M. Alain Gournac, rapporteur. C’est excessif !
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous vous dites attentif à la santé des salariés. Je vous crois volontiers et j’espère que, lorsque nous aborderons l’examen du texte sur la pénibilité, vous ferez avancer les choses. Il n’en reste pas moins que les dispositions de cet article vont à rebours de vos affirmations.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ah non, pas encore !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si, je souhaite m’exprimer aussi sur cet amendement.
Monsieur le ministre, j’ai eu le temps d’examiner l’un de vos deux tableaux, puisque c’est sur eux que vous fondez l’argumentation que vous présentez comme imparable. Or le tableau confirme exactement mes propos.
Vous avez soutenu avec un beau sourire que, en termes de durée annuelle effective de travail des salariés, vingt et un pays sur vingt-sept se trouvaient devant nous.
M. Jean Desessard. C’est ce que j’ai compris, moi !
M. Jean-Luc Mélenchon. Tout le monde a compris cela !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous avons le même tableau, monsieur le ministre : il faut regarder quels pays sont devant la France.
M. Jean-Luc Mélenchon. Quel est le pays qui travaille le plus ? C’est la Roumanie, avec une durée annuelle de 2107 heures.
M. Roger Romani. Et alors ?
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est l’Europe !
M. Jean Desessard. D’un point de vue économique, ce n’est pas la même chose !
M. Jean-Luc Mélenchon. La Roumanie, c’est l’Europe, oui, bien sûr, mais il s’agit d’un pays sous-équipé ! Les usines roumaines produisent moins bien et fabriquent des objets moins performants que les nôtres.
M. Roger Romani. Et les Chinois ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Par conséquent, la durée annuelle du travail n’a pas de rapport avec la productivité et les résultats économiques.
M. René Garrec. La différence, c’est le capital investi !
M. Jean-Luc Mélenchon. La Roumanie, c’est l’exemple extrême ! Mais vous n’avez tout de même pas l’intention de faire travailler les Français comme les Roumains, monsieur le ministre ? Tout à l’heure, je ferai la démonstration que, dans le fond, c’est bien ce que vous voulez : faire travailler nos concitoyens plus que ces pauvres Roumains.
Quels pays ont une durée annuelle de travail inférieure à celle de la France ? La Belgique, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas. S’agit-il de pays en déclin ? Non ! Vous nous avez même expliqué que ces pays gagnaient des parts de marché !
M. Alain Gournac, rapporteur. L’Espagne, l’Italie, etc.
M. Jean-Luc Mélenchon. Parlons-en !
Déjà, vous ne disconvenez pas que les pays qui nous devancent ne disposent pas d’industries très bien équipées, alors que ceux qui nous suivent sont les plus puissants d’Europe.
Le pays qui nous précède immédiatement est le Royaume-Uni. Monsieur le ministre, je fais de mon mieux avec les documents que j’ai à ma disposition et mon téléphone, alors que, vous, vous êtes entouré de vos conseillers ; je vous pose donc la question : la productivité horaire d’un ouvrier britannique n’est-elle pas inférieure de 20 % à celle d’un travailleur français ? Ce sont aussi des statistiques !
M. Jean Desessard. Et il passe plus de temps dans les transports !
M. Jean-Luc Mélenchon. Un ouvrier britannique travaille 1 613 heures par an. Ajoutez-y les 20 % nécessaires pour qu’il parvienne à la productivité d’un travailleur français et vous vous apercevrez que nous sommes dans la même fourchette !
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le ministre, je viens de faire une démonstration. Vous expliquerez dans un instant que c’est faux et que ce ne sont pas les pays les plus performants qui sont derrière la France !
L’Allemagne est également devant nous. Qu’en est-il plus précisément de l’Allemagne au regard de la durée annuelle du travail ? En me référant à un autre de vos tableaux, j’observe qu’entre 1998 et 2005 la durée annuelle effective du travail a connu en France une baisse de 3,83%. Catastrophe, n’est-ce pas ? Or, en Allemagne, la baisse est de 4,95 %, soit près de 5 % ! Et aux Pays-Bas, un pays où la productivité du travail est tout de même plus forte qu’en Roumanie, la baisse est de 3,45 % !
M. Alain Gournac, rapporteur. On devrait faire un colloque ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Par conséquent, il n’est pas vrai que nous travaillons moins ou moins bien. (M. Jean-Pierre Fourcade proteste.) En tout cas, la démonstration ne peut pas en être faite avec ce tableau. Ce sont des arguties pour presser davantage le travailleur individuel, un point c’est tout !
