Mme la présidente. Mes chers collègues, permettez-moi de saluer M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui nous a rejoints après une audition à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, parce que le projet de loi que vous nous présentez répond à la gravité sans précédent de la crise que nous devons affronter, nous allons le voter.
À mon tour, je félicite le Gouvernement pour la promptitude de sa réponse et pour la transparence qu’il a bien voulu pratiquer en associant le rapporteur général et le président de la commission des finances à la préparation de ce texte.
Je rends hommage au président de l’Union européenne en exercice, qui a démontré sa pugnacité, sa volonté, sa détermination, en me réjouissant de l’effectivité de la gouvernance économique de l’Europe. Peut-être voit-on là la préfiguration de ce que pourrait être un gouvernement économique de l’Europe…
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le texte a pour objet de rétablir la confiance entre les banquiers. Nous espérons tous que l’objectif sera atteint, mais peut-être devons-nous nous préparer à connaître encore des hauts et des bas, car nombre d’opérations ont été nouées à terme, souvent à découvert, ce qui risque de susciter de la nervosité sur les marchés.
Quoi qu’il en soit, je veux remercier Mme Lagarde des précisions qu’elle a apportées au début de la discussion générale en présentant la philosophie et le contenu du projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie.
Elle a notamment bien voulu préciser que les conventions qui seront signées entre la caisse de refinancement et les établissements financiers qui lui feront appel devront se conformer à une sorte de cahier des charges, à une convention type, et que le Gouvernement associerait, par le biais des commissions des finances, le Parlement à la mise en forme de ce document.
Nous attachons un certain prix à ce qu’en effet le fléchage soit clairement défini et qu’au surplus les modes de gouvernance des établissements qui auront recours à la caisse de refinancement les mettent à l’abri de toutes les critiques que nous avons pu formuler à l’occasion de la présente crise.
La gouvernance devra répondre à des exigences éthiques, et j’ai bien noté que tout sera fait pour réduire progressivement ces trous noirs de l’économie que sont les paradis fiscaux.
Pendant la discussion générale, différents propos ont été tenus sur le point de savoir si les 360 milliards d’euros, dans la mesure où ils seraient mobilisés, seraient une dette maastrichtienne ou ne le seraient pas. À la vérité, mes chers collègues, j’ai le sentiment que ces considérations sont quelque peu byzantines.
D’abord, la dette publique est de deux natures : il y a, d’une part, la dette publique dont l’objet est de financer les déficits publics, et cette dette-là est préoccupante ; il y a, d’autre part, la dette publique qui vise à financer les actifs dont la valeur est réelle et au moins équivalente à son montant, laquelle est en revanche moins préoccupante.
L’important est qu’apparaisse très clairement dans le bilan de l’État la situation patrimoniale de celui-ci. Il sera fait mention des engagements hors bilan. Tous ceux qui voudront se former une opinion sur la qualité des titres émis par l’Agence France Trésor et sur la solvabilité de l’État disposeront de tous les éléments nécessaires pour ce faire.
Ce débat est donc quelque peu formel et ne doit en tout cas pas dissimuler le fait que, puisque l’État est de retour, puisque le politique reprend sa place, le politique doit avoir un rôle déterminant dans le fonctionnement tant de la caisse de refinancement que de la société qui aura pour objet de prendre des participations dans les banques qui auraient besoin d’un supplément de fonds propres, car il s’agit de rétablir la confiance entre les banquiers. Il serait trop simple de laisser entre eux les banquiers à la tête d’un établissement dont la principale qualité serait d’être garanti dans son endettement par l’État !
Ayant dit cela, je voudrais interroger le Gouvernement sur les liquidités mises dans le circuit, en m’adressant plus spécialement à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
L’économie mondiale vient d’être victime d’un gigantesque accident vasculaire cérébral. On a pu mettre en place le SAMU approprié, mais permettez-moi de vous le dire, il va falloir des anticoagulants !
