Sommaire

Présidence de M. Adrien Gouteyron

1. Procès-verbal

2. Modification de l'ordre du jour

3. Communication relative à des commissions mixtes paritaires

4. Dépôt de rapports en application de lois

5. Démocratie sociale et temps de travail. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence.

Article 18

MM. Guy Fischer, Jean-Luc Mélenchon.

Amendements identiques nos  95 de M. Jean-Pierre Godefroy et 268 de Mme Annie David. – Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Annie David, MM. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ; Jacques Muller, Guy Fischer, Jean-Luc Mélenchon. – Rejet des deux amendements.

Amendements nos 96 de M. Jean-Pierre Godefroy, 168 de M. Jean Desessard et 269 de Mme Annie David. – Mme Christiane Demontès, MM. Jacques Muller, Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Luc Mélenchon. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 97 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 270 de Mme Annie David. – MM. Robert Bret, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 45 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendements nos 169 de M. Jean Desessard et 98 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jacques Muller, Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 170 de M. Jean Desessard. – MM. Jacques Muller, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Jean-Luc Mélenchon. – Rejet.

Amendements identiques nos 171 de M. Jean Desessard et 271 de Mme Annie David. – M. Jacques Muller, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 99 de M. Jean-Pierre Godefroy et 272 de Mme Annie David ; amendement n° 273 de Mme Annie David. – Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Annie David, MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 274 de Mme Annie David. – MM. Robert Bret, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 275 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 46 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 173 de M. Jean Desessard. – MM. Jacques Muller, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 174 de M. Jean Desessard. – MM. Jacques Muller, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 47 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 286 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 18

Amendement n° 48 rectifié de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 49 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 19

Amendements identiques nos 100 de M. Jean-Pierre Godefroy et 276 de Mme Annie David ; amendements nos 50 à 52 de la commission et 101 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mmes Christiane Demontès, Annie David, MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Muller, Guy Fischer, Robert Bret. – Rejet des amendements nos 100, 276 et 101 ; adoption des amendements nos 50 à 52.

Adoption de l'article modifié.

Article 20

Amendements identiques nos 102 de M. Jean-Pierre Godefroy et 277 de Mme Annie David ; amendements nos 53 à 57 de la commission et 278 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre Mme Annie David. – Rejet des amendements nos 102 et 277 ; adoption des amendements nos 53 à 57, l’amendement no 278 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article 21

Amendements nos 103 de M. Jean-Pierre Godefroy, 58 de la commission et 279 de Mme Annie David. – Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet de l’amendement no 103 ; adoption de l'amendement no 58 rédigeant l'article, l’amendement no 279 devenant sans objet.

Article 22

Amendements identiques nos 104 de M. Jean-Pierre Godefroy et 280 de Mme Annie David ; amendements nos 289 du Gouvernement, 59 rectifié bis de la commission et 191 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Gisèle Printz, Annie David, MM. le ministre, le rapporteur, Mme Catherine Procaccia. – Retrait de l’amendement no 191 rectifié bis ; rejet des amendements nos 104 et 280 ; adoption des amendements nos 289 et 59 rectifié bis.

Adoption de l'article modifié.

Article 23

Amendements nos 281 et 282 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l’article 23

Amendements nos 188 rectifié et 187 rectifié de M. Serge Dassault. – MM. Serge Dassault, Jean-Pierre Fourcade, le rapporteur, le ministre. – Retrait des deux amendements.

Vote sur l’ensemble

Mme Annie David, MM. Jean-Pierre Fourcade, Jacques Muller, Mmes Christiane Demontès, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Jean Desessard, Guy Fischer, le rapporteur, le ministre.

Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

6. Commission mixte paritaire

7. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

8. Dépôt de rapports

9. Dépôt de rapports d'information

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a avancé à la fin de l’ordre du jour de la soirée du mercredi 23 juillet la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, initialement inscrite le jeudi 24 juillet au matin.

En conséquence, le Sénat ne siégera pas le jeudi 24 juillet.

Acte est donné de cette communication.

3

Communication relative à des commissions mixtes paritaires

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

J’informe également le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007 est également parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

Dépôt de rapports en application de lois

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, en application de l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, de M. Alex Türk, président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le rapport pour 2007 de cette commission.

M. le président du Sénat a également reçu, en application de l’article 72 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006, de M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, le rapport pour 2008 de cet organisme.

M. le président du Sénat a enfin reçu, en application de l’article L. 111-11 du code de la sécurité sociale, de M. Michel Régereau, président de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, le rapport comportant les propositions des trois caisses nationales relatives à l’évolution de leurs charges et produits.

Acte est donné du dépôt de ces trois rapports.

Le premier sera transmis à la commission des lois et les deux suivants à la commission des affaires sociales. Ils seront tous trois disponibles au bureau de la distribution.

5

Organisation des débats (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
Article 18

Démocratie sociale et temps de travail

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (nos 448 et 470).

Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 18.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
Articles additionnels après l'article 18

Article 18

I. - La section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi rédigée :

« Section 1

« Répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année

« Art. L. 3122-1. - Sauf stipulations contraires d'un accord d'entreprise ou d'établissement, la semaine civile débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.

« Art. L. 3122-2. - Un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année. Il prévoit :

« 1° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaire de travail ;

« 2° Les limites pour le décompte des heures supplémentaires ;

« 3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période.

« Sauf stipulations contraires d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, d'une convention ou d'un accord de branche, le délai de prévenance en cas de changement de durée ou d'horaires est fixé à sept jours.

« À défaut d'accord collectif, un décret définit les modalités et l'organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d'une semaine.

« Art. L. 3122-3. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 3122-2 dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l'organisation du temps de travail peut être organisée sur plusieurs semaines par décision de l'employeur.

« Art. L. 3122-4. - Lorsqu'un accord collectif organise une variation de la durée de travail hebdomadaire sur tout ou partie de l'année ou lorsqu'il est fait application de la possibilité de calculer la durée du travail sur une période de plusieurs semaines prévue par le décret mentionné à l'article L. 3122-2, constituent des heures supplémentaires, selon le cadre retenu par l'accord ou le décret pour leur décompte :

« 1° Les heures effectuées au-delà de 1 607 heures annuelles ou de la limite annuelle inférieure fixée par l'accord, déduction faite, le cas échéant, des heures supplémentaires effectuées au-delà de la limite haute hebdomadaire éventuellement fixée par l'accord et déjà comptabilisées ;

« 2° Les heures effectuées au-delà de la moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence fixée par l'accord ou par le décret, déduction faite des heures supplémentaires effectuées au-delà de la limite haute hebdomadaire fixée, le cas échéant, par l'accord ou par le décret et déjà comptabilisées.

« Art. L. 3122-5. - Quand l'employeur examine la demande de modification d'horaire ou du rythme de travail émanant d'un salarié, il prend en compte les besoins respectifs de flexibilité du salarié et de l'entreprise. »

II. - La sous-section 8 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre Ier de la troisième partie du même code est abrogée.

III. - Les accords conclus en application des articles L. 3122-3, L. 3122-9, L. 3122-19 et L. 3123-25 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’article 18 dont nous abordons l’examen est une étape supplémentaire dans votre processus de dérégulation, de déréglementation, de « détricotage » du code du travail.

Après avoir imposé le forfait à toutes les salariées et à tous les salariés autonomes, vous prévoyez maintenant, excusez du peu, de généraliser l’annualisation, alors que nous connaissons les effets néfastes de ce mode d’organisation non seulement sur la vie privée des salariés, mais également – faut-il le rappeler ? – sur le pouvoir d’achat de ces derniers.

Nous le savons bien, ce projet de loi permettra à un employeur de calquer la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle du salarié sur le plan de travail de l’entreprise, autrement dit de faire peser sur la vie du salarié, et jamais dans un sens favorable, les conséquences du taux de remplissage des carnets de commandes de l’entreprise. Si ce n’est pas faire prédominer l’économique sur l’humain, je ne vois pas ce que c’est !

Chers collègues, si vous adoptiez cet article 18, cela aurait pour conséquence de faciliter la mise en place de l’annualisation et de la modulation des horaires de travail des salariés, et d’étendre ces mesures.

Monsieur le ministre, pour y parvenir, vous ne proposez rien de moins que la suppression d’une étape importante dans la mise en place de ce processus, à savoir la négociation obligatoire de ce plan incitatif. C’est à croire qu’il s’agissait là d’un verrou tel que son maintien était insupportable pour vos amis du MEDEF et de la CGPME !

Fort heureusement pour le patronat, une bonne nouvelle – antisociale, bien entendu – ne venant jamais seule, vous prévoyez également de supprimer la justification jusqu’alors nécessaire, fondée sur les exigences économiques et sociales. De cela, vous faites table rase. L’entreprise pourra, demain, imposer à ses salariés une annualisation ou une modulation des horaires de travail, alors que ni l’activité économique, ni le développement des marchés, ni même les bons de commandes ne nécessitent l’adoption de telles mesures.

Alors, me rétorquerez-vous, l’entreprise qui n’aurait pas besoin de ce type d’organisation n’y aura pas recours et vous ferez prévaloir le bon sens ; je vous entends déjà ! Mais, dans l’hypothèse inverse, pourquoi avoir retiré ces préalables – ces précautions ! – actuellement en vigueur ?

Les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont, sur cette disposition, la même analyse que sur les heures supplémentaires. Nous doutons fort qu’une entreprise propose 235 heures supplémentaires, alors que la moyenne actuelle, je le rappelle, est de 55 heures ! Nous sommes opposés par principe à cette disposition, précisément parce que son insertion dans le projet de loi est un principe pour l’UMP.

Vous savez que bon nombre d’entreprises n’auront pas recours à cette nouvelle version allégée de l’annualisation. Mais, ce qui compte pour vous, c’est de permettre à toutes les entreprises d’y avoir recours au cas où elles le souhaiteraient. Ce qui compte, ce ne sont pas tant les résultats – j’en veux pour preuve les « contrats seniors », dont seuls vingt ont été signés ! –, que la possibilité d’avoir modifié le droit pour tout rendre possible.

En somme, votre projet, votre position de principe, c’est la déréglementation dans tous les domaines pour favoriser l’initiative individuelle, quitte à ce que celle-ci se fasse sur le dos des salariés les plus précaires !

Pour conclure, je voudrais démontrer l’incohérence qu’il y a à formuler cette proposition et à annoncer partout vouloir renforcer les sanctions contre les parents défaillants – certaines familles sont en effet accusées de ne pas s’occuper assez de l’éducation de leurs enfants. J’espère, monsieur le ministre, que vous m’apporterez une réponse claire et sincère sur ce point.

Comment concevoir une vie familiale harmonieuse, constante,...

M. Robert Bret. Épanouie !

M. Guy Fischer. ... épanouie, en effet, et de qualité, quand l’un des parents –  voire les deux ! – a une vie professionnelle sans repères, avec des horaires très variables, et parfois totalement déconnectée du rythme naturel de vie des enfants ? Il s’agit pour nous d’une incohérence à propos de laquelle nous aimerions bien entendre le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ah !

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, je suis heureux du plaisir que ma présence inspire au rapporteur, qui a sans doute craint un instant que je ne puisse lui donner la répartie, compte tenu d’un lamentable accident de lunettes dont j’ai eu à souffrir il y a un instant. (Sourires.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Il a cassé ses lunettes en deux !

M. Jean-Luc Mélenchon. Mais voilà, rien ne me désarme, cher rapporteur ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 18 porte sur l’annualisation du temps de travail avec les nouveaux dispositifs d’aménagement que comporte la loi. Il convient, selon moi, d’en dire deux choses.

D’abord, je suis parfaitement capable, comme beaucoup d’autres, de comprendre que, pour certains types d’activités économiques, l’annualisation peut être un calcul du temps de travail jugé plus convenable. Je n’en suis pas sûr, mais j’admets l’hypothèse ! Quoi qu’il en soit, j’observe que l’application de cette annualisation a été, dans de nombreuses circonstances, étendue à des domaines dans lesquels elle ne s’imposait nullement comme mode de calcul du temps de travail !

Selon moi, il faut respecter des cycles communs, afin que les êtres humains aient une vie commune, la vie de famille, par exemple. Or, pour les salariés, l’annualisation est un brise-reins, car elle ne permet pas de respecter ces cycles auxquels, pour ma part, je suis attaché.

Quand, au sein d’une famille, les parents travaillent sous le régime du temps annualisé, il est fréquent que le foyer familial ne soit plus qu’une espèce d’hôtel-restaurant fréquenté par des personnes qui se croisent plus qu’elles ne vivent ensemble. Par principe, et je ne veux pas m’en cacher, je ne suis donc pas du tout favorable à l’annualisation du temps de travail.

Au demeurant, le professeur Roger Sue, qui enseigne non loin d’ici, à l’université de Paris V-Sorbonne, a écrit un magnifique ouvrage sur le temps en général. J’en parle avec d’autant plus de facilité qu’il n’est pas de mon bord politique ! Il y montre que, le temps étant une propriété de l’univers social, et non pas seulement un arrière-plan, il répond aux normes qui sont celles de l’univers social et aux rapports de force qui les constituent. Il y a un temps dominé et un temps dominant. Il y a donc un temps des dominants et un temps des dominés !

C’est ainsi que se présente l’annualisation du temps de travail. Il faut rappeler cependant que, si nous l’avions nous-mêmes prévue dans les lois Aubry, bien que nous ayons émis sur ces travées – y compris votre serviteur – des critiques et des réserves, c’était en contrepartie des 35 heures. Il y avait eu une négociation ; c’était « donnant-donnant » !

En l’espèce, c’est tout le contraire, puisqu’il n’y a plus de 35 heures ni de rattrapage.

Examinons les conditions dans lesquelles on pourra recourir à l’annualisation.

La protection de la loi ? Elle n’existera plus après l’adoption de ce texte. La protection de la branche ? Elle disparaîtra également, puisque l’accord de branche n’interviendra qu’à défaut d’un accord d’entreprise.

Autrement dit, c’est à l’échelle de l’entreprise – au plus près du terrain, direz-vous, mais il s’agira du terrain de la production et non de celui de la vie sociale, donc au plus près des besoins de la production – que sera « calé » le temps de travail de chacun.

Bien sûr, on peut se dire, de loin, que tout cela va s’arranger dans le meilleur des mondes, d’après la seule raison pure. Je ne le crois pas. Même s’il n’est pas cet homme brutal qui ne pense qu’à son carnet de commandes, car je veux bien que ce soit un cas isolé, en définitive, l’employeur y pensera tout de même et c’est lui qui fera la loi, au détriment de ses employés !

Comment voulez-vous, sans la protection de la loi ou d’un accord de branche, pouvoir négocier de gré à gré sur des sujets comme ceux qui sont visés dans cette partie du texte ?

L’annualisation du temps de travail résultera d’un accord collectif d’entreprise. Comme je l’ai dit, tout se passe dans l’entreprise. Cet accord inclut en outre des choses qui peuvent paraître insignifiantes vues de loin, dans un bureau, à l’endroit où l’on écrit une loi, mais qui, dans le concret de l’existence, ont une importance absolument décisive. Lesquelles ? Écoutez bien.

C’est au niveau de l’entreprise que sera fixé le délai de prévenance s’agissant des changements de durée ou d’horaires de travail. Il s’agit en clair de décider combien de temps à l’avance on prévient l’employé du nombre d’heures qu’il effectuera les jours suivants et l’organisation de son travail à venir. Tout cela bouleverse complètement la vie des salariés. Un jour, on travaillera quatre heures, le lendemain, huit, et, le surlendemain, dix !

Or tout cela dépendra de quoi ? D’une négociation de gré à gré dans l’entreprise…C’est véritablement abandonner les employés à des logiques qui sont peut-être celles de la production, mais qui ne sont certainement pas celles de la vie humaine.

M. Bernard Vera. Très bien !

M. Jean-Luc Mélenchon. Dans les mêmes conditions, en vertu du troisième alinéa, c’est au niveau de cet accord et dans l’entreprise que seront prises en compte, pour la rémunération des salariés, les absences ainsi que les heures d’arrivée et de départ en cours de période. C’est l’ouverture à l’arbitraire le plus total ! (M. le ministre s’entretient avec M. le secrétaire d État.) Monsieur le ministre, je vois que vous êtes captivé par mon argumentation, et je vous en remercie ! (Rires ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

Dans un instant, vous me ferez sans doute des réponses précises sur la manière dont le Gouvernement envisage les conditions de vie dans l’entreprise du malheureux quidam qui, à cette échelle, s’entendra signifier ces changements sans pouvoir dire non, menacé d’être remplacé séance tenante par tous ceux qui se pressent pour prendre sa place. Comment ce travailleur, comment cette travailleuse, pourra-t-il continuer à mener une vie tout simplement normale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Bernard Vera applaudit également.)

M. le président. Je rappelle, mes chers collègues, que, pour la clarté des débats, la commission des affaires sociales a demandé l’examen séparé des deux amendements identiques de suppression.

L'amendement n° 95 est présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 268 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l’amendement n° 95.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Avec l’article 18, les dispositifs d’aménagement du temps de travail que sont la modulation, l’annualisation et le temps partiel modulé sont unifiés.

Conjointement, cet article instaure une simplification des divers dispositifs d’aménagement du temps de travail négocié, via un encadrement unique, et réduit au minimum des accords organisant le temps de travail.

Ainsi, dès lors qu’il s’agira d’organiser ce temps de travail au-delà d’une semaine et sur une année, c’est l’accord d’entreprise qui prédominera. Or, nous l’avons dit et redit, 80 % de nos entreprises sont dépourvues de représentation syndicale, et c’est bien évidemment la logique de subordination caractérisant le contrat de travail qui jouera à plein dans de telles négociations.

Jusqu’alors, les salariés bénéficiaient de garanties minimales de protection, lesquelles devaient faire l’objet de dispositions obligatoires au sein d’accords collectifs encadrant la modulation du temps de travail. Cette protection, pourtant nécessaire, disparaît.

Il en va de même pour ce qui concerne l’encadrement par accord collectif des temps partiels modulés sur toute l’année ou sur une partie seulement. Ne subsistera donc que le délai de prévenance prévu en cas de changement de durée ou d’horaire de travail. À défaut d’accord collectif, ce dernier, rétabli in extremis, sera de sept jours.

Enfin, et ce sont sans doute les dimensions les plus importantes de cette disposition, l’employeur n’aura désormais plus à justifier par des arguments économiques et sociaux le recours à la modulation du temps de travail, qui pourra donc être généralisé sans aucun problème.

Monsieur le ministre, vous placez le salarié dans une position de subordination dont il ne pourra quasiment jamais se départir. Vous donnez la possibilité à l’employeur de décider des conditions d’existence du salarié et de sa famille de façon unilatérale. Qu’en sera-t-il, en effet, si l’employeur décide de faire passer son salarié des trois-huit aux quatre-huit, ce qui suppose de travailler un week-end sur deux en moyenne ? Nous savons que votre détermination à réhabiliter la « valeur travail » ne constitue qu’un prétexte pour ne pas rétribuer justement ce travail et pour en faire une variable d’ajustement parmi tant d’autres.

Aussi, vous comprendrez aisément que nous demandions la suppression de cet article 18.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 268.

Mme Annie David. Cet article 18, de manière subreptice, vise, dans les faits, à favoriser la déréglementation de la notion d’horaire collectif de travail en favorisant le recours à l’annualisation de la durée du travail.

Il est vrai que l’annualisation ne présente aucun caractère d’originalité, puisque les lois Aubry ont prévu le recours à cette forme d’organisation collective de la durée du travail, mais c’était en contrepartie de la réduction du temps de travail, et donc des 35 heures.

Le présent projet de loi, quant à lui, oublie clairement les 35 heures. En revanche, il n’omet pas d’étendre encore plus le recours à l’annualisation, en levant quelques-uns des obstacles qui s’opposaient à sa généralisation. Les motifs économiques propres à certains secteurs d’activité disparaissent, comme l’a dit tout à l’heure Guy Fischer, et l’annualisation n’est plus soumise à l’avis autorisé des services de l’inspection du travail.

Dans le schéma de l’annualisation, travailler la nuit, le week-end ou les jours fériés devient normal et est simplement déduit du volume horaire annuel prévu, sans compensation d’aucune sorte, sinon des congés quasiment forcés quand le contingent horaire est dépassé.

Mais, dans ce schéma de l’annualisation, monsieur le ministre, que deviennent les heures supplémentaires, dont vous venez pourtant, deux articles plus haut, de faciliter le développement en augmentant le contingent annuel utilisable, même bien au-delà de ce qui est nécessaire ?

S’il fallait en croire les auteurs du projet de loi, les entreprises n’auraient jamais fait preuve de la moindre capacité à s’adapter à la situation créée par la loi, n’auraient pas recouru au forfait en jours, aux heures supplémentaires, à l’annualisation, aux horaires atypiques de travail et seraient passées à côté de l’ensemble des réformes du temps de travail inscrites dans le code du travail.

Vous savez pertinemment que tel n’est pas le cas. Rien n’a jamais privé certaines entreprises, par exemple dans les secteurs de la métallurgie ou de l’automobile – PSA a déjà annoncé pour la rentrée une semaine chômée –, de recourir largement au travail posté, faisant régulièrement travailler des salariés le dimanche, et les mettant parfois, à d’autres périodes, en chômage technique.

Aujourd’hui, avec l’article 18, on nous présente comme une avancée de laisser à la négociation collective toute latitude pour fixer, y compris dans le cadre d’un accord d’entreprise et d’établissement, le recours à des modalités spécifiques d’organisation du travail.

La loi permettrait donc demain, aux patrons de PME ou aux directeurs d’usine, d’imposer à leur personnel des conditions de travail négociées sous la pression des événements et mettant en cause la nécessité même du repos. On imagine très bien comment cela se passera : un chantage à la délocalisation ou à la suppression d’emploi, contre le maintien de l’entreprise sous des conditions « rénovées » d’organisation du travail.

Quel bilan fait-on, socialement et économiquement, du recours aux horaires de travail atypiques ? Quelle efficacité économique attend-on de leur généralisation ? Aucune information n’est donnée à ce sujet.

Le seul objectif qui sera atteint, à coup à peu près sûr, c’est celui de la rentabilité du capital. Pour le reste, santé des salariés, retraite, productivité du travail, emploi et croissance, rien n’est sûr, sinon le pire !

La suppression de l’article 18 ne mettra pas un terme à la flexibilité, puisqu’elle existe, sous des conditions « encadrées », dans le code du travail, mais elle nous évitera juste d’avoir à constater, dans les années à venir, que l’emploi est à la traîne d’une improbable croissance.

Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à voter notre amendement de suppression.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur les deux amendements, qui vont, je l’ai dit tout au long de la discussion de ce texte, à l’opposé de la possibilité d’aménager le temps de travail dans l’entreprise. Or nous sommes favorables à cet aménagement.

Par ailleurs, la commission se félicite de la simplification juridique à laquelle procède le projet de loi.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Merci !