M. Jean-Pierre Fourcade. Continuez à nier l’évidence !
M. Jean Desessard. Les tableaux, c’est vous qui les avez présentés !
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur Fourcade, montrez que je me trompe !
Si la durée annuelle effective du travail des salariés augmente – personne n’en disconvient –, que la valeur de ce qui est produit augmente – personne n’en disconvient non plus –, que la productivité horaire des Français est plus élevée, d’où tirez-vous que nous travaillons moins que les autres, alors que vos propres tableaux prouvent le contraire ?
M. Jean Desessard. Absolument, par semaine et par an !
M. le président. Monsieur Mélenchon, juste avant votre arrivée dans l’hémicycle, nous étions tous ensemble convenus de l’organisation de nos travaux et nous avions prévu de faire le point à dix-huit heures. Vous êtes en train de tout remettre en cause…
M. Jean-Luc Mélenchon. Je m’en voudrais, monsieur le président !
M. le président. Mais ce n’est pas grave !
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. C’est un peu fort de café, monsieur le président !
M. Mélenchon a fait référence au nombre d’heures travaillées hebdomadaires. Le ministre, et je lui en sais gré, a présenté des tableaux en expliquant que les données relatives au nombre d’heures travaillées sur la semaine étaient insuffisantes et qu’il fallait apprécier la situation sur l’année. M. le ministre fait passer à M. Mélenchon les tableaux en question. Pour ce qui me concerne, je ne les ai pas eus, mais peu importe.
Quoi qu’il en soit, le débat que ces questions suscitent intéresse non seulement cinq ou six sénateurs, mais aussi tous les Français. Il ne faut donc pas le prendre à la légère.
M. Jean Desessard. Même si les parlementaires présents à cet instant dans l’hémicycle sont peu nombreux, ce débat concerne l’avenir des Français, surtout celui des salariés. Un débat suppose une confrontation. Nous avons donc le droit de faire part de notre désaccord sur l’interprétation que fait M. le ministre des statistiques qu’il a mentionnées.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous en avez effectivement le droit !
M. Jean Desessard. Alors, pourquoi, monsieur le président, faire de telles remarques sur le fait qu’il faut absolument terminer à dix-huit heures ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous sommes disponibles ! Nous pouvons être là toute la nuit !
M. le président. Monsieur Desessard, ne transformez pas mes propos, comme vous en avez d’ailleurs l’habitude. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Jean Desessard. Soit, monsieur le président !
Nous pouvons tout de même répondre aux arguments développés par M. le ministre sur le nombre d’heures travaillées par an. M. Mélenchon, après avoir lu rapidement les documents en cause, a fait remarquer à M. le ministre que la lecture qu’il en faisait était erronée. Nous nous contentons de rétablir la vérité.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 144, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-11 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Le refus du salarié d'exécuter des heures supplémentaires à l'initiative de son employeur ne peut être considéré comme une faute ou un motif de licenciement.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement a un objectif clair : affirmer que le refus d’exécuter des heures supplémentaires ne peut être un motif de licenciement.
Le Gouvernement persiste à présenter les salariés comme les partenaires de l’employeur ; il le fait aujourd'hui avec ce projet de loi comme il l’a fait lors de l’examen du projet de loi portant modernisation du marché du travail, dans lequel il a introduit la rupture à l’amiable du contrat de travail.
En fait, le salarié n’est pas l’égal partenaire du patron. Si c’était le cas, l’employeur proposerait et les salariés disposeraient. Or, dans la réalité, c’est toujours l’employeur qui décide.
Votre proposition renforce le déséquilibre structurel de la relation entre le salarié et l’employeur, au profit exclusif de ce dernier.
Dans un cadre défini par un contingent fixe et par l’obligation de prévoir un repos compensateur en cas de dépassement, le recours aux heures supplémentaires se conçoit pour faire face à un afflux important de la demande, et les salariés le comprennent volontiers. Soit dit en passant, monsieur le ministre, pour répondre à l’argument que vous avez avancé tout à l'heure à propos des achats de fin d’année, je vous signale qu’il n’est pas trop difficile de prévoir la date à laquelle tombera le jour de Noël. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Avec la suppression du contingent légal, tout va se jouer entreprise par entreprise. Or la négociation peut très bien aboutir à fixer un contingent au niveau le plus élevé permis par la législation, à priver les salariés de repos compensateur et à leur imposer des heures supplémentaires obligatoires. À défaut de prévoir une possibilité de refus, vous aggraverez les risques pour la santé au travail.
Il convient de renforcer les dispositions qui permettraient d’offrir au salarié la possibilité de choisir, compte tenu de son état de santé ou de ses obligations familiales et sociales, de refuser d’effectuer plus d’un certain nombre d’heures supplémentaires.
