contrairement à ce que vous voudriez faire croire, sont loin d’être la source de tous les maux de l’économie française.
Mme Gisèle Printz. Oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. La réduction du temps de travail est une orientation de société que nous revendiquons et que nous assumons. Les 35 heures ont été une chance et un élan positif pour notre pays. Il me semble nécessaire, à cet instant, de vous rappeler quelques chiffres.
La réduction du temps de travail a permis à nombre d’entreprises de recruter, de 300 000 à 400 000 personnes selon les sources.
Mme Gisèle Printz. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. En outre, selon Eurostat, le taux de création d’emplois en France de 1999 à 2001 a été supérieur de moitié à ceux des autres pays d’Europe. Enfin, c’est entre 1998 et 2002 que l’emploi salarié a le plus augmenté dans notre pays.
De même, loin de brider la croissance, les 35 heures l’ont favorisée. C’est bien entre 1998 et 2002 que notre taux de croissance a été le plus élevé, atteignant 2,7 % en moyenne annuelle, bien loin du 1,6 % que prévoit l’INSEE pour 2008.
M. Jean-Luc Mélenchon. Et voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les 35 heures n’ont porté atteinte ni à la productivité ni à l’attractivité de notre territoire.
M. Jean-Luc Mélenchon. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Godefroy. La productivité horaire française est aujourd’hui encore supérieure de 5 % à celle des États-Unis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Bravo !
M. Robert Bret. Voilà la réalité économique !
M. Jean-Pierre Godefroy. Le présent projet de loi est certes historique, mais dans le plus mauvais sens du terme. Toutes les dispositions de cette seconde partie sont mauvaises, et nous y reviendrons en détail au cours de l’examen des articles. Mises bout à bout, elles consacrent un véritable retour en arrière, une vraie régression sociale.
Dans la position commune et son désormais célèbre article 17, la possibilité de conclure des accords dérogatoires était strictement encadrée, notamment par la condition que l’accord doit être conclu avec un syndicat majoritaire en voix dans l’entreprise, et s’inscrivait dans le cadre de la législation existante.
Avec ce projet de loi, vous remettez en cause un principe fondateur de notre droit du travail. Il est vrai que la hiérarchie des normes avait déjà été bien entamée par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
Désormais, on passera directement à une hiérarchie des normes inversée, puisque, pour la première fois, vous affirmez la supériorité totale des accords d’entreprise, qui primeront sur les accords de branche, lesquels ne seront applicables « qu’à défaut ». C’est la mort des accords de branche et de leur aspect régulateur. Le MEDEF, tout au moins une fraction de cette organisation, en rêvait, vous l’avez fait !
M. Robert Bret. C’est le petit livre de Parisot !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ces nouveaux accords d’entreprise permettront d’effectuer un nombre d’heures supplémentaires supérieur au contingent, sans autorisation de l’inspection du travail, avec des majorations salariales négociées, qui pourront donc n’être que de 10 %, et des repos compensateurs négociés pour toutes les heures accomplies au-delà du contingent légal de 220 heures.
La conséquence en est la suppression des repos compensateurs actuellement en vigueur dans le code du travail, au profit de contreparties négociées par entreprise ou établissement, les repos pouvant être transformés en majoration salariale de 10 % si un accord le prévoit. Voilà déjà un retour en arrière de plus de quarante ans !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas tout à fait exact, me semble-t-il.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le texte prévoit également une extension des forfaits en heures à tous les salariés disposant d’une « réelle autonomie » dans leur emploi du temps.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous devrez nous le prouver, monsieur le ministre, il ne suffit pas de me contredire !
En tout état de cause, il s’agit d’une notion difficile à définir, si ce n’est par opposition aux emplois postés. Dans la mesure où le contingent d’heures supplémentaires n’est pas applicable aux forfaits en heures, cela implique que ces salariés seront susceptibles d’effectuer 417 heures supplémentaires sans repos compensateur.
M. Robert Bret. Voilà la réalité !
M. Jean-Pierre Godefroy. Le plafond des forfaits en jours, actuellement de 218 jours, pourra être aussi dépassé par la création d’une « durée maximale » fixée unilatéralement par l’employeur : jusqu’à 235 jours à défaut d’accord.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous ne pouvez pas dire que c’est faux ! Vous avez dit la même chose tout à l’heure !
Cela représente jusqu’à 3 055 heures de travail possibles, soit 13 heures par jour ou 73 heures par semaine, avec comme seul repos les fins de semaine, les vingt-quatre jours de congés annuels et le 1er mai !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il ne suffit pas de dire cela, monsieur le ministre, il faudra que vous le prouviez !
M. Guy Fischer. Absolument ! Faites-en la démonstration !
M. Jean-Pierre Godefroy. À défaut d’accord, le forfait pourra très bien être porté à 282 jours, soit 6 jours, ou 78 heures, par semaine. C’est hallucinant ! Ce n’est pas pour faire peur que je dis tout cela, car telle est bien la réalité !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, le syndicat CFE-CGC appréciera sûrement votre déclaration de tout à l’heure, selon laquelle ceux qui soutiennent cela sont ceux qui n’ont rien à dire de sérieux ! (Mme Gisèle Printz s’esclaffe.)
À l’heure actuelle, les salariés ne sont plus protégés que par l’article L. 3132-2 du code du travail, qui prévoit que le repos hebdomadaire est de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les onze heures de repos quotidien, soit trente-cinq heures. Les jours fériés chômés disparaissent, ce qui répond à une vieille revendication du MEDEF et de la CGPME.
On peut d’ailleurs se demander quelle est l’utilité de cette partie du projet de loi, dans laquelle nous est proposée une extension considérable de la durée du travail, y compris par « accord de gré à gré » entre l’employeur et le salarié.
Aujourd’hui, les salariés qui effectuent des heures supplémentaires ne font en moyenne que 55 heures sur un contingent maximal de 220 heures. Vous connaissez ces chiffres aussi bien que nous.
En fait, toutes ces dispositions ne visent qu’à augmenter la durée du travail, en renégociant les accords par entreprise ou établissement sans recourir aux heures supplémentaires, mais au contraire en limitant leur nombre par l’extension des forfaits. Il s’agit donc de réduire le coût des heures supplémentaires par la négociation, à la fois, du taux des majorations et des repos compensateurs. Il en sera de même pour les rachats de jours de RTT majorés de 10 %. L’objectif de ces négociations multiples et atomisées semble bien être de réduire à la portion congrue la majoration de 25 % des huit premières heures supplémentaires et de 50 % des suivantes.
M. Guy Fischer. Voilà l’objectif !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il faut le dire, le Gouvernement prévoit donc, en quelque sorte, de « vampiriser » la loi TEPA, qui apparaît comme purement circonstancielle.
Le résultat absolument certain, c’est que, demain, les salariés seront condamnés à travailler plus pour gagner moins, ou en tout cas pas plus.
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est peut-être n’importe quoi,…
M. Jean-Pierre Godefroy. … mais ce sont les salariés qui vous jugeront quand cette loi sera appliquée !
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est affreux !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, vous ne m’aurez pas à ce petit jeu ! Je vous connais : vous êtes coutumier du fait, mais cela ne prend pas avec moi ! Essayez avec d’autres ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ça suffit, monsieur le ministre ! Monsieur le président, qu’est-ce que c’est que cette manière d’interpeller sans cesse l’orateur ? Nous sommes au Parlement, tout de même !
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est vous qui faites la police ?
M. le président. Monsieur Mélenchon, M. Godefroy et M. le ministre s’interpellent à tour de rôle !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais M. le ministre interrompt sans cesse !
M. le président. Monsieur Mélenchon, tout à l’heure, vous n’avez cessé d’interpeller M. le ministre. Alors ne me donnez pas de leçons !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais j’ai le droit de m’exprimer, je suis parlementaire !
M. le président. Monsieur le ministre, je préférerais que vous demandiez la parole si vous souhaitez interrompre l’orateur.
Veuillez poursuivre, monsieur Godefroy. Vous seul avez la parole.
M. Jean-Pierre Godefroy. Avec ce projet de loi, les règles sociales vont donc devenir un élément de concurrence entre les entreprises d’une même branche et de dumping social au détriment des salariés.
Cela ne fait pour nous aucun doute, la négociation d’entreprise s’effectuera toujours sous la contrainte des accords socialement les plus défavorables, assortie parfois de chantage aux délocalisations, ce que vivent déjà de nombreux salariés, par exemple chez Bosch ou chez Goodyear.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas du chantage ! C’est pour répondre aux difficultés des entreprises !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je suis persuadé que vous faites, au travers de ce texte, deux erreurs majeures.
Sur le plan économique, vous privilégiez une vision à très court terme, ce qui, dans un contexte de croissance molle, permettra probablement à certaines entreprises de passer un cap difficile en rognant sur les droits de leurs salariés – mais pas sur les dividendes ! Dès que la situation de l’emploi s’améliorera, comme nous le souhaitons tous, cela se retournera contre ces mêmes entreprises, qui auront, soyez-en certain, le plus grand mal à recruter.
Comme l’ont démontré de nombreux experts, y compris internationaux, la France souffre moins d’une durée individuelle du travail insuffisante que d’une durée collective du travail trop faible.
M. Robert Bret. Et de trop bas salaires !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est tout le problème de l’entrée des jeunes dans la vie active et de l’emploi des seniors, deux fléaux auxquels vous ne vous attaquez pas dans ce texte, pas plus que dans les autres, d’ailleurs.
M. Guy Fischer. Au contraire !
M. Jean-Pierre Godefroy. Puisque vous aimez à prendre en exemple les pays scandinaves, vous ne pouvez pas ignorer ce récent rapport du Conseil d’analyse économique – organe gouvernemental, je le rappelle – qui démontre que le décalage observé entre la France et ces pays scandinaves tient pour l’essentiel au sous-emploi : notre pays souffre en fait d’une trop faible mobilisation de la population active et de l’insuffisance des créations d’emplois qualifiés.
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela signifie que l’effort doit porter en priorité non pas sur la variation de la durée du travail, mais sur la formation et l’innovation.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Sur le plan social, votre projet de loi est profondément déstructurant, et je ne peux m’empêcher de vous rappeler, monsieur le ministre, que la santé et la sécurité au travail relèvent aussi de votre responsabilité. Comment donc ne pas faire le lien entre la disparition du repos compensateur, la hausse du nombre des salariés au forfait ou l’augmentation des heures supplémentaires, d’une part, et le développement des accidents du travail, des maladies professionnelles, du stress et parfois, malheureusement, des situations extrêmes, d’autre part ?
Ce sont là aujourd’hui de graves problèmes de santé publique, que les dispositions de ce texte ne manqueront pas d’aggraver, sans parler, en outre, de l’enlisement des négociations sur la pénibilité, que le patronat refuse toujours d’admettre. Voilà trois ans que l’on attend, mais, pour ce texte, vous n’avez pas attendu trois mois ! Il y a donc une différence de traitement !
Vous êtes également ministre chargé de la famille. Comment pouvez-vous penser que les dispositions de ce projet de loi permettront aux salariés de concilier vie professionnelle, vie privée et vie familiale ? À l’heure où le développement des nouvelles technologies permet déjà au travail d’envahir la sphère privée, ne croyez-vous pas que les dispositions de ce texte vont aggraver la situation ? Alors que le ministre de l’éducation nationale a récemment annoncé la suppression de l’école le samedi matin pour les enfants, ce seront maintenant les parents qui devront travailler plus !
Ce qui n’aura pas été, ou si peu, gagné en salaire malgré l’allongement du temps de travail sera perdu en frais de garde supplémentaires, sauf à laisser les enfants livrés à eux-mêmes, ce qui est plus grave encore. Un peu de cohérence gouvernementale serait bienvenue : le risque est réel que la cellule familiale se distende de plus en plus.
Vous êtes, enfin, ministre chargé de la solidarité : or ce texte ouvrira une concurrence totalement dérégulée à tous les niveaux, entre entreprises, entre salariés, entre salariés et chômeurs…
En privilégiant l’augmentation de la durée du travail pour les salariés à temps plein, vous oubliez ceux qui ont besoin de tout simplement travailler pour gagner leur vie : les chômeurs, les 1,2 million de salariés qui sont à temps partiel, ceux qui sont mis en préretraite à 55 ans. Vous imposez des conditions de travail plus dures aux salariés, qui, au final, ne gagneront rien ou presque, mais vous renoncez toujours à taxer les stock-options selon le régime de droit commun. Belle solidarité nationale en vérité !
Je pense que vous commettez une erreur majeure en démantelant ainsi le droit du travail et notre modèle social. Le groupe socialiste votera donc résolument contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en matière d’emploi, sous l’impulsion du Président de la République, la France est engagée dans un ensemble de réformes importantes.
Ces réformes s’appuient, dans le domaine du droit du travail, sur la consultation des partenaires sociaux, préalable nécessaire fixé par la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007.
Notre groupe se réjouit de ce choix. Cette méthode de dialogue social donne en effet aux textes une légitimité supplémentaire et, sans doute, une efficacité et une durabilité accrues. Car il s’agit bien d’améliorer notre droit dans une perspective de long terme, au-delà du jeu des alternances politiques.
Nous avons vu cette démarche couronnée de succès lors de l’adoption de la loi de modernisation du marché du travail. La loi a retranscrit fidèlement les dispositions d’un accord interprofessionnel portant sur le difficile sujet de la flexibilité du travail.
Une nouvelle fois, le Gouvernement a saisi les partenaires sociaux afin de réformer les règles de la démocratie sociale, qui n’ont guère évolué depuis la Seconde Guerre mondiale. Le 10 avril dernier, le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT ont signé une position commune, sur laquelle s’appuie le projet de loi.
Dans une première partie, le texte vise à moderniser notre système de représentation syndicale et à réformer le mode de validation des accords collectifs afin de renforcer leur légitimité. Puis, dans une seconde partie, les nouvelles règles trouvent leur application immédiate en matière de négociation du temps de travail. Ainsi, les deux volets du texte répondent à la même logique.
Il a été reproché au Gouvernement de statuer sans attendre sur la question du temps de travail, de « sortir du cadre de la position commune ».
M. Jean Desessard. Oui !
Mme Janine Rozier. Mais, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, cette question est venue compléter les sujets soumis à la réflexion des partenaires sociaux. Un document d’orientation leur a été adressé au mois de décembre dernier, afin qu’ils déterminent ensemble, par la négociation collective, l’organisation du temps de travail la mieux adaptée au développement de l’entreprise comme à la satisfaction des attentes des salariés.
Sur cette question, les partenaires sociaux n’ont pu parvenir à un accord ayant une réelle portée : ils n’ont prévu qu’un dispositif expérimental, limité, et ne permettant pas de donner plus de souplesse au dispositif actuel.
Il est impératif, je pense, de tenir les engagements qui ont été pris devant les Français pendant la campagne présidentielle. Or la réforme des 35 heures figurait parmi ces engagements comme une priorité. Cela a toujours été clair, alors pourquoi s’en étonner aujourd’hui ?
Le Gouvernement a décidé d’avancer. Je rappelle que d’autres chantiers importants sont engagés sur le même principe du dialogue social, par exemple en matière d’assurance chômage, de prise en compte de la pénibilité de l’emploi, de formation professionnelle.
La place des syndicats en France est assez paradoxale. Le syndicalisme est présent au sein des entreprises et la quasi-totalité des salariés sont couverts par des conventions collectives. Pourtant, le taux de syndicalisation est très faible : avec 5 % seulement, la France se situe au dernier rang des pays d’Europe.
Cette situation n’est pas saine. Le manque d’adhérents remet en cause la légitimité même des accords signés par les syndicats. De plus, certains syndicats n’ont pas à prouver leur représentativité, car ils bénéficient d’une présomption irréfragable depuis 1966.
Il est temps de moderniser la représentativité syndicale pour la fonder sur un ensemble de critères objectifs et la rendre plus crédible aux yeux des Français. Le projet de loi privilégie le critère de l’audience, car, en démocratie, la légitimité s’acquiert par le vote. En reprenant les termes de la position commune, il place les organisations syndicales devant le défi de leur propre dimension démocratique. Une refonte du paysage syndical est prévisible.
Le texte place l’entreprise au cœur des négociations. Il s’agit d’une avancée majeure dans la perspective du renforcement de la participation effective des salariés au devenir de leur entreprise.
Je pense qu’il serait souhaitable que le dialogue social dans les très petites entreprises puisse également évoluer. Ce point a été évoqué par les députés, ainsi que par la commission des affaires sociales du Sénat, et je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions à ce sujet, monsieur le ministre.
Je voudrais également parler du financement des organisations syndicales, car le droit n’a pas évolué depuis la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884, qui, en créant les syndicats professionnels, n’a pas prévu d’obligation de publication de leurs comptes.
Le projet de loi, en posant que l’un des critères de la représentativité sera désormais la transparence financière et en prévoyant une procédure de certification et de publication des comptes, franchit une étape essentielle.
J’en viens à la question du temps de travail.
Vouloir imposer un modèle unique de durée du travail me semble contreproductif. Depuis le passage aux 35 heures, nos entreprises ont perdu toute marge de manœuvre. Dans de très nombreux secteurs d’activité, les entreprises se plaignent de difficultés grandissantes pour recruter la main-d’œuvre qualifiée dont elles ont besoin, et même la main-d’œuvre tout court. Nous ne disposons pas de la flexibilité nécessaire aujourd’hui pour faire face à la concurrence à l’échelon mondial.
L’assouplissement du dispositif des 35 heures constitue une priorité afin de permettre aux entreprises de recourir aux heures supplémentaires, sans lesquelles elles seront incapables de répondre à la demande et devront abandonner des parts de marché.
À cet égard, les Français sont lucides : dans leur grande majorité, ils considèrent que les 35 heures représentent un frein à la compétitivité des entreprises.
M. Guy Fischer. Mais non !
Mme Gisèle Printz. C’est faux !
Mme Janine Rozier. S’il est bon de réduire le temps de travail pour les emplois les plus durs, il est bon aussi de laisser travailler davantage ceux qui veulent améliorer leur pouvoir d’achat et n’ont que faire d’un temps libre imposé.
M. Guy Fischer. Elle n’a jamais travaillé, la dame !
Mme Janine Rozier. Nous ressentons autant d’attentes de la part des salariés que de la part des entreprises. La société évolue, et notre droit du travail doit évoluer avec elle.
Il n’est pas question que les salariés soient perdants dans le nouveau système, puisque le mécanisme des heures supplémentaires institué par la loi TEPA s’appliquera pleinement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Le projet de loi ne remet pas en cause la durée légale du travail, qui reste inchangée et demeure la référence pour le déclenchement des heures supplémentaires, et donc pour la mise en jeu des majorations qui leur sont applicables. Le repos compensateur n’est pas supprimé, ni modifié dans son principe. Il demeure obligatoire, même si son aménagement est désormais l’objet d’une négociation.
Les principes qui garantissent la sécurité et la santé des travailleurs sont maintenus. La durée maximale hebdomadaire du travail, sa durée maximale quotidienne et autres dispositions protectrices du code du travail ne seront pas modifiées.
Enfin, le projet de loi simplifie l’enchevêtrement des règles qui régissent notre droit, lequel s’est construit par strates successives, ce qui le rend difficilement compréhensible par les employeurs et les salariés. Nous sommes confrontés aujourd’hui à un maquis législatif d’une grande complexité. Les entreprises ont impérativement besoin de plus de simplicité dans la gestion de leurs horaires, et les petites entreprises embaucheront davantage si des simplifications administratives sont apportées.
Je tiens à féliciter notre rapporteur de la qualité de son travail, concernant un droit particulièrement complexe.
M. Robert del Picchia. Très bien !
Mme Janine Rozier. Je le félicite à l’avance de la patience et de la mesure qu’il saura montrer, je le sais, pendant toute la discussion ! (Sourires.)
Nous examinons aujourd’hui un texte d’une importance majeure pour la démocratie sociale. Par ce projet de loi, le Gouvernement adapte notre droit à l’environnement réel de nos entreprises. Bien évidemment, le groupe de l’UMP apportera son soutien à cette politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’histoire des XIXe et XXe siècles a été marquée par des avancées sociales majeures en faveur des salariés, ces femmes et ces hommes sans qui notre pays ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.
Avec le présent texte, vous entendez remettre en cause une grande partie de ces avancées, monsieur le ministre, notamment les plus récentes : celles des lois sur les 35 heures, en particulier, mais pas seulement, puisque vous entendez aggraver les conditions de travail des salariés en vous attaquant au repos compensateur, à la primauté des conventions collectives, sans aucun respect pour la santé et la sécurité des travailleurs !
Monsieur le ministre, au travers de ce texte, vous imposez, par pur dogmatisme, votre vision idéologique du travail, idéologie que vous partagez avec Mme Parisot, dont l’ouvrage Besoin d’air doit être votre livre de chevet.
Mme Annie David. On y retrouve, en effet, le dogme du profit maximum. Le candidat Nicolas Sarkozy en avait d’ailleurs fait sa feuille de route. Aujourd’hui, guidé par les mêmes préceptes néolibéraux de flexibilité du travail et de réduction de son coût, vous la mettez en œuvre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est du copier-coller !
Mme Annie David. Vous faites voler en éclats des pans entiers d’un statut du salariat forgé par plus de cent cinquante années de lutte, concrétisé par le programme du Conseil national de la Résistance, contre lequel vos amis n’ont eu de cesse de lutter !
Ainsi, il est écrit que le XXIe siècle débutera par une régression sociale sans précédent.
Pourtant, la première partie de ce texte aurait dû nous permettre un débat en profondeur sur la réforme, nécessaire et souhaitée, de l’avis unanime des partenaires sociaux, de la représentativité.
En effet, la « représentativité irréfragable » des cinq confédérations syndicales désignées par un arrêté de mars 1966 a vécu.
Contrairement aux syndicats « autonomes », ces cinq confédérations n’ont pas à faire la preuve de leur représentativité, ni pour siéger dans les grandes institutions sociales, ni pour négocier les conventions et accords collectifs, l’accès au premier tour des élections professionnelles leur étant réservé. Ainsi, chacune des ces cinq organisations peut engager, par sa seule signature, l’ensemble des salariés concernés par un accord collectif. Cette hégémonie devait être revue.
À ce sujet, mesurer l’audience des syndicats à travers les résultats des élections professionnelles est pertinent. En effet, l’idée d’un système de représentativité « ascendante » –autrement dit partant de la base de l’entreprise – a du sens.
Néanmoins, cette mesure doit concerner tous les salariés, qu’ils soient actifs ou demandeurs d’emploi, et quelle que soit l’entreprise dans laquelle ils travaillent. Or votre texte fait l’impasse sur quelque 6,5 millions de femmes et d’hommes, en laissant de côté les entreprises de moins de onze salariés et en ne tenant pas compte des salariés privés d’emploi.
Ce texte renvoie du reste à un futur projet de loi concernant les petites entreprises, à l’élaboration duquel nous serons attentifs.
Par ailleurs, il n’est nullement fait mention ici de la représentativité patronale. Est-ce à dire que le MEDEF, qui entend imposer sa vision de la représentativité aux syndicats de salariés, ne veut surtout pas avoir de comptes à rendre sur sa propre représentativité ?
M. Guy Fischer. Il est au-dessus des lois !
Mme Annie David. Il est vrai que s’il regroupe la majorité, pour ne pas dire la totalité, des employeurs du CAC 40 – ceux-là mêmes qui n’hésitent pas à délocaliser pour plus de profits, sans se soucier des salariés ainsi jetés à la rue, et qui réclament toujours plus de flexibilité pour eux et moins de droits pour les salariés ! –, le MEDEF ne représente pas la grande majorité de ceux qui font l’emploi dans notre pays.
M. Guy Fischer. Tout à fait !
Mme Annie David. Aussi peut-on se demander quelle est sa légitimité pour négocier certains accords qui, finalement, ne concernent qu’un petit nombre de ses adhérents.
C’est pour cette raison que le principe de validation d’un accord par une ou plusieurs organisations syndicales représentant au moins 30 % des suffrages constitue en soi une avancée sociale, bien qu’il ne s’agisse pas encore de la reconnaissance du principe majoritaire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il le faut bien : la CGT ne signe jamais !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ou si rarement ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. C’est pour cette raison que nous vous proposerons quelques amendements qui visent cet objectif, à l’article 6 du projet de loi.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé que ce texte permettrait sans doute l’apparition de syndicats « réformistes », afin, bien évidemment, de lutter contre l’émiettement syndical… Les partenaires sociaux ont sans doute apprécié vos propos ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Aussi est-il proposé de fixer un seuil minimal d’audience de 10 % dans les entreprises et de 8 % dans les branches pour permettre à un syndicat de s’asseoir à la table des négociations. Pour ma part, je pense qu’il faut distinguer la représentativité, c’est-à-dire le pouvoir de négocier avec le principe de l’accord majoritaire, tel qu’il est ici proposé, et le pluralisme syndical. Toutefois, vous voyez sans doute dans ce dernier l’origine de l’émiettement syndical !
De même, le nouveau statut du délégué syndical m’interpelle : jusqu’à présent, celui-ci était « désigné » par un syndicat, dans la mesure où il est censé représenter cette organisation dans sa totalité, et non la seule section syndicale, ou encore moins les électeurs.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Encore faut-il qu’il possède la légitimité nécessaire !
Mme Annie David. De plus, les dispositions de la seconde partie de votre texte lui promettent des négociations difficiles, pour lesquelles il aura bien besoin de tout son temps. S’il doit cumuler la participation à ces discussions avec ses fonctions d’élu, il ne sera plus guère disponible pour le travail en entreprise…
Néanmoins, je comprends tout à fait la volonté des partenaires sociaux d’éviter qu’un délégué ne représente que lui-même : cet argument, avancé par les signataires de la position commune, se vérifie, malheureusement, dans certaines entreprises.
A contrario, la création d’un représentant de section syndicale apparaît comme un nouveau droit accordé aux organisations syndicales. Ce nouvel acteur, distinct du délégué syndical, bénéficierait du statut de salarié protégé et de quatre heures de délégation chaque mois, afin, notamment, de préparer les élections professionnelles. Toutefois, son statut est des plus précaires et le temps qui lui est accordé est bien limité pour qu’il puisse atteindre véritablement ces objectifs. Nous présenterons donc quelques amendements pour remédier à cette difficulté.
Quant au financement du dialogue social, qui fait l’objet de l’article 8 du projet de loi, j’approuve la volonté de le clarifier, mais la rédaction de cette disposition ne nous semble pas tout à fait claire.
Monsieur le ministre, ce texte, qui vise à rénover la démocratie sociale, passe néanmoins sous silence la question du statut, de la formation, de la fin du mandat et du déroulement de carrière de l’élu syndical ; aucune de ses dispositions ne porte sur l’information syndicale des salariés, par exemple en cas de conflit, et il n’ouvre aucun droit nouveau pour l’activité syndicale dans les petites entreprises.
Au final, alors que, selon vos propres termes, ce projet de loi serait « ambitieux » et « historique », sa première partie nous laisse un goût d’inachevé !
Pourtant, le renforcement de la démocratie sociale passe nécessairement par la dévolution aux salariés et à leurs organisations syndicales de nouveaux droits et pouvoirs, qui devraient s’étendre à toutes les décisions essentielles concernant la gestion, le niveau et la qualité de l’emploi, les conditions de travail, les choix industriels et les décisions d’investissement, les opérations stratégiques de rachat, de fusion, de délocalisation ou de cession d’activités. Voilà qui aurait été « ambitieux » et « historique » !
Malheureusement, vous avez pris la rénovation par le petit bout de la lorgnette, en évitant soigneusement tout ce qui pouvait apparaître comme une introduction de la démocratie participative dans l’entreprise, en privant les salariés de leur droit à la parole et à la contestation, en ne permettant pas à leurs représentants de peser véritablement sur les choix stratégiques des entreprises. Alors que, dans de nombreux conflits, ces femmes et ces hommes sont porteurs de projets de substitution, rien dans votre texte ne les renforcera.
Bien sûr, vous vous abritez derrière la position commune adoptée par les syndicats et les organisations patronales, tout en soutenant que celle-ci n’a pas vocation à être transposée dans la loi et en mettant d’ailleurs vos paroles en musique, puisque vous la foulez aux pieds, dans le mépris le plus total des partenaires sociaux.
En effet, la seconde partie de ce texte n’est que l’illustration d’une profonde contradiction entre votre volonté affichée de rendre tout son sens au dialogue social et vos actes qui consistent, au contraire, à museler les partenaires sociaux et à imposer votre idéologie du travail !
Monsieur le ministre, la réduction du temps de travail est un processus historique émancipateur, objet d’un long combat du mouvement ouvrier, et bien que les résultats du passage aux 35 heures soient contrastés, elle n’en reste pas moins un instrument important de la lutte contre le chômage et de l’amélioration des conditions de vie.
Ainsi, qu’il s’agisse de l’INSEE ou du MEDEF, chacun reconnaît que « le processus de RTT a conduit […] à un rapide enrichissement de la croissance en emplois […] et ceci, sans déséquilibre financier apparent pour les entreprises ».
En outre, selon une étude de la DARES, la direction des études du ministère de l’emploi, qui date de 2005, quelque 60 % des parents de jeunes enfants déclarent que la réduction du temps de travail leur a permis de mieux concilier vie familiale et activité professionnelle.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu’à l’instar de la productivité du travail le dynamisme démographique est un facteur de la croissance économique potentielle ! Or, pour relancer celle-ci, qui se trouve au plus bas après la mise en œuvre, ces dernières années, d’une politique de relance par l’offre, vous persistez dans cette voie, arguant que nos concitoyens seraient moins productifs que leurs homologues d’autres pays dits « développés » et qu’il faudrait donc « réhabiliter le travail » ! Où est la réhabilitation du travail lorsque n’importe quel emploi précaire ou saisonnier va devenir une offre raisonnable d’emploi, que l’on devra accepter sous peine de subir une réduction considérable de ses allocations de chômage ?
Contrairement à l’idée que vous souhaitez véhiculer, selon laquelle les salariés français seraient moins productifs que ceux des autres pays, le rapport du Bureau international du travail de septembre 2007 indique que la France affiche l’un des taux de productivité du travail les plus élevés au monde, puisqu’elle arrive juste derrière les États-Unis et la Norvège, qui se trouve en tête dans ce domaine.
Aussi, pourquoi vouloir rendre plus facile le recours aux heures supplémentaires, en supprimant au passage l’autorisation de l’inspecteur du travail, alors que, aujourd’hui, malgré un plafond qui s’établit à 220 heures, seules 54 % des entreprises y ont recours, ce qui représente, en moyenne et par salarié, 5,9 heures supplémentaires dans le mois ? Vous le voyez, monsieur le ministre, une nouvelle augmentation du contingent d’heures supplémentaires, pour le porter jusqu’à 405 heures par an, n’est pas à ce point « vitale » pour nos entreprises, tant s’en faut !
Pourtant, vous allez encore plus loin dans la déréglementation du temps de travail en portant atteinte au repos compensateur, inscrit dans le marbre de la loi en 1976 et qui était jusque-là obligatoire car il protège la santé et la sécurité des travailleurs. Monsieur le ministre, vous qui affirmez vous soucier de la santé des salariés, vous devriez être plus attentif au repos compensateur !
M. Guy Fischer. C’est le dernier de ses soucis !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il préfère chasser les « feignants » !
Mme Annie David. Ce texte intègre désormais le repos compensateur dans la négociation, alors que ce droit, d’utilité publique, se trouve reconnu par le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Quant aux forfaits jours, qui concernent surtout les cadres, ils seront étendus aux salariés dits « autonomes », une notion qui reste à définir et qui recouvre nombre de personnes, dont la durée de travail ne peut être prédéterminée.