M. Alain Gournac, rapporteur. Je le répète, nous voulons libérer le travail.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Nous avons fait le choix de la simplification du code du travail, dont on parlait beaucoup, mais que l’on ne décidait jamais. Vous le savez, grâce à ce projet de loi, nous passons sur ce point de 72 à 34 articles et, pour ce qui concerne l’aménagement du temps de travail, nous passons de cinq modes à un seul, la négociation collective.

J’ai entendu dire que les salariés pourraient se voir imposer des décisions les concernant. Jamais, cela n’arrivera jamais, parce qu’il faudra toujours un préalable, celui de la négociation collective. Dans quel cadre ? Des accords, avec 30 % des salariés représentés et pas plus de 50 % d’opposition, ce qui est la meilleure des garanties pour éviter de se faire imposer quoi que ce soit.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, la simplification et la négociation sont les deux piliers sur lesquels nous avons fondé notamment cet article 18.

M. Guy Fischer. Et Goodyear?

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Cet amendement tend à supprimer un article qui a pour objet d’établir une nouvelle rédaction de la partie du code du travail portant sur la répartition de l’horaire collectif. Avec cet article, de nombreux dispositifs encadrant l’utilisation des heures supplémentaires disparaissent, notamment ceux qui figurent dans les accords de modulation.

Ce dispositif de répartition des horaires sur une année va contribuer à diminuer les revenus des personnes visées par ce texte, du moins celles qui ont la chance d’avoir une contrepartie à leurs heures supplémentaires : curieuse manière de défendre le pouvoir d’achat !

M. Xavier Bertrand, ministre. Pouvez-vous le prouver ?

M. Jacques Muller. Il existait des compensations liées aux accords de modulation qui entraient dans le cadre des négociations sur la réduction du temps de travail. Or la rédaction qui nous est proposée aujourd’hui fait disparaître ces compensations pour les salariés.

Même si certaines d’entre elles peuvent être discutées, mes collègues Verts et moi-même refusons la remise en cause pure et simple des dispositions actuellement en vigueur. Le texte qui nous est proposé constitue une régression de plus pour les salariés, qui vient s’ajouter aux reculs qui ont d’ores et déjà été consacrés par l’adoption des articles relatifs à l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires et l’extension des forfaits.

Les salariés se sont battus, des décennies durant, pour réduire, voire supprimer le travail le dimanche, le travail de nuit ou encore le trois-huit.

Aujourd’hui, vous faites exactement l’inverse : vous allez étendre le travail du dimanche, « libérer » les possibilités d’organisation du travail, en trois-huit, en quatre-huit, en horaires continus, et j’en passe.

M. Jacques Muller. Ce n’est pas un débat technique, monsieur le ministre, mais c’est bien un débat de société, un débat de fond,…

Mme Annie David. Tout à fait !

M. Jacques Muller. … car il concerne les conditions de travail, la santé et, tout simplement, la façon de vivre en société, en famille. C’est tout cela que vous êtes en train de casser, au nom de la liberté du travail !

C’est pourquoi, avec les Verts, je suis favorable à la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je n’ai jusqu’ici entendu que des affirmations gratuites. Je me suis permis de vous interpeller, monsieur Muller, pour vous demander de démontrer ce que vous venez d’asséner à l’instant. Je suis prêt à attendre le temps qu’il faudra, mais, j’en suis certain, vous n’y parviendrez pas. C’est impossible ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Les heures supplémentaires !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est tout de même très savoureux de constater que vous êtes en train de vous muer en défenseur des heures supplémentaires !

M. Xavier Bertrand, ministre. Cette conversion fait plaisir. (Applaudissements sur quelques travées de lUMP.) Certains de vos collègues vous applaudissent, et je n’en suis pas surpris ; si je le pouvais, j’en ferais de même. Conversion tardive, mais conversion salutaire (Rires sur les travées de l’UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Christiane Demontès. Nous en reparlerons dans six mois !

M. Guy Fischer. C’est de la provocation !

M. Xavier Bertrand, ministre. Par ailleurs, il faut savoir que ce sont à chaque fois les syndicats qui négocieront. Imaginez-vous un quart de seconde que des syndicats représentant les salariés signent un accord défavorable aux salariés ? Curieuse conception du dialogue social ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous ne cessez de dire que nos affirmations sont gratuites, mais répondez donc à nos questions ! Je vous ai interrogé, je vous ai demandé les données chiffrées qui nous permettraient d’évaluer les mesures que vous nous proposez. Mais en vain !

Et dire que le groupe CRC soutiendrait les heures supplémentaires, c’est faire un raccourci très rapide,…

M. Robert Bret. Caricature !

Mme Annie David. … ou plutôt caricaturer ses positions, car nous ne faisons que dénoncer le fait que le taux de majoration des heures supplémentaires passe de 25 % à 10 %.

Alors, monsieur le ministre, cessez de caricaturer les positions de notre groupe, qui ne le mérite pas, pas plus que les autres groupes siégeant dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, j’ai le sentiment que vous avez cherché à me provoquer ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Le pauvre !

M. Guy Fischer. Lorsque j’ai fait allusion aux heures supplémentaires, c’était pour dénoncer une réalité. Aujourd’hui, chaque salarié effectue en moyenne cinquante-cinq heures supplémentaires par an.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ces chiffres sont ceux de 2004 !

M. Guy Fischer. Les nouvelles dispositions feront exploser ce chiffre, mais, comme Annie David, j’ai dénoncé le fait que, par le biais d’un accord d’entreprise, on pourra désormais ne majorer que de 10 %, au lieu de 25 %, les heures supplémentaires.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est faux !

M. Guy Fischer. C’est la réalité !

M. Xavier Bertrand, ministre. Que dit aujourd’hui le code du travail, monsieur Fischer ?

M. Guy Fischer. Vous supprimez ou modifiez une soixantaine d’articles du code du travail. Pour y voir clair dans cette réforme, il faut être fort !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous ai connu plus à l’aise dans vos démonstrations, monsieur Fischer !

M. Guy Fischer. Non ! Vous faites de la provocation !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. Tout d’abord, je recommande à mes collègues siégeant sur les travées de gauche d’entendre avec mansuétude M. le ministre. Songez en effet que le piteux résultat d’hier, qui n’a été acquis que grâce aux renégats, le bouleverse ! (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.- Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)

Mme Catherine Procaccia. N’importe quoi !

M. Alain Gournac, rapporteur. Piteux, 60 % contre 40 % ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Il a fallu débaucher des parlementaires pour y arriver ! (Protestations sur les travées de l’UMP.) On peut donc comprendre que M. le ministre ne se sente pas dans sa meilleure forme ! Il doit apprendre, avec la majorité, à maîtriser sa déception !

M. Alain Gournac, rapporteur. Vous avez perdu !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous aussi, mes chers collègues. Remarquez, je vous comprends : à votre place, je me sentirais également tout piteux ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Soixante pour cent !

M. le président. Revenons aux amendements identiques, mon cher collègue !

M. Jean-Luc Mélenchon. J’y viens, monsieur le président, mais il me paraît extrêmement important de prendre en compte les considérations humaines, …

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous vous en remercions, docteur Mélenchon !

M. Jean-Luc Mélenchon… ce que je fais en soutenant les amendements de suppression de mes camarades, mais également en songeant à notre malheureux ministre qui, condamné à un travail ininterrompu, en cet instant, cède sous le poids de son angoisse politique. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) J’espère que vous goûtez mon humour, monsieur le ministre, du reste assez semblable au vôtre !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ah ! C’était de l’humour !

M. Jean-Luc Mélenchon. Plus sérieusement, monsieur le ministre, n’allez pas, une fois de plus, nous faire dire ce que nous n’avons pas dit !

Sur les travées de gauche, personne n’est assez fermé pour ne pas comprendre que des heures supplémentaires peuvent être nécessaires à telle ou telle occasion. Personne ne remet en question ce point !

Il est vrai, néanmoins, que nous ne sommes pas d’accord pour que les heures supplémentaires deviennent, une fois leur contingent débloqué et le temps de travail annualisé, la variable d’ajustement permettant de soumettre le salarié au rythme exclusif de la production. C’est sur ce point que nous sommes en opposition.

M. Jean-Luc Mélenchon. M. le rapporteur, témoignant ainsi de son esprit brillant et de la grande pertinence de ses arguments (M. Jean-Pierre Raffarin s’exclame.), affirme, comme c’est son droit, qu’il veut « libérer » le travail. Pour notre part, nous voulons libérer la personne humaine, ce qui n’est pas tout à fait la même chose ! Pour ce faire, il faut encadrer le travail, afin de respecter le cycle de la journée. Il ne faut pas contraindre les personnes, dans des délais de vingt-quatre heures ou quarante-huit heures, à changer leurs horaires de travail, parce que cela rend leur vie insupportable !

Mais récapitulons.

Premièrement, vous démolissez le plafond des heures supplémentaires. Deuxièmement, vous annualisez le temps de travail. Troisièmement, vous renvoyez le tout à un accord collectif d’entreprise et, à défaut, à un accord de branche.

Concrètement, cela signifie que chaque entreprise pourra décider de l’organisation de son temps de travail !

M. Alain Gournac, rapporteur. Bonimenteur !

M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous êtes aussi fin observateur que nous des réalités du terrain. Vous savez très bien que, face au « coup de chauffe », seule la loi protège le travailleur ! Sinon, le patron, qui n’est pas forcément un ennemi attitré, saura trouver les mots pour imposer tous les rythmes de travail que la situation pourra sembler exiger. Et le salarié ne pourra pas refuser, même s’il en a envie !

Ne nous dites pas que notre position nous conduit à nier l’importance du dialogue social et à ne pas reconnaître la place des syndicats. Non, il s’agit tout simplement d’admettre la réalité telle qu’elle est et de protéger en conséquence le travailleur, soit par la loi, soit par la convention de branche, c'est-à-dire par une norme suffisamment éloignée du rapport personnel pour pouvoir s’imposer.

Ce principe est aussi vieux que la France elle-même ! Les rois de France étaient aimés et ont réussi à imposer leur autorité pour la simple raison que la justice du roi était une justice d’appel, qu’elle était éloignée. Quant à la « basse justice », celle du seigneur féodal, la population locale n’avait qu’une peur, c’était de tomber entre les mains du juge local !

Cette réalité n’a pas changé. Pour être protégé, il faut que la norme vienne de loin ; quand elle vient de trop près, vous la prenez dans la figure !

M. Jean-Pierre Raffarin. Nous sommes en République, monsieur Mélenchon !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos  95 et 268.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 96, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-2 du code de travail, remplacer les mots :

Un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche

par les mots :

Une convention ou un accord collectif de branche étendu ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. L’article 18 est de la même teneur que ceux qui le précèdent : il procède du même mécanisme consistant à faire primer l’accord d’entreprise. Ce faisant, il porte atteinte aux dispositifs d’aménagement du temps de travail qui avaient été patiemment négociés jusqu’à présent et étaient de nature à reconnaître de grands principes tels que la modulation, l’annualisation, le temps partiel modulé et le travail par cycles, en y substituant un encadrement unique, qui réduit au minimum les accords organisant le temps de travail.

Qui d’étonnant, il est vrai, puisque la seconde partie du projet de loi a été élaborée sans les syndicats, sans négociations !

À défaut d’avoir pu obtenir la suppression de l’article 18, nous souhaitons que la fixation de la modulation du temps de travail se fasse par accord collectif de branche étendu, ce qui permet de tenir compte des impératifs économiques de la branche et d’éviter un dumping entre entreprises d’une même branche. En effet, l’accord de branche joue un rôle régulateur indispensable et le rapport des forces y est généralement moins défavorable aux salariés.

Depuis le début de la discussion de la seconde partie du projet de loi, vous dites, monsieur le ministre, vouloir placer la négociation au niveau de l’entreprise. Selon vous, c’est ainsi qu’on « colle » le mieux à la réalité et à la diversité des structures industrielles. Nous ne nions pas que les exigences en matière d’organisation du temps de travail sont différentes selon les entreprises. Mais, globalement, vous devriez reconnaître que les entreprises d’un même secteur rencontrent des contraintes communes. C’est d’ailleurs à cet égard que l’accord de branche trouve toute son utilité.

Ramener systématiquement la négociation au niveau de l’entreprise, c’est l’atomiser, ce qui risque, finalement, de provoquer plus de désorganisation que d’organisation.

Nous n’acceptons donc pas que l’accord de branche puisse être subsidiaire par rapport à l’accord d’entreprise.

M. le président. L'amendement n° 168, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-2 du code du travail, remplacer les mots :

collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche

par les mots :

de branche étendu ou, à défaut, un accord collectif d'entreprise ou d'établissement

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Une nouvelle fois, la rédaction proposée par le projet de loi inverse la hiérarchie des normes sur laquelle repose le code du travail.

Le principe de faveur qui permettait aux salariés de bénéficier des dispositions plus favorables d’un accord de branche est abandonné au profit de l’application obligatoire de l’accord d’entreprise, même si celui-ci est plus défavorable.

Cette inversion de la hiérarchie des normes est une première. Ce point a déjà été développé par mon collègue Jean Desessard lors de la défense des amendements que nous avons déposés sur les articles 16 et 17.

Nous sommes donc bel et bien face à une rupture, notion si chère au Président de la République, une rupture il est vrai historique…qui nous propulse un siècle en arrière !

M. le président. L'amendement n° 269, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 3122-2 du code du travail, après les mots :

un accord de branche

insérer le mot :

étendu

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement porte sur l’organisation de l’horaire collectif de travail et vise, sous les dehors d’un simple ajustement rédactionnel, à placer l’ensemble des entreprises d’une branche sur un pied d’égalité.

Comme on peut le craindre, le recours aux horaires atypiques et, donc, à une organisation pour le moins discutable du temps de travail risque en effet d’être généralisé à un grand nombre d’entreprises, avec tous les risques que cela comporte. On constate d’ailleurs que 75 % des emplois créés revêtent aujourd’hui des caractéristiques atypiques.

Un accord d’entreprise pourra donc déroger, sans risque majeur, à la règle existant dans une branche d’activité donnée, ce qui posera au moins deux problèmes.

Tout d’abord, une organisation atypique provoquera naturellement des difficultés dans la vie personnelle des salariés. À ce propos, je peux vous parler en connaissance de cause du conflit qui s’est déroulé à Vénissieux dans l’entreprise Bosch au moment du passage des 35 heures aux 40 heures.

On en viendrait presque à se demander, à la lecture de ce texte, si la droite française est encore attachée aux vertus de l’éducation des enfants par leurs parents et à l’équilibre de la vie familiale ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Si mes propos peuvent paraître exagérés, il me semble cependant légitime de nous poser la question. Nous le ressentons tous dans nos vies personnelles, il est nécessaire de trouver une certaine régulation, qui garantisse sérénité et dignité.

Ensuite, la multiplication d’accords d’entreprise ou d’établissement conduira immanquablement à créer les conditions d’une concurrence déloyale entre entreprises du même secteur. C’est ce que nous vous proposons d’éviter.

Il ne faudrait pas qu’au trouble né du démantèlement de la notion de durée légale du travail nous ajoutions celui de la tension entre entreprises engagées dans une compétition de type concurrentiel.

C’est dans cet esprit que nous vous invitons à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Permettez-moi, monsieur le président, de m’adresser d’abord à M. Mélenchon. Cher collègue, vous aimez bien tourner les autres en dérision, mais faites très attention, car, quand on donne des leçons de respect, il faut commencer par le pratiquer soi-même ! Je n’en dirai pas plus.

M. Jean-Pierre Raffarin. Cela veut dire qu’il faut respecter M. Lang ! 

M. Alain Gournac, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 96, la commission y est bien évidemment défavorable. Nous avons déjà beaucoup débattu la semaine passée sur ce sujet : nous voulons donner la priorité à l’accord d’entreprise.

Pour les mêmes raisons, la commission est également défavorable à l’amendement n° 168, tout comme à l’amendement n° 269, qui vise l’accord de branche étendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote sur l'amendement n° 96.

M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur Mélenchon, je tiens à vous dire que les élus de la majorité sont très heureux au lendemain d’une grande réforme institutionnelle qui a été votée par 60 % des parlementaires.

Ne voyez donc pas autre chose dans notre combat que l’expression de nos convictions, lesquelles nous conduisent à œuvrer pour l’assouplissement des 35 heures.

J’ai d’autant mieux entendu vos arguments que j’avais moi-même appliqué ce que vous préconisez aujourd'hui, il y a quelques années de cela, lorsque nous avions fait le premier texte pour l’assouplissement des 35 heures ! Je me souviens encore de tous ceux qui nous conseillaient de laisser les branches décider, de négocier au niveau des branches, de ne pas choisir l’échelon de l’entreprise…

Nous avons donc fait en sorte que les branches aient la vraie responsabilité de la négociation, M. Gournac s’en souvient. Résultat ? Très peu de négociations !

Si, aujourd’hui, nous retenons l’accord d’entreprise, c’est parce que, dans les branches, la négociation n’a pas été fertile ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. Je crains de m’être mal fait comprendre : je n’ai que de l’estime pour M. le rapporteur.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous voilà rassurés !

M. André Dulait. Ah ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Je croyais avoir fait quelques progrès et m’être fait à vos méthodes : étant de gauche, comme vous le savez, je suis un rustre ! (Nouveaux sourires.). Le président Fourcade m’a assez prodigué de leçons de maintien, dans les premiers temps de mon arrivée au Sénat, et je pensais qu’en étant un peu obséquieux cela passait mieux ! (Nouveaux sourires.)

M. Paul Blanc. Ce n’est pas une explication de vote !

M. Jean-Luc Mélenchon. Mais, monsieur Gournac, je n’ai que de l’estime pour vous et je m’honore de pouvoir le dire publiquement !

Cela étant, je suis obligé de vous dire que vous ne nous avez pas convaincus ! Vous voyez, je n’emballe pas, cette fois-ci, et je vous le dis tout net. (Sourires.)

Plus sérieusement, quoique ce qui précède était bien sérieux, monsieur Gournac, et je tiens à le redire, lorsque M. Raffarin nous explique que, si l’on s’oriente vers le choix de l’accord d’entreprise, c’est parce que l’on n’a pas obtenu d’accords de branche, je m’interroge : et s’ils ne veulent pas, dans l’entreprise, que fera-t-on ? On ira vers le gré à gré ? Mais c’est alors très grave !

M. Jean-Pierre Raffarin. Ils n’ont pas voulu négocier !

M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est pas un argument, cher Premier ministre.

Si nous estimons que, du point de vue de l’intérêt général, il faut qu’il y ait la loi et l’accord de branche, ils doivent discuter ! Et, si ce n’est pas l’accord de branche, alors c’est la loi, cher Premier ministre !

M. Jean-Pierre Raffarin. Si ce n’est pas la loi, c’est l’entreprise !

M. Jean-Luc Mélenchon. Mais c’est quand on renverse l’ordre que cela ne fonctionne plus !

Quand ce n’était pas la branche, c’était la loi ; désormais, quand ce ne sera pas la branche, ce sera l’entreprise. Et, à défaut d’accord d’entreprise, que fait-on ? Eh bien, c’est le gré à gré !

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est la loi !

M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà pourquoi, monsieur Raffarin, je pense que votre argument ne peut pas être retenu à cet instant. Et c’est la raison pour laquelle mon vote est ce qu’il est.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 168.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 269.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-2 du code du travail par les mots :

, le programme indicatif de la modulation du temps de travail pour chacun des services ou ateliers, et le cas échéant, les calendriers individualisés d'activité des salariés

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement se situe dans la même lignée que plusieurs autres qui l’ont précédé. Il est essentiel pour permettre la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.

En effet, nous souhaitons que les salariés puissent avoir une capacité à anticiper leur propre vie, à avoir une visibilité sur l’organisation de leur travail. Pour bien travailler, le salarié doit pouvoir avoir une vie personnelle, une vie familiale. Si nous ne prenons pas en compte cet élément important que représente la vie familiale, la vie pour soi, je ne vois pas comment le salarié peut être efficace dans son travail.

Il est donc essentiel que les accords de modulation du temps de travail soient les plus précis possible et qu’ils mentionnent le programme indicatif de la modulation du temps de travail pour chacun des services ou ateliers, et, le cas échéant, les calendriers individualisés d’activité des salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Nous essayons d’alléger le code du travail, de le rendre simple et synthétique, parce qu’il est difficile à lire. Avec cet amendement, on ajoute une précision qui, sincèrement, ne va ni enrichir ni clarifier le texte.

Notre avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 270, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-2 du code du travail, insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

« 4° Le programme indicatif de la répartition de la durée du travail ;

« 5° Les modalités de recours au travail temporaire ;

« 6° Les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation ;

« 7° Le droit à rémunération et à repos compensateur des salariés n'ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation et des salariés dont le contrat de travail a été rompu au cours de cette même période ;

« 8° Les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Comme chacun l’aura compris, l’article 18 tend, fondamentalement, à faciliter le recours au travail en continu et au travail annualisé.

Posons la question d’emblée : cette extension fait-elle l’objet d’une demande pressante du monde de l’entreprise et singulièrement des PME ?

Dans le monde de la petite entreprise, qui constitue tout de même encore aujourd’hui l’essentiel des entreprises immatriculées sur les registres légaux, le recours au travail en continu et à l’annualisation est pour le moins limité, sinon inexistant.

Dans les faits, chacun sait pertinemment que le travail à horaires atypiques est essentiellement pratiqué dans certains secteurs et dans les plus grandes entreprises, notamment industrielles.

De fait, il semble bien que la mesure que l’on nous propose aujourd’hui risque fort de conduire à créer un nouvel avantage comparatif pour les entreprises les plus importantes, au détriment des petites et moyennes, qui sont d’ailleurs souvent leurs fournisseurs comme entreprises sous-traitantes.

Pour ne prendre que le recours au forfait en jours, comment ne pas relever que, si 10,2 % des salariés des entreprises de plus de dix salariés sont concernés par ce dispositif, ce n’est qu’à partir d’unités de plus de cent salariés que cette proportion moyenne est observée ?

En clair, plus l’entreprise est grande, plus le recours aux horaires atypiques ou aux modalités différenciées d’organisation du travail est fort. On a ainsi 2,2 % de salariés au forfait en jours dans les entreprises de dix à dix-neuf salariés et 14,6 % dans les entreprises de plus de cinq cents salariés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes ! D’ailleurs, vous les connaissez, monsieur le ministre, ce sont ceux de l’enquête ACEMO, ou activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre, pour le 1er trimestre 2008 !

La loi que vous nous proposez n’impose plus rien ! De fait, la vie et la santé des salariés sont sacrifiées, une fois de plus, sur l’autel de la rentabilisation des investissements et du capital en découlant. Cet article 18 se résume à cela !

Aussi, nous vous proposons, de notre côté, de donner un cadre plus précis encore au contenu de cet article pour éviter les effets d’aubaine qui ne manqueront pas de se multiplier sinon.

Notre amendement n’est pas d’une absolue originalité, je le reconnais bien volontiers. Il ne fait que reprendre en compte les paramètres aujourd’hui retenus quand il s’agit de modifier les conditions de modulation du temps de travail, en offrant quelques garanties aux salariés quant aux conditions générales d’application de cette modulation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Nous le disons et le répétons : nous souhaitons donner de la liberté aux négociateurs pour déterminer la modulation du temps de travail. Cet amendement va donc tout à fait en sens contraire, c’est pourquoi notre avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 270.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-2 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'accord s'applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Il s’agit simplement de prendre en compte le cas des salariés à temps partiel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Avis favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 169, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-2 du code du travail, remplacer les mots :

d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, d'une convention ou d'un accord de branche

par les mots :

de branche étendu ou, à défaut, d'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement a été défendu avec l’amendement n° 168.

M. le président. L'amendement n° 98, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3122-2 du code du travail, supprimer les mots :

, à défaut,

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Une fois de plus, avec cet amendement, nous espérons vous convaincre de renoncer à inverser la hiérarchie des normes et de redonner sa place à l’accord de branche.

L’accord de branche, à notre sens, est un régulateur de la négociation sociale. Ce régulateur est d’autant plus important que les difficultés économiques sont grandes. Comme la semaine dernière, je voudrais vous montrer que, si l’accord de branche est très intéressant pour les salariés, il est aussi extrêmement important pour les entreprises, notamment pour les PME.

L’accord de banche est une référence qui permet bien souvent le règlement de différends au sein de l’entreprise. En effet, pouvoir faire appel à l’accord de branche, tant pour le salarié que pour le responsable de l’entreprise, est souvent un bon moyen pour sortir d’une difficulté.

Je crains fort qu’en inversant cette hiérarchie des normes vous ne nous fassiez aborder, monsieur le ministre, en terre inconnue, là où régnera beaucoup plus la loi de la jungle que celle d’une société organisée et contractualisée !

Comme l’ont dit mes collègues avant moi, je crois que nous allons de fait, non pas vers des accords d’entreprise, mais vers des accords de gré à gré. Je voudrais insister à mon tour sur le risque de détérioration de la vie des personnes qui en résultera.

Monsieur le ministre, votre collègue de l’éducation nationale a annoncé qu’il n’y aurait plus d’école le samedi matin. Cela signifie qu’il y aura davantage de temps libre pour les enfants. Mais comment marier cette politique de l’éducation nationale avec ce que vous êtes en train de faire, c’est-à-dire des rythmes de travail très fluctuants que l’on ne peut pas obligatoirement prévoir à l’avance ?

Sous la pression des événements, comment ces temps libres de l’enfant pourront-ils être gérés par des parents qui ne sauront pas s’ils travailleront ou pas ? Comment, dans ces conditions, ces parents pourront-ils programmer pour l’ensemble de l’année les activités sportives, musicales ou autres de l’enfant, alors que c’est une nécessité quand bien même il ne s’agirait que de s’assurer que l’enfant sera accompagné ?

Il y a là une incohérence, et je crains fort que ce que l’on décide aujourd’hui ne détruise la vie des personnes et ne se mette en place qu’au détriment de la cellule familiale, sans même parler des effets désastreux que cela risque aussi d’avoir au sein des entreprises.

C’est la raison pour laquelle nous persistons à dire que l’accord de branche était certainement la meilleure solution. Rien ne nous obligeait à y toucher.

Si les accords de branche étaient aussi difficiles à passer que le prétend M.  Raffarin, il me semble qu’il appartenait au Gouvernement de reprendre la main ! Vous n’avez pas manqué de le faire auparavant : si vous vouliez vraiment des accords de branche, il fallait reprendre la main, monsieur le ministre !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Concernant l’amendement n° 169, monsieur Muller, vous poursuivez dans votre logique, nous, dans la nôtre !

Donc, comme pour les amendements nos 96 et 168 que nous avons déjà examinés, nous sommes défavorables.

En ce qui concerne l’amendement n° 98, là encore, nous souhaitons, et nous prenons nos responsabilités, donner la priorité à l’accord d’entreprise.

Nous sommes donc défavorables aux deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 170, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-2 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :

En cas de réduction de ce délai, des contreparties au bénéfice du salarié sont prévues dans la convention ou l'accord.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. L’article 18 prévoit qu’en cas de changement de durée ou d’horaires le délai de prévenance fixé à sept jours peut être réduit aux termes de l’accord.

Cette disposition est déjà présente dans l’article L. 3122 -14 du code du travail. Cependant, l’un de ses alinéas précise que des contreparties au bénéfice du salarié sont alors prévues dans la convention ou l’accord, en cas de réduction du délai de prévenance de sept jours.

Ces dispositions ont disparu. Il me semble indispensable de les rétablir. La modification des horaires d’un salarié a en effet des conséquences sur l’organisation de sa vie privée, et ce d’autant plus qu’il est averti dans un délai inférieur à une semaine : il peut avoir des enfants à garder ou bien travailler par exemple jusqu’à des heures où il n’y a plus de transports collectifs. Ses projets personnels et sa vie privée se trouvent donc ainsi perturbés.

En prévoyant des contreparties, le code du travail prenait la juste mesure des problèmes causés par la réduction du délai de prévenance.

Par ailleurs, la réduction de ce délai, certes difficile à vivre pour l’ensemble des salariés, risque de pénaliser encore davantage les femmes, notamment celles qui ont un ou plusieurs enfants à charge.

Comment vont-elles s’organiser, soit pour faire garder leurs enfants non scolarisés, soit pour trouver quelqu’un qui aille chercher ces derniers à l’école et les garde jusqu’à ce qu’elles rentrent chez elles ?

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, votre majorité, qui a fait voter voilà peu la loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, ne prend-elle pas la mesure de la régression que cet article entraîne mécaniquement pour le droit des femmes ?

Telles sont les deux raisons pour lesquelles je vous propose, mes chers collègues, de maintenir dans la loi la nécessité de négocier des contreparties au bénéfice du salarié en cas de réduction du délai de prévenance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Nous pensons, pour notre part, que nous devons faire confiance aux partenaires sociaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Annie David. Ce n’est pas contradictoire !

M. Alain Gournac, rapporteur. Oui, mes chers collègues, c’est un état d’esprit différent, je le reconnais !

Les contreparties en question seront naturellement prévues par les partenaires sociaux dans le cadre de leurs négociations.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, permettez-moi d’ajouter quelques mots aux arguments développés par mon collègue Jacques Muller.

J’ai essayé de vous expliquer tout à l’heure à quel point la disposition proposée pouvait être déstabilisante. Dès l’instant où la répartition des horaires fera l’objet d’une discussion de gré à gré dans un certain nombre d’entreprises,…

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est impossible !

M. Jean-Pierre Godefroy. …. imaginez ce que seront les conséquences pour les familles monoparentales.

Comment les hommes ou les femmes dans une telle situation pourront-ils s’organiser avec les délais de prévenance que vous proposez ? Vous allez véritablement déstructurer toute leur vie quotidienne !

Pourquoi tout cela ? Est-ce pour donner plus de liberté au travail, comme l’affirme M. le rapporteur ? La liberté au travail existe aujourd’hui, dans le cadre des rapports de force entre les salariés et les employeurs.

En réalité, vous songez non pas à la liberté au travail, mais bien à la liberté de faire travailler les gens lorsqu’ils ne le souhaitent pas, ce qui est tout à fait différent !

J’insiste beaucoup sur ce point, car je veux appeler l’attention de l’ensemble de nos collègues, au-delà des membres de la commission des affaires sociales, sur la nécessité de soulever le problème de la famille, qui est complètement absent de notre débat d’aujourd'hui sur l’organisation du temps de travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. À l’évidence, la réduction du délai de prévenance est source de difficultés pour tous les salariés. Mais elle risque de toucher encore plus durement les femmes, surtout celles qui élèvent seules leurs enfants. C’est un aspect qu’il importe de ne pas négliger.

On peut imaginer les conséquences pour ces femmes d’apprendre seulement deux ou trois jours à l’avance que leurs horaires de travail sont modifiés : elles sont confrontées à des problèmes d’organisation considérables.

Chacun sait – et j’ai pu le constater moi-même pour avoir représenté un canton où vivent nombre de familles monoparentales – que les femmes qui exercent un emploi partent travailler très tôt le matin.

Dès lors, le principal problème qu’elles doivent résoudre est celui de la garde de leurs enfants : comment s’organiser soit pour faire garder leurs enfants non scolarisés, soit pour trouver quelqu’un allant chercher ces derniers à l’école et les gardant jusqu’à ce qu’elles rentrent chez elles ?

Dans ces conditions, ne pas reprendre dans le texte les contreparties qui existent, c’est aller à l’encontre du travail des femmes dans les entreprises, comme l’a excellemment dit et répété notre collègue Martine Billard à l’Assemblée nationale.

Pourtant, la majorité a fait voter, voilà peu, la loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Il ne faudra donc pas s’étonner si aucun progrès n’est accompli en la matière avec le texte qui nous est soumis aujourd'hui.

Le problème du travail des femmes est un des points qui appellent notre vigilance, comme le travail des seniors et celui des jeunes, car, dans tous ces domaines, le présent projet de loi va à l’encontre des objectifs affichés par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur Godefroy, je suis heureuse de vous voir défendre activement la politique familiale.

Mme Gisèle Printz. Ce n’est pas nouveau !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Mme Rozier et moi-même nous réjouissions d’ailleurs mezzo voce de constater que vous vous rapprochiez de nos idées en matière de politique familiale ! (M. Guy Fischer s’exclame.)

M. Robert Bret. On n’a pas de bonne à la maison !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Lors des prochains débats que nous aurons sans aucun doute sur les modes de garde, voilà un futur point de convergence, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées de lUMP – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Paul Girod. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est aujourd'hui qu’il faut le mettre en application !

M. Guy Fischer. Le texte va à l’encontre de la politique familiale !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. Madame Hermange, vous vous méprenez totalement ! Nos points de vue sont en train non pas de se rapprocher, mais de s’éloigner ! Nous, nous allons voter un amendement au nom de la protection des droits de la famille, et vous, vous allez voter contre.

Mme Annie David. C’est vous, madame Hermange, qui vous éloignez !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous nous dites que nous verrons cela après. Peut-être, mais vous pouvez commencer tout de suite ! Il y a bien des sujets, madame, où vous montez en ligne avec l’énergie que l’on vous connaît ! Pourquoi pas celui-là ?

Il s’agit de protéger de pauvres diables pour leur donner la possibilité d’avoir une vie de famille normale.

Mme Catherine Procaccia. « De pauvres diables » ! Mais il n’y a pas que les pauvres diables qui travaillent !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous dites que l’on verra demain ! Mais c’est aujourd’hui qu’il faut le faire ! Votez avec nous ! (Mme Marie-Thérèse Hermange et Mme Janine Rozier rient.) Nos points de vue ne se rapprochent pas, et votre vote aujourd'hui vous éloignera de vos propres convictions !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Guy Fischer. Ils s’éloignent !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 171 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 271 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-2 du code du travail.

La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 171.

M. Jacques Muller. Le projet de loi, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, allège de manière considérable le contenu obligatoire de l’accord collectif, en offrant le choix à ses signataires de définir ou non, aux termes de cet accord, les modalités et l’organisation de la répartition de la durée du travail.

Au contraire, le texte actuellement en vigueur, beaucoup plus complet, impose de négocier le programme indicatif de la répartition de la durée du travail sur l’année.

Par conséquent, il est impensable qu’un simple décret puisse fixer la répartition des horaires, qui se doit, en effet, d’être décidée par le seul accord collectif !

Par ailleurs, je veux vous faire remarquer que cette disposition mentionne une répartition des horaires de travail par décret sur plus d’une semaine, sans poser de limite, ce qui peut donc aller jusqu’à l’année entière !

Je vous rappelle que le préambule de la Constitution de 1946 affirme ceci : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail […] ».

Quant au code du travail, son article L. 131-1 reconnaît « le droit des salariés à la négociation collective de l’ensemble de leurs conditions d’emploi, de formation professionnelle et de travail et de leurs garanties sociales ». Ce n’est donc pas à l’État de détenir ou d’accaparer le monopole de la production des normes sociales !

Dans un souci de préservation de la place accrue faite depuis des années à la négociation collective et au dialogue social, et pour ne pas rayer d’un trait ces acquis, déjà très malmenés par le présent projet de loi, je vous invite, mes chers collègues, à adopter mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 271.

Mme Annie David. Avec cet amendement, nous voulons affirmer que les modalités et l’organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d’une semaine ne relèvent pas du domaine réglementaire, mais doivent être renvoyées à la négociation des accords collectifs.

Ainsi, nous revenons à la question du recours au pouvoir réglementaire sur ce point.

Nous l’avons vu précédemment, l’article 18 vise concrètement à favoriser un recours accru à la modulation des horaires de travail, recours pouvant aller jusqu’à l’annualisation.

Nous souhaitons donc supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l’article L. 3122-2 du code du travail, qui dispose ceci : « À défaut d’accord collectif, un décret définit les modalités et l’organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d’une semaine. »

Une telle rédaction soulève évidemment des interrogations. Qui va tenir la plume du ministre quand il s’agira de définir les modalités d’application de la modulation ? S’agira-t-il des organisations syndicales représentatives de salariés, dont vous nous dites vouloir respecter la responsabilité et la légitimité, ou bien des cercles les plus fermés du patronat, qui inspirent depuis plus de quinze ans l’essence même de la législation du travail, version UMP ?

La proposition qui nous est faite est d’ailleurs un peu contradictoire : elle affirme la nécessité du dialogue social, et voilà qu’apparaît, au détour d’un alinéa, le recours au juge de paix réglementaire…

Au demeurant, pourquoi ces questions essentielles des modalités propres à la modulation relèveraient-elles du seul domaine réglementaire ? Craindrait-on de créer une controverse législative qui viendrait contrecarrer l’objectif de flexibilité débridée que vous vous fixez ?

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons évidemment que vous inviter, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La commission, ne partageant pas du tout le point de vue des auteurs des deux amendements identiques nos 171 et 271, émet un avis défavorable. En effet, le décret mentionné à l’article 18 du projet de loi est un élément utile et important pour pallier l’absence d’accord.

Le Gouvernement pourra sans doute nous donner quelques précisions quant au contenu du décret.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout d’abord, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements identiques nos 171 et 271.

Ensuite, monsieur le rapporteur, je vous indique de façon très claire qu’il n’est certainement pas dans nos intentions de prévoir une annualisation d’accès direct, par décret, sans négociations. Il s’agira, comme le précise le texte, d’une variation sur quelques semaines, avec le cycle de travail, comme aujourd’hui. L’accès direct à l’annualisation est un fantasme !

Certains pays optent peut-être pour l’accord individuel s’ils ont le choix entre ce dernier et l’accord collectif. En France, nous privilégions l’accord collectif.

Enfin – je le dis à l’adresse de M. Mélenchon –, lorsqu’il n’y a pas de garantie à cet égard dans l’entreprise, c’est la loi qui s’applique.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 171 et 271.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 99 est présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 272 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-3 du code du travail.

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour défendre l’amendement n° 99.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Avec l’article 18, la dynamique de régression sociale que vous imposez aux salariés et à leur famille est de nouveau à l’œuvre.

Il est inacceptable que l’employeur puisse de manière unilatérale moduler le temps de travail, pour ne pas dire l’imposer, comme ce sera le cas dans la plupart des situations.

La bonne marche de l’entreprise nécessite que le rapport de subordination qui caractérise le contrat de travail connaisse des limites. Tout employeur raisonnable vous le dira. En effet, comment voulez-vous que le salarié se voyant imposer des modifications continuelles de son rythme de vie et, par conséquent, de celui de sa famille s’investisse réellement dans son travail ?

N’allons-nous pas assister à l’explosion d’existences caractérisées par des rythmes totalement désynchronisés ? Ne créez-vous pas des sources de conflits supplémentaires ? N’allez-vous pas être à l’origine d’une détérioration du climat au sein des entreprises ? Ne craignez-vous pas que la concurrence, qui va se faire jour entre les salariés, ne débouche sur un moins-disant social accompagné de performances détériorées ?

Étant persuadés que de telles conséquences se manifesteront assez rapidement, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 272.

Mme Annie David. Cet amendement vise à supprimer le texte proposé pour l’article L. 3122-3, qui est ainsi rédigé : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 3122-2 dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l’organisation du temps de travail peut être organisée sur plusieurs semaines par décision de l’employeur. »

Voilà qui montre l’extrême confiance que les auteurs du texte ont à l’égard de la négociation collective ! Ainsi, à peine venons-nous de voter l’article L. 3122-2, qui manifeste un recul sensible par rapport au contenu actuel du code du travail, qu’apparaît déjà l’article L. 3122-3, modifié, qui tend tout simplement à introduire des dérogations à l’application de l’article précédent. En poursuivant cette logique, nous passerions d’un encadrement de la modulation fondé sur des impératifs économiques à une application large, sans contrainte.

Une application sans contrainte signifie, nous l’avons vu, qu’elle sera susceptible d’être localisée – « sanctuarisée » – à une entreprise ou un établissement, et réalisée éventuellement sous le bénéfice d’un décret, qui imposera la modulation dans les entreprises où rien ne justifie qu’elle soit mise en œuvre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce que vous dites est entièrement faux ! À tenir de tels propos, madame David, vous risquez de rester longtemps dans l’opposition ! Vous cherchez à détourner les termes du débat !

M. Alain Gournac, rapporteur. En effet, le projet de loi ne remet aucunement en cause la consultation du comité d’entreprise prévue par le code du travail !

Mme Annie David. Monsieur le ministre, plutôt que d’affirmer à l’emporte-pièce que mes propos sont faux et de vous contenter d’émettre un lapidaire avis défavorable sur nos amendements, il serait plus utile que vous nous donniez quelques explications circonstanciées.

Certains articles de ce texte sont incompréhensibles…

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais non, vous avez parfaitement compris !

Mme Annie David. …et les non-dits y abondent. Nous venons de procéder à une nouvelle rédaction de l’article L. 3122-2 du code du travail ; or l’article L. 3122-3, dans sa rédaction prévue par le projet de loi, serait contradictoire avec cet article L. 3122-2. Du moins est-ce notre interprétation. Dès lors, libre à vous, monsieur le ministre, de prétendre que tout cela est faux et que nous n’avons rien compris ; mais alors expliquez-nous pourquoi !

Aux termes de l’article L. 3122-3 du code du travail que vous nous proposez d’adopter, dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l’employeur ne sera désormais plus tenu de consulter le comité d’entreprise sur l’organisation du temps de travail sur plusieurs semaines. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de le supprimer.

Monsieur le ministre, vous affirmez que, en de pareils cas, l’obligation de consulter le comité d’entreprise continuera de s’appliquer. Soit, mais en vertu de quels textes ? S’il s’avère que cette obligation demeure, peut-être retirerons-nous notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 273, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-3 du code du travail :

« Art. L. 3122-3. - Dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l'organisation du temps de travail peut être organisée sur plusieurs semaines si la proposition formulée par l'employeur emporte l'approbation du Comité d'Entreprise.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Il s’agit d’un amendement de repli qui se situe dans la suite logique de notre position de fond sur l’article L. 3122-3 du code du travail.

Il s’agit de donner sens à la démocratie sociale, monsieur le ministre, et il vous faut donc être cohérent. Au-delà du discours, nous savons comment les choses se passent quand l’entreprise veut absolument voir ses objectifs aboutir. En tout cas, il est indispensable, à notre avis, que l’organisation du temps de travail fasse partie du champ de la négociation collective. Si tel n’était pas le cas, on pourrait se demander pourquoi il a été question, au travers du titre Ier du projet de loi, de légitimer l’action syndicale, pour ensuite porter un véritable coup de poignard dans le dos des organisations syndicales avec le titre II, qui dénote le réel mépris dans lequel ces dernières sont tenues.

Rien ne peut justifier, en 2008, que les salariés se voient imposer, sans aucune discussion, des conditions de travail d’un autre temps, quoi que vous prétendiez, monsieur le ministre. Comme nous l’avons dit au cours de la discussion générale, ce projet de loi remet en cause tout notre héritage social, élaboré au cours du siècle précédent, et annonce une déréglementation dont la réforme des heures supplémentaires et des conventions de forfait sont les prémices.

Prenons l’exemple de Bosch. Sur le marché de Vénissieux, dimanche dernier,…

M. Guy Fischer. …j’ai rencontré un délégué syndical qui doit prendre part, cette semaine, à une réunion des instances européennes de Bosch, où il sera notamment question de la négociation de la convention de forfait en jours pour les cadres. Ce délégué syndical était parfaitement informé de la possibilité, prévue par le projet de loi, de porter la convention de forfait à 235 jours. À ma question portant sur la situation chez Bosch., il a répondu que la convention de forfait était jusqu’à présent de 212 jours de travail, mais qu’il était prévu de porter ce forfait au socle minimal de 218 jours.

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, avec ce texte, vous ouvrez véritablement les vannes et, si je puis dire, vous prenez plusieurs années d’avance. Telle est la réalité. Vous pourrez demander à vos collaborateurs de vérifier ce que j’ai pu moi-même constater sur le marché dominical de Vénissieux-centre ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Au préalable, je tiens à redire que le présent article ne modifie en rien le code du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre. Bien sûr !

M. Alain Gournac, rapporteur. Le code du travail prévoit déjà que, dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l’employeur peut décider d’organiser le travail par cycles. Sur ce point, nous ne modifions donc en rien le droit existant.

Il n’en demeure pas moins que, a contrario, nous ne voulons pas imposer de nouvelles règles qui seraient autant de freins et qui auraient pour conséquence de créer des difficultés. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les amendements de suppression nos 99 et 272.

L’amendement de repli n° 273 du groupe CRC, quant à lui, imposerait une restriction qui n’existe pas actuellement dans le code du travail. La commission, je le répète, ne souhaite pas créer de contrainte nouvelle et, par conséquent, émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

Si Mme David souhaitait réellement qu’un débat prenne place, elle n’assènerait pas autant de contrevérités ! Au lieu de poser des questions, elle affirme les choses péremptoirement.

Madame David, vous connaissez le droit du travail ; vous en êtes même l’une des spécialistes dans cet hémicycle.

M. Guy Fischer. En effet, Mme David connaît très bien le code du travail !

M. Xavier Bertrand, ministre. Aussi, où avez-vous vu que nous supprimions une obligation de consultation spécifique du comité d’entreprise ? À quel article ? Dans quel amendement de la commission ou du Gouvernement ? Où est le changement ? Il n’y en a pas !

Nous maintenons l’obligation générale de consultation du comité d’entreprise, prévue notamment aux articles L. 2323–6, L. 2323–27 et L. 2323–29 du code du travail. Comme M le rapporteur vous l’a dit, il est tout à fait possible, actuellement, de calculer la durée du travail sur plusieurs semaines dans les entreprises qui fonctionnent en continu ; c’est le cas aujourd’hui, et ce sera encore le cas demain. Rien ne change en la matière !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 99 et 272.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 273.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, quoi que vous pensiez, je ne crois pas proférer de contrevérités !

Vous nous dites que rien ne change.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Rien ne change concernant le comité d’entreprise !

Mme Annie David. Dans ce cas, pourquoi modifiez-vous la rédaction de l’article ?

Mme Annie David. Ce projet de loi aura pour conséquence de supprimer une soixantaine d’articles du code du travail. M. le rapporteur nous expliquait tout à l’heure que c’était par souci de simplification ; nous avons dans l’idée qu’il s’agit bien davantage de vider le code du travail de toutes ses dispositions protectrices des salariés et de tout ce qui leur permettait d’avoir un semblant de vie intéressante au sein de leur entreprise.

M. Alain Gournac, rapporteur. Non ! Tel n’est pas notre choix !

Mme Annie David. En permettant que les conventions de forfait en jours puissent atteindre 235 jours, voire 282 jours, vous savez très bien que vous supprimez de fait les jours de RTT.

M. Alain Gournac, rapporteur. Nous essayons de lever les freins au travail !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous n’avez rien dit quand a été abordée la question de la convention de forfait de 282 jours !

M. Guy Fischer. C’est de la mauvaise foi, monsieur le ministre !

Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous savez très bien qu’aucun accord n’a été signé fixant une convention de forfait à 282 jours !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne voulez pas voir la réalité en face !

Mme Annie David. Les accords qui ont été signés portaient sur 218 jours au maximum. M. Fischer vous a cité l’exemple de Bosch, où la convention de forfait était de 212 jours. Elle était du même ordre dans l’entreprise dans laquelle je travaillais, soit moins de 218 jours.

Monsieur le ministre, vous savez pertinemment qu’aucun syndicat n’a jamais signé un accord fixant une convention de forfait supérieure à 218 jours, précisément parce que les organisations syndicales se soucient de la santé des salariés et de leur aptitude au travail. (M. le ministre s’entretient avec M. le président de la commission des affaires sociales.)

Vous prétendez que j’assène des contrevérités, monsieur le ministre, mais vous ne m’écoutez pas quand j’essaie de vous donner des explications !

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame David, ne me faites pas un procès d’intention en plus de dire des contrevérités !

Mme Annie David. Moi, je vous écoute quand vous parlez ! Vous, non !

En tout cas, je voterai bien évidemment l’amendement n° 273.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 273.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 274, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-4 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de rupture du contrat de travail pour motif économique intervenant après ou pendant une période de répartition des horaires, le salarié conserve le supplément de rémunération qu'il a, le cas échéant, perçu par rapport au nombre d'heures effectivement travaillées.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Notre amendement pointe, s’il en était besoin, monsieur le ministre, un nouveau recul créé par ce texte en matière de droit du travail.

L’article L. 3122-18 du code du travail est actuellement ainsi rédigé : « En cas de rupture du contrat de travail pour motif économique intervenant après ou pendant une période de modulation, le salarié conserve le supplément de rémunération qu’il a, le cas échéant, perçu par rapport au nombre d’heures effectivement travaillées. »

Or, comme l’ont souligné avec raison mes collègues et amis Annie David et Guy Fischer, l’article 18 du projet de loi remet globalement et sensiblement en cause l’équilibre auquel nous étions parvenus s’agissant de la modulation des horaires de travail.

Il nous apparaît donc indispensable de prévoir que les dispositions de l’actuel article L. 3122-18 trouvent toute leur place dans le code du travail, au risque de voir des salariés confrontés à de fortes pertes de pouvoir d’achat et de ressources.

Au demeurant, nous avions cru comprendre que ce gouvernement était celui du pouvoir d’achat ; aussi, il nous semblerait paradoxal qu’il ne fasse pas droit aux salariés en acceptant notre amendement.

C’est donc sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, que nous vous invitons à adopter cet amendement qui permet de conserver les protections existantes que l’actuel projet de loi ne reconnaît plus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Si l’accord prévoit un lissage de la rémunération indépendamment du cycle de travail, le salarié conservera la totalité de sa rémunération. Il n’existe aucun doute à cet égard. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable. La disposition visée par cet amendement est déjà prévue par la jurisprudence.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 274.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 275, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-5 du code du travail.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous vous proposons, avec cet amendement, de nous en tenir à la rédaction actuelle de l’article L. 3122-5 du code du travail.

La nouvelle rédaction qui nous est présentée pour cet article vise à soumettre expressément les salariés à la position de principe de l’employeur sur toute modification de l’horaire personnel de travail.

Dans le cheminement des choses, l’article L. 3122-5 nouveau conduirait donc à arbitrer entre la santé du salarié, qui peut en elle-même légitimer sa demande de changer de rythme de travail, et la production de l’entreprise, qui pourrait justifier qu’on le maintienne à un horaire de travail ou qu’on lui assigne des objectifs de travail qu’il serait pourtant dans l’incapacité de respecter.

Il est à craindre que primera le besoin de « flexibilité » non pas du salarié, mais bien plutôt de l’entreprise uniquement, avec tout ce que cela implique.

De fait, adopter en l’état ce nouvel article L. 3122-5 conduirait vraisemblablement à un accroissement des arrêts maladie et des accidents du travail, avec toutes les conséquences qui s’ensuivraient. Et je me garderai d’évoquer les effets négatifs qu’aurait sur la productivité l’obligation pour des salariés fatigués d’être astreints, coûte que coûte et vaille que vaille, à des horaires de travail au-delà de toute mesure.

Mes chers collègues, à celles et à ceux d’entre vous qui se soucient de la productivité de nos entreprises, je recommande de voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Je dirai, avec tout le respect dû à nos collègues députés, que ces derniers ont adopté un amendement sans réelle portée normative ; de fait, la commission considère que sa suppression améliorerait la qualité du texte. Il s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement s’en remet également à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 275.

(L'amendement est adopté à l’unanimité des présents.)

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-5 du code du travail, insérer un article ainsi rédigé :

« Art. L. 3122-6. - Un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir que la rémunération mensuelle des salariés des entreprises organisant la variation de la durée de travail hebdomadaire sur tout ou partie de l'année est indépendante de l'horaire réel et est calculée dans les conditions prévues par l'accord.

« Toutefois, lorsque les heures supplémentaires sont accomplies au-delà des limites prévues par l'accord, les rémunérations correspondantes sont payées avec le salaire du mois considéré. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à autoriser, dans les entreprises où la durée du travail varie d’un mois sur l’autre, le lissage de la rémunération perçue par les salariés.

En l’absence de cette disposition, les salariés verraient leur rémunération varier en fonction de la durée effectivement réalisée un mois donné. Le lissage sera prévu par l’accord mettant en place la variation du temps de travail sur tout ou partie de l’année.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Avis favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 173, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-5 du code du travail, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Les absences rémunérées ou indemnisées, les congés et autorisations d'absence auxquels les salariés ont droit en application de stipulations conventionnelles, ainsi que les absences justifiées par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident, ne peuvent faire l'objet d'une récupération par le salarié.

« Les absences donnant lieu à récupération sont décomptées en fonction de la durée de travail que le salarié devait accomplir. »

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Le code du travail offre la possibilité de passer des accords de modulation du temps de travail dans le cadre desquels est prévue l’interdiction de faire récupérer par les salariés des heures rémunérées d’absence autorisée, notamment pour maladie ou accident.

En vertu de l’article 18 du présent projet de loi, cette disposition ne sera plus applicable. Il me semble pourtant indispensable de conserver les dispositions prévues à ce sujet par l’actuel article L. 3122-17 du code du travail.

Le présent amendement vise donc à introduire un article L. 3122-6 nouveau dans le code du travail. Sans la précision apportée par cet amendement, il serait possible d’exiger que le salarié récupère toutes ses absences autorisées et rémunérées, y compris celles qui concernent les droits syndicaux.

Les dispositions législatives se doivent de préciser clairement cette interdiction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. De la réglementation, encore et toujours de la réglementation ! Nous sommes hostiles à cette démarche.

La négociation de l’accord d’aménagement du temps de travail précisera les garanties apportées aux salariés sans qu’il soit nécessaire d’aller aussi loin dans la réglementation que le souhaitent les auteurs de l’amendement.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 174, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122-5 du code du travail, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - En cas de rupture du contrat de travail pour motif économique intervenant après ou pendant une période de répartition des horaires, le salarié conserve le supplément de rémunération qu'il a, le cas échéant, perçu par rapport au nombre d'heures effectivement travaillées. »

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement reprend les dispositions de l’article L. 3122-18 du code du travail, que l’article 18 du présent projet de loi tend à abroger.

Il vise à ce que, dans le cas d’une rupture du contrat de travail pour motif économique intervenant avant ou après une période de répartition des horaires, le salarié puisse continuer à percevoir le complément de rémunération perçu par rapport au nombre d’heures effectivement travaillées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 47, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le I de cet article, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

I bis - Le premier alinéa de l'article L. 3123-17 du même code est ainsi modifié :

1° Après les mots : « un même mois » sont insérés les mots : « ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 » ;

2° Il est complété par les mots : « calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2. »

I ter - Dans l'article L. 3123-19 du même code, après les mots : « mensuelle fixée au contrat de travail » sont insérés les mots : « calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Le code du travail limite le nombre d'heures complémentaires que peut accomplir un salarié à temps partiel. Cet amendement vise à adapter les dispositions relatives aux heures complémentaires afin de tenir compte du fait que les salariés à temps partiel peuvent être intégrés dans un accord de modulation.

Si leur durée de travail varie d'une semaine sur l'autre ou d'un mois sur l'autre, le nombre d'heures complémentaires doit être apprécié par rapport à la durée moyenne de travail pendant la période considérée, puisque leur nombre d’heures de travail est plafonné.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Avis favorable. C’est un excellent amendement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 286, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le III de cet article, après les mots :

L. 3123-25 du code du travail

insérer les mots :

ou des articles L. 713-8 et L. 713-14 du code rural

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le code rural.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 286.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié.

M. Guy Fischer. Le groupe CRC vote contre !

M. Jean-Pierre Godefroy. Le groupe socialiste également !

(L'article 18 est adopté.)

Article 18
Dossier législatif : projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
Article 19

Articles additionnels après l'article 18

M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 713-19 du code rural est ainsi rédigé :

« Art. L. 713-19. - Les dispositions du code du travail s'appliquent aux salariés agricoles, à l'exception des dispositions pour lesquelles le présent livre a prévu des dispositions particulières."

II. - Les articles L. 713-6 à L. 713-12 et L. 713-14 à L. 713-18 du même code sont abrogés.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le code rural.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.

L'amendement n° 49, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

Dans le premier alinéa de l'article L. 3141-3 du code du travail, les mots : «, au cours de l'année de référence, justifie avoir travaillé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d'un mois de travail » sont remplacés par les mots : « justifie avoir travaillé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum de dix jours de travail ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à réduire de un mois à dix jours la durée minimale de travail requise dans l'entreprise pour ouvrir droit au congé annuel.

Cette modification mettra le droit français en conformité avec les exigences européennes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement renforce les droits à congés payés des salariés. Le Gouvernement y est très favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.

Articles additionnels après l'article 18
Dossier législatif : projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
Article 20

Article 19

I. - Les III et IV de l'article 1er de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d'achat s'appliquent, jusqu'au 31 décembre 2009, à la rémunération des jours auxquels les salariés renoncent dans les conditions prévues à l'article L. 3121-42 du code du travail.

II. - Pour l'application des articles 1er, 2 et 4 de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 précitée, les articles L. 3121-45, L. 3121-46, L. 3121-51, L. 3122-6, L. 3122-19 et L. 3152-1 du code du travail s'appliquent, jusqu'au 31 décembre 2009, dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi.

III. - L'article 81 quater du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 1° du I est ainsi rédigé :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l'article L. 3121-11 du code du travail et au premier alinéa de l'article L. 713-6 du code rural, des heures choisies mentionnées à l'article L. 713-11-1 du même code, des heures considérées comme des heures supplémentaires en application du cinquième alinéa de l'article L. 713-8 du même code et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l'article L. 3121-46 du code du travail, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application du troisième alinéa de l'article L. 3123-7 du même code. Pour les salariés relevant du dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural, sont exonérés les salaires versés au titre des heures effectuées au-delà de la limite maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l'accord collectif et, à l'exclusion de ces dernières, au titre des heures effectuées au-delà de 1 607 heures. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l'article L. 3122-4 du code du travail à l'exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l'accord lorsqu'elle lui est inférieure.

« L'exonération mentionnée au premier alinéa est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-41 du code du travail, à des jours de repos dans les conditions prévues à l'article L. 3121-42 du même code ; »

2° Dans le dernier alinéa du b du II, la référence : « au premier alinéa de l'article L. 3121-42 » est remplacée par la référence : « à l'article L. 3121-46 » ;

3° Dans le dernier alinéa du III :

a) Les mots : « durée maximale hebdomadaire mentionnée au 1° du II de l'article L. 3122-10 » sont remplacés par les mots : « limite haute hebdomadaire mentionnée à l'article L. 3122-4 » ;

b) Les mots : « ou du plafond mentionné au 2° de l'article L. 3122-19 du code du travail » sont supprimés.

IV. - Pour les entreprises n'ayant pas conclu de nouvel accord sur les modalités d'organisation du temps de travail postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, l'article 81 quater du code général des impôts s'applique dans sa rédaction antérieure à la date de la publication de la présente loi.

Il en est de même jusqu'au 31 décembre 2009 pour les entreprises n'ayant pas conclu de nouvel accord sur le contingent annuel d'heures supplémentaires.

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 100 est présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 276 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l’amendement n° 100.

Mme Christiane Demontès. L’article 19 nous renvoie directement à la politique économique et financière que mène cette majorité depuis plus de six ans.

Nous avons bien compris que, pour la droite, il n’y avait d’autre salut en matière de soutien à la croissance que d’exonérer autant que faire se peut les employeurs de cotisations sociales et fiscales.

Cette année, ce sont près de 41 milliards d’euros qui feront défaut aux pouvoirs publics !

M. Guy Fischer. Au moins !

Mme Christiane Demontès. Oui, « au moins », comme le dit fort justement M. Fischer.

Les pouvoirs publics se trouvent en conséquence fragilisés et voient leur capacité d’action remise en cause.

Bien que la Cour des comptes ait à plusieurs reprises mis en doute l’efficacité de cette politique, la droite reste fidèle à son idéologie : elle exonère, affaiblit sciemment la puissance publique et, in fine, confie au secteur privé des domaines de plus en plus importants ; je pense notamment à la logique qui prédomine actuellement en matière de protection sociale.

Cette logique fonde l’article 19, qui a pour but d’intégrer les dispositions de ce projet de loi aux exonérations fiscales et sociales relatives au pouvoir d’achat prévues dans la loi TEPA.

Sont notamment concernés la monétisation des repos compensateurs, la renonciation aux jours de repos pour les salariés étant au forfait jour, les heures supplémentaires inscrites dans le cadre de la modulation du temps de travail.

Du reste, comment ne pas se souvenir que c’est avec enthousiasme que cette majorité votait la loi TEPA, voilà pratiquement un an jour pour jour, en août 2007 ? Moins d’un trimestre plus tard, le Premier ministre déclarait que la France était en faillite, et le Président de la République ne cesse depuis d’affirmer que « les caisses sont vides ».

Telles sont les conséquences financières de votre politique. Mais cette dernière a également des conséquences sur l’emploi.

Le fait de diminuer sans cesse le taux de majoration des heures supplémentaires – de 50 % à 25 %, puis, aujourd’hui, à 10 % – ne favorisera certainement pas l’embauche, en particulier celle des jeunes et des seniors.

Si votre politique généralise la précarité, réduit des pans entiers de notre droit social à la portion congrue, elle se caractérise également par son manque de cohérence.

Certes, ce n’est pas la première fois, mais, en l’occurrence, compte tenu de l’environnement économique dans lequel se trouve plongé notre pays, il aurait été plus sage d’éviter d’aggraver encore la situation des comptes nationaux.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de l’article 19.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 276

Mme Annie David. Les deux premières dispositions de l’article 19 étendent l’application de l’article 1er de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008, faussement intitulé « loi pour le pouvoir d’achat ».

Déjà, en février dernier, nous nous étions opposés à cet article, comme à l’ensemble de ce projet de loi, considérant qu’il était inacceptable d’inciter les salariés à monétiser, à monnayer les repos compensateurs auxquels ils avaient droit.

Permettez-moi de vous rappeler les propos que je tenais à l’époque : « La réalité, mes chers collègues, c’est que votre gouvernement veut en finir avec la durée légale du temps de travail. Cela, naturellement, il ne peut le dire ouvertement. Alors, il ouvre droit aux heures supplémentaires, il renvoie la durée du travail au champ conventionnel, lorsque ce n’est pas à la relation employeur-employé ».

Décidément, en février dernier, nous ne nous trompions pas !

Il faut dire, et nous le regrettons, que, lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux droits des salariés, en particulier au droit légitime au repos, le Gouvernement est constant.

Quant à la modification de l’article 81 quater du code général des impôts – c’est l’objet du III de cet article –, il ne vise qu’à exonérer les salaires versés au titre des heures supplémentaires de l’impôt sur le revenu.

Cette mesure est elle aussi contestable. Comment justifier que l’on soustraie une nouvelle fois les revenus du travail au mécanisme de l’imposition, et ce alors même que les caisses sont vides, si l’on en croit ce qui se dit du côté de l’Élysée ?

Vous me répondrez sans doute, monsieur le ministre, que cette exonération répond aux attentes des salariés. Vous vous trompez ! Votre postulat est inexact, car les Français veulent non pas la multiplication des heures supplémentaires contre une augmentation des franchises médicales, mais un salaire décent. Votre proposition d’exonération de l’imposition des revenus issus du travail ne répond pas à la question réelle et prégnante de l’augmentation généralisée des salaires.

Mais il est vrai que, avec cette disposition, vous fermez une fois encore la porte à la demande d’une partie des organisations syndicales de réunir sans délai un Grenelle des salaires. Cette exonération fait en quelque sorte écran à la demande légitime d’une meilleure prise en compte du travail, passant obligatoirement par une hausse des salaires.

Telles sont toutes les raisons pour lesquelles nous vous invitons à voter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I.- Dans le II de cet article, remplacer les mots :

articles 1er, 2 et 4

par les mots :

articles 1er et 4

II. - Compléter le même II par un alinéa ainsi rédigé :

Pour l'application de l'article 2 de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 précitée, les mêmes articles du code du travail s'appliquent jusqu'au 31 décembre 2010 dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. L’article 2 de la loi pour le pouvoir d’achat, qui autorise le versement de jours de RTT dans une caisse commune dans l’entreprise pour financer le départ d’un salarié chargé d’une action humanitaire ou caritive, s’applique jusqu’au 31 décembre 2010.

Pour que cet article continue à s’appliquer, il faut que les dispositions du code du travail qui s’y rapportent restent en vigueur jusqu’à cette date dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi.

M. le président. L'amendement n° 51, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du 1° du III de cet article, supprimer les mots :

et au premier alinéa de l'article L. 713-6 du code rural, des heures choisies mentionnées à l'article L. 713-11-1 du même code, des heures considérées comme des heures supplémentaires en application du cinquième alinéa de l'article L. 713-8 du même code

II. - Supprimer la deuxième phrase du même alinéa.

III. - Rédiger ainsi le a) du 3° du III de cet article :

a) les mots : « durée maximale hebdomadaire mentionnée au 1° du II de l'article L. 3122-10 du code du travail et au dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural » sont remplacés par les mots : « limite haute hebdomadaire mentionnée à l'article L. 3122-4 du code du travail ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le code rural.

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du 1° du III de cet article, remplacer la référence :

L. 3121-46

par la référence :

L. 3121-42

II. - Dans le troisième alinéa du 1° du même III, remplacer la référence :

L. 3121-41

par la référence :

L. 3121-44

et remplacer la référence :

L. 3121-42

par la référence :

L. 3121-45

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination consécutif à la réécriture du paragraphe I de l’article 17.

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du 1° du III de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'exonération mentionnée au premier alinéa n'est ouverte que si, dans l'entreprise ou l'établissement, aucun salarié à temps partiel n'a fait connaître le souhait d'effectuer des heures complémentaires ou d'obtenir un contrat de travail à temps complet.

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Par cet amendement, nous entendons introduire un peu de cohérence dans la politique de l’emploi que prône le Gouvernement.

Comme nous l’avons dit précédemment, il est indispensable de tout mettre en œuvre pour créer de l’emploi. Il s’agit par là même de procéder à une réelle revalorisation de la valeur travail et de ne plus la confondre avec sa précarisation.

Il nous semble donc essentiel d’encadrer les exonérations prévues au premier alinéa dans la mesure où, chacun le sait, plus de 15 % de notre population active est désormais composée de salariés à temps partiel.

Féminin à 80 %, le travail à temps partiel est très souvent subi et non pas choisi. II est fréquemment l’apanage des salariés les moins qualifiés. Cette réalité de plus en plus prégnante est le socle de l’explosion du nombre de travailleurs pauvres et très pauvres que compte notre pays.

Lutter contre cette précarité est essentiel, chacun en conviendra. Monsieur le ministre, c’est dans cette logique que nous vous proposons de conditionner ces exonérations au fait qu’aucun salarié à temps partiel n’ait fait connaître son désir d’effectuer des heures complémentaires ou d’obtenir un contrat de travail à temps complet. Il s’agit de renouer avec une dynamique faite de justice et de solidarité, bref de tourner le dos à votre logique de régression sociale.

C’est dans cet esprit que nous vous proposons d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Fidèle à sa logique, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 100 et 276, qui visent à supprimer l’article.

L’amendement no 101 est inspiré par une idée très généreuse, mais nous estimons que sa mise en œuvre serait, en pratique, impossible. (Mme Christiane Demontès proteste.) Faudrait-il interroger tous les salariés à temps partiel avant de faire effectuer une heure supplémentaire ? Ce n’est pas possible !

Mme Christiane Demontès. Pourquoi ? Cela concerne des accords d’entreprise ! Dans ce cadre, nous pouvons aller jusqu’au bout !

M. Alain Gournac, rapporteur. Il faudrait demander à chaque salarié ? La décision ne serait pas prise rapidement ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) L’avis est donc défavorable.

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas une réponse !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis à la fois désolé et ravi : ravi d’émettre un avis favorable sur les trois amendements nos 50, 51 et 52 de la commission, désolé d’émettre un avis défavorable sur les trois autres, à savoir les amendements nos 100, 276 et 101.

Mme Gisèle Printz. Ce n’est pas étonnant !

Mme Annie David. Quelle bonne explication, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 100 et 276.

M. Jacques Muller. La généralisation des exonérations d’impôt sur les heures supplémentaires vise bien sûr à inciter les salariés à accepter ces heures supplémentaires. À mes yeux, une telle politique est le contraire d’une politique efficace de lutte contre le chômage.

Mes chers collègues, nous sommes vraisemblablement entrés dans une période durable de croissance économique ralentie : les temps du pétrole bon marché sont révolus. Nous voici donc confrontés à une question essentielle : comment enrichir la croissance en emplois ?

Deux modèles de société s’opposent : celui qui consiste à aménager et à réduire le temps de travail pour tous, et celui qui voit se multiplier les emplois précaires – temps partiel, intérim, contrats de mission, etc. On connaît votre position. Une chose est sûre, et relève du simple bon sens : on n’enrichit pas la croissance en emplois en incitant ceux qui ont déjà du travail à faire des heures supplémentaires.

En outre, la multiplication des heures supplémentaires pose un problème de santé publique.

Plus d’heures supplémentaires non encadrées, définies à la guise des employeurs, c’est l’assurance d’une dégradation des conditions de travail, des conditions de vie familiales et sociales des salariés. Pourquoi donc les Français sont-ils les champions d’Europe de la consommation d’antidépresseurs ? Il faut avoir ces réalités en tête avant de prendre de telles décisions !

Enfin, un tel choix est catastrophique pour les finances de l’État : après avoir, à juste titre, encouragé les entreprises à réaménager le temps de travail tout en le réduisant, voilà qu’aujourd’hui on finance exactement l’inverse, alors que le couperet des 3 % de déficit budgétaire est près de tomber. Il faut faire des choix !

Quoi qu’il en soit, je soutiens tout à fait les amendements de suppression de l’article.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vos propositions, notamment l’utilisation massive des heures supplémentaires, vont à l’encontre d’une politique de l’emploi qui permettrait de créer de véritables emplois. Le mécanisme mis en place aujourd’hui, celui de l’heure supplémentaire exonérée de cotisations sociales, payée bien souvent avec une majoration de 10 %, exonérée d’impôt pour le salarié – c’est une autre contrepartie destinée à en favoriser le développement –, est tel que les entreprises n’auront absolument pas intérêt à embaucher, puisque le prix de l’heure d’embauche sera supérieur à celui de l’heure supplémentaire. C’est l’un des points qui méritent véritablement que l’on s’y penche, et que nous dénonçons.

Quant aux exonérations de cotisations sociales, Christiane Demontès indiquait tout à l’heure qu’elles représentaient une perte de 41 milliards d’euros. Or un rapport établi par la commission des affaires sociales – et je parle sous le contrôle de son président, M. About – montre que, si l’on prend en compte le cumul de toutes les aides, notamment celles qu’accordent les collectivités territoriales, la vérité est plus proche de 70 milliards d’euros. C’est cela, la réalité !

On affirme vouloir véritablement créer des emplois. Les premiers éléments dont nous disposons montrent que ce sera très difficile ! Ainsi, certains d’entre nous ont assisté à la réunion de lancement du revenu de solidarité active organisée par M. Martin Hirsch, au cours de laquelle j’ai fait part de quelques-unes de mes craintes. En particulier, il est envisagé de consacrer au revenu de solidarité active les sommes affectées au financement du revenu minimum d’insertion, à l’API, et une partie de la prime pour l’emploi. Or, bien que cela n’ait pas encore été annoncé formellement, la décision de mettre en place l’expérimentation sera reportée, semble-t-il, à 2010 parce que les financements ne sont pas au rendez-vous pour 2009. C’est cette réalité qui s’impose à nous : l’explosion des emplois précaires ! Et cette réalité-là, monsieur le ministre, c’est celle de la politique que vous menez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Gisèle Printz applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. Monsieur le ministre, votre objectif prioritaire est non pas l’augmentation du taux d’emploi, mais l’allongement de la durée de travail de ceux qui ont déjà un emploi à temps plein. Or, en longue période, la prospérité d’une nation dépend moins de la durée du travail que de la productivité de ce travail horaire. C’est si vrai que les pays où l’on travaille le plus, comme la Turquie, la Roumanie ou la Pologne, sont aussi les moins développés. Pis, ce sont aussi les pays où le travail est le moins bien partagé et où le taux d’emploi est le plus bas.

Cet exemple illustre donc que le « travailler plus » ne fait pas bon ménage avec le « travailler tous », et le dispositif complexe de défiscalisation des heures supplémentaires et de rachat des jours de réduction du temps de travail mis au point par le Gouvernement en fera rapidement la démonstration.

Ce dispositif permettra certes à ceux qui bénéficient de ces heures supplémentaires d’arrondir leurs fins de mois. Il satisfera aussi les employeurs, qui pourront utiliser au maximum la main-d’œuvre existante sans recourir à de nouvelles embauches. En revanche, cela a été souligné, il pénalisera les chômeurs et les salariés précaires, qui trouveront plus difficilement des emplois, et ne profitera que marginalement aux salariés à temps partiel. Pour eux, les heures supplémentaires sont en effet plafonnées à 10 % de leur temps de travail et ne sont ni majorées ni exonérées de cotisations patronales.

Ainsi, monsieur le ministre, le « travailler plus pour gagner plus » ne profitera pas à ceux qui en auraient le plus grand besoin. C’est tout le projet de loi qui va dans ce sens et, bien entendu, nous le combattons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 et 276.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 50.

M. Guy Fischer. Le groupe CRC vote contre.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 51.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 52.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.

M. Guy Fischer. Le groupe CRC vote contre.

(L'article 19 est adopté.)

Article 19
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Article 21

Article 20

I. – Dans l'article L. 3121-25 du code du travail, les mots : « de remplacement » sont remplacés par le mot : « équivalent ».

II. – Dans le troisième alinéa de l'article L. 3123-7 du même code, les mots : « au repos compensateur obligatoire » sont remplacés par les mots : « à la contrepartie obligatoire en repos ».

III. – Dans le 1° de l'article L. 3123-14 du même code, les mots : « et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application des articles L. 3123-25 et suivants » sont supprimés.

IV. – Dans le 2° de l'article L. 3133-8 du même code, les mots : « réduction du temps de travail tel que prévu aux articles L. 3122-6 et L. 3122-19 » sont remplacés par les mots : « repos accordé au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3122-2 ».

V. – Dans le 2° de l'article L. 3133-10 du même code, la référence : « L. 3121-45 » est remplacée par la référence : « L. 3121-41 ».

VI. – Dans la dernière phrase de l'article L. 3133-11 et la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 3133-12 du même code, les mots : « repos compensateur obligatoire » sont remplacés par les mots : « contrepartie obligatoire en repos ».

VII. – L'article L. 3141-5 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le 3°, les mots : « repos compensateurs obligatoires prévus par l'article L. 3121-26 » sont remplacés par les mots : « contreparties obligatoires en repos prévues par l'article L. 3121-11 » ;

2° Dans le 4°, les mots : « acquis au titre de la réduction du temps de travail » sont remplacés par les mots : « accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3122-2 ».

VIII. – Dans le deuxième alinéa de l'article L. 3141-11 du même code, les mots : « des articles L. 3122-9, relatif à la modulation du temps de travail, ou L. 3122-19, relatif à l'attribution de jours de repos dans le cadre de l'année » sont remplacés par la référence : « de l'article L. 3122-2 ».

IX. – Dans la première phrase du 4° de l'article L. 3141-21 du même code, les références : « L. 3121-45, L. 3122-9, L. 3122-19, L. 3123-1 et L. 3123-25 » sont remplacées par les références : « L. 3121-41, L. 3122-2 et L. 3123-1 ».

X. – Dans le 2° du I de l'article L. 3141-22 du même code, les mots : « au repos compensateur obligatoire prévues à l'article L. 3121-28 » sont remplacés par les mots : « à la contrepartie obligatoire en repos prévues à l'article L. 3121-11 ».

XI. – L'article L. 3151-2 du même code est abrogé.

XI bis. – L'intitulé du chapitre II du titre V du livre Ier de la troisième partie du même code est ainsi rédigé : « Mise en place ».

XI ter. – L'article L. 3152-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 3152-1. – Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche définit les modalités de fonctionnement du compte épargne-temps, notamment les conditions et limites dans lesquelles sont effectués, à l'initiative du salarié ou, pour les heures accomplies au-delà de la durée collective, à l'initiative de l'employeur :

« 1° L'alimentation, à l'exclusion du congé annuel de vingt-quatre jours ouvrables, et l'utilisation des droits ;

« 2° La gestion et la liquidation des droits ;

« 3° Le transfert des droits d'un employeur à un autre.»

XI quater. – L'article L. 3152-2 du même code est abrogé.

XII. – Dans le deuxième alinéa de l'article L. 3171-1 du même code, les mots : « sous forme de cycles ou lorsque la modulation du temps de travail sur tout ou partie de l'année est mise en œuvre, l'affichage comprend la répartition de la durée du travail dans le cycle ou le programme de modulation » sont remplacés par les mots : « dans les conditions fixées par l'article L. 3122-2, l'affichage comprend la répartition de la durée du travail dans le cadre de cette organisation ».

XIII. – Dans le 2° de l'article L. 6321-4 du même code, les mots : « repos compensateur obligatoire » sont remplacés par les mots : « contrepartie obligatoire en repos ».

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement no 102 est présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement no 277 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l’amendement no 102.

Mme Christiane Demontès. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement no 277.

M. Guy Fischer. Nous avons déjà indiqué les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression, entre autres, de l’article 20.

Cet article procède à plusieurs mesures de coordination avec divers articles que nous avons déjà examinés, mesures qui se déclinent au fil de treize paragraphes.

Ainsi, le paragraphe I a pour objet, dans la logique de l’article 16 du projet de loi, de « substituer les termes de repos compensateur “équivalent” à ceux de repos compensateur “de remplacement” ». De la même façon – et ce sera le dernier exemple que je citerai, monsieur le président : je ne vais pas relire tout le rapport de notre collègue Alain Gournac –,…

M. Jean-Luc Mélenchon. Si, si ! Il faut nous éclairer ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. … le paragraphe II procède à une « substitution terminologique analogue », selon le rapport : à l’article L. 3123-7 du code du travail, « relatif au régime de réduction de la durée du travail sous forme d'une ou plusieurs périodes d'au moins une semaine en raison des besoins de la vie familiale, il propose de remplacer la référence au “repos compensateur obligatoire” par une référence à la “contrepartie obligatoire en repos” ». Nous nous en étions abondamment expliqués lors de l’examen de l’article 16.

Je pourrais faire un développement semblable pour chacun des treize paragraphes. Mais nous nous sommes déjà longuement exprimés sur le sujet, et je n’y reviens donc pas.

Pour toutes les raisons déjà exposées, nous souhaitons l’adoption de cet amendement de suppression.

M. le président. L'amendement no 53, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – À la fin du second alinéa de l'article L. 2323-29 du code du travail, les mots : « L. 3123-25 relatif au temps partiel annualisé » sont remplacés par les mots : « L. 3122-2 lorsqu'ils s'appliquent à des salariés à temps partiel »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement de coordination tire les conséquences, pour les salariés à temps partiel, des nouvelles dispositions introduites dans le code du travail au sujet de l'aménagement du temps de travail.

M. le président. L'amendement no 54, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le III de cet article :

III. – Dans le 1° de l'article L. 3123-14 du même code, les mots : « des articles L. 3123-25 et suivants » sont remplacés par les mots : « de l'article L. 3122-2 ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. C’est également un amendement de coordination.

M. le président. L'amendement no 55, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le III de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

III bis. – Dans le premier alinéa de l'article L. 3123-15 du même code, après les mots : « quinze semaines » sont insérés les mots : « ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 si elle est supérieure ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement de coordination tire les conséquences, pour les salariés à temps partiel, des nouvelles dispositions introduites dans le code du travail au sujet de l'aménagement du temps de travail.

M. le président. L'amendement no 56, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le IX de cet article, remplacer la référence :

L. 3121-41

par la référence :

L. 3121-44

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. C’est un amendement de coordination.

M. le président. L'amendement no 57, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer les XI à XI quater de cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement supprime les dispositions relatives au compte épargne-temps figurant à l'article 20, où elles n'ont manifestement pas leur place, pour les réintroduire à l'article 21, où elles s'insèrent plus naturellement.

M. le président. L'amendement no 278, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le XI ter de cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Tout comme l’amendement no 279, qui porte sur l’article 21 mais que, si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai dès maintenant, l’amendement no 278 est un amendement de cohérence avec l’amendement no 276.

Il vise en effet à supprimer la disposition de l’article 20 qui prévoit qu’un accord d’entreprise ou d’établissement ou un accord de branche définit les modalités d’abondement des comptes épargne-temps. Ce mécanisme, s’il répond aux attentes légitimes des salariés souhaitant obtenir quelques euros supplémentaires, demeure, là encore, un mécanisme accessoire visant à empêcher l’émergence du débat réel sur les salaires dans notre pays.

L’amendement no 279 reprend la même logique, mais concerne les comptes épargne-retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Les amendements nos 102 et 277 visent à supprimer l’article 20, ce qui n’entre pas dans la logique de la commission. L’avis est donc défavorable.

Quant à l’amendement no 278, il est satisfait par l’amendement no 57 de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. L’amendement no 278 est effectivement satisfait. Voilà pourquoi je n’aurai à donner d’avis défavorable que sur les amendements identiques nos 102 et 277.

J’émets en revanche un avis favorable sur les amendements nos 53 à 57.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 102 et 277.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 55.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 56.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement no 57.

Mme Annie David. Pour la clarté des débats, je tiens à préciser que si, sur la forme, l’amendement no 278 est effectivement satisfait par l’amendement no 57, sur le fond, cette satisfaction n’est que temporaire puisqu’un autre amendement du rapporteur vise à réintroduire à l’article 21 l’alinéa supprimé à l’article 20.

M. Alain Gournac, rapporteur. Il y trouve mieux sa place !

Mme Annie David. Pour notre part, nous souhaitons la suppression pure et simple de cet alinéa !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 57.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement no 278 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)

Article 20
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Article 22

Article 21

I. - Dans l’intitulé du chapitre Ier du titre V du livre Ier de la troisième partie du code du travail, les mots : « et mise en place » sont supprimés.

II. - Dans l’article L. 3151-1 du même code, après les mots : « à congé rémunéré », sont insérés les mots : « ou à formation professionnelle ».

III. - L’article L. 3153-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 3153-1. - La convention ou l’accord collectif ne peut autoriser l’utilisation sous forme de complément de rémunération des droits versés sur le compte épargne-temps au titre du congé annuel que pour ceux de ces droits correspondant à des jours excédant la durée de trente jours fixée par l’article L. 3141-3.

« Nonobstant les stipulations de la convention ou de l’accord collectif, le salarié peut, sur sa demande et en accord avec l’employeur, utiliser les droits affectés sur le compte pour compléter sa rémunération. »

IV. - Les articles L. 3153-2 et L. 3153-4 du même code sont abrogés.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 103, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous demandons la suppression de l’article 21 relatif au compte épargne-temps ainsi que des dispositions que notre rapporteur envisage de transférer par amendement de l’article 20.

Les modifications proposées ne sont que la conséquence sur le compte épargne-temps des mesures qui viennent d’être adoptées sur le temps de travail. Elles ne font, comme celles-ci d’ailleurs, l’objet d’aucune concertation ni négociation avec les partenaires sociaux.

Nous sommes évidemment opposés à la suppression de l’étape de l’accord de branche pour la mise en place du compte épargne-temps. Cet accord n’est déjà pas obligatoire, mais l’amendement aboutit à le faire disparaître complètement au profit du seul accord d’entreprise ou d’établissement. On peut donc à nouveau craindre des accords déséquilibrés, à la convenance de l’employeur.

Le texte prévoit également de supprimer la liste des éléments pouvant abonder le compte épargne-temps. Seule subsistera la restriction relative aux jours de congés payés en deçà de 24 jours ouvrables.

De même disparaît la liste limitative des usages qui peuvent être faits des droits accumulés. Seule restriction : la cinquième semaine de congés payés ne pourra pas être monétisée.

Toutes les autres formes de congés sont donc, selon votre vocabulaire, « libérées », c’est-à-dire qu’elles peuvent être placées dans un CET « monétisable ». Il s’agit des contreparties en repos pour les heures accomplies au-delà du contingent dans les conditions nouvelles, c’est-à-dire après sa disparition de fait, ou des heures et jours accomplis au-delà de la convention individuelle de forfait.

Bien sûr, ces dispositions préexistaient dans le code du travail, mais elles sont singulièrement étendues avec l’augmentation des temps « monétisables » que crée votre texte.

Vous y ajoutez la pérennisation de l’article 1er de la loi du 8 février 2008, qui dispose que, même si l’accord instituant le CET ne le prévoit pas, le salarié peut utiliser les droits affectés sur son compte pour augmenter sa rémunération. Le salarié pourra donc renoncer aux droits qu’il aura accumulés sur un CET pour remplacer une augmentation salariale. C’est un renversement total de la perspective d’origine du compte épargne-temps, qui était d’augmenter le temps disponible du salarié.

Aujourd’hui, le CET est un instrument pour augmenter indirectement la trésorerie des entreprises en renvoyant à plus tard, par le biais de l’épargne retraite, le paiement des sommes dues par l’employeur. Avec ce projet de loi, vous en faites un instrument de blocage des salaires. L’employeur pourra dire au salarié qui mérite une augmentation qu’il peut disposer des sommes acquises sur son CET. Bien entendu, cet argent n’ira pas aux organismes financiers qui gèrent l’épargne retraite.

Votre objectif est sans doute, par un nouveau tour de passe-passe, de faire croire aux salariés que leur pouvoir d’achat augmente alors qu’en réalité le CET sera utilisé pour le faire diminuer en valeur absolue sur la durée. La rémunération restera obstinément la même. Elle sera simplement différée en partie car les sommes dues resteront cantonnées dans le CET, où elles généreront des produits financiers pour les gérants, tant que le salarié n’en aura pas besoin.

Nous sommes devant la même méthode que celle employée pour le déblocage de la participation, mais cette fois-ci de manière atomisée, et le salarié en fera seul les frais.

M. le président. L’amendement n° 58, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. - Dans l’intitulé du chapitre Ier du titre V du livre Ier de la troisième partie du code du travail, les mots : « et mise en place » sont supprimés.

II. - L’article L. 3151-1 du code du travail est complété par les mots : « ou des sommes qu’il y a affectées ».

III. - L’article L. 3151-2 du même code est abrogé.

IV. - Le chapitre II du titre V du livre Ier de la troisième partie du même code est ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Mise en place

« Art. L. 3152-1. - Le compte épargne-temps peut être institué par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

« Art. L. 3152-2. - La convention ou l’accord collectif détermine dans quelles conditions et limites le compte épargne-temps peut être alimenté en temps ou en argent à l’initiative du salarié ou, pour les heures accomplies au-delà de la durée collective, à l’initiative de l’employeur. Le congé annuel ne peut être affecté au compte épargne-temps que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables.

« Art. L. 3152-3. - La convention ou l’accord collectif définit les modalités de gestion du compte épargne-temps et détermine les conditions d’utilisation, de liquidation et de transfert des droits d’un employeur à un autre. »

V. - Les articles L. 3153-1 et L. 3153-2 du même code sont ainsi rédigés :

« Art. L. 3153-1. - Nonobstant les stipulations de la convention ou de l’accord collectif, tout salarié peut, sur sa demande et en accord avec son employeur, utiliser les droits affectés sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération.

« Art. L. 3153-2. - L’utilisation sous forme de complément de rémunération des droits versés sur le compte épargne-temps au titre du congé annuel n’est autorisée que pour ceux de ces droits correspondant à des jours excédant la durée de trente jours fixée par l’article L. 3141-3. »

VI. - L’article L. 3153-4 du même code est abrogé.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement réintègre les dispositions relatives au compte épargne-temps qui avaient été insérées à l’article 20, où elles n’avaient pas leur place.

Ensuite, il supprime la possibilité d’abonder le compte épargne-temps avec des droits à formation. Il précise également, afin de lever toute ambiguïté, que le compte peut être alimenté par des éléments en temps ou en argent. Il confirme que le compte épargne-temps est mis en place par voie d’accord collectif, en distinguant plus clairement les dispositions relatives à son alimentation et celles relatives à son utilisation et à sa gestion.

Enfin, il garantit que la cinquième semaine de congés payés ne peut être utilisée par le salarié pour compléter sa rémunération.

M. le président. L’amendement n° 279, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le second alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l’article L. 3153-1 du code du travail.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement n° 103 vise à la suppression de l’article ; la commission y est donc défavorable.

Elle est également défavorable à l’amendement n° 279.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est un avis favorable sur l’amendement n° 58, qui opère une réécriture sans changer les dispositions de fond. Cet amendement est très important. Je voudrais d’ailleurs à ce propos saluer le travail du député Pierre Morange, qui avait déjà traité de ce sujet lors de l’examen du texte sur le pouvoir d’achat.

Je pense que nous avons là une redéfinition à la fois ambitieuse et clarifiée des dispositions relatives au compte épargne-temps qui permettra à ce dispositif de rencontrer un succès plus grand.

Avis défavorable sur les amendements nos 103 et 279.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 103.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 21 est ainsi rédigé et l’amendement n° 279 n’a plus d’objet.

Article 21
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Article 23

Article 22

I. - L’article L. 3153-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les droits utilisés selon les modalités prévues aux alinéas précédents et qui ne sont pas issus d’un abondement en temps ou en argent bénéficient des régimes prévus au 2°-0 quater de l’article 83 du code général des impôts et à l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale et dans la limite d’un plafond de dix jours par an. »

II. - Après l’article L. 242-4-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 242-4-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 242-4-3. - La rémunération due en contrepartie des droits constitués par un salarié sur son compte épargne-temps, à l’exception de ceux qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l’employeur, est exonérée des cotisations salariales de sécurité sociale et des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales dès lors qu’elle est utilisée à l’initiative de ce salarié pour alimenter un plan d’épargne pour la retraite collectif prévu aux articles L. 3334-1 à L. 3334-9 et L. 3334-11 à L. 3334-16 du code du travail. »

III. - Après le 2°-0 ter de l’article 83 du code général des impôts, il est inséré un 2°-0 quater ainsi rédigé :

« 2°-0 quater La rémunération due en contrepartie des droits constitués par un salarié sur son compte épargne-temps, à l’exception de ceux qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l’employeur, utilisée à l’initiative de ce dernier pour alimenter un plan d’épargne pour la retraite collectif prévu aux articles L. 3334-1 à L. 3334-9 et L. 3334-11 à L. 3334-16 du code du travail ; ».

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 104 est présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 280 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Nous souhaitons également la suppression de cette disposition qui n’a donné lieu à aucune négociation dans le cadre du dialogue social mais qui a visiblement fait l’objet d’une étroite concertation avec les organismes financiers gestionnaires de l’épargne retraite.

II s’agit à nouveau de réduire la rémunération perçue par le salarié au prétexte d’une amélioration future, mais lointaine et aléatoire, de sa retraite. Au final, ce n’est une fois de plus qu’une ponction sur les régimes par répartition au bénéfice des régimes par capitalisation privée.

De plus, le texte propose que les exonérations sur les cotisations sociales et la réduction d’impôt sur le revenu ne soient applicables que dans deux cas : premièrement, si le salarié adhère à un régime à cotisations définies et non pas à prestations définies, ce qui ajoute à l’incertitude pour l’avenir, d’autant que le régime peut être décidé unilatéralement par l’employeur ; deuxièmement, si le salarié effectue ses versements sur un PERCO, c’est-à-dire si les sommes demeurent indisponibles jusqu’à la retraite sauf acquisition d’une résidence principale.

II me semble d’ailleurs que ce dispositif comporte une faille. S’il veut acheter ou faire construire un bien, le salarié a tout intérêt à utiliser le PERCO, en récupérant son argent défiscalisé et les sommes versées par l’employeur sans attendre la retraite. Le PERCO, c’est mieux que le plan d’épargne logement ! De plus, le salarié a la satisfaction de ne pas laisser son argent aux marchés financiers, dont on peut mesurer chaque jour la capacité de nuisance sur l’économie mondiale.

Bref, nous voterons évidemment contre cet article 22, qui n’est qu’un nouveau coup de boutoir contre la retraite par répartition.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour défendre l’amendement n° 280.

Mme Annie David. L’article 22 de ce projet de loi s’inscrit dans la continuité de votre politique d’appauvrissement des comptes et des organismes sociaux, puisque vous nous proposez d’exclure de l’assiette des cotisations sociales les sommes versées en vertu de ce projet de lois sur les comptes épargne-temps.

Au cours des débats, de nombreux sénateurs de gauche comme de droite sont intervenus, rappelant les sommes astronomiques que représentaient les exonérations de cotisations sociales. Cela ne vous émeut visiblement pas.

Pourtant, à en croire le Gouvernement, les comptes sociaux sont dans le rouge – ce dont nous ne doutons pas –, et il faudrait par conséquent demander aux assurés sociaux de se serrer la ceinture soit en consentant à une baisse considérable des remboursements, soit en allongeant la durée de cotisations pour ouvrir droit à une retraite complète.

Nous nous souvenons même d’avoir entendu récemment M. Van Roekeghem, directeur de l’assurance maladie, proposer un plan drastique d’économies visant à supprimer le remboursement intégral pour les affections de longue durée, des pathologies graves comme le SIDA, le diabète, ou la maladie d’Alzheimer, dont nous avions pourtant cru que le Président de la République voulait faire une priorité. Depuis, bien sûr, il a fait machine arrière.

Et l’on nous propose, dans cet article 22, d’étendre précisément les dispositions qui ont conduit à cette situation. C’est à croire que c’est cette situation que vous recherchez pour pouvoir imposer une privatisation de tout notre système de protection sociale !

C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article 22.

M. le président. L’amendement n° 289, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - L’article L. 3153-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les droits utilisés selon les modalités prévues aux précédents alinéas, qui ne sont pas issus d’un abondement en temps ou en argent de l’employeur, bénéficient dans la limite d’un plafond de dix jours par an de l’exonération prévue à l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale et, selon le cas, des régimes prévus au 2° ou au 2°-0 bis de l’article 83 du code général des impôts pour ceux utilisés selon les modalités prévues au premier alinéa ou de l’exonération prévue au b du 18° de l’article 81 du même code pour ceux utilisés selon les modalités prévues au second alinéa. »

II. - Rédiger comme suit le III de cet article :

III. - A. Le 18° de l’article 81 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les dispositions actuelles constituent un a ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« b - Les sommes versées par le salarié pour alimenter un plan d’épargne pour la retraite collectif dans les conditions du 3ème alinéa de l’article L. 3153-3 du code du travail. » ;

B. - Le 1° du IV de l’article 1417 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« e) des sommes correspondant aux droits visés au troisième alinéa de l’article L. 3153-3 du code du travail. »

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement précise le régime fiscal des droits affectés à un CET et utilisés pour alimenter un PERCO, et ce afin de respecter la cohérence du régime fiscal de ce dispositif qui prévoit l’exonération d’impôt des versements effectués par le salarié et non pas leur déduction du revenu imposable.

En outre, il prévoit la prise en compte dans le revenu fiscal de référence du montant des droits affectés à un CET et utilisés pour alimenter un PERCO ou un régime de retraite supplémentaire collectif et obligatoire, à l’instar d’autres revenus exonérés ou d’autres cotisations d’épargne retraite déductibles.

M. le président. L’amendement n° 59, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Dans le second alinéa du I de cet article, après les mots :

abondement en temps ou en argent

insérer les mots :

de l’employeur

II. - Dans le même alinéa, remplacer les mots :

et dans la limite

par les mots :

, dans la limite

III. - Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale par les mots :

ou pour contribuer au financement de prestations de retraite qui revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d’une des procédures mentionnées à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale

IV. - Dans le texte proposé par le III de cet article pour le 2°-0 quater de l’article 83 du code général des impôts, remplacer les mots :

utilisée à l’initiative de ce dernier

par les mots :

dès lors qu’elle est utilisée à l’initiative de ce salarié

V. - Compléter le texte proposé par le III de cet article pour le 2°-0 quater de l’article 83 du code général des impôts par les mots :

ou pour contribuer au financement de prestations de retraite qui revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d’une des procédures mentionnées à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale

VI. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l’extension des exonérations sociales prévue à l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

… - La perte de recettes pour l’État résultant de l’extension des exonérations fiscales prévue à l’article 83 du code général des impôts est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement n° 59 vise à compléter l’article 22.

D’abord, il faut préciser que le régime fiscal et social avantageux prévu par cet article s’applique aux droits qui ne sont pas issus d’un abondement de l’employeur.

Ensuite, il faut viser, par cohérence, dans le code de la sécurité sociale et dans le code des impôts, non seulement le PERCO, mais aussi les régimes sur-complémentaires de retraite, puisque ces deux dispositifs sont mentionnés dans le code du travail.

Enfin, il faut préciser que l’avantage fiscal est dû lorsque les droits accumulés sur le compte épargne-temps sont utilisés à l’initiative du salarié pour abonder un PERCO ou un régime sur-complémentaire.

M. le président. L’amendement n° 191 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Rozier et Henneron et M. Cambon, est ainsi libellé :

I. - Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale par les mots :

ou un contrat mentionné au b du 1 du I de l’article 163 quatervicies du code général des impôts

II. — Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

… - Le I de l’article 163 quatervicies du code général des impôts est complété par un 3 ainsi rédigé :

« 3. La rémunération due en contrepartie des droits constitués par un salarié sur son compte épargne-temps, à l’exception de ceux qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l’employeur, utilisée à l’initiative de ce dernier pour alimenter un contrat mentionné au b) du 1 du I du présent article est déductible du revenu net global dans les mêmes conditions que les cotisations versées sur ces contrats. »

… - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l’extension des exonérations sociales prévue à l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

… - La perte de recettes pour l’État résultant de l’extension des exonérations fiscales prévue à l’article 83 du code général des impôts est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement pourrait être un sous-amendement à l’amendement du Gouvernement.

La loi Fillon d’août 2003 a créé deux systèmes pour préparer la retraite : le PERE, le plan d’épargne retraite entreprise, et le PERCO. M. le ministre nous propose un amendement sur le PERCO ; nous, proposons d’étendre le dispositif fiscal au PERE puisque ce sont tous deux des outils de préparation à la retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements de suppression nos 104 et 280.

Elle n’a pas eu le temps d’examiner l’amendement n° 289, mais j’y suis personnellement favorable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il s’agit en effet d’un amendement qui donne plus de cohérence au régime fiscal applicable.

J’observe cependant que l’adoption de cet amendement aura pour effet de rendre l’amendement n° 59 de la commission sans objet. Je souhaiterais donc modifier ce dernier pour n’en conserver que le III.

M. Jean Desessard. Vous aviez le week-end entier pour travailler !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 59 rectifié, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, et ainsi libellé :

I. - Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale par les mots :

ou pour contribuer au financement de prestations de retraite qui revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d’une des procédures mentionnées à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale

II.- Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l’extension des exonérations sociales prévue à l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement accepte l’amendement n° 59 rectifié et lève le gage.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 59 rectifié bis.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement n° 191 rectifié bis tend à élargir le champ des exonérations pour qu’elles s’appliquent aussi en cas de versement de droits d’un compte épargne-temps vers un plan d’épargne retraite d’entreprise, un PERE. Cela encouragerait l’épargne retraite, mais nous nous interrogeons sur le coût de la mesure et souhaitons connaître sur ce point l’avis du Gouvernement. Pour sa part, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 104 et 280. En revanche, il émet un avis favorable sur l’amendement n° 59 rectifié bis.

Par ailleurs, je vais demander à Mme Procaccia de retirer l’amendement n° 191 rectifié bis et je vais expliquer pourquoi.

Dans le CET, on a choisi de valoriser et de favoriser des dispositifs d’épargne collectifs. Or, dans votre amendement, madame, vous introduisez une autre logique, celle du plan d’épargne retraite populaire, le PERP.

Il serait à mon sens plus opportun de traiter d’outils comme le PERP dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou du projet de loi de finances, au moment où l’on parle plus spécialement d’épargne retraite et de dispositifs individuels.

Lorsqu’il s’agit d’un domaine collectif comme celui de l’entreprise, il faut flécher le CET et les dispositifs collectifs. (Mme Catherine Procaccia acquiesce.)

Au demeurant, ce débat est légitime et, si vous le souhaitez, madame Procaccia, nous pourrons le reprendre lors des rendez-vous que je viens d’évoquer.

M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 191 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 191 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 104 et 280.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 289.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59 rectifié bis.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 22, modifié.

(L’article 22 est adopté.)

Article 22
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Articles additionnels après l’article 23

Article 23

Le chapitre IV du titre V du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Garantie et liquidation des droits

« Art. L. 3154-1. - Les droits acquis dans le cadre du compte épargne-temps sont garantis dans les conditions de l’article L. 3253-8.

« Art. L. 3154-2. - Pour les droits acquis, convertis en unités monétaires, qui excèdent le plus élevé des montants fixés par décret en application de l’article L. 3253-17, la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, la convention ou l’accord de branche établit un dispositif d’assurance ou de garantie.

« À défaut d’accord collectif avant le 8 février 2009, un dispositif de garantie est mis en place par décret.

« Dans l’attente de la mise en place d’un dispositif de garantie, lorsque les droits acquis, convertis en unités monétaires, excèdent le plafond précité, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l’ensemble des droits est versée au salarié.

« Art. L. 3154-3. - À défaut de dispositions conventionnelles prévoyant les conditions de transfert des droits d’un employeur à un autre, le salarié peut :

« 1° Percevoir, en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l’ensemble des droits qu’il a acquis ;

« 2° Demander, en accord avec l’employeur, la consignation auprès d’un organisme tiers de l’ensemble des droits, convertis en unités monétaires, qu’il a acquis. Le déblocage des droits consignés se fait au profit du salarié bénéficiaire ou de ses ayants droit dans les conditions fixées par décret. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 281, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. J’ai défendu cet amendement en présentant le précédent.

M. le président. L’amendement n° 282, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 3154-2 du code du travail.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il s’agit d’un amendement de repli. En quelque sorte, monsieur le ministre, vous prévoyez d’ores et déjà que la négociation ne pourra aboutir et que ce point sera tranché par décret. Nous proposons donc de supprimer toute la partie qui a trait au décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Toujours dans la même logique, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 281.

Par ailleurs, prévoir un décret permet de pallier l’éventuel échec de la négociation. La commission souhaite donc le maintien de la disposition que l’amendement n° 282 vise à supprimer ; elle émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 281.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 282.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 23.

(L’article 23 est adopté.)

Article 23
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles additionnels après l’article 23

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 188 rectifié, présenté par MM. Dassault et Fourcade, est ainsi libellé :

Après l’article 23, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est abrogé.

La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Les 35 heures, avec la limitation des heures supplémentaires et les compensations de temps de repos, sont le plus mauvais coup jamais rendu à notre économie par un gouvernement socialiste. Heureusement que Xavier Bertrand va y mettre fin.

Cela a eu comme conséquence, non pas de réduire le chômage comme le croyaient naïvement les auteurs de cette loi, mais d’aggraver considérablement nos coûts de production, donc nos prix, et de défavoriser nos ventes et nos exportations, d’où délocalisations de la production, réduction de la croissance et augmentation prévisible du chômage.

De nombreuses usines ou filiales étrangères en France commencent à disparaître.

De plus, pour faire avaler la pilule, Mme Aubry avait inventé la compensation par l’État des 35 heures payées 39. Cela a obligé l’État à verser aux entreprises une subvention de compensation de plus en plus importante chaque année.

Cette subvention de plus de 10 milliards d’euros par an en moyenne, ce qui fait en dix ans près de 100 milliards d’euros – ce n’est pas rien ! – a été financée en empruntant. Ce n’est pas vraiment une pratique financière conseillée puisqu’elle aggrave chaque année notre déficit budgétaire. Il faut en effet éviter d’emprunter pour payer des charges de fonctionnement car on n’a aucune chance de pouvoir rembourser le capital. On aggrave la dette, la charge de la dette, et cela de façon récurrente : on recommence chaque année et aucune limite n’est prévue.

En outre, on a enlevé cette charge du budget général de l’emploi, dont je suis le rapporteur, pour la transférer au budget de la sécurité sociale. Ainsi, elle s’ajoute aujourd’hui au financement des charges de la sécurité sociale.

Ce sont en moyenne plus de 25 milliards d’euros qui partent en fumée chaque année, et cela augmente sans cesse. Cette charge représente la moitié de notre déficit budgétaire. Elle doit prendre fin car il ne faut plus continuer à endetter la France sans limite, même si cela doit avoir des conséquences sur l’emploi. Rien n’est plus grave que de continuer à s’endetter sans investir. Dans de telles conditions, on ne prépare pas l’avenir, plus grave, on le compromet.

Monsieur le ministre, voilà pourquoi je propose que l’on commence à diminuer cette charge colossale dès 2009, en ramenant, dans le projet de loi de finances pour 2009, le plafond de remboursement des charges sociales de 1,6 SMIC à 1,4 SMIC, ce qui ferait déjà 4 milliards d’euros d’économies. Pour revenir à l’équilibre en 2012, il faudrait supprimer rapidement la totalité de cette aide.

Je sais que ce n’est pas le moment de débattre de cette question, mais je voulais l’évoquer pour qu’on ne l’oublie pas lors de la discussion du prochain projet de loi de finances.

Monsieur le président, je laisse maintenant à notre collègue Jean-Pierre Fourcade le soin de compléter mon explication en défendant notre second amendement.

.

M. le président. L’amendement n° 187 rectifié, présenté par MM. Dassault et Fourcade, est ainsi libellé :

Après l’article 23, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le troisième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, le pourcentage : « 60 % » est remplacé par les mots : « 40 % à compter du 1er janvier 2009 ».

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. J’ai indiqué dans la discussion générale que nous ne pouvions pas continuer à supporter cette charge d’allégements de cotisation qui atteindra 30 milliards d’euros en 2009 et qui maintenant est tellement complexe qu’il est impossible de savoir ce qui provient des 35 heures ou des abattements d’ordre général.

Nous sommes le seul pays européen à avoir une charge de cette nature et, plutôt que de prévoir le report de ces allégements à l’infini, il faudrait, d’une part, déterminer exactement quels en sont les effets sur l’emploi et, d’autre part, envisager un système de décélération en pente douce.

Mon collègue et ami Serge Dassault propose…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Une pente raide !

M. Jean-Pierre Fourcade.… de baisser le plafond de 1,6 SMIC à 1,4 SMIC la première année, puis d’aller jusqu’au niveau du SMIC.

Je formulerai à cet égard deux observations.

Première observation : d’après le rapport de notre excellent collègue Philippe Marini, 72 % de cette masse financière profite essentiellement au secteur tertiaire. Or je rappelle que ces allégements avaient été créés pour lutter contre les délocalisations et pour fortifier notre appareil industriel.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Jean-Pierre Fourcade. Du fait d’évolutions structurelles tout à fait normales en période de mondialisation, il semble que ces allègements profitent essentiellement aux secteurs qui sont les moins touchés par la compétition internationale.

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est donc un argument pour la réduire.

Seconde observation : il faudrait établir un lien – M. le ministre du travail peut sans doute le faire – entre la diminution des charges sociales pour favoriser l’embauche de personnel non qualifié ou le maintien dans l’entreprise de seniors et les résultats obtenus par les entreprises sur ces deux objectifs.

Une fois que nous disposerons d’un mécanisme d’observation et de mesure suffisant, nous pourrons déterminer si le dispositif répond bien aux trois objectifs que s’étaient donnés les gouvernements successifs, objectifs qui remontent à une douzaine d’années, puisque leur première application a été la loi Robien.

Premièrement, permet-il de financer des investissements productifs dans notre pays ? Deuxièmement, permet-il d’embaucher des personnels non qualifiés ou de maintenir dans l’entreprise des seniors ? Troisièmement, améliore-t-il la compétitivité de nos entreprises sur le marché mondial ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Dassault. Plutôt que d’essuyer un refus, je préfère retirer les amendements tout de suite, monsieur le président ! (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Les amendements nos 188 rectifié et 187 rectifié sont retirés.

Vote sur l’ensemble

Articles additionnels après l’article 23
Dossier législatif : projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous voici arrivés à la fin de l’examen de ce texte. Je ne reviendrai pas sur la position commune du 9 avril dernier à laquelle sont parvenus la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME, après une négociation interprofessionnelle de plusieurs mois.

À peine un peu plus d’un mois après cet accord, et alors que le président Sarkozy affirme qu’il souhaite qu’on en finisse une bonne fois pour toutes avec l’idée d’un État qui serait seul à même de savoir ce qui est bon pour notre pays, monsieur le ministre, vous imposez par la loi qui, en contradiction avec une célèbre maxime, opprimera le peuple plutôt qu’elle ne le libérera, une vielle exigence du patronat : livrer les salariés à des horaires de travail qui les ramènent plusieurs décennies en arrière.

Cette position commune du 9 avril fondait la représentativité des syndicats sur le vote des salariés de l’entreprise en prenant en compte cette audience électorale pour la validation des accords collectifs.

Ce texte n’était pas parfait et résultait d’un compromis entre quatre organisations syndicales. Ses principales carences portaient sur l’absence de dispositions concrètes concernant l’expression de plus de 4 millions de salariés des très petites entreprises, les TPE. Son article 17 disposait que, à titre expérimental, le contingent des heures supplémentaires au sein de l’entreprise pouvait être déterminé sur la base d’un accord signé par des syndicats représentant une majorité absolue de salariés. Il s’agissait bien d’une représentativité de 50 % de ces syndicats.

Cet accord devait respecter les dispositions du code du travail et de la convention collective, notamment en ce qui concerne les taux de majoration des heures supplémentaires et les droits des salariés à bénéficier des repos compensateurs.

Or, on sait ce qu’il est advenu de cet article 17 de la position commune, malgré tous vos discours sur les mérites du dialogue social ! Vous avez profité de l’occasion pour imposer en catimini une réforme en profondeur de la durée du travail. La trahison n’en est que plus grande !

Qui plus est, vous avez donné ici même votre accord pour que l’on revienne sur les modalités de financement du dialogue social dans les entreprises.

Que telle soit la volonté des sénatrices et sénateurs UMP, écoutant en cela les organisations patronales, cela ne m’étonne pas ; mais en ce qui vous concerne, monsieur le ministre, votre mission était de transposer fidèlement la position commune ! Votre conduite a donc de quoi choquer, car le financement faisait bel et bien partie de la position commune.

Certes, vous nous dites vouloir étendre prochainement – dès le mois d’octobre – l’application de l’accord UPA. Nous serons particulièrement vigilants sur ce point, même si les promesses n’engagent que ceux qui y croient ! J’espère du moins, monsieur le ministre, que vous croyez en votre propre promesse…

Dans le titre II du projet de loi, les articles 16 à 18 consacrent la généralisation de la précarité et l’augmentation démesurée du temps de travail, avec une durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures, la suppression des jours fériés en dehors du 1er mai pour les personnes soumises au régime du forfait jour, la monétisation des repos compensateurs, la disparition des journées de RTT – ce que nous avons dénoncé comme un véritable hold-up –, le dumping social généralisé, l’éloignement de l’inspection du travail, le fait que les comités d’entreprise ne puissent pas donner leur avis, et, pour clore cette liste d’ailleurs non exhaustive, l’inversion de la hiérarchie des normes.

C’est donc une régression sans précédent que vous nous demandez d’entériner aujourd’hui !

De plus, les conditions dans lesquelles ce débat s’est déroulé – urgence déclarée, des réponses du Gouvernement pour le moins lapidaires – témoignent d’une réelle ligne de clivage entre le groupe UMP et le groupe CRC sur le sens que nous donnons, les uns et les autres, au travail, à ce que doit être sa juste rémunération, à sa place dans la vie quotidienne des salariés, mais aussi, ai-je envie de dire, au sens à donner à la vie – professionnelle et familiale –, à la santé et à la sécurité des travailleurs.

Vous n’avez cessé de rappeler que vous vouliez offrir la possibilité à tous les salariés de travailler plus s’ils le souhaitent, vous érigeant ainsi, de manière abusive, en défenseurs de la liberté individuelle. Or, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, la théorie d’Adam Smith est dépassée, l’histoire nous l’a démontré !

Alors, vous vous cachez derrière d’autres arguments, tel que celui consistant à prétendre que la France travaille moins. Cela rend-il notre pays moins compétitif que le reste de l’Europe ou que les États-Unis ?

Vous décrivez une France paresseuse en précisant, comme l’a fait notre collègue Jean-Pierre Fourcade, que chaque salarié travaille deux cents heures de moins dans l’année. Mais cela obère-t-il la capacité de notre pays à produire des richesses ? Non, mes chers collègues, et je ne reviendrai pas sur la démonstration qu’a faite notre collègue Jean-Luc Mélenchon au cours du débat.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

Mme Annie David. En vérité, votre projet de loi maintient la durée légale hebdomadaire du temps de travail à 35 heures, mais vide le code du travail de tout ce qui donnait du sens à cette durée.

Cette clef de voûte du droit du travail n’aura plus demain d’effet au regard des seuils sociaux européens, portés à 60 ou 65 heures hebdomadaires par le projet de directive.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est faux !

Mme Annie David. Par conséquent, avec le présent texte, non seulement vous mentez au peuple de France, mais en plus vous pérennisez un système qui joue contre les salaires et l’emploi, alors que, pendant près d’un siècle, notre pays a prouvé qu’il était possible tout à la fois de baisser le temps de travail et d’augmenter les salaires et la productivité.

Pour toutes ces raisons, vous ne serez pas étonnés que les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen votent résolument et unanimement contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Grâce à l’excellent travail réalisé par la commission des affaires sociales, nous avons pu avoir sur ce texte complexe un débat serein, malgré quelques grandes envolées. Cela nous a permis, sur un certain nombre de grands sujets, d’aller au fond des choses.

Il s’agissait d’abord, par ce texte, de revoir les règles de représentativité des syndicats, qui n’avaient pas évolué depuis 1966. Le projet de loi prévoit de nouveaux critères et reconnaît l’importance de l’audience électorale. La légitimité des organisations représentatives des salariés se trouve ainsi renforcée.

Le groupe UMP considère que la faible représentativité des syndicats est un des graves inconvénients de notre système économique.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Fourcade. Je suis persuadé qu’il est possible de conclure des accords collectifs de meilleure facture, protégeant véritablement nos travailleurs, pour peu que nous parvenions, comme c’est le cas aussi bien dans les pays nordiques qu’en Allemagne et en Grande-Bretagne, à un système fondé sur des organisations syndicales moins nombreuses – il ne faut pas avoir peur de le dire –, mais plus efficaces et représentant davantage les différentes catégories de travailleurs.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Fourcade. Tel est en tout cas le vœu que je forme pour ma part en apportant mon soutien au titre Ier du projet de loi.

Le titre II a, quant à lui, fait l’objet d’un débat peut-être moins serein, mais tout aussi intéressant. Il a pour objet de modifier les règles de négociation des accords en luttant contre deux idées fausses.

La première est celle qui consiste à penser que l’on peut répondre à la mondialisation et à la concurrence internationale par un partage du travail. Nous sommes les seuls au monde à avoir tenté cette expérience avec les 35 heures ! Le résultat ne s’est pas fait attendre : les exportations françaises ne cessent de régresser dans le monde et, plus généralement, notre participation au commerce mondial est en décrue depuis quelques années. Cela, aucune personne de bonne foi ne peut le contester !

M. Guy Fischer. Et notre productivité est une des meilleures au monde !

M. Jean-Pierre Fourcade. La seconde idée fausse concerne la fameuse norme descendante des accords collectifs qui distingue l’accord national, puis l’accord de branche et enfin l’accord d’entreprise.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Alors que l’inverse est plus efficace et plus légitime !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il se trouve que, dans le contexte actuel, compte tenu des problèmes d’emploi que rencontrent surtout les catégories les plus fragiles de la population – telles que les femmes à la tête de familles monoparentales ou encore les jeunes non qualifiés –, il nous faut accroître le nombre d’accords au niveau des entreprises.

En effet, qui investit, qui exporte, qui embauche ? Ce ne sont pas les branches, mais les entreprises ! (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

Par conséquent, si nous voulons que notre modèle social et économique soit compétitif par rapport à l’ensemble de nos concurrents, c’est bien de la réalité de l’entreprise qu’il convient de partir.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, le groupe UMP approuve les éléments de flexibilité supplémentaire que prévoit ce texte (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Jean-Pierre Fourcade.… en particulier sur le plan des heures supplémentaires.

L’année dernière, nous votions la loi TEPA, acceptant ainsi la diminution des impositions sociales et fiscales pesant sur les heures supplémentaires. Il ne fallait donc pas vous attendre, mes chers collègues de l’opposition, à ce que nous revenions sur ce vote, alors même que les effets produits par ces dispositions s’avèrent relativement bénéfiques.

De plus, nous avons examiné grâce au présent texte plusieurs problèmes liés à la réduction du temps de travail ; sur ce point également, je crois que le texte auquel nous sommes parvenus ce soir est important.

Je me félicite également, au nom du groupe UMP, que nous ayons pu, aussi bien sur ce qui concerne les heures supplémentaires que sur le rythme de travail ou encore le compte épargne-temps et le plan d’épargne pour la retraite, débattre dans des conditions qui font honneur au Sénat. Nos échanges ont en effet été sereins, presque tranquilles, ce qui n’empêche pas l’existence d’oppositions doctrinales et factuelles, bien entendu,…

M. Jean Desessard. Évidemment, nous sommes archaïques !

Mme Annie David. Chacun a sa doctrine ! Chacun est doctrinaire à sa façon !

M. Jean-Pierre Fourcade.… mais cela n’a pas empêché que les conditions du débat restent correctes.

Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, le groupe UMP, unanime, votera le texte auquel nous sommes parvenus.

Permettez-moi de remercier pour terminer, au nom de vous tous, le président, le rapporteur et tous les membres de la commission des affaires sociales. Ils ont beaucoup travaillé !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci !

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Nous voici donc arrivés à l’issue de nos débats sur ce projet de loi.

Qui pouvait s’opposer à la nécessaire amélioration de la « démocratie sociale » dans notre pays ? Personne, bien sûr !

Et, pour cela, les pays du nord de l’Europe nous indiquaient une nouvelle fois le chemin à suivre. Pour que le dialogue social fonctionne correctement, il faut en effet des syndicats capables de faire valoir efficacement les droits des salariés, de contribuer à l’élaboration de compromis solides et équilibrés avec le patronat, mais aussi de les faire respecter ; autrement dit, des syndicats puissants dont la légitimité est incontestable.

Sur ce point, le présent texte apporte un début de réponse au problème posé en France, même s’il reste des lacunes dans le titre Ier, notamment en ce qui concerne les modalités concrètes de désignation des syndicats dits « représentatifs ».

En revanche, je dénonce avec la plus grande fermeté, ainsi que mes collègues Verts, la manœuvre qui consiste à lier mécaniquement la recherche légitime d’une nouvelle « démocratie sociale » à ce qui constitue une attaque en règle et de portée historique contre la législation en matière de « temps de travail », pour reprendre l’intitulé du titre II.

Mais, monsieur le ministre, personne n’est dupe ! Les Français n’auront aucune peine à croire votre ami politique, M. Devedjian, député UMP, lorsqu’il annonce un « démantèlement définitif des 35 heures ».

Pis encore, cette loi constitue une régression qui va nous ramener avant 1936 et qui va toucher de plein fouet le monde du travail.

Pour le coup, cette très mauvaise attaque portée aux salariés constitue bien une politique de « rupture » ! Il s’agit même d’une rupture historique puisque, pour la première fois, le législateur s’en prend directement à l’un des principes fondateurs du droit du travail avec l’inversion radicale des normes juridiques : un accord d’entreprise pourra être plus pénalisant pour le salarié qu’un accord de branche.

Ainsi, à l’exact opposé des pratiques des pays nordiques adeptes du capitalisme rhénan, qui caractérise des États tout aussi pacifiés sur le plan social que performants sur le plan économique, ce texte ouvre de nouvelles voies à la déréglementation du droit du travail dans notre pays et au dumping social généralisé entre les entreprises installées en France. Voilà une belle rupture, en vérité !

Ce sont des décennies de progrès sociaux, arrachés de haute lutte par les salariés, qui sont aujourd’hui remis en cause au nom d’une idéologie ultralibérale qui ne dit pas son nom. En effet, ce projet de loi porte en germe la dégradation inexorable des conditions de travail, de vie – familiale et sociale – et de santé des salariés.

Dans le monde nouveau qui commence à émerger, marqué par la fin définitive de l’ère du « pétrole pas cher », avec pour conséquence une croissance économique structurellement et durablement ralentie, nous sommes collectivement invités à favoriser l’émergence de nouveaux compromis sociaux, forcément complexes.

Or, monsieur le ministre, avec ce projet de loi, vous nous proposez de valider un compromis social productiviste et inégalitaire, qui date véritablement du siècle dernier. En favorisant les heures supplémentaires, il donne en effet la priorité à ceux qui travaillent déjà, et non aux chômeurs.

Par ailleurs, les gains de productivité du travail réalisés chaque année reviennent implicitement au patronat, puisque la hausse du pouvoir d’achat ne devient possible pour les salariés que s’ils font des heures supplémentaires, ce que le texte va faciliter, pour ne pas dire imposer !

Enfin, la stimulation de la croissance – durablement ralentie – en emploi n’est envisagée qu’à travers la multiplication des emplois précaires.

À ce compromis social anachronique, productiviste et inégalitaire, j’oppose, avec mes collègues Verts, la recherche de compromis sociaux nouveaux, écologistes et solidaires, axés sur la réduction partagée du temps de travail et sur une répartition de la richesse plus équitable.

Telles sont les raisons pour lesquelles, en conscience, je ne peux que voter contre ce texte, qui est sans doute, monsieur le ministre, le pire sur le plan social que votre Gouvernement nous ait présenté !

Mais, en pleine période estivale, tout semble permis, même le pire… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela fait des mois qu’il en est question !

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.

Mme Christiane Demontès. Avec ce projet de loi et particulièrement son titre II, consacré à la réforme du temps de travail, nous franchissons une étape supplémentaire dans la voie d’une déréglementation à l’américaine du droit du travail et de la destruction du modèle social, non seulement français, mais européen. En effet, nous nous éloignons encore un peu plus des systèmes en vigueur en Europe du Nord.

Dans ce domaine, nous avons connu une année chargée, qui se clôt avec le coup final porté à la réglementation sur la durée du travail. Pour aller vite, à compter de ce jour, ce sont au mieux des accords d’établissement ou d’entreprise qui régiront la matière et au pire des accords de gré à gré qui exprimeront la volonté unilatérale de l’employeur.

Les forfaits sont appelés à connaître une croissance exponentielle, puisqu’ils permettent de fait d’appliquer la réglementation européenne qui autorise à « crever » tous les plafonds et à faire disparaître les heures supplémentaires pourtant promises aux salariés par le président Sarkozy.

On fait croire à ces mêmes salariés qu’ils augmenteront leur pouvoir d’achat en rachetant des jours de RTT, voire, bientôt, leur compte épargne-temps, alors que l’on ne fait que leur donner, si l’employeur l’accepte, ce qui leur appartient déjà.

Le slogan « travailler plus pour gagner plus » est vite devenu, dans l’esprit de la plupart de nos concitoyens, une expression vide de sens. Demain, lorsque ceux-ci découvriront l’application qui sera faite de ce texte dans leur entreprise, dans leur vie quotidienne, ils constateront que le Gouvernement et sa majorité élaborent des lois qui les condamnent à travailler plus pour gagner moins.

Cette formidable arnaque se produit dans un contexte de baisse des bas salaires en valeur absolue, avec une hausse de 2,30 % du SMIC pour une inflation officielle de 3,20 %.

M. Xavier Bertrand, ministre. N’oubliez pas la revalorisation de 0,9 % s’il vous plaît !

Mme Christiane Demontès. Il n’y a que la vérité qui fâche, monsieur le ministre !

Cette situation se conjugue avec une hausse spectaculaire de la précarité et des temps partiels subis pour ces catégories de salariés qui supportent une double peine : un tiers des emplois sont aujourd’hui « atypiques », comme on les qualifie pour ne pas dire « précaires ». C’est ainsi que l’on obtient temporairement une baisse du chômage, qui s’arrête d’ailleurs aujourd’hui.

La précarisation du marché du travail s’accentuera aussi avec la loi de modernisation de l’économie, qui crée des contrats à objet défini, légalise le portage et allonge les périodes d’essai des CDI. La rupture conventionnelle contrarie la législation relative au licenciement, qu’elle permettra à coup sûr de contourner.

Avec une loi qui les oblige à accepter un emploi précaire et mal rémunéré, sans tenir compte des coûts de transport qui tendent à s’alourdir ni, plus généralement, de leurs conditions de vie, la pression se fait plus forte sur les chômeurs.

Il en est de même pour les commerçants, qui se voient imposer une libéralisation incontrôlée des grandes surfaces au motif que la concurrence fera baisser les prix. Aucun n’y croit ! Le Gouvernement semble compter les seules personnes en France à n’avoir jamais entendu parler des ententes ! De plus, ce ne sont certainement pas les hypermarchés qui créent des emplois pérennes et à temps plein !

Les artisans aussi sont concernés, car le statut d’auto-entrepreneur n’est jamais que la légalisation du travail au noir, sans garantie pour le client, mais avec des avantages fiscaux et sociaux au bénéficiaire.

Tout ce processus se déroule dans un contexte de hausse non seulement des prix de l’énergie due à la spéculation, qui grève le prix du transport et bientôt celui du chauffage, mais aussi celui des denrées alimentaires de base, frappant les plus modestes de nos concitoyens. La consommation, seul soutien de la croissance, est maintenant en baisse, faute d’une demande solvable dans de nombreux secteurs.

La demande existe, mais les revenus ne suivent pas, et l’économie s’enfonce dans le trou noir de la stagflation. Les indicateurs de la croissance sont au rouge pour la période actuelle et au moins …

M. Guy Fischer. Pour deux ans !

Mme Christiane Demontès. … jusqu’à la fin de l’année 2009.

La réduction de la dette est une priorité absolue. Soit. Mais si elle ne se traduit que par une augmentation des franchises médicales, une baisse en valeur absolue des retraites et la suppression de dizaines de milliers de postes de fonctionnaires, elle ne fera qu’accentuer la récession. Combien de nos concitoyens seront matériellement et moralement détruits par cette politique ?

Le Gouvernement a manifestement choisi de privilégier une politique de réduction des dépenses au détriment des services publics qu’il considère comme inutiles. Mais aucune politique volontariste d’investissement, de recherche, d’innovation et de développement ne vient la compenser.

Les seuls « investissements » du Gouvernement sont de nature fiscale et s’adressent à une infime fraction de son électorat : en termes de coût budgétaire, 87 % des mesures relatives à la fiscalité du patrimoine ne concerneront que 16 000 contribuables !

L’injustice explose, et surtout la conscience de cette injustice ! On ne peut valablement imposer de tels sacrifices en étalant tous les jours sur papier glacé le luxe effréné d’une petite caste ultraprivilégiée.

La mondialisation n’apparaît vite que pour ce qu’elle est : un prétexte ! Car chacun peut constater que, si notre condition s’aggrave, celle de ceux qui sont exploités dans les pays émergents ne s’améliore pas.

Cette politique est un concentré d’injustice, qui crée une situation instable. Vous en avez d’ailleurs conscience, comme en témoigne votre précipitation à faire voter tous ces textes par votre majorité.

Nous nous opposons avec la même détermination à ce projet de loi, qui n’est qu’un élément parmi d’autres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut pas reprocher à la majorité une vision du monde qui consiste à penser par sophismes, à l’instar du « travailler plus pour gagner plus ». J’ai d’ailleurs démontré, au cours de la session parlementaire, qu’il s’agissait d’un abus de langage.

On ne peut même pas reprocher à la majorité de procéder au démantèlement des 35 heures, tant ce détricotage coïncide avec la vision étriquée que je viens d’évoquer.

Défaire les 35 heures, c’était votre marotte, monsieur le ministre ! Vu les courtes majorités avec lesquelles vous passez, on comprend que vous vous fassiez plaisir en détruisant l’ouvrage de vos prédécesseurs !

M. Xavier Bertrand, ministre. 60 % !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. En l’occurrence, avec un peu de recul, les 35 heures –  comme, en leur temps, les congés payés – révèlent leur caractère progressiste : au fond, convaincre prend plus de temps qu’appâter avec des slogans.

La réduction du temps de travail, l’amélioration de l’environnement global de la vie de chacun, de manière égalitaire puisque tous les salariés étaient concernés, la libération d’un temps pour vivre, s’occuper de ses enfants, de ses parents, avoir des loisirs, consommer : voilà, en somme, ce qu’instaurèrent les 35 heures. Elles exprimaient la conviction selon laquelle il n’y a pas que l’argent, toujours l’argent, qui puisse rendre heureux, qu’il en faut toujours plus pour avoir une chance d’accéder au bonheur. Elles témoignaient aussi d’une ambition : cette démarche, qui recueillerait une adhésion d’abord timide, ferait finalement, inexorablement, l’unanimité.

Dans un sondage publié par Les Échos, 79 % des salariés des secteurs privé et public ne sont pas intéressés par le rachat de leurs RTT. En mai dernier, selon un sondage organisé par la Cegos, 80 % des salariés étaient favorables aux 35 heures. Ces deux sondages démontrent que la majorité des Français reste attachée aux 35 heures. Même si elles ont entraîné une intensification du travail, elles ont surtout permis d’importants gains en qualité de vie.

Si, au moins, l’autre promesse du candidat Sarkozy, concernant le pouvoir d’achat, s’était substituée à ce leurre du « travailler plus pour gagner plus » ! Hélas, ce n’est même pas le cas !

Monsieur le ministre, votre projet va à l’encontre non seulement de la volonté des salariés, mais aussi et surtout de leur intérêt.

En généralisant la négociation de gré à gré entre l’employeur et le salarié, sans reconnaître la subordination qui lie le second au premier, vous prenez l’initiative de la plus grave régression sociale qu’ait connue notre pays.

Depuis la fin du xxe siècle, les avancées sociales progressives – baisse du temps de travail et augmentation des salaires – ont favorisé un accroissement de notre productivité, laquelle reste aujourd’hui l’une des plus élevées du monde.

Alors que les principaux syndicats et le MEDEF étaient parvenus à un accord, votre projet de loi vise à le remettre en cause, au motif qu’il ne correspond pas à votre objectif du « travailler plus pour gagner plus », sans contrainte.

Quant aux cadres payés au forfait, qui avaient renoncé au paiement de leurs heures supplémentaires effectuées au-delà des 35 heures en échange d’un travail maximum de 13 heures par jour sans aller au-delà de 218 jours par an, ils sont les premiers touchés par la réforme. La limite du forfait est portée à 235 jours et pourra même atteindre 282 jours dans les entreprises qui auront négocié ce point. En contrepartie, les cadres percevront à partir du 219eme jour une majoration salariale de10 %. De qui se moque-t-on ? C’est proprement scandaleux !

Le « travailler plus pour gagner plus » est devenu le nouvel adage de la politique économique. Comme si le bonheur ne tenait qu’à l’argent ! Comme si tout le monde ne rêvait que de partir en vacances sur le yacht d’un copain ! Il aura fallu inscrire ce slogan dans le marbre et en faire un mot d’ordre, la devise d’une nation entière, un prêche !

Pourtant, nombre d’économistes s’accordent sur le fait que la richesse créée dans un pays dépend de la quantité, mais surtout de la qualité du travail, celle-ci correspondant à la productivité horaire. Brieuc Bougnoux démontre à qui veut bien le lire que les vrais facteurs de richesse d’un pays se résument en un niveau élevé du taux d’emploi et à la productivité horaire, non au nombre d’heures travaillées. D’ailleurs, les pays où l’on travaille le plus sont à la dernière place en termes de richesse par habitant. Cet économiste démontre également que les pays qui ont fait le choix du « travailler tous » plutôt que celui du « travailler plus » ont un PIB par habitant nettement supérieur.

Le slogan « travailler plus pour gagner plus » semble inadapté à la France ; le bon modèle devrait plutôt être « travailler tous et mieux, pour gagner plus ».

Quelles seront les conséquences de ce projet de loi ?

En favorisant le « travailler plus », ce projet de loi risque surtout de produire de nouveaux exclus du marché du travail. Qui paiera pour ceux-là, sinon ceux qui auront travaillé plus pour gagner plus eux-mêmes ! Les mêmes qui devront travailler davantage, non plus en termes d’heures mais d’années, pour gagner encore plus, pour payer encore plus et plus longtemps...

Votre logique n’est pas imparable. Elle est puissante dans l’affichage, mais elle ne passe pas le crible de l’analyse critique qui en révèle les faiblesses, la fatuité et, dirai-je, la pauvreté.

Contrairement à ce que vous avez cherché à faire croire aux Français, nous ne sommes pas tous obsédés par le quantitatif ; quelques-uns d’entre nous savent penser autrement. Nous ne rêvons pas tous de nous payer un yacht !

Parodiant un vers célèbre d’un auteur non moins célèbre, il nous faut « travailler pour vivre et non pas vivre pour travailler ».

On peut vous reprocher non pas cette vision étriquée, mais votre entêtement, envers et contre tous, à vouloir abîmer une belle vision qui n’était pas la vôtre, celle d’aimer son travail, d’être heureux au travail, de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, une vision partagée par 80 % des Français. Or vous la mettez à bas au profit d’un « toujours plus », dont l’objectif est d’encourager des modes de rémunération indexés sur les résultats de l’entreprise et déconnectés du régime fiscal et social des salaires.

Il va de soi que nous ne saurions voter pour une telle régression sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, je souhaite dresser un bref bilan du débat qui s’achève.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons tout notre temps !

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est la démocratie sociale !

M. Jean Desessard. Je formulerai tout d’abord cinq remarques sur la forme.

Premièrement, pourquoi débattre en urgence de questions aussi importantes que la représentativité syndicale ?

Deuxièmement, concernant l’organisation du débat, je ne comprends pas pourquoi – et les présidents qui se sont succédé ne sont nullement en cause –, vendredi dernier, on a voulu nous faire travailler le plus tard possible, songeant même un moment à nous faire siéger la nuit, alors qu’il aurait été plus simple de reporter dès la fin de l’après-midi la suite de la discussion à aujourd’hui.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et plusieurs sénateurs de l’UMP. Pour gagner plus ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Pour rien ! Puisque nous sommes beaucoup plus nombreux à siéger cet après-midi et à débattre dans la sérénité. Je vous remercie donc, monsieur Romani, d’avoir pris la sage décision qui consistait à renoncer de finir dans la nuit de vendredi. En tout cas, à l’avenir, il serait bon d’éviter de faire travailler le vendredi soir la dizaine de sénateurs et sénatrices présents, surtout pour ceux qui doivent rentrer en province.

Troisièmement, pourrait-on organiser différemment le débat d’amendements ? Monsieur le rapporteur, vous avez déposé un amendement n° 43 qui visait à réécrire entièrement l’article 17, sur lequel quelque quarante amendements avaient été déposés. N’aurait-il pas été préférable de diviser votre amendement en cinq ou six parties, de manière à susciter un vrai débat sur chaque point de cet article ? (M. le président de la commission et M. le rapporteur font un signe de dénégation.) Au lieu de quoi, nous n’avons eu droit qu’à une succession de monologues !

Selon vous, le vote de la révision constitutionnelle va permettre une autre organisation de nos travaux.

M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui, grâce au Congrès, cela va changer !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Heureusement ! Nous avons eu chaud ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Tant mieux, parce que celle que nous avons connue sur ce texte n’était pas bonne !

Quatrièmement, quand on voit, à l’occasion d’un scrutin public, un collègue de l’UMP venir voter avec tout un paquet de bulletins pour son groupe et même, parfois, pour un autre groupe, on peut se demander s’il est bien utile de débattre. Je vous le dis franchement, même si je suis l’un des seuls à le penser !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les sénateurs de l’UMP sont peut-être trop nombreux ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Desessard. Vous avez vu hier, à Versailles, combien le débat est plus riche quand chacun vote en son nom propre ! L’issue du Congrès s’est jouée à deux voix près !

M. Jean Desessard. Avec des délégations de vote, où aurait été le suspense ?

Retrouvons donc une autre forme de vote, plus démocratique, où chacun est porteur d’un seul mandat !

J’en viens maintenant au fond.

Cinquièmement, même si le texte était parfois technique, nous avons eu des échanges politiques intéressants, ainsi que M. Fourcade l’a souligné. D’ailleurs, comme les débats ont été retransmis sur la chaîne Public Sénat, j’ai reçu de nombreux SMS me félicitant : « Bravo ! Continuez ! Le PC est bon, la gauche est bonne ! » (Rires.- Exclamations sur les travées de lUMP.)

Un sénateur de l’UMP. Et les Verts ?

M. Jean Desessard. Eh oui ! Les vrais débats intéressent les citoyens !

Il est certes dommage que vous n’ayez pas reçu de SMS, monsieur le rapporteur, mais c’est normal puisque ce sont surtout les salariés qui s’intéressent à ces questions ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Quoi qu’il en soit, et bien que l’urgence ait été déclarée sur ce texte, le Gouvernement et la commission se sont bien réparti les rôles.

D’un côté, M. le rapporteur nous expliquait, imperturbable : « C’est comme ça et pas autrement ! Avançons ! » De l’autre, M. le ministre, d’un ton paterne, tentait de nous rassurer : « Ne vous inquiétez pas ! Ayez confiance ! Tout va bien se passer ! » (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Au milieu, M. le président de la commission des affaires sociales essayait de concilier l’ensemble.

Et tout cela, en fin de compte, pour mieux détricoter le code du travail !

À présent, je voudrais revenir sur le fond des deux parties qui composent ce projet de loi.

Le titre Ier, consacré à la démocratie sociale, porte notamment sur la représentativité syndicale. Il était effectivement nécessaire d’envisager une réforme sur ce dossier, mais pas celle que vous avez décidée.

Pour vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le niveau pertinent est celui de l’entreprise. Cela correspond parfaitement à votre idéologie, qui est d’individualiser les rapports sociaux. Pourtant, nous aurions pu trouver une autre méthode pour définir la représentativité des syndicats, en l’occurrence des élections nationales de type prud’homal.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela ne marche pas !

M. Jean Desessard. Nous avons débattu de ce sujet, sur lequel il était effectivement nécessaire d’évoluer, mais nous aurions préféré une autre stratégie.

Le titre II du projet concerne les règles relatives au temps de travail, que, fidèles à vous-mêmes, vous prétendez « alléger ». C’est toujours la même idée ! Selon vous, pour être compétitifs avec les pays émergents, où les conditions de travail sont moins favorables aux salariés, nous devrions réduire le coût de la main-d’œuvre et allonger la durée du travail.

Tel n’est pas notre projet. Nous estimons que l’Europe et la France doivent constituer un modèle social et écologique. Je sais que ce n’est pas votre point de vue, monsieur le rapporteur !

En réalité, ce qui différencie la gauche de la droite, c’est bien le projet de société !

Pour la gauche, c’est l’homme qui doit être au centre de toutes les préoccupations. Nous recherchons de meilleures conditions de vie pour chacun, en tenant compte de l’environnement et des ressources naturelles, ce qui est à la fois une nouveauté et une nécessité. D’une manière générale, notre horizon, c’est l’éco-socialisme. C’est cela, la gauche !

Pour d’autres, notamment pour vous, chers collègues de la majorité, ce qui compte, c’est d’abord la recherche du profit, au détriment de la vie des salariés. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Henri de Raincourt. Non, non et non !

M. Jean Desessard. C’est le sens du présent projet de loi. C'est la raison pour laquelle les sénatrices et les sénateurs Verts voteront contre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous arrivons pratiquement au terme de cette session extraordinaire, qui s’achève sur un texte emblématique.

Il s’agit sans doute d’une réforme essentielle pour la majorité sénatoriale, pour la droite. Le Président Sarkozy voulait, avec l’UMP, que ce projet de loi soit adopté au cours de la première année de la présente législature ; il est sur le point de réussir.

M. Dominique Braye. Tant mieux ! Il tient ses promesses !

M. Robert del Picchia. Et c’est très bien !

M. Guy Fischer. Néanmoins, la réalité de ce texte apparaîtra, j’en suis certain, aux yeux de millions de Françaises et de Français dans les mois, les semaines, voire les jours à venir, suscitant des réactions aussi logiques que légitimes.

Sur la représentativité et le financement des syndicats, tout le monde était, me semble-t-il, d'accord pour respecter la position commune. Des amendements ont été apportés, mais l’esprit a véritablement été de tenir compte de cette négociation.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par conséquent, vous allez vous abstenir ?

M. Guy Fischer. En revanche, il y a beaucoup à dire sur la deuxième du projet de loi, qui concerne le temps de travail.

Au cours d’un débat aride, où près de soixante articles du code du travail ont été soit modifiés soit supprimés, les dispositions relatives au temps de travail ont fait l’objet d’une réécriture très complexe,…

Mme Annie David. Et toujours dans le même sens !

M. Guy Fischer. … qui a nécessité plusieurs jours de discussions terriblement techniques.

De toute évidence, le dispositif retenu s’apparente à un démantèlement,…

Mme Annie David. Exactement !

M. Guy Fischer. … à une dérégulation, à un détricotage des règles actuelles relatives au temps de travail, même si la durée annuelle légale reste fixée à 1 607 heures.

Permettez-moi de vous fournir deux illustrations des extrémités auxquelles ce texte peut conduire.

Premier exemple. Aujourd'hui, le volume d’heures supplémentaires effectuées par les salariés qui ont recours à cette pratique – c'est-à-dire seulement 30 % d’entre eux – est en moyenne de 55 heures. Or le contingent a été porté à 220 heures. La marge de la déréglementation est don considérable.

Deuxième exemple. S’agissant des conventions de forfait en jours, le seuil maximal du nombre de jours travaillés dans l’année passe de 218 à 235 pour les cadres, avec la possibilité d’étendre ce dispositif à l’ensemble des salariés. Au cours de la discussion, nous avons démontré qu’il pourrait même atteindre 280 jours et que le volume d’heures supplémentaires pourrait être supérieur à 400. Et il ne s’agit pas là d’une caricature : c’est bien la réalité qui est devant nous !

En six ans, nous en sommes aujourd'hui à la septième loi tendant à introduire plus de flexibilité et de souplesse dans le code du travail. Permettez-moi d’effectuer à cet égard un petit rappel.

Le contingent annuel d’heures supplémentaires avait été porté de 130 à 180 par la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi. Puis, après la promulgation d’un décret du 21 décembre 2004 – il faut toujours se méfier des mesures prises au moment des fêtes de fin d’année ! –, il a atteint 220 heures.

La loi du 31 mars 2005 portant réforme de l’organisation du temps de travail dans l’entreprise a permis d’aller encore au-delà, avec l’accord du salarié. Nous approchions donc du gré à gré.

La loi du 21 août 2007 – l’an dernier, nous avions siégé jusqu’au 2 août – en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, a institué des exonérations de cotisations pour les entreprises et des avantages fiscaux pour les salariés ayant recours aux heures supplémentaires, ce qui a constitué une attaque très vive contre la possibilité de créer de nouveaux emplois.

Puis, dernièrement, la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat a autorisé les salariés à racheter des jours de RTT.

Aujourd'hui, certains en mesurent peut-être mal la portée – en fait, il s’agit d’un véritable coup de poignard dans le dos des salariés –, mais le Gouvernement a arbitrairement décidé d’introduire dans le projet de loi toute une série de dispositions graves et très éloignées des principes qui avaient pourtant été âprement négociés entre les partenaires sociaux.

Ma collègue Annie David l’a déjà souligné, mais je le répète parce que c’est très important, ce texte ouvre la voie à la semaine de quarante-huit heures, à la suppression des jours fériés, hors 1er mai, dans les conventions de forfait en jours et à la possibilité d’effectuer 17 jours de travail supplémentaires, soit un samedi sur trois. En outre, une de nos collègues du groupe UMP prépare actuellement une loi sur le travail du dimanche.

Le projet de loi aura également pour conséquences la monétisation du repos compensateur, quand il en reste, et l’évaporation des jours de RTT, sans compter qu’il ouvre la porte à tous les abus pour certains employeurs, auxquels vous offrez désormais un outil de dumping social de la sphère économique du travail.

Par ailleurs, l’avis des comités d’entreprise et des délégués du personnel, ainsi que la consultation de l’inspection du travail disparaissent.

Quant à l’article 16 du projet de loi, il consacre l’inversion de la hiérarchie des normes, ce qui revient à remettre en cause l’ordre public social. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est de nouveau bafouée, tout comme notre Constitution.

En outre, la législation relative aux 35 heures, qui est votre bouc émissaire habituel, subsiste, mais elle est détournée.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Guy Fischer. En fait, ce projet de loi pérennisera un système qui joue contre les salaires et contre les retraites. Cela, c’est grave !

Par conséquent, comme l’a fort bien souligné ma collègue Annie David, nous voterons résolument contre ce texte et nous demandons un scrutin public pour clore ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, nous examinerons demain ce projet de loi en commission mixte paritaire en vue d’une adoption définitive le soir même.

Au moment où nos travaux se terminent, je souhaite adresser des remerciements.

Mes premiers remerciements vont d’abord aux différents présidents de séance qui se sont succédé au « plateau » tout au long de ces débats. Je vous remercie donc, monsieur le président, ainsi que vos collègues Philippe Richert et Roland du Luart, d’avoir aussi bien dirigé nos travaux.

Je salue également le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, M. Jean-Frédéric Poisson, qui a effectué un travail remarquable, permettant à notre Haute Assemblée d’être saisie d’un texte déjà bien amélioré par nos collègues députés.

En outre, je voudrais naturellement remercier mes collègues de la majorité. J’en profite pour répondre aux critiques relatives à leur prétendue « absence ». Contrairement à ce que certains ont pu affirmer au cours de nos débats, mes collègues sont bien là ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Robert Bret. Oui, mais ils sont muets !

M. Alain Gournac, rapporteur. Voyez vous-mêmes, chers collègues de gauche ! Ils ne sont pas partis en vacances !

Mme Annie David. Nous avons donc bien fait de repousser nos travaux jusqu’à aujourd'hui !

M. Alain Gournac, rapporteur. Je tiens d’ailleurs à les remercier du soutien qu’ils m’ont apporté tout au long de nos travaux.

M. Jean Desessard. Comme pour le CPE ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Mais je souhaite également remercier mes collègues de l’opposition. Certes, nous ne sommes pas d'accord et nous ne partageons pas les mêmes conceptions, mais nos débats se sont déroulés de manière tout à fait courtoise. Nous avons pu échanger et confronter nos points de vue.

En réalité, votre approche est simple : vous voulez encadrer le travail. C'est la raison pour laquelle, dans vos amendements, l’inspecteur du travail revenait « à tous les coins de rue » ! (Sourires sur les travées de lUMP.) Vous vouliez le mettre partout !

Mme Annie David. Ce n’est pas nous qui voulons le « mettre partout » ! Il est déjà dans le code du travail !

M. Alain Gournac, rapporteur. Et même si leur nombre est effectivement en augmentation, il n’y en aura jamais assez dans notre pays pour effectuer toutes les tâches que vous prétendez leur confier !

Pour notre part, l’encadrement du travail, nous n’en voulons pas ! D’ailleurs, réfléchissons quelques instants. Que veulent nos compatriotes ?

Mme Odette Terrade. Avoir plus de pouvoir d'achat !

Mme Annie David. Mieux gagner leur vie !

M. Alain Gournac, rapporteur. Selon vous, mes chers collègues, dans quel pays sommes-nous parvenus à exporter les 35 heures ? Nous exportons bien nos avions, nos TGV, notre ingénierie du bâtiment et des travaux publics, etc. En revanche, les 35 heures, personne n’en a jamais voulu ! Absolument personne !

Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, nous avons défendu nos conceptions respectives et nous avons débattu démocratiquement. Aujourd'hui, nous parvenons à texte qui libère des possibilités à la fois pour les entreprises et pour les employés.

Mme Christiane Demontès. Pas pour les travailleurs !

M. Alain Gournac, rapporteur. Mais arrêtez un peu avec les « travailleurs » !

Mme Raymonde Le Texier. Pourquoi ? Ce n’est pas un gros mot !

M. Alain Gournac, rapporteur. Les défenseurs des travailleurs, je me demande de quel côté de cet hémicycle ils se trouvent ! (Marques d’approbations sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Je voudrais maintenant remercier M. le ministre. Monsieur le ministre, il est agréable de travailler avec vous.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est réciproque !

M. Alain Gournac, rapporteur. Vous avez une formidable capacité d’écoute, et je vous sais gré de nous avoir permis d’apporter d’utiles compléments à ce texte.

Pour ma part, je vais partir en vacances très heureux.

Mme Annie David. Vous avez bien de la chance !

M. Alain Gournac, rapporteur. En effet, je pense modestement que nous avons contribué à faire avancer notre pays.

Ainsi, il était nécessaire de faire évoluer la représentativité syndicale, pour la rendre plus transparente et mieux l’organiser. Désormais, chacun pourra constater l’importance des syndicats.

M. Jean Desessard. On verra bien !

M. Alain Gournac, rapporteur. Mais si, monsieur Desessard ! Nous pourrons observer la position des syndicats dans les entreprises, et ce sera très intéressant.

En réalité, nos compatriotes demandaient que l’on renforce la transparence de la représentativité des syndicats, tout comme ils attendaient les mesures contenues dans le titre II du projet de loi : ils attendaient que, dans ce pays, on ait une certaine liberté pour travailler.

Mais surtout, je veux saluer une avancée sensationnelle, de ce texte : nous avons simplifié le code du travail !

M. Guy Fischer. Non ! Vous l’avez démantelé, saboté !

M. Robert Bret. Vous l’avez « arrangé » à votre façon : au rabot !

M. Alain Gournac, rapporteur. À mes yeux, cette simplification du code du travail représente beaucoup. Je ne sais pas combien de ses articles nous avons supprimés, tout ce que je retiens, c’est que nous l’avons simplifié, et ça, c’est vraiment quelque chose !

Pour finir, je souhaite remercier les collaborateurs de la commission (M. Guy Fischer applaudit), qui ont dû travailler dans l’urgence pour m’aider à préparer l’examen de ce texte, de jour comme de nuit, et même le samedi et le dimanche. J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec eux. D’une manière générale, et avant de partir en vacances, je tiens à saluer l’ensemble des fonctionnaires du Sénat. Nous avons la chance d’avoir des personnels remarquables au sein de la Haute Assemblée. Qu’ils soient chaleureusement remerciés. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président, je voudrais m’associer aux remerciements qui ont été formulés à l’instant.

Je remercierai tout d’abord la commission, en particulier son président, Nicolas About, et son rapporteur, Alain Gournac. De nombreux amendements de la commission ont été adoptés ? D’importants échanges nous avaient permis, avant la séance publique, de préparer et d’éclairer les débats. Je tiens à souligner à la fois la constance dans le travail et l’exigence à l’égard du Gouvernement – dans le bon sens, me semble-t-il – de la commission.

Je voudrais également remercier l’ensemble des sénateurs qui ont participé à ce débat, sous la conduite des différents présidents de séance. Vendredi matin, notamment, je le dis devant Philippe Richert, nous avons eu un débat très intéressant qui nous a permis de mettre clairement au jour les différences, voire les divergences - assumées – entre les uns et les autres. Je m’en réjouis, car je refuse, comme vous, le politiquement correct et la pensée unique.

Cela étant, vous vous apprêtez à voter sur un texte majeur, historique, qui refonde la démocratie sociale, la représentativité syndicale. Pour la première fois depuis l’après-guerre, c’est l’élection qui va fonder la légitimité : tout délégué syndical dans une entreprise devra s’être présenté aux élections et avoir obtenu au moins 10 % des suffrages. C’est un point important, qui est attendu depuis longtemps.

M. Alain Gournac, rapporteur. Il ne sera plus nommé !

M. Dominique Braye. C’est ça, la démocratie !

M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà ce qui change, voilà ce qui fonde une démocratie sociale !

Ce texte revoit également le financement des syndicats, avec un maître mot : la transparence.

Enfin, s'agissant de la question du temps de travail,…

Mme Annie David. Vous l’avez supprimé !

M. Xavier Bertrand, ministre. …nous l’avons dit et nous l’assumons, nous sortons enfin du carcan des 35 heures.

Les différents textes qui avaient déjà été adoptés en ce sens n’avaient pas permis d’établir les choses aussi clairement qu’aujourd’hui : si on veut rester aux 35 heures, on pourra le faire ; si on est bloqué par les 35 heures, on pourra travailler davantage.

Hier, en visitant trois entreprises de Bretagne, j’ai été interpellé sur la même question. Les salariés se sont plaints d’être bloqués par les contingents d’heures supplémentaires. Il faut savoir que ce contingent n’est pas toujours de 220 heures par an. Dans beaucoup d’entreprises, il n’est que de 130 heures par an, de sorte que, dès le mois d’octobre, les salariés sont bloqués et ne peuvent plus accroître leur revenu en effectuant des heures supplémentaires, même s’ils le souhaitent.

Vous évoquez le nombre d’heures supplémentaires moyen par entreprise : la belle affaire ! Aucune entreprise ne ressemble à une autre. Ce fut d’ailleurs la grande erreur conceptuelle des 35 heures que d’avoir voulu mettre le même uniforme à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et quel que soit le secteur d’activité.

M. Dominique Braye. Absolument ! Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne vous ressemblez pas ! Pourquoi les entreprises se ressembleraient-elles toutes ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Vous avez voulu traiter toutes les entreprises de la même façon, voilà l’erreur de fond des 35 heures.

M. Bernard Frimat. Caricature !

M. Xavier Bertrand, ministre. Or les 35 heures ont fait un tort terrible à l’économie française ; elles ont freiné la compétitivité, elles ont contraint ou bloqué les salaires. À l’époque, il a d'ailleurs fallu beaucoup d’intelligence aux partenaires sociaux dans les entreprises pour éviter que les erreurs conceptuelles des 35 heures ne constituent véritablement la clef du pire pour l’économie française ; mais le mal a tout de même été fait !

Pour notre part, nous avons choisi la voie du pragmatisme. Heureusement que ce débat a eu lieu ! Parce que la gauche, et notamment le parti socialiste, a eu de nouveau l’occasion de parler de la valeur travail ! Cela faisait bien longtemps que vous ignoriez la valeur travail. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. C’est honteux ! Arrêtez !

M. Bernard Frimat. Quel discours lamentable !

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela faisait bien longtemps que la valeur travail était inexistante dans les discours ! Mais force est de reconnaître que vous n’avez pas mis à jour vos notes : vos discours ont toujours le même souffle de l’archaïsme, ils continuent de renvoyer à la même réalité complètement dépassée, datant du siècle dernier !

M. Dominique Braye. Du XIXe siècle !

M. Guy Fischer. Les vôtres renvoient à l’époque de l’esclavage !

M. Bernard Frimat. C’est vous qui proposez un retour au Moyen Âge !

Mme Christiane Demontès. Vous, vous remettez le servage à l’honneur !

M. Xavier Bertrand, ministre. La vérité, c’est que vous voulez, sur tous ces sujets, vous en tenir à l’idéologie d’alors, ce qui vous permet d’éviter de répondre à certaines questions.

M. Xavier Bertrand, ministre. Au fait, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, quelle est votre position sur les 35 heures ? Ce débat a été bien commode : il vous a évité de vous prononcer sur l’évolution du monde du travail !

Mme Raymonde Le Texier. Nous, nous refusons le « travailler plus pour gagner moins » !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il vous a évité de trancher le débat au sein du parti socialiste entre les partisans du statu quo et les tenants de la généralisation, prônée par certains pendant la campagne présidentielle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Vous voyez, nous vous sauvons !

M. Xavier Bertrand, ministre. Sur tous ces sujets, vous avez essayé de faire peur. Vous avez essayé de présenter comme des innovations ce qui n’était que la réalité du code du travail actuel !

M. Jean Desessard. Sous ses airs bonhommes, c’est un serpent, et il mord ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous aviez pourtant été discrets pendant des années sur tous ces points : pourquoi vous exprimez-vous seulement maintenant ?

Voilà un sujet type sur lequel l’opposition se découvre. Vous avez beau parler de valeur travail, vous n’avez pas travaillé ! Les Français s’en rendent compte, et c’est pour cela que vous êtes dans l’opposition ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. Dominique Braye. Nous voulons vous sauver ! Comme Sarkozy avec Jack Lang ! (Rires sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 147 :

Nombre de votants 323
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l’adoption 198
Contre 125

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. Dominique Braye. Merci pour les travailleurs !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
 

6

Commission mixte paritaire

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur le projet de loi que nous venons d’adopter.

Conformément à l’article 12 du Règlement, les nominations de membres de cette commission mixte paritaire effectuées lors de notre séance du 18 juillet ont donc pris effet.

7

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3915 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 639/2004 du Conseil relatif à la gestion des flottes de pêche enregistrées dans les régions ultrapériphériques.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3916 et distribué.

8

Dépôt de rapports

M. le président. J’ai reçu de M. Philippe Richert, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire.

Le rapport sera imprimé sous le n° 480 et distribué.

J’ai reçu de M. Paul Girod, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007.

Le rapport sera imprimé sous le n° 481 et distribué.

9

Dépôt de rapports d'information

M. le président. J’ai reçu de Mme Josette Durrieu un rapport d’information fait au nom des délégués élus par le Sénat sur les travaux de la délégation française à l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale au cours de la première partie de la 54ème session ordinaire – 2008 – de cette assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l’article 108 du Règlement.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 478  et distribué.

J’ai reçu de Mme Josette Durrieu un rapport d’information fait au nom des délégués élus par le Sénat à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur les travaux de la délégation française à cette Assemblée, au cours de la troisième partie de la session ordinaire de 2008, adressé à M. le Président du Sénat en application de l’article 108 du Règlement.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 479 et distribué.

J’ai reçu de MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Philippe Adnot, Bernard Angels, Philippe Dallier, Jean-Claude Frécon, Charles Guené et Jean-Jacques Jégou un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le déplacement d’une délégation du bureau de la commission au Brésil du 20 au 27 avril 2008.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 482 et distribué.

J’ai reçu de M. Charles Guené un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur les directions interdépartementales des anciens combattants (DIAC).

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 483 et distribué.

J’ai reçu de M. Claude Haut un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP).

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 484 et distribué.

10

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 23 juillet 2008 :

À quinze heures :

1. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de l’économie.

Rapport (n° 476, 2007-2008) de Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour le Sénat.

2. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire.

Rapport (n° 480, 2007-2008) de M. Philippe Richert, rapporteur pour le Sénat.

À vingt-et-une heures trente :

3. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.

Rapport (n ° 485, 2007-2008) de M. Dominique Leclerc, rapporteur pour le Sénat.

4. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007.

Rapport (n° 481, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat.

5. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

Rapport (n° 486, 2007-2008) de M. Alain Gournac, rapporteur pour le Sénat.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD