Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
3. Programmation des Finances publiques pour les années 2009 à 2012 et prélèvements obligatoires. – Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence et débat sur une déclaration du Gouvernement.
Discussion commune : Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; MM. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
Mme la présidente, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou.
Mmes Nicole Bricq, la présidente.
Mme Nicole Bricq, M. Christian Gaudin.
4. Souhaits de bienvenue à une délégation de sénateurs du Cambodge
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
5. Programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et prélèvements obligatoires. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence et suite du débat sur une déclaration du Gouvernement.
Discussion commune (suite) : M. Thierry Foucaud.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
MM. Dominique de Legge, le ministre.
MM. François Marc, le ministre.
MM. Yves Détraigne, le ministre.
M. Bernard Vera, Mme la ministre.
M. Jean-Pierre Fourcade, Mme la ministre.
M. Bernard Angels, Mme la ministre.
Mme Anne-Marie Payet, M. le ministre.
Mme Marie-France Beaufils, M. le ministre.
M. Philippe Dominati, M. le ministre.
Mmes Marie-Christine Blandin, la ministre.
M. Jacques Gautier, Mme la ministre.
Clôture de la discussion générale du projet de loi et du débat sur la déclaration du Gouvernement.
Projet de loi de programmation
Motion no 25 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre. – Rejet.
Mmes Marie-France Beaufils, la présidente.
Amendement n° 10 de Mme Marie-France Beaufils. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur général, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements nos 11 de Mme Marie-France Beaufils, 1 de la commission, 26 du Gouvernement et sous-amendement no 2 rectifié de la commission ; amendement no 27 du Gouvernement. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre, Mmes Nicole Bricq, Marie-France Beaufils, MM. Michel Houel, Jean-Pierre Fourcade, Jean Arthuis, président de la commission des finances. – Rejet de l’amendement no 11 ; adoption de l’amendement no 1, du sous-amendement no 2 rectifié et des amendements nos 26 modifié et 27.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 12 de Mme Marie-France Beaufils et 33 à 44 du Gouvernement. – MM. Thierry Foucaud, le ministre, le rapporteur général. – Rejet de l’amendement no 12 ; adoption des amendements nos 33 à 44.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 13 de Mme Marie-France Beaufils et 3 de la commission. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur général, le ministre. – Rejet de l’amendement no 13 ; adoption de l’amendement no 3.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 14 rectifié de Mme Marie-France Beaufils, 28 du Gouvernement et 4 de la commission. – MM. Thierry Foucaud, le ministre, le rapporteur général. – Retrait de l’amendement no 4 ; rejet de l’amendement no 14 rectifié ; adoption de l’amendement no 28.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 15 de Mme Marie-France Beaufils et 29 du Gouvernement. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le ministre, le rapporteur général, Jean-Pierre Fourcade. – Rejet de l’amendement no 15 ; adoption de l’amendement no 29.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 23, 24 de Mme Nicole Bricq, 16 de Mme Marie-France Beaufils, 5 de la commission et 30 du Gouvernement. – M. Bernard Angels, Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur général, le ministre, Mme Nicole Bricq. – Rejet des amendements nos 23, 16 et 24 ; adoption des amendements nos 5 et 30.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 17 de M. Guy Fischer. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 18 de Mme Marie-France Beaufils. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur général, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements nos 19 de Mme Marie-France Beaufils, 6, 7 de la commission, 31 et 32 du Gouvernement. – MM. le rapporteur général, le ministre, le président de la commission. – Retrait des amendements nos 6 et 7 ; rejet de l’amendement no 19 ; adoption des amendements nos 31 et 32.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 20 de Mme Marie-France Beaufils, 8 et 9 rectifié de la commission. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur général, le ministre, Mme Nicole Bricq. – Rejet de l’amendement no 20 ; adoption des amendements nos 8 et 9 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 21 de Mme Marie-France Beaufils. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur général, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 22 de Mme Marie-France Beaufils. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Jean-Pierre Fourcade, Mme Nicole Bricq, MM. Thierry Foucaud, le président de la commission.
Adoption du projet de loi.
6. Décisions du conseil constitutionnel
7. Dépôt d'une proposition de loi
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Jeudi 6 novembre 2008 :
Ordre du jour prioritaire
À 9 heures 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (n° 55, 2008-2009) et déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur les prélèvements obligatoires ;
(La conférence des présidents a décidé de joindre le débat sur les prélèvements obligatoires à la discussion générale de ce projet de loi ;
À la suite des représentants des commissions des finances et des affaires sociales (dix minutes pour chacun d’eux), interviendront les porte-parole des groupes (dix minutes pour chaque groupe et cinq minutes pour les sénateurs non-inscrits) ;
Après la réponse du Gouvernement aux orateurs des groupes aura lieu un débat organisé sous la forme de questions-réponses (UMP et Socialiste : quatre questions chacun ; UC, CRC et RDSE : deux questions chacun ; NI : une question). La durée de discussion de chaque question est limitée à cinq minutes réparties de façon égale entre l’auteur de la question et le Gouvernement ;
Les délais limite pour les inscriptions de parole et le dépôt des amendements sont expirés).
Mercredi 12 novembre 2008 :
À 16 heures et le soir :
1°) Sous réserve de l’entrée en application de la résolution, adoptée par le Sénat le 29 octobre 2008 et soumise au Conseil constitutionnel, modifiant l’article 3 du règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme dans l’organe dirigeant du Sénat, élection de deux vice-présidents du Sénat ;
(Le scrutin secret pour l’élection de deux vice-présidents du Sénat se déroulera dans la salle des conférences et sera ouvert pendant une heure ;
Les candidatures devront être déposées au service de la séance, à onze heures, le mercredi 12 novembre 2008) ;
Ordre du jour prioritaire
2°) Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 80, 2008-2009) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 12 novembre 2008 à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant onze heures, le mercredi 12 novembre 2008).
Au plus tard à 19 heures : Désignation de secrétaires du Sénat
(Sous la présidence de M. Gérard Larcher, président du Sénat, les présidents de groupe et le délégué des sénateurs non-inscrits se réuniront dans le cabinet de départ le même jour à l’issue de la proclamation du résultat du scrutin pour l’élection des deux vice-présidents afin de dresser la liste des candidats selon le principe de la répartition proportionnelle des sièges).
Jeudi 13 novembre 2008 :
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire
1°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
(La conférence des présidents a décidé d’organiser un débat thématique sur « L’hôpital en question », avant le début de la troisième partie du projet de loi « Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour 2009 » ;
À la suite du rapporteur de la commission des affaires sociales (dix minutes), interviendront les porte-parole des groupes (dix minutes pour chaque groupe et cinq minutes pour les sénateurs non-inscrits) ;
Après la réponse du Gouvernement aux orateurs des groupes aura lieu un débat organisé sous la forme de dix questions-réponses avec droit de réplique de l’auteur de la question (UMP et Socialiste : trois questions ; UC, CRC, RDSE et NI : une question) (question : deux minutes trente; réponse : deux minutes trente ; réplique : une minute) ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 12 novembre 2008) ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
Ordre du jour prioritaire
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Lundi 17 novembre 2008 :
À 10 heures :
1°) Quatorze questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 289 de Mme Anne-Marie Payet à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer ; (Conditions d’accès à l’activité de transporteur public routier de personnes) ;
- n° 292 de M. Roland Courteau à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ; (Rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein du couple) ;
- n° 315 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ; (Fièvre catarrhale ovine) ;
- n° 316 de M. Yannick Bodin à M. le ministre de l’éducation nationale ; (Réforme de la formation des maîtres) ;
- n° 317 de M. Michel Teston à M. le ministre de l’éducation nationale ; (Avenir du réseau des GRETA) ;
- n° 320 de M. Christian Cambon à M. le secrétaire d’État chargé des transports ; (Déviation de la RN 19) ;
- n° 321 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; (Régime indemnitaire des membres de la commission nationale de déontologie et de sécurité) ;
- n° 322 de M. Jean-Pierre Godefroy à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; (Avenir du CREPS de Houlgate) ;
- n° 326 de M. Alain Anziani à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ; (Avenir de l’usine Ford Aquitaine Industrie de Blanquefort) ;
- n° 329 de Mme Christiane Demontès à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; (Avenir de la gynécologie médicale) ;
- n° 331 de M. Michel Billout à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation ; (Maintien de l’activité aéronautique en Seine-et-Marne) ;
- n° 335 de Mme Nicole Bricq à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ; (Fiscalité des coopératives dans l’Union européenne) ;
- n° 337 de Mme Odette Terrade à M. le secrétaire d’État chargé des transports ; (Réalisation urgente et effective des travaux de déviation de la RN 19) ;
- n° 341 de Mme Dominique Voynet à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice ; (Instructions judiciaires impliquant des agents des forces de police) ;
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
2°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Mardi 18 novembre 2008 :
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire
1°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
À 16 heures et le soir :
2°) Éloge funèbre d’André Boyer ;
Ordre du jour prioritaire
3°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
À partir de 18 heures :
- Désignation des 36 membres de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
(Les candidatures présentées par les groupes à cette délégation devront être remises au service de la séance au plus tard le jour même à seize heures trente).
Mercredi 19 novembre 2008 :
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Du jeudi 20 novembre au mardi 9 décembre 2008 :
Ordre du jour prioritaire
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2009 (A.N., n° 1127) ;
(Le calendrier et les règles de la discussion budgétaire figurent en annexe.
Pour la discussion générale, la conférence des présidents a décidé de fixer à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Dans le cadre du temps global imparti à chaque groupe, aucune intervention ne devra dépasser dix minutes ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 19 novembre 2008).
En outre,
Jeudi 27 novembre 2008 :
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire
Sous réserve de leur dépôt :
1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
2°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion ;
3°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux revenus du travail ;
À 15 heures :
4°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures).
Mardi 9 décembre 2008 :
Ordre du jour prioritaire
Le soir :
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen ;
(Les modalités d’organisation de ce débat seront réglées ultérieurement).
La conférence des présidents a également retenu les dates des séances de questions d’actualité au Gouvernement et de questions orales, ainsi que les dates des séances mensuelles réservées pour les mois de janvier et février 2009.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?…
Ces propositions sont adoptées.
3
Programmation des Finances publiques pour les années 2009 à 2012 et prélèvements obligatoires
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence et débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (nos 55, 78 et 71) et une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Sur la proposition de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, la conférence des présidents a décidé de joindre le débat sur les prélèvements obligatoires à la discussion générale de ce projet de loi.
Dans la discussion commune, la parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, pour la première fois, le Gouvernement présente au Sénat un projet de loi de programmation des finances publiques. Annoncée par le Président de la République et votée par le Parlement, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a consacré cette nouvelle catégorie de loi appelée à définir « les orientations pluriannuelles des finances publiques ».
Mon collègue Éric Woerth évoquera dans quelques instants l’effort sans précédent sur la dépense que le Gouvernement entend mettre en œuvre au cours des prochaines années pour assainir les comptes publics. Il ne s’agit pas seulement d’un exercice que nous devons à nos partenaires européens ; seul un rétablissement de nos finances publiques nous évitera de continuer à vivre à la charge de nos enfants et de nos petits-enfants, et de leur transférer une charge budgétaire de plus en plus lourde.
J’aimerais concentrer mon intervention sur le contexte macroéconomique actuel et à venir. Ce contexte, par la force des choses, va affecter profondément les modalités d’assainissement des comptes publics. Avec une croissance à deux chiffres, il est bien sûr beaucoup plus facile de rétablir les comptes publics.
Notre économie traverse une période historiquement difficile. Ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 est un texte de crise. La crise financière actuelle – même si chacun a son appréciation et que vous n’êtes peut-être pas tous d’accord avec moi – est une crise des abus, des excès. Je n’y reviendrai pas : excès de crédit, excès d’endettement, excès de complexité, excès de cupidité, excès de volatilité, excès d’irrationalité.
La mobilisation et la rapidité des pouvoirs publics pour y répondre, partout en Europe, ont été exceptionnelles. Grâce notamment à l’implication forte du Président de la République, la France, qui assure la présidence de l’Union européenne, a joué tout son rôle et assumé toutes ses responsabilités en mobilisant toutes les énergies.
Dès la mi-octobre, cette mobilisation a pris en France la forme d’un plan de soutien pour sauvegarder l’accès au crédit des entreprises, donc pour sauvegarder l’emploi. C’est un plan de soutien non pas des banques mais de l’économie.
Des plans du même type ont été mis en œuvre dans plus de quatorze pays européens, notamment en Espagne, en Grande-Bretagne, en Allemagne. Les premiers effets de ces plans sont visibles : le niveau des désordres et de la méfiance sur le marché des prêts a commencé doucement à refluer, comme en témoigne l’examen des taux d’intérêt, de l’Euribor, des variations de spread.
Avant de vous indiquer très précisément la révision à la baisse des perspectives officielles de croissance pour 2009 et 2010, je voudrais vous exposer l’analyse de la situation macroéconomique réalisée par le Gouvernement.
La croissance a déjà été négative au deuxième trimestre de l’année 2008 dans toute la zone euro, avec un taux de moins 0,2%. Elle s’établit à moins 0,3% en France. C’est le prix de l’envolée du cours du pétrole et de l’ensemble des matières premières, ainsi que de la variation de l’euro au cours de l’hiver 2007-2008. L’activité s’est aussi repliée en Allemagne – moins 0,5 % –, en Italie – moins 0,3 % – et au Japon - moins 0,7 %. Au troisième trimestre, les États-Unis ont aussi enregistré une croissance négative de moins 0,1 %.
Au début du mois de septembre, notre hypothèse de croissance du produit intérieur brut de 1 % pour 2009 était déjà la plus basse hypothèse de croissance depuis vingt-quatre ans : c’est dire que nous n’étions alors pas particulièrement optimistes ! Depuis lors, nous le savons, les événements se sont précipités et la crise financière internationale a considérablement affecté l’économie de tous les pays, mais plus particulièrement, dans un premier temps, celle des pays développés.
Les effets de cette crise financière internationale commencent déjà à se faire sentir. Ils devraient perdurer pendant plusieurs trimestres. Même si la réponse de l’ensemble des pays européens – entraînant d’ailleurs une révision de la réponse américaine – a été prompte, pertinente et pionnière, ramenant graduellement la confiance, cette crise laissera des séquelles durables sur nos économies réelles.
Face à ce choc d’une ampleur et d’une nature inédites, la situation économique et financière de l’Europe n’est pas assimilable, loin s’en faut, à celle des États-Unis.
Le dire n’est pas faire preuve d’optimisme béat. C’est simplement ce qui résulte de l’analyse de la réalité des faits. Les désordres interbancaires sont plus élevés aux États-Unis et, à un moindre degré, en Grande-Bretagne. Cela tient, on le sait, à la structure du système bancaire et au mode de régulation qui s’y applique.
En Europe, les agents restent solvables et, surtout, ils sont endettés à taux fixe, contrairement à la situation d’endettement des ménages américains.
Le taux d’endettement des Européens est inférieur en moyenne à 100 % ; celui des ménages français s’élève à 93,6 % selon les derniers chiffres connus pour 2007. Le taux d’endettement dans le continent nord-américain est proche de 130 %.
L’ajustement immobilier, dont on sait très bien qu’il a joué un rôle très important dans le déclenchement et l’amplification des effets de la crise financière, est beaucoup plus graduel en France et en Allemagne qu’outre-Atlantique et dans certains pays de l’Union européenne, qui avaient fondé leur développement économique en particulier sur celui du secteur immobilier.
Compte tenu de leur modèle d’activité, les banques européennes – même si elles ont dû enregistrer des pertes importantes - sont moins exposées aux activités de marché, leurs revenus provenant majoritairement d’activités de clientèle.
Tout cela suggère une meilleure capacité à résister au choc financier majeur auquel sont soumises toutes nos économies.
Par ailleurs, des éléments favorables sont aussi intervenus dans l’ensemble de nos économies, mais plus particulièrement dans les économies européennes. Une analyse non partisane ne peut pas les passer sous silence, quoi qu’on en pense. Il suffit d’examiner les chiffres.
Le prix du baril de Brent a chuté en deçà de 70 dollars, soit moins de la moitié du pic de 148 dollars atteint en juillet. Au moment de la finalisation du projet de loi, en septembre, le baril était encore à 100 dollars, un cours qui a servi d’hypothèse à la constitution du texte transmis à l’Assemblée nationale.
Cette hypothèse doit être revue aujourd’hui à 72 dollars, le cours moyen du baril en octobre.
Le texte du projet de loi de finances tablait sur une inflation de 2,0 % en 2009, ce qui semblait tout à fait raisonnable à l’époque où nous avons établi ces prévisions.
Compte tenu de ces reflux en termes de prix des matières premières, notamment du baril, le Gouvernement va devoir amender le projet de loi qui vous est soumis en retenant une hypothèse d’inflation ramenée de 2 % à 1,5 % pour 2009.
L’euro est passé au-dessous de 1,30 dollar, après avoir atteint un pic de 1,60 dollar à la mi-juillet. Le texte du projet de loi de finances tablait sur un taux de change de 1,45 dollar. L’hypothèse de change du projet de loi de finances doit être revue.
De la même manière que nous revoyons l’inflation, nous revoyons l’hypothèse concernant le taux de change de l’euro par rapport au dollar, en le ramenant de 1,45 à 1,33 dollar, cours moyen de l’euro en octobre. Il ne s’agit pas, en matière de prévision, de faire du mark to market, mais il est évident que nous devons nous adapter à la réalité des faits.
Cette évolution va contribuer à soutenir les exportations et donc, nous l’espérons, la croissance au cours des prochains mois.
Après avoir révisé certains des paramètres retenus pour la construction de nos prévisions – l’inflation, le taux de change–, venons-en maintenant à la révision à la baisse des hypothèses de croissance pour 2009 et 2010.
Le texte du projet de loi de finances, qui a été transmis début octobre au Parlement et dont le volet relatif aux recettes a été arrêté début septembre, a été bâti sur une hypothèse de croissance du produit intérieur brut de 1 % en 2009, hypothèse la plus basse depuis vingt-quatre ans.
Si l’on prend en compte les effets défavorables de la crise financière d’un côté, les facteurs de soutien avec l’affaiblissement de l’euro, l’affaissement du prix du baril, la baisse de l’inflation de l’autre, au total les effets sur la croissance des bouleversements récents seront clairement défavorables.
Je l’avais déjà annoncé à l’Assemblée nationale le 20 octobre ; je le confirme devant la Haute Assemblée : la croissance en 2009 sera établie sur la base d’une fourchette qui nous paraît réaliste compte tenu des faits. Je suis confortée dans cette appréciation par les échanges que j’ai pu avoir lors de la réunion de l’Écofin avec l’ensemble de mes partenaires européens qui représentent, je vous le rappelle, plus de 60 % de nos échanges.