Je voudrais donc être sûr que les liquidités mises à la disposition des banques iront bien jusqu’aux plus modestes des petites et moyennes entreprises et des particuliers, qui ont besoin de recourir à l’emprunt pour financer des investissements ou des besoins de consommation.
L’assurance crédit constitue un premier élément de préoccupation.
Compte tenu des délais de paiement qui sont une des caractéristiques des pratiques entrepreneuriales françaises, nombre de PME parviennent à mobiliser des ressources en bénéficiant de l’assurance crédit. Or il m’est signalé que les assureurs prennent aujourd'hui des précautions extrêmes et que les proportions de créances qui font l’objet d’une couverture par assurance se réduisent comme peau de chagrin. Dans ces conditions, nous risquons une coagulation et des cessations de paiement dans les petites entreprises.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je ne dis pas qu’il faudrait créer une caisse de réassurance crédit, mais, si vous voulez introduire des anticoagulants dans le système, voilà, me semble-t-il, un vrai sujet !
M. François Marc. En effet !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La deuxième observation est relative à la loi de modernisation de l’économie.
En réduisant la durée légale du crédit à deux mois, la LME a fait naître des espérances considérables dans les PME qui travaillent pour des donneurs d’ordre, par exemple les constructeurs automobiles, les entreprises du secteur l’aéronautique ou de la grande distribution, c'est-à-dire avec des sociétés que leurs puissances d’achat mettent bien souvent en position de domination par rapport à leurs fournisseurs et à leurs sous-traitants.
Il m’est cependant rapporté que, les conditions des négociations étant ce qu’elles sont, les donneurs d’ordre ne veulent rien entendre. Autrement dit, ou ils considèrent qu’ils peuvent continuer à appliquer, puisque les marchés ont été passés avant la promulgation de la LME, leurs bonnes vieilles pratiques, ou, lorsqu’ils acceptent le délai de deux mois, soit un mois de crédit en moins, ils calculent le montant de l’intérêt qui aurait correspondu à ce mois de crédit et le déduisent du prix.
Ces pratiques sont de nature à nuire à la compétitivité et à la rentabilité des petites et moyennes entreprises, ce qui m’amène, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à en venir à mon dernier point : au-delà de la crise de confiance au sein de la communauté financière et bancaire, la compétitivité de l’économie française constitue la vraie difficulté.
Il y a quelques semaines, nous étions engagés dans une dérive laissant à penser que le déficit commercial pour l’année 2008 serait d’au moins 50 milliards d’euros, soit une progression significative par rapport au déficit de 2007.
Nous avons d’énormes problèmes de compétitivité. Les délocalisations d’activités et d’emplois continuent en effet à faire leur œuvre, et peut-être s’agit-il moins aujourd'hui de ce que l’on qualifiait hier de délocalisations, c'est-à-dire de fermetures d’usines par des sociétés en ouvrant d’autres en Asie, en Europe centrale ou au Maghreb, que de non-localisations : quand une production vient à son terme dans un atelier ou une usine, il n’y a pas de nouvelles activités puisque celles-ci sont immédiatement lancées dans des pays des régions que je viens de citer.
Je me permets donc d’insister une nouvelle fois sur l’importance de la revue générale des prélèvements obligatoires, en me bornant ici à dire que les premières communications n’ont pas été à la hauteur de nos espérances.
Nous espérons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que ce chantier n’est pas « bouclé ». Il va falloir que le débat soit ouvert dans les meilleurs délais pour que l’économie réelle puisse repartir effectivement demain, pour redonner à la France de la croissance et pour nous permettre de lutter efficacement en faveur du plein emploi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Piras. Le grand libéral !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame la présidente, je salue votre présence pour la première fois au « plateau ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, je tiens d’abord à souligner l’intérêt du débat et de vos interventions. Je ne partage pas toutes les opinions des orateurs,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore heureux !
M. Bernard Piras. On s’en doutait…
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. …mais je suis convaincu du réalisme des interrogations qui se sont fait jour et je vais tenter de répondre à l’ensemble des questions abordées.