Alors que le texte initial ne prévoyait pas de plafond, instituant, de fait, une durée travaillée annuelle de 282 jours, l’Assemblée nationale a dû en fixer un par défaut de 235 jours, hors accord collectif, tout en laissant à la négociation la possibilité d’aller au-delà. Il s'agit d’une régression sociale majeure, car cette disposition revient à ôter des journées travaillées les samedis et les dimanches, le 1er mai et les seules cinq semaines de congés, en supprimant les journées de réduction du temps de travail.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, cessez d’affirmer qu’il n’existe pas actuellement de limite à la durée annuelle du travail : l’article L. 3121-45 du code du travail, dont j’ai le texte sous les yeux, prévoit explicitement que le nombre de journées travaillées « ne peut dépasser le plafond de 218 jours » !
Mme Annie David. Dans le même esprit, le forfait heures n’est rien d’autre que l’unification par le bas des dispositifs d’aménagement du temps de travail, tels que la modulation, l’annualisation, le temps partiel modulé ou le travail par cycle ou posté, avec un pouvoir de décision unilatéral de l’employeur en matière d’organisation de l’activité.
Cette évolution s’accomplira, notamment, au travers de l’article L. 3122-3 du code du travail et de la possibilité laissée aux employeurs de retenir la limite haute de 48 heures de travail au cours de certaines semaines, auquel cas les salariés concernés n’auront plus droit à aucune heure supplémentaire. Certes, dans votre texte, la durée légale du travail reste fixée à 35 heures, mais cette disposition est vide de sens.
Enfin, en posant la supériorité des accords d’entreprise sur les accords de branche, vous mettez à mal le principe de faveur ou de la hiérarchie des normes, qui assurait un socle d’égalité des droits des salariés.
Outre ses conséquences sur les conditions de vie et de travail, sur la santé et la sécurité, sur le pouvoir d’achat, cette seconde partie du projet de loi, en instaurant un principe de défaveur, introduit un nouvel élément dans la course à la compétitivité au sein d’une même branche. Elle favorise du même coup le dumping social par le chantage sur le temps de travail et l’intensification de l’activité, puisque la négociation d’entreprise s’effectuera toujours sous la contrainte des accords socialement les plus défavorables !
En outre, vous institutionnalisez l’individualisation des relations sociales, le « gré à gré », au détriment de la loi, pourtant protectrice.
Force est de le constater, l’objectif visé ici est la recherche du seul intérêt de l’entreprise, censé correspondre à l’intérêt général. On retrouve, dans ce raisonnement, le modèle économique de la « main invisible » d’Adam Smith, fondé sur l’idée que la poursuite de l’intérêt individuel conduit à la réalisation de l’intérêt général.
Toutefois, l’histoire, depuis plus de deux siècles, nous a enseigné que c’était le contraire qui était vrai : ce sont les progrès sociaux, acquis à travers les luttes, qui créent une société viable, parce qu’ils sont partagés par une grande partie de la population ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Annie David. Monsieur le ministre, cette idéologie d’un autre temps, d’un autre âge, n’a plus de sens aujourd’hui !
Pour relancer véritablement la croissance économique, remplir les carnets de commandes de nos entreprises et augmenter le revenu réel par habitant, donc le pouvoir d’achat, la panacée n’est donc pas, comme chacun peut le mesurer quotidiennement, de « travailler plus », mais plutôt d’élever le taux d’emploi, tout en réalisant des gains supplémentaires de productivité.
Dans cette perspective, les leviers à actionner sont la promotion de l’emploi des jeunes et des femmes, ainsi que l’investissement dans l’innovation et dans la formation des salariés, qui constituent les principaux facteurs d’augmentation de la productivité. Il s’agit aussi d’augmenter les minima sociaux et de revaloriser les bas salaires, dont les bénéficiaires concourent, par leur propension à consommer plus élevée, à soutenir la croissance !
C’est, en somme, toute la question de la redistribution des richesses créées dans notre pays qui se trouve aujourd'hui posée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est des étapes majeures dans notre histoire législative qui rendent confiance en la capacité d’une société à s’inscrire dans le mouvement de la justice et du progrès.
Il en a été ainsi des grandes lois de 1936, de celles qui furent issues du programme du Conseil national de la Résistance, de celle légalisant l’interruption volontaire de grossesse, des lois Auroux et, bien évidemment, de l’abolition de la peine de mort. Monsieur le ministre, il en est d’autres, comme celle-ci, qui consacrent la faute, l’injustice et la régression sociale !
M. Guy Fischer. Voilà !
Mme Christiane Demontès. Aujourd’hui, vous présentez un texte qui comprend deux volets, dont chacun aurait mérité un examen spécifique. Vous les couplez pour que le premier, qui porte sur la démocratie sociale, joue un rôle de levier et permette de faire voter le second, qui concerne le temps de travail. Cette façon de procéder n’est cohérente ni avec vos discours sur le dialogue social ni avec le respect des partenaires sociaux.
Il est devenu indispensable de légiférer sur la démocratie sociale et, plus précisément, sur la représentativité syndicale ; chacun en convient, y compris les partenaires sociaux. Si le texte que vous nous proposez s’en était tenu à cette dimension, sans doute aurions-nous pu arriver à un consensus.
Hélas, monsieur le ministre, la tentation était trop forte ! Afin de justifier l’injustifiable, vous prétextez que les partenaires sociaux n’étaient parvenus à aucun accord sur le temps de travail alors qu’ils négociaient depuis trois mois.
Il est vrai qu’il y avait urgence. À l’Assemblée nationale, un député UMP affirmait même qu’il était impossible « d’attendre pour libérer la croissance, le travail et l’emploi ». Mais vous avez déjà commis six textes de régression sociale sur le temps de travail, et vous êtes au pouvoir depuis six ans !
Or la situation de notre pays va de mal en pis.
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Christiane Demontès. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
Pourquoi n’avez-vous pas mis en application l’accord conclu entre des syndicats et des employeurs représentant 800 000 entreprises artisanales, relatif au financement du dialogue social ? Sept ans plus tard, vous n’avez toujours pas pris les décrets nécessaires ! Le respect du dialogue social à la carte, selon les desiderata de l’UMP, est visiblement votre modus operandi, et nous le condamnons.
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Christiane Demontès. Dans les faits, dès le départ, le Gouvernement a vicié les négociations.
Conscient du fait que les organisations syndicales avaient des désaccords sur les critères de représentativité, vous avez pris ce prétexte pour ajouter un texte visant à modifier les conditions de travail, lequel, présenté seul, aurait sans doute provoqué un tollé social.
Ainsi, en appelant les partenaires sociaux à négocier sur le temps de travail et sur la représentativité des syndicats, vous avez perverti l’objet même des négociations. Les partenaires sociaux ont eu beau faire remarquer que les deux sujets n’avaient rien en commun, l’UMP et le Gouvernement, tout à leur entreprise idéologique et à leur stratégie interne, sont demeurés sourds.
Faisant preuve de responsabilité, les syndicats signataires – la CGT, la CFDT, mais aussi le MEDEF et la CGPME – ont accepté de faire figurer, au sein de l’article 17 de la position commune, la possibilité de déroger à titre expérimental – j’insiste sur ce point – par accord d’entreprise majoritaire au contingent annuel d’heures supplémentaires.
Mais, une fois de plus, sans respect pour le travail des partenaires sociaux, vous avez décidé de passer outre et de radicaliser la position commune. Cette attitude est d’autant plus choquante que nous étions plutôt disposés à transposer cet accord, comme l’a déjà affirmé Jean-Pierre Godefroy.
Mme Christiane Demontès. Agir de la sorte est inconséquent : demain, après cette trahison, pensez-vous que les partenaires sociaux vous feront de nouveau confiance ? Lorsque nous avons auditionné, sur l’initiative de M. le rapporteur, les partenaires sociaux, tous ont évoqué un « coup de couteau dans le dos ».
Vous arguez du fait que votre décision procède de l’inadéquation entre les résultats de la négociation et vos attentes. Dès lors, pourquoi ouvrir des négociations ? Sous votre autorité, elles ne sont, dans le meilleur des cas, qu’un triste paravent servant à légitimer a posteriori les prises de position idéologiques de l’UMP.
Cette brutalité n’a d’égale que l’inconvenance des propos du Président de la République selon lesquels quand il y a des grèves, plus personne ne s’en aperçoit !
M. Guy Fischer. Scandaleux !
Mme Christiane Demontès. Tout cela est emblématique du mépris dans lequel vous tenez des millions de nos concitoyens qui souffrent de la déréglementation, de l’individualisation des relations sociales que vous leur imposez, de la mise à l’index du droit du travail et de l’institutionnalisation de la loi du plus fort. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Vous vous dites modernes, mais vous êtes des archaïques, des adeptes des vieilles idéologies libérales. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)
Parce que nous sommes opposés à cette manière de procéder, parce que le respect des partenaires sociaux est le fondement de la démocratie et du dialogue social, nous déposerons des amendements tendant à la suppression des articles 16 à 19 du projet de loi. S’ils sont adoptés, l’objectif et le résultat de la négociation ne seront pas falsifiés.
Réformer le dialogue social est un impératif d’ordre économique et social ; nous l’avons dit et nous le réaffirmons. Pour autant, une telle réforme doit concerner l’ensemble des partenaires sociaux. Or votre texte est muet sur les critères permettant d’apprécier la représentativité patronale. Comme l’ensemble des syndicats, nous déplorons vivement ce fait.
Mme Christiane Demontès. Nous rappelons que la liberté de candidature au premier tour des élections dans l’entreprise doit être instituée, puisque les résultats de ces élections serviront à apprécier la représentativité.
À ce titre, nous souhaitons que des réponses soient rapidement trouvées à la problématique essentielle que constitue la représentation des 4 millions de salariés des PME. Annie David vient d’y faire allusion.
Il en va de même pour l’accord majoritaire, auquel nous sommes attachés et qui demeure notre objectif. Pour autant, nous acceptons que la validation d’accords puisse s’effectuer sur une base de représentation syndicale de 30 % des salariés.
Une question demeure : elle tient à l’existence, parfois très ancienne et qui paraît directement menacée, de représentations syndicales de type professionnel, concernant notamment les journalistes, les conducteurs de la RATP ou les pilotes de ligne.
J’en viens maintenant à la priorité accordée à l’accord d’entreprise. Elle constitue une rupture essentielle avec notre histoire sociale. Vous enterrez le principe de faveur, qui a conditionné et fait progresser vers plus de justice et d’équité les relations entre employeurs et salariés. Vous renversez la hiérarchie des normes. Dans les faits, les salariés qui pouvaient bénéficier de dispositions plus favorables contenues dans l’accord de branche n’auront plus comme seule possibilité que de s’en remettre à l’accord d’entreprise, et ce même si ce dernier est défavorable en termes d’heures supplémentaires, de repos compensateur ou de modalités d’organisation du temps de travail. L’accord de branche est ravalé au rang de simple supplétif entrant en application uniquement faute d’accord d’entreprise.
Le Gouvernement consacre donc la suprématie du contrat sur la loi, celle de l’accord d’entreprise sur la négociation de branche. Le prétexte de permettre une gestion plus proche du terrain ou celui de la contractualisation, valeurs qui seraient parées de toutes les vertus économiques, ne tiennent pas.
En réalité, la majorité fait de la durée du travail l’un des facteurs de la concurrence entre entreprises. Et que l’on ne nous dise pas que les salariés pourront s’opposer à ce mouvement de fond ! Vous rendez-vous bien compte des conséquences qui découleront directement de cette évolution ?
Alors qu’une certaine unité prévalait jusqu’à présent au sein des branches, vous allez atomiser les règles d’organisation du temps de travail. Ce dernier deviendra source de dumping entre entreprises. Qui plus est, les salariés français, pour le moment protégés dans une certaine mesure du dumping sur les conditions de travail éventuellement pratiqué par des entreprises étrangères, ne disposeront même plus de ce bouclier social.
Quel choix restera-t-il aux salariés, qui, dans les faits, se retrouveront dans la même position que celles et ceux que l’on menace de délocalisation en cas de refus de remettre en cause les acquis sociaux, voire d’accepter une baisse drastique des salaires ?
Que deviendront les conditions de travail des chauffeurs routiers, par exemple, soumis à une concurrence extrême venue de l’Europe de l’Est ? Vont-ils devoir travailler plus de 60 heures, au mépris de leur propre santé et de la sécurité ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
Mme Christiane Demontès. Que pensez-vous qu’il adviendra du repos compensateur ? Il s’agissait jusqu’alors d’une obligation instaurée par une loi de 1970, relative notamment aux heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent. S’il devient une simple disposition optionnelle, soumise à l’existence d’une convention ou d’un accord la prévoyant expressément, pensez-vous sérieusement que, d’ici à trois ou quatre ans, les salariés en bénéficieront encore ?
Mesurez-vous bien les incidences de cette politique de régression sociale sur la santé publique et, par conséquent, sur les finances sociales, qui ne sont guère brillantes, comme nous l’avons vu hier ? Il est clair que non ! Cela explique certainement que vous ayez accepté la directive européenne sur le temps de travail.
La parole de M. Larcher, qui avait déclaré que jamais la France n’accepterait pareille directive car la crédibilité du modèle social européen et la protection de la santé des travailleurs étaient en jeu, a été balayée.
Votre vision de l’être humain est archaïque et brutale. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Elle nous renvoie aux heures sombres de l’ère industrielle, quand le salarié était corvéable à merci,…
M. Jean-Luc Mélenchon. Exactement !
Mme Christiane Demontès. … quand l’employeur le considérait comme un coût, comme une variable d’ajustement économique parmi d’autres.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cosette, où es-tu ?
Mme Annie David. C’est ce dont vous rêvez !
Mme Christiane Demontès. À cette conception, nous opposons le mouvement de l’histoire, celui du progrès social, de la dignité et de la loi, qui est pensée non pour asservir, mais pour libérer.
M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
Mme Christiane Demontès. C’est pourquoi nous considérons comme essentiel de conserver à l’accord de branche une primauté sur l’accord d’entreprise.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas nous !
Mme Christiane Demontès. Après six années de gouvernement de droite, les caisses sont vides, le pouvoir d’achat recule, la précarité s’étend. Au lieu de remettre en cause votre obsolète vision idéologique de notre société, vous la radicalisez encore.
Non content d’avoir imposé une recodification régressive du code du travail, en étendant le champ du domaine réglementaire aux dépens du domaine législatif afin de pouvoir supprimer certaines dispositions favorables aux salariés par un simple décret, non content d’avoir favorisé le développement des conventions de gré à gré entre salariés et employeur tout en abrogeant des normes en matière de protection de la santé des travailleurs, voilà que vous faites sauter les maigres protections qui restaient aux salariés, lesquels, rappelons-le, n’ont jamais autant travaillé et produit qu’actuellement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Exactement !
Mme Christiane Demontès. En définitive, cette entreprise idéologique, tout droit issue d’un thatchérisme de triste mémoire, n’a d’autre objet que d’en finir avec le code du travail et de plonger notre pays dans une brutale déréglementation.
Vous dites vouloir mettre fin au carcan des 35 heures ; mais c’est l’organisation même des conditions de travail que vous jetez à bas. Les conséquences sur les conditions de vie, sur la santé, mais aussi sur l’équilibre de la vie sociale de toutes les familles, seront lourdes.
Monsieur le ministre, votre action est guidée non par le pragmatisme, mais par l’idéologie la plus libérale, celle qui laisse tant d’individus sur le bord du chemin.
En définitive, le moins-disant social est votre objectif premier. Le gouvernement auquel vous appartenez, qui sert une idéologie de régression sociale, restera dans l’histoire comme celui du retour au xixe siècle, cela a déjà été dit. Nous nous opposerons donc avec détermination à vos projets. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Guy Fischer. Alors là, il vaut mieux se boucher les oreilles !
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon discours sera quelque peu différent ! (Sourires.)
Mme Christiane Demontès. Le contraire m’aurait étonnée !
M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, je suis d’accord avec vous sur tous les points que vous avez abordés, qu’il s’agisse de la représentation syndicale, dont vous assouplissez les modalités, ou des 35 heures, dont vous supprimez certains effets néfastes. Votre idéologie libérale est excellente, et nous sommes loin du xixe siècle !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au moins, c’est clair !
M. Serge Dassault. Permettez-moi de vous féliciter de votre heureuse initiative et de votre persévérance.
Je me bornerai à revenir sur les effets des 35 heures sur notre économie et sur le budget de l’État, dont vous ne parlez pas.
Je voudrais rappeler que les 35 heures ont été mises en place pour favoriser les loisirs et, prétendument, pour réduire le chômage.
Certes, il est agréable de travailler moins et de gagner autant, de partir en vacances et d’avoir plus de temps de libre pour s’occuper de ses enfants, mais il faut en mesurer les conséquences, or elles sont très graves pour notre économie et pour l’État. On ne peut pas faire n’importe quoi ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ces conséquences auraient été moins lourdes si tous les pays industriels appliquaient les mêmes horaires de travail et les mêmes charges salariales que nous, mais c’est loin d’être le cas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne parlez pas des pays où les salariés travaillent plus et gagnent moins !
M. Serge Dassault. Nous sommes seuls à appliquer les 35 heures, qui plongent à la fois notre économie et le budget de l’État dans une situation très difficile.
En ce qui concerne d’abord notre économie, on s’étonne parfois que notre croissance soit plus faible que celle des pays voisins, mais on oublie que l’on y travaille 40 heures ou 45 heures, voire plus, par semaine, et que les charges salariales y sont moitié moindres que chez nous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La durée du travail est comparable dans les différents pays d’Europe !
M. Jean-Luc Mélenchon. La productivité y est moindre !
M. Serge Dassault. Cela se traduit, pour notre pays, par des coûts de production et des prix de vente plus élevés. Telle est la réalité, et les discours n’y peuvent rien !
Il en résulte une baisse de nos ventes et de la croissance, ainsi que la nécessité de délocaliser, ce qui induit une aggravation du chômage.
Sur ce dernier point, ce fut une erreur de diagnostic total que de croire que le travail est un gâteau et qu’en en diminuant les parts, on augmenterait le nombre des consommateurs.
M. Robert Bret. Vous préférez garder tout le gâteau pour vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est de la propagande !
M. Serge Dassault. Pour développer l’emploi, il faut un gâteau plus grand, car on fait progresser les embauches en accroissant le travail et les commandes et en réduisant les charges. Or tel n’est pas le cas actuellement. Les entreprises ne peuvent embaucher que si elles peuvent offrir du travail, or ce ne sont évidemment pas les 35 heures qui leur permettront d’y parvenir !
Dans l’administration, certes, des embauches ont été nécessaires, mais elles ont aggravé les dépenses de l’État ; le nombre de fonctionnaires doit maintenant diminuer.
Regardons ce qui s’est passé dans les hôpitaux, par exemple, où la mise en place des 35 heures a été une catastrophe. Elle a imposé de procéder à des embauches pour assurer les soins aux malades vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais c’est précisément l’une des causes des déficits de gestion que connaissent tous les hôpitaux, et j’en sais quelque chose !
Bien entendu, les conséquences de la mise en place des 35 heures ont été très graves pour notre économie et, surtout, pour le budget de l’État. Nous avons perdu en compétitivité et nos exportations ont diminué, et ce n’est certainement pas grâce aux 35 heures, mais malgré elles, que nous avons connu un regain de croissance à partir de 1998. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous ne pouvez pas le démontrer !
M. Serge Dassault. Compte tenu des charges qui pèsent sur les salaires, le coût du travail handicape notre économie. Il est trois fois plus élevé en France que dans certains autres pays de l’Union européenne, tels que la Roumanie ou la Pologne, qui fabriquent dans une mesure croissante des produits d’une qualité identique, mais moins chers.
Nos entreprises de main-d’œuvre sont donc largement défavorisées. Tout cela entraîne des délocalisations, que ce soit en Roumanie, en Pologne ou dans des pays plus lointains comme la Chine ou l’Inde.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Compte tenu du prix du pétrole, ces entreprises vont revenir !
M. Serge Dassault. Si l’on produit en France, on ne vend plus rien, parce que le coût du travail est trop élevé, en partie à cause des 35 heures. Seules les entreprises fortement automatisées s’en sortent, car elles emploient peu de personnel, mais ce n’est pas ainsi que le chômage diminuera !
Une autre erreur est de maintenir la rigidité du droit du travail, mes chers collègues. Il est faux de croire qu’elle préserve de la précarité. Au contraire, la flexibilité de l’emploi rendrait le marché du travail plus fluide et permettrait une réduction du chômage. Il n’est qu’à voir comment cela se passe dans d’autres pays européens, où, grâce à la flexibilité, le taux de chômage est descendu à 5 %.
M. Guy Fischer. Mais la précarité augmente !
M. Serge Dassault. Quant au coût, pour les finances de l’État, de l’indemnisation versée aux entreprises au titre du passage de 39 heures à 35 heures, il représente en moyenne quelque 10 milliards d’euros par an. Ce cadeau, renouvelé chaque année depuis dix ans, aura coûté 100 milliards d’euros à l’État, donc au contribuable ! Et cela va continuer, il n’est nullement question de stopper cette hémorragie ! Il aurait mieux valu utiliser cet argent pour réduire notre endettement !
Monsieur le ministre, je suis très heureux que vous ayez entrepris votre combat pour nous libérer progressivement des 35 heures, mais il faut aussi mettre fin au paiement par l’État de ces 10 milliards d’euros par an ! Quand cela va-t-il s’arrêter ?
Je sais que la décision ne vous appartient pas, qu’elle relève du ministre chargé des finances, mais notre déficit budgétaire et notre dette publique ne cessent de s’accroître ! Comment revenir à l’équilibre budgétaire en supportant une telle charge ? C’est une question de bon sens ! Et si nos entreprises s’y opposent, eh bien tant pis ! Il faudra qu’elles s’en accommodent ! Il faut choisir entre l’aggravation sans limite de notre dette et, peut-être, l’augmentation du chômage. Ce sera évidemment au Gouvernement de décider, mais contracter des emprunts pour financer des dépenses de fonctionnement qui ne rapportent rien à l’État est suicidaire !
C’est pour cette raison, monsieur le ministre, que je défendrai un amendement visant, à tout le moins, à fixer une limite dans le temps à ces versements, en les diminuant progressivement sur une période de trois ou quatre ans. Il y va de la santé financière de l’État et de l’évolution de notre déficit budgétaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dix minutes me suffiront, puisque beaucoup de choses ont déjà été dites, non par M. Dassault, bien entendu, mais par mes collègues de l’opposition.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais si ! Par M. Dassault, aussi !
M. Jean Desessard. Le projet de loi que vous nous soumettez aujourd’hui, monsieur le ministre, vise prétendument à réformer la démocratie sociale. Tous les acteurs concernés conviennent que la question de la représentativité syndicale est cruciale. Il était donc nécessaire de réformer l’arrêté de 1966, de mettre fin au monopole de la représentativité des cinq grandes centrales que sont la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et la CFE-CGC, et de rendre une légitimité pleine et entière à la représentation syndicale par les élections.
En cela, l’initiative de présenter un tel projet de loi était louable. Mais le résultat est très loin de nos espérances, et la réforme de la représentativité syndicale qui nous est soumise est affectée de dysfonctionnements.
D’une part, vous n’abordez pas le cas des organisations patronales, par exemple au travers de la représentation du secteur associatif ou du secteur mutualiste, ni la question de leur financement, lequel présente bien des défaillances, comme l’a prouvé spectaculairement, l’hiver dernier, l’affaire Gautier-Sauvagnac !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Waldeck-Rousseau n’avait pas prévu leur financement !
M. Jean Desessard. D’autre part, vous profitez de cette occasion pour « dynamiter » encore une fois les 35 heures, en urgence, au mois de juillet. Après vous être acharné à culpabiliser les demandeurs d’emploi, vous vous attaquez à la structure syndicale et à l’ensemble des travailleurs !
En un an, le Gouvernement a « détricoté » soigneusement, méthodiquement et rigoureusement notre droit social,…
M. Alain Gournac, rapporteur. Non ! Les 35 heures !
M. Jean Desessard. … que les travailleurs français avaient mis plus d’un siècle à façonner et à négocier. En une année, vous balayez un siècle d’avancées sociales ! (M. le rapporteur s’exclame.)
Fonder la représentativité syndicale sur les élections constitue, nous l’avons dit, une avancée pour notre modèle social. Encore aurait-il fallu s’entendre sur le type d’élections retenu. Deux voies s’offraient à nous : les élections en entreprise ou les élections prud’homales.
En optant exclusivement pour les élections en entreprise, le projet de loi permettra certes de mesurer les résultats par branche et par entreprise, mais ce mode d’élections présente de sévères inconvénients.
Tout d’abord, il exclut les salariés d’une grande partie des PME et les salariés des TPE, soit 50 % des salariés ; il exclut également les demandeurs d’emploi, qui ont été travailleurs ou qui le redeviendront, et qui sont tout aussi concernés par les négociations collectives que l’ensemble de nos concitoyens !
Les élections prud’homales, qui se jouent à l’échelle nationale, présentaient quant à elles l’avantage d’une représentation de l’ensemble des travailleurs, y compris les demandeurs d’emploi. Le contre-argument du fort taux d’abstention qui les caractérise est insuffisant. Malgré cela, c’est à l’occasion des élections prud’homales que s’exprime l’opinion du plus grand nombre de salariés.
De plus, si elles étaient consacrées comme la base de la représentativité syndicale, elles seraient bien plus attractives. Si l’on souhaite réellement revitaliser la démocratie sociale, rien n’empêche de lancer une campagne de communication institutionnelle sur l’enjeu que représentent ces élections.
Parce que les syndicats sont et doivent rester une force de représentation, de protection et d’accompagnement des travailleurs au quotidien, il aurait été préférable que la représentativité syndicale puisse être mesurée à l’occasion d’une élection générale, organisée nationalement à une date unique pour l’ensemble des salariés, et dont les résultats peuvent également être détaillés par branche et par entreprise. Un tel procédé fonderait les bases d’une véritable démocratie sociale !
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. Jean Desessard. Bien au contraire, avec ce projet de loi, vous provoquez un véritable renversement de la négociation sociale. En effet, vous permettez aux accords d’entreprise de prévaloir sur les accords de branche, même pour une disposition moins favorable. Ce faisant, vous isolez les entreprises, atomisez le salariat et ruinez la négociation collective, qui faisait la force du salariat face à la toute-puissance patronale.
Non seulement les accords d’entreprise primeront, mais ils ne seront même pas conclus selon le principe majoritaire. Ce projet de loi aurait pu, là encore, être une belle occasion de renforcer la démocratie sociale. Vous auriez pu imposer le principe majoritaire pour la conclusion des accords. Au lieu de cela, vous avez consacré une simple « non-opposition ». Dorénavant, toute organisation qui obtient 30 % des voix pourra conclure seule un accord s’il ne rencontre pas l’opposition de syndicats représentatifs ayant obtenu au moins la moitié des voix.
Enfin, vous mettez en danger le pluralisme et l’indépendance des syndicats, notamment parce que les petits syndicats professionnels seront contraints de s’affilier à des syndicats catégoriels nationaux pour continuer d’exister. Tel est le cas du Syndicat national des journalistes, dont nous reparlerons plus tard. Nous avons d’ailleurs déposé des amendements pour remédier à cette situation.
Ce projet de loi n’est donc que le reflet de la considération que porte le Gouvernement aux partenaires sociaux. Vous affichez votre volonté de promouvoir la négociation et de consulter les partenaires sociaux, mais dans les faits c’est à marche forcée que vous conduisez ce que vous nommez la négociation !
Ainsi, vous avez indiqué consulter les syndicats sur le projet de réforme des 35 heures, mais vous ne leur avez pas laissé le temps de la concertation ! Au bout de trois mois à peine, vous décidez de légiférer, parce que tout cela ne va pas assez vite ! Votre consultation n’était qu’une mascarade.
Vous avez décidé, quoi qu’il arrive, d’attaquer les 35 heures et d’anéantir toute idée de réduction et de partage du temps de travail ! M. Dassault a dit tout le mal qu’il pense des 35 heures, des salariés qui prennent des vacances, qui ont des loisirs ou qui s’occupent de leur famille !
Vous allez à rebours de l’histoire des avancées sociales et ne faites que propulser la France dans le jeu du dumping social !
J’en veux pour preuve les articles 16 et 17 du projet de loi, qui tendent à rendre caduques l’idée même de temps de travail, celle de repos compensateur, et à instaurer une société du « travailler toujours plus pour gagner, à terme, de moins en moins » !
En prévoyant de fixer par accord d’entreprise le contingent annuel des heures supplémentaires et la contrepartie en repos, l’article 16 du projet de loi soumet les salariés à l’arbitraire des patrons. Il ne restera plus, comme limite légale, que les 48 heures hebdomadaires fixées par la législation européenne ou les 44 heures prévues par le droit français sur une moyenne de douze semaines.
Avec l’article 17, vous flexibilisez à outrance le temps de travail. Vous étendez sur la semaine les conventions de forfait en heures, jusqu’alors applicables aux seuls cadres, pour des questions évidentes d’autonomie dans l’organisation de leur travail et de leur emploi du temps.
Ensuite, vous rendez applicables à tous les salariés des conventions de forfait sur l’année. Une fois encore, ces négociations ne feront l’objet que d’un accord d’entreprise !
Voilà comment, en deux articles, vous inversez le rapport de force social. Là où le caractère collectif de notre droit permettait de protéger les salariés, vous accentuez encore l’inégalité du rapport de force avec l’employeur ! Vous renvoyez la question du temps de travail et du repos des travailleurs à une discussion individuelle entre salarié et travailleur.
M. Jean Desessard. Vous banalisez les heures supplémentaires !
En enterrant définitivement l’idée qu’un projet de société puisse être fondé sur la réduction et sur le partage du temps de travail, vous encensez l’individu producteur, vous réduisez l’être humain à cette seule dimension. Vous faites fausse route !
Vous niez le sens du progrès social et du développement durable, qui devraient permettre aux salariés de travailler moins.
Vous niez le sens de l’émancipation humaine, qui suppose que les travailleurs puissent construire leur vie à la fois dans le travail, en famille, durant leurs temps de repos et de loisirs.
Vous niez tout ce qu’ont apporté les 35 heures et les RTT, ne serait-ce qu’en termes de confort de vie. Vous oubliez que les Français y sont attachés.
Enfin, vous oubliez la pénurie de travail, la pénurie de ressources naturelles et la nécessité de partager davantage et de préserver la planète.
Ce n’est pas en détériorant les conditions de vie des travailleurs et en augmentant leur temps de travail que nous produirons mieux. Parce qu’il s’agit bien de cela : il ne faut pas « travailler plus », il faut « travailler mieux » ; il faut que tous puissent travailler, et travailler dans des conditions décentes ! (M. Jean-Luc Mélenchon approuve.)
Avec méthode et constance, vous détruisez l’ensemble des acquis sociaux, pour limiter la négociation sociale à un face-à-face entre un travailleur isolé et un patron tout-puissant.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le renard libre dans le poulailler libre !
M. Jean Desessard. Vous étendez au champ social l’individualisme dominant dans la société civile et de consommation. Ce faisant, vous favorisez la désagrégation sociale.
Monsieur le ministre, avec ce projet de loi, c’est donc à rebours du progrès social, de la prise en compte des enjeux environnementaux, donc de l’histoire, que vous vous inscrivez. Vous comprendrez, dès lors, que les sénatrices et les sénateurs Verts s’opposent à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ils sont verts de rage ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis comporte deux volets différents.
Le premier d’entre eux répond à une nécessité. En effet, depuis des années, il est question de la représentativité des organisations syndicales. Monsieur le ministre, vous êtes parvenu à un accord, assorti de modalités raisonnables. Par conséquent, je pense que tout le monde, dans cet hémicycle, approuvera la première partie de ce projet de loi.
M. Jean Desessard. Pas tout le monde !
M. Alain Gournac, rapporteur. Presque tout le monde !
M. Jean-Pierre Fourcade. Sur le second volet, qui concerne les heures supplémentaires et les 35 heures, la différence est plus importante.