J’annonce donc que la croissance en 2009 pourrait s’établir dans une fourchette comprise entre 0,2 % et 0,5 % du produit intérieur brut. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Et voilà !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous avions une prévision très faible, à 1 %, la plus faible depuis vingt-quatre ans. Nous la révisons pour la situer, je le répète, entre 0,2 % et 0,5 %.
Certains apôtres nous indiqueront que ce sera moins.
Mme Nicole Bricq. Ce sera plus bas !
M. Guy Fischer. C’est la réalité !
Mme Christine Lagarde, ministre. Par contrecoup, puisque, vous le savez, nous travaillons sur une base pluriannuelle, nous révisons également notre prévision de croissance pour l’année 2010, en la ramenant de 2,5 % à 2 %.
Le Gouvernement a souhaité que cette révision à la baisse intervienne un peu avant la mi-novembre, comme initialement prévu, par respect pour votre Haute Assemblée,…
Mme Nicole Bricq. Merci !
Mme Christine Lagarde, ministre. … afin qu’elle puisse disposer de l’ensemble des données nécessaires à son examen, avec un regard réaliste sur la situation économique et les prévisions que l’on peut en tirer.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement soumettra les amendements à ce projet de loi qu’implique cette hypothèse.
Je souhaite tout particulièrement le souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement considère que, dans la situation actuelle, les anticipations des agents ont plus que jamais un effet sur la croissance. Tous les économistes, qu’ils soient de droite, de gauche, libéraux, conservateurs, keynésiens, friedmaniens et autres le disent, les anticipations sont déterminantes.
À cet égard, le rôle que nous jouons est important.
Il faut donc bien réfléchir avant de suivre certains instituts de sondages dans leur course effrénée à la révision des hypothèses de croissance, avec des estimations modifiées toutes les semaines et dans de grandes proportions, évoquant ces mécanismes de mark to market appliqués aux actifs d’un certain nombre de bilans. Il faut raison garder.
Des experts brûlent en effet aujourd’hui ce qu’ils adoraient encore hier, compromettant ainsi leur crédibilité.
Dans le contexte actuel, qui n’a pas de précédent dans l’histoire, ce gouvernement se doit d’être particulièrement responsable dans la fixation de son hypothèse de croissance, et ne pas se laisser guider par ceux qui cèdent à la mode du négativisme.
Ma prévision de croissance, que je viens de vous exposer, mesdames, messieurs les sénateurs, est lucide. Elle est la plus basse jamais retenue par un gouvernement en France. À situation exceptionnelle – ce que chacun s’accorde à reconnaître –, prévision exceptionnelle.
Cette prévision de croissance ne se laisse pas aveugler par la technique des modélisateurs de tout poil. La situation actuelle n’est comparable à aucune autre. Les leçons du passé ne sont pas d’un grand secours aujourd’hui.
Je vois surtout, à ce stade, deux certitudes économiques.
En premier lieu, la zone euro est structurellement mieux placée que les États-Unis pour traverser la crise. C’est d’ailleurs ce que pensent les marchés financiers : le niveau de méfiance sur le marché des prêts entre banques est nettement plus élevé aux États-Unis qu’en Europe.
Et je peux vous dire, pour avoir participé à la réunion de l’Écofin avant-hier, que de nombreux pays européens à qui l’on aurait proposé de rentrer dans la zone euro voilà quelques mois et qui, avec un œil ironique, auraient probablement dit non, …
M. Alain Gournac. En effet !
Mme Christine Lagarde, ministre. …sont aujourd'hui beaucoup plus lucides, estimant que, finalement, l’appartenance à la zone euro procure un certain nombre d’avantages en matière de stabilité.
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
Mme Christine Lagarde, ministre. Donc, la zone européenne et la zone euro en particulier présentent des caractères structurels de meilleure solidité, ce que les marchés eux-mêmes apprécient.
En second lieu, la France a mis en œuvre d’importantes réformes structurelles dès l’été 2007 pour réhabiliter le travail et renforcer l’investissement. Ces réformes s’inscrivent parfaitement dans la stratégie de Lisbonne à laquelle nous adhérons.
Les deux axes de notre politique économique continueront de dicter les réformes à venir et leur mise en œuvre. Il s’agit, je le rappelle, de réhabiliter le travail et de renforcer l’investissement, dans une démarche d’amélioration de la productivité et de la compétitivité de l’économie française.
J’aborderai brièvement deux points concernant notre réponse de politique économique.
Tout d’abord, en réponse à la crise financière, la réponse d’urgence a consisté à rétablir le mécanisme de financement de l’économie.
À cette fin, nous avons pris des mesures pour réouvrir les circuits qui étaient bloqués et mettre fin à cette situation de thrombose qui risquait d’étouffer l’économie, en empêchant les entreprises d’investir et en les amenant à avoir une appréciation négative sur leur avenir.
Ce plan comportait deux volets, dont le premier visait à alimenter les banques en liquidités pour que l’économie continue à être financée.
Il s’agissait pour l'État, d’une part, d’engager sa signature pour aller emprunter sur un marché où les liquidités sont nombreuses, mais rétives et méfiantes à l’égard des acteurs traditionnels et, d’autre part, de prêter ces liquidités en répercutant l’ensemble des coûts et des taux supportés par l'État lorsqu’il emprunte, et au-delà puisqu’il doit également faire rémunérer sa garantie.
Ce dispositif de refinancement par le biais de la Société française de refinancement de l’économie vient compléter le refinancement bancaire de court terme qui n’a cessé d’être assuré par les interventions de la Banque centrale européenne.
Le second volet de notre plan de soutien consistait à renforcer les fonds propres des organismes financiers. Une société détenue par l’État pourra souscrire à des émissions de titres subordonnés ou d’actions de préférence des banques pour renforcer leurs fonds propres, dans la limite, que vous avez votée, mesdames, messieurs les sénateurs, de 40 milliards d’euros.
À cet égard, je souhaite préciser la raison pour laquelle l'État français n’est pas intervenu dans le capital des banques françaises. L’intervention d’un État pour participer au capital d’une banque est indispensable lorsqu’une banque se trouve en situation de détresse totale et sur le point de déposer son bilan, afin de redresser l’établissement, comme cela a été le cas dans un certain nombre d’États. En Grande-Bretagne, le gouvernement s’est trouvé dans l’obligation de le faire pour certaines banques britanniques, mais pas pour toutes.
Puisque les banques françaises disposent d’un capital de solidité suffisante, l’intervention de l'État à ce niveau n’est pas utile. Les titres subordonnés permettront de renforcer les quasi-fonds propres – Tier one – des organismes financiers et de développer le financement de l’économie au-delà même de leur contribution jusqu’à présent, puisque nous leur avons demandé de prendre des engagements à plus 3 %, voire plus 4 % du financement de l’économie.
Après avoir consolidé les circuits financiers et permis la réouverture de ces conduits, il nous faut prendre des mesures pour que les secteurs de l’économie, tels que les PME, continuent d’avoir accès au crédit.
C’est la logique des prêts de la Banque européenne d’investissement, à qui nous avons demandé d’augmenter de 50 % ses prêts aux petites et moyennes entreprises. Ce dispositif, qui résulte d’une initiative française, a été mis en œuvre en l’espace de trois semaines. C’est une performance qui illustre la mobilisation de toute l’Europe au service des PME.
À l’échelon national, nous avons mis en place un plan de soutien de 22 milliards d’euros, annoncé dès le début du mois d’octobre par le Président de la République, et qui est maintenant opérationnel.
Ce plan comprend un montant de 17 milliards d’euros correspondant à un surcroît d’épargne collectée par les livrets d’épargne populaire et les livrets de développement durable et 5 milliards d’euros mis à disposition par la Caisse des dépôts et consignations ou levés par OSEO dans le cadre des mécanismes de garantie ou de cofinancement.
Ensuite, la réponse de politique économique à la crise financière ne se limite pas aux mesures d’urgences. Elle a aussi amené le Gouvernement à approfondir les réformes structurelles introduites depuis l’été 2007 et, surtout, à accélérer leur mise en œuvre.
Les mesures annoncées par le Président de la République au cours des dernières semaines s’inscrivent dans la droite logique de notre politique économique, qui consiste toujours, je le rappelle, à renforcer la compétitivité de notre économie, en mobilisant les deux facteurs de production fondamentaux, le travail et l’investissement.
Il s’agit, d’abord, de réhabiliter la valeur travail. Nous nous y sommes attelés dès juillet 2007.
Je vous passe l’ensemble des mesures concernant le travail, l’emploi, et le pouvoir d’achat, mesures que vous connaissez bien pour les avoir, pour certains, soutenues ardemment et, pour d’autres, vilipendées en les caractérisant de manière souvent abusive.
M. Guy Fischer. Non !
Mme Christine Lagarde, ministre. J’évoquerai la mise en œuvre du revenu de solidarité active, l’accélération de la mise en place de Pôle Emploi, vérifiée par des indicateurs quantitatifs indiscutables, avec une mobilisation de tous les acteurs, des 40 000 agents de Pôle Emploi, pour lutter contre le chômage et ramener au plus vite ceux qui s’y trouvent vers l’emploi.
Je voudrais rappeler les 100 000 contrats aidés supplémentaires pour les publics les plus fragiles, avec – il s’agit de la nouvelle génération de contrats aidés – un mécanisme de soutien en termes de formation professionnelle et d’insertion dans l’entreprise pour le secteur non marchand.
Je voudrais parler également de l’extension du contrat de transition professionnelle à tous les bassins d’emploi en difficulté.
Je voudrais enfin mentionner la réforme de la formation professionnelle.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que nous faisons pour le facteur travail.
En ce qui concerne le facteur capital, nous avons renforcé l’investissement grâce à la mise en œuvre du dispositif de validation fiscale du crédit d’impôt recherche.
Nous avons également mis en place, à partir du 23 octobre 2008, l’exonération de la taxe professionnelle pour les nouveaux investissements, et ce jusqu’au 1er janvier 2010.
Enfin, nous avons annoncé, et j’y travaille actuellement ardemment, la création d’un fonds stratégique d’investissement avant la fin de l’année.
Au service de ces politiques, la politique fiscale s’inscrit sous le signe de la stabilité du taux des prélèvements obligatoires.
En ce qui concerne les recettes, nous n’augmenterons pas le poids global des impôts si les recettes publiques venaient à fléchir du fait de la situation économique.
Le Gouvernement a choisi de poser comme cadre de travail la stabilité du taux de prélèvements obligatoires à 43,2 % du produit intérieur brut à compter de 2008 et jusqu’en 2012.
Le rapport sur les prélèvements obligatoires vous fournit l’ensemble des données sur les mesures nouvelles du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires.
Sans les mesures déjà décidées, qui figurent dans le document à votre disposition, le taux de prélèvements obligatoires aurait été de 43,5 % du produit intérieur brut en 2009. Avec les mesures déjà décidées et incorporées, il passe de 43,5 % à 43,2 %. Nous maintiendrons ce taux jusqu’en 2012.
Ces mesures nouvelles déjà décidées se traduiront par une baisse nette de plus de 10 milliards d’euros des prélèvements sur l’ensemble de la législature.
Les baisses d’impôts sont ciblées sur nos priorités politiques : le travail, l’innovation, la participation des salariés aux résultats. Vous trouverez le détail de ces baisses et les éléments chiffrés dans le rapport sur les prélèvements obligatoires.
Outre ces baisses, un certain nombre de dépenses sont assurées par des prélèvements obligatoires ; je pense notamment au financement du RSA, de l’audiovisuel public, de la fiscalité environnementale et des mesures de redressement de la sécurité sociale.
Nous aborderons également lors du débat sur le projet de loi de finances le principe et le concept du plafonnement global des niches fiscales actuellement non plafonnées, ce que notre majorité avait proposé, mais qui n’a malheureusement pas pu, en raison d’un recours de l’opposition devant le Conseil constitutionnel, trouver son chemin dans le droit fiscal français.
Mme Nicole Bricq. C’est incroyable, c’est notre faute !
M. Aymeri de Montesquiou. C’est vrai !
Mme Christine Lagarde, ministre. J’espère que nous pourrons cette fois mettre la mesure en place.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec l’épisode de la crise financière aiguë des mois de septembre et d’octobre, nous sommes entrés très clairement dans une nouvelle ère, qui nécessite une approche neuve, un peu exceptionnelle, du traitement de l’hypothèse de croissance.
J’ai annoncé à la Haute Assemblée, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que les hypothèses de croissance pour 2009 et pour 2010 étaient sensiblement revues à la baisse.
Je vous ai expliqué en quoi cette révision était responsable : elle est exceptionnelle comme la situation l’exige, mais elle est lucide, comme doit l’être le Gouvernement à l’heure où les agents économiques manquent de repères clairs et où même les experts se laissent parfois un peu affoler et régir par des principes d’urgence plutôt que de réalité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, face à l’incertitude de l’environnement économique et financier, l’État doit rétablir la confiance.
Pour lutter contre la crise, le Président de la République et le Gouvernement ont mis en place des mesures puissantes que Mme Christine Lagarde vient de détailler.
Cependant, rétablir la confiance, ce n’est pas seulement agir aujourd’hui, c’est également dire ce que l’on fera demain.
Dans la tourmente que traverse la planète, il faut que l’action du Gouvernement soit clairement définie à moyen terme pour pouvoir servir de repère, de point d’appui, de point fixe.
Le projet de loi de programmation des finances publiques, que nous vous présentons aujourd’hui avec Mme Christine Lagarde pour la première fois, répond à ce besoin.
J’avais souhaité cette innovation pour nos finances publiques dès notre arrivée, dans un souci de bonne gouvernance. Le Sénat la souhaitait également depuis longtemps.
Cette initiative se révèle aujourd’hui absolument indispensable : plus c’est difficile, plus il faut essayer de prévoir. Elle donne enfin une vision globale, non sur le seul périmètre de l’État, non pour une seule année, mais pour toute la sphère publique et sur toute la législature.
Pour jouer pleinement son rôle, il faut naturellement que cette loi soit la plus précise et la plus informée possible.
C’est pourquoi, comme nous l’avions promis avec Mme Christine Lagarde, nous vous présentons ce matin à la fois des hypothèses de croissance révisées et une trajectoire de recettes modifiées en conséquence.
Comme je m’y étais engagé, les dépenses n’ont pas été modifiées au-delà de l’incidence mécanique des hypothèses révisées sur la charge d’intérêt et les dépenses indexées. Ces dépenses traduisent donc toujours, et plus que jamais, une volonté de maîtrise dans la durée de la dépense publique. Cependant, nous ne coupons pas à l’aveugle pour compenser les plus faibles recettes.
Cela nous conduit donc de manière totalement transparente à afficher des déficits plus importants. Que contient en fait ce projet de loi de programmation des finances publiques ?
Il contient une trajectoire prenant en compte les effets de la crise, une maîtrise des dépenses sans précédent, détaillée par missions sur trois ans pour l’État et des principes de gouvernance forts, qui clarifient ce que nous ferions si les évolutions macroéconomiques et financières étaient différentes de ce que nous prévoyons aujourd’hui. Le chemin est ainsi balisé et les règles sont fixées. Dans la situation d’incertitude actuelle, c’est évidemment un élément très primordial.
Enfin, vous allez désormais voter un programme qui auparavant était envoyé directement à Bruxelles, sans passer par le Parlement. C’est une avancée majeure dans l’association du Parlement à la gestion des finances publiques et au respect de nos engagements.
Dès la présentation du projet de loi de programmation des finances publiques et du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, j’ai dit que nous ferions tout, si le besoin s’en faisait sentir, pour tenir compte de l’évolution de la situation économique, car la crédibilité et la sincérité ne se négocient pas.
Ces projets de loi étaient d’une parfaite sincérité lorsqu’ils ont été déposés : 1 % de croissance en 2009 était alors, Mme Christine Lagarde l’a rappelé, une hypothèse partagée par tous les économistes.
J’entends naturellement que, au cours des débats, ces textes de loi conservent leur sincérité et leur réalisme.
Cependant, il ne s’agit pas d’une tâche facile. La sincérité, cela ne signifie pas changer de prévisions tous les matins en fonction du cours de la Bourse. Je l’ai déjà dit à l’Assemblée nationale, le budget n’est pas marked to market.
Nous nous étions engagés, et nous le faisons aujourd’hui, à prendre quelques semaines de recul pour tenir compte des données nombreuses et souvent contradictoires, et en dégager la tendance la plus raisonnable.
Comme vient de vous l’expliquer Mme Christine Lagarde, après des analyses détaillées et précises, le Gouvernement revoit aujourd’hui sa prévision de croissance pour 2009. La loi de programmation est donc révisée sur la base de 0,5 % de croissance en 2009, de 2 % en 2010 et de 2,5 % en 2011 et 2012.
J’en ai bien évidemment tiré toutes les conclusions en termes de recettes et de déficits. Je vous l’avais annoncé très tôt, notre choix est de ne pas modifier la progression réelle des dépenses et de ne pas chercher à compenser par des augmentations de recettes la faiblesse de la conjoncture.
La volonté de vous apporter le plus vite possible les conclusions les plus récentes de nos travaux m’empêche de vous fournir dès aujourd’hui jusqu’aux derniers détails. Nous en sommes au stade de la programmation et nous aurons l’occasion d’entrer dans le détail lors du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Tout cela sera fait dans les meilleurs délais.
En tout état de cause, la vingtaine d’amendements que nous présenterons dès aujourd'hui vous permettra d’avoir une idée très précise de notre approche et de la situation.
Je veux dire maintenant un mot sur 2008. Crise financière ou pas, le mois de novembre est traditionnellement le mois du collectif budgétaire, qui permet de faire le point sur les recettes effectivement rentrées et les dépenses réellement effectuées. Il sera présenté au conseil des ministres le 19 novembre prochain.
Compte tenu des dernières données dont je dispose, je serai probablement amené à revoir les recettes fiscales de l’État à la baisse d’environ 2 milliards d’euros, notamment au titre de l’impôt sur les sociétés et de la TVA.
Le ralentissement de la masse salariale pèse également sur les recettes sociales. Au total, c’est un peu plus de 3 milliards d’euros de recettes en moins, soit un peu moins de 0,2 point de PIB.
Le déficit initialement prévu à 2,7 points de PIB est donc revu à 2,9 points de PIB. Cette révision s’explique intégralement par une prévision de recettes la plus juste et honnête possible.
En ce qui concerne les dépenses, elles reposent sur le strict respect des dépenses votées par le Parlement, à l’exception – je le dis maintenant depuis de nombreuses semaines – des charges de la dette qui ont subi puissamment l’évolution de l’inflation au cours de l’année 2008.
Pour 2009, la révision de la croissance et de certains impôts qui sont particulièrement affectés par les évolutions récentes, comme l’impôt sur les sociétés – le rapport n’est pas totalement linéaire entre la croissance et l’impôt sur les sociétés –, me conduit à une révision du solde public d’environ 9 milliards d’euros, soit environ 0,4 point de PIB.