Les Verts demeurent convaincus du bien-fondé de la thèse du partage du travail. L’accélération du développement technique ainsi que la réalité d’un chômage endémique l’imposent. Or, à une époque où le chômage est encore important, l’obligation d’accepter les heures supplémentaires revient à limiter la possibilité d’embauche ou de passage à temps plein des salariés à temps partiel subi ; ceux-là aimeraient bien travailler plus, mais, comme par hasard, on ne le leur propose jamais !
M. le président. L'amendement n° 237, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-11 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'exécuter des heures supplémentaires n'est pas constitutif d'une faute et ne peut être considéré comme un motif de licenciement.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps l’amendement n° 257, qui porte sur l’article 17.
Dans le discours qu’il a prononcé à Saint-Quentin le 25 janvier 2007,…
M. Guy Fischer. …Nicolas Sarkozy affirmait : « Je propose de supprimer les charges et les impôts sur les heures supplémentaires pour que ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus soient encouragés à le faire, sans que personne n’y soit obligé. »
C’est déjà ce qu’il disait le 1er décembre 2006 devant les hôteliers : « Mon programme, c’est de garantir à chacun la liberté du travail. Mon projet de société, c’est le libre choix. Si quelqu’un refuse de travailler plus de 35 heures, libre à lui. Cela est respectable. Mais il est profondément injuste que ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus ne puissent le faire. »
Vous le voyez, monsieur le ministre, je reviens aux fondamentaux !
Quelle est la réalité de cette liberté dont Nicolas Sarkozy fait si souvent l’éloge ?
Si un salarié prend la liberté de refuser d’exécuter les heures supplémentaires, ce refus peut constituer un motif de licenciement, voire une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat sans préavis. La gravité de la faute s’apprécie en fonction de la justification de la demande de l’employeur et des raisons du refus du salarié.
En effet, la chambre sociale de la Cour de cassation, dans une jurisprudence déjà ancienne, considère que le refus du salarié d’effectuer des heures supplémentaires constitue une faute. Cependant, le refus ne peut être considéré comme une cause réelle et sérieuse de licenciement si le salarié a été prévenu tardivement et si son refus est exceptionnel.
Ce n’est donc qu’exceptionnellement que le refus d’effectuer des heures supplémentaires est légitime. Il en va ainsi si l’employeur n’a pas rempli ses obligations. Par exemple, si les heures demandées excèdent la durée maximale du travail ou si l’employeur ne règle pas les heures supplémentaires, il est alors possible de s’y opposer.
Afin que le salarié puisse refuser de faire des heures supplémentaires sans être licencié, nous souhaitons que son refus ne soit pas constitutif d’une faute et ne puisse être considéré comme un motif de licenciement.
Ce n’est là qu’un maigre garde-fou face aux effets pervers de votre réforme sur les conditions de travail des salariés. En effet, loin de permettre à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus, votre réforme va aggraver le phénomène des heures supplémentaires contraintes, dont l’employeur décide seul, et que le salarié ne peut ni refuser ni exiger. Dans nombre d’entreprises, ces heures sont imposées pour les besoins de la production. Le volontariat reste l’exception en la matière !
Ainsi, la plupart des salariés dont le temps de travail est le plus important et le salaire le plus bas ne tireront aucun bénéfice de vos mesures ; au contraire, ils les subiront de plein fouet. L’allongement du temps de travail affectera non seulement les salaires, tirés vers le bas, mais aussi l’embauche et les conditions de travail, de vie et de santé.
Enfin, à une époque où le chômage est trop important, où il ne diminue bien souvent qu’artificiellement, avec la multiplication des temps partiels…
M. Guy Fischer. … et la précarité,…
M. Guy Fischer. Eh bien, je ne vous crois pas !
… l’obligation d’accepter les heures supplémentaires revient à limiter la possibilité d’embauche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vais apporter une réponse unique sur ces deux amendements.
Le texte que nous examinons ne change rien, de ce point de vue, à la situation actuelle : aujourd'hui, la décision d’effectuer des heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l’employeur. Il ne faut pas faire croire que nous ajoutons quoi que ce soit à cet égard ; ce n’est pas vrai.
Par ailleurs, le salarié peut refuser d’effectuer des heures supplémentaires si l’employeur décide d’y recourir à la toute dernière minute, et nous y avons été très attentifs. Chacun a sa vie, des rendez-vous. Je considère que, dans un tel cas de figure, l’employeur abuse de son pouvoir de direction.
Mais imaginons que l’entreprise doive faire face à une grosse commande et respecter certains délais. Alors, oui, c’est sûr, il faudra faire des heures supplémentaires ! Le patron sait bien qu’il doit livrer dans tel ou tel délai ! C’est comme cela que l’entreprise pourra continuer à vivre et qu’il n’y aura pas de chômeurs.
En tout état de cause, il faut bien que le patron organise la vie de l’entreprise ; c’est lui qui décide du moment auquel il a besoin que son personnel fasse des heures supplémentaires. Et croyez bien que, s’il n’en a pas besoin, il ne lui demandera pas de faire des heures supplémentaires !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.
Je veux cependant préciser que, tout à l’heure, M. Fischer a omis de citer un membre de phrase au sujet de la jurisprudence de la Cour de cassation. Certes, le refus d’un salarié d’accomplir des heures supplémentaires est considéré comme une faute, mais seulement si ce refus est « sans motif légitime », précision qui figure noir sur blanc et qui change beaucoup de choses.
M. le président. L'amendement n° 238, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-11 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'inspecteur du travail peut interdire le recours aux heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires, notamment en vue de permettre l'embauche de travailleur sans emploi.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je présenterai brièvement cet amendement puisqu’il reprend partiellement les dispositions que nous avons déjà défendues tout à l’heure concernant l’inspection du travail.
Je veux simplement rappeler au ministre l’engagement international de la France, issu de la quatre-vingt-unième convention de l’inspection du travail, qui précise : « Le système d’inspection du travail sera chargé d’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession telles que les dispositions relatives à la durée du travail, au salaire, à la sécurité, à l’hygiène et au bien-être. »
Vous comprendrez que nous soyons très attachés à l’information que doit donner l’employeur à l’inspecteur du travail en cas de dépassement du contingent d’heures supplémentaires ; c’est l’un des derniers remparts dont peuvent bénéficier les salariés en matière de protection de leur santé et de leur sécurité dans leur emploi.
L’amendement n° 238 allant un peu au-delà de celui que nous avons défendu précédemment, je connais déjà l’avis de la commission. En effet, il tend à donner à l’inspecteur du travail le pouvoir d’interdire le recours aux heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel, c’est-à-dire au-delà de 220 heures, notamment en vue de permettre l’embauche de travailleurs sans emploi.
Vous évoquiez tout à l’heure, monsieur le rapporteur, les heures supplémentaires et les commandes arrivant au dernier moment. Je vous rappelle que, dans notre pays, les types d’emplois sont très variés, qu’il y a aussi des intérimaires, des salariés sous contrat à durée déterminée. Une entreprise peut toujours faire appel à du personnel intérimaire en présence d’une charge de travail supplémentaire.
Le contingent de 220 heures supplémentaires par salarié semble donc largement suffisant. Au-delà, le travail peut être partagé, d’autant que de nombreuses personnes aimeraient travailler elles aussi. C’est la possibilité que nous leur offrons à travers cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Faire appel à du personnel extérieur n’est pas forcément chose aisée. À titre d’exemple, certaines entreprises situées dans le département des Yvelines produisent des pièces extrêmement complexes, notamment pour l’aéronautique. En cas de besoin soudain en personnel ayant des compétences très précises, elles ne peuvent pas faire appel à une agence d’intérim ou à l’ANPE. Mais je ne veux pas polémiquer !
Vous voulez encore une fois faire intervenir l’inspecteur du travail. Je vous ai déjà dit tout à l’heure que nous souhaitons qu’il fasse autre chose. Vous avez évoqué la santé des salariés. Eh bien, je souhaite que les inspecteurs du travail soient effectivement appelés à se montrer un peu plus attentifs dans ce domaine. En revanche, je ne veux pas qu’ils soient employés à effectuer des contrôles, à étudier des papiers, à consulter des chiffres sur leur écran d’ordinateur, etc.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 239, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer les deuxième à dernier alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-11 du code du travail par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les heures supplémentaires accomplies à l'intérieur du contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel ou réglementaire, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire.
« La durée de ce repos est égale à 50 % de chaque heure supplémentaire accomplie au-delà de la trente-cinquième heure. Cette durée est portée à 100 % pour chaque heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Sous la pression des députés et des organisations syndicales qui ont manifesté à de nombreuses reprises contre votre projet de loi, vous vous êtes refusé, monsieur le ministre, à supprimer les repos compensateurs de remplacement, mais vous avez tout de même mis fin aux repos compensateurs obligatoires tels qu’ils étaient instaurés dans le code du travail.
Ainsi, vous avez remplacé la notion, très claire, de repos compensateur par celle, plus abstraite, de « contrepartie obligatoire en repos », ce qui laisse penser que cette contrepartie peut être financière. Or celle-ci sera d’autant plus incertaine qu’elle résultera de la conclusion d’une convention collective ou d’un accord collectif d’établissement.
Vous renvoyez, là encore, ce qui relevait jadis du droit commun, c’est-à-dire la base pour tous les salariés, à la négociation d’entreprise. Avec ce projet de loi, vous transformez un droit en une option, ce qui n’est pas pour mécontenter le patronat, on s’en doute. Vous mettez ainsi en place, bien que vous refusiez de le reconnaître, le processus d’individualisation des droits que nous dénonçons !
Qu’adviendrait-il, à l’avenir, si les partenaires sociaux ne parvenaient pas à s’entendre et si, par conséquent, aucun accord d’entreprise ou d’établissement ne pouvait être signé ? Ces entreprises ne pourront-elles pas proposer à leurs salariés des heures supplémentaires, ou bien, ce qui est plus probable, les salariés n’auront-ils droit à aucune contrepartie obligatoire en repos ? La question se pose de façon d’autant plus cruciale qu’il n’est fait mention nulle part, dans le projet de loi, d’un minimum légal. Nous sommes donc fondés à croire qu’il pourrait tout simplement ne plus y avoir ni repos compensatoire, ni repos obligatoire, puisque vous avez déjà fait passer celui-ci par pertes et profits, ni même repos compensatoire complémentaire, comme on l’appelait jadis.
Nous vous proposons, par cet amendement, d’adopter une démarche inverse en prévoyant que chaque heure supplémentaire effectuée dans le contingent légal d’heures supplémentaires ouvre droit à repos compensateur.
Il s’agit, pour nous, de préserver la santé des salariés. Nous refusons que le salarié, qui déploie sa force de travail au service de son employeur, le fasse au détriment de sa santé.
M. le président. L’amendement n° 145, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-11 du code du travail, remplacer les mots :
collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche
par les mots :
de branche étendu ou, à défaut, un accord collectif d'entreprise ou d'établissement
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il s’agit d’un amendement de repli.
Afin d’éviter le dumping social sur la fixation de la durée du travail et des droits à la contrepartie en repos, il convient de conserver, comme régulateur du droit social conventionnel, les conventions ou accords de branche – notamment les accords de branche étendus, régulateurs pour les petites entreprises –, qui doivent prévaloir sur les accords d’entreprise ou d’établissement.
C’est un amendement de cohérence par rapport à l’amendement n° 142.
M. le président. L’amendement n° 146, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-11 du code du travail, remplacer les mots :
au-delà du contingent annuel
par les mots :
à partir de la quarante et unième heure
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Jusqu’à présent, en application de l’article L. 3121-26 du code du travail, dans les entreprises de plus de vingt salariés, le repos compensateur était obligatoire, dans le contingent conventionnel ou réglementaire, à hauteur de 50 % de chaque heure supplémentaire au-delà de 41 heures et à hauteur de 100 % au-delà du contingent.
Vous faites disparaître les repos compensateurs pour les heures accomplies dans le contingent annuel. Or ce contingent sera fixé dans l’accord.
Prenons un exemple concret : l’hôtellerie-restauration a un contingent conventionnel de 300 heures supplémentaires, ce qui fait, en moyenne, quarante-trois heures par semaine. Jusqu’à présent, le repos compensateur était de 50 % par heure entre 41 et 43 heures et de 100 % au-delà de ce contingent conventionnel. L’obligation de repos ne sera due, désormais, que pour les heures supplémentaires au-delà du contingent, ce qui veut dire que les heures comprises entre quarante et une et quarante-trois heures n’ouvriront plus droit au repos compensateur.
Par elle-même, cette disposition va faire perdre à des salariés des repos compensateurs ou leur équivalent sous forme salariale : ils gagneront donc moins pour la même durée de travail. Voila l’exemple type du « travailler plus pour gagner... rien » (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), et ce, précisément, dans un secteur où il est déjà difficile d’embaucher du fait des conditions de travail, notamment la pénibilité, qui le caractérisent. Car tout est lié : on a du mal à recruter parce que les conditions de travail sont dures. Or, au lieu d’améliorer les conditions de travail ou d’accorder des avantages, on aggrave la situation des salariés. C’est paradoxal !
Je pourrais également évoquer le cas des entreprises qui fonctionnent à flux tendu, système économique qui, à quelques exceptions près, n’est pas satisfaisant.
Le dispositif que nous proposons, je le précise, ne fera pas peser de charge supplémentaire sur les entreprises de l’hôtellerie-restauration puisque c’est strictement la reproduction de ce qui se fait aujourd’hui.