Monsieur le rapporteur général, j’ai beaucoup apprécié qu’en présence de Christine Lagarde vous ayez exprimé votre satisfaction quant à la transparence, saluée aussi par M. Arthuis, qu’a permise la coopération entre le Gouvernement et les commissions des finances des deux assemblées sur ce texte stratégique majeur. C’était très important, et je vous remercie de l’hommage que vous avez rendu à la pratique qui a été celle du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi comme celle du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Vous m’avez interrogé sur un certain nombre de points. Je répondrai en même temps à certaines questions importantes qui ont été posées par des orateurs de toute tendance et apporterai ultérieurement des précisions. Vous souhaitez savoir comment sera établi le projet de convention type et quelles contreparties demandera le Gouvernement dans le cadre de la société de refinancement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le projet de convention type fera l’objet d’une consultation. Je vous annonce d’emblée que nous tiendrons la maquette à la disposition des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale. (Très bien ! sur le banc des commissions.)
Vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur général, et, ce faisant, vous avez tout de suite campé le décor : deux formes de contrepartie existeront. Sont ainsi prévues des contreparties que vous avez qualifiées « d’éthiques ». Cela correspond tout à fait à notre souhait. Ainsi, nous encadrerons la rémunération des dirigeants. C’est le moins que nous puissions faire !
Sur le plan économique, nous demanderons à chaque banque de se fixer des objectifs d’octroi de nouveaux prêts aux ménages et aux entreprises, notamment aux PME. Ces objectifs seront évidemment propres à chaque banque, car aucun établissement financier n’est réductible à l’autre. On ne peut demander à une banque spécialisée dans le crédit immobilier de se lancer dans le financement des PME, ou inversement.
M. le président Emorine a posé un certain nombre de questions qui sont connexes à ce texte et qui montrent à quel point il est attentif aux difficultés des PME et aux problèmes de financement des collectivités territoriales. Il est notamment intervenu sur les dispositifs de financement de la trésorerie des PME et sur ce qu’est appelé à devenir le milliard d'euros qu’OSEO a mis à disposition dans le cadre de la garantie « Avance + », afin de consolider les lignes de trésorerie en les transformant en prêts à moyen ou à long terme, et, par ce biais, de soulager la trésorerie des PME.
Je tiens à rassurer sans délai M. Jean-Paul Emorine. Le président-directeur général d’OSEO m’a indiqué que ce soutien, auparavant affecté aux collectivités locales en permettant un escompte des créances qui leur sont dues, serait désormais ouvert aux donneurs d’ordre privés sans que cela mette en danger le premier dispositif.
Le plan en faveur du financement des PME, sur lequel nombre d’orateurs se sont interrogés et qui est antérieur au soutien sur lequel vous vous prononcerez à l’issue de cette discussion, mesdames, messieurs les sénateurs, représente 22 milliards d'euros. La répartition est la suivante : 5 milliards d'euros proviendront d’OSEO sous forme de prêts ou de garanties ; 17 milliards d'euros seront tirés de l’excès des livrets d’épargne réglementée et mis à la disposition des banques pour l’octroi de prêts aux PME.
M. Guy Fischer. Et voilà ! Le Livret A !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non, ce n’est pas le Livret A !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Sur cette dernière somme, 9 milliards d'euros seront réservés aux PME mais aussi aux entreprises de taille intermédiaire. Ce dispositif fera l’objet d’une convention type entre l’État et les banques, qui permettra de s’assurer que ces crédits seront bien destinés aux PME. Nous avons déjà évoqué ce point lors du débat sur la crise financière et bancaire mercredi dernier, mais je tenais à lever les inquiétudes de M. Emorine.
M. le président de la commission des affaires économiques, comme d’autres orateurs, notamment M. le président de la commission des finances, s’est interrogé sur le problème des délais de paiement.