La prévision initiale de déficit public de 2,7 points de PIB est donc revue à 3,1 points de PIB.
Il ne s’agit nullement de s’affranchir du pacte de stabilité et de croissance. La Commission européenne a d’ailleurs répété qu’elle tiendrait compte des circonstances exceptionnelles que l’ensemble de l’Europe connaît pour examiner la situation. C’est un débat qui a lieu depuis plusieurs semaines. Il s’agit simplement de laisser les recettes s’adapter à la crise.
L’important est de maintenir l’effort sur la dépense non seulement aujourd’hui, mais aussi quand la croissance sera revenue, pour ne pas retomber dans les mauvaises habitudes du passé. C’est la clé pour assainir durablement nos finances publiques.
Ce dépassement du seuil des 3 points de PIB doit naturellement être temporaire. Notre effort sur la dépense nous permettra de retourner sous ce seuil dès 2010 pour atteindre 2,7 points de PIB.
C’est aussi cet effort dans la durée qui nous permettra de rétablir graduellement la situation : avec un retour, après 2 % en 2010, à une croissance de l’activité à 2,5 % en 2011 et 2012 – modification globale de la prévision pluriannuelle –, la maîtrise de la dépense permettrait une nette amélioration du déficit à 1,9 point de PIB en 2011 et à 1,2 point de PIB en 2012.
Vous le voyez, comme nous l’avions promis, nous tirons en toute transparence, avec vous, les conséquences de la crise que nous vivons.
Ces révisions confortent la sincérité du projet de loi de programmation des finances publiques, ce qui est particulièrement important pour l’avenir.
Projetons-nous un instant l’année prochaine. Compte tenu de l’incertitude actuelle, nul ne peut prétendre que les hypothèses retenues seront vérifiées au dixième de pourcentage près pour la croissance ou pour l’inflation, à la centaine de millions d’euros près pour l’impôt sur les sociétés et la TVA.
Je continuerai donc, après le vote des lois de financement, à avoir, plus que jamais, un dialogue étroit avec la commission des finances du Sénat sur les évolutions en cours d’année. L’année 2009 sera très importante.
Les révisions effectuées étaient nécessaires, mais il est bien évident qu’elles ne remettent absolument pas en cause les engagements forts en termes de dépense et de gouvernance qui sont inscrits dans ce projet.
Soyons très clairs, la colonne vertébrale de ce projet de loi, quelle que soit la conjoncture du moment, est de réaffirmer la nécessité de réduire le poids exorbitant de la dépense.
Pourquoi devons-nous nous concentrer sur la maîtrise de la dépense ?
C’est la maîtrise de la dépense qui nous mettra en position de profiter d’un retour à meilleure fortune de l’économie internationale. Tout regain de croissance – à l’horizon de 2010, c’est le moins que l’on puisse espérer ! – aura alors des effets positifs, puissants et rapides sur nos finances publiques.
La maîtrise de la dépense garantit la solvabilité de l’État. Nous avons eu l’occasion de l’expliquer devant vous, le plan de financement de l’économie présenté par Mme Christine Lagarde fonctionne essentiellement via des emprunts garantis par l’État. En situation de crise, comme aujourd’hui, l’État est le seul à qui les marchés acceptent de prêter, le seul en qui les marchés ont confiance.
Or cette confiance se justifie par le rétablissement structurel de nos finances publiques, que seule une action déterminée sur la dépense peut garantir. La lutte contre les dépenses inefficaces et le plan de refinancement de l’économie ne se contredisent donc pas, bien au contraire. Pour que l’État soit solvable et puisse jouer tout son rôle, il faut accepter de le réformer et d’être économe de l’argent public.
On nous reproche aussi de ne pas être cohérents puisque nous aurions trouvé 360 milliards d’euro pour les banques – voire pour les banquiers, comme le veut la caricature trop souvent répétée – alors que nous réaffirmons sans arrêt la nécessité des économies. Je me permets de le dire à nouveau, le plan de refinancement de l’économie ne se résume en aucun cas à un renflouement des banques à fonds perdus,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce serait absurde !
M. Éric Woerth, ministre. … il contribue évidemment au renflouement de l’économie. Les 360 milliards d’euros du plan ne sont aucunement comparables aux dépenses du revenu de solidarité active, de l’éducation nationale ou à toute autre dépense budgétaire. Ceux qui laissent croire le contraire sont peu inspirés, si vous me permettez l’expression. J’insiste donc, ce plan ne pèse pas sur les finances publiques, nous n’avons pas créé un « fonds » de 360 milliards d’euros dans lequel les banques pourraient venir puiser.
Les 40 milliards d’euros destinés à permettre des prises de participation seront financés par l’emprunt, ce qui augmente « facialement » la dette publique, mais cette dette est gagée sur des actifs, que nous espérons rentables à terme pour le contribuable. Pour ce qui concerne l’autre volet du plan, la garantie accordée par l’État ne représente pas une dépense, elle sera même payante, nous l’avons dit à plusieurs reprises.
Je voudrais donc vous décrire en quelques mots les vraies dépenses inscrites dans ce projet de loi : elles tirent les conséquences du passé, elles préparent l’avenir et elles traduisent une recherche systématique d’efficacité.
Tout d’abord, il nous faut affronter les contraintes héritées du passé. À ma place, au-delà des graves enjeux conjoncturels, faire preuve de responsabilité, c’est oser dire que le passé nous rattrape et qu’il faut en tirer les conséquences. Le passé nous rattrape du fait de la dette publique accumulée ces trente dernières années.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Éric Woerth, ministre. Je vous l’ai dit l’an dernier, le temps est révolu où la baisse des taux d’intérêt servait d’anesthésiant à la progression de la dette ; c’est le moins que l’on puisse dire cette année. Je vous ai prévenus depuis dix-huit mois que les « bonnes surprises » sur les intérêts appartenaient au passé. Cette année, la charge de la dette augmente de 4 milliards d’euros ; c’est absolument considérable par rapport à ce que nous avons pu connaître dans le passé !
Mme Nicole Bricq. Et cela va continuer !
M. Éric Woerth, ministre. Ce passé nous rattrape aussi par la démographie. Les dépenses de pensions traduisent l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby boom : pour les finances publiques, il en résulte un surcroît de dépenses de 13 milliards d’euros par an. Nous avons confirmé la prolongation de la durée de cotisation retraite décidée en 2003 et nous avons mis en place un plan ambitieux pour les seniors. Mais il faudra assurément nous retrouver en 2010 pour procéder à l’état des lieux.
La progression de la charge de la dette et des pensions nous est imposée, au moins à moyen terme. Mais faisons-nous le nécessaire pour le reste des dépenses ?
Je le dis haut et fort : la maîtrise de la dépense est sans précédent et doit évidemment le rester. J’ai construit pour les trois ans à venir trois budgets sincères : trois budgets où les dépenses des ministères sont stabilisées en valeur – la crise ne doit pas être l’occasion de relâcher cet effort – ; trois budgets où je poursuis la remise à niveau des dotations historiquement sous-dotées – les remboursements à la sécurité sociale, les opérations extérieures de la défense, dépenses auxquelles vous êtes particulièrement sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs – ; trois budgets, enfin, où je clarifie les financements de la protection sociale agricole – au travers du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA – et des infrastructures de transport – avec l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. La crise actuelle montre bien l’importance de comptes justes, car il a beaucoup été question de comptabilité dans cette crise.
Cet exercice a requis une énorme volonté politique : c’est le fruit du travail de tout le Gouvernement, sous l’autorité et la vigilance du Premier ministre.
Concrètement, je vous avais dit que je diviserais par deux le rythme de croissance de la dépense publique en euros constants, c’est ce que nous ferons cette année : en 2008, le taux de croissance de la dépense publique s’élèvera à environ 1 %. Depuis plusieurs années, cet objectif était fixé et, immanquablement, n’a jamais été atteint ; il en va, enfin, différemment cette année : nous allons l’atteindre grâce à la maîtrise des dépenses de l’État, hors charge de la dette, et grâce à la maîtrise des dépenses de santé. Chaque année, nous réalisons 10 milliards d’euros d’économies par rapport à la tendance historique.
En ce qui concerne l’État, les dépenses de personnel, d’intervention et de fonctionnement des ministères en euros courants sont stabilisées sur la législature.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est bien !
M. Éric Woerth, ministre. C’est énorme ! Et la crise actuelle ne remet pas en cause cet effort ! Quant à la croissance des dotations aux collectivités locales, elle est limitée à l’inflation.
Si tous ces efforts avaient été réalisés sur les dix dernières années, le budget de l’État serait tout simplement à l’équilibre. J’insiste sur ce point parce que je veux que tout le monde en ait bien conscience : si cette politique avait été menée depuis dix ans, nous pourrions tenir un autre discours aujourd’hui. C’est donc la persévérance sur la durée qui compte et non la variation de pression : nous serions dans une position tellement plus favorable pour affronter la crise actuelle et préparer l’avenir !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes !
M. Éric Woerth, ministre. Ce budget triennal se résume à une recherche d’efficacité dans tous les domaines. Toutes les économies issues, notamment, des travaux engagés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ont été exploitées.
Pour la première fois, grâce à cette méthode de recherche systématique d’efficacité des dépenses, nous n’allons pas remplacer près d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, ce qui représente une baisse des effectifs de 30 600 emplois. En une année, nous faisons autant que tous les efforts réalisés pendant le quinquennat précédent !
Cet effort intervient sans reporter la charge sur les opérateurs. Pour la première fois, grâce aux directives que j’ai données à l’ensemble des représentants de l’État, leurs effectifs baisseront de plus de mille en 2009.
Grâce à cette méthode également, tous mes collègues ont obtenu les moyens de leurs politiques, sans qu’il soit besoin de leur attribuer les 13 ou 14 milliards d’euros supplémentaires qu’ils réclamaient au départ.
Enfin, grâce à cette méthode, nous avons pu saluer l’effort des fonctionnaires en matière de réforme de l’État en leur rendant, conformément à l’engagement du Président de la République, 50 % des économies réalisées avec les suppressions d’emplois. J’ajoute, au passage, que nous avons mis fin, avec M. André Santini, à la pratique surréaliste qui consistait à négocier le point d’indice de la fonction publique après le vote du budget : nous avons mené ces discussions très en amont et pour les trois prochaines années.
Il n’était pas possible d’exempter les collectivités locales de cet effort sans précédent sur les dépenses.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Éric Woerth, ministre. Je sais que les relations entre l’État et les collectivités locales sont complexes, mais nous respectons nos engagements : les concours de l’État aux collectivités territoriales se verront appliquer la même norme d’évolution que celle des dépenses globales de l’État, c’est-à-dire l’inflation. Pour 2009, exceptionnellement, …
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exceptionnellement !
M. Éric Woerth, ministre. Vous connaissez la suite de mon discours, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, je souligne simplement l’importance du propos !
M. Éric Woerth, ministre. En 2009, exceptionnellement, ces concours progresseront même plus rapidement que l’inflation, puisque nous avons révisé nos prévisions comme vous l’a dit Mme Christine Lagarde. En effet, pour respecter la règle, il aurait fallu aligner l’indexation des concours sur l’inflation révisée à la baisse à 1,5 %. De votre côté, vous vous apprêtiez, sans doute, à demander une augmentation de ces concours au-delà de l’inflation initialement prévue dans le projet de loi de finances. Nous ne ferons ni l’un ni l’autre : nous en resterons donc à une progression de 2 %, soit 1,1 milliard d’euros d’augmentation.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une très bonne nouvelle !
M. Éric Woerth, ministre. D’une certaine façon, nous acceptons d’ajouter 0,5 % aux 1,5 % annoncés, afin d’aider les collectivités locales dans leur politique d’investissement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bon argument !
M. Éric Woerth, ministre. Au sein de cette enveloppe, la priorité a été donnée à l’investissement, puisque le Fonds de compensation pour la TVA est préservé et progresse de 660 millions d’euros. J’ajoute que l’État a répondu présent pour assurer le sauvetage de Dexia et a garanti son refinancement, afin d’apporter le soutien nécessaire dans cette crise au financement des collectivités locales. Nous demandons donc un effort aux collectivités locales, mais il sera accepté parce qu’il est juste.
L’effort portera également sur la sécurité sociale. En 2009, la conjoncture pèsera bien évidemment sur la progression des cotisations et sur le déficit du régime général mais l’effort sur la dépense permettra de limiter cette dégradation à 2 milliards d’euros. Pour l’assurance maladie, l’accroissement de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, l’ONDAM, est fixé à 3,3 % pour chaque année d’ici à 2012. Ce chiffre nous permet d’éviter deux écueils : l’optimisme de façade, qui est d’afficher par facilité un objectif que l’on sait impossible à atteindre, et la résignation, qui est de laisser les dépenses croître plus vite que les ressources.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n’en est pas question !
M. Éric Woerth, ministre. La tenue des dépenses en 2008 en témoigne, il existe une voie médiane : l’ambition peut être réaliste, quand on s’en donne les moyens, et le taux de 3,3 % me semble répondre à ce critère.
Mais pour aller vers l’équilibre de l’assurance maladie,…
M. Guy Fischer. En 2011 ? En 2012 ?
M. Éric Woerth, ministre. … il nous faut consentir collectivement un effort gigantesque. Nous ne résorberons pas les déficits de l’assurance maladie par la seule intervention de la loi, j’en suis convaincu – sinon, nous y serions déjà parvenus ! –, mais nous le ferons par des changements de comportement et par une action puissante et sans relâche des gestionnaires. Je n’accepte pas de faire passer l’efficacité par pertes et profits sous prétexte que seule la qualité compte ; et la situation conjoncturelle n’est pas en cause : il est possible d’allier qualité et efficacité.
Nous aurons naturellement l’occasion de discuter prochainement en détail le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement y prend toutes ses responsabilités : il reprend la dette du régime des salariés comme des exploitants agricoles, il apporte des recettes nouvelles à l’assurance maladie comme à l’assurance vieillesse, il fixe des objectifs de dépenses réalistes.
L’État peut-il faire plus ? Oui, en plaçant chaque gestionnaire – des partenaires sociaux aux personnels soignants, du Gouvernement aux caisses d’assurances maladie – face à ses responsabilités, afin que son seul souci soit de respecter les objectifs qui lui ont été fixés. Il ne faut plus considérer que le dépassement de l’ONDAM va de soi, qu’il résulte d’une sorte de droit non écrit.
Cet effort de réduction de la dépense publique marqué dans la durée est un apport majeur de la loi de programmation. En avons-nous fait assez ? En avons-nous fait trop ? Comme pour un avion, il faut calibrer l’effort pour un atterrissage réussi ! Avec une baisse trop brutale, notamment en période de crise – c’est vrai pour les dépenses de la sécurité sociale comme pour les dépenses de l’État – on risque la dépressurisation et l’accident. L’effort que nous entreprenons est régulier, il est calibré pour la période que nous traversons : plus brutal, il serait dangereux ; il favoriserait non pas la reprise, mais la « recrise ».
Surtout, la maîtrise des dépenses ne doit pas se réaliser au détriment des dépenses prioritaires, celles qui nous permettront précisément de traverser la crise et de profiter au mieux de la reprise à venir. La recherche et l’enseignement supérieur, le « Grenelle de l’environnement », la valorisation du travail sont au cœur de ce budget pluriannuel : ces investissements sont véritablement porteurs de l’avenir et donc de la sortie de crise.
Des moyens sans précédent sont dégagés pour la recherche et l’enseignement supérieur : ils représentent 1,8 milliard d’euros supplémentaires par an. Ils permettront le financement des chantiers engagés par le Gouvernement et voulus par le Président de la République : autonomie des universités, excellence de la recherche publique et dynamisation de la recherche privée.
L’effort en faveur de l’investissement civil, en particulier des infrastructures, augmentera de près de 6 % en 2009. Au total, en tenant compte des partenariats public-privé, les investissements dans les infrastructures devraient quasiment doubler entre 2007 et 2012.
Concernant les recettes, je l’ai dit, nous ne compenserons pas la faiblesse de la conjoncture par des hausses d’impôts. Faut-il pour autant bloquer toute évolution de la fiscalité et camper dans l’immobilisme ?
Évidemment, non ! Mme Christine Lagarde y reviendra dans le détail lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, mais les mesures fiscales qui y sont proposées sont globalement équilibrées. Sauf à être immobiles, nous devons accepter que certains impôts augmentent, parce que c’est l’intérêt général, pour que d’autres diminuent.
M. Aymeri de Montesquiou. Bien sûr !
M. Éric Woerth, ministre. Mais il faut reconnaître que le bilan pour cette année n’est qu’une petite partie de l’histoire. Je veux le rappeler très clairement : les mesures décidées depuis le début de la législature représentent plus de 10 milliards d’euros de baisse des prélèvements obligatoires. C’est difficile dans le contexte actuel, mais il faut le faire ! Toute polémique à ce sujet ne peut survivre longtemps à l’analyse objective des faits.
Sécuriser les recettes est crucial. Votre commission des finances, en particulier son président comme son rapporteur général, partage, je le sais, cet avis. Créer des niches fiscales pour remplacer la dépense budgétaire ne résout rien ! La loi de programmation des finances publiques est particulièrement novatrice sur ce chapitre de la sécurisation des recettes. Pour la première fois, en effet, nous présentons une évolution pluriannuelle des recettes et nous établissons des règles sur les niches fiscales comme sur les niches sociales.
Cela devenait impératif : le projet de loi prévoit désormais une évaluation des crédits d’impôt, un objectif annuel de dépenses fiscales et garantit qu’il sera mis un terme à la prolifération des niches fiscales et sociales.
Mme Nicole Bricq. Alors, faites-le vraiment !
M. Éric Woerth, ministre. Je sais que votre rapporteur a fait de nouvelles propositions allant dans ce sens, que Christine Lagarde et moi-même accueillerons favorablement, notamment celles qui tendent à rendre les niches fiscales « à durée déterminée ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Ces règles sur les dépenses fiscales sont une avancée majeure dans la maîtrise des finances publiques. Par le passé, les dépenses étaient encadrées par la seule norme de dépense budgétaire, le fameux « zéro volume ». Force est de constater cependant que cette norme a été contournée par le développement de la dépense fiscale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est exact !
M. Éric Woerth, ministre. Après l’élargissement de la norme intervenu l’année dernière et les rebudgétisations, c’est donc un nouveau pas que nous accomplissons ensemble aujourd’hui dans notre gouvernance des finances publiques. Nous corrigeons ainsi les effets pervers des règles du passé.
En résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de programmation des finances publiques traduit une véritable stratégie, sortant du cadre strictement annuel et du seul budget de l’État, en sécurisant les recettes et en inscrivant la réforme de l’État dans la durée.