M. Jean Desessard. Là, il y a un fossé !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il y a même un abîme !
M. Jean-Pierre Fourcade. Mon ami Serge Dassault a évoqué tout à l’heure les difficultés que nous devons surmonter dans la compétition internationale du fait d’une certaine théorie du partage du travail, théorie que, précisément, ne partagent nullement nos concurrents, qu’il s’agisse des Européens ou des pays émergents, l’Inde, la Chine et d’une manière générale, tous les pays asiatiques.
Monsieur le ministre, les solutions que vous proposez pour remédier à cette situation feront bien entendu l’objet de débats approfondis.
Je remercie M. Gournac de son excellent rapport, qui montre bien la démarche délicate des rédacteurs du projet de loi s’agissant notamment de la primauté qui est donnée aux accords d’entreprise. Dans tous les pays où nous tentons d’exporter nos produits, il y a des accords d’entreprise.
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui, partout !
M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà déjà vingt ans que nous discutons de la fameuse hiérarchie des accords interprofessionnels, de branche et d’entreprise. Il est temps d’aboutir.
Sur le second volet de ce projet de loi, je suivrai la commission.
Cependant, monsieur le ministre, permettez-moi de vous en faire l’amical reproche, je considère qu’il manque deux parties dans votre projet de loi.
Il aurait dû d’abord comporter un troisième volet consacré aux six millions de salariés des trois fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière. Nous attendons une modification des méthodes de calcul du contingent d’heures supplémentaires …
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. … et une modification des possibilités de récupération des jours de RTT.
Il convient de traiter ces sujets, sauf à vouloir aggraver les conditions de travail dans la fonction publique par rapport au secteur privé, ou vice-versa, car on peut se poser la question de savoir où est la productivité et où sont les meilleures conditions de travail…
Il serait donc souhaitable que le ministre chargé de la fonction publique vous emboîte le pas. Ce volet, absent de votre texte, pourrait faire l’objet d’un projet de loi dans quelques mois. Nous aurions alors une vision complète du monde du travail.
Les problèmes liés au sous-emploi des personnes de plus de cinquante ans sont moins importants dans la fonction publique que dans le secteur privé. C’est un avantage de la fonction publique. Il reste à traiter la question des heures supplémentaires et celle de la réglementation des conditions de travail.
Enfin, votre projet de loi aurait dû comporter un quatrième volet consacré au désengagement financier de l’État du dispositif des 35 heures, qui a été évoqué par M. Serge Dassault.
Lors de la discussion, dans cet hémicycle, de la proposition de loi que M. de Robien avait fait adopter à l’Assemblée nationale, j’avais pensé, je le reconnais – je n’étais pas le seul – que les évolutions technologiques, notamment dans certains secteurs industriels, permettraient de réduire la durée du travail sans conséquence dramatique pour l’économie. Il m’avait semblé que l’on pouvait soutenir cette expérimentation en participant au financement du passage de 40 heures ou 39 heures à 35 heures.
Le coût de cette opération fut très élevé. Vous vous souvenez sans doute, mes chers collègues, de la « brioche vendéenne », élément essentiel de cette opération. (Sourires.) Cependant, l’allégement de charges sociales que nous avions alors consenti était limité dans le temps, puisque le dispositif était prévu pour ne durer que sept ans.
De la même façon, lorsque Mme Aubry a fait voter ses textes, les allégements de charges sociales étaient limités dans le temps, à cinq ans.
Or, lorsque ces expérimentations ont été engagées, entre 1992 et 1993, le taux de chômage était de 12 %, et, du fait de l’impatience de certains, mais aussi au nom d’une idéologie qui faisait reposer les chances d’une baisse de ce taux de chômage sur une réduction de la durée du travail, on a en quelque sorte « fongibilisé », « sédimentarisé » l’ensemble de ces éléments. Voilà comment nous en sommes arrivés à la situation présente.
Les deux rapports les plus récents, au demeurant excellents, sur l’engagement de l’État dans le financement des 35 heures ont été publiés l’un par M. Alain Vasselle et l’autre par M. Philippe Marini. Tous deux montrent que l’engagement de l’État est important. Il était, en 2007, de 25 milliards d’euros selon M. Vasselle - de 20 milliards d’euros selon M. Marini - et il atteindra 29 milliards d’euros en 2008. En d’autres termes, nous finançons des allégements de charges dont nous ne connaissons pas les résultats, mais qui représentent aujourd’hui plus de la moitié du déficit budgétaire !
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est très important !
M. Jean Desessard. Je suis contre les exonérations de charges.
M. Jean-Pierre Fourcade. Le rapport que M. Marini a présenté à la commission des finances voilà quelques jours montre que 72 % des allégements de charges – 25 milliards d’euros, je le rappelle – sont concentrés dans le secteur tertiaire alors qu’ils étaient destinés, à l’origine, à permettre au secteur industriel de faire face à la concurrence internationale et d’éviter les délocalisations.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. On le voit, monsieur le ministre, les enjeux sont d’importance. Aussi, plutôt que de vouloir tout arrêter, il me semble préférable d’agir avec méthode ; celle que je vous propose tient en trois points.
Premièrement, il faut analyser l’impact de ces allégements – 29 milliards d’euros en 2008 – sur la trésorerie des entreprises, sur leur capacité d’investissement et sur l’emploi.
Le taux de chômage est aujourd’hui de 7,5 %, contre 12 % en 1992 et 1993.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, vous avez la responsabilité de la DARES, la fameuse direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques, elle qui a affirmé que les 35 heures ont permis de créer ou de protéger 400 000 emplois.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce point a été traité par une commission d’enquête !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il me semble souhaitable de demander à la DARES de réaliser une étude d’impact sérieuse sur le triple plan de la trésorerie des entreprises, de leur niveau d’investissement et de l’emploi. On ne peut pas avancer sur cette question sans connaître ces différents paramètres.
Deuxièmement, dans le cadre du dialogue social que vous préconisez, les partenaires sociaux doivent être informés sur l’utilisation des allégements de charges accordés à des entreprises pour effectuer certains recrutements.
Il est certes légitime de réduire le coût du travail pour faciliter l’embauche de jeunes sans qualification, de personnes en difficultés ou handicapées, mais les partenaires sociaux doivent savoir comment sont utilisées les sommes rendues disponibles par les allégements de charge et, partant, doivent connaître l’efficacité des mesures ainsi financées. De ce point de vue, l’efficacité est un critère essentiel.
Troisièmement, enfin, il faudra adopter un calendrier pluriannuel – sur trois ans ou sur cinq ans – de désengagement de l’État. L’objectif est de parvenir, en 2012, à une réduction importante. C’est selon moi, monsieur le ministre, la seule manière de rétablir l’équilibre de nos finances publiques d’ici à 2012.
Un simple regard sur le tableau qui retrace, dans le rapport de M. Marini, l’augmentation des allégements fiscaux suffit pour comprendre que, si nous ne faisons rien, si nous nous contentons de discours, il sera impossible de rétablir l’équilibre des finances publiques en 2012. (L’orateur montre à l’assemblée ledit tableau.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. Donc, après avoir mesuré l’impact des allégements de charges et assuré la bonne information des partenaires sociaux sur l’utilisation des fonds représentatifs de ces allégements, nous pourrons, dès 2009, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, envisager le désengagement de l’État, car, ne l’oublions pas, les allégements de charges sociales sont remboursés par le budget de l’État.
Ce désengagement, qui s’étalera sur plusieurs années, devrait nous procurer un double bénéfice : d’une part, retrouver l’égalité de traitement avec l’ensemble de nos partenaires, de l’Eurogroupe d’abord, de l’Union européenne ensuite, qui ne supportent pas cette charge d’un poids extraordinaire ; d’autre part, réaliser enfin le retour à l’équilibre que nous avons promis, un temps envisagé pour 2010 et reporté à 2012.
Monsieur le ministre, je sais bien que vous n’êtes pas directement responsable de l’ensemble de ces dossiers, mais il s’agit de sujets essentiels et vous êtes membre du Gouvernement. Or, c’est le Gouvernement qui envisage, pour 2009, de soumettre l’évolution du Fonds de compensation pour la TVA à la progression normée de 1 % des concours publics de l’État aux collectivités territoriales, ce qui réduira les capacités de développement de ces collectivités. Et c’est le même gouvernement qui se désintéresse de la répartition et de l’utilisation d’une masse de 20 milliards d’allégements de charges, dont 72 % pour le secteur tertiaire ?
Je m’insurge contre cette situation, monsieur le ministre. Il convient de faire réaliser, pendant les vacances parlementaires, une étude interministérielle, sous la responsabilité du Premier ministre, afin que nous soyons éclairés lors de la discussion du projet de loi de finances.
Il serait vain d’assouplir la durée réelle du travail, de sortir des 35 heures, comme vous le proposez, si nous continuions de laisser peser sur nos finances publiques le coût excessif de ce dispositif. Cela nous interdirait de faire jeu égal avec nos partenaires dans la mondialisation en cours. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Comme l’a indiqué M. Alain Gournac, en ce qui concerne la représentativité, le projet de loi s’inscrit dans le respect de la position commune, dans son esprit comme dans l’équilibre qu’elle consacre. J’ai pris acte, monsieur le rapporteur, de votre volonté d’être attentif au respect de cet équilibre. Je vous en remercie, car il s’agit à nos yeux d’un point important.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet !
M. Xavier Bertrand, ministre. J’espère que ce même souci d’équilibre guidera l’ensemble de vos travaux, même si j’ai entendu tout à l’heure certains propos qui me laissent penser que, à gauche de cet hémicycle, le respect de la position commune est plus affiché que véritablement ressenti. Nous verrons ce qu’il en est durant les débats.
Mme Annie David. Je me demande ce qu’une telle remarque peut apporter !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le rapporteur, vous avez soulevé, comme MM. Amoudry et Godefroy, l’importante question de la représentativité patronale, qui n’est pas abordée dans la position commune. Je ne suis pas persuadé que la discussion de ce projet de loi soit le moment adéquat pour ouvrir ce débat, même si j’ai cru comprendre, dans les déclarations de représentants patronaux, que le sujet n’était pas tabou.
Monsieur Amoudry, les deux parties du projet ont un lien direct et étroit. Parce que la première vise à renforcer la légitimité des acteurs et des accords collectifs, il convenait, et sans délai, d’appliquer cette logique à l’un des champs les plus importants des relations du travail, à savoir le temps de travail.
Le raisonnement est simple. Dans le cadre d’un ordre public social défini par la loi concernant notamment la santé du salarié, il faut passer d’une logique de contrôle administratif à une logique de négociation collective, d’où le lien étroit et nécessaire entre les deux parties du projet de loi.
La suppression de l’autorisation de l’inspection du travail ne signifie pas qu’il n’y aura plus aucun contrôle de l’inspecteur du travail en matière de temps de travail. Il sera procédé à un recentrage du dispositif légal sur des notions fondamentales – durées maximales de travail, temps de repos – ce qui permettra au contraire de garantir une meilleure application de la loi, notamment en ce qui concerne le versement des majorations pour heures supplémentaires
Oserai-je le dire ? Les lois Aubry sur les 35 heures, par leur extrême complexité, nuisaient à l’effectivité des contrôles. L’application de la loi sera, demain, mieux contrôlée et donc plus effective.
Monsieur Godefroy, vous en appelez au respect de la position commune. Mais vous avez mentionné les élections prud’homales ; vous avez évoqué l’introduction de la représentativité patronale ; vous les avez même souhaitées. Figurent-elles dans la position commune, monsieur le sénateur ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Là aussi, j’invite chacun à faire preuve dans ce débat d’un minimum de cohérence, afin que nous puissions appréhender clairement les positions des uns et des autres. Peut-être ces positions ne seront-elles pas communes, mais là n’est pas l’enjeu : au moins, quand il est question de respecter la position commune, que ne soient pas évoqués des points qui n’y figurent pas !
Mme Annie David. Vous avez montré la voie !
M. Xavier Bertrand, ministre. Sur les sous-traitants, nous voulons, comme l’Assemblée nationale et comme le rapporteur au Sénat, apporter des réponses plus sûres en matière d’organisation des élections. J’attends aussi, monsieur le sénateur, que l’on me démontre qu’il y aura moins de comités d’entreprise, qu’il y aura moins de délégués du personnel qu’aujourd’hui.
Madame Rozier, vous avez raison, la rénovation de la démocratie sociale que ce texte promeut favorisera la participation effective des salariés au devenir des entreprises. La participation aux décisions est la plus cruciale, et c’est celle qui prendra réellement corps puisque, avec ces nouvelles règles, les représentants des salariés dans la négociation bénéficieront d’une légitimité renforcée. Voilà du concret !
Madame David, vous avez parlé du xixe siècle.
Mme Annie David. J’aurais même dû remonter jusqu’au xviiie !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je n’oublie pas l’histoire du droit du travail : c’est précisément parce qu’il a une histoire qu’il a aussi un avenir ! Mais je voudrais vous parler de notre siècle, le xxie, car c’est lui qui intéresse à la fois les entrepreneurs et les salariés.
Mme Annie David. J’en ai parlé aussi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Or, ce xxie siècle, de quoi est-il fait ? D’entreprises qui s’inscrivent de moins en moins souvent dans des logiques seulement nationales ;…
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr ! C’est dépassé !
M. Xavier Bertrand, ministre. … des marchés, de clients et de stratégies internationaux ; d’un droit du travail qui doit prendre en compte le sens des relations du travail, mais aussi les exigences de la réalité.
Mme Annie David. En écrasant les salariés !
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà pourquoi, aujourd’hui, un sujet comme la flexicurité n’est plus tabou pour la Confédération européenne des syndicats, dans nombre de pays et pour nombre de partenaires sociaux. La majorité des pays s’inscrivent désormais dans une logique d’individualisation des relations du travail… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est ça !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne suis pas impatient, je suis contre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Face à ces évolutions, la logique du Gouvernement n’est pas celle de l’abandon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis contre, vous avez entendu ? Ne déformez pas mes propos !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous avez l’habitude de faire dire aux autres le contraire de ce qu’ils pensent. Ça va mal se passer avec vous !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour ma part, je préférerai toujours l’accord collectif à l’accord individuel.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous avez l’habitude de mentir et de truquer. Vous êtes un spécialiste !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je souhaite que l’on fasse confiance aux syndicats, monsieur Mélenchon, et je souhaite renforcer leur légitimité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste. - M. Jean-Luc Mélenchon s’exclame.)
Je souhaite préserver l’ordre public social, monsieur Mélenchon, et le rôle de l’État.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous faites l’inverse !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le respect de l’histoire des relations du travail, ce n’est pas l’archaïsme. Voilà la vérité !
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est vous, l’archaïsme !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes un dinosaure, un fossile de l’esclavagisme !
M. Xavier Bertrand, ministre. … on doit également non seulement raison garder, bien sûr, mais aussi conserver son calme et sa sérénité. (Protestations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Car, sur tous ces sujets, il importe de savoir que celui qui parle fort ne parle pas forcément juste, monsieur Mélenchon, et que, lorsqu’on est sûr de ses arguments, on n’a pas besoin d’élever la voix !
M. Jean-Luc Mélenchon. S’il croit qu’il va m’impressionner !
M. le président. Mon cher collègue, je vous invite à cesser ces invectives.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà aussi une façon de traiter les sujets et d’aborder les débats !
Vous avez aussi parlé, madame David, de « petit bout de rénovation » de la démocratie sociale et d’absence de démocratie participative. Les signataires de la position commune apprécieront, tout comme celles et ceux qui, demain, dans les entreprises, devront mettre en œuvre ce dialogue social.
Mme Annie David. Ils apprécieront, parce qu’ils liront votre intervention !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce sont pourtant eux qui auront de nouveaux espaces pour la négociation collective grâce à la règle des 30 % et des 50 %, règle que les syndicats ont souhaitée, que les signataires de la position commune ont revendiquée !
Vous avez aussi évoqué, madame, la limite de 218 jours de travail par an prévue à l’article L. 3121-45 du code du travail.
Mme Annie David. Oui !
Mme Annie David. Ah si ! Je l’ai sous les yeux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous n’avez pas lu jusqu’au bout, puisque l’article 3121-49, qui traite du même sujet, précise : « Lorsque le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel fixé par la convention ou l'accord, le salarié bénéficie, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement. »
Il est donc bien écrit noir sur blanc dans le code du travail que l’on peut, aujourd’hui, travailler plus de 218 jours par an ! Quel dommage que vous ne l’ayez pas lu, madame !
Mme Annie David. Il y a des limites, monsieur le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Quoi qu’il en soit, il est possible de récupérer les jours travaillés au-delà du plafond – qu’il est possible de dépasser à nouveau. Au total, aujourd’hui, on peut être amené à travailler jusqu’à 282 jours dans l’année ; voilà la vérité ! C’est précisément ce que, dans ce projet de loi, nous voulons éviter : les dépassements non encadrés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le mieux, c’est 65 heures par semaine !
Mme Annie David. Ou 365 jours par an, si vous voulez !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je remercie Serge Dassault d’avoir replacé la réforme proposée dans le contexte qui est celui des entreprises et des salariés, c’est-à-dire dans un contexte à la fois européen et international.
Pour autant, ce contexte n’interdit pas le volontarisme de l’État, n’interdit pas les garanties apportées par le législateur. Il faut simplement bien définir ce qui relève de la loi et ce qui relève de la négociation collective, notamment de l’accord d’entreprise.
Ce dispositif et cette nouvelle approche ne doivent avoir qu’un seul objet : restaurer la valeur que représente le travail. C’est le travail qui permet de créer des richesses ; si vous voulez partager des richesses, il faut les avoir créées au préalable. Voilà encore une vérité que nous souhaitions replacer au cœur du débat. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Desessard et M. Godefroy ont évoqué les élections prud’homales comme mesure possible de la représentativité. Mais ce n’est pas le choix des signataires de la position commune, qui ont préféré l’entreprise, et nous entendons respecter ce choix.
M. Jean Desessard. La CGT va s’en mordre les doigts !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est ce que nous avons dit !
M. Xavier Bertrand, ministre. Telle est la cohérence du projet de loi qui vous est aujourd’hui présenté, et elle est respectée aussi au titre II, consacré au temps de travail.
Enfin, je ne voudrais pas laisser dire que les conventions de forfait sur la semaine ne sont accessibles qu’aux seuls cadres. Là aussi, les textes sont formels : elles sont accessibles à tous les salariés depuis 1978.
Monsieur Fourcade, vous avez évoqué la fonction publique : des accords ont été signés pour y rénover les règles de représentation, et le Gouvernement proposera un amendement qui aura pour objet d’accompagner ces accords.
Je suis persuadé que nous aurons aussi l’occasion, au cours du débat, de revenir sur la question des allégements de charges, et je ne doute pas que vous aurez vous-même à cœur de l’aborder, monsieur Dassault. Mais nous savons que cette question, si elle est traitée, doit l’être forcément dans le cadre d’un débat budgétaire d’automne.
Aujourd’hui, il n’existe plus d’allégements de charges liés directement à la réduction du temps de travail.
Les allégements consentis le sont, bien évidemment, en vertu de la loi Fillon de 2003. Il n’en reste pas moins vrai qu’à l’époque il a bien fallu compenser le surcoût du travail induit par les lois Aubry. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. Jean Desessard. Et maintenant, monsieur le ministre ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Rappel au règlement
M. Jean-Luc Mélenchon. Je fais un rappel au règlement, monsieur le président, pour expliquer la nécessité…
M. Alain Gournac, rapporteur. …qu’on n’insulte pas !
M. Jean-Luc Mélenchon. … que j’ai exprimée de me révolter contre ce qui se passait.
D’abord, je veux dire à M. le ministre, en m’adressant à vous, monsieur le président, comme c’est l’usage dans cet hémicycle, qu’il n’est pas acceptable que les orateurs parlementaires soient interrompus par des interjections venant des bancs des ministres. On nous oppose que les parlementaires ne se gênent pas pour le faire ; c’est vrai. Mais ici, c’est le lieu des parlementaires ; ici, c’est nous qui gouvernons et qui menons nos débats comme nous l’entendons !
Ensuite, si j’ai élevé la voix, c’est parce que M. Bertrand est familier d’une méthode qui nous semble particulièrement odieuse, celle qui consiste à imputer à ses interlocuteurs des positions qu’ils n’ont pas.
Si j’ai élevé la voix, ce n’est pas parce que je voulais empêcher le ministre de s’exprimer, c’est parce qu’il venait d’affirmer que toute l’Europe allait dans le sens de la flexicurité, ce qu’il interprétait – c’est son droit que d’en avoir une interprétation personnelle – comme une évolution vers l’individualisation des rapports sociaux. J’ai donc répondu depuis mon siège, par une interjection, que précisément nous sommes contre cette individualisation des rapports sociaux. Et le ministre a enchaîné en me demandant de ne pas me montrer impatient, en m’assurant que la flexicurité viendrait, bref, en m’imputant une position qui n’est pas la mienne.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est pas la première fois que cela se produit, monsieur Bertrand !
Lors du débat sur le service minimum, vous avez attribué à la gauche la rédaction d’un amendement relatif au paiement des heures de grève qui était fausse. Dans le débat suivant, vous avez recommencé, et mes collègues me confirment que c’est un tour coutumier que vous avez. Cela est insupportable !
Nos positions sont nos positions, nous les développons chacun avec nos arguments, et, s’il est vrai qu’il peut arriver que l’on élève la voix, en général on le regrette. Pour autant, la dignité de nos débats veut que l’on ne confonde pas l’hémicycle avec d’autres lieux où un certain nombre de simplifications sont en usage. Ici, on se respecte, on écoute l’argument de l’un et de l’autre, et l’on tâche d’y répondre sur le fond.
Mes arguments sont mes arguments, monsieur le ministre ! Vous pouvez les désapprouver, ceux de mes camarades de même. Mais vous n’avez le droit de les transformer ou de les falsifier. Ils sont ce qu’ils sont, nous les soumettons à l’examen de la raison et non pas à l’invective ou au jeu de bonneteau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Mélenchon, je vous donne acte de votre rappel au règlement, mais, je vous en supplie, n’oubliez pas que nous sommes au Sénat.
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous ne sommes pas à l’Assemblée nationale ! Ce n’est pas le cirque !
M. le président. J’aimerais que nous gardions la sérénité qui seule convient à nos débats et qui fait tout à la fois la tradition et l’honneur de cette maison.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion no 283, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (no 448, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel, voilà maintenant bien longtemps, a mis fin, dans sa décision « liberté d’association », à un débat théorique, doctrinal, sur la place de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi que du préambule de la Constitution de 1946.
Ainsi, par assimilation, c’est tout ce préambule qui se voyait attribuer une valeur constitutionnelle.
Or, monsieur le ministre, en proposant l’adoption de ce projet de loi, vous remettez en cause tout l’équilibre constitutionnel de notre pays. Comment, alors, ne pas établir de lien entre ce projet de loi et la réforme constitutionnelle voulue par le Président de la République comme un élément supplémentaire au service d’un régime hyperprésidentiel ? Comment ne pas établir de lien entre ce projet de loi et la commission qui travaille actuellement sous la direction de Mme Veil, dont on sait qu’elle aboutira au démantèlement de tout ce qui s’est construit dans le préambule de 1946, c’est-à-dire tout ce qui constituait le programme du Conseil national de la Résistance ?
Nous savons tous – mais peut-être certains d’entre nous voudraient-ils l’oublier – que le préambule de la Constitution de 1946 est issu des travaux du CNR. Il est pour le législateur, et nous le considérons comme tel, un guide nécessaire pour conduire ses travaux, « il est une éducation sur le sens de ce que doit être l’évolution de notre société » ; il est un idéal vers lequel tendre.
Ainsi, avec les principes « particulièrement nécessaires à notre temps », mais également les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », les constituants de 1946, et les juges constitutionnels, ont voulu créer une forme de relation indissociable entre l’économie et ses besoins, d’une part, et le social, la satisfaction des besoins sociaux, d’autre part.
Les sénatrices et sénateurs communistes considèrent qu’il importe, pour des raisons sociales, économiques, environnementales, de faire prévaloir le social sur l’économie. Nous sommes au cœur du problème !
Nous considérons que le processus économique doit s’adapter aux exigences sociales de notre pays, et non l’inverse.
M. Jean-Luc Mélenchon. Absolument !
M. Guy Fischer. Cette conception d’une économie au service des hommes, qui se construit par solidarité et non dans l’opposition, qui se construit sur le collectif et non sur l’individuel, nous la nommons société de progrès.
Avec ce projet de loi, vous voudriez poursuivre votre politique de déstructuration, faisant comme si l’économie et le social étaient pour le moins dissociables ou, pis, comme si le social devait reculer devant l’économie. Les exigences sont pourtant celles de la construction d’une société de partage et de solidarité, d’une société qui protège les droits et les développe. Tel était le sens du préambule de 1946.
Le projet de loi dont l’examen nous réunit aujourd’hui est, vous en conviendrez, à mille lieues des préoccupations des constituants de 1946. Il est même contradictoire avec l’esprit des rédacteurs du préambule, notamment avec le cinquième alinéa de celui-ci, qui instaure une forme de démocratie sociale que vous avez, par vos pratiques, scandaleusement méprisée.
Comme si de rien n’était, vous trahissez les organisations syndicales signataires de la position commune sur le principal engagement.
On avait déjà pu observer votre sens très particulier du dialogue social lors de la discussion du projet de loi portant modernisation du marché du travail, et encore avec les pressions exercées sur les organisations syndicales lors de l’élaboration de l’accord national interprofessionnel, l’ANI.
En réalité, monsieur le ministre, vous soufflez constamment le chaud et le froid, décidez quand débute et quand se conclut une négociation, décidez des sujets sur lesquels elle portera et des conclusions qui en découleront.
Cette conception du dialogue social propre à votre gouvernement donne d’ailleurs des ailes à votre majorité, puisqu’a été adopté un amendement déposé par un député UMP tendant à insérer un alinéa qui précise que les organisations syndicales déterminent avec les employeurs les sujets devant faire l’objet de négociation.
Il est tout de même assez inique de demander à l’employeur l’autorisation d’entamer une négociation !
Ce projet de loi semble même contradictoire avec les déclarations du candidat-Président qui, découvrant les usines et Jaurès, disait vouloir reconnaître et encourager la France qui « se lève tôt » !
Votre projet de loi, ne vise qu’à asseoir la suprématie de l’économie sur les besoins humains, et nous vous démontrerons en présentant cette motion, comme dans la suite de nos débats, combien cette loi est un outil supplémentaire entre les mains du patronat – il s’ajoute à une panoplie de six outils existants – pour la flexibilité.
Pour valider votre discours de culpabilisation des salariés, vous faites des salariés aux 35 heures les responsables de l’appauvrissement de la France sous prétexte qu’ils ne travailleraient pas assez.
Avec cet habile écran de fumée, vous évitez un vrai débat sur la politique industrielle de notre pays, sur l’absence d’investissements nouveaux, sur les politiques de trappes à bas salaires qui se généralisent, sur l’institutionnalisation de la précarité et sur la recherche perpétuelle des moindres coûts.
Demain, les salariés seront contraints de négocier individuellement non seulement leur contrat de travail – nous sommes là au cœur de votre projet : l’individualisation de la négociation –, mais aussi leur rémunération – nous l’avons vu avec les contrats de portage –, l’organisation et la durée de leur travail et, pourquoi pas, leurs droits à la protection sociale ! Avec vous, c’en est fini de notre société de solidarité et d’égalité.
Ainsi, de manière insidieuse, vous satisfaites à une demande ancienne et récurrente du patronat et du MEDEF : mettre fin à toute conception collective du travail pour renvoyer la relation de travail à la seule relation individuelle entre employeur et salarié.
Dans cette relation très déséquilibrée, nous le savons tous, le salarié est toujours perdant !
Il est tout de même contradictoire d’annoncer vouloir renforcer le dialogue social, tout en utilisant tous les moyens possibles pour marginaliser les organisations syndicales dans les entreprises ! Car, personne n’ignore que le syndicalisme se construit précisément sur l’exigence de défense collective d’intérêts qui, collectifs, le sont tout autant.
Nous aurons l’occasion de le dire au cours de nos débats, ce projet de loi témoigne d’un recul considérable. Vous mettez officiellement, et insidieusement, fin à la durée légale du travail. Jusqu’alors, le progrès social était à la diminution de la durée légale du temps de travail, considérant que le temps de repos était tout aussi noble que le temps de travail ; considérant que le temps de repos était une contrepartie légitime à la force de production offerte par le travailleur et au savoir-faire mis à disposition par le salarié ; considérant enfin qu’il permettait l’épanouissement de la vie familiale.
Mais, aujourd’hui, notre pays prend le chemin du recul social. Vous ne faites pas mystère de votre volonté d’allonger considérablement la durée légale de cotisations pour ouvrir droit à la retraite.
Vous dites vouloir généraliser les heures supplémentaires, comme si cela se décrétait.
Mais, pire encore, avec la directive européenne, vous portez la durée du temps de travail à douze heures par jour, autant dire un recul considérable si l’on compare cette directive avec la loi du 23 avril 1919, dite loi des « 8 heures » qui, comme son nom le laisse deviner, avait limité la durée maximale du travail quotidien à huit heures par jour.
La loi, vous la voulez pour servir l’économie et non plus pour satisfaire les besoins humains et sociaux. Elle est un outil de dérégulation, alors même que les constituants de 1946 et de 1958 l’ont élaborée comme une protection des plus faibles.
La généralisation à tous les salariés des forfaits en jours ou en heures s’inscrit dans cette démarche de minoration des besoins humains. Vous ne voulez plus d’une loi générale et applicable à tous qui fasse écran aux exigences démesurées des employeurs.
Je voudrais vous rappeler une récente étude qui indique que l’amplitude horaire d’une journée de cadre varie entre onze heures et treize heures de travail par jour. Vous savez que de telles conditions de travail suscitent de plus en plus de réactions de la part des cadres. Le lien et la qualité de la relation entre le cadre et l’employeur se distend, on l’a vu chez Renault, au cours de ces dernières années et de ces derniers mois. Et à quel prix !
Mais qu’importe le stress au travail, les cadences infernales, les suicides sur les lieux de travail ! Vous n’en avez cure ! Ce qui importe c’est de répondre, encore et encore, aux diktats de l’économie libérale qui exige toujours plus de « disponibilité », c'est-à-dire toujours plus de précarité.
Ainsi, les cadres pourront demain effectuer pas moins de 282 jours de travail sur 365. Faites le calcul, retirez les 52 jours de week-end, le 1er mai et les 30 jours de congés payés, et c’en est fini des jours de RTT ! C’est la consécration d’un fameux slogan, mais légèrement modifié: « Travailler plus, pour gagner pareil et s’user au travail » !
Et votre gouvernement, qui est très inégalitaire dés lors qu’il s’agit de partager les richesses – je vous renvoie à la loi TEPA, d’août 2007 – se découvre une fibre égalitariste dés lors qu’il s’agit de partager les mauvais coups, puisque cette déréglementation sauvage s’imposera à tous les salariés disposant d’une réelle autonomie.
Vous créez une nouvelle catégorie de salariés, ces derniers cumulant les inconvénients, flexibilité imposée, charge de travail importante, pression accrue, et ne percevant pas le seul avantage auquel ils auraient droit, une rémunération accrue, corollaire légitime de ce que vous nommez « réelle autonomie » !
Mais il y a plus. Outre l’individualisation, avec ce projet de loi, vous inversez également la hiérarchie des normes. Ce qui était jadis l’exception – l’accord individuel ou la convention d’entreprise – vous en faites la règle. Aujourd’hui, on ne soupçonne pas encore toutes les conséquences que cela aura.
Et, inversement, ce qui était la règle, les accords de branche et les conventions collectives, vous en faites l’exception. Cette inversion des normes ne vise, ni plus ni moins, qu’à instaurer une forme de dumping social interne, sans compter que la suppression de la référence aux accords de branche étendus est un véritable élément de dumping social cette fois européen.