La loi de modernisation de l’économie, adoptée par la majorité du Sénat, contient, dans son titre Ier, une mesure fort importante, qui réduit les délais de paiement à soixante jours à compter du 1er janvier 2009. Toutefois, des dispositions dérogatoires sont également prévues afin que soient prises en compte les spécificités de tel ou tel secteur, que nombre d’intervenants n’ont pas manqué de souligner. Ainsi, lorsque la rotation des stocks est très longue, comme dans le secteur du bricolage ou de l’automobile, la loi a mis en place des mécanismes dérogatoires, pour autant que l’on aboutisse à une convergence à la fin de l’année 2011 sur les délais de paiement à soixante jours ou quarante-cinq jours fin de mois.
Il nous faut toujours garder présent à l’esprit que, y compris dans cette période, ce sont les entreprises plus faibles, c'est-à-dire les plus petites, celles qui ont les trésoreries les plus fragiles, qui peuvent tirer bénéfice d’une réduction des délais de paiement. Il ne faut pas négliger le confort supplémentaire qu’offrira cette disposition, qui apportera, selon nos estimations, 4 milliards d'euros de trésorerie supplémentaire pour les PME.
À l’instar de M. Fourcade, M. Emorine m’a interrogé sur Dexia, tout en soulignant à juste titre l’importance de cet établissement dans le financement des collectivités locales. Il a appelé, avec raison, à une action forte dans ce domaine. Le Gouvernement a agi avec rapidité et vigueur, puisque le règlement de Dexia et de son financement est antérieur au texte qui vous est soumis. Nous n’avons pas hésité à entrer au capital, à détenir une minorité de blocage pour stabiliser la situation du groupe et, une semaine plus tard, pérenniser l’activité de Dexia.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le danger était réel. C’est pourquoi nous avons conclu avec les gouvernements belge et luxembourgeois un accord pour garantir la dette de Dexia. C’est une nouvelle très importante, car le soutien au financement des collectivités territoriales ne se trouve pas remis en cause.
Comme d’autres orateurs – je pense notamment à M. Fourcade –, M. Emorine a insisté sur la réflexion qui doit présider aux nouvelles règles qu’à l’évidence nous devons adopter pour le secteur financier.
Le Gouvernement intervient, y compris au Conseil européen, pour définir des règles nouvelles et plus saines. Il faut pouvoir contrôler et sanctionner les agences de notation à l’échelon européen. D’ailleurs, une directive sur les agences de notation sera adoptée d’ici à la fin de l’année 2008. Nous allons refonder les règles prudentielles. Une directive sera adoptée pour renforcer la gestion des risques. Nous avons demandé aux professionnels de s’accorder avec les superviseurs pour que les politiques de rémunération dans le secteur bancaire n’encouragent pas la prise de risque déraisonnable.
Tout cela montre à quel point nous sommes conscients que cette situation ne doit pas se reproduire. Des solutions existent : elles consistent à instaurer un mécanisme de régulation mieux adapté que celui qui prévaut aujourd'hui.
Philippe Darniche s’est interrogé sur les formes de garantie que l’État offrira. Il s’est également interrogé, à juste titre, sur les règles éthiques qui seront instaurées. C’est bien parce que le Gouvernement partage cette préoccupation qu’il demandera des contreparties éthiques aux banques qui participeront aux dispositifs de refinancement et de renforcement de leurs fonds propres. J’ai déjà évoqué le plafonnement des indemnités de départ. À cela s’ajoutent évidemment l’interdiction pour les dirigeants de cumuler un contrat de travail et un mandat social ainsi que la non-attribution d’actions gratuites sans conditions de performance : il faut des conditions de performance strictes pour codifier l’attribution éventuelle d’actions.
Philippe Darniche s’est également demandé quelle forme prendrait la garantie, quels seront son coût et son impact sur les ménages. La tarification de la garantie que la société de refinancement demandera aux banques aura deux composantes : d’une part, une composante forfaitaire pour éviter les distorsions de concurrence, y compris à l’échelon européen ; d’autre part, une composante variant en fonction de l’établissement qui bénéficiera du prêt. Le Gouvernement a saisi la Commission européenne pour harmoniser les conditions de garantie à travers l’Europe.
Philippe Darniche s’est inquiété de l’impact qu’auront les mesures du Gouvernement : il va de soi que nous souhaitons tous que ces mesures aient un effet important et qu’on en termine avec cette véritable thrombose de notre système financier.
Des signes encourageants se font jour. Avec l’annonce du plan d’action européen, pour la première fois depuis la défaillance de la banque Lehman Brothers, les taux interbancaires ont baissé. Cette baisse annonce un retour à la normale des marchés interbancaires, lequel est l’assurance que les financements pour les ménages et pour les entreprises pourront être pérennisés.
J’en viens à l’intervention de Nicole Bricq, qui a affirmé d’emblée que c’était la logique même du système qui était en cause. Nous ne partageons pas son analyse.
M. Bernard Piras. On s’en doutait !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je reviendrai plus volontiers sur son analyse de l'article 6, qui a constitué le cœur de son intervention. Elle a ainsi posé un certain nombre de questions importantes en matière de garanties, d’établissements éligibles à la société de refinancement comme en matière de gouvernance, auxquelles j’ai déjà apporté des éléments de réponse.
Une filiale implantée dans un paradis fiscal aura-t-elle accès à la société de refinancement ? Non ! L'article 6 le prévoit : seuls les établissements établis en France pourront en bénéficier.
Mme Nicole Bricq. Ils peuvent avoir des filiales ailleurs !
M. Bernard Piras. Et leurs filiales ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Les filiales étrangères ne seront pas concernées. C’est un non catégorique.
Comment définir les actifs de qualité qui serviront de gages aux prêts ? La Banque de France sera chargée du contrôle de la qualité des gages : c’est d’ailleurs déjà l’une de ses activités dans le cadre de la Banque centrale européenne. Il peut s’agir de prêts immobiliers hypothécaires, de créances sur des entreprises en bonne santé avec une cotation forte, qui entrent dans la catégorie des investment grade. Ce sont donc ces types d’actifs que nous qualifions dans le projet de loi de finances rectificative d’« actifs de qualité », supervisés par la Banque de France.
Madame Bricq, vous avez plaidé en faveur d’un État très présent. L’État exercera un contrôle étroit, par le biais d’un agrément des dirigeants et des statuts de la société de refinancement. Mme Lagarde vous a donné tout à l’heure les noms de ces dirigeants ; il s’agit de MM. Camdessus et Coste. En outre, des commissaires du Gouvernement siégeront au conseil d’administration et disposeront d’un droit de veto. Les conventions qui fixent les contreparties seront étroitement contrôlées.
Vous avez souhaité que les contreparties éthiques figurent dans la loi. Chaque établissement devra signer la convention. J’ai également indiqué que nous plafonnerions les indemnités de départ, interdirions le cumul d’un contrat de travail et d’un mandat social et, sur le plan économique, fixerions les objectifs des nouveaux prêts aux banques.
Vous vous êtes aussi interrogée sur la clause de super urgence, par laquelle l’État pourrait s’exonérer de l’intervention de la société de refinancement. En ce qui concerne Dexia, si nous n’étions pas intervenus en urgence, cette société aurait été mise en faillite. Cet exemple montre bien que, dans certains cas, nous devons agir heure après heure. C’est la raison pour laquelle la loi prévoit un tel cas de figure. Les garanties apportées en situation de super urgence sont incluses dans la somme plafonnée de 320 milliards d’euros. On ne fera donc pas n’importe quoi !
M. Mercier s’est également interrogé sur l’aventure américaine de Dexia. Il a énoncé, comme d’autres orateurs, un certain nombre de vérités sur l’Europe et, notamment, sur le fait que, dans cette affaire, la concertation, la coordination et la cohésion européennes constituent un fait majeur dont nous prendrons toute la mesure, j’en suis convaincu, dans les semaines et les mois qui viennent.
Sous l’impulsion du Président de la République, président de l’Union européenne en exercice, nous avons, comme rarement auparavant, fait progresser l’idée que l’Europe est très forte lorsqu’elle coordonne ses politiques, lesquelles étant ensuite déclinées sur le plan national. Elle peut alors être en mesure de régler un certain nombre de problèmes cruciaux. Nous l’avons montré sur le plan financier, mais nous aurions également pu prendre l’exemple des tensions internationales. Je pense en particulier aux événements qui se sont déroulés en Géorgie et au conflit avec les Russes. Dans ce domaine également, quand l’Europe est unie et qu’elle répond présent, elle est en mesure de marquer des points fondamentaux sur la scène internationale.
Monsieur Vera, vous nous avez indiqué que vous refusiez l’union nationale, pour des raisons qui vous sont propres, que je n’approuve pas, mais que je peux comprendre.
Cette union nationale eût été importante. (Mme Annie David s’exclame.) En effet, le séisme financier actuel n’est pas franco-français, et le refus de faire preuve, avec notre Gouvernement, d’une solidarité face à un bouleversement qui, à l’évidence, ne lui incombe pas est une chose que nos concitoyens auront du mal à comprendre.
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. On leur expliquera !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Vous nous reprochez de « sauver les banques ». Mais sauver les banques, c’est sauver l’économie ! Les banques permettent la circulation du financement. L’économie de tous les jours repose sur un système bancaire permettant de financer les petites et moyennes entreprises, l’artisan, le commerçant, que vous évoquez souvent dans cet hémicycle. Sans les banques, ces entreprises n’existeraient pas. C’est la raison pour laquelle nous avions l’obligation de sauver non pas les banques, mais la capacité, pour l’ensemble de l’économie – les entreprises, les particuliers, les collectivités –, de pouvoir se financer.
Vous nous reprochez également de jeter l’argent par les fenêtres. C’est faux ! Tout d’abord, M. Jean-Pierre Fourcade l’a souligné, ce texte ne représente pas un coût puisqu’il fixe un plafond de garantie de 320 milliards d’euros à la société de refinancement et de 40 milliards d’euros à la société de recapitalisation, ce qui permet d’atteindre la somme de 360 milliards d’euros. Par définition, ce plafond ne devrait pas être atteint ; il constitue simplement une garantie, à laquelle on ne devrait pas, en principe, avoir recours, sauf cas extrême.
Monsieur Fourcade, comme je vous ai cité chaque fois pour expliquer la position du Gouvernement, je m’aperçois que j’ai déjà répondu aux différents points que vous avez soulevés.
M. Jean-Pierre Fourcade. Sauf sur le FMI !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je vais y venir.
Auparavant, je tiens à vous remercier du soutien que vous avez apporté, au nom du groupe UMP, à ce texte. Vous aurez ainsi participé à un sauvetage que nous n’avions pas le droit de ne pas faire. Aujourd’hui, votre soutien, qui est pour nous très important, témoigne de votre responsabilité.
Concernant le FMI, le Gouvernement partage votre volonté de renforcer et de faire évoluer les missions de cet organisme. Avec les Britanniques, nous voulons que le FMI joue un rôle d’alerte et de prévention des crises financières. Vous avez plaidé avec raison en faveur de méthodes et d’instruments moins dangereux. Nous allons refonder avec nos partenaires européens une régulation financière. À l’évidence, la régulation existante – ne disons pas qu’elle n’existait pas ! – était inadaptée. Ce qui est arrivé ne doit plus se reproduire, c’est de notre responsabilité.
Avant la fin de l’année, une directive européenne permettra de réguler les agences de notation. Nous allons également réformer les règles prudentielles, afin de limiter les risques de liquidités et de titrisation, que vous avez évoqués avec raison ; nous allons prendre des initiatives pour que les politiques de rémunération dans les secteurs financiers n’encouragent pas les prises de risque déraisonnables.
Monsieur Baylet, vous avez fait un certain nombre de propositions, notamment la mise en œuvre de prêts préférentiels destinés aux petites et moyennes entreprises. À cet égard, je vous rappelle que nous avons injecté – c’est d’ores et déjà efficient – 22 milliards d’euros pour les PME. Comme je l’ai dit tout à l’heure, 17 milliards d’euros proviendront des excédents de l’épargne réglementée et 5 milliards d’euros transiteront par OSEO et seront affectés aux PME sous forme de financement, de garantie ou de trésorerie. Le Gouvernement a pris cette décision avant l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, ce qui montre que nous sommes particulièrement attentifs, comme vous-même, monsieur Baylet, au financement des petites et moyennes entreprises.
Dès le mois d’août, en tant que responsable, avec Christine Lagarde, des petites et moyennes entreprises, j’ai alerté le Premier ministre et la Présidence de la République de l’attention soutenue que nous devions porter aux PME. C’est la raison pour laquelle nous avons pu réagir aussi vite, en mettant ces 22 milliards d’euros à la disposition des PME. Au demeurant, il conviendra de nous assurer que les 17 milliards d’euros qui seront mis à disposition des banques seront effectivement destinés aux petites et moyennes entreprises.
Monsieur Muller, vous avez formulé un certain nombre de propositions, mais elles sont hors du sujet qui nous préoccupe aujourd’hui. Si je peux comprendre certaines attaques en règle, je ne peux y souscrire ! Nous nous occupons aujourd’hui, parce que c’est le plus important, de mettre en place les éléments d’un financement du système bancaire.
Monsieur Arthuis, je vous remercie tout d’abord d’avoir émis un avis positif sur ce texte. À vrai dire, je n’étais pas inquiet, connaissant votre sagesse et vos qualités dans ce domaine. Je réitère l’engagement pris par Christine Lagarde de vous fournir une maquette de la convention qui régira les relations entre la société de refinancement et les banques.
Vous avez mis l’accent sur l’affacturage, l’assurance crédit, qui est un point très important. Tout à l’heure, mon directeur de cabinet recevait les sociétés d’assurance crédit pour voir avec elles comment nous pouvons éviter que, de proche en proche, un certain nombre de difficultés ne surviennent. Nous sommes tout à fait conscients de ce problème, qui est réel, et je vous remercie, monsieur le président de la commission, de l’avoir soulevé.
Concernant les délais de paiement, nous allons faire en sorte que la loi de modernisation de l’économie que vous avez votée, mesdames, messieurs les sénateurs, s’applique dans de bonnes conditions Je m’emploie à ce que les accords dérogatoires prévus dans la loi puissent être mis en place, sans remettre en cause l’économie du texte. La volonté du législateur et des pouvoirs publics est de réduire globalement, dans notre pays, les délais de paiement, qui, en moyenne, sont aujourd’hui plus longs que la moyenne européenne et de vingt jours plus longs que ceux de nos amis allemands. C’est l’une des raisons de la meilleure santé financière des PME allemandes.
Comme toujours, c’est M. Arthuis qui a rappelé le véritable sujet de préoccupation, à savoir la compétitivité de nos entreprises, qui est effectivement fondamentale. Il ne sert à rien de prendre telle ou telle mesure de financement si nos entreprises ne sont pas structurellement compétitives.
C’est tout l’objet de la politique qui a été menée par les pouvoirs publics, depuis plus d’un an, spécifiquement en faveur des entreprises, et plus particulièrement des PME.
Lorsque nous créons OSEO, qui doit devenir le guichet unique du financement des PME, nous œuvrons pour accélérer et améliorer leur financement. Lorsque nous mettons en place le crédit d’impôt recherche, qui est sans équivalent dans les autres pays de l’Union européenne et de l’OCDE, nous stimulons l’innovation, laquelle est un des facteurs clés de la compétitivité.