Ce texte prend en compte la situation particulièrement difficile que nous connaissons, car rien ne serait pire que de la nier. Il peut, je crois, donner lieu à une discussion éclairée et responsable de nos finances publiques. À mes yeux, il montre le chemin pour préparer au mieux l’avenir : un effort sans précédent, durable, documenté sur la dépense publique nous permettra de traverser cette crise et d’assainir à terme nos finances publiques.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire aujourd’hui, avec le plus de précisions possibles, à l’occasion de ce débat. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer les deux interventions que nous venons d’entendre et plus particulièrement l’effort de transparence et de sincérité qu’elles traduisent.
En effet, et je voudrais m’attarder quelques instants sur ce point, l’appréciation du contexte macroéconomique est naturellement, dans la conjoncture actuelle, l’un des aspects les plus délicats lorsqu’il s’agit d’élaborer des documents budgétaires, qu’ils soient annuels ou pluriannuels. Trop souvent, mes chers collègues, j’entends le Gouvernement s’approprier, en quelque sorte, des prévisions de croissance ou des chiffres de la croissance. (Mme le ministre et M. le ministre sourient.)
Parler au nom du Gouvernement de « sa » prévision de croissance - permettez-moi de le dire en toute sincérité, fort des convictions que j’exprime avec constance à cette tribune depuis longtemps - me paraît être une erreur. Il n’y a pas de taux de croissance du Gouvernement, cela n’existe pas, pas plus que de taux de croissance du Parlement ou des pouvoirs publics. (Sourires.) Le seul vrai taux de croissance, par définition, est celui que l’on constatera a posteriori. (Mme le ministre acquiesce.)
Mais comme, bien entendu, il faut prévoir et élaborer des documents budgétaires, des hypothèses doivent être retenues. Il convient donc de parler d’hypothèses de croissance ou, plus largement, d’hypothèses macroéconomiques concernant l’inflation, les prix de l’énergie ou les parités monétaires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si l’on veut aller jusqu’au bout du raisonnement, il convient, me semble-t-il, non pas de focaliser son attention sur un chiffre par grande donnée macroéconomique, mais plutôt de se fixer des fourchettes, en particulier en matière de taux de croissance. C’est ce que Mme Christine Lagarde a fait en évoquant tout à l’heure un taux de croissance de 0,2 % à 0,5 %, et c’était une première.
L’important n’est pas le chiffre en valeur absolue ; c’est de reconnaître que l’aléa existe et de ne pas commettre, en quelque sorte, de péché d’orgueil. En effet, rien ne nous dit que les conjoncturistes des banques ou de différents instituts français et internationaux aient davantage la vérité révélée que ceux de l’INSEE, du Centre d’analyse stratégique ou de ce qu’on appelait naguère la direction de la prévision.
L’essentiel pour nous, dans notre fonction délibérative portant sur les lois de finances et, à présent, pour la première fois, sur une loi triennale de programmation des finances publiques, est de réfléchir sur la base de raisonnements, de données, dans un monde incertain.
Je salue donc l’exercice de sincérité du Gouvernement. J’espère que, pour l’avenir, on saura en tirer les conséquences et que l’on raisonnera, tant pour les recettes que les dépenses et le solde, en termes de fourchette. Si la situation est relativement médiocre, on n’engagera qu’un minimum de dépenses ; si elle est meilleure, on débloquera des dépenses supplémentaires qui pourront être affectées à des projets ou à des fonctions identifiées à l’avance. C’est un budget transparent - qu’il s’agisse de la sécurité sociale ou de l’État, nous pouvons raisonner de la même manière - susceptible de s’ajuster à la conjoncture économique.
Il me semble, en outre, que le Gouvernement est tout à fait fondé à mettre l’accent sur les normes de dépenses, car, dans les temps difficiles que nous connaissons, seule la dépense publique centralisée est susceptible d’être contrôlée de manière relativement certaine. La dépense publique centralisée, mes chers collègues, c’est la dépense de l’État, de ses démembrements et celle des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. En d’autres termes, la dépense centralisée est celle qui doit obéir aux normes proposées par le Gouvernement et votées par le Parlement.
Il existe d’autres dépenses publiques qui ne sont pas centralisées. Par définition, ce sont les dépenses de nos collectivités territoriales. On peut en faire une addition, une consolidation, mais rien de plus, car c’est bien le conseil municipal, le conseil communautaire, le conseil général, le conseil régional qui vote sa dépense, équilibrée par la fiscalité et les ressources correspondantes.
S’il est logique et légitime de faire figurer une prévision de la dépense locale dans une programmation triennale des finances publiques, pour autant, les chiffres qui se situent à ce niveau ne sont pas de même nature que ceux qui sont relatifs à la dépense publique centralisée. Cela motive d'ailleurs un amendement de principe que notre commission vous soumettra.
S’agissant des collectivités territoriales, sujet auquel nous sommes particulièrement sensibles, je voudrais souligner une avancée très significative, très concrète que le ministre du budget vient, ce matin, de présenter devant notre assemblée : en 2009, l’enveloppe globale des concours de l’État aux collectivités territoriales – je l’appelle encore « l’enveloppe normée » - évoluera donc à un demi-point au-dessus de l’inflation, dont le taux révisé est de 1,5 %, ce qui représente, mes chers collègues, environ 275 millions d’euros supplémentaires...
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le cadeau bonus !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une nouvelle qu’il faut apprécier à sa juste valeur, car, monsieur le ministre, elle traduit le fait que vous nous avez entendus avant même que se soit ouvert le débat budgétaire, qui va notamment être focalisé sur ces questions.
Vous nous avez entendus parce que, en tant que maire et président d’une communauté de communes, vous connaissez la réalité des choses et du pilotage de la gestion locale.
Vous nous avez entendus parce que vous savez que, durant la phase de conjoncture basse, de stagnation et, peut-être, l’an prochain, de récession que nous connaîtrons, l’activité des collectivités territoriales sera un élément conjoncturel très important. En matière d’investissement comme en matière de dépenses de solidarité, on va se tourner plus particulièrement vers les communes, les intercommunalités, les départements et même les régions pour mettre en œuvre quelques amortisseurs face à la dureté de la crise.
Qu’il s’agisse des petites et moyennes entreprises, notamment dans la branche du bâtiment et des travaux publics, qu’il s’agisse des personnes que la crise peut temporairement laisser sur le bord de la route, ce sont bien les budgets locaux qui joueront un rôle important d’amortisseur. À cet égard, les 275 millions d’euros - c’est un ordre de grandeur -, se situant au-delà de l’hypothèse d’inflation révisée à 1,5 %, seront un amortisseur non négligeable et permettront sans doute de rendre plus facile l’examen, dans quelques semaines, des concours pour 2009 aux collectivités territoriales.
Je terminerai cet exposé par l’évocation rapide des amendements que la commission des finances a adoptés.
Tout d’abord, comme vous l’avez dit à juste titre, monsieur le ministre, il y avait un risque d’évasion par rapport à la norme de dépense qu’en d’autres temps nous avions intitulé l’ « agencisation » de l’État, c’est-à-dire l’imputation, sur des organismes proches de l’État, en général des établissements publics, de dépenses, notamment des dépenses de personnel, hors de la norme globale de dépense. Vous venez de nous dire – c’est une première, et elle mérite d’être saluée – que, pour 2009, les effectifs du personnel affecté à ces démembrements de l’État vont se voir appliquer la règle de base en vigueur pour la gestion des effectifs de la fonction publique au sens strict.
Mais une redoutable dérive demeure encore possible, vous le savez, avec les dépenses fiscales.
La dépense fiscale est la plus grande tentation qui peut menacer encore les ministres - je parle des ministres dépensiers, non de vous, bien entendu ! (Sourires.) – et, dans un temps où la norme globale est une norme contrainte et rigoureuse,…
M. Jean-Pierre Fourcade. On en a voté une pas plus tard que la semaine dernière !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … de cette tentation, il faut se prémunir. Le Sénat, en particulier, est là pour veiller au bon comportement en matière de finances publiques sur la durée, comme vous le souhaitez, madame le ministre de l’économie, monsieur le ministre du budget. D’où les amendements que nous avons préparés et qui, je le suppose, rencontreront vos propres préoccupations.
La révision des hypothèses macroéconomiques prises en compte par le Gouvernement entraîne mécaniquement le dépôt d’une série d’amendements ; ils seront examinés par la commission des finances à l’occasion de la suspension de séance.
Il est particulièrement important que le Sénat soit le lieu d’un vrai débat, qui soit en prise avec l’actualité immédiate, tout en s’inscrivant dans une perspective plus large.
De grâce, n’ajoutons pas la crise à la crise ! Arrêtons de faire des cadeaux fiscaux, parce que nous n’en avons plus les moyens, et trouvons des solutions nous permettant de gérer avec continuité et persévérance la norme de dépense, mais aussi de faire en sorte qu’un euro de dépense fiscale soit traité exactement de la même façon qu’un euro de dépense budgétaire, en prévision comme en réalisation.
Voilà, mes chers collègues, les principales préoccupations dont je souhaitais vous faire part au nom de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons fini par en prendre l’habitude, les médias considèrent que la messe est dite dès lors qu’un texte a été examiné par l'Assemblée nationale et, de manière générale, se font assez rarement l’écho des travaux du Sénat.
Nous démontrerons une nouvelle fois au cours de l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2009 que le Sénat est souvent une force de propositions. Même si ces dernières ne sont pas retenues immédiatement, elles finissent souvent par l’être l’année suivante, soit par le Gouvernement, soit par l'Assemblée nationale. (Sourires.)
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez réservé au Sénat l’annonce de votre volonté de jouer la transparence, la crédibilité et le réalisme en ce qui concerne les prévisions macroéconomiques. Je salue cet effort et vous en remercie, après Philippe Marini.
Nos concitoyens auraient sans doute eu du mal à comprendre qu’il en aille autrement et que l’on ne tienne pas compte de la crise financière dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.
Ces textes ayant été établis avant la crise, la commission des affaires sociales a procédé à leur examen en se fondant sur les prévisions macroéconomiques de l’été.
Comme vous l’avez souligné, madame Lagarde, l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques est une première. Il intervient quelques semaines seulement après la révision constitutionnelle, promulguée le 23 juillet dernier. Je salue la rapidité avec laquelle le Gouvernement a mis en œuvre une réforme que nous appelions de nos vœux depuis un certain temps déjà et que les différentes conférences des finances publiques tenues ces deux dernières années ont permis de préparer.
Ce premier projet de loi de programmation comporte, outre un cadrage macroéconomique et des objectifs sur lesquels je reviendrai plus loin, plusieurs règles de gouvernance, notamment en matière de recettes et de niches sociales.
La commission des affaires sociales ne peut que s’en féliciter, car ces règles sont proches de celles qu’elle avait elle-même préconisées à plusieurs reprises, en particulier dans le cadre d’une proposition de loi organique dont le président de la commission Nicolas About et moi-même étions les auteurs, et qui a été votée par le Sénat le 22 janvier 2008.
Le Parlement est donc conduit à approuver la stratégie du Gouvernement en matière de finances publiques, stratégie que ce dernier élaborait jusqu’à présent lui-même, à l’occasion de la transmission, au début du mois de décembre, du programme de stabilité à la Commission européenne.
Que les assemblées se prononcent, en toute transparence, par un vote sur cette programmation est véritablement un progrès. Nous nous souvenons en effet d’une période, pas si lointaine, où ces prévisions revêtaient un caractère tellement confidentiel que le Parlement et ses commissions financières n’en étaient même pas destinataires.
L’approche globale que cette nouvelle catégorie de lois nous permet d’avoir sur les comptes publics, en intégrant les finances de l’État, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités locales dans un même ensemble et en les inscrivant dans une perspective pluriannuelle, représente également une avancée intéressante.
Jusque-là, nous ne pouvions avoir un débat général que sur l’évolution des prélèvements obligatoires : l’année dernière, il s’est tenu à la même époque ; il a lieu aujourd'hui, en même temps que la discussion du présent projet de loi.
Si l’exercice est très utile en ce qu’il permet un débat d’ensemble, il ne concerne cependant qu’un aspect du sujet, à savoir les recettes. Pour les dépenses, la réflexion était d’habitude renvoyée aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale, et ce pour la seule année suivante. Philippe Marini a eu raison de considérer tout à l’heure qu’il y avait lieu d’intégrer dans ces prévisions les dépenses et les recettes, et de mener notre réflexion sur l’ensemble.
En matière sociale, nous étions toutefois plus avancés puisque, depuis le vote de la loi organique du 2 août 2005, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est accompagné d’une annexe B qui comporte une projection pour les quatre années à venir, tant pour les recettes que pour les dépenses, à la fois pour le régime général et l’ensemble des régimes de base.
Nous avons beaucoup critiqué cette annexe même si, d’année en année, nous avons pu constater une certaine amélioration. S’il faut en faire un bilan, je dirais que, malgré ses limites, notamment en termes de fiabilité et de durabilité des projections – je vous engage à regarder le tableau qui figure dans mon rapport écrit et qui retrace ces projections depuis l’origine –, l’annexe a le mérite incontestable de proposer une trajectoire et de faire apparaître des tendances qui montrent avec beaucoup de clarté les difficultés qui jalonnent le chemin de retour à l’équilibre.
La programmation qui nous est proposée aujourd’hui par le Gouvernement intervient, cela a été souligné, dans un contexte économique tout à fait exceptionnel.
La crise financière des dernières semaines et ses conséquences sur l’économie réelle sont des facteurs majeurs d’incertitude qui, malheureusement, remettent pour partie en cause la pertinence de l’exercice qui nous est proposé, mais pour partie seulement.
Je note au passage qu’aucun institut de prévision n’est actuellement capable de prédire l’ampleur de la récession, de chiffrer de façon fiable l’impact de la crise actuelle sur notre économie, sur la croissance et sur l’emploi à moyen terme, c’est-à-dire pour l’horizon de cette programmation ou, tout du moins, pour l’année 2009. Je cite dans mon rapport les dernières perspectives de l’OFCE, rendues publiques voilà à peine une semaine. Comme vous l’avez précisé, madame la ministre, de multiples précautions entourent le détail des deux scénarios envisagés.
Pour ce qui concerne plus particulièrement les finances sociales, l’hypothèse macroéconomique centrale est celle de l’augmentation de la masse salariale, masse qui, je vous le rappelle, représente, pour la sécurité sociale, les trois quarts de l’assiette de ses recettes. Cette augmentation est estimée, dans le projet de loi comme dans l’annexe B du PLFSS pour 2009, à 3,5 % en 2009 et à 4,6 % par an les trois années suivantes. Ces prévisions seront corrigées cet après-midi à l’initiative du Gouvernement pour faire preuve d’un plus grand réalisme et d’un maximum de transparence.
Ces taux étaient évidemment très volontaristes. Or un point de masse salariale en moins représente une baisse de 2 milliards d’euros de recettes pour la sécurité sociale, et une difficulté supplémentaire pour revenir vers l’équilibre en 2012, ce qui est l’objectif fixé dans le projet de loi pour le régime général.
Comme je l’avais souligné devant mes collègues de la commission des affaires sociales, notamment ceux de l’opposition qui avaient dénoncé le caractère trop optimiste des prévisions macroéconomiques, il est fort probable que nous soyons amenés, avec le Gouvernement, à réviser ces prévisions et que l’équilibre ne soit atteint qu’en 2013, au lieu de 2012. Nous espérons que la conjoncture à partir de 2010 ou 2011 permettra un tel rattrapage.
En tout état de cause, il faut faire preuve de prudence et ne pas bercer nos concitoyens d’illusions sur le sujet. Il faut savoir se montrer courageux et réaliste : c’est ce que fait le Gouvernement, et je ne peux que l’en féliciter.
Dans le rapport annexé au projet de loi, trois éléments sont cités comme indispensables pour parvenir à l’équilibre.
Premièrement, il faut disposer d’une base financière assainie, ce qui suppose de régler trois problèmes : le transfert de la dette sociale à la Caisse d’amortissement de la dette sociale – le Gouvernement exauce le vœu que nous avions exprimé l’année dernière puisque ce transfert est prévu dans le PLFSS pour 2009 – ; le traitement de la situation structurellement déficitaire du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles – problème qui sera partiellement réglé cette année, notamment dans son volet « branche maladie » –, et la clarification des relations financières entre l’État et la sécurité sociale.
Ces trois questions sont traitées dans le cadre du PLFSS pour 2009, mais – je me permets de le souligner – de manière imparfaite.
En effet, si le transfert de la dette sociale à la CADES est bien effectué, toutefois, comme je vous l’avais déjà indiqué, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, cela entraînera malgré tout une fragilisation du Fonds de solidarité vieillesse, en raison du dispositif qui a été imaginé.
Seul est résolu le problème de la branche maladie du FFIPSA, le déficit de sa branche vieillesse restant entier.
Par ailleurs, si de réels progrès ont été réalisés dans les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, nous devrons bien constater qu’une dette s’est reconstituée à hauteur de 3,5 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2008. Cela étant, monsieur le ministre, vous nous avez annoncé, en commission, votre intention d’honorer, dans le cadre du prochain collectif, au moins une partie de cette dette, pour un milliard d’euros. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
La dégradation de la conjoncture actuelle accroît toutefois les risques sur le montant de cette dette. J’ai noté également votre souci de faire en sorte de « coller » le mieux possible aux besoins de dotations, je pense notamment à l’allocation aux adultes handicapés, à l’aide médicale de l’État et à l’allocation de parent isolé, respectivement l’AAH, l’AME et l’API.
Deuxièmement, pour revenir à l’équilibre, il nous faut parvenir à maîtriser la dépense, M. le ministre et M. Philippe Marini ont insisté sur ce point. L’objectif n’est chiffré que pour la branche maladie, avec un taux d’évolution annuel de l’ONDAM fixé, par l’article 7 du projet de loi, à 3,3 % pour l’ensemble de la période.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé que, malgré la révision des données macroéconomiques, vous mainteniez une progression à 3,3 % pour cette année et pour le futur exercice, ce qui signifie que le même effort est accompli pour la sécurité sociale et pour les collectivités territoriales. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Ce pourcentage correspond à une croissance des dépenses de maladie inférieure à la croissance du PIB. Cet objectif, certes ambitieux, n’est pas inatteignable, puisque nous l’avons atteint en 2008, même s’il y a eu un petit dérapage par rapport aux prévisions. Nous devrions en effet finir l’année 2008 avec une progression de l’ONDAM de l’ordre de 3,3 %.
Mes chers collègues, il faut bien en avoir conscience, maintenir ce taux sur toute la période de programmation suppose de trouver, chaque année, 2 milliards d’euros d’économies nouvelles pour contenir la progression des dépenses à 5 milliards d’euros par rapport à l’année précédente. Or, je vous le rappelle, la tendance pour les dépenses de santé est plutôt de l’ordre de 7 milliards d’euros par an. On ne peut pas, en effet, avoir pour les dépenses de santé la même maîtrise comptable que celle qui est exigée par M. le rapporteur général pour les dépenses centralisées de l’État.