Ne tentez pas de nous faire croire que les salariés auront quoi que ce soit à gagner dans cette concurrence entre entreprises !
Le marché du travail est tel que ce ne sont plus les salariés qui font valoir leurs droits, ce sont les employeurs qui imposent leurs exigences. Et il ne fait pas de doute, que, profitant de cette inversion des normes, le patronat parviendra toujours à s’organiser pour proposer le moins-disant, le moins favorable aux salariés, comme il sait faire s’entendre les patrons pour proposer les offres les moins intéressantes aux consommateurs. Quand il s’agit de gros sous, on peut leur faire confiance !
En généralisant les forfaits en jours et en heures à tous les salariés, en augmentant le contingent annuel d’heures supplémentaires, en individualisant les relations de travail et en inversant la hiérarchie des normes, vous prenez le contresens, de ce qui pour nous est fondamental : le préambule de la Constitution de 1946.
Celui-ci dessinait une société de progrès pour tous. Vous construisez au contraire une société de précarité généralisée. Vous entrez en contradiction non pas seulement avec une norme constitutionnelle, mais bien avec l’esprit constitutionnel tout entier. Votre nom, monsieur le ministre, restera attaché à cette réforme !
M. Robert del Picchia. Tant mieux !
M. Paul Girod. Oui, heureusement !
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est même un honneur !
M. Guy Fischer. Bien sûr, pour vous, c’est tant mieux, mais la plupart des salariés ne seront pas du même avis !
Vous ne bafouez pas uniquement le préambule de 1946, ni celui de 1958, ni même une des dispositions de la Constitution ! Non, ce que vous bafouez, c’est toute notre histoire constitutionnelle, c’est l’histoire sociale et institutionnelle de notre pays ! C’est l’esprit des constituants et des législateurs qui vous ont précédés et qui ont voulu construire une société où jamais la génération nouvelle n’aurait à vivre dans des conditions plus mauvaises que la précédente.
M. Robert del Picchia. Le monde a évolué !
M. Guy Fischer. Le problème est là, monsieur Del Picchia : nos générations ont toujours mieux vécu que les générations précédentes.
M. Robert del Picchia. C’est le cas aujourd'hui !
M. Jean Desessard. Ce n’est plus vrai, et ce le sera de moins en moins avec les problèmes de l’environnement !
M. Guy Fischer. À l’inverse, nous en sommes témoins chaque jour, vous œuvrez à la concentration : concentration des savoirs, avec les mauvais coups que vous portez à l’éducation nationale et à la recherche ; concentration des responsabilités et des pouvoirs, avec votre réforme des institutions ; concentration des richesses, avec la loi TEPA, les multiples exonérations de cotisations sociales, et enfin ce texte, qui vient consacrer la nouvelle formule selon laquelle il faut travailler plus, plus longtemps, plus dur, pour ne jamais gagner plus !
Jacques Ribs, conseiller d’État, s’interrogeait dans son livre Préambule de la Constitution de 1946. Un contrat de société ? sur le sens de ce préambule : « Enfin, il me restera à réfléchir à haute voix sur les enseignements à tirer, pour aujourd’hui et pour demain, des principes inscrits dans le Préambule, et sur la nécessité d’ouvrir une nouvelle réflexion pour tenter de rechercher les voies d’une nouvelle utopie créatrice fondée sur le progrès, la dignité de l’homme et la solidarité – le Préambule étant une utopie créatrice et qui s’est révélée singulièrement créatrice – comme avaient su le faire nos anciens. »
Cette interrogation, je la fais mienne. Elle ébranle ma conviction et fait naître une exigence, celle de toutes les résistances. Elle me permet de réaliser combien votre politique ne cesse de déconstruire ce qui fondait alors notre pacte républicain.
Car, à n’en pas douter, de votre côté, on réfléchit bel et bien à un nouvel ordre constitutionnel qui débarrasserait l’État de tous les droits-créances.
Ce travail de réflexion, vous l’avez mené progressivement, vous avez substitué aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ce que l’on pourrait qualifier de « principes économiques dictés par les règles du marché ». Vous avez cessé de considérer le progrès comme un objectif, pour le considérer comme un poids dont il faudrait se débarrasser.
Vous avez fait passer la solidarité nationale pour une construction ringarde, alors que les faits nous prouvent chaque jour qu’elle est la seule à pouvoir garantir et l’égalité et la protection des plus faibles.
Avec votre processus de destruction, voilà tout ce que vous bafouez ! C’est pourquoi les sénateurs et sénatrices n’accepteront jamais un projet de loi...
M. Robert del Picchia. Pas tous !
M. Guy Fischer. ...qui sera immanquablement synonyme de recul social historique.
Et je vous invite à réaffirmer combien – comme le prévoit l’article 1er de notre Constitution – la France est et doit rester une république sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. J’ai écouté avec beaucoup d’attention tous les arguments, d’ailleurs multiples et variés !
La commission est défavorable à l’adoption de cette motion. Contrairement à ce que j’entends, le projet de loi ne méconnaît aucune disposition constitutionnelle et va simplement ramener la France dans le droit commun des pays européens où la durée du travail est généralement négociée par les partenaires sociaux.
J’ajoute un argument massue : un événement a eu lieu en mai 2007, et les Français ont choisi une autre direction et décidé de tourner le dos à l’encadrement et à la réduction du travail, dont ils ont d’ailleurs bien compris, instruits par l’expérience, qu’il s’agissait au contraire d’une stratégie perdante !
Mme Christiane Demontès. Faites-les voter maintenant ! Vous verrez !
M. Jean Desessard. Il faut faire revoter !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il faut desserrer les contraintes. Votre approche consiste à enfermer le travail, la nôtre consiste à l’ouvrir et à donner la possibilité de travailler plus à ceux qui le souhaitent.
Quant à travailler plus pour gagner autant, pour reprendre une formule que l’on nous a assénée à plusieurs reprises, vous savez très bien que c’est faux.
Mme Christiane Demontès. Non !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous ne pouvons pas vous laisser dire ce qui n’est pas vrai. Nous n’avons d’autre objectif que de faire retrouver à la France le chemin de la croissance, dans un moment difficile, d’ailleurs.
Si vous persistez, nous vous répondrons, mais pour vous opposez la logique que nous défendons et qui est tout à fait contraire à la vôtre.
La commission émet bien évidemment un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je veux donner quelques éléments complémentaires à l’issue de la présentation de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité au contenu du projet de loi qui nous est soumis.
Comme nous l’avons souligné, le présent texte constitue, sous bien des aspects, un véritable retour en arrière sur nombre des principes fondateurs de notre pacte républicain et se positionne donc clairement comme un texte réactionnaire. En ce sens, monsieur le rapporteur, je suis bien d’accord avec vous, la position que nous défendons est à l’opposé de la vôtre !
Pour en revenir à certains de ces principes que vous bafouez, nous pouvons mettre en évidence ici ce glissement conceptuel essentiel, un glissement qui anime d’ailleurs profondément la politique menée par ce gouvernement depuis 2007.
Ce glissement, rompant clairement avec le pacte républicain, c’est celui de la primauté du contrat privé sur la loi d’ordre public. M. le ministre l’a dit encore à l’instant, c’est l’individualisation des rapports sociaux qui prime.
Mme Annie David. Tout dans ce texte tend à donner au contrat, à la convention entre parties présumées équilibrées, la primauté sur ce que la loi peut imposer, non en elle-même, mais tout simplement parce qu’elle est l’expression de l’intérêt général pour une société de progrès et de solidarité pour tous, en d’autres termes, comme l’a dit Guy Fischer, la société que nous souhaitons. Cet intérêt général s’efface singulièrement derrière le recours permanent aux petits arrangements que permettra encore plus désormais votre texte.
Cette primauté du contrat trouve d’ailleurs des formes tout à fait diverses dans le texte qui nous est proposé. Elle figure dans la qualité accordée à l’accord d’entreprise, voire d’établissement sur tout accord établissant un traitement équilibré des relations sociales et de l’organisation du travail au sein d’une branche professionnelle comme au niveau interprofessionnel.
Accord d’établissement, proposez-vous... Mais cela signifie concrètement que, dans la même entreprise, dans la même entité juridique souvent, on pourra avoir, au gré des circonstances et des accords à l’amiable, des situations, des conditions de travail et une organisation de travail différentes pour des salariés pourtant employés par la même entreprise, à niveau de qualifications et de compétences strictement identiques !
Le progrès social et la rénovation du dialogue social passent plutôt par l’affirmation de la primauté de la loi sur le contrat, contrairement à cette primauté du contrat que l’on retrouve également dans ce qui concerne l’organisation du temps de travail et qui rompt délibérément avec des siècles d’avancées sociales et législatives sur cette question.
Mes chers collègues, voilà les quelques arguments supplémentaires que je voulais vous soumettre et je demande à ce que le Sénat se prononce sur cette motion par scrutin public.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je répondrai en quelques mots à Mme David.
Je l’ai dit tout à l’heure – et ce n’est pas parce que M. Mélenchon m’a interrompu –, il y a en Europe une tendance à l’individualisation, mais pas en France : nous préférons toujours l’accord collectif à l’accord individuel, parce que la loi apporte toujours des garanties.
Ce que je vous dis là, je l’ai dit officiellement lors de l’adoption de deux directives et cela figure au procès-verbal du compte rendu du Conseil européen de Luxembourg. L’opt-out, ce n’est pas pour la France, l’accord individuel non plus, et je vous mets au défi sur quelque sujet que ce soit de trouver un accord individuel dans le texte qui vous est soumis.
M. Guy Fischer. Vous l’avez signé !
M. Xavier Bertrand, ministre. En ce qui concerne le forfait en jours pour les cadres, il y a la loi et l’accord collectif pour le mettre en place, à quoi s’ajoute, ce qui n’existait pas auparavant, le volontariat pour le cadre qui souhaiterait aller au-delà de 118 heures. Vous avez donc trois garanties, alors que, auparavant, il n’y en avait aucune.
Je voulais juste remettre les pendules à l’heure !
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
Mme Annie David. C’est bien de l’individualisation !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 283, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 143 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l’adoption | 118 |
Contre | 203 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, mon intervention concerne non pas ce scrutin, que nous ne contestons pas, mais les modalités du vote par scrutin public.
En effet, à la proclamation des résultats d’un scrutin public, nous sommes toujours étonnés de constater qu’un groupe absent au moment du vote, comme, en l’occurrence, le RDSE, a néanmoins voté.
Il faut des procurations, me semble-t-il, et on ne peut les donner que si l’on sait que l’on sera absent. À moins qu’il n’y ait des procurations permanentes, ce qui me semble assez anormal.
Comme nous nous en sommes déjà émus, monsieur le président, il nous semble tout à fait paradoxal qu’un groupe absent puisse prendre part au vote.
M. Jean Desessard. Oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. À quoi bon se donner la peine de venir en séance si le vote est de toute façon acquis ?
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je crois savoir qu’il y aurait une délégation permanente. Si notre règlement contient une disposition en ce sens, il serait nécessaire de la réexaminer, car il n’est pas normal, étant donné la composition du groupe du RDSE, qu’un représentant du groupe UMP ait une délégation de vote pour ceux de nos collègues du RDSE qui votent avec la majorité, mais qu’il n’y ait pas de délégation homothétique pour les membres du RDSE qui souhaitent voter avec le groupe socialiste.
M. le président. Monsieur Godefroy, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Ce problème a été évoqué en conférence des présidents.
Sachez que le président de séance vérifie, avant l’ouverture de chaque scrutin public, que le mandat a été donné, qu’il est daté du jour et qu’il porte le numéro du scrutin. En l’espèce, j’en ai un pour le groupe RDSE et un pour les non-inscrits.
M. Paul Girod. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Il y a dans les propos de M. Godefroy des intonations excessives qui induisent, qu’il le veuille ou non, un soupçon d’immoralité ou de trucage. Il me semble que cette exagération mérite d’être relevée.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Printz, M. Godefroy, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 60, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 448, 2007-2008). »
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Gisèle Printz, auteur de la motion.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous avons à débattre aujourd’hui traite de deux problèmes très importants. Il est donc l’un des principaux textes de la législature, car il modifie substantiellement le code du travail, l’organisation des entreprises, la compétitivité économique et la vie des salariés.
Or, monsieur le ministre, vous avez choisi de le soumettre au Parlement en plein mois de juillet, dans la précipitation d’une session extraordinaire qui compte déjà vingt-cinq textes à l’ordre du jour.
En outre, vous avez choisi la procédure d’urgence, devenue quasi-procédure ordinaire pour ce gouvernement. La méthode témoigne d’une conception peu respectueuse du dialogue social.
Le chapitre Ier du titre Ier relatif à la représentativité syndicale reprend une position commune et devrait permettre aux organisations de mieux exercer leurs rôles et de mieux répondre aux attentes des salariés. Depuis le décret de 1950 et l’arrêté de 1966 sur la représentativité syndicale, le paysage a changé et de nouvelles organisations syndicales sont apparues sur la scène sociale dans notre pays.
Il était donc nécessaire, nul ne le conteste, de faire évoluer les critères d’évaluation de cette représentativité.
Le MEDEF s’opposait de longue date à la refonte de la représentativité, pour des motifs évidents. Il a usé et abusé, de même que ses fédérations patronales, des accords minoritaires, qui ont pesé négativement sur la vie de millions de travailleurs.
L’organisation patronale redoutait de voir émerger des interlocuteurs renforcés dans leur légitimité et, de ce fait, moins conciliants.
La principale innovation consiste à asseoir la représentativité sur l’élection professionnelle dans les entreprises, et non plus sur les élections prud’homales. Cette disposition soulève cependant plusieurs difficultés, dans la mesure où se voient, de fait, exclues les entreprises de moins de dix salariés, les entreprises sans représentation syndicale et les demandeurs d’emploi. Il faut être conscient de ces difficultés et y remédier.
Nous déplorons aussi le fait qu’aucune disposition de nature à déterminer la représentativité des organisations patronales ne soit prévue dans ce projet de loi, alors qu’il serait nécessaire de la clarifier.
En tant qu’ancienne syndicaliste j’aurais souhaité que le problème de la crise du syndicalisme soit traité de manière plus approfondie. Le fait de se syndiquer devrait se faire naturellement dans toute entreprise mais, en France, le syndicalisme souffre d’un manque de considération, et est mal vu du patronat, notamment. À l’époque où je travaillais dans la sidérurgie, exercer des responsabilités syndicales constituait un frein à l’évolution de sa carrière.
Mme Annie David. C’est toujours le cas !
Mme Gisèle Printz. Force est de constater que c’est encore souvent le cas aujourd’hui.
M. Guy Fischer. Rien n’a changé !
Mme Gisèle Printz. Une personne qui désire représenter les salariés dans une entreprise dépourvue de syndicats doit affronter moult pressions et intimidations de la part de la direction.
Pour en revenir au texte, toute la contradiction de ce projet de loi réside dans sa seconde partie, qui trahit le dialogue social que vous souhaitez développer dans la première partie, monsieur le ministre, et ignore complètement les initiatives des partenaires sociaux sur le sujet.
Le texte confère un rôle central à la négociation d’entreprise, qui prévaut sur les accords de branche. Pour être plus clair, chaque entreprise pourra fixer toutes les règles en matière de contingent d’heures supplémentaires, de taux de majoration et de repos compensateur. « Enfin la liberté ! », s’exclamait récemment le porte-parole de l’UMP. Mais la liberté pour qui ? Et pour quoi faire ?
Au niveau de l’entreprise, cela reviendra, dans bien des cas, à laisser les salariés dans un face-à-face bien inégal avec leurs employeurs, particulièrement dans les PME. Il suffit d’un peu de bon sens pour comprendre que les négociations seront risquées pour les salariés des PME qui manquent d’expérience et ont quelques lacunes dans le domaine de l’expertise juridique.
En outre, il serait quelque peu naïf d’imaginer que les dirigeants des entreprises feront preuve d’une grande bonté lors des négociations. Ce serait méconnaître profondément le monde du travail. Chacun le sait, les chantages à la délocalisation existent, on pourrait citer de nombreux exemples en la matière.
Ce texte démantèle complètement les 35 heures, et nous le regrettons, car la durée hebdomadaire du temps de travail dans notre pays n’est pas un problème, puisqu’elle correspond à la moyenne européenne. Elle est le fruit d’une réduction continue du temps de travail au cours de l’histoire, accompagnée d’une augmentation tout aussi continue de la productivité du travail et des salaires, sans compter que les 35 heures ont permis à de nombreux salariés d’améliorer leurs conditions de vie.
Avec les heures supplémentaires, les 48 heures hebdomadaires seront possibles, et le forfait en jours étendu à tous, par des conventions de gré à gré, signe la fin de la durée collective du travail. Toute référence dans la loi à un repos compensateur obligatoire en cas de dépassement du contingent d’heures supplémentaire a disparu, les modalités de ce repos étant renvoyées à la négociation de branche ou même d’entreprise.
Rappelons que le repos compensateur mis en place en 1977 par un gouvernement de droite était une mesure de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, ce dont le patronat se moque royalement !
Concernant les cadres, l’Assemblée nationale a fixé à 235 le nombre maximum de jours travaillés annuellement. Mais ce nouveau plafond, qui est un minimum, ne fait que préserver 25 jours de congés payés, 52 samedis et 52 dimanches, ainsi que le 1er mai. Rien n’empêchera une entreprise de décider, au moyen d’un accord, de fixer un plafond supérieur à 235 jours, dans la limite de 282 jours par an. Les cadres sont donc les grands perdants de ce projet de loi.
Le problème français ne réside pas tant dans la durée du temps de travail de ceux qui ont un emploi à temps plein que dans l’exclusion des jeunes, des seniors et des salariés à temps partiel, qui, eux, veulent vraiment travailler plus. Je devrais d’ailleurs plutôt employer le pronom personnel féminin, car ce sont les femmes qui occupent 80 % des contrats à temps partiels, et l’immense majorité d’entre elles voudrait travailler davantage.
Quid des demandeurs d’emploi ? Ils sont les grands absents de ce texte. Pourtant, s’il y a bien un public qui souhaite tout simplement travailler, c’est bien celui-là !
La formation professionnelle est, elle aussi, absente de ce texte. Alors qu’elle représente un enjeu considérable, son accès reste inéquitable et complexe. Elle aurait mérité que l’on s’en préoccupe bien avant la durée du temps de travail, qui, je le rappelle, n’était pas un problème. C’est non pas à cause des 35 heures que la situation économique est dégradée en France, mais à cause de la conjoncture générale. Bien au contraire, les 35 heures ont permis de créer des milliers d’emplois !
Au final, ce texte retire aux hommes et aux femmes politiques le peu de pouvoir qu’ils détenaient pour faire respecter certaines règles dans le monde du travail.
Ce projet de loi est inacceptable. Il défait le code du travail et constitue un recul sans précédent pour les droits des salariés. Ces reculs sociaux vont devenir des outils de compétition entre les entreprises, et les salariés en feront les frais.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. J’ai écouté avec attention notre collègue Gisèle Printz exposer des arguments qui ont été par ailleurs développés voilà quelques minutes par sa collègue communiste.
Ma réponse sera donc la même : nous sommes dans une autre approche, inverse de la vôtre, chère collègue, puisque nous voulons donner de la liberté et ne pas encadrer le travail. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)
Je respecte votre position, vous suivez votre logique, mais respectez la nôtre. (Mme Christiane Demontès proteste.)
Je le répète, contrairement à ce que vous affirmez, les Français attendent autre chose !
On nous reproche d’avoir tiré parti des conclusions de la position commune pour ajouter un autre volet au texte, mais tout est lié. (Mme Christiane Demontès fait un signe de dénégation.) Il était important d’intégrer le temps de travail.
Mme Christiane Demontès. Un coup de couteau dans le dos !
M. Guy Fischer. Un coup de poignard !
M. Alain Gournac, rapporteur. Au demeurant, je vous conseillerai, mes chers collègues, de vous méfier de certaines déclarations !
Vous ne le savez pas, mais LCI a organisé un sondage…
M. Guy Fischer. Nous nous méfions de LCI !
M. Alain Gournac, rapporteur. J’en suis désolé, j’aurais dû parler de Libération, sans doute !
D’après ce sondage, 52 % des cadres sont favorables aux mesures que nous allons prendre !
Mme Gisèle Printz. Mais 48 % d’entre eux ne sont pas d’accord !
M. Jean-Pierre Godefroy. Un sondage réalisé par téléphone !
Mme Christiane Demontès. Et le Président de la République lui-même n’a-t-il pas dit qu’il se moquait des sondages ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cessez donc de dire que nous allons « tuer » les cadres, qu’ils n’auront plus de RTT et seront soumis à des pressions, ce qui nuira à leur santé.
Ce que contient la position commune sur le temps de travail n’est pas acceptable parce qu’il faut aller très vite, dans ce contexte difficile, et desserrer le plus tôt possible les verrous pour faire repartir notre pays vers la croissance.
Mme Christiane Demontès. Rendez-vous dans un an !
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien évidemment, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous souscrivons très largement aux arguments développés par notre collègue Gisèle Printz.
Nous avons l’étrange impression qu’il y a un rapprochement terrible entre la traduction législative de la position commune, même si nous pouvons avoir quelques interrogations sur sa mise en œuvre concrète, et l’ajout des dispositions relatives au temps de travail, dont nous pouvons légitimement douter qu’elles aient fait l’objet de la moindre concertation.
S’agissant de la réforme du temps de travail, nous sommes bien plus là dans le cadre des vieilles lunes patronales et libérales sur le sujet, tout juste rénovées dans la sphère sarkozienne ! Telle est la réalité ! Il s’agit de mettre en œuvre la politique du Président de la République.
Ces mesures procèdent donc de l’inconscient collectif des milieux patronaux, que le Président de la République avait si bien traduit au début de l’année, en affirmant, comme l’a fait également M. Devedjian par la suite, qu’il fallait en finir avec les 35 heures !
Mais le chef de l’UMP n’avait pas dit alors que ce n’était pas avec les 35 heures qu’on allait en finir, mais tout simplement avec la durée légale du travail, une notion qui a commencé de trouver une traduction législative bien avant que Martine Aubry ne conçoive les deux lois qui sont aujourd’hui accusées de tous les maux !
Dans ce texte, il s’agit non pas d’offrir de nouvelles libertés au salarié, mais bien de le plier aux contraintes expresses du processus de production et de l’utilisation du capital matériel, et je vous ferai grâce, mes chers collègues, de mon jargon !
Dans l’esprit des auteurs de ce projet de loi, il faut notamment raccourcir les délais d’amortissement des investissements. Comme si la réduction du temps de travail dans notre pays ne s’était jamais traduite par un accroissement de la productivité, une efficience renforcée de l’investissement productif et le développement, bien souvent, de nouveaux secteurs d’activité. Comme si, rappelons-le encore et toujours, les gains de productivité n’avaient pas précédé, plutôt qu’accompagné, le mouvement de réduction du temps de travail et ne l’avait rendu économiquement possible !
Or nous considérons que nous allons inverser, avec ce texte, la tendance enregistrée depuis pratiquement le début du xxe siècle. C’est pourquoi nous voterons cette motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 60, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 144 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 125 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
TITRE IER
LA DÉMOCRATIE SOCIALE
CHAPITRE IER
La représentativité syndicale
Article 1er
L'article L. 2121-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-1. - La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants :
« 1° Le respect des valeurs républicaines ;
« 2° L'indépendance ;
« 3° La transparence financière ;
« 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;
« 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-8 ;
« 6° L'influence, notamment caractérisée par l'activité et l'expérience ;
« 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, nous abordons un point important de votre texte.
En effet, l’article 1er retranscrit à peu de choses près dans le code du travail les dispositions de la position commune relatives aux sept critères cumulatifs de la représentativité, critères qui ont été rénovés, conformément à un avis du Conseil économique et social de 2006, et qui ne peuvent que renforcer la légitimité des partenaires sociaux, acteurs de la négociation.
L’article 1er redéfinit donc des critères de représentativité devenus obsolètes – c’est peut-être l’un des rares points sur lesquels nous pourrons être en accord, mes chers collègues ! – si l’on considère l’évolution de notre société depuis le 11 février 1950, date à laquelle ces critères ont été définis.
En intégrant les critères de l’« audience » et de l’« ancienneté », il est mis fin à l’hégémonie des cinq syndicats, laquelle découlaient d’un arrêté datant de 1966, et à leur représentativité institutionnelle, qui était, de fait, déconnectée des réalités de l’entreprise.
Cet article 1er est aussi un gage du pluralisme syndical, car il met l’ensemble des syndicats sur un pied d’égalité, dans la mesure où les mêmes critères seront appliqués à tous.
En outre, il donne légitimement aux salariés un réel pouvoir démocratique En effet, c’est désormais leur vote qui sera déterminant pour la négociation et la fixation des normes sociales.
Très attendue par le monde syndical et les salariés, la refonte des critères de représentativité permettra aux syndicats d’asseoir leur légitimité, de rester connectés avec leur base et donc d’être plus efficaces. Profondément attachés aux droits des salariés, nous ne pouvons qu’être en accord avec une telle disposition.
Il nous semble toutefois que cet article manque de précision et peut, en cela, être source de diverses interprétations, donc de contentieux.
Il en est ainsi du critère du « respect des valeurs républicaines », dont la position commune avait d’ailleurs précisé le contenu, et du critère relatif à l’ancienneté.
Aussi, dans un souci de clarté, nous espérons que nos amendements de précisions seront adoptés.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail :
« La représentativité des organisations syndicales de salariés et des organisations syndicales d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants :
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Notre amendement vise à préciser, dans l’article 1er, que les critères cumulatifs régissent la représentativité non seulement des organisations syndicales de salariés, mais aussi des organisations syndicales d’employeurs.
À notre sens, les critères qui ont été élaborés lors de la discussion des partenaires sociaux pour les syndicats de salariés peuvent parfaitement s’appliquer aux organisations d’employeurs.
Si nous considérons pour acquis, en ce début de XXIe siècle, le respect des valeurs républicaines, les autres critères ne doivent pas poser problème.
L’indépendance des organisations patronales, ce qui signifie leur autonomie financière, est un fait connu.
La transparence financière, grâce aux louables efforts de Mme Parisot, semble en bonne voie. Nous espérons tous qu’elle se concrétisera et, surtout, qu’elle durera au-delà de l’actuel impact médiatique.
Les organisations actuelles ont une ancienneté supérieure à deux ans.
Restent les critères d’audience, d’influence et d’effectifs d’adhérents et de cotisations. Se pourrait-il qu’atteindre ces critères pose problème à telle ou telle organisation ?
Il est vrai que la représentativité exacte des organisations patronales n’a jamais été mesurée, notamment la représentativité de la plus influente d’entre elles.
Des critères différents, peut-être plus souples que ceux qui sont exigés des organisations de salariés, doivent-ils être élaborés lors d’une négociation ad hoc ? S’il s’agit seulement de contourner le principe « un employeur - une voix », qui donnerait une majorité écrasante aux petites entreprises et modifierait donc le rapport entre organisations, il suffit de prévoir différents collèges selon la taille des entreprises. Au demeurant, cela permettrait d’avoir une photographie exacte de l’opinion des chefs d’entreprise.
Est-ce l’objectif du rapporteur lorsqu’il propose, dans un amendement après l’article 1er, de fixer les critères par une négociation avant le 30 juin 2010 ?
C’est un débat très important, car la crédibilité du dialogue social en dépendra à l’avenir, quelle que soit d’ailleurs la majorité politique au pouvoir. Par conséquent, nous souhaitons que le Gouvernement et le rapporteur donnent sur ce dossier, au Sénat et même au-delà de cette enceinte, des éclaircissements sur leurs intentions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à étendre les critères de représentativité aux organisations syndicales patronales. J’ai déjà abordé ce point dans mon propos liminaire.
Nous sommes tout à fait d’accord pour pousser en ce sens. Nous ne nous heurtons pas à une fermeture du dialogue avec les organisations patronales.
Toutefois, il nous semble préférable de renvoyer à une négociation interprofessionnelle le soin de déterminer les critères…
M. Guy Fischer. Ah non !
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais si, car ce n’est pas si facile et si évident !
Par conséquent, nous souhaitons que cet amendement soit retiré au profit de l’amendement n° 11 de la commission tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er.
À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis, comme cela a été expliqué au cours de la discussion générale, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 62 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voterons cet amendement, car la date butoir pour déterminer les critères de représentativité des organisations patronales n’est fixée qu’au 30 juin 2010 dans l’amendement n° 11 de la commission.
Pourquoi attendre si longtemps, monsieur le rapporteur ? Pourquoi ne pas imposer un rythme de négociation plus rapide ?
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance ;
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article 1er établit une hiérarchie entre les sept critères de la nouvelle représentativité.
Nous partageons, avec notre collègue député Roland Muzeau, le constat de la nécessité d’organiser une hiérarchie entre ces sept critères. Comment pourrions-nous concevoir en effet qu’une organisation syndicale puisse être considérée comme représentative parce qu’elle satisferait aux critères d’indépendance, de transparence financière, d’ancienneté, d’audience, d’influence et de « poids » des effectifs, alors qu’elle ne respecterait pas la condition, pourtant essentielle, tenant au respect des valeurs républicaines ?
Cette notion, nouvelle dans l’ordonnancement des critères de la représentativité, vient se substituer au critère plus ancien d’attitude patriotique durant la Seconde Guerre mondiale. Ce critère pouvait en effet paraître quelque peu obsolète, voire archaïque pour certains. Sa modification est donc compréhensible.
Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur les efforts collectifs d’imagination qu’il nous faudra faire pour permettre la transmission aux générations futures du rôle qu’eurent les organisations syndicales dans notre pays durant la Seconde Guerre mondiale. Nous devrons trouver des moyens appropriés pour rappeler que, le 16 août 1940, le régime de Vichy interdisait le syndicalisme et provoquait la dissolution forcée de la CGT et de la CFTC. Et les militants syndicaux ont payé un lourd tribut pour la liberté !
J’en reviens à la notion de valeurs républicaines. Chacun comprendra ici qu’il s’agit d’éviter que ne se reproduise ce à quoi nous avons assisté dans les années quatre-vingt-dix, avec la création de deux syndicats FN : le Front national de la Police et le Front national pénitentiaire.
Saisie en avril 1998, la Cour de cassation de Paris prononçait la dissolution de ces deux organisations, considérant à juste titre qu’« un syndicat professionnel ne peut pas être fondé sur une cause ou en vue d’un objet illicite ; qu’il en résulte qu’il ne peut poursuivre des objectifs essentiellement politiques ni agir contrairement aux dispositions de l’article L. 122-45 du Code du travail et aux principes de non-discrimination contenus dans la Constitution, les textes à valeur constitutionnelle et les engagements internationaux auxquels la France est partie ; ».
L’amendement que nous avons déposé vise donc à accentuer l’affirmation de ce critère, en précisant, comme cela figurait d’ailleurs initialement dans le texte de la position commune, que : « Le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance. »
Il ne s’agit pas là d’une simple précision ; c’est véritablement une affirmation claire de ce que doit s’interdire une organisation syndicale, une déclaration de principe riche qu’il nous faut introduire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vois dans cet amendement une volonté louable d’encadrer l’interprétation du juge. Mais, sincèrement, je trouve qu’on affaiblit le texte en précisant « refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance », car, si l’on voulait vraiment être exhaustif, on pourrait ajouter d’autres mentions.
M. Guy Fischer. Lesquelles ?
Mme Annie David. Ce sont déjà ceux de la position commune ! (M. Guy Fischer brandit un exemplaire de la position commune.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Si vous avez lu, ce dont je suis persuadé, le rapport de la commission, vous avez constaté que j’ai été très précis s’agissant des valeurs républicaines et des syndicats de police.
Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est tenté de s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, car telle est la position qu’il a adoptée à l’Assemblée nationale.
Mme Annie David. Ah !
M. Xavier Bertrand, ministre. En définitive, vous avez repris dans votre amendement l’alinéa qui figure dans le texte de la position commune.
M. Guy Fischer. C’est exact!
M. Xavier Bertrand, ministre. Il nous semble que l’on peut simplifier sans rien ôter pour autant de sa portée à la position commune.
J’ai bien entendu l’argumentation du rapporteur, convaincante.
Finalement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Guy Fischer. Merci, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, la commission a émis un avis défavorable, qu’elle maintient parce qu’elle ne souhaite pas que l’on affaiblisse la portée de l’article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 61, qui a le même objet.
M. le président. Je suis en effet saisi d’un amendement n° 61, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le respect des valeurs républicaines énoncé au présent article se comprend comme le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique et religieuse, ainsi que le refus de toute discrimination, tout intégrisme et toute intolérance. »
Monsieur Godefroy, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 61, pour le rendre identique à l’amendement n° 193, ce qui permettrait de clarifier le débat, les deux textes étant d’ores et déjà très proches ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 61 rectifié, identique à l’amendement n° 193.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, nous souhaitons préciser ce que l’on entend par « respect des valeurs républicaines ». Cette précision figure effectivement dans le relevé de conclusions relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, sous forme d’une note rattachée au paragraphe intitulé : « Accès aux élections ».
Nous proposons que le texte relatif au dialogue social dans le secteur privé reprenne cette précision, qui demeure utile. Ce n’est pas seulement une question de parallélisme des formes.
Nous avons tous en mémoire les difficultés rencontrées lorsqu’un parti d’extrême droite, ouvertement favorable à la légalisation des discriminations en matière d’emploi, a constitué des listes pour les élections prud’homales. Plusieurs années et plusieurs décisions de justice ont été nécessaires pour régler cette question.
M. Alain Gournac, rapporteur. Aucun texte n’existait et elle a pourtant été réglée !
M. Jean-Pierre Godefroy. Un problème du même ordre peut toujours se reproduire, qu’il s’agisse d’extrémisme politique ou d’intégrisme prônant des opinions contraires aux principes républicains.
Par conséquent, sans aucun esprit polémique, il ne nous paraît pas inutile de préciser dans ce projet de loi que le respect des valeurs républicaines ne peut être dissocié du respect de la liberté d’opinion et du refus de toute discrimination.
Cela nous semble tout à fait normal et je ne vois pas pourquoi l’inscription d’une telle précision dans la définition d’un des critères de la représentativité syndicale poserait problème. Cela existe pour la fonction publique, ce serait utile pour le secteur privé, peut-être plus utile encore.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 193 et 61 rectifié.
M. Jean Desessard. La question des critères d’évaluation de la représentativité syndicale est au cœur du titre Ier de ce projet de loi. Nous l’avons vu lors des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, la question du respect des valeurs républicaines est primordiale à cet égard.
L’Assemblée nationale a donc amendé le projet de loi, afin de faire figurer ce critère en premier. Mais ce changement n’est que symbolique, le fond du problème ne résidant pas dans la place que l’on donne à chacun des sept critères de la représentativité des organisations syndicales, puisqu’ils sont cumulatifs. Le fond du problème est ici le degré de précision du critère du respect des valeurs républicaines.
Tel est donc l’objet de cet amendement, qui reprend la définition des « valeurs républicaines » adoptée par la position commune à l’alinéa 6 de son article 1er, repris par l’accord signé dans la fonction publique relatif à la rénovation du dialogue social, et selon laquelle « le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse, ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance ».
Une telle précision est vitale. En effet, la notion de valeurs républicaines, qui doit être appliquée uniformément sur tout le territoire, ne doit pas être laissée à l’appréciation du juge. Dans un domaine aussi sujet à contentieux, le législateur se doit d’être précis. N’oublions pas que ce critère a notamment permis aux juges d’empêcher la constitution des sections syndicales du Front national dans la police et le secteur pénitentiaire.
En outre, les travaux des commissions saisies au fond à l’Assemblée nationale et au Sénat, tout comme les propos du rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, M. Jean-Frédéric Poisson, nous font craindre une appréciation fluctuante de la notion de valeurs républicaines à l’égard des pratiques syndicales.
En effet, la simple inscription du « respect des valeurs républicaines » sans autre précision, pourrait tout aussi bien renvoyer au respect de la propriété privée. S’il s’agit d’interdire à un syndicat d’accéder à la représentativité syndicale telle qu’elle est définie dans cet article en raison de débordements lors d’actions de grève, c’est abusif !
Nous attirons donc votre attention sur le fait qu’un carreau cassé au cours d’une grève ne doit pas constituer un motif pour refuser la représentativité à un syndicat.
C’est pour éviter ce genre de dérives qu’il nous semble nécessaire de préciser la notion de « valeurs républicaines » dont le respect serait dorénavant l’un des critères de la représentativité syndicale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. J’espère que nous allons retenir l’attention de la majorité de notre assemblée sur ce point.
Il me semble que nous avons déjà eu une discussion similaire lors d’un débat relatif au séjour des étrangers en France et au rapprochement familial. Il avait été émis l’idée de vérifier que l’accueillant respectait les « valeurs républicaines ».
À l’époque, nous avions déjà mis le doigt sur la difficulté à définir cette notion. En effet, si ces « valeurs républicaines » ne sont pas précisées, elles ne représentent pas grand-chose. Et c’est un républicain qui vous parle, un homme qui, de la République, a même fait sa religion !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ah bon ! Mélenchon donneur de leçons !
M. Jean-Luc Mélenchon. La tolérance fait partie des valeurs républicaines, puisque la République n’interdit pas de se déclarer royaliste. Cet exemple, presque caricatural, permet, me semble-t-il, de mieux saisir la difficulté.
En général, je recommande de se référer aux principes républicains, qui, eux, peuvent être précisément décrits par des textes, plutôt qu’aux valeurs républicaines, qui sont beaucoup moins précises et renvoient à une dimension plus métaphysique.
Sur ce point, soyons plus précis. Le critère que nous évoquons aujourd’hui se substitue, comme cela a été dit, à celui du comportement patriotique, introduit à la Libération, et tout à fait pertinent à cette époque. Aujourd’hui, une telle précision ne vise qu’une unique organisation, comme cela vient d’être dit par mes camarades communistes et socialistes, voilà un instant. Il s’agit des syndicats liés à une organisation politique, à savoir le Front national, qui a déjà fait des tentatives dans le domaine syndical. Or personne, sur ces travées, ne veut entendre parler de tels représentants syndicaux dans les entreprises.
Nous pouvons donc nous en convaincre, mes chers collègues, en apportant une telle précision, nous permettrons au juge, qui n’est jamais que celui qui met en œuvre la loi, de se référer à une norme qui deviendrait unique pour tout le territoire. Sinon, on risque vraiment d’avoir des différences d’interprétation ! En effet, un militant de l’extrême droite ne se prétend pas hostile à la République, loin de là ! Parfois, il va même jusqu’à s’en réclamer, affirmant que nul n’est plus républicain que lui.
Nous le savons bien, la notion de République recueille des définitions différentes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais il n’y a qu’une seule Constitution !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous tous, ici, nous nous référons à l’esprit républicain de 1789 et de 1793. Mais ce n’est pas le cas partout ! Il existe ailleurs dans le monde des républiques qui ne sont pas celles des droits de l’homme !
Mes chers collègues, la définition ici proposée ne dénature pas l’accord qui a été signé et ne gêne en rien. Elle devrait donc pouvoir être acceptée.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je ne reprendrai pas les arguments qui viennent d’être développés par mon collègue.
M. le rapporteur affirme que l’adoption de ces amendements identiques alourdirait le texte.
M. Alain Gournac, rapporteur. J’ai dit que cela affaiblirait le texte !
Mme Annie David. Sincèrement, je ne le crois pas ! Au contraire, la rédaction serait ainsi clarifiée, ce qui permettrait d’éviter des contentieux.
Par ailleurs, la précision proposée reprend le paragraphe I-6 de l’article 1er de la position commune, et donne ainsi satisfaction à un grand nombre de personnes.
Au demeurant, le groupe CRC demande un scrutin public sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission dans affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très honnêtement, ces amendements identiques n’apportent rien ! Cependant, si cela fait plaisir à tout le monde, nous pouvons les adopter, nous n’allons pas nous battre sur ce point !
Comme vous, nous savons ce qu’est la République, chers collègues. Mais nous savons aussi que notre Constitution sert de référence. J’ai l’impression que vous cherchez à démontrer qu’il y aurait, d’un côté, les bons sénateurs qui défendent les bonnes valeurs et, de l’autre, les mauvais sénateurs ! Or nous partageons les mêmes valeurs !
En conséquence, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter ces amendements identiques, en espérant que nous serons capables, à l’avenir, de nettoyer toutes ces scories, afin d’avoir une référence constitutionnelle claire. Cette précision servira peut-être dans un premier temps à encadrer la jurisprudence, mais il faudra un jour supprimer tout cela, car c’est totalement inutile.
M. Jean Desessard. Et qu’est-ce que nous avons voté, la semaine dernière ?
Mme Annie David. Il n’est donc pas possible de débattre dans cet hémicycle ? Nous sommes pourtant là pour ça !
M. le président. Dans ces conditions, puisque la commission lève son opposition, acceptez-vous, madame David, de retirer votre demande de scrutin public ?
Mme Annie David. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets donc aux voix les amendements identiques nos 193 et 61 rectifié.
(Les amendements sont adoptés. – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.- M. le président de la commission des affaires sociales désapprouve.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Seillier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le sixième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail :
« 5° L'audience mesurée par une élection nationale interprofessionnelle ouverte à tous les travailleurs, qu'ils soient salariés, demandeurs d'emploi ;
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 110, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail :
« 5° L'audience mesurée par les élections prud'homales ;
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. L'objet du présent amendement est de prendre en compte les résultats des élections prud’homales plutôt que ceux des élections professionnelles pour mesurer l’audience syndicale.
En effet, le choix des élections professionnelles comme étalon de l’audience ne semble pas judicieux, parce qu’il exclut l’expression des salariés des toutes petites entreprises, au sein desquelles ces élections ne sont pas organisées.
Au contraire, les élections prud’homales garantissent l’expression de tous les salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à définir la représentativité syndicale au niveau national par l’intermédiaire des élections prud’homales. Or, comme nous l’avons déjà dit, cette solution n’a pas été retenue.
En effet, la position commune a choisi, avant nous, de définir la représentativité syndicale à partir de l’audience mesurée dans l’entreprise, c'est-à-dire au plus près du terrain.
La commission vous demande donc, monsieur Amoudry, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 110 est-il maintenu, monsieur Amoudry ?
M. Jean-Paul Amoudry. J’ai bien compris la position commune, qui est le reflet de la légitimité syndicale et l’expression des partenaires sociaux. Cependant, je pense que la démocratie politique doit également pouvoir s’exprimer.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, les deux parties du texte sont parcourues d’une seule et même logique : nous avons choisi le niveau de l’entreprise. Par conséquent, si les résultats des élections prud’homales étaient pris en compte, cette logique disparaîtrait, et le système deviendrait bancal.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous souhaitons que les critères de légitimité soient adoptés au plus près du terrain. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 110.
M. Jean Desessard. Monsieur Amoudry, je souhaite que vous m’apportiez une précision sur l’amendement n° 110.
Je n’ai pas très bien ce que vous proposez de remplacer. S'agit-il du critère n° 6, c'est-à-dire « ° L’influence, notamment caractérisée par l’activité et l’expérience » ou le critère n°5° « L’audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-8 ; » ?
M. le président. Ce débat aurait dû avoir lieu en commission, monsieur Desessard !
M. Jean Desessard. On a le droit d’être idiot, même lorsque l’on siège au Sénat, monsieur le président ! (Sourires.)
M. Robert del Picchia. Ah bon ?
M. Jean Desessard. Oui, nous devons représenter l’ensemble de la population ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. En fait, notre collègue souhaite modifier le cinquième critère de représentativité, qui est le suivant : « L’audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-8 ; ».
Pour notre part, si nous sommes plutôt favorables au choix des élections prud’homales, nous ne pouvons pas nier que la référence à ces élections dénaturerait la position commune.
Devant cette difficulté, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. le président. Dans ces conditions, l’amendement n° 110 est-il maintenu, monsieur Amoudry ?
M. Jean-Paul Amoudry. Après avoir entendu les explications de M. le ministre et de M. Godefroy, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 110 est retiré.
M. Jean Desessard. J’étais prêt à voter pour !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 194, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail :
« 6°L'influence, caractérisée par l'activité, l'expérience et l'implantation géographique ou professionnelle du syndicat ;
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Voilà un amendement qui trouvera sans doute grâce aux yeux de la majorité sénatoriale, puisqu’il vise à supprimer l’adverbe « notamment », qui courrouce tant les sénateurs et sénatrices siégeant sur les travées de l’UMP, et plus particulièrement M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Annie David. Il y voit, disait-il lors du débat sur le projet de loi portant modernisation du marché du travail, « le moyen de dresser un inventaire à la Prévert ». Selon lui, le législateur, en ayant recours à cet adverbe, aurait pour objectif d’enrichir la jurisprudence, qui pourrait ainsi prévoir des cas que lui-même aurait oubliés.
Or la rédaction actuelle de ce projet de loi prévoit que l’influence est « notamment caractérisée par l’activité et l’expérience ». La position commune indique pourtant : « L’influence est caractérisée par l’activité, l’expérience et l’implantation géographique et professionnelle du syndicat ». La formule de la position commune est à la fois plus précise, plus complète et, surtout, elle n’utilise pas l’adverbe « notamment », ce qui permettra sans doute d’éviter l’émergence de contentieux sur ce sujet.
C’est donc un amendement très simple, qui devrait trouver un écho favorable au sein du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail, supprimer le mot :
notamment
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Notre amendement vise à supprimer l’adverbe « notamment », qui s’applique à l’activité et à l’expérience pour caractériser l’influence d’une organisation syndicale salariée.
Cet adverbe risque de susciter des contentieux dans la mesure où d’autres éléments que l’activité et l’expérience seraient invoqués pour accéder à la représentativité.
Il est porteur d’imprécision : on voit mal quels autres éléments que l’activité, que ce soit sur le terrain ou, par exemple, auprès des pouvoirs publics, et l’expérience caractérisée par une pratique mesurable sur plusieurs années, permettraient de mesurer l’influence.
Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur ce point ? À quels autres éléments pourrait-il être fait référence pour déterminer l’influence d’une organisation ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est favorable à la suppression de l’adverbe « notamment ». D’ailleurs, nous le supprimons à chaque fois que l’occasion nous en est donnée.
S’agissant de l’amendement n° 194, je sollicite son retrait au profit de l’amendement n° 63, dont la rédaction me paraît meilleure. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
En conséquence, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 63.
M. le président. Madame David, l’amendement n° 194 est-il maintenu ?
Mme Annie David. La rédaction de l’amendement n° 63 est moins complète que la nôtre, puisqu’elle ne reprend pas intégralement, contrairement à nous, la phrase de la position commune et omet l’implantation géographique et professionnelle.
Il me semble, monsieur le rapporteur, que vous avez émis un avis différent en commission ce matin et que vous considériez que l’amendement n° 63 était satisfait par notre amendement n° 194.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vous confirme, madame David, que, ce matin, la commission a demandé le retrait de l’amendement n° 194 au profit de l’amendement n° 63, dont la rédaction est plus proche de celle qui a été adoptée par l’Assemblée nationale.
Il n’y a donc aucun changement dans la position de la commission, j’en prends à témoin ceux qui étaient présents ce matin.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Compte tenu de l’explication donnée par la commission, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 63 et émet un avis défavorable sur l’amendement n° 194.
M. le président. Madame David, qu’en est-il de l’amendement n° 194 ?
Mme Annie David. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 194 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 63.
(L'amendement est adopté à l’unanimité des présents.)
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement demande aux partenaires sociaux d'entamer des négociations en vue de définir les conditions et critères de représentativité des organisations d'employeurs.
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. L’objet de cet amendement est de faire en sorte que soit redéfinie, dans les meilleurs délais possibles, la représentativité des organisations patronales.
En effet, le présent projet de loi reprend la position commune et entend rénover la démocratie sociale en améliorant la représentativité des parties à la négociation collective. Il démocratise la représentativité des organisations représentatives des salariés.
Cependant, pour que la démarche soit complète, la représentativité des organisations patronales doit aussi faire l’objet d’une rénovation.
C’est pourquoi nous proposons que, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement demande aux partenaires sociaux d’entamer des négociations en vue de définir les conditions et critères de représentativité des organisations d’employeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je demanderai aux auteurs de cet amendement de se rallier à l’amendement n° 11 de la commission tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er et, pour la bonne compréhension des choses, permettez-moi, monsieur le président, d’anticiper sur la suite du débat et de présenter d’ores et déjà l’amendement n° 11.
M. le président. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. La négociation ayant abouti à la position commune du 9 avril 2008 ne s’est pas saisie du sujet de la représentativité des organisations patronales.
Il est souhaitable qu’une négociation soit menée sur ce thème entre partenaires sociaux pour deux raisons.
En premier lieu, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il ne faut pas que les organisations patronales puissent être considérées comme moins représentatives que les organisations syndicales, ce qui affaiblirait le dialogue social et augmenterait le risque de contentieux autour des accords signés.
En second lieu, en l’absence de dispositions légales spécifiques, l’article L. 2121-1, dans sa nouvelle rédaction, servira de base au juge pour déterminer les critères de représentativité des organisations patronales.
Or certains critères, comme celui de l’audience, ne sont pas transposables en l’état pour déterminer la représentativité des organisations patronales.
Un délai de deux ans paraît adapté pour permettre le déroulement de la négociation. Les représentants des organisations patronales n’y sont d’ailleurs pas du tout opposés, à condition que le dispositif soit mesuré. Mais, bien entendu, je ne peux préjuger de l’issue de la négociation.
C’est compte tenu de ces éléments que je vous demande, mon cher collègue, si vous en êtes d’accord, de vous rallier à l’amendement n° 11.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. J’irai droit au but : le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements, tout simplement parce que la position commune n’a pas prévu une telle disposition.
J’ai entendu des déclarations, notamment de la présidente du MEDEF, indiquant que le sujet n’était pas tabou.
Cependant, ces amendements ne se situent pas dans la logique de la loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007,…
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. … aux termes de laquelle l’ouverture d’une négociation sociale s’effectue au titre d’une délibération sociale et d’une saisine par le Gouvernement.
Quoi qu’il en soit, les choses devraient bouger, comme cela a été dit.
Telle est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de l’amendement n° 120, ainsi que, par souci de parallélisme des formes et afin que vous ne vous sentiez pas brimé, monsieur le sénateur, celui de l’amendement n° 11 de la commission. À défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Amoudry, l’amendement n° 120 est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Amoudry. Je constate que l’amendement n° 11 de la commission et le mien ont le même objet, à la différence que le nôtre donne l’initiative des négociations au Gouvernement, ce qui n’apparaît pas dans l’amendement de la commission.
Néanmoins, je suis prêt à retirer l’amendement n° 120, si ce retrait donne davantage de force à celui de la commission pour que nous obtenions gain de cause.
M. Alain Gournac, rapporteur. Merci, mon cher collègue !
M. le président. L’amendement n° 120 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une négociation nationale interprofessionnelle fixe, avant le 30 juin 2010, les critères de représentativité des organisations patronales.
Cet amendement a été défendu et le Gouvernement s’est exprimé.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement représente à notre sens une avancée intéressante pour la crédibilité du dialogue social dans notre pays, puisqu’il ouvre la perspective de voir la représentativité des organisations patronales bientôt mesurée.
S’il est adopté, la représentativité ne sera plus hémiplégique et la démocratie sociale, mais aussi notre démocratie dans son ensemble y gagneront.
Les organisations aujourd’hui considérées comme catégorielles, comme l’Union des syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale, l’USGERES, qui représente un poids considérable dans notre économie, ou le Groupement des entreprises mutuelles d’assurances, le GEMA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA, ou encore l’Union nationale de l’association de parents d’élèves de l’enseignement libre, l’UNAPEL, auront une chance d’apparaître clairement dans les négociations en tant qu’employeurs.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est juste et sain que l’expression des représentants du patronat ne soit pas une expression partielle génératrice de difficultés, voire de contentieux, entre organisations qui se contestent la représentativité.
Certes, le délai qui nous est proposé nous semble un peu long, mais il n’est pas scandaleux que des organisations patronales disposent du temps nécessaire pour mettre au point les modalités de leur représentativité.
Après tout, les problèmes sont largement aussi complexes que pour les organisations salariées !
En conséquence, nous voterons cet amendement de notre rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voterons également cet amendement, bien que nous n’en soyons pas complètement satisfaits, puisqu’il laisse un délai de deux ans pour aboutir à une négociation.
Dans cette affaire, il y a encore deux poids deux mesures !
Quand il s’agit de détruire le dispositif des 35 heures, cela se fait très rapidement, en deux coups de cuillère à pot, si je puis dire, puisque le Gouvernement a pris ses responsabilités et a décidé de vider de son contenu les 35 heures en même pas trois mois.
En revanche, quand il s’agit du MEDEF, parce que c’est bien de cette organisation qu’il est question, le Gouvernement évite de brusquer ses membres et de leur imposer quoi que ce soit. Ainsi, il annonce l’ouverture d’une négociation, mais il ne dit pas qu’il demandera aux partenaires sociaux de l’ouvrir.
Je prends l’exemple de la négociation sur la pénibilité qui est réclamée, depuis trois ans, dites-vous, monsieur le ministre, mais, en réalité depuis cinq ans, et qui n’est toujours pas en vue, sans la moindre obligation de négocier imposée au MEDEF.
N’oublions pas que le MEDEF représente très peu d’entreprises, mais ce sont celles du CAC 40 ! Il représente donc ceux et celles qui ont beaucoup d’argent, qui délocalisent nos usines dont les salariés se retrouvent alors à la rue, tout cela dans l’indifférence générale !
Donc, il y a bien deux poids deux mesures dans ce pays, comme on l’avait compris : d’un côté, le MEDEF, de l’autre, toutes les autres organisations.
Nous voterons néanmoins cet amendement, même si nous souhaitions une date limite beaucoup plus rapprochée et une contrainte de négociation un peu plus forte, car la disposition figurera au moins, en l’état, dans la loi et obligera à la négociation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La question des critères de la représentativité patronale n’a pu être tranchée lors des débats à l’Assemblée nationale, et je le regrette vivement.
Certes, la position commune n’a établi de critères que pour la représentativité des syndicats de salariés, mais il nous a paru difficile d’admettre que les organisations patronales déterminent elles-mêmes si elles sont représentatives de l’ensemble des entrepreneurs, des petites entreprises et des artisans.
N’y aurait-il pas un véritable déséquilibre, au sein de la démocratie sociale, si l’on excluait les syndicats patronaux de la démarche de clarification des conditions de leur légitimité demandée aux syndicats de salariés ?
En ce qui concerne la procédure, le parallélisme des formes veut que l’on prévoie la participation des syndicats de salariés à ces négociations, ce qui doit être très clair, comme les organisations patronales ont participé aux négociations qui ont abouti à la position commune du 9 avril.
C’est, à mon sens, d’autant plus légitime que, en l’absence d’un accord issu d’une négociation nationale interprofessionnelle et d’une loi, ce serait à la jurisprudence de déterminer les critères de la représentativité des organisations patronales en utilisant, comme référence pour l’établir, les critères applicables aux syndicats de salariés. Or on ne sait pas d’avance comment le juge transposera les critères d’indépendance et d’audience.
L’amendement présenté par la commission est justifié par le fait que, contrairement à ce qui a été le cas pour la définition des règles de la représentativité des syndicats de salariés, le Gouvernement n’a pas formellement invité les partenaires sociaux à se saisir de la question de la représentativité patronale et n’a pas indiqué son souhait de les y engager dans un avenir proche.
Or, ne croyez-vous pas que cette question doit être réglée dans les meilleurs délais pour éviter la multiplication des contentieux et, surtout, l’affaiblissement des accords ?
C’est pourquoi la commission maintient son amendement, ne doutant pas que le Sénat saura, sur cette question, faire preuve de sa sagesse et de son bon sens coutumiers.
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Division additionnelle avant l'article 2
M. le président. L'amendement n° 195, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant le texte proposé par cet article pour la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code du travail, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :
« Section.....
« Représentativité syndicale au niveau des établissements employant habituellement moins de onze salariés
« Art. L. ... Dans les établissements employant moins de onze salariés, sont représentatives les organisations syndicales qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des délégués du personnel dans les conditions prévues à l'article L. 2312-5 du code du travail, quel que soit le nombre de votants.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Les membres du groupe communiste républicain et citoyen ne sauraient se contenter des dispositions actuelles, qui privent les salariés embauchés dans des entreprises de moins de onze salariés de leurs droits légitimes à la représentation. C’est pourquoi ils ont déposé cet amendement.
D’après une étude réalisée par la DARES, en 2004, le taux de syndicalisation dans notre pays n’était que de 8 %, avec des inégalités importantes.
Disant cela, je sais que j’ouvre la porte aux critiques les plus féroces d’une partie des membres de l’UMP, qui n’hésiteront pas à stigmatiser l’un des syndicalismes les plus faibles d’Europe, sans avoir aucune autre forme de réflexion.
Pourtant, cette étude de la DARES atteste une réalité : si le taux de syndicalisme reste faible – seulement 2,4 millions de syndiqués en 2004 –, les effectifs des organisations cessent de décroître.
Certes, on ne peut se satisfaire de cette stagnation, mais elle est tout de même une étape nouvelle qu’il nous faut, comme la crise du syndicalisme dans son ensemble, étudier, et sur laquelle il nous faut réfléchir.
Par ailleurs, au-delà de cette stagnation, on assiste à une forme de regain. J’en veux pour preuve le fait que le taux d’implantation d’une ou de plusieurs organisations syndicales sur les lieux de travail est passé de 38 % en 1996 à 40 % en 2003.
Il est vrai que le syndicalisme, comme la politique, d’ailleurs, est en crise. C’est tout le modèle de représentativité qui traverse une passe difficile, qu’il nous faut surmonter.
Nous, législateurs, avons une lourde responsabilité, dans la mesure où l’organisation syndicale dans les entreprises est légalement limitée aux entreprises de plus de onze salariés, comme si les plus petites des entreprises ne rencontraient jamais de situation où la présence d’une structure syndicale serait nécessaire.
Toutefois, les employeurs partagent, eux aussi, cette lourde responsabilité : ils pourraient assister à nos débats depuis les tribunes, en lire le compte rendu au Journal officiel, voire y participer sur les travées de notre Haute Assemblée.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. N’oublions pas, en effet, que l’une des réalités du monde syndical, c’est la « chasse organisée » aux syndicalistes, c’est la pression constante de l’employeur sur les salariés qui auraient eu la mauvaise idée de s’organiser syndicalement, voire d’accepter un mandat syndical dans l’entreprise.
Il ne s’agit là, bien entendu, que d’une tendance générale, car il y a des exceptions. Néanmoins, cette réalité est vécue par des milliers de militants syndicaux qui subissent une forme de harcèlement moral, un gel des salaires, ou encore ce que l’on appelle la « placardisation », c’est-à-dire un blocage des promotions, autant de freins considérables au syndicalisme d’entreprise dans la situation actuelle de chômage massif. Il ne faut pas le nier.
Le projet de loi qu’il nous est proposé d’adopter prévoit d’établir l’audience des organisations syndicales sur les résultats obtenus aux élections professionnelles. Or la rédaction actuelle écarte les entreprises de moins de onze salariés.
Pourtant, depuis l’adoption des lois Auroux de 1982, les salariés embauchés dans des entreprises de moins de onze salariés peuvent demander à être rassemblés avec ceux des entreprises voisines, si les problèmes rencontrés sont identiques, afin d’élire ce que l’on appelle les délégués de site.
Cet amendement vise à permettre l’intégration des résultats obtenus à cette occasion dans le calcul de l’audience au niveau de la branche. Il offre une réponse partielle à la difficulté que fait naître ce projet de loi et qui a pour effet, compte tenu du mode de calcul de l’audience, d’exclure les 4,5 millions de salariés embauchés dans les plus petites entreprises.
Il faudrait, en parallèle à cette disposition, rendre efficiente cette élection des délégués de site, par exemple grâce à une campagne de promotion, et permettre ainsi à ces délégués de remplir pleinement leur mission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’apporter une réponse à la question importante de la représentation des salariés dans les entreprises de moins de onze salariés. Nous savons qu’environ quatre millions de salariés sont concernés.
Néanmoins, la solution qui consiste à se fonder sur l’élection des délégués de site est imparfaite. En effet, la possibilité d’en désigner n’est ouverte que dans des cas réduits, et, même dans ces cas, est loin d’être systématique.
La meilleure solution – c’est celle que propose la commission – consiste à se fonder sur les résultats de la négociation qui a déjà débuté, et qui aboutira avant le 30 juin 2010.
La commission souhaite le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous prenons note, monsieur le rapporteur, qu’une négociation est engagée sur ce sujet sensible qu’est la représentation des salariés au sein des entreprises de moins de onze salariés.
Nous aurions aimé, toutefois, entendre M. le ministre nous préciser laquelle des pistes devant être envisagées au cours de cette négociation avait sa préférence. Je sais qu’il sera assis à la table des négociations.
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est ce que j’ai dit !
Mme Annie David. Ces délégués de site sont, comme M. le rapporteur l’a dit – tel est également notre avis – une solution imparfaite et incomplète, qui ne saurait convenir à l’ensemble de ces entreprises. Pour autant, elle peut être intéressante.
Je retire cet amendement, mais je dois dire que j’espérais un peu plus d’explications de M. le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame David, si j’interviens, je fausse la négociation, car c’est entre les partenaires sociaux qu’elle s’ouvre.
Mme Annie David. Donnez-nous au moins votre avis !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne puis, moi qui suis ministre, indiquer quelle piste me semble intéressante, car ce n’est pas neutre. Vous me demandez mon point de vue, et je sais bien que ce n’est pas un piège que vous me tendez, mais, si je vous le donne, on va me le reprocher. Et je parle d’expérience.
En effet, sur un autre dossier, celui de la pénibilité, c’est moi qui, au mois de juin, ai écrit aux partenaires sociaux pour les inviter, maintenant que les choses allaient bien, à reprendre le dialogue, de façon que nous sachions à quoi nous en tenir avant l’été. Il m’a aussitôt été reproché une ingérence intolérable dans ce dossier.
Tout le monde est d’accord pour reconnaître que le Gouvernement doit parfois s’exprimer, mais, quand il le fait, on l’accuse de fausser le jeu de la négociation !
Voilà pourquoi, sur ce sujet, toutes les pistes sont ouvertes, et, je le répète, je ne puis indiquer, aujourd’hui, laquelle a ma préférence, sous peine d’être accusé de fausser la négociation.
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis désolé de devoir vous décevoir, madame David.
Article 2
Le chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code du travail est ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Syndicats représentatifs
« Section 1
« Représentativité syndicale au niveau de l'entreprise et de l'établissement
« Art. L. 2122-1. - Dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.
« Art. L. 2122-2. - Dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats, les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale, qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants.
« Art. L. 2122-3. - Lorsqu'une liste commune a été établie par des organisations syndicales, la répartition entre elles des suffrages exprimés se fait sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de leur liste. À défaut d'indication, la répartition des suffrages se fait à part égale entre les organisations concernées.
« Section 2
« Représentativité syndicale au niveau du groupe
« Art. L. 2122-4. - La représentativité des organisations syndicales au niveau du groupe est appréciée conformément aux règles définies aux articles L. 2122-1 à L. 2122-3 relatifs à la représentativité syndicale au niveau de l'entreprise, par addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés.
« Section 3
« Représentativité syndicale au niveau de la branche professionnelle
« Art. L. 2122-5. - Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui :
« 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;
« 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;
« 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, additionnés au niveau de la branche. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.
« Art. L. 2122-6. - Dans les branches dans lesquelles plus de la moitié des salariés sont employés dans des entreprises où, en raison de leur taille, ne sont pas organisées d'élections professionnelles permettant d'y mesurer l'audience des organisations syndicales, et jusqu'à l'intervention d'une loi, au plus tard le 30 juin 2009, à la suite des résultats d'une négociation nationale interprofessionnelle sur les moyens de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises et d'y mesurer l'audience des organisations syndicales, sont présumées, sans préjudice de la preuve du contraire, représentatives les organisations syndicales de salariés affiliées à des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
« Sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères mentionnés à l'article L. 2121-1 autres que celui de l'audience.
« Art. L. 2122-7. - Sont représentatives au niveau de la branche à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats, les organisations syndicales catégorielles qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale et qui remplissent dans ces collèges les conditions prévues aux articles L. 2122-5 ou L. 2122-6.
« Art. L. 2122-7-1. - Lorsque la représentativité des organisations syndicales est établie, celles-ci fixent, en lien avec les organisations d'employeurs, la liste des sujets qui font l'objet de la négociation collective de branche ainsi que les modalités de son organisation.
« Section 4
« Représentativité syndicale au niveau national et interprofessionnel
« Art. L. 2122-8. - Sont représentatives au niveau national et interprofessionnel les organisations syndicales qui :
« 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;
« 2° Sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ;
« 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, additionnés au niveau de la branche. Sont également pris en compte les résultats de la mesure de l'audience prévue à l'article L. 2122-6, s'ils sont disponibles. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.
« Art. L. 2122-9. - Une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale est représentative à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels ses règles statutaires lui donnent vocation à présenter des candidats à condition :
« 1° De satisfaire aux critères de l'article L. 2121-1 et du 2° de l'article L. 2122-8 ;
« 2° D'avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au sein de ces collèges, à l'issue de l'addition des résultats mentionnés au 3° de l'article L. 2122-8.
« Section 5
« Dispositions d'application
« Art L. 2122-10. - Après avis du Haut conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-9.
« Le Haut conseil du dialogue social comprend des représentants d'organisations nationales interprofessionnelles d'employeurs et de salariés, des représentants du ministre chargé du travail, un député et un sénateur, désignés par leur assemblée respective parmi les membres de la commission permanente compétente, et des personnalités qualifiées.
« Un décret en Conseil d'État détermine ses modalités d'organisation et de fonctionnement.
« Art. L. 2122-11. - Un décret détermine les modalités de recueil et de consolidation des résultats aux élections professionnelles pour l'application du présent chapitre. »
M. le président. L'amendement n° 111, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, les organisations syndicales qui disposent d'au moins un élu au comité d'entreprise ou d'établissement sont considérées comme représentatives.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Conditionner la représentativité des syndicats au dépassement du seuil de 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles ne devrait pas poser de problèmes dans les petites et moyennes entreprises.
Il en va autrement dans les grandes entreprises, où des organisations qui, pourtant, représentent une part non négligeable des salariés risquent d’être exclues de la table des négociations.
C’est pourquoi il est apparu indispensable aux auteurs de l’amendement d’apprécier les résultats obtenus aux élections professionnelles selon des critères différents en fonction de la taille de l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à mettre en place un critère spécifique de représentativité pour les entreprises de plus de mille salariés. Il n’est pas souhaitable, selon la commission, d’opérer une telle distinction, qui est de nature à fausser la détermination de la représentativité syndicale.
De plus, ces élus au comité d’entreprise de l’établissement auront, la plupart du temps, réuni, voire dépassé, les 10 % nécessaires pour remplir la condition d’audience.
La commission souhaite que M. About retire cet amendement.
M. Jean Desessard. Ça, c’est de la négociation !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Il est identique à celui de la commission.
En effet, une règle de base a été clairement établie et il faut la maintenir : la légitimité par l’élection et le seuil de 10 % des voix.
Or, ce qui est proposé ici va dans un sens contraire. Qui plus est, cela n’est pas dans la position commune.
Je sais que cet amendement est particulièrement cher à MM. Mercier et Amoudry, mais je vous serais obligé, monsieur About, de bien vouloir le retirer, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable, pour les raisons que j’ai exposées et qui rejoignent en tout point l’argumentation de M. le rapporteur.
M. le président. Monsieur About, l'amendement n° 111 est-il maintenu ?
M. Nicolas About. Je comprends parfaitement la logique de M. le ministre et de M. le rapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 111 est retiré.
Mes chers collègues, il reste 242 amendements à examiner.
8
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire.
La liste des candidats établie par la commission des affaires culturelles a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Valade, Philippe Richert, Jean-Claude Carle, Ambroise Dupont, Mme Françoise Férat, MM. Yannick Bodin et Serge Lagauche.
Suppléants : Mmes Catherine Dumas, Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Michel Thiollière et Jean-Marc Todeschini.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Démocratie sociale et temps de travail
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 2.
Article 2 (suite)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 64 est présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 106 est présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-2 du code du travail, remplacer les mots :
confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale
par les mots :
organisation syndicale interprofessionnelle nationale
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l’amendement n° 64.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mon propos vaudra aussi pour les amendements nos 65 et 67, qui concernent en effet le même sujet, c’est-à-dire les syndicats professionnels.
Nous avons tous, je pense, été interpellés sur ce sujet par des journalistes très inquiets à l’idée que le syndicat le plus représentatif de leur collège électoral spécifique, qui a récolté 46,53 % des suffrages lors des dernières élections, risque de disparaître de la table des négociations si sa représentativité doit être rapportée à l’échelle d’une entreprise.
Pour les journalistes, les dispositions de la loi Guernut-Brachard de 1935, transcrites par le code du travail, soumettent à des élections triennales concernant l’ensemble de la profession la désignation de la totalité des représentants des salariés à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels. Le résultat de ces élections constitue indéniablement un critère de représentativité nationale, conforme à l’esprit du présent projet de loi.
Elles permettent en effet de mesurer l’audience des organisations syndicales dans des entreprises où, en raison de leur taille, des élections professionnelles ne peuvent pas être organisées.
Il est donc nécessaire de préserver cette forme de représentativité établie selon des procédures incontestables et anciennes.
De plus, en ce qui concerne spécifiquement la presse, il est important de tenir compte de la question de l’indépendance, déjà fort malmenée compte tenu du contexte économique dans lequel évolue la profession.
J’ajoute que le texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-2 du code du travail est de nature à frapper d’autres catégories, comme les intermittents du spectacle ou les salariés du transport, même si toutes ne nous ont pas saisis de cette difficulté.
Nous proposons donc par cet amendement que, aux différents échelons de représentativité, l’exigence d’adhésion à un syndicat national catégoriel soit supprimée, afin d’ouvrir plus largement les conditions de la représentativité de ces professions spécifiques.
En effet, il est possible que des syndicats catégoriels ne présentant des listes que dans un seul collège soient par ailleurs affiliés à une organisation nationale interprofessionnelle non catégorielle.
Il n’y a donc pas lieu de donner la possibilité à une seule organisation catégorielle de présenter des listes au détriment des organisations catégorielles ou professionnelles qui satisfont par ailleurs à l’ensemble des critères de représentativité dans leur catégorie.
M. le président. L’amendement n° 106 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 64 ?
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 64 tend à régler la question spécifique posée par la représentation professionnelle des journalistes en permettant aux organisations syndicales catégorielles affiliées à une organisation nationale interprofessionnelle d’être représentatives au niveau de l’entreprise ou de l’établissement.
Disons-le clairement : c’est principalement le Syndicat national des journalistes, c'est-à-dire le syndicat majoritaire de la profession, qui est visé par cet amendement. Le SNJ affirme n’être affilié à aucune organisation nationale interprofessionnelle pour ne pas donner l’impression d’engager l’indépendance idéologique des journalistes.
L’amendement qui nous est soumis ne règle pas la question. J’invite donc son auteur à le retirer au profit de l’amendement n° 17 rectifié déposé par la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. L’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission, et pour les mêmes raisons ! D’ailleurs, j’émettrai tout à l’heure un avis favorable sur l’amendement que vient d’évoquer M. le rapporteur.
M. le président. Monsieur Godefroy, l’amendement n° 64 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, monsieur le président, car l’amendement n° 17 rectifié concerne effectivement les journalistes, mais eux seuls, alors que le mien vise l’ensemble des syndicats professionnels susceptibles de se heurter à la difficulté que j’évoquais.
Encore une fois, il vaut par exemple pour les pilotes de ligne, les agents de conduite et, sans doute, les intermittents du spectacle. Bref, il couvre un champ plus large que celui de la commission.
Les syndicats concernés possèdent, du fait de leur mode d’élection, une représentativité incontestable qu’il convient de préserver. Certains d’entre eux jouissent par ailleurs d’une grande notoriété dans l’opinion publique.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’estime devoir maintenir mon amendement. Il permet de traiter l’ensemble du problème, au lieu de se concentrer exclusivement sur le SNJ. Cela ne veut pas dire pour autant que nous serons défavorables à l’amendement n° 17 rectifié de M. le rapporteur.
Je regrette, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas été convaincu par mon amendement. Il n’avait d’autre objet que de rendre service aux journalistes et peut-être, du même coup, au ministre du travail ! (M. le ministre sourit.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Le groupe CRC votera cet amendement car, comme l’a expliqué Jean-Pierre Godefroy, il couvre un champ plus large que celui de la commission. Il concerne en effet non seulement les journalistes, mais aussi les pilotes de ligne, les agents de conduite, les personnels navigants ou encore les intermittents du spectacle.
C’est sur le fondement de la loi Guernut-Brachard de 1935, retranscrite dans le code du travail, que les représentants des salariés à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels sont élus au cours d’élections triennales. Il s’agit donc bien d’un critère de représentativité tel que le souhaite la position commune du 9 avril 2008.
Je pense donc qu’il s’agit d’un amendement de bon sens. Le présent projet de loi ayant fait totalement l’impasse sur les syndicats professionnels de ce type, l’amendement n° 64 vise à remédier à cet oubli.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai moi aussi cet amendement, fort bien défendu par mon collègue Jean-Pierre Godefroy.
J’ai toutefois une question à poser à M. le rapporteur. Celui-ci reconnaît le bien-fondé de cet amendement pour les journalistes, mais pas pour les autres catégories de salariés potentiellement concernées, comme celles des pilotes de ligne, des conducteurs des transports ou des intermittents du spectacle.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pour les intermittents, c’est un autre problème !
M. Jean Desessard. Quelle est donc la logique de cette position ? Pourquoi se cantonner aux journalistes ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 145 :
Nombre de votants | 305 |
Nombre de suffrages exprimés | 275 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 138 |
Pour l’adoption | 118 |
Contre | 157 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L’amendement n° 12, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-4 du code du travail, remplacer les mots :
au niveau du groupe
par les mots :
au niveau de tout ou partie du groupe
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les organisations syndicales peuvent être considérées comme représentatives au niveau d’une partie du groupe où sont organisées des négociations. Il importe que l’audience des syndicats puisse être établie à ce niveau afin que ceux-ci soient au plus près du terrain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Une fois encore, avec cet amendement, vous allez au-delà de la position commune.
Vous proposez qu’au sein d’une même entreprise possédant différents établissements répartis sur le territoire français, les règles d’organisation du temps de travail soient différentes selon les établissements. Un salarié qui passerait d’un établissement à un autre pourrait donc se voir appliquer des conditions différentes, variant en fonction du résultat des négociations menées dans chaque établissement.
Vous déclariez tout à l’heure qu’il ne s’agissait pas d’individualisation du droit. Nous y sommes en plein, au contraire, puisque des groupes formant une même entreprise seront régis par des règles de fonctionnement différentes.
Vous poussez les choses un peu loin ! Par conséquent, nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 196, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-5 du code du travail, supprimer le mot :
équilibrée
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les règles de représentativité prévues par ce projet de loi au niveau de la branche nous semblent un peu floues au regard des conséquences qu’emportera leur application.
Comme nous l’avons dit, il s’agit de recueillir au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections, de répondre aux six autres critères de représentativité professionnelle mentionnés à l’article 1er du projet de loi et, enfin, de disposer d’une implantation géographique caractérisée par une présence territoriale équilibrée au sein de la branche.
C’est sur ce dernier élément, aussi déterminant que les autres pour la définition de la représentativité, que porte notre amendement.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, les députés de l’opposition ont demandé des explications au Gouvernement concernant certains critères de représentativité, notamment la notion d’implantation territoriale équilibrée. Ils n’ont reçu aucune réponse. Face à ce silence, qui vient confirmer nos craintes, nous vous demandons de supprimer, dans le texte proposé par cet article, le qualificatif « équilibrée », en raison des difficultés qu’il ne manquera pas de faire naître.
Aucune précision supplémentaire n’étant apportée concernant cette notion, le juge aura bien du mal à se référer à l’intention du législateur pour trancher le litige.
Comme vous le notez très justement, monsieur le rapporteur, ce critère est plus qualitatif que quantitatif, compte tenu de la difficulté d’établir le point d’équilibre.
Face au risque de multiplication des contentieux, et parce que nous considérons qu’il appartient au législateur de parfaire la loi autant que faire se peut, notamment au regard du principe de sécurité juridique, nous vous demandons d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer le critère de l’implantation territoriale « équilibrée » au sein de la branche, pour apprécier la représentativité d’un syndicat. Cette proposition nous inquiète quelque peu, et je ne vois pas comment on peut la défendre.
La notion d’équilibre est plus qualitative que quantitative. Elle ne renvoie pas à un chiffre exact d’implantation, mais oblige un syndicat à ne pas se limiter à une seule partie de zone géographique de la branche.
Il convient de conserver le qualificatif « équilibrée », car il s’agit d’une précision utile pour la défense des salariés.
La commission demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Annie David, l’amendement n° 196 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Oui, monsieur le président, nous le maintenons.
Chacun s’accorde à dire que le qualificatif « équilibrée » est très flou et qu’il ne va pas manquer d’entraîner des contentieux. En persistant à le faire figurer dans le texte de loi, vous ne vous souciez guère de l’engorgement futur des tribunaux !
M. le président. L’amendement n° 65, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-5 du code du travail par les mots :
ou de la profession
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 124, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du dernier alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-5 du code du travail par les mots :
ou de la profession
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Cet amendement a pour objet de permettre aux autres syndicats catégoriels représentatifs de certaines professions de continuer à participer au dialogue social. Il n’y a aucune raison de ne pas prendre en compte, dans la mesure de l’audience, les dispositifs légaux fondés sur la consultation d’une profession spécifique. Tel est le cas pour la profession de journaliste, dont tous les membres sont consultés depuis 1936.
Nous proposons que l’on s’appuie sur les résultats obtenus à l’occasion de ces élections catégorielles pour déterminer la représentativité des organisations ayant vocation à s’y présenter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement étant complémentaire de l’amendement n° 65, je demande à M. About, en bonne logique, de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 69, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. À la fin de la seconde phrase du quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-5 du code du travail, remplacer le mot :
quatre
par le mot :
deux
II. Procéder à la même substitution à la fin de la seconde phrase du dernier alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-8 du code du travail.
III. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - À la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-26 du code du travail et dans la première phrase du second alinéa de l'article L. 2324-3 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ».
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement a pour objet de revenir à une périodicité de deux ans pour les élections des délégués du personnel et des représentants au comité d’entreprise, tout comme pour la mesure de l’audience dans les branches, et au niveau national et interprofessionnel.
Nous étions intervenus avec force en 2005, lorsque le gouvernement de l’époque avait décidé de porter la périodicité des élections de deux ans à quatre ans. Le motif invoqué par les représentants patronaux, et repris par le Gouvernement, était que ces élections prenaient trop de temps et qu’il convenait donc d’en réduire la fréquence.
Aujourd’hui, plusieurs partenaires sociaux ont signé une position commune sur la représentativité. Celle-ci sera fondée sur des élections au niveau des entreprises et des établissements, à l’issue desquelles seront considérées comme représentatives les organisations ayant obtenu 10 % des suffrages exprimés au premier tour.
Que se passera-t-il si des délégués syndicaux élus quittent l’entreprise ou changent d’établissement ? Que se passera-t-il si des délégués du personnel sont dans le même cas ?
Une mesure quadriennale a peu de conséquences dans les grandes entreprises, où les syndicats peuvent facilement pourvoir au remplacement des délégués partants. Dans les petites entreprises, en revanche, le nombre de délégués est moins élevé, et le turn over bien plus important.
Une mesure biennale était déjà à peine suffisante, et il arrivait que la représentation ne soit pas assurée pendant toute la période. La situation s’est aggravée avec des élections intervenant tous les quatre ans, surtout dans les entreprises de moins de cinquante salariés. La mobilité, voulue ou imposée par les conditions économiques, conduit donc à mettre en cause le résultat des élections que le projet de loi met en place.
Il y a une contradiction dans les dispositions que le Gouvernement et sa majorité adoptent : une véritable démocratie sociale implique que les conditions de la représentation des salariés soient correctement assurées. Tel ne peut pas être le cas.
Mais cette contradiction apparente est-elle réellement involontaire ?
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 131 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L’amendement n° 197 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la seconde phrase du dernier alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-5 du code du travail, remplacer le mot :
quatre
par le mot :
deux
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 131.
M. Jean Desessard. La section 3 du chapitre II proposé par l’article 2 traite de la représentativité syndicale au niveau de la branche professionnelle. Il est précisé, à la fin du 3°, que la mesure de l’audience s’effectue tous les quatre ans. Nous proposons qu’elle ait lieu tous les deux ans.
Le passage de deux ans à quatre ans pour les élections professionnelles pose problème, notamment dans les petites entreprises, où la rotation du personnel est importante. Il est donc nécessaire de prévoir une mesure de l’audience dans un délai plus rapproché. En effet, dans les petites entreprises qui connaissent un fort turn over et où les salariés ne restent que peu de temps, il semble difficile de remplacer les délégués et de mesurer l’audience.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 197.
M. Guy Fischer. Cet amendement va dans le même sens que ceux que nous avons présentés précédemment.
L’article 2 du projet de loi dispose que, au niveau de la branche, la mesure de l’audience s’effectue tous les quatre ans, à la suite des élections dans les entreprises.
Cet article s’inscrit dans la continuité du cavalier législatif adopté par le Sénat lors des débats relatifs à la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.
M. Jean Desessard. C’était incroyable ! Et c’est ici même que cela s’est passé !
M. Guy Fischer. Au cours de la nuit, comme d’habitude – mais pas à la veille des vacances, je vous l’accorde ! –, avait été adopté un amendement visant à modifier l’ancien article L. 423-16 du code du travail, afin d’allonger de deux ans à quatre ans le délai légal entre deux élections professionnelles. Ma collègue sénatrice du Rhône, Mme Élisabeth Lamure, avait défendu son amendement en indiquant qu’il allait « dans le sens de l’allégement des contraintes dans la vie sociale de l’entreprise ».
L’expérience nous a montré que, là où la majorité parlementaire voyait des éléments de simplification du droit du travail, la réalité faisait apparaître bien souvent un recul – et j’insiste sur ce terme – des garanties offertes aux salariés par la législation sociale. Selon nous, cette nuit-là, c’est un mauvais coup qui a été porté !
Nous considérons que ce délai de quatre ans est trop long et risque d’aboutir à une représentation syndicale figée, qui ne tient pas compte de la réalité. Il paraît inéquitable qu’une nouvelle section syndicale soit obligée d’attendre quatre ans avant de pouvoir présenter des candidats aux élections et d’acquérir une représentativité. Un tel délai ne permet en effet pas de tenir compte des évolutions de la représentativité. Nous vous demandons, par conséquent, de voter notre amendement, qui tend à ramener ce délai à deux ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement n° 69 vise à réduire de quatre ans à deux ans l’intervalle entre les élections des institutions représentatives du personnel dans les entreprises.
Le choix d’un intervalle de quatre ans avait été fait en 2004, au Sénat, afin d’alléger la contrainte pesant sur les entreprises en matière d’organisation et, surtout, de permettre aux représentants du personnel d’acquérir plus d’expérience.
M. Guy Fischer. Oh !
M. Alain Gournac, rapporteur. Normalement, en quatre ans, ils apprennent bien plus de choses !
M. Guy Fischer. Franchement, on en apprend aussi beaucoup en deux ans !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il faut, de surcroît, garantir la stabilité de la représentativité syndicale, et donc celle des accords. Cela devrait vous intéresser, monsieur Fischer !
Il n’y a pas lieu, dans le cadre de ce projet de loi, de revenir sur ce choix. L’avis de la commission est donc défavorable sur l’amendement n° 69, comme sur les amendements identiques nos 131 et 197, qui sont très proches.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 69.
Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, nous avons bien entendu vos arguments : vous nous dites qu’il n’est pas nécessaire de revenir, par cette loi, sur cette disposition. Or je vous rappelle que cette dernière a été introduite au travers d’un cavalier législatif à l’occasion de l’examen de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. Il serait un peu ennuyeux que le législateur ne puisse pas modifier une disposition qu’il a précédemment adoptée…
Cette mesure constitue un recul sévère du point de vue des représentants du personnel, et nous estimons de ce fait que nous pouvons revenir dessus à l’occasion de l’examen de ce texte.
C’est pourquoi nous voterons l’amendement n° 69 ainsi que les amendements identiques nos 131 et 197.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 131 et 197.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 112, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-6 du code du travail :
« Art. L. 2122-6. - Dans les branches dans lesquelles les salariés sont employés dans des entreprises où, en raison de leur taille, ne sont pas organisées des élections professionnelles permettant de mesurer l'audience des organisations syndicales, il est créé des instances de dialogue social au niveau local de branche ou interprofessionnelle. Les candidats à l'élection de ces instances locales de branche ou interprofessionnelle sont présentés par les organisations syndicales représentatives au niveau de la branche ou au niveau interprofessionnel. Les élus de ces instances locales auront le pouvoir de négocier pour toutes les entreprises qui ne disposent pas de représentation syndicale. Les résultats de ces élections seront agrégés aux résultats d'entreprises pour apprécier la représentativité au niveau des branches et au niveau interprofessionnel.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Le projet de loi choisit le résultat des élections professionnelles comme critère d’audience des syndicats, ce qui prive concrètement tous les salariés travaillant dans les petites entreprises, au sein desquelles ces élections ne sont pas organisées, de la capacité de s’exprimer sur cette représentativité.
Dans son état actuel, le texte reconnaît cela puisqu’il prévoit que, dans les branches dans lesquelles plus de la moitié des salariés sont employés dans des entreprises où les élections ne sont pas organisées, un autre critère de mesure de l’audience devra être trouvé au plus tard le 30 juin 2009. Mais ce n’est pas suffisant, et les salariés des petites entreprises des autres branches doivent eux aussi pouvoir se prononcer.
Nous proposons donc qu’un mode alternatif de mesure de l’audience soit retenu pour toutes les branches dans lesquelles des salariés sont employés dans des entreprises où les élections professionnelles ne sont pas organisées, à savoir un mode de mesure de l’audience fondé sur l’élection à chacun des échelons du dialogue social.
M. le président. L'amendement n° 189 rectifié, présenté par Mme Procaccia, M. Vasselle, Mme Henneron et M. Cambon, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-6 du code du travail, après les mots :
Dans les branches,
insérer les mots :
à l'exception de la branche agricole,
II. - Compléter le même texte par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les branches agricoles, sont représentatives les organisations syndicales de salariés qui satisfont aux critères déterminés par un accord national agricole, parmi lesquels figurent obligatoirement les résultats aux élections chambres d'agriculture et la participation aux réunions de négociation paritaire. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 13, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-6 du code du travail, après les mots :
l'intervention d'une loi,
insérer les mots :
suivant les résultats d'une négociation nationale interprofessionnelle aboutissant
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. L’article 2 renvoie à une négociation nationale interprofessionnelle la détermination des moyens de renforcer l’effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises et d’y mesurer l’audience syndicale.
Cet amendement tend à prévoir que c’est à la négociation nationale interprofessionnelle d’aboutir au plus tard le 30 juin 2009, et non à la loi d’être adoptée avant cette date, comme l’a prévu l’Assemblée nationale.
Compte tenu des incertitudes du calendrier parlementaire, il est difficile de fixer précisément une date aussi proche. Il convient, sur le sujet complexe de la représentation collective dans les entreprises de moins de onze salariés, de laisser les partenaires sociaux négocier pendant toute la durée qu’ils ont fixée. La loi n’interviendra qu’après la fin des négociations, mais cela tombe sous le sens.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-6 du code du travail, remplacer les mots :
Sont représentatives
par les mots :
Sont également considérées comme représentatives pendant cette période
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 14 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 112.
M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement n° 14 vise à une clarification rédactionnelle. Afin de ne pas créer d’ambiguïté sur le caractère transitoire de la représentativité des organisations syndicales visées, il paraît préférable de revenir au texte initial du projet de loi. C’est ce que nous vous proposons.
L’amendement n°112 prévoit la mise en place d’instances locales permettant la représentation des salariés dans les entreprises de moins de onze salariés.
Nous avons déjà abordé ce sujet à propos de l’amendement n° 195 de Mme David. Si le problème est réel, le dispositif proposé paraît très complexe, et il est préférable de laisser à la négociation nationale interprofessionnelle prévue par cet article le temps d’aboutir.
J’invite donc au retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 112 et un avis favorable sur les amendements nos 13 et 14.
M. le président. Monsieur About, l'amendement n° 112 est-il maintenu ?
M. Nicolas About. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 112 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 125, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
I. - Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-7 du code du travail, remplacer les mots :
affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale
par les mots :
affiliées à une organisation syndicale interprofessionnelle nationale
II. - Compléter le même texte par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également pris en compte les résultats des élections professionnelles nationales prévues par le présent code.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-7 du code du travail, remplacer les mots :
confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale
par les mots :
organisation syndicale interprofessionnelle nationale
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-7 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Sont également pris en compte les résultats des élections professionnelles nationales prévues par le présent code.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement n° 125 prévoit la prise en compte des élections nationales professionnelles pour la détermination des syndicats catégoriels représentatifs au niveau de la branche. Ce système semble inutilement complexe et contraire à la logique du projet de loi.
La commission invite donc ses auteurs à le retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
S’agissant des amendements nos 66 et 67, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur About, l'amendement n° 125 est-il maintenu ?
M. Nicolas About. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 125 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 66.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 198, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-7-1 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit d’un amendement de suppression. En effet, après son passage à l’Assemblée nationale, l’article 2 de ce projet de loi s’est « enrichi », si je puis dire, d’un article supplémentaire L. 2122-7-1 ainsi rédigé : « lorsque la représentativité des organisations syndicales est établie, celles-ci fixent, en lien avec les organisations d’employeurs, la liste des sujets qui font l’objet de la négociation collective de branche ainsi que les modalités de son organisation. »
Cette disposition aurait pu passer inaperçue si elle n’était pas si paradoxale, surtout si l’on se rappelle que l’intitulé de ce projet de loi comporte les mots : « rénovation de la démocratie sociale ».
Ainsi, les organisations considérées comme représentatives doivent fixer conjointement avec les organisations d’employeurs la liste des sujets appelés à faire l’objet d’une négociation ultérieure. En somme, c’est la négociation avant la négociation !
Mais surtout, vous prévoyez que la fixation des sujets pouvant faire l’objet d’une négociation collective doit être établie à l’issue des élections professionnelles. Cette disposition, résultant de l’adoption d’un amendement déposé par vos amis à l’Assemblée nationale, pourrait avoir deux conséquences.
Premièrement, les organisations syndicales, redoutant de ne pouvoir discuter dans l’avenir d’un sujet non mentionné dans la liste initiale, pourraient prévoir un inventaire à la Prévert, très large et nécessairement inefficace. Tel n’est pas leur volonté. Les faits nous le montrent, elles prennent leur mission très au sérieux et font preuve d’un grand sens des responsabilités.
Deuxièmement, les organisations d’employeurs pourraient refuser d’ouvrir des négociations sur un sujet n’ayant pas fait l’objet d’une inscription dans la liste initiale.
Quand on sait que les élections professionnelles n’ont lieu que tous les quatre ans, est-ce à dire que cette liste a une validité de quatre ans ? Cela paraît très flou.
Dans ces deux cas, cela pourrait avoir pour conséquence de figer la négociation sociale. Je n’ose imaginer qu’il s’agisse là de votre réelle intention. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 199, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 2122-7-1 du code du travail, supprimer les mots :
, en lien avec les organisations d'employeurs,
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Par cet amendement, nous proposons, à défaut de supprimer l’article, d’en retirer l’expression « en lien avec les organisations d'employeurs ». Comme l’a très bien dit Annie David, nous pensons que, par cette rédaction, la majorité veut minorer considérablement le poids des organisations syndicales représentatives dans la mesure où celles-ci, par l’établissement de cette liste, seront liées dans leurs négociations à l’accord préalable du patronat.
Cette nouveauté témoigne d’une conception ancienne du dialogue social puisque les organisations syndicales ne seront plus libres de mener les négociations qu’elles estiment nécessaires et pour lesquelles elles avaient reçu les suffrages des salariés.
Il y a tout de même un paradoxe à vouloir instaurer une représentativité fondée sur l’audience et à retirer immédiatement après aux organisations syndicales le poids et la légitimité ainsi obtenus.
L’amendement n° 199 vise donc à supprimer cet ajout, considérant qu’il infantilise en quelque sorte les organisations syndicales représentatives et limite considérablement leur champ d’intervention.
Imaginons un instant les conséquences de cette disposition sur les négociations entre les organisations syndicales et les organisations d’employeurs concernant la pénibilité au travail. On en connaît le résultat depuis cette nuit mais, à n’en pas douter, elles n’auraient même pas commencé !
Quand on voit le résultat, on peut tout de même s’interroger sur la conception qu’a le MEDEF du dialogue social si l’on en vient, après trois années de négociation, au constat de désaccord.
Je voudrais également attirer votre attention sur le fait que cet article prévoit que les organisations syndicales déterminent, en lien avec les organisations d’employeurs, la liste des sujets devant faire l’objet d’une négociation. Peut-être cela ne vous choque-t-il pas ? Mais cette formulation, qui situe cette phase de négociation après les élections professionnelles, laisse croire que les organisations d’employeurs pourraient contraindre à tout moment les organisations syndicales à entamer une négociation sur le ou les sujets de leur choix.
C’est l’un des points qui méritaient, à mon avis, d’être abordés. Notre amendement n’apporte peut-être pas la solution, mais il devrait tout de même y avoir une totale indépendance des organisations syndicales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement n° 198 tend à supprimer la définition, après la détermination des organisations représentatives, d’un programme pour la négociation de branche.
La commission partage l’opinion de l’Assemblée nationale selon laquelle cette mesure est de nature à redynamiser la négociation de branche. Cette disposition lui paraît utile, car elle ne limitera en rien la capacité de revendication des organisations syndicales. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n° 199 est un texte de repli qui tend à supprimer la participation des organisations d’employeurs à l’élaboration du programme de la négociation de branche. Il semble au contraire préférable que les sujets puissent être définis d’un commun accord pour que les négociations soient réellement engagées. De plus, face à l’organisation syndicale représentative fraîchement établie, les organisations patronales seront sans doute plus disposées à aborder de nouveaux sujets de négociation.
J’invite donc au retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 198.
Mme Annie David. Mes chers collègues, permettez-moi tout de même de vous lire les termes du texte proposé pour l’article L. 2122-7-1 du code du travail : « Lorsque la représentativité des organisations syndicales est établie, celles-ci fixent, en lien avec les organisations d’employeurs, la liste des sujets qui font l’objet de la négociation collective de branche » – nous l’avons bien compris – « ainsi que les modalités de son organisation. »
Or, si la mesure de la représentativité des organisations syndicales n’est effectuée que tous les quatre ans, est-ce à dire que la liste qui aura été prédéfinie juste après les élections permettant de mesurer une telle représentativité sera valable pour les quatre ans à venir ? Si tel est le cas, il sera impossible tout au long de cette période d’entamer une négociation dont l’objet ne figurera pas préalablement dans la liste.
Ainsi, tout nouveau thème de discussion, telle la mise en place d’une organisation du travail différente, qui apparaîtrait au niveau de l’entreprise ou de la branche, quelle qu’elle soit, ne pourrait être abordé pendant ces quatre années !
Pour le coup, et contrairement à ce que vous prônez, vous bridez plus le dialogue social que vous ne le rénovez, en rendant certaines négociations impossibles. Il ne pourra en être autrement, sauf à faire ce que je vous disais, à savoir établir un inventaire à la Prévert contenant la totalité des sujets possibles. Forcément, plus la liste sera large, plus elle sera inefficace !
Cet alinéa, ajouté par l’Assemblée nationale à la suite de l’adoption d’un amendement déposé par l’un de vos collègues députés, n’apporte véritablement rien. Bien au contraire, il va à rebours de la rénovation du dialogue social et de la représentativité telle qu’on peut la concevoir.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce sujet a fait l’objet d’une discussion en commission, laquelle a finalement souhaité connaître l’avis du Gouvernement.
Nous avons considéré que les arguments avancés présentaient un grand d’intérêt. Nous nous sommes notamment interrogés sur l’opportunité de soumettre également les thèmes des discussions futures à une sorte d’accord préalable, même si la coutume veut que les partenaires s’entendent déjà sur les sujets à aborder et qu’ils établissent leurs programmes avant même d’engager les négociations.
Pour autant, nous n’avons pas voulu que ce problème devienne un motif d’affrontement entre nous. Nous avons donc souhaité connaître la position du Gouvernement et nous en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je rejoins complètement la position exprimée par ma collègue Annie David. En effet, il est tout à fait inenvisageable de bloquer pendant quatre ans toute possibilité de négociation sur un thème dont on n’aura pas pu soupçonner l’émergence a priori.
Monsieur le ministre, il importe que vous nous apportiez une précision : la disposition votée par l’Assemblée nationale aboutira-t-elle, oui ou non, à bloquer pendant quatre ans certaines négociations ? Dans l’affirmative, une entreprise ne pourra pas ouvrir de discussions sur les conditions de mise en place de modalités qui auront été par la suite votées par le Parlement !
Une telle disposition est très contraignante et ne tient pas compte de la réalité dans les entreprises. À mon sens, au sein de chacune d’entre elles, il convient de laisser tant aux employeurs qu’aux salariés la possibilité d’introduire, le cas échéant, tel ou tel sujet de discussion si cela s’avère nécessaire.
Mme Annie David. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est totalement inacceptable de fixer une pré-liste de négociations, qui aura pour résultat de bloquer pendant quatre ans toute possibilité de négociations sur d’autres sujets.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je maintiens l’avis défavorable que j’ai émis. Il faut le savoir, cette liste ne limite en rien la négociation. En définitive, elle s’apparente à une sorte d’agenda social, ce qui laisse donc une grande latitude aux négociateurs.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, aura-t-elle, oui ou non, un caractère bloquant ?
Mme Annie David. Tout sera figé pendant quatre ans !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, j’entends bien ce que vous nous dites, mais qu’est-ce qui vous permet d’être aussi affirmatif puisqu’une telle disposition est prévue dans le texte ?
Au demeurant, ce n’est tout de même pas à la loi d’aller aussi loin et de fixer l’ordre du jour des réunions !
Mme Annie David. Absolument !
M. Jean Desessard. Il y aura sûrement des interprétations différentes. C’est toujours pareil : vous ne raisonnez, pour élaborer vos textes de loi, que par rapport à l’attitude, certes constructive, des patrons vertueux. Sans doute ceux-ci se montreront-ils arrangeants et respectueux des organisations syndicales. Mais il y a également beaucoup d’employeurs qui ne raisonnent pas ainsi, et certains rêvent même de ne pas avoir de syndicat dans leur entreprise ! Par conséquent, si on leur annonce que la liste sera limitative, ils s’arc-bouteront là-dessus pour refuser toute autre discussion ! Au final, ce sont les employeurs qui pourront tout simplement décider unilatéralement de quel sujet il convient de discuter !
Je ne vois donc pas ce qui vous permet d’être aussi affirmatif. Vous faites comme s’il y avait une sorte de loi invisible ancrée dans l’inconscient du Gouvernement et dont tout le monde pourrait prendre connaissance à n’importe quel moment.
M. le président. L’amendement n° 178, présenté par MM. Lise, Gillot, G. Larcher et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l’article L. 2122-7-1 du code du travail, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. .... - En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, pour la mise en œuvre des articles L. 2122-1, L. 2122-2, L. 2122- 4, L. 2122-5, L. 2122-7 et L. 2122-7-1 du présent code, les taux de suffrages exprimés sont rapportés à chacun des départements.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nos collègues des départements d’outre-mer, ne pouvant être présents parmi nous ce soir, nous ont confié la tâche de défendre cet amendement qui leur tient particulièrement à cœur.
Il s’agit de tenir compte du contexte spécifique et de l’originalité du fait syndical dans ces mêmes départements. La non-reconnaissance actuelle d’une telle spécificité conduit à une réduction de l’application des droits syndicaux, à une exclusion de la gestion des organismes paritaires, et porte atteinte à la portée des élections prud’homales.
Dans son rapport intitulé Pour un dialogue social efficace et légitime : représentativité et financement des organisations professionnelles et syndicales, M. Hadas-Lebel a pris en compte l’importance de cette question et précise ceci : « La représentativité des organisations non affiliées, de droit ou de fait, à des confédérations représentatives au niveau national fait parfois l’objet de contestations devant le juge […].
« Pourrait être étudiée l’idée d’ouvrir la faculté, dans les seules collectivités d’outre-mer, d’apprécier la représentativité d’une organisation au seul niveau de cette collectivité. Cela permettrait de tenir compte des spécificités de certaines confédérations. Mais une telle perspective n’est pas sans inconvénients dès lors qu’elle pourrait favoriser les organisations syndicales totalement autonomes au détriment de celles qui entretiennent des relations de coopération avec des confédérations représentatives au niveau national. Et elle pourrait augmenter sensiblement le nombre des organisations reconnues représentatives. »
La reconnaissance de l’originalité du fait syndical outre-mer impose aujourd’hui une réponse appropriée et adaptée pour l’appréciation de la représentativité des organisations syndicales locales dans ces départements, caractérisés par leur éloignement.
Selon nos collègues, la modernisation du dialogue social outre-mer en dépend. Ils proposent donc, par cet amendement, de retenir le principe d’une représentation appréciée localement, avec des taux de suffrages qui devraient être rapportés à chacun des départements d'outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement est totalement satisfait, car toutes les particularités syndicales propres aux départements d’outre-mer pourront être prises en compte au niveau tant de l’entreprise que de la branche. J’avais d’ailleurs été conduit à faire la même réponse à l’Assemblée nationale.
M. Jean Desessard. Où est-ce inscrit, monsieur le ministre ?
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet très clairement un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Godefroy, l’amendement n° 178 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, pouvez-vous me certifier que les problèmes posés par nos collègues représentant l’outre-mer sont d'ores et déjà réglés ? (M. le ministre le confirme.) N’ayant pas l’habitude de douter de ce que l’on m’affirme, je vous fais donc confiance, et je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 178 est retiré.
L’amendement n° 68, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 2122-9 du code du travail, remplacer les mots :
confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle
par les mots :
organisation syndicale interprofessionnelle
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 200, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par cet article pour la section 5 du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Notre amendement a pour objectif de supprimer les dispositions de l’article 2 tendant à créer le Haut conseil du dialogue social.
Cette instance sera composée de représentants d’organisations syndicales interprofessionnelles d’employeurs et de salariés, de représentants du ministre chargé du travail et de personnalités qualifiées, l’Assemblée nationale ayant même décidé d’y intégrer un député et un sénateur. M. le rapporteur proposera d’ailleurs dans un instant, au nom de la commission, de supprimer cette dernière précision. Nous le suivrons dans cette voie, bien que nous souhaitions, pour notre part, la suppression pure et simple de ce Haut conseil.
En effet, le rôle de cette instance sera, entre autres, de tirer les conséquences de la nouvelle règle applicable à l’établissement de la liste des organisations syndicales représentatives, et ce n’est qu’après son avis que le ministre chargé du travail pourra arrêter cette liste.
La création de ce Haut conseil appelle trois remarques de ma part.
Tout d’abord, le Gouvernement crée une nouvelle instance, qui, il faut bien l’admettre, n’aura qu’un rôle bien limité. À mon sens, son utilité ne sera pas réellement reconnue, puisque, au mieux, ou au pire, selon le point de vue que l’on adopte, elle ne servira que d’intermédiaire entre les organisations syndicales et le ministre.
L’absence d’un tel Haut conseil n’empêche pas aujourd’hui le ministre d’ouvrir le dialogue avec les organisations syndicales, pas plus qu’elle n’empêche l’établissement de la liste des organisations syndicales représentatives. En cela, sa création n’est pas indispensable.
Ensuite, la présence de parlementaires au sein de ce Haut conseil semble totalement inopportune : ils n’y ont en effet absolument pas leur place. Comme je viens de l’indiquer, M. le rapporteur proposera de supprimer cette disposition, et nous le suivrons. Néanmoins, nous souhaitons aller plus loin puisque nous demandons la suppression pure et simple du Haut conseil du dialogue social.
Enfin, lors de précédents débats, nous avons proposé que des instances déjà existantes comme la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, puissent se voir confier ce genre de responsabilités ou, à tout le moins, obtenir des prérogatives plus importantes. Nous n’avons pas été entendus. Pourtant, j’y insiste, il est tout de même bien dommage de créer un Haut conseil alors que l’on pourrait envisager une extension des prérogatives de certaines instances actuelles.
M. le président. L’amendement n° 180, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par cet article pour l’article L. 2122-10 du code du travail.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Une fois n’est pas coutume, le libéral que je suis soutient pleinement la position que vient d’exprimer Mme David !
Mme Annie David. Cela m’a moi-même beaucoup étonnée !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mme David a une telle force de conviction !
M. Philippe Dominati. Je m’interroge moi aussi sur la nécessité de ce Haut conseil. D’une manière générale, je m’efforce de traquer dans la mesure du possible toutes les instances dont l’utilité n’est pas véritablement avérée dans le cadre de l’organisation administrative générale de notre pays. Selon moi, le champ d’application de ce Haut conseil est extrêmement limité.
Mme Annie David. Exactement !
M. Philippe Dominati. Pour ce faire, nos ministères ont toute légitimité. De ce point de vue, je partage complètement l’opinion de Mme David.
Si je comprends la volonté de clarifier le dialogue social, je reste donc circonspect sur la nécessité d’un tel Haut conseil.
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 2122-10 du code du travail, remplacer les mots :
d’organisations nationales interprofessionnelles d’employeurs et de salariés
par les mots :
d’organisations représentatives d’employeurs au niveau national et d’organisations syndicales de salariés nationales et interprofessionnelles
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Dans l’hypothèse où le Sénat maintiendrait la création du Haut conseil du dialogue social, il faudrait, à notre avis, en élargir la composition, pour permettre à certaines organisations représentatives des employeurs importantes sur le plan national, à l’image de la FNSEA, d’y participer.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 2122-10 du code du travail, supprimer les mots :
, un député et un sénateur, désignés par leur assemblée respective parmi les membres de la commission permanente compétente,
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 200 et 180.
M. Alain Gournac, rapporteur. Toujours dans l’hypothèse où le Sénat maintiendrait la création du Haut conseil du dialogue social, il serait peu opportun que des parlementaires siègent dans une instance ayant vocation à rassembler les partenaires sociaux.
Mme Annie David. Tout à fait !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il convient que les députés et sénateurs conservent une totale indépendance par rapport aux choix arrêtés par les partenaires sociaux.
Par ailleurs, la commission émet un avis favorable sur les amendements nos 200 et 180, qui sont très similaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président, je ne voudrais pas semer le trouble, mais j’avais l’intention d’émettre un avis favorable sur les deux amendements présentés par M. le rapporteur. Or, pour ce faire, je suis contraint d’émettre un avis défavorable sur les deux premiers ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Monsieur le rapporteur, vous avez totalement raison : il faut effectivement prévoir que des organisations comme la FNSEA puissent siéger au sein du Haut conseil du dialogue social.
Mme Annie David. Si sa création est maintenue !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez d’ailleurs bien compris tout l’intérêt de cette instance, puisque vous avez prévu d’en élargir la composition.
Nous ne pouvons pas effectivement mettre en place un tel Haut conseil en l’absence des organisations agricoles ; tout le monde en convient, surtout dans cette assemblée, qui a vocation à représenter les collectivités locales.
M. Guy Fischer. Deux poids deux mesures !
Mme Annie David. Vous savez toucher la corde sensible, monsieur le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà pourquoi j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur les deux amendements de suppression et un avis favorable sur les amendements présentés par M. le rapporteur.
J’ajoute que la création de cette instance a été proposée par le signataire de la position commune, et plus particulièrement – disons les choses clairement – par la CFDT. Il me semble important de permettre aux partenaires sociaux, sur la base d’une composition plus large que la seule commission nationale de la négociation collective, d’être associés à sa mise en œuvre.
Le Haut conseil du dialogue social ne nécessitera pas la mise en place d’une administration, avec rémunérations et statuts à l’appui ! La structure sera souple. La commission nationale de la négociation collective ne nous entraîne pas bien loin dans les frais : l’électricité pour la réunion et un café offert aux participants ! Il ne s’agit donc pas, au contraire de ce qui a parfois été observé dans d’autres domaines, de créer une administration supplémentaire.
La seule et unique vocation de cette instance est d’associer les partenaires sociaux. Et je ne vous cache pas que j’aurai à cœur de donner satisfaction au sénateur Alain Gournac.
M. Alain Gournac, rapporteur. Voilà une chose qui me touche !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote sur l’amendement n° 200.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Hier, lors du débat d’orientation budgétaire, MM. Philippe Marini et Alain Vasselle nous ont expliqué que, lors de l’examen de chaque texte, nous instituions de nouvelles normes et structures. Comme Philippe Dominati et Annie David, je souhaite en finir avec cette pratique. Je voterai donc leurs amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je dirai, à M. le ministre, sur le mode de la boutade, que, en donnant satisfaction à M. Dominati et à Mme David, il donnerait aussi satisfaction à M. le rapporteur, lequel propose que les parlementaires ne siègent pas au Haut conseil. La suppression de l’organisme règlerait ipso facto le problème de la présence des parlementaires !
Par ailleurs, cela satisferait les organisations agricoles, qui se plaignent de ne pas siéger avec les autres syndicats : plus personne n’y siégerait !
Monsieur le ministre, après cette note d’humour, et après vous avoir entendu dire que vous seriez prêt à payer de votre poche le café nécessaire à la réunion, j’avoue ne pas pouvoir vous empêcher de mettre en place cette structure de consultation, si vous le jugez nécessaire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. Guy Fischer. Vous nous décevez, monsieur le président !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 200.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. Guy Fischer. On a satisfait la FNSEA !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.
M. Jean Desessard. Personnellement, je ne suis pas opposé au fait que des représentants des élus nationaux participent au Haut Conseil du dialogue social, surtout s’il s’agit de se prononcer sur les critères de la représentativité.
Mais ce n’est pas cet aspect qui me pose problème. L’amendement mentionne « un député et un sénateur ». J’imagine que chacun appartiendra à la majorité !
Je me situe dans la perspective de la réunion, lundi prochain, du Congrès. Comment un ministre aussi proche du Président de la République a-t-il pu laisser passer une telle disposition ? En effet, j’ai cru entendre le chef de l’État dire que les droits de l’opposition seront garantis.
M. Guy Fischer. Mensonge !
M. Jean Desessard. J’ai cru l’entendre dire que, face à chaque député de la majorité, il y aura un député de l’opposition et que chaque sénatrice de la majorité sera confrontée à une sénatrice de l’opposition. Et j’ai cru que M. Bertrand, le ministre ici présent, écoutait attentivement les directives du Président de la République.
Je suis donc très étonné que, en l’occurrence, on n’ait pas fait en sorte de respecter les droits de l’opposition dans la composition de ce Haut conseil.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mon cher collège, n’avez-vous pas compris que nous sommes dans la même logique que vous ? Comme vous, nous souhaitons qu’il y ait autant de sénateurs de la majorité et de l’opposition dans ce genre d’instance : aucun ! Ce n’est pas leur rôle !
Je déplore trop souvent l’absentéisme pour ne pas répéter mon souhait de voir les parlementaires travailler au Parlement, les sénateurs au Sénat et les députés à l’Assemblée nationale. Je ne veux pas qu’ils se dispersent dans un tas de structures. Non seulement ils n’ont rien à y faire, mais ils y perdent même leur capacité de critique a posteriori, puisqu’ils ont été mêlés à la décision lors de la réunion de cette instance.
M. Jean Desessard. Je pense que c’est la gestion des grandes villes, des conseils généraux et régionaux qui empêche leur présence au Parlement !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un II ainsi rédigé :
II. - Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la septième partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Représentation professionnelle
« Art. L. 7111-7. - Dans les entreprises mentionnées à l'article L. 7111-3 et L. 7111-5, lorsqu'un collège électoral spécifique est créé pour les journalistes professionnels et assimilés, est représentative à l'égard des personnels relevant de ce collège, l'organisation syndicale qui satisfait aux critères de l'article L. 2121-1 et qui a recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise, ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel dans ce collège.
« Art. L. 7111-8. - Dans les branches qui couvrent les activités de presse, publication quotidienne ou périodiques, agences de presse ou communication au public par voie électronique, des entreprises de communication audiovisuelle, sont représentatives à l'égard des personnels mentionnés à l'article L. 7111-1, les organisations syndicales qui remplissent, dans les collèges électoraux de journalistes, les conditions prévues à l'article L. 2122-5 ou à l'article L. 2122-6. »
II. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :
I. -
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est un amendement important, annoncé à plusieurs reprises.
Les journalistes professionnels et assimilés ont des dispositions particulières – et c’est bien ! – qui leur sont applicables dans le Livre Ier de la septième partie du code du travail. Ils disposent, en effet, d’une carte d’identité professionnelle et ont des conditions qui leur sont propres en matière de contrat de travail et de rémunération.
Ils doivent donc pouvoir bénéficier d’une représentation spécifique dans les entreprises de presse, dans les publications quotidiennes et périodiques, dans les agences de presse ainsi qu’au niveau de la branche.
Tout particulièrement attaché à cet amendement, j’ai dit en début de séance combien il est important de ne pas laisser sur le bord de la route un syndicat qui recueille 47 % des suffrages.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Deux choses viennent en quelque sorte s’ajouter au débat.
Premièrement, comme l’a très bien dit M. le rapporteur, la profession de journaliste est organisée de façon spécifique dans le code du travail, avec des dispositions particulières en matière de contrat de travail et de rémunération.
Les journalistes sont présents dans vingt-deux secteurs conventionnels de la presse, de la communication et de l’audiovisuel. Et l’on sait aussi que leurs représentants participent aux négociations dans ces branches.
Voilà pourquoi je comprends tout à fait l’amendement présenté par M. le rapporteur.
Deuxièmement, il est vrai que la position commune n’a pas abordé le sujet. J’ai indiqué qu’il fallait en garder l’esprit et la lettre.
Tels sont les deux arguments. Je ne sais pas s’ils sont d’égale portée, et je laisse les sénateurs porter leur jugement.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. II faut noter que cet amendement prend place dans la septième partie du code du travail relative à certaines professions particulières. Il ne concerne que la profession de journalistes et donne satisfaction aux demandes du SNJ.
Mais il est clair que M. le rapporteur prend bien garde à ne pas aller au-delà de cette revendication professionnelle afin de ne pas effleurer le délicat équilibre de la position commune au sujet du seul syndicat catégoriel interprofessionnel connu.
II en résulte que, si d’autres syndicats professionnels existent ou ont vocation à se créer, ils en seront empêchés par les termes mêmes de la position commune.
Les partenaires sociaux demandent au Parlement d’entériner un dispositif que la démocratie politique ne permettrait pas. Nous devons en avoir conscience.
Compte tenu du caractère particulièrement important de l’existence d’un syndicat de journalistes, tant pour la délivrance de la carte de presse que pour la défense de l’indépendance de la profession, nous voterons cet amendement, avec les réserves que je viens d’indiquer sur un plan général.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous avons évoqué ce sujet tout à l’heure au moment de la discussion de l’amendement déposé par nos collègues socialistes.
Monsieur le rapporteur, nous soutiendrons votre amendement, bien que nous regrettions qu’il soit restrictif, même s’il l’est moins que le précédent. Il répondra aux demandes des journalistes, et c’est tant mieux !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai également cet amendement. Toutefois, je tiens à interpeller M. le rapporteur, qui n’a pas répondu à la question que je lui ai posée : qu’est-ce qui justifie qu’il accorde cette possibilité au corps des journalistes et qu’il ne l’étende pas à d’autres catégories professionnelles précédemment citées, tels les pilotes de ligne, les conducteurs de trains et les intermittents du spectacle ? Qu’est-ce qui justifie cette attitude, mis à part le fait qu’il ne veuille pas, je suppose, se fâcher avec les journalistes ? Pourquoi cette catégorie et pas les autres ? Je suis favorable à votre amendement pour cette catégorie, mais je réitère ma question.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le sénateur, je vous répondrai d’une façon très claire. Si j’agis de la sorte, c’est parce que les journalistes ne souhaitent pas s’engager dans des syndicats qui ne correspondraient pas à leur éthique. Voilà ma réponse !
Je veux les défendre, parce qu’il ne faut pas les obliger à se tourner vers des syndicats – je dis bien « les obliger » : s’ils veulent le faire, ils le font, cela ne me regarde pas – plus engagés d’un côté ou de l’autre, qui les noieraient dans la masse.
Je l’ai expliqué tout à l’heure, un syndicat a obtenu, lors des dernières élections, un peu plus de 47 % des suffrages, et il est donc très important de ne pas le laisser de côté.
Vous évoquez les pilotes, les conducteurs de trains et les intermittents du spectacle, monsieur Desessard. Néanmoins, je considère qu’il y a une spécificité concernant les journalistes. C’est pourquoi je me bats en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le rapporteur, je mesure la qualité de votre réponse, et je ne vous ferai pas le reproche de proposer une ouverture au bénéfice d’une profession particulière.
Toutefois, je profite de cette intervention pour souligner qu’aucun d’entre nous n’accepterait une organisation aussi restrictive dans la sphère politique. Jean-Pierre Godefroy l’a rappelé à l’instant, et je crois que tout le monde, ici, partage son avis.
Naturellement, les responsabilités des uns et des autres ne sont pas les mêmes. Ceux qui ont décidé de suivre la position commune en entérinent progressivement toutes les dispositions, ce qui est logique. Je comprends également – ne tournons pas autour du pot ! – que certains syndicats aient intérêt à ce que cette position commune soit appliquée ; je le reconnais d’ailleurs d’autant plus volontiers que je suis proche de l’une des organisations qui l’a approuvée.
Cela dit, je voudrais relever deux points.
Tout d'abord, monsieur le rapporteur, je ne crois pas que la profession de journaliste soit si particulière que ceux qui l’exercent, lorsqu’ils défendent leurs intérêts catégoriels, incarnent des valeurs plus élevées que, par exemple, les travailleurs du service public.
Je rappelle que le syndicat des journalistes se trouve chargé de défendre les intérêts professionnels de ses membres, et non la liberté de la presse ! De celle-ci, nous sommes tous comptables, et, à maints égards, ceux qui ne travaillent pas pour les médias la défendent souvent mieux que les salariés qui exercent ces métiers, parce qu’ils ne subissent pas les mêmes sujétions.
L’argument de la spécificité de cette profession ne me semble donc pas devoir être retenu, sauf au sens où celle-ci dispose pour se faire entendre, disons-le franchement, de moyens que d’autres n’ont pas ! (M. le rapporteur proteste.) Pour justifier cette différence, il est inutile de produire des théories qui, finalement, ne nous grandissent pas.
Ensuite, nous butons pour la deuxième fois sur la difficile articulation de la démocratie sociale et de la démocratie politique.
Je n’aime pas l’expression « démocratie sociale » et je ne la comprends pas : la démocratie ne peut être réduite au champ social ; elle s’étend à la société politique tout entière ou elle n’a aucun sens ! En réalité, on veut opposer ici la logique du contrat et celle de la loi, qui reposent sur des raisonnements différents.
Le législateur délibère en vue de l’intérêt général, et la loi s’applique à chacun parce qu’elle est décidée par tous ; mes chers collègues, nous représentons la tierce partie qui se trouve exclue de l’accord contractuel, c'est-à-dire la société tout entière.
En revanche, dans la relation contractuelle, deux parties seulement s’entendent, et l’accord auxquelles elles parviennent peut se révéler le mieux à même d’assurer la paix sociale tout en étant absurde par rapport à l’idée que nous nous faisons de l’organisation de la société !
Nous tombons sans cesse sur cette difficulté, qui est encore en cause ici. En tant que législateurs, nous n’avons rien à dire sur le pluralisme syndical ; nous y serions plutôt favorables, mais là n’est pas la question. De toute façon, nous sommes contraints par la position commune.
Nous devons réfléchir à ce problème, car c’est la deuxième fois en quelques semaines que nous sommes saisis d’un texte visant à valider une position commune des syndicats. Nous ne pourrons plus nous contenter de slogans et considérer la démocratie sociale comme un bienfait pur et constant pour la démocratie politique, parce que telle n’est pas la vérité !
Ce n’est pas sans raison que nos lointains prédécesseurs ont estimé – je regrette que ce soit à moi de le rappeler ! – que la catégorie du citoyen était plus élevée que celle du prolétaire et comportait, si j’ose dire, une dimension eschatologique.
C’est là toute la différence entre la République, qui instaure le citoyen en l’extrayant de l’humus de ses appartenances, et d’autres systèmes où ce sont les catégories sociales qui font la loi. Cette dernière conception n’est pas conforme à l’idée républicaine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)
M. Jean Desessard. Cela va créer un précédent ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote sur l'article.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je m’abstiendrai sur l’article 2, uniquement à cause de l’organisme nouveau qu’il institue.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
CHAPITRE II
Les élections professionnelles
Article 3
I. - Le premier alinéa de l'article L. 2314-3 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sont informées, par voie d'affichage, de l'organisation des élections et invitées à négocier le protocole d'accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de délégués du personnel les organisations syndicales qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise ou l'établissement concernés.
« Les organisations syndicales reconnues représentatives dans l'entreprise ou l'établissement, celles ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise ou l'établissement, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel y sont également invités par courrier. »
II. - Le premier alinéa de l'article L. 2324-4 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sont informées, par voie d'affichage, de l'organisation des élections et invitées à négocier le protocole d'accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de représentants du personnel au comité d'entreprise les organisations syndicales qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise ou l'établissement concernés.
« Les organisations syndicales reconnues représentatives dans l'entreprise ou l'établissement, celles ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise ou l'établissement, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel y sont également invités par courrier. »
III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 2314-24 du même code est ainsi rédigé :
« Au premier tour de scrutin, chaque liste est établie par les organisations syndicales mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 2314-3. Si le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour de scrutin, pour lequel les électeurs peuvent voter pour des listes autres que celles présentées par une organisation syndicale. »
III bis. - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 2314-24 du même code, le mot : « valablement » est supprimé.
IV. - Le deuxième alinéa de l'article L. 2324-22 du même code est ainsi rédigé :
« Au premier tour de scrutin, chaque liste est établie par les organisations syndicales mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 2324-4. Si le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour de scrutin, pour lequel les électeurs peuvent voter pour des listes autres que celles présentées par une organisation syndicale. »
V. - Dans la première phrase de l'article L. 2324-22 du même code, le mot : « valablement » est supprimé.
VI. - Dans la première phrase du 2° de l'article L. 1111-2 du même code, les mots : «, y compris » sont remplacés par les mots : « qui sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an, ainsi que ».
VII. - Après l'article L. 2314-18 du même code, il est inséré un article L. 2314-18-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2314-18-1. - Pour les salariés mis à disposition qui remplissent les conditions visées au 2° de l'article L. 1111-2, les conditions d'ancienneté à la date des élections sont de douze mois pour être électeur et de vingt-quatre mois pour être éligible dans l'entreprise utilisatrice. »
VIII. - Après l'article L. 2324-17 du même code, il est inséré un article L. 2324-17-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2324-17-1. - Pour les salariés mis à disposition qui remplissent les conditions visées au 2° de l'article L. 1111-2, les conditions d'ancienneté à la date des élections sont de douze mois pour être électeur et de vingt-quatre mois pour être éligible dans l'entreprise utilisatrice. »
M. le président. L'amendement n° 201, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le IV de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le 1° de l'article L. 1111-2 du même code, après les mots : « à temps plein », sont insérés les mots : « , d'un contrat de travail à objet défini tel que prévu à l'article 6 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, dont nous avons débattu il y a peu de temps, comporte un certain nombre de dispositions allant au-devant, et peut être même bien au-delà, des attentes du monde de l’entreprise.
Parmi ces mesures figure en bonne place l’article 6 de cette loi, relatif à la notion de « contrat de travail à objet défini », qui ne figure pas dans le code du travail et qui comporte divers alinéas.
Or, ce contrat se trouve régi par le titre IV du livre II de la première partie du code du travail, à l’exception des dispositions spécifiques fixées par ledit article. Il prend fin avec la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu après un délai de prévenance au moins égal à deux mois. Il peut être rompu par l’une ou l’autre partie, pour un motif réel et sérieux, au bout de dix-huit mois, puis à la date anniversaire de sa conclusion. Il ne peut être renouvelé.
Lorsque, à l’issue de ce contrat, les relations de travail ne se poursuivent pas par un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité d’un montant égal à 10 % de sa rémunération totale brute ; je rappelle que nous en avons débattu ici même, notamment avec M. Serge Dassault.
Le contrat à durée déterminée à objet défini est établi par écrit et comporte les clauses qui sont obligatoires pour les contrats de ce type, sous réserve bien sûr d’adaptations à ses spécificités. Il est institué à titre expérimental pendant une période de cinq ans, à l’issue de laquelle le Gouvernement présentera au Parlement un rapport, établi après concertation avec les partenaires sociaux et avis de la commission nationale de la négociation collective, sur les conditions d’application de ce contrat et son éventuelle pérennisation.
Dans les faits, ce type de contrat à objet défini vise surtout, sous des conditions en apparence sympathiques, à développer une forme de flexibilité accrue du travail, singulièrement sur des postes de travail qui requièrent une certaine qualification.
Il transpose dans la loi les comportements de plus en plus discutables de certaines entreprises, qui visent, entre autres, à précariser les conditions de travail des ingénieurs et des cadres, principales victimes, ces dernières années, de l’extension du travail intérimaire.
Aussi, il nous semble juste que ces salariés bénéficient d’un minimum de garanties collectives, d’autant qu’ils sont censés être présents au moins dix-huit mois dans l’entreprise qui les emploie. L’objet de cet amendement, mes chers collègues, est donc de les prendre en compte dans les effectifs de l’entreprise, s’agissant en particulier des différents seuils d’application des normes sociales.
Nous ne saurions trop vous encourager à l’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à faire prendre en compte dans les effectifs des entreprises les salariés qui sont titulaires d’un contrat de mission.
Cet objectif est légitime, mais il n’y aucune raison de traiter les salariés qui ont conclu un contrat de mission différemment des salariés embauchés en CDD. Cet amendement ayant pour objet de les comptabiliser comme des salariés en CDI, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, car cet amendement est déjà satisfait.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, je ne vous ai pas bien compris : vous avez cité le contrat de mission, mais, pour ma part, j’évoquais des salariés en contrats à durée déterminée à objet défini. Considérez-vous ces derniers comme des contrats de mission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
Mme Annie David. Je ne crois pas, néanmoins, que mon amendement soit satisfait.
M. Alain Gournac, rapporteur. Si !
Mme Annie David. Mais nous, nous voulons qu’ils soient considérés comme des CDI, dès lors que leur durée est bien définie dans l’entreprise ! Vous souhaitez que ces contrats continuent de relever du 2° de l’article L. 1111-2 du code du travail, alors que nous voulons les faire figurer au 1° du même article !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais ce n’est pas possible, madame David, et vous le savez !
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le V de cet article, après les mots :
la première phrase
insérer les mots :
du dernier alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à rectifier une erreur matérielle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 70, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer les VI, VII et VIII de cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s'agit d’un sujet complexe. Le Sénat voit revenir des amendements dont il est familier, et que nous avons déjà combattus à plusieurs reprises.
Le développement de la sous-traitance rejaillit particulièrement sur le cadre de la représentation des salariés.
Toutefois, le véritable enjeu reste pour nous d’aboutir à un dispositif qui permette à tous les salariés d’exercer leur droit constitutionnel à participer, par l’intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.
À cet égard, le droit du travail se trouve à la traîne des phénomènes économiques. Les études sur ce point montrent que les entreprises adoptent délibérément une stratégie d’externalisation.
À quelques exceptions près – l’unité économique et sociale, les délégués de site ou les collèges interentreprises de CHSCT, ou comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail –, la représentation se trouve organisée sur la base de l’employeur au sens juridique.
Or, l’entreprise donneuse d’ordre génère une communauté de travail, dont la représentation démocratique doit être assurée. Ce point est d’autant plus important que les choix de gestion du donneur d’ordre ont une incidence immédiate sur ses sous-traitants et leurs salariés : rappelons seulement le cas du plan Power eight d’Airbus, avec 10 000 suppressions d’emploi annoncées, dont la moitié chez les sous-traitants.
Il est incontestable que les entreprises sous-traitantes se trouvent sous la dépendance directe et permanente de leur donneur d’ordre.
Rappelons aussi au Gouvernement, qui est conscient du problème constitutionnel qui se pose, l’arrêt Systra, l’arrêt Peugeot de la Cour de Cassation du 28 février 2007 et la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2006, aux termes de laquelle « les salariés mis à disposition d’une entreprise, intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu’elle constitue, sont électeurs et éligibles aux élections des représentants du personnel de l’entreprise d’accueil ».
Le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation retiennent donc deux critères qualifiant l’intégration. M. le rapporteur, avec plus de mesure que son collègue de l’Assemblée nationale – je lui en donne acte –, propose de jouer sur l’un d’eux, à savoir la condition de permanence, mais pour obtenir le même résultat que l’autre chambre du Parlement, à savoir priver les salariés des entreprises sous-traitantes du droit de vote et de l’éligibilité dans l’entreprise donneuse d’ordre.
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est exact ! On ne vote pas deux fois !
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, nul n’ignore que les entreprises sous-traitantes sont souvent des entités externalisées de l’entreprise donneuse d’ordre. Curieusement, elles sont souvent juste assez petites pour que des élections ou la désignation d’un délégué syndical n’y aient jamais eu lieu ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Mes chers collègues, la manœuvre est évidente.
Permettre au salarié de l’entreprise sous-traitante de voter où il le souhaite, mais en exigeant de lui une condition souvent impossible à remplir s’il souhaite se prononcer chez le donneur d’ordre, c’est fausser ce choix, c’est le déséquilibrer en faisant en sorte que le salarié ne puisse voter ni dans l’entité juridique dont il dépend ni dans la structure économique où il se trouve intégré.
Un autre problème se pose : nul ne peut ignorer non plus que la mobilité et la précarisation des salariés, surtout dans les petites entreprises spécialisées dans la sous-traitance, se sont considérablement développées.
La notion de « présence permanente » devient donc de plus en plus aléatoire. C’est pourquoi la jurisprudence constante, qui exige du salarié trois mois d’ancienneté pour être électeur, est bien adaptée, d’autant que cette durée peut être obtenue par une succession de contrats distincts, même s’ils sont séparés par de courtes périodes d’interruption. La chambre sociale de la Cour de cassation tient parfaitement compte de la situation pour apprécier les conditions fixées par l’assemblée plénière de la juridiction à laquelle elle appartient ainsi que par le Conseil constitutionnel.
M. le rapporteur revient également sur la notion de « présence dans l’entreprise donneuse d’ordre », expression moins brutale que celle de présence « dans les locaux » de l’entreprise utilisatrice, et qui permet de tenir compte de questions juridiques complexes.
Cette présence peut en effet s’entendre au moyen de techniques de communication ou par une proximité immédiate des bâtiments des deux entreprises, de sorte que l’on ignore parfois dans les locaux de quelle société on se trouve.
Pour conclure, j’ajouterai que deux pourvois se trouvent actuellement pendants devant la Cour de cassation, qui concernent précisément Peugeot et Airbus. Nous avons la désagréable impression que l’on veut faire jouer au législateur un rôle qui n’est pas le sien en anticipant sur les arrêts de la Cour de cassation pour obliger celle-ci à renverser sa jurisprudence…
Pour le moins, ce procédé n’est pas correct. Si nous acceptons d’être nous-mêmes des sous-traitants à la demande des grands groupes industriels et des organisations patronales, c’est notre crédibilité et celle de la démocratie politique tout entière qui est atteinte, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 202, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le VI de cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. À l’examen de ce projet de loi, une chose au moins est certaine : la majorité sénatoriale est constante !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah oui !
M. Alain Gournac, rapporteur. Quel compliment !
M. Guy Fischer. Tout d’abord, vous reniez à l’opposition le droit d’amendement sur une position commune ou, voilà peu de temps, sur un accord national interprofessionnel, sous prétexte de conserver les équilibres existants et ayant conduit à la conclusion dudit accord.
Mais visiblement, nul n’est prophète en son pays, et vous n’appliquez pas à l’UMP la règle que vous entendez imposer à l’opposition.
Ainsi l’Assemblée nationale a-t-elle inséré une disposition nouvelle qui modifie de manière substantielle l’article L. 1111-2 du code du travail. En effet, vous soumettez les droits des salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, des salariés titulaires d’un contrat de travail intermittent et des salariés mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure à leur présence pendant une durée d’un an dans l’entreprise concernée, alors que les dispositions initiales prévoyaient une prise en compte de leur présence dans l’effectif à due proportion de leur temps de présence dans les douze mois écoulés, ce qui, de fait, rendait possible leur intégration dans l’effectif avant cette période d’un an.
La disposition qui nous est proposée constitue donc un recul par rapport au droit existant. Je vous propose, par conséquent, de la supprimer, afin d’éviter qu’elle n’incite une fois de plus les employeurs à jouer avec les effets de seuil, même si, nous le savons, il s’agit là d’une mesure satisfaisant le patronat pour qui tous les moyens sont bons pour réduire les coûts du travail.
Nous attendons d’ailleurs avec crainte et impatience un projet de loi, à moins que ce ne soit un amendement du groupe UMP, qui imposera la proposition de M. Attali tendant à faire passer le seuil rendant nécessaire la création d’un comité d’entreprise à 100 salariés, en lieu et place des 50 salariés exigés actuellement.
Remarquez bien que, pour nous faire patienter, les élus de l’UMP n’ont pas hésité à déposer sur le projet de loi de modernisation de l’économie une série de dispositions visant à limiter les effets de seuil !
Et pourtant, l’intégration dans les effectifs de l’entreprise des travailleurs mis à disposition n’est pas sans importance ; elle a pour objet de faire coïncider avec exactitude le nombre de délégués du personnel, de membres du CHSCT et du comité d’entreprise avec le nombre de salariés à représenter.
Loin de nous l’idée de dire que l’ensemble des employeurs chercheront demain à organiser une rotation exagérée des effectifs et des salariés afin de se soustraire à ces dispositions ! Mais comme vous le dites souvent, mes chers collègues siégeant sur les travées de l’UMP, la loi doit prévoir les mécanismes d’encadrement et de sanction, quand bien même il n’y aurait qu’une minorité de fraudeurs.
En ce sens, notre amendement est une mesure juste et équilibrée. Nous ne doutons pas que vous l’adoptiez.
M. le président. L'amendement n° 108, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le VI de cet article :
VI. - Dans la première phrase du 2° de l'article L. 1111-2 du même code, les mots : « les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, y compris » sont remplacés par les mots : « les salariés mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise extérieure, dans le cadre d'une relation contractuelle directe entre ces deux entreprises, qui sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice, y travaillent depuis au moins un an sans interruption et ne relèvent pas d'institutions représentatives du personnel et des syndicats dans l'entreprise qui est leur employeur, ainsi que ».
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Nos collègues MM. Amoudry et Mercier souhaitent, par cet amendement, préciser dans quelle entreprise doivent pouvoir voter les salariés d’une entreprise mis à disposition d’une autre.
En l’état actuel du droit positif, ils disposent d’un double droit de vote.
L’Assemblée nationale a tenté de clarifier les choses en indiquant que seuls les salariés mis à disposition d’une entreprise qui sont présents dans ses locaux et y travaillent depuis au moins un an pourront être décomptés dans ses effectifs.
Cette précision est-elle suffisante ? Nous ne le pensons pas. C’est pourquoi nous proposons de la compléter en spécifiant que ne pourront être décomptés dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice que les salariés mis à disposition qui, non seulement sont présents dans ses locaux et y travaillent depuis au moins un an, mais également ne relèvent pas des institutions représentatives et syndicats de l’entreprise extérieure.
M. le président. L'amendement n° 203, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le VI de cet article, remplacer les mots :
depuis au moins un an
par les mots :
depuis au moins quatre mois
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 203 et 204, car ils ont un objet à peu près identique.
M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.
Mme Annie David. La condition d’ancienneté d’un an exigée dans le projet de loi soulève un certain nombre d’interrogations auxquelles le Gouvernement devra bien finir par répondre.
Si j’ai bien compris, M. About veut encore aller plus loin, mais si la mesure qu’il propose était adoptée, cela clarifierait peut-être la situation.
Cependant, mon cher collègue, je ne partage pas votre point de vue quant au maintien de la présence d’un an dans l’entreprise.
M. Nicolas About. Je m’en doute bien !
Mme Annie David. En effet, dans certaines entreprises les salariés sont facilement interchangeables, si je puis me permettre une telle expression : je pense particulièrement à ceux des secteurs de l’information, de la sécurité privée ou encore de la restauration.
Cela nous fait craindre que, demain, les salariés les plus fragilisés et les moins bien rémunérés ne puissent subir des changements de sites imposés dans le seul but de contourner les dispositions prévues par l’article 3.
Qui plus est, cette durée d’un an est peu concevable lorsqu’on la compare avec la durée exigée pour les salariés employés directement par l’entreprise utilisatrice. Sur quelle base justifiez-vous une durée de présence dans l’entreprise plus longue pour les salariés mis à disposition ? Ce traitement discriminant ne s’explique en rien. Il va même à l’encontre de l’efficacité puisqu’il éloigne les salariés les plus précaires, ceux qui auraient justement besoin d’une forte représentation syndicale, du mouvement syndical. Il s’oppose au dynamisme syndical que vous souhaitez insuffler à notre pays, monsieur le ministre.
Rien donc ne justifie cette discrimination relative à un droit fondamental, et ce d’autant plus que ce droit devient l’outil de mesure de l’audience, socle de la représentativité syndicale.
Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles je vous invite à adopter les amendements nos 203 et 204.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le VII de cet article pour l'article L. 2314-18-1 du code du travail :
« Art. L. 2314 -18-1. - Pour les salariés mis à disposition qui remplissent les conditions mentionnées au 2° de l'article L. 1111-2, la condition de présence dans l'entreprise utilisatrice est de douze mois continus pour être électeur et de vingt-quatre mois continus pour être éligible.
« Les salariés mis à disposition, qui remplissent les conditions mentionnées à l'alinéa précédent, choisissent s'ils exercent leur droit de vote et de candidature dans l'entreprise qui les emploie ou l'entreprise utilisatrice. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Les salariés des entreprises extérieures qui remplissent les nouvelles conditions pour être pris en compte dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice pourront voter et être candidats aux élections des délégués du personnel de l’entreprise utilisatrice dès lors qu’ils seront présents de manière continue depuis un an dans cette dernière et s’ils choisissent de participer à ces élections plutôt qu’à celles de l’entreprise qui les emploie. Il n’est plus question de double vote, sujet qui nous a préoccupés.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ils vont choisir. Il faut bien sûr que leur présence soit continue depuis un an…
M. le président. L'amendement n° 204, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le VII de cet article pour l'article L. 2314-18-1 du code du travail, remplacer les mots :
douze mois
par les mots :
trois mois
et les mots :
vingt-quatre mois
par les mots :
six mois
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 20, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le VIII de cet article pour l'article L. 2324-17-1 du code du travail :
« Art. L. 2324-17-1. - Pour les salariés mis à disposition qui remplissent les conditions mentionnées au 2° de l'article L. 1111-2, la condition de présence dans l'entreprise utilisatrice est de douze mois continus pour y être électeur. Les salariés mis à disposition ne sont pas éligibles dans l'entreprise utilisatrice.
« Les salariés mis à disposition, qui remplissent les conditions mentionnées à l'alinéa précédent, choisissent s'ils exercent leur droit de vote dans l'entreprise qui les emploie ou l'entreprise utilisatrice. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pour ce qui concerne les élections au comité d’entreprise, les salariés des entreprises extérieures qui remplissent les nouvelles conditions pour être pris en compte dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice pourront choisir d’être électeurs dans l’entreprise utilisatrice mais ne pourront y être éligibles pour des questions de confidentialité.
Toutefois, ils pourront participer au CHSCT de l’entreprise utilisatrice, car ils pourront être élus parmi les délégués du personnel.
M. le président. L'amendement n° 205, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le VIII de cet article pour l'article L. 2324-17-1 du code du travail, remplacer les mots :
douze mois
par les mots :
trois mois
et les mots :
vingt-quatre mois
par les mots :
six mois
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement de cohérence concerne également les délégués du personnel, que vient d’évoquer M. le rapporteur.
Mes chers collègues, nous avions cru comprendre, lors de la campagne présidentielle comme lors de l’examen du projet de loi pour le pouvoir d’achat, que vous vouliez justement impulser un peu d’air neuf, de solidarité pour les salariés les plus précaires de notre pays.
Chacun se souviendra de vos promesses et de la découverte émue de Jean Jaurès et de Léon Blum par le candidat de votre camp. M. Fischer l’a évoqué tout à l’heure.
Las, les bonnes paroles ne durent qu’un temps, et, aujourd’hui, ce sont bien ces mêmes salariés que vous regardiez alors avec un semblant de compassion qui ont à subir les méfaits, les contrecoups de votre politique. Je n’insisterai pas davantage ; cet amendement a déjà été largement expliqué.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement n° 70, il est nécessaire de régler la question du double vote des salariés mis à disposition. Le Conseil constitutionnel nous y oblige, depuis sa décision du 28 décembre 2006 relative à la loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, sujet intéressant.
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 202, la précision apportée par le VI de l’article 3 aide à clarifier le statut des salariés mis à disposition au regard des effectifs de l’entreprise. Il n’y a pas de raison de la supprimer. La commission émet donc un avis défavorable.
Monsieur About, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 108 au profit de ses amendements nos 19 et 20.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 203, la présence exigée d’un salarié mis à disposition pendant une durée de quatre mois dans l’entreprise pour qu’il puisse y voter est trop courte. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 204 étant contraire aux amendements nos 19 et 20, la commission y est défavorable.
L’amendement n° 205 est un amendement de cohérence sur lequel la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 19 et 20 et, par conséquent, défavorable aux autres amendements.
Je veux cependant insister sur un point concernant la rédaction des amendements, et je sais pouvoir compter sur l’attention de M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Dans sa décision du 28 décembre 2006, le Conseil constitutionnel a censuré, sur le fondement du huitième alinéa du préambule de 1946, un amendement qui excluait du calcul des effectifs des entreprises utilisatrices les salariés des sous-traitants mis à disposition.
Cette décision repose tout entière sur la notion de communauté de travail, qui dépasse les seuls salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail. Elle a donné lieu à une jurisprudence du juge judiciaire, notamment, comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur, de la Cour de cassation qui essayait de définir cette notion.
Par ailleurs, certaines grandes entreprises ont tenté, par la voie d’accords collectifs, de cerner ce concept.
En réalité, faute d’intervention du législateur, cette notion est, tant pour les entreprises que pour les syndicats, cause d’insécurité juridique.
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr, monsieur le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Or, les effets négatifs en seront accrus par la mise en œuvre de la prochaine loi sur la représentativité, qui utilise les élections professionnelles comme critère de référence de la représentativité. C’est donc un point essentiel dans l’équilibre du projet de loi.
Par ailleurs, la décision du Conseil constitutionnel avait pour objet d’appeler à une intervention législative,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. … mais à la condition que celle-ci respecte les prescriptions du huitième alinéa précité.
Tel est l’objet des dispositions de l’article 3 du projet de loi et des amendements nos 19 et 20 de la commission.
La sécurité juridique, qui est une exigence constitutionnelle, impose d’« objectiver » cette notion de communauté de travail par une durée de présence facilement vérifiable dans l’entreprise utilisatrice. Cela explique la référence à une durée de douze mois pour être électeur et de vingt-quatre mois pour être éligible.
La prise en compte de la décision du Conseil constitutionnel implique que soient exclues les situations de double vote. Cette règle devient, au surplus, impérative dans le contexte du projet de loi, puisque le double vote aurait pour effet indirect de fausser les résultats de la représentativité. Il en résulte la disposition qui donne le choix aux salariés concernés d’exercer leur droit de vote soit dans l’entreprise avec laquelle ils sont liés par un contrat de travail, soit dans l’entreprise utilisatrice.
Le bon fonctionnement du comité d’entreprise impose que soient données à ce dernier des informations confidentielles couvertes par le secret des affaires ou concernant la stratégie de l’entreprise. Ces renseignements ne pourraient plus être fournis si, au sein du comité d’entreprise, pouvaient siéger des salariés d’une autre entreprise. Ce fait explique l’exclusion de l’éligibilité des salariés extérieurs qui ne vaut que pour les seuls comités d’entreprise et non pour les délégués du personnel et, indirectement, pour les membres du CHSCT.
Il est d’ailleurs à noter que la décision du Conseil constitutionnel ne vise que l’électorat et non l’éligibilité.
L’objet de ces dispositions est donc non pas de limiter la portée de cette décision, mais, au contraire, de lui donner un contenu opérationnel de nature à éviter les contentieux qui se multiplient à ce jour sur cette question.
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est très clair !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 202.
Mme Annie David. M. le ministre vient de nous donner une très longue explication que, je l’avoue, je n’ai compris que partiellement.
Je vais donc vous faire part de mon sentiment sur ce que vous appelez le double vote et vous indiquer la raison pour laquelle nous avons déposé tous ces amendements.
Exiger une présence physique d’un an dans les locaux de l’entreprise n’exclut aucunement le double vote, contrairement à ce que peuvent affirmer M. le président et M. le rapporteur de la commission, ainsi que M. le ministre.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout le monde, alors !
Mme Annie David. Le travailleur mis à disposition dont l’ancienneté serait inférieure à un an voterait, selon vous, chez son employeur de droit. Si son ancienneté dans les locaux de l’entreprise utilisatrice était supérieure à un an, il voterait au sein de cette dernière.
Une ancienneté supérieure à un an ne règle donc pas le problème du double vote, puisque cette dernière situation est admise par la Cour de cassation depuis 1977 et qu’aucun texte législatif n’est venu l’exclure, sauf pour les intérimaires, ce qui est d’ailleurs tout à fait normal. Le code du travail prévoit en effet que les intérimaires remplaçant des personnes en congé de maternité, par exemple, ou des personnes normalement inscrites dans l’effectif n’entrent pas dans ce dernier cas ; sinon, deux personnes seraient considérées comme occupant un même poste.
M. Jean Desessard. Où votent-ils ?
Mme Annie David. Dans leur entreprise d’intérim, et pas dans l’entreprise dans laquelle ils travaillent !
M. Jean Desessard. C’est complexe…
Mme Annie David. Ce n’est effectivement pas simple pour eux ! J’en suis bien d’accord, Monsieur Desessard.
Les situations de vote multiple sont d’ailleurs courantes. Par exemple, un salarié titulaire de plusieurs contrats de travail à temps partiel vote autant de fois qu’il a d’employeurs.
L’amendement n° 202 ne pose donc pas l’interdiction du double vote simplement par l’augmentation du temps de présence.
Le vote dans l’entreprise utilisatrice, même à l’issue d’un an d’ancienneté, permettra tout autant qu’actuellement la participation du travailleur mis à disposition aux élections organisées par son employeur de droit. Il serait d’ailleurs dangereux d’interdire le vote au sein de l’entreprise employeur de droit, sauf à vouloir affaiblir les institutions représentatives du personnel et les organisations syndicales des entreprises de sous-traitance et de prestation de services, qui ont déjà du mal à exister en raison de la dispersion géographique de leurs salariés.
Je maintiens par conséquent nos amendements concernant la présence. Je considère que la disposition figurant dans le code du travail est meilleure pour les salariés mis à disposition que ce que vous proposez.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n’est pas notre avis !
Mme Annie David. En effet, ce que vous proposez permettrait de ne plus les faire voter du tout !
M. le président. Monsieur About, l’amendement n° 108 est-il maintenu ?
M. Nicolas About. L’amendement proposé par le rapporteur règle pratiquement toutes les difficultés, même s’il ne répond pas tout à fait à l’idée présentée par nos collègues MM. Amoudry et Mercier. Cependant, il est difficile d’accorder les deux.
Je retire donc l’amendement n°108.
M. le président. L'amendement n° 108 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 203.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
I. - Après l'article L. 2314-3 du code du travail, il est inséré un article L. 2314-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2314-3-1. - La validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise. »
II. - Après l'article L. 2324-4 du même code, il est inséré un article L. 2324-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2324-4-1. - La validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise. »
III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 2312-5 du même code est complété par les mots : « conclu selon les conditions de l'article L. 2314-3-1 ».
IV. - Dans l'article L. 2314-8 du même code, le mot : « représentatives » est supprimé.
V. - Après le mot : « syndicales », la fin du premier alinéa de l'article L. 2314-11 du même code est ainsi rédigée : « conclu selon les conditions de l'article L. 2314-3-1. »
VI. - L'article L. 2314-31 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après le mot : « intéressées », sont insérés les mots : « conclu selon les conditions de l'article L. 2314-3-1 » ;
2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « représentatives dans l'entreprise » sont remplacés par les mots : « intéressées, conclu selon les conditions de l'article L. 2314-3-1 ».
VII. - L'article L. 2322-5 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après le mot : « intéressées », sont insérés les mots : « conclu selon les conditions de l'article L. 2324-4-1 » ;
2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « représentatives dans l'entreprise » sont remplacés par les mots : « intéressées, conclu selon les conditions de l'article L. 2324-4-1, ».
VIII. - Après le mot : « syndicales », la fin du dernier alinéa de l'article L. 2324- 1 du même code est ainsi rédigée : « intéressées, conclu selon les conditions de l'article L. 2324-4-1. »
IX. - Dans le premier alinéa de l'article L. 2324-11 du même code, le mot : « représentatives » est supprimé.
X. - Le premier alinéa de l'article L. 2324-13 du même code est complété par les mots : « conclu selon les conditions de l'article L. 2324-4-1 ».
XI. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2324-21 du même code, le mot : « représentatives » est remplacé par le mot : « intéressées ».
XII. - Après le mot : « syndicales », la fin du premier alinéa de l'article L. 2327-7 du même code est ainsi rédigée : « intéressées, conclu selon les conditions de l'article L. 2324-4-1. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 206, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. C'est au détour d'un amendement proposé par l'un des députés de votre majorité que vous entendez modifier de façon considérable le droit actuellement applicable en matière de protocoles d'accord préélectoraux.
Pour mémoire, il s'agit d'accords conclus entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise pour décider de la répartition des sièges et des électeurs entre les collèges.
Le protocole d'accord préélectoral peut également être conclu pour modifier le nombre ou la composition des sièges. Il revêt donc une importance significative. C’est pourquoi, jusqu’à présent, le code du travail prévoit qu’il ne puisse être adopté ou modifié qu’à l’unanimité. Cette règle protège les organisations syndicales mais les invite également à négocier entre elles pour que puisse être adoptée une décision satisfaisante pour toutes les parties. Il s’agit d’un gage d’équilibre et d’égalité.
Or c'est sans aucune concertation avec les organisations syndicales que cet article 3 bis a été introduit dans le projet de loi, au mépris le plus total de la position commune signée entre les partenaires sociaux. Il ne prévoit pourtant ni plus ni moins que la substitution de la règle de l'unanimité à celle de la majorité.
Ceux qui ont milité dans les entreprises et exercé des responsabilités syndicales ne connaissent que trop l’importance du contentieux en matière de protocole préélectoral.
La disposition que vous proposez ne manquera pas de l'accroître. Cela ne sera pas sans affecter le climat syndical des entreprises. Nous avions pourtant cru que votre objectif était d'apaiser le monde syndical.
Vous comprendrez donc que, compte tenu des conséquences de ce projet de loi et du fait que cet article 3 bis n'a pas fait l'objet de négociations préalables avec les organisations syndicales, nous vous en proposions la suppression.
M. le président. L'amendement n° 207 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 2314-3-1 du code du travail :
« Art. L. 2314-3-1. - La validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature à la majorité qualifiée des deux tiers des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise.
« Les organisations n'ayant pas obtenus plus de 10% lors des élections précédentes peuvent participer sans droit de vote à la négociation relative au protocole d'accord préélectoral. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article 3 bis résulte d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale sur l’initiative de M. Benoist Apparu, lors des débats sur la modification des règles de validité du protocole d’accord préélectoral.
Cet amendement avait été déposé en vue d’harmoniser la rédaction de différents articles du code du travail, de faire en sorte que personne ne soit oublié lors du processus électoral et de tirer les conséquences du présent texte en la matière.
Le code du travail prévoit que le protocole d’accord préélectoral est conclu entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées, c’est-à-dire les organisations représentatives dans l’entreprise. Ce protocole d’accord préélectoral intervient pour décider de la répartition des sièges et des électeurs entre les collèges électoraux. Il peut aussi être conclu pour modifier le nombre et la composition des collèges.
Comme l’a dit Annie David, la règle de l’unanimité s’applique jusqu’à présent dans deux cas : si l’accord modifie le nombre et la composition des collèges électoraux ; s’il concerne les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales.
L’article 3 bis supprime ce critère d’unanimité pour le remplacer par celui de majorité, au motif que la règle de l’unanimité, compte tenu de l’évolution de la représentativité induite par ce texte, risque de susciter des difficultés.
Pourtant, l’absence d’unanimité ne rend pas le protocole irrégulier. Elle n’a en réalité pour seul effet que de permettre à la partie qui peut y avoir intérêt de saisir le juge d’instance d’une demande de fixation des modalités sur lesquelles l’accord unanime n’a pu intervenir.
Tout cela fonctionne donc. La position commune dont est issu le titre Ier de ce projet de loi n’aborde d’ailleurs pas cette question.
On anticipe par conséquent un problème éventuel, mais c’est l’inverse qui va se produire ! C’est en effet précisément cette modification du code du travail qui risque de poser problème.
Cet article 3 bis va en effet complexifier une procédure qui fonctionne et changer une pratique dont aucun des partenaires sociaux ne se plaignait. La majorité a encore une fois cédé à sa tentation de détricoter et de démanteler le code du travail.
Nous estimons donc que, compte tenu de l’importance du protocole d’accord préélectoral, une majorité qualifiée des deux tiers serait pour le moins nécessaire.
Par ailleurs, nous proposons, dans cet amendement, que les organisations syndicales n’ayant pas obtenu plus de 10% lors des précédentes élections puissent participer, sans droit de vote, à la négociation relative au protocole d’accord préalable.
Il nous semble légitime, dans le souci d’améliorer la démocratie sociale, que ces organisations syndicales puissent participer à la négociation d’un accord qui leur sera opposable à l’occasion des élections professionnelles.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 208 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 2324-4-1 du code du travail :
« Art. L. 2324-4-1. - La validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature à la majorité qualifiée des deux tiers des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise.
« Les organisations n'ayant pas obtenus plus de 10% lors des élections précédentes peuvent participer sans droit de vote à la négociation relative au protocole d'accord préélectoral. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. Alain Gournac, rapporteur. Effectivement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement adopté par l’Assemblée nationale apporte des dispositions utiles de nature à éviter de nombreux contentieux. Je n’adhère donc pas à votre argumentation, madame David, et ne comprends pas pourquoi vous voulez supprimer, par l’amendement n° 206, les précisions apportées par les députés. Voilà pourquoi j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 207 rectifié, la commission considère qu’il ne faut pas bloquer l’accord préélectoral. Cet amendement, tel qu’il a été rectifié, impose une majorité des deux tiers pour adopter l’accord alors que, dans sa version initiale, il prévoyait l’unanimité. La version rectifiée nous paraît plus astucieuse. Nous aimerions connaître l’avis du Gouvernement à cet égard.
L’amendement 208 rectifié est en cohérence avec l’amendement 207 rectifié. La commission souhaite également connaître l’avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vois bien que la position de la commission n’est pas éloignée de celle qu’a proposée Benoist Apparu dans son amendement adoptée par l’Assemblée nationale. Voilà pourquoi elle se tournait vers le Gouvernement, lequel émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 207 rectifié.
Mme Annie David. Nous étions attachés à ce que le protocole d’accord préélectoral, parce qu’il revêt une importance particulière, soit approuvé à l’unanimité par les organisations syndicales. Malgré tout, entre sa présentation en commission et sa présentation en séance publique, nous avons rectifié cet amendement et proposons maintenant de subordonner la validation de l’accord à sa signature par une majorité qualifiée des deux tiers des organisations syndicales.
Vous le savez, les contentieux sont déjà fort nombreux. Le vote du protocole préélectoral par une majorité des organisations syndicales ne constituera aucunement une garantie contre ces contentieux, que vous risquez, au contraire, de favoriser. En posant la règle de l’unanimité, vous auriez placé les organisations syndicales et les employeurs dans l’obligation morale, en quelque sorte, de trouver un compromis pour organiser dans de bonnes conditions les élections au sein de l’entreprise. Ce protocole d’accord préélectoral fixera le nombre de sièges à pourvoir, le nombre de salariés par collège et définira les modalités de déroulement de ces élections.
Il est bien dommage que, par le biais d’un amendement, vous supprimiez sans aucune concertation cette règle de l’unanimité applicable au protocole d’accord préélectoral. En acceptant de rectifier notre amendement et de fixer la majorité qualifiée aux deux tiers, nous avons fait un pas vers vous. C’est pourquoi je regrette que vous nous opposiez une fin de non-recevoir.
La prochaine fois, je ne prendrai sans doute plus la peine de rectifier mes amendements !
M. Jean Desessard. Il fallait proposer une majorité des trois cinquièmes ! Ils y sont habitués ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame David, la rectification que vous avez apportée à votre amendement va dans le sens de l’histoire, et vous avez eu raison de proposer une majorité qualifiée des deux tiers. Aujourd’hui, nous partons sur de nouvelles bases. Peut-être les organisations syndicales seront-elles plus nombreuses à l’avenir, rendant encore plus difficile la possibilité d’obtenir un accord unanime.
J’ignore quel sera le vote du Sénat. Il n’en demeure pas moins que nous essayons de promouvoir, autant que faire se peut, le principe majoritaire. Il n’est pas exclu que, à l’expérience, nous durcissions les exigences de majorités qualifiées. En tout cas, je ne crois plus du tout à la règle de l’unanimité.