Pour parvenir au respect de cette norme, il est impératif de mobiliser toutes les marges qui existent, en poursuivant les efforts sur la maîtrise des dépenses de soins de ville. Depuis quelques années, pour ces soins de ville, de réels efforts ont été réalisés, avec des résultats indéniables. En ce qui concerne l’hôpital, permettez-moi l’expression, je reste sur ma faim ! Des progrès importants restent à faire, et il est particulièrement urgent d’agir, car nous n’avons que trop attendu. Il y a lieu de maintenir l’effort en renforçant la gestion des risques à l’hôpital.
Nous sommes persuadés que l’on peut encore réaliser des économies dans ces différents secteurs, mais cela ne sera pas facile.
Les dépenses des autres branches doivent se contenter de quelques paragraphes dans le rapport annexé au projet de loi. J’en profite pour vous faire observer que, comme à l’accoutumée, ce rapport consacre trois fois plus de développements au budget de l’État qu’aux dépenses de sécurité sociale. Je regrette en particulier que si peu de précisions soient apportées pour la branche vieillesse, dont le déficit dépasse maintenant les 5 milliards d’euros. Certes, l’évolution des dépenses de retraite dépendra essentiellement des progrès que l’on pourra constater en matière d’emploi des seniors et des décisions qui seront prises dans le cadre du « point d’étape » de 2010. Mais les pistes de réformes possibles auraient au moins mérité d’être mentionnées et évaluées.
Je suis d’ailleurs persuadé que la principale raison pour laquelle nos concitoyens semblent systématiquement chercher à anticiper leur départ à la retraite tient au manque de lisibilité en la matière. C’est donc un sujet sur lequel il faudra un peu plus nous pencher l’année prochaine.
Troisièmement, je vois un dernier pilier du retour à l’équilibre dans la sécurisation des recettes. Celle-ci exige que soient réunies deux conditions : le retour de la croissance et la préservation des recettes actuelles. J’espère qu’il ne s’agit pas d’un vain mot et que les recettes seront effectivement au rendez-vous.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé de nouvelles recettes pour la branche vieillesse résultant d’un basculement des cotisations de l’UNEDIC. Permettez-moi de vous inviter à regarder tout cela d’un peu plus près, car, avec le retournement de conjoncture, nous n’atteindrons peut-être pas le niveau espéré.
M. Guy Fischer. C’est une évidence !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Le retour à la croissance est évidemment très difficile à prévoir. Cela étant, on peut aussi chercher à préserver les recettes existantes, notamment en veillant à ne pas multiplier les exemptions d’assiettes, les exonérations de charges et contributions sociales, bref en limitant le développement des « niches sociales ». Je constate d’ailleurs, mais nous en reparlerons au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que cela n’a pas été vraiment le cas en 2008, puisque pas moins de sept niches sociales supplémentaires ont été créées à l’occasion de l’examen de textes de loi ordinaire, et ce sans compensation.
Vous le savez, la commission des affaires sociales s’intéresse à cette question depuis plusieurs années.
Nous avons ainsi proposé successivement, avant que le Gouvernement et l’Assemblée nationale ne s’emparent de ces idées, la taxation des stock-options ou l’instauration d’une flat tax sur les niches sociales.
Nous avons également cherché à limiter la création d’exonérations de charges dans les textes de loi ordinaire en déposant, puis en faisant voter par le Sénat une proposition de loi organique sur ce sujet. Malheureusement, à chaque fois, nos initiatives ont été repoussées… pour mieux être, l’année suivante, reprises et finalement adoptées !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes des précurseurs ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Comme quoi il ne faut jamais désespérer ! (Nouveaux sourires.)
Dans le cadre de la discussion du PLFSS pour 2009, la commission des affaires sociales fera de nouvelles propositions la semaine prochaine, je pense notamment à l’extension du forfait social de 2 % à l’ensemble des assiettes exemptées ou bien au ciblage des allégements généraux de charges sociales sur les entreprises de moins de cinquante salariés. Nous estimons en effet que le moment est venu d’ouvrir un débat sur les allégements de charges, qui avoisinent 25 milliards d’euros pour les seuls allégements dits Fillon. Quel est leur impact véritable en termes d’emplois ?
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Où se trouve la limite entre utilité réelle et effet d’aubaine ?
Prenons l’exemple, au hasard, de la grande distribution. Ne profite-t-elle pas de l’effet d’aubaine des allégements de charges ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Guy Fischer. C’est évident !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. N’est-ce pas dans la grande distribution que l’on trouve le plus d’emplois à temps partiel ?
M. Guy Fischer. C’est évident !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et des salaires en dessous du SMIC !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. N’est-ce pas dans la grande distribution qu’il y a le plus de travailleurs pauvres ?
M. Guy Fischer. C’est évident !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. C’est d’ailleurs ce type de situation qui nous a conduits à adopter le texte sur le RSA.
Toutes ces questions méritent d’être posées, …
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. … notamment celle de savoir si le coût de ces allégements est justifié.
Pour tirer des enseignements, je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes, dans lequel figure une série d’analyses extrêmement intéressantes sur le sujet. Il conviendrait d’aller plus loin.
La commission des affaires sociales se réjouit des règles de bonne gouvernance et d’encadrement des dépenses fiscales et des niches sociales prévues aux articles 9 à 11 du projet de loi de programmation. Nous regrettons seulement qu’elles ne s’appliquent pas dès à présent et que leur mise en œuvre soit reportée, sans doute, à l’année prochaine.
Par exemple, dans le PLFSS pour 2009, le Gouvernement nous demande de mettre en place un dispositif de prise en charge des frais de transport exonéré de toutes charges sociales et bien entendu sans aucune compensation pour la sécurité sociale. Est-ce bien cohérent ?
M. Guy Fischer. Non !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. En réalité, l’article 10 de la loi de programmation, qui prévoit une compensation, n’est pas respecté.
M. Guy Fischer. Voilà!
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. J’espère que vous nous expliquerez comment vous faites dans votre réponse aux orateurs, monsieur le ministre, et je m’engage alors à retirer cette dernière remarque ! (Sourires.)
Il faut donc que ces nouvelles règles soient réellement appliquées et qu’elles s’imposent à tous, aux différents ministres comme aux parlementaires.
En conclusion, mes chers collègues, la commission des affaires sociales émet un avis favorable sur le projet de loi et vous invite à l’adopter, sous réserve que le Gouvernement prenne plusieurs engagements.
Tout d’abord, nous aimerions qu’il s’engage à mieux étayer les projections relatives aux finances sociales dans la prochaine loi de programmation.
Ensuite, nous souhaiterions qu’il s’engage à réfléchir à l’utilité de fixer un objectif de progression des dépenses de vieillesse, compte tenu tout à la fois du montant élevé de ces dépenses, du fait que le déficit de cette branche dépasse maintenant celui de la branche maladie et de la nécessité, plus encore dans ce domaine que dans d’autres, de respecter le nouvel objectif constitutionnel d’équilibre des comptes des administrations publiques.
Enfin, nous voudrions qu’il s’engage à déposer un nouveau projet de loi de programmation si les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles le présent texte est construit devaient être sensiblement corrigées. J’ai compris que ce serait le cas dès cet après-midi, et je ne peux que vous en remercier, madame, monsieur les ministres.
À tous, merci de contribuer à un meilleur équilibre des comptes sociaux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(Mme Catherine Tasca remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Organisation des débats
Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes aux porte-parole de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Le Gouvernement répondra aux orateurs.
Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à cinq minutes réparties de façon égale entre l’auteur de la question et le Gouvernement.
La conférence des présidents a décidé d’attribuer quatre questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC et RDSE et une question aux sénateurs non-inscrits.
Je rappelle que nous devons suspendre la séance à onze heures cinquante-cinq pour la cérémonie traditionnelle d’hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France.
Dans ces conditions, monsieur le président de la commission des finances, pensez-vous que nous pourrons reprendre notre débat vers douze heures quinze ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. À titre personnel, madame la présidente, je n’y vois pas d’inconvénient. Cela étant, plusieurs d’entre nous ont des obligations qui les contraindront à quitter l’hémicycle vers douze heures trente. Je me tourne donc vers nos collègues : pouvons-nous utilement reprendre nos travaux pour un quart d’heure ?
M. Guy Fischer. Ce ne serait pas logique !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Personnellement, j’en doute aussi.
De surcroît, la commission des finances doit se réunir à quatorze heures quarante-cinq pour examiner les amendements que le Gouvernement vient de déposer. Sans doute nos travaux iront-ils promptement, car il s’agit d’une série d’amendements un peu mécaniques, consécutifs à la révision des hypothèses macroéconomiques, et je sais gré aux ministres de faire ainsi du Sénat le lieu de la sincérité. Mais, dans un souci de cohérence, il serait plus sage de ne reprendre nos travaux qu’à quinze heures ou quinze heures quinze.
Mme la présidente. Afin de permettre à la commission des finances de mener à bien ses travaux, nous reprendrons donc la séance à quinze heures quinze. (Assentiment.)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion commune, la parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder le fond, je tenais à me réjouir de l’initiative qui a permis de joindre la discussion générale du projet de loi de programmation des finances publiques au débat sur les prélèvements obligatoires. Pour avoir une vue plus cohérente de la stratégie des finances publiques, il faut en effet prendre en compte non seulement l’évolution de la dette publique et des dépenses publiques, mais aussi celle des prélèvements obligatoires.
Concernant la programmation des finances publiques, je me félicite également, au nom du groupe UMP, qu’elle fasse l’objet, pour la première fois, d’un débat parlementaire. Chaque année, dans le cadre du programme de stabilité, le Gouvernement communique à la Commission européenne une prévision pluriannuelle relative aux finances publiques. Mais, jusqu’à présent, cette programmation ne faisait pas l’objet d’un débat devant la représentation nationale. Par le biais de ce projet de loi, nous pouvons désormais peser sur les orientations budgétaires des prochaines années.
Ce texte va permettre une meilleure visibilité de la stratégie du Gouvernement s’agissant des finances publiques et contribuer ainsi à une plus grande transparence de son action. Cette avancée est la première application de la réforme constitutionnelle de juillet 2008, qui a instauré des lois de programmation pluriannuelles des finances publiques dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques.
L’examen de ce texte novateur intervient néanmoins dans un contexte économique et financier très dégradé. À cet égard, nous ne pouvons que saluer la volonté de transparence et de réalisme du Gouvernement, qui a revu à la baisse les hypothèses de croissance.
Cette transparence ne doit pas être un prétexte pour renoncer à une maîtrise durable des dépenses.
Dans ce domaine, le Gouvernement fait preuve d’une détermination et d’un volontarisme que notre groupe salue. Il affiche des objectifs ambitieux, comme celui de diviser par deux le taux de croissance en volume de la dépense publique.
Ces objectifs ne pourront être atteints que grâce à une véritable maîtrise des dépenses de l’État. C’est le sens de la révision générale des politiques publiques dont je souhaiterais connaître l’état d’avancement et les perspectives en termes d’économies budgétaires.
Mais, comme le souligne très bien notre rapporteur général, M. Philippe Marini, les deux tiers de l’effort de réduction de la croissance des dépenses publiques seraient portés par la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Notre collègue Alain Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, a très bien souligné les enjeux en matière de finances sociales : partir d’une base assainie, maîtriser la dépense et sécuriser les recettes.
En matière de finances locales, le Gouvernement souhaite pérenniser l’indexation des concours de l’État sur l’inflation et même plus encore cette année, puisque, je tiens à le souligner, comme l’a fait Philippe Marini, elle est un demi-point au-dessus de l’inflation révisée.
Par ailleurs, le Gouvernement estime que le taux de croissance en volume des dépenses des collectivités territoriales sera ramené à 1,25 % en moyenne de 2009 à 2012, ce que la commission des finances juge peu réaliste. Je pense en particulier à la situation des départements confrontés à une forte progression « naturelle » des dépenses sociales, notamment de l’allocation personnalisée d’autonomie.
Notre groupe souhaiterait à ce stade faire deux observations.
Première observation, si nous comprenons très bien que les collectivités territoriales doivent, tout comme l’État, qui le fait notamment à travers la RGPP, participer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques, nous ne l’acceptons qu’à la condition que l’État mette fin aux transferts de charge larvés et qu’il clarifie ses relations avec les collectivités locales.
Nous soutenons également la volonté du Président de la République de clarifier les compétences et les structures des différents échelons de collectivité. Notre groupe entend participer activement à ce grand chantier.
Seconde observation, nous tenons à insister sur la nécessité de ne pas pénaliser l’investissement et la péréquation.
Si un effort doit être consenti en matière de dépense locale, il doit porter avant tout sur le fonctionnement. À cet égard, nous saluons la décision du Gouvernement de ne pas engager une réforme précipitée des critères d’attribution du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, même si celui-ci est désormais inclus dans la norme d’évolution des concours de l’État.
Nous approuvons le choix qui est fait de privilégier d’abord les investissements des collectivités locales, au travers du FCTVA, puis la péréquation, au travers de la DGF, la dotation globale de fonctionnement. Ce choix nous apparaît d’autant plus nécessaire aujourd’hui, au moment où la conjoncture économique se dégrade. Nous ne devons pas oublier que les dépenses des collectivités locales représentent près des trois-quarts du total de l’investissement public.
Au total, nous retenons essentiellement de cette programmation la volonté du Gouvernement de maîtriser durablement les dépenses publiques, qu’il s’agisse de crédits budgétaires ou de dépenses fiscales. Là réside pour nous l’élément structurel principal qui permettra un retour progressif vers l’équilibre des finances publiques, quels que soient les aléas conjoncturels.
C’est dans cet esprit de responsabilité, malgré les incertitudes pesant sur la croissance et les comptes publics à court terme, que le groupe UMP du Sénat aborde l’examen de ce projet de loi de programmation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, face aux difficultés de l’économie mondiale, les seules politiques possibles sont celles de la vérité et de l’action : la vérité pour gagner la confiance des Français ; l’action, car, face aux difficultés, l’État doit incarner la responsabilité et la régulation.
Conséquence d’un excès de crédit, d’endettement et de complexité, mais aussi d’un excès de cupidité et de volatilité – vous l’avez fort bien dit, madame le ministre –, une spirale irrationnelle de la défiance est venue contrecarrer la politique originelle du Président de la République. Celui-ci a déployé toute sa réactivité et son énergie pour relancer le flux du financement de l’économie afin de restaurer la confiance.
À l’évidence, les réformes structurelles doivent se concentrer sur le secteur financier, en particulier sur le secteur bancaire, pour mettre un terme aux excès du passé et faire en sorte que les circuits financiers redeviennent des instruments au service de la croissance, des entreprises et des Français.
La loi de programmation pluriannuelle et le projet de loi de finances pour 2009 développent deux idées simples : maîtriser la dépense publique, comme la commission des finances du Sénat vous y incite depuis plusieurs années, et tendre à l’équilibre pour protéger nos recettes.
Pour maîtriser les dépenses, tout d’abord, le projet de loi de programmation propose une reconduction de la dépense au niveau de l’inflation chaque année jusqu’en 2012 ; les crédits affectés aux diverses missions sont prévus pour 2009, 2010 et 2011. Cette idée figurait déjà dans le rapport présenté par notre collègue Alain Lambert.
Une telle politique permet de maîtriser la dépense publique. Il est en effet plus aisé d’engager des réformes tendant à dépenser mieux en dépensant moins, avec une visibilité sur trois ans. Les gestionnaires sont ainsi incités à rechercher des économies ou à redéployer les crédits. Mes chers collègues, trop longtemps la dépense publique est demeurée une fracture idéologique. Cette conception est dépassée, la crise en ayant révélé les limites. Nos voisins nous incitent à de saines comparaisons.
Il est cependant vrai qu’on ne peut rationaliser à l’extrême : la France n’est pas seulement une entreprise. La dépense publique est aussi un levier indispensable pour réduire les inégalités, et nous ne pouvons l’ignorer.
Avec une inflation à 2 %, les dépenses sont limitées en volume à 7 milliards d’euros. L’accroissement des charges de pensions représentera 2,4 milliards ; la charge de la dette augmentera, quant à elle, de près de 3 milliards d’euros ; le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne progressera de 500 millions d’euros, et les concours de l’État aux collectivités locales augmenteront exactement au même rythme que l’ensemble du budget, soit de 2 % sur 55 milliards d’euros ; ajoutons 300 millions d’euros pour l’augmentation des dépenses de personnel. Le total obtenu consomme la totalité de cette marge de manœuvre de 7 milliards d’euros.
Nous devons donc nous appuyer sur la révision générale des politiques publiques. Grâce à cette méthode de recherche systématique d’efficacité des dépenses, nous n’allons pas remplacer près d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, soit une baisse des effectifs de plus de 30 000 emplois. Rappelons que, depuis les débuts de la décentralisation en 1982, 500 000 postes ont été créés par nos collectivités locales sans que l’État engage symétriquement une diminution de ses effectifs correspondants.
Au-delà des dépenses de l’État, il nous faut maîtriser l’ensemble des dépenses publiques : c’est le seul gisement d’économie à exploiter sans modération. En 2007, la dépense publique a atteint 52,4 % du PIB. En volume, la progression moyenne de cette dépense sur une longue période a été un peu supérieure à 2 % par an. J’y reviendrai.
Les dépenses de l’État représentent 300 milliards d’euros ; les dépenses de protection sociale atteignent 450 milliards d’euros ; les dépenses des collectivités locales se montent à plus de 200 milliards d’euros, d’où un certain nombre d’évolutions proposées dans le projet de loi de programmation. Ainsi, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie progresserait de 3,3 % pour la période de 2009 à 2012, et les dotations aux collectivités augmenteraient de 0,5 % de plus que la progression estimée de l’inflation, soit 2 %.
Par conséquent, il nous faut d’ici à 2012 dépenser 10 milliards d’euros de moins. C’est pourquoi, afin de nous rapprocher le plus possible de l’équilibre budgétaire en 2012, le Gouvernement doit s’engager à mettre en œuvre un ajustement structurel des finances publiques de 0,5 % du produit intérieur brut par an, et ce dès 2008.
Mes chers collègues, seul un rétablissement de nos finances publiques nous évitera de continuer à vivre à la charge de nos enfants et de nos petits-enfants et de leur transférer une charge budgétaire de plus en plus lourde, ainsi que vous l’avez souligné, madame le ministre.
Si les recettes ne sont pas au rendez-vous, il y aura une progression du déficit ; mais il est inconcevable, pour préserver notre compétitivité, que nous compensions ces moins-values de recettes par une augmentation des impôts. Le Gouvernement a donc choisi de poser comme cadre de travail la stabilité des taux de prélèvements obligatoires. Ce principe est inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques qui nous est soumis. Je m’en félicite.
Il importe de mettre notre système fiscal au service de la croissance. Mais ce n’est pas parce que la politique fiscale est orientée vers la baisse des prélèvements que l’on doit s’interdire de mener à bien certains projets par des financements spécifiques, contributions à la justice sociale, et, disant cela, je pense notamment au RSA. Monsieur le ministre, vous avez rappelé la nécessité de cette souplesse.
Avec anticipation, nous avons mis en place dès juillet 2007 des dispositifs grâce auxquels nous pouvons mieux affronter la crise. Au-delà de la dépense publique, les réformes structurelles doivent se poursuivre pour se concentrer sur le secteur financier, en particulier sur le secteur bancaire.
Il importe, je le répète, de mettre un terme aux excès du passé et de faire en sorte que les circuits financiers redeviennent des instruments au service de la croissance et des entreprises. L’argent des banques doit-il servir à produire de l’argent ou doit-il œuvrer au développement des entreprises ? Mes chers collègues, la bourse doit redevenir vertueuse ! L’argent investi doit être mis au service du seul développement des entreprises et de l’emploi. Je propose, pour ce faire, de créer une taxe inversement proportionnelle à la durée de l’investissement afin de privilégier le long terme et de briser les tentations d’aller et retour spéculatives et déstabilisatrices.
La mise en œuvre du revenu de solidarité active, la promotion de l’intéressement et de la participation, ainsi que la conditionnalité des allégements de charges reflètent une politique soucieuse de favoriser le retour à l’emploi et une redistribution plus équilibrée des richesses. Ce sont des éléments de stabilisation économique et de justice sociale.
La loi de programmation pluriannuelle apporte des innovations profondes. Si baisses d’impôts il y a, elles doivent être absolument compensées pour le même montant afin de revenir à l’équilibre. La dépense fiscale doit être une variable d’ajustement.
Le débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution prend, cette année, une dimension évidemment particulière, tout d’abord parce que la conjoncture aura une incidence forte sur les comptes de l’État, ensuite parce que ce débat intervient dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et la revue générale des prélèvements obligatoires.
Nous devons souligner, dans l’évolution de ce taux, la combinaison de moins en moins lisible des financements sociaux et fiscaux. Sur près de 7 % de hausse des taux de prélèvements obligatoires depuis la fin des années soixante-dix, 6,2 % proviennent des administrations de la sécurité sociale. Nous assistons donc à une forte socialisation des besoins de nos concitoyens.
L’évolution de notre fiscalité impose, au-delà du débat sur les prélèvements obligatoires, un principe directeur de toute réforme fiscale. Celui-ci doit résider dans la combinaison d’une assiette d’imposition large, et pourquoi pas universelle, et de taux bas. Suivons en cela la pensée de Raymond Barre : nous devons absolument moderniser nos prélèvements obligatoires.
Deux constats s’imposent.
Le premier concerne la fiscalité locale. Chacun convient qu’elle est totalement archaïque. Néanmoins, la substitution de dotations à des impôts locaux n’est pas satisfaisante ; elle équivaut à nationaliser la fiscalité locale, et donc à déresponsabiliser les élus locaux.
Le second constat concerne le financement de la protection sociale. Celui-ci repose essentiellement sur le travail. Nous avons concédé aux grandes entreprises des allégements de charges : trop sans doute, car il n’y a pas d’effet durable sur l’emploi, comme l’a souligné la Cour des comptes dans un rapport récent, et comme l’a rappelé Alain Vasselle. Il faudra concentrer les exonérations de charges sur les petites et moyennes entreprises.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Le Président de la République a annoncé sa volonté d’exonérer de taxe professionnelle les investissements nouveaux et de trouver une ressource de substitution pour les collectivités locales, cohérente avec une réflexion à mener sur les compétences des niveaux d’administration territoriale.
Cette modification inquiète les élus locaux, lesquels s’interrogent : comment vont-ils amortir le financement de leurs infrastructures ? Il faudra créer un impôt moderne en s’inspirant de ce qui se fait dans les pays à fiscalité plus performante, sans doute avec une assiette plus large. Ce débat aura lieu dans le cadre de la commission chargée d’examiner l’évolution des institutions locales.
On parle d’une nécessaire réorganisation de la finance mondiale ; il doit en être de même du système fiscal français. Les impôts sont des outils qui doivent être économiquement efficaces et socialement justes. Répétons-le, les taux sont aujourd’hui trop élevés, l’assiette souvent trop étroite et les niches beaucoup trop nombreuses. Un déplafonnement anormal, notamment, permet à des contribuables ayant pourtant des revenus très importants de ne pas acquitter le moindre impôt.
Si, dans une démocratie éprise de justice, l’impôt ne doit pas être confiscatoire ou spoliateur, à l’inverse, nul ne doit pouvoir s’exonérer de l’impôt dès lors qu’il perçoit des revenus. Il s’agit là d’un préalable à l’évolution de nos prélèvements obligatoires.
Nous l’avons compris, seule la maîtrise de la dépense publique permettra d’abord le retour à l’équilibre de nos finances publiques, puis, par la suite, la baisse des prélèvements obligatoires afin de restaurer notre compétitivité et de rendre la France plus attractive. Comparons notre situation avec celle de nos voisins de la zone euro : la part de la dépense publique dans notre PIB est supérieure de 6,2 % à la moyenne de la zone euro ; 117,3 milliards d’euros sont ainsi dépensés en plus, somme qui couvrirait largement notre déficit et permettrait d’investir dans les infrastructures, les salaires et le social.
La loi de programmation propose une reconduction de la dépense au niveau de l’inflation chaque année jusqu’en 2012. Pourquoi, comme je l’ai souvent proposé, ne pas s’en tenir, à l’exception des retraites, à une reconduction des crédits en euros courants ?
La crise financière ne doit d’ailleurs pas nous détourner de notre objectif d’équilibre. Madame le ministre, vous l’avez dit, « l’équilibre des finances publiques, ce sont des marges politiques retrouvées ». Et si vous le permettez, j’ajouterai : Yes we can ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Rappel au règlement
Mme Nicole Bricq. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29, alinéa 1, du règlement du Sénat.
Je tiens en effet à protester, au nom du groupe socialiste, contre l’organisation du débat. Alors que ce dernier, extrêmement important, prend place dans un contexte délicat, comme l’ont rappelé longuement les ministres, le rapporteur général et le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, un temps de parole limité, de surcroît identique pour tous, a été accordé aux groupes. Cela me semble préjudiciable à l’organisation de nos travaux.
Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Discussion commune (suite)
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’article 34 nouveau de la Constitution nous enjoint de débattre désormais de la programmation des finances publiques jusqu’en 2012. Et nous débattons en même temps – d’où l’importance de mon rappel au règlement ! – d’un sujet extrêmement important, les prélèvements obligatoires.
Je voudrais vous remercier, madame, monsieur les ministres, d’avoir choisi, pratique inhabituelle et qui mérite d’être soulignée, le Sénat plutôt que la presse pour annoncer une révision des prévisions qui, il faut bien le dire, ne résistaient pas aux faits. Or, comme un Premier ministre a eu l’occasion de le dire dans le passé, les faits sont têtus !
Autant vous le dire, malgré cette révision, nous ne croyons pas davantage à l’hypothèse retenue par le Gouvernement d’un retour à l’équilibre en 2012. Rien ne nous convainc vraiment, en effet : ni le scénario de la prévision de croissance qui, même réécrit, devra encore être revu d’ici à la fin de l’année, ni le niveau du déficit, ni le niveau de la dette, pourtant actualisé. Monsieur le ministre, vous avez vous-même reconnu la vulnérabilité de vos prévisions.
Monsieur le rapporteur général, je vous ai, comme à l’habitude, bien écouté : ce qui peut être reproché au Gouvernement, c’est de se fonder, dans cette prévision encore, sur un scénario unique. Il serait plus intéressant de faire plusieurs hypothèses,…
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Déposez des amendements !
Mme Nicole Bricq. …qui permettraient une révision en cours de route. Mais tel n’est pas le cas, puisque vous ne privilégiez qu’une hypothèse.
C’est vrai aussi pour les prélèvements obligatoires puisque vous avez renoncé à l’engagement pris pendant la campagne électorale par le futur Président de la République de les baisser de quatre points. Vous dites que vous allez les stabiliser, confirmant ainsi – je le souligne au passage – les doutes que nous avions émis l’année dernière.
Ce qui nous inquiète, ce sont les réponses que vous allez fournir à deux questions qui nous paraissent essentielles. Tout d’abord, première question, comment allez-vous atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés ? Au détriment de qui et au détriment de quoi en regard des choix lourds que vous avez effectués en 2007 ?
Ensuite, seconde question – elle est à mes yeux essentielle d’un point de vue macro-économique –, comment aborderons-nous la sortie de crise en regard d’une compétitivité déjà peu assurée avant le déclenchement de celle-ci et à l’aune de finances publiques déjà très anciennement dégradées?
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances. Absolument ! Très juste !
Mme Nicole Bricq. Je développerai successivement mon point de vue sur les dépenses, les recettes et la dette, puis traiterai des prélèvements obligatoires.
Côté dépenses, vous insistez beaucoup sur la compression des dépenses – vous l’avez encore fait ce matin, même si vous avez légèrement modéré vos propos par rapport à ceux que vous avez tenus à l’Assemblée nationale –, en fixant pour trois ans la règle d’une progression limitée à l’inflation pour l’État et les dotations aux collectivités locales.
Cette règle – je pense que vous le savez – va se révéler redoutable avec la progression du coût des pensions des fonctionnaires et de la dette. Pour ce qui est des dépenses sociales, le vieillissement de la population laisse augurer une augmentation des coûts et, pour ce qui est des collectivités locales, M. le rapporteur général a souligné hier devant la commission des finances ce qu’il avait mentionné dans son rapport écrit, à savoir le caractère « irréaliste » des prévisions.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Côté recettes, il faut noter qu’elles plafonnent depuis plusieurs années, alors même que la croissance était positive. On connaît l’impact funeste des dépenses fiscales. Il est donc urgent non seulement de plafonner ces dernières, comme le groupe socialiste l’a toujours demandé, mais aussi de les évaluer. Et, s’agissant de cette évaluation, l’initiative doit appartenir à la commission des finances : c’est à mon avis son rôle, du reste conforté par la Constitution.
Mais, monsieur le ministre, il faudrait commencer par ne plus créer de dépenses dans une conjoncture particulièrement difficile. Or, pas plus tard que la semaine dernière, à l’occasion de l’examen du projet de loi en faveur des revenus du travail, votre collègue M. Xavier Bertrand s’est prononcé contre notre amendement, identique à celui du rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Serge Dassault, tendant à supprimer l’article 1er.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances. Il avait été voté à l’unanimité !
Mme Nicole Bricq. Absolument ! Nous l’avions voté à l’unanimité en commission des finances. Nous nous opposions en effet au nouveau crédit d’impôt visant à favoriser l’intéressement, dont le coût devrait s’élever, si cela fonctionnait, ce dont nous doutons quand même, à près d’un milliard d’euros en année pleine !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Vous êtes trop souvent dans la contradiction entre vos déclarations et votre action !
Par ailleurs, il est intéressant de se pencher sur le coût pour les finances publiques des exonérations des heures supplémentaires, disposition adoptée voilà dix-huit mois : il est de 4 milliards d’euros.
Il suffit de se livrer à un simple calcul pour démontrer que, dans le contexte actuel de montée du chômage, cette démarche est absurde dans la mesure où elle dissuade les entreprises d’embaucher.
M. Guy Fischer. Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. Il serait donc grand temps de la ranger au « frigidaire », de laisser l’idéologie au repos et de redéployer les 4 milliards d’euros dans le soutien à l’économie et à l’emploi, qui en ont bien besoin !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. En matière d’idéologie, vous n’avez pas de leçons à nous donner !
Mme Nicole Bricq. Le même raisonnement pourrait être appliqué au bouclier fiscal. (M. le rapporteur pour avis s’exclame.)
Alors que, avant les effets de la crise financière, nos résultats étaient moins bons que ceux de nos partenaires de l’Union européenne, vous gardez la même hypothèse de travail en la décalant dans le temps. En fait, vous remplacez un zéro par un deux. Je pense que, très rapidement, vous vous affranchirez de votre engagement.
Il me faut maintenant dire quelques mots sur la dette, dont on a beaucoup moins parlé ce matin qu’à l’habitude.
Dans votre hypothèse, monsieur le ministre, vous considérez que la dette publique ne sera aggravée que par le déficit. Celui-ci devant, selon vous, se réduire, la dette baisserait pour arriver progressivement à 61,8 % du PIB en 2012. Cela suppose donc une stabilisation du déficit et un retour dès 2010 à une croissance de 2,5 %. Voilà une hypothèse bien optimiste qui fait fi du ralentissement économique dont le poids ne manquera pas de peser sur les dépenses sociales ! Il est fort possible que la dette atteigne 68 % en 2012.
J’ajoute que les mesures de recapitalisation des banques évoquées par M. le rapporteur général dans son rapport écrit, même si elles n’atteignent pas les 40 milliards d’euros prévus – mais 10,5 milliards d’euros sont déjà engagés dans le plan d’urgence de la loi de finances rectificative –, pèseront sur l’encours de la dette et sur la charge de celle-ci. On en arriverait ainsi à ce que le service de la dette devienne dans la période triennale le premier budget de l’État, devant celui de l’éducation nationale ! Cela veut dire qu’il faut revoir l’orientation des finances publiques.
À ce titre, permettez-moi, madame, monsieur les ministres, de vous rappeler que vous vous êtes engagés devant nous à associer le Parlement au suivi de ce plan d’urgence. Or jusqu’à présent – en tout cas, jusqu’à hier soir –, nous n’avons pas eu de concrétisation de cet engagement.
Quant aux prélèvements obligatoires, il nous faut redire – les années se succèdent en se ressemblant – que leur seul niveau ne suffit pas à déterminer s’ils sont justes et efficaces. Ce qui compte, c’est l’assiette des prélèvements et leur finalité.
D’une part, l’État se défausse sur les collectivités locales et la sécurité sociale ; d’autre part, toutes les mesures que vous avez prises ont eu pour effet de faire reculer la progressivité de l’impôt, et donc, à nos yeux, de la justice fiscale.
La vérité est que le Gouvernement persiste à priver l’État de munitions fiscales face à la crise. Les mesures fiscales prévues pour 2009 s’équilibrent quasiment entre hausse et baisse d’impôts. La maîtrise des dépenses est, dans le scénario gouvernemental, le seul levier d’action. Du reste, monsieur le ministre, vous avez insisté lourdement devant nos collègues députés en proclamant qu’un budget, c’est d’abord une « autorisation de dépense ».
Certains ministères voient leurs budgets reculer, et les collectivités locales sont appelées à supporter la rigueur. C’est au moment où la menace de récession exige une politique de soutien fiscal active…
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Et vous pensez que l’on va dynamiser l’économie comme cela…
Mme Nicole Bricq. …que les États ayant multiplié les allégements d’impôts – la France n’est en effet pas le seul pays dans ce cas ! – se trouvent démunis. Le ralentissement économique dans un système fiscal de moins en moins progressif a un impact immédiat sur les recettes et menace fortement l’équilibre budgétaire.
Nous sommes à un moment charnière des politiques fiscales en Europe. M. le rapporteur général voit juste quand il indique dans son rapport écrit que la fiscalité ne restera pas à l’écart de la remise à plat et de la remise en cause des idées reçues. Mais il est sceptique sur le débouché de cette remise à plat quant à la réhabilitation de l’impôt. C’est sans doute là où nous nous séparons.
Je pense que la concurrence et la course au moins disant fiscal ont vécu sans pour autant que le tabou sur l’impôt soit encore levé.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il est très fort !
Mme Nicole Bricq. Le système fiscal national, tel qu’il est bâti aujourd’hui, repose essentiellement sur les ménages et les entreprises captives, alors même que les entreprises mondialisées et les hauts revenus particuliers développent des stratégies d’évitement de l’impôt. Si l’impôt ne pèse plus que sur les revenus ne bénéficiant pas d’une mobilité internationale, prenons garde qu’il ne se trouve alors délégitimé. Or l’impôt n’est pas un simple instrument économique. Il reflète un choix de société, un choix de justice. C’est vrai au niveau national, c’est vrai au niveau européen.
J’ai évoqué tout à l’heure la sortie de crise. Elle passe par un retour à une croissance positive et, si possible, à notre seuil de croissance potentielle, qui est fondamentalement et durablement le moyen de susciter des gains de pouvoir d’achat dès lors que l’efficience de notre système de prévention et de redistribution sociale sera elle-même accrue.
En visant le moyen terme, il faudrait promouvoir éducation, formation et recherche. Pour ce faire, la remise en cause des mesures rentières prises par les gouvernements – l’actuel et les précédents – est indispensable. La réinstauration de la progressivité de l’impôt sur le revenu, une évaluation très volontaire des niches en vue de supprimer toutes celles qui ne servent pas l’investissement productif ou le bien-être social, la réduction progressive des baisses de charges sociales consenties aux grands groupes permettraient de mobiliser plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Dans l’immédiat, compte tenu de l’assèchement de nos finances publiques, il convient sans doute de mobiliser l’épargne privée dans le soutien au programme du bâtiment et des travaux publics peu importateurs et créateurs d’emplois afin de satisfaire aux demandes de nos concitoyens en matière de logement et de transports.
Nous ne trouvons pas trace dans cette proposition de votre volonté d’assurer le présent et de préparer l’avenir. Vous nous proposez une hypothèse macroéconomique « vulnérable », des recettes à périmètre constant. Votre seul levier d’action est la dépense, et vous faites peser sur les collectivités locales les deux tiers de l’effort de réduction du déficit, ce qui est très étonnant compte tenu de la contribution essentielle de ces collectivités à l’investissement public civil – 73% –, …
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. La rigueur ne doit pas seulement s’appliquer à l’État !
Mme Nicole Bricq. …sauf à les obliger à augmenter les impôts alors que vous prétendez stabiliser les prélèvements obligatoires. Vous êtes, à mon avis, dans une contradiction insurmontable. Un effet de ciseau terrible peut dépendre de votre prévision de dépenses.
Comprenez que ce premier exercice pluriannuel augure assez mal pour nous des projets de loi de finances qui vont suivre, notamment de celui de 2009 dont nous discuterons dès la semaine prochaine. En conséquence, nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012 est la traduction de la réforme institutionnelle votée au mois de juillet par le Parlement.
Sa portée normative est limitée, mais ses objectifs vertueux en matière de gestion publique concourent au nécessaire, mais très difficile, retour à l’équilibre de nos finances publiques.
Néanmoins, ce projet de loi a tout lieu d’être qualifié d’anachronique, même si, sur la forme, il a le mérite d’exister.
Il est anachronique, car, malheureusement, la crise financière et boursière qui a touché, depuis sa rédaction, l’ensemble des pays a totalement bouleversé les perspectives économiques pour les années à venir. Malgré les réponses volontaristes apportées par les différents gouvernements, notamment européens, les perspectives initialement tracées ne peuvent être perçues comme totalement réalistes.
Naturellement, madame, monsieur les ministres, nous ne vous tenons pas pour responsables de ce décalage, d’autant, madame la ministre, que, à l’ouverture de cette discussion, vous avez apporté les correctifs nécessaires.
L’on ne peut que saluer le réalisme qui a conduit le Gouvernement à retenir des hypothèses de croissance plus adaptées à la situation. Du fait des difficultés auxquelles nous allons être confrontés lors de l’examen du projet de budget pour 2009, on peut néanmoins se demander comment il peut être envisagé d’encadrer les volumes des dépenses de toutes les missions budgétaires pour l’année 2012 en se basant sur des taux d’inflation qui ne peuvent être tenus !
Ce projet de loi montre à quel point il est difficile, en particulier en matière de finances publiques, d’effectuer des prévisions et d’en tirer des lois de programmation dont la date de péremption peut être très rapidement atteinte.
Cependant, je le disais, ce texte a le mérite d’exister, de fixer des cadres budgétaires et surtout – soyons un peu optimistes – de créer un climat budgétaire marqué par la vertu financière, vertu dont, madame, monsieur les ministres, nous vous savons d’ailleurs dotés.
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 représente une avancée dans la maîtrise des comptes publics en permettant au Parlement de fixer la trajectoire des finances publiques vers l’équilibre des comptes des administrations. C’est une démarche nouvelle, qu’il convient de saluer.
L’inscription constitutionnelle de l’équilibre des comptes publics constitue une double avancée.
Tout d’abord, il est désormais fait référence au principe d’équilibre des comptes de l’ensemble des administrations publiques, ce qui englobe l’État, les organismes de sécurité sociale, mais aussi les collectivités territoriales.
Ensuite, pour la première fois, est affirmée dans la Constitution la nécessité de concilier deux exigences : celle de la pluriannualité budgétaire, déjà introduite conformément à la philosophie de la LOLF, et celle de l’objectif d’équilibre des comptes publics.
Cette loi de programmation est ainsi le support de la stratégie budgétaire à l’horizon 2012 : le redressement de nos finances publiques doit être atteint sans augmentation du poids des impôts et des charges, et donc entièrement grâce à la maîtrise des dépenses.
Enfin, certaines propositions, telle celle qui permet d’affecter les éventuels surplus budgétaires – on peut rêver ! – au désendettement, sont les bienvenues et recueillent naturellement le soutien du groupe Union centriste.
Je reviendrai maintenant sur la question des prélèvements obligatoires et de leur évolution, point sur lequel porte aussi notre débat du jour.
Le taux des prélèvements obligatoires est toujours un instrument de mesure imparfait. En effet, d’une part, on compare souvent l’évolution dans le temps, mais les paramètres sont si complexes qu’il est évidemment difficile de parvenir à les lire correctement et, d’autre part, la comparaison avec les autres pays se fait rarement avec le même périmètre d’action et rend donc bien évidemment assez obsolètes les chiffres que l’on peut donner pour la France.
Chacun l’a déjà rappelé, le taux des prélèvements obligatoires pour 2007 s’élève à 43,3% du PIB, en baisse par rapport à 2006.
Les prévisions pour les années à venir laissent à penser, selon l’excellent rapport de M. le rapporteur général, que ce taux se stabilisera, voire sera en légère diminution suivant les scénarios économiques envisagés.
Cette stabilisation me semble tout à fait opportune et, pour le coup, elle entre dans le cadre des normes fixées par le projet de loi de programmation qui nous intéresse aujourd’hui.
On peut regretter que ce taux soit trop élevé, du point de vue de l’histoire de nos finances publiques mais aussi en comparaison avec nos partenaires, notamment l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Pour autant, il semble difficile, compte tenu de mes propos précédents, de prétendre diminuer les prélèvements obligatoires tant les contraintes financières sont importantes sur les administrations publiques. Par ailleurs, il paraît inopportun – et nous avons toujours défendu cette position – de chercher à les augmenter, car ce serait une mesure totalement contreproductive à l’encontre non seulement de nos concitoyens, mais aussi de nos entreprises.
Les prélèvements obligatoires, au-delà de leur niveau, appellent un second constat, s’agissant de leur structure.
Une fois encore, nous devons souligner, dans l’évolution de ce taux, un phénomène, dont on a d’ailleurs souvent parlé ici, à savoir la combinaison de moins en moins lisible des financements sociaux et fiscaux.
Je citerai un exemple chiffré : sur près de 7 % de hausse des taux de prélèvements obligatoires depuis la fin des années soixante-dix, 6,2 % proviennent des administrations de la sécurité sociale. Nous assistons donc à une forte socialisation des besoins de nos concitoyens.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous féliciter du tassement des taux de prélèvements obligatoires, car les charges croissantes qui résulteront du vieillissement de la population nous obligeront bientôt à dégager encore de nouvelles marges de manœuvre.
En conclusion, on l’aura compris, seule la maîtrise de la dépense publique permettra, d’abord, le retour à l’équilibre de nos finances publiques et, par la suite, l’abaissement des prélèvements obligatoires afin de restaurer la compétitivité de notre économie. La crise financière actuelle ne doit d’ailleurs pas nous détourner de cet objectif d’équilibre. Mais c’est la structure de ces prélèvements obligatoires, plus que le niveau de ces derniers, qui pose problème aujourd’hui.
Je disais précédemment que l’on ne pouvait pas augmenter les prélèvements obligatoires, notamment pour la bonne santé de nos entreprises ; je souhaite pour terminer, madame, monsieur les ministres, aborder le problème du développement économique de nos PME, notamment dans cette période de crise qui les touche bien sûr directement tant sur le plan de leurs besoins de trésorerie que sur celui de leurs investissements.
Le Président de la République rappelait récemment que les prélèvements publics sur les entreprises représentaient près de 15 % du PIB en France, contre 11,5 % dans les autres pays de la zone euro.
Cet écart de 3,5 points représente plus de 70 milliards d’euros et constitue un véritable handicap pour nos entreprises dans la compétition internationale. Le poids de la fiscalité qui pèse sur nos PME ternit largement l’attractivité de notre pays face à nos voisins européens.
Dans cette période de crise, ne serait-il pas possible, par des mesures à court terme, de renforcer les fonds de roulement de nos PME et de favoriser leurs projets d’investissement en fléchant de manière peut-être plus encadrée encore les crédits accordés aux banquiers à destination des entreprises ?
J’aimerais aussi, madame, monsieur les ministres, que vous esquissiez devant nous d’éventuelles mesures tendant à diminuer les prélèvements publics sur nos entreprises, notamment les plus innovantes.
Vous avez en effet reçu cette semaine un rapport sur le financement des PME, dans lequel est présentée une série de onze mesures sur ce thème dont la plupart me semblent très intéressantes.
L’un des problèmes pointé dans ce rapport est non pas le manque de financement de la recherche dans notre pays, mais bien le faible nombre de bons projets innovants. Nos PME ont besoin de collaborer beaucoup plus étroitement avec les centres de recherches, en particulier avec ceux qui ont une vocation mondiale.
Pourquoi en France, comme cela a été rappelé dans une interview des auteurs de ce rapport parue hier dans Les Échos, la proportion des PME qui deviennent de véritables groupes n’est-elle que de 1 %, contre 7 % en Europe et même 25 % en Amérique du Nord ?
Il est urgent d’accélérer et d’amplifier la politique de financement par projet de notre recherche en renforçant en ce sens le rôle de l’ANR, l’Agence nationale de la recherche, mouvement qui est d’ailleurs déjà engagé, notamment grâce au programme blanc qui vise, par définition, à soutenir des projets innovants et qui représentera 35 % des financements de l’ANR, contre 28 % aujourd’hui.
D’autres mesures proposées dans ce rapport, qui dénonce une certaine insuffisance du soutien de l’État aux PME, concernent les jeunes entreprises innovantes : il faut soutenir ces entreprises, flécher les aides et les investissements dans leur direction, revoir les aides fiscales à l’investissement, développer les garanties financières, réduire les délais de paiement, notamment dans la sphère publique, souvent très mauvaise élève sur cette question…
Nous devons aider nos entreprises, et c’est encore plus nécessaire en cette période d’incertitude. C’est pourquoi j’espère que ces propositions auront votre faveur, madame, monsieur les ministres : l’avenir de notre structure économique et les emplois de demain en France dépendent de l’attention que les pouvoirs publics vont porter à l’innovation menée dans les entreprises et à l’attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
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Souhaits de bienvenue à une délégation de sénateurs du Cambodge
Mme la présidente. Mes chers collègues, je tiens à saluer la présence dans nos tribunes d’une délégation de sénateurs du Cambodge, à qui je souhaite la bienvenue. (Mme et M. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et prélèvements obligatoires
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence et suite du débat sur une déclaration du Gouvernement
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et le débat sur une déclaration du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Dans la suite de la discussion commune, la parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, j’interviens à la place de mon collègue Guy Fischer, qui a dû s’absenter.
Ce débat se situe à la fois sous l’angle de la nouveauté et sous celui de l’absence de nouveauté.
L’absence de nouveauté, c’est le fait que ce débat sur les prélèvements obligatoires ait lieu, puisqu’il s’agit d’une sorte de rituel, confirmé par la loi organique. On pourrait d’ailleurs constater que nos différences d’approche idéologique et politique sont quasiment irréductibles, ainsi que l’ont montré les débats antérieurs.
La nouveauté, c’est le contexte de crise dans lequel cette discussion se déroule. Il s’agit d’une crise financière aiguë, sans précédent, la plus importante depuis un siècle, dont les turbulences économiques et sociales sont dévastatrices.
Nous vivons dans un monde où plus de 200 millions de personnes sont privées d’emploi et où le tiers de la population active disponible subit la précarité et est en proie à des incertitudes quant à ses conditions d’emploi !
La crise économique conserve un impact essentiel sur la situation des comptes publics. Notre système de prélèvements obligatoires, de même que l’utilisation des recettes fiscales et sociales qui en découle, est bien corrélé au contexte économique.
Pour autant, les décisions politiques qui peuvent être prises par les gouvernements, et notamment par le nôtre, tant en loi de finances, en loi de financement de la sécurité sociale que dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, ne sont pas sans influence.
Un autre événement est à prendre en compte dans notre discussion. Depuis mardi, les électeurs de l’une des plus grandes démocraties du monde ont voté en faveur d’un candidat qui entend faire de l’action publique dans les domaines de la santé, de l’énergie, de l’éducation l’une des conditions de la relance de l’activité économique et qui y voit l’une des solutions aux problèmes de son pays.
Que l’on ne vienne pas, à cette occasion, nous parler encore une fois du poids excessif de nos prélèvements obligatoires !
Pour notre part, nous sommes convaincus que les choix que nous avons faits en France sur ces questions de santé, d’éducation ou de protection sociale sont moins coûteux et plus efficaces que ceux des pays où la logique de la couverture individuelle l’a toujours emporté !
L’une des leçons de la crise est bien que le financement des retraites par la voie de la capitalisation peut se révéler hasardeux quand l’argent part en fumée sur les places boursières ! Et l’efficience d’un financement individualisé des dépenses de santé est loin d’être prouvée dans un pays comme les États-Unis, où 50 millions de personnes n’ont aucune couverture sociale et où 40 % de la population doit aux dispositifs Medicaid et Medicare de pouvoir être prise en charge dans les hôpitaux publics !
Vous voyez, mes chers collègues, nous entrons dans le vif du sujet...
La question de nos prélèvements obligatoires et celle de la situation des finances publiques sont étroitement liées. La situation des finances publiques dépend profondément des choix fiscaux et sociaux que nous opérons dans les lois de finances comme dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Je poserai donc d’emblée l’une des questions clés que soulève ce débat.
Depuis plus de trente ans maintenant, les comptes de l’État présentent, en loi de règlement, un déficit d’exécution particulièrement significatif, atteignant des niveaux très élevés. J’observe d’ailleurs que ce sont bien souvent les gardiens du temple de la réduction des déficits qui sont les premiers à laisser croître ces derniers quand l’occasion leur en est donnée.
Toujours est-il que nos prélèvements sont devenus, au fil du temps, injustes et illisibles.
Ils sont injustes, parce que, sur le fond, il n’est un secret pour personne que, pour complaire aux marchés financiers et au capital, on n’a eu de cesse, depuis plus de trente ans, d’alléger toujours plus la contribution des revenus du capital, de l’exploitation du travail et du patrimoine au financement des missions publiques.
Ils sont également injustes, parce que l’effort pèse aujourd’hui bien plus qu’auparavant sur la consommation et sur la rémunération du travail, comme l’attestent le niveau des prélèvements sociaux ou la masse de recettes découlant de la TVA et de l’ensemble des droits de consommation.
Les prélèvements sont illisibles, quand s’empilent, année après année, mesures dérogatoires, allégements sociaux ou niches fiscales diverses, qui font que, dans telle ou telle situation, les prélèvements ne sont pas réalisés.
Je ne citerai que quelques chiffres pour étayer mon propos.
Le budget de l’État présenterait en 2009 un déficit de 52 milliards d’euros, auquel il convient d’ajouter 8,6 milliards d’euros de déficit du régime général de la protection sociale. Or, dans le même temps, le montant des remboursements, dégrèvements divers, allégements d’impôts directs locaux pour les entreprises s’élèvera à 85 milliards d’euros. En outre, les allégements de cotisations sociales normalement dues par les entreprises atteindront l’année prochaine 42 milliards d’euros, soit 10 milliards d'euros de plus que cette année ! Mes chers collègues, connaissez-vous beaucoup de dépenses publiques dont on autorise qu’elles progressent de 30 % en un an ?
En d’autres termes, nous dépensons aujourd’hui des sommes considérables à tronquer nos prélèvements obligatoires, au motif déclaré de favoriser la croissance, l’emploi, voire le pouvoir d’achat, sommes qui se révèlent bien supérieures aux montants des déficits attendus !
Quant à l’impact de ces dispositifs sur la croissance, il demeure pour le moins réduit : il n’est qu’à regarder l’évolution du PIB ces derniers temps...
Avouez que c’est étonnant ! Plus on fiscalise la protection sociale, plus elle est en déficit, ce qui impose de pénibles gymnastiques de gestion d’une dette qui s’accumule malgré la purge imposée aux assurés sociaux sur le niveau des prestations servies !
Plus on corrige nos impôts de dispositions dérogatoires, plus l’État est en déficit, déficit de caractère structurel que toutes les politiques malthusiennes de réduction de la dépense publique, par suppression d’emplois publics ou annulation de crédits, ne parviennent pas à combattre !
Notre débat d’aujourd’hui n’échappe pas à cette règle.
C’est à de nouveaux sacrifices en matière de protection sociale, en matière d’action de l’État et maintenant en matière d’action des collectivités locales que la loi de programmation des finances publiques prépare les Françaises et les Français.
Plutôt que de réhabiliter l’action publique, dans un contexte de crise où elle seule peut répondre aux attentes de la population, on persévère encore dans des choix d’austérité budgétaire et d’injustice sociale que nous ne pouvons que rejeter. Tout cela pour nous conformer à un mode de construction européenne dont tout montre, depuis quelques jours, qu’il ne correspond plus, ou pas, aux nécessités du temps !
Justice sociale et fiscale, efficacité économique, réponse aux besoins collectifs, voilà ce qui devrait guider les politiques budgétaires ! Voilà ce que, aujourd’hui et à l’avenir, nous défendrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. –Mme Marie-Christine Blandin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai à certaines observations qui m’ont été adressées au cours de cette discussion commune.
Monsieur le rapporteur général, je tiens tout à d’abord à vous remercier d’avoir précisé que les prévisions révisées de croissance que nous vous avons communiquées ne pouvaient être attribuées au Gouvernement, pas plus qu’au Parlement d’ailleurs. Vous avez ainsi rappelé qu’il fallait prendre ces chiffres pour ce qu’ils étaient, à savoir des données macroéconomiques à apprécier pour élaborer un document budgétaire, qu’il soit annuel ou pluriannuel.
Monsieur de Montesquiou, dans une intervention par ailleurs intelligente et pertinente, vous avez porté un jugement sans appel sur l’utilité des allégements de charges sociales, commentaire qui n’a pas manqué de me surprendre et que je ne peux laisser passer ! Si je comprends fort bien qu’en matière d’allégements de charges il nous faille réfléchir à la solution la plus pertinente et la mieux ciblée possible en vue d’obtenir un véritable effet social et économique, je ne peux en revanche soutenir l’idée que de tels allégements ne serviraient à rien.
Au contraire, les allégements de charges sociales auxquels le Gouvernement a dû consentir pour un certain nombre de raisons sont de nature non seulement à soutenir l’emploi, à préserver l’emploi des personnes les moins qualifiées, c'est-à-dire les moins bien rémunérées, mais aussi à encourager les créations d’emploi. Toutes les études économiques le prouvent, l’absence d’allégements de charges sociales entraînerait probablement la suppression de nombreux postes de travail. Les spécialistes avancent le chiffre de 800 000 emplois. Je ne suis pas sûre que ce soit aussi élevé que cela, mais il est incontestable que les allégements de cotisations sociales ont un effet sur le maintien d’un certain nombre de postes.
M. Aymeri de Montesquiou. Ce n’est pas ce que dit la Cour des comptes !
Mme Christine Lagarde, ministre. Permettez-moi de ne pas toujours être en accord avec cette excellente institution !
Madame Bricq, vous avez évoqué les exonérations des heures supplémentaires, dont vous pensez qu’elles nuisent à la création d’emplois.
Pour ma part, j’essaie d’avoir l’analyse la moins partisane possible, la moins frappée du sceau d’une quelconque idéologie, et je me concentre sur les chiffres.
Ainsi, on constate, en comparant les chiffres du premier trimestre 2008 et ceux du premier trimestre 2007, une augmentation du nombre d’heures supplémentaires d’environ 40 % d’une année sur l’autre. Pour autant, pendant ce même premier trimestre 2008, aucune destruction d’emploi n’a eu lieu.
Par conséquent, je ne pense pas que l’on puisse faire de corrélation entre, d’une part, la mise en place d’heures supplémentaires et, d’autre part, des destructions ou des non-créations d’emplois puisque, au cours de cette belle période de 2008, des créations d’emplois ont été enregistrées. Je m’élève donc contre votre analyse, madame le sénateur.
Cependant, je vous rejoins sur un point. Vous avez indiqué que la politique fiscale était non seulement un outil de stricte politique économique, mais aussi l’expression d’une vision de la justice sociale, de l’équité. Nous sommes d’accord. J’en veux d’ailleurs pour preuve un certain nombre de dispositions existantes que le Gouvernement conserve ou renforce pour 2009 ; j’espère vivement qu’il en sera de même pour les exercices ultérieurs.
Notons, en particulier, un dispositif visant à améliorer la compétitivité des entreprises et la compétitivité de la France, à savoir le crédit d’impôt recherche, qui est maintenu et soutenu. C’est non seulement un puissant outil fiscal, mais également un encouragement très fort et l’expression d’un partenariat entre l’État et les entreprises privées, lesquelles sont ainsi incitées à investir dans le domaine de la recherche et développement.
Nous avons aussi mis en place un deuxième instrument, grâce au soutien actif de la Haute Assemblée, et notamment d’un certain nombre de ses membres les plus éminents, à savoir le fléchage de l’ISF vers les petites et moyennes entreprises. Ce système a permis d’orienter près d’un milliard d'euros vers le capital des PME, somme dont ces dernières avaient bien besoin. Cette mesure vise clairement à soutenir l’investissement.
Une autre disposition du même ordre est la suppression en trois ans de l’impôt forfaitaire annuel qui pèse sur les sociétés les plus fragiles. Ce choix gouvernemental est favorable tant à l’investissement qu’à l’équité.
Une mesure similaire a été appliquée en matière de taxe professionnelle, visant, une fois encore, à soutenir l’investissement et à l’encourager, en particulier jusqu’à la fin de l’année 2009.
Comme je l’indiquais précédemment, la politique fiscale est, outre un instrument de politique économique par la levée de recettes, l’expression d’une meilleure justice sociale. Nous le démontrerons d’ailleurs au cours des débats lorsque nous examinerons le plafonnement de chacune des niches non plafonnées et l’articulation de chaque nouveau plafond avec un plafonnement global.
J’aborderai un dernier élément en matière d’expression de choix de société par la fiscalité : les instruments fiscaux au service d’une politique propice au développement durable. Je pense, en particulier, au « verdissement » du prêt à taux zéro pour les travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique des logements, au « verdissement » du crédit d’impôt instauré par la loi TEPA, au « verdissement » des dispositifs Robien et Borloo, et à leur simplification, que j’appelle de mes vœux.
À ce stade du débat, telles sont, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je voulais formuler, en réponse aux différentes interventions.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Tout d’abord, je veux vous remercier, monsieur le rapporteur général, de vos propos introductifs saluant l’exercice de sincérité que Mme Lagarde et moi-même avons mené ce matin.
Il nous a paru utile, au début de l’examen de textes financiers par le Sénat, de procéder aux rectifications, aux ajustements nécessaires. En effet, en période de crise, il faut garder de la souplesse et ne pas se cramponner à des données qui peuvent vieillir assez vite. Une crise nécessite en effet adaptations et adaptabilité.
Nous avons donc voulu montrer que le Gouvernement français s’adaptait à la situation dans les textes financiers qu’il soumet au Parlement, sans rien céder sur l’essentiel, comme vous l’avez fait remarquer, notamment sur la maîtrise de la dépense publique, au cœur de notre action.
Vous avez également évoqué les points de fuite, en quelque sorte, de cette politique de réduction et de maîtrise de la dépense publique. Vous avez parlé des opérateurs et des niches fiscales et sociales, indiquant que deux dérives étaient possibles. Nous vous apportons des réponses sur ces deux points, même si elles sont certes incomplètes. Nombre de progrès doivent encore être réalisés dans ce domaine.
Mais s’agissant du contrôle des opérateurs et de la politique de niches fiscales et sociales, le Gouvernement propose dans ce projet de loi de programmation pluriannuelle un certain nombre d’améliorations, notamment des règles de gouvernance, des objectifs de dépenses fiscales et sociales.
Nous partageons donc la même analyse et les mêmes valeurs à l’égard des textes financiers.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez évoqué trois chantiers de clarification auxquels l’ensemble de la commission des affaires sociales est attentive. Sur ces trois chantiers, des progrès doivent être notés cette année, contrairement à l’année dernière. Il est vrai qu’il reste encore beaucoup de marges de progression. Relevons qu’il est d'ailleurs plus facile de progresser lorsque l’on dispose de plus de ressources. Cependant, même en cette période difficile, nous n’avons pas reculé devant l’obstacle – il est important de le noter –, et ce sous votre amicale pression, monsieur le rapporteur pour avis, puisque le Sénat tout entier plaide dans ce sens depuis plusieurs années.
Pour ce qui concerne la dette sociale, nous aurions pu la « récupérer », en quelque sorte, encore plus facilement si les recettes avaient été au rendez-vous. Nous nous y employons néanmoins clairement, nettement, proprement. Nous affectons une ressource nouvelle à la CADES. Nous n’essayons pas de fuir nos responsabilités ou de rallonger la durée de vie de ladite caisse. Nous essayons de ne pas peser sur les prélèvements obligatoires, au moment où nos concitoyens ont besoin d’un certain pouvoir d’achat pour réagir individuellement à la crise que nous traversons. Chaque acteur détient un peu les clés de la résolution de cette crise.
Le Gouvernement supprime sans ambiguïté le FFIPSA. Que de débats sur le BAPSA, le FFIPSA ont occupé les assemblées pendant de nombreuses années ! Le dispositif devra cependant être complété. S’agissant de la branche maladie, la situation est claire et nette. Pour la branche vieillesse, le transfert à la MSA, qui pourra procéder à un refinancement, devra être complété dès le retour à meilleure fortune.
Quant à la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale, elle se reconstitue, notamment en 2007. Je ne peux pas préjuger ce qu’il en sera à la fin de l’année 2008. Cette dette n’avait pas été totalement épongée à la fin de l’année 2006. Celle du régime général l’avait été, contrairement aux dettes anciennes des autres régimes.
Comme nous l’avions indiqué, nous injecterons, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, environ un milliard d'euros pour réduire davantage, bien que partiellement, cette dette sociale. Nous devrons trouver des solutions. L’endettement sera cependant très nettement inférieur à celui qui prévalait lorsque nous sommes arrivés aux affaires.
Pour 2009, vous avez noté que nous avons pris en compte, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et surtout dans le projet de loi de finances, les prévisions des régimes, peut-être plus proches de la réalité et des consommations, et non uniquement les prévisions fournies par la direction du budget. J’espère qu’il est ainsi concrètement répondu au problème de la reconstitution.
La maîtrise de la dépense occupe une place primordiale au sein de l’action du Gouvernement. J’en veux pour preuve le projet de loi que nous examinons, comme le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires que défendra Mme Bachelot. De nombreuses mesures concernant l’efficience de l’hôpital sont prévues. C’est une grande partie des problématiques de dépenses. Les réponses du Gouvernement seront très efficaces.
Le débat relatif à la compensation ou à la non-compensation devrait avoir lieu ultérieurement, malheureusement (Sourires.), et je compte sur vous à cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs.
La prime transport a été citée. Dans ce domaine, il est assez juste de ne pas opérer de compensation, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, cette prime correspond à l’extension à l’ensemble du pays du système actuel relatif aux transports collectifs dont bénéficient les Franciliens. Or aucune compensation n’a été mise en œuvre en Île-de-France.
Par ailleurs, il ne devrait pas y avoir de problème de cotisations sociales dans la mesure où la prime ne devrait pas se substituer à du salaire. C’est en tout cas ainsi que les choses se passent en Île-de-France. En revanche, cette prime figurera parmi les charges des entreprises, représentant un coût en termes d’impôt sur les sociétés plus qu’en termes de cotisations sociales.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Sauf si le transport est gratuit ! (Sourires.)
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur de Montgolfier, l’État a effectivement pris la décision de ne pas peser sur les dépenses locales comme il a pu le faire par le passé. Tous les exécutifs de collectivité ont dénoncé à un moment donné les transferts de charges. Je compte beaucoup sur la mise en place de la commission consultative d’évaluation des normes, présidée par M. Lambert. Elle doit maintenant fonctionner. Le Gouvernement doit lui soumettre très en amont les textes qui pourraient poser des problèmes en la matière. C’est essentiel.
S’agissant du point de la fonction publique, le Gouvernement a donné beaucoup de visibilité, alors qu’il n’y en avait pas du tout. Auparavant, très souvent, le ministre de la fonction publique, en accord avec son collègue chargé du budget, prenait une décision qui était ensuite imposée aux collectivités locales ou à l’hôpital. Aujourd'hui, tel n’est plus le cas. Ont été intégrés à toutes les négociations que nous avons tenues les représentants à la fois de la fonction publique territoriale, des employeurs et de la fonction publique hospitalière.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, le FCTVA. Nous aborderons cette question ultérieurement, au cours de ce débat. Certes, la position du Gouvernement sur ce point peut être contestée, comme c’est bien normal en démocratie. Cependant, notre approche est marquée par une réelle cohérence. À long terme, nous construisons, je l’espère, une relation beaucoup plus saine, claire et lumineuse avec l’ensemble des collectivités locales.
De plus, je vous rappelle que nous avons décidé de ne pas totalement « écraser » les dotations aux collectivités locales par la révision du taux d’inflation effectuée, ce matin, par Mme Lagarde. Les collectivités locales bénéficieront toujours d’une hausse de 0,5 %, soit 250 millions d'euros, ce qui n’est pas négligeable. Il ne s’agit pas d’une épaisseur de trait !
Monsieur de Montesquiou, je vous remercie d’avoir évoqué abondamment la maîtrise de la dépense, qui relève de mon domaine. Vous souhaitez une reconduction des crédits en euros courants, à l’exception des retraites. Nous en sommes peu éloignés. Certes, il faut ajouter la charge de la dette. À moyen terme, on peut changer les choses, mais tel n’est pas le cas à court terme. Cependant, nous sommes proches de votre état d’esprit.
Pour ce qui concerne les allégements de charges, les 33 milliards d'euros sont composés, pour l’essentiel, des allégements de charges liés à la politique de compensation des 35 heures. Souvent, les observateurs, constatant la présence de telles sommes, estiment que des économies peuvent être réalisées dans ce domaine. Certes, mieux vaut chercher les économies là où les sommes sont importantes plutôt que faibles. Mais, en même temps, comme l’a dit Christine Lagarde, les allégements de charges permettent une réduction du coût du travail.
On peut fort bien revenir sur cette politique – tout peut être envisagé, aucun sujet n’étant tabou –, mais la diminution du coût du travail favorise l’emploi.
Dans un système économique aussi compétitif que le nôtre, il faut bien mesurer les choses. Accroître les recettes de la sécurité sociale par le biais du panier de recettes – tout cela est assez compliqué – pèse sur le budget de l’État, car cela réduit les recettes de ce dernier.
Compte tenu de l’accroissement du chômage qui en résulterait dans l’ensemble des industries couvrant notre pays, puisque c’est de ces dernières qu’il s’agit, la question peut tout de même être posée – et je tiens à ce qu’elle le soit.
Je vous remercie tout d’abord, madame Bricq, d’avoir indiqué, de manière fort objective – je tiens à le saluer –, que Christine Lagarde et moi-même avons préféré réajuster nos prévisions devant le Sénat plutôt que devant la presse. Cela me paraissait important pour la représentation nationale.
S’agissant de la règle selon laquelle les dépenses ne doivent pas augmenter en volume, nous ne découvrons pas la future augmentation des retraites ni l’aggravation du poids de la dette. Nous en parlons depuis longtemps, et nous en prenons acte. Nous tenons évidemment compte de tout cela dans l’ensemble de nos prévisions. Nous disons simplement que cela pèse.
Si, en 2008, quatre milliards d’euros de plus que prévu doivent être consacrés au paiement des intérêts de la dette parce que l’inflation est plus forte que ce qui était envisagé, comment considérer que nous en serions véritablement responsables ? Il me semble que personne n’avait prévu l’an dernier que le taux d’inflation atteindrait le niveau que nous avons connu cette année. Cependant, il faut bien s’ajuster. Il est vrai qu’il est difficile de faire face à un surcoût de quatre milliards d’euros, particulièrement lorsque les recettes fiscales ne sont pas au rendez-vous. Au cours des années passées, nous enregistrions au contraire des recettes fiscales supplémentaires et nous constations que la charge de la dette était finalement inférieure aux prévisions. Cela change considérablement le paysage et les perspectives. Ce n’est assurément pas du tout la même chose. Je tiens à le rappeler.
Notre stratégie est vraiment claire et tout à fait solide. Il s’agit à la fois de rechercher une certaine efficacité de toutes les dépenses et de se donner des priorités claires pour les dépenses d’avenir, y compris pour l’investissement. Nous ne nous exonérons pas, et nous préservons dans toute la mesure possible les priorités définies par le Président de la République au cours de sa campagne électorale et conservées inchangées depuis lors.
Nous les finançons malgré la crise. Nous pensons même que plus nous finançons ces priorités d’avenir plus nous donnons de chances au pays.
Je voulais aussi remercier M. Christian Gaudin, qui a beaucoup parlé de la nécessité de la maîtrise des dépenses. Je me suis également abondamment exprimé à ce propos. Nous partageons évidemment les mêmes vues sur la question.
En ce qui concerne les propos tenus par M. Foucaud, je préciserai que « moins de dépenses publiques » ne signifie pas « moins de service public ». Sans doute nous opposons-nous sur ce point. Même si je respecte votre point de vue, monsieur le sénateur, je considère que vous avez absolument tort. Nous pouvons organiser un service public de très grande qualité, voire de meilleure qualité, en nous posant la question d’une rationalisation des moyens et celle de l’évolution du service public.
M. Alain Gournac. Effectivement !
M. Éric Woerth, ministre. Les services publics sont vivants, totalement vivants, comme est vivante la demande de service public. La demande des usagers n’est pas la même qu’il y a cinq ou dix ans. De même sera-t-elle différente dans dix ans de ce qu’elle est aujourd’hui.
Le service public doit donc être extraordinairement mobile, et non engoncé dans ses certitudes. Simplement, en France, les mots « service public » signifient quelque chose, et nous sommes bien déterminés à ce qu’ils conservent un sens.
La question des moyens n’en est pas moins posée. Il n’y a pas que l’usager du service public, il y a aussi le contribuable – ce sont d’ailleurs souvent une seule et même personne. Le contribuable n’a pas envie qu’on lui prenne de l’argent lorsque, comme c’est parfois le cas, les services publics pourraient être financés à moindre coût et avec plus d’efficacité. Il est donc normal de se poser cette question. Il faut également se la poser avec les usagers et avec les salariés ou les agents du service public.
Quant aux exonérations de cotisations sociales, elles n’ont pas augmenté de 10 milliards d’euros cette année – je ne sais où vous avez trouvé ces chiffres. En 2008, leur montant s’élevait à 33 milliards d’euros. En 2009, il sera de 32,6 milliards d’euros. Je pense que vous y ajoutez en fait 9 milliards d’euros, montant des abattements d’assiettes, sur la participation ou l’intéressement. Nous avons voulu rendre publics ces chiffres, mais les sommes en question existaient déjà. Il n’y a nul changement par rapport à l’an dernier, si ce n’est que nous donnons désormais les chiffres. Cela donne effectivement un montant de 42 milliards d’euros, mais il faut bien considérer que c’est la somme de 33 milliards d’euros d’exonérations et des 9 milliards d’euros d’abattements.
Par ailleurs, les 33 milliards d’euros d’exonérations sont compensés, monsieur Vasselle, à 92 %. Certes, il manque peut-être 8 %, mais cela s’explique, notamment par le fait que la plupart de ces exonérations datent d’avant la règle selon laquelle les exonérations doivent être compensées. Il n’y a donc pas 10 milliards d’euros qui se promènent. Les 42 milliards d’euros ne sont que la somme des 33 milliards d’euros et de ces 9 milliards d’euros.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai essayé de vous répondre le plus rapidement possible mais également de la manière la plus exhaustive. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
questions et réponses
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder à un échange de questions-réponses.
Je rappelle que chaque intervention ne devra pas excéder deux minutes trente.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, chacun l’a bien compris : dans le contexte économique actuel, il est difficile de faire des prévisions budgétaires. Cependant, il est sans doute plus que jamais nécessaire de se fixer des principes, des objectifs et un calendrier pour assainir nos finances publiques. Tel est l’objet du projet de loi que vous nous présentez.
Cet objectif de maîtrise de la dépense publique concerne bien sûr l’État mais aussi nos collectivités territoriales. Ces dernières sont doublement affectées par la crise actuelle en raison des incertitudes qui pèsent non seulement sur leurs propres recettes mais également sur les dotations d’État, qui constituent leurs principales ressources.
Faut-il le rappeler ici ? Sur les 210 milliards d’euros que représente le budget des collectivités locales, une soixantaine provient des dotations d’État et seulement dix de la taxe d’habitation, et les contribuables locaux acquittent 49 des 62 milliards d’euros de fiscalité locale directe.
C’est ainsi que l’État est devenu au fil des années le premier contribuable local. État et collectivités locales ont donc partie liée. C’est la raison pour laquelle je salue l’effort accompli pour maintenir en 2009 les dotations aux collectivités locales au-delà de l’inflation révisée, dans un contexte budgétaire contraint.
J’ai également cru comprendre dans vos propos, monsieur le ministre, que vous entendiez privilégier l’investissement sur le fonctionnement, d’où votre ouverture sur le FCTVA.
Cela étant dit, s’agissant d’un projet de loi de programmation des finances publiques, les collectivités locales ont aussi besoin de visibilité au-delà de 2009 et singulièrement en matière d’investissement. Aussi ma question est-elle la suivante : au-delà de 2009 et dans le cadre d’une enveloppe normée, entendez-vous maintenir le FCTVA et les principes qui président au remboursement de la TVA acquittée par les collectivités territoriales au titre de leurs investissements ?
Je pense en effet que, dans la situation actuelle, le meilleur moyen d’accompagner les PME est de remplir leur carnet de commandes. Or les collectivités territoriales assurent 73 % de la commande publique.
Par ailleurs, le statut du FCTVA ne peut être assimilé totalement à un concours de l’État puisqu’il s’agit d’un remboursement et qu’il paraîtrait pour le moins inopportun que les collectivités locales qui investissent soient taxées.
Je vous remercie des précisions que vous voudrez bien nous apporter sur ce sujet sensible.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur de Legge, le sujet du FCTVA est fréquemment discuté. Il ne doit pas y avoir de tabou entre nous. Le Gouvernement est clair sur le sujet : nous considérons qu’il ne s’agit pas d’une dotation mais d’un remboursement – nous l’avons dit –, et ce sera le cas l’an prochain, ainsi qu’en 2010 et en 2011.
Nous devons discuter de la forme que cela peut prendre, mais nous consolidons cette approche pour les prochaines années. C’est votre approche, mais c’est aussi la nôtre.
Nous consolidons cette approche à tel point que nous prenons en compte pour 2009 les remboursements qui doivent être faits au titre du FCTVA à hauteur du chiffre exact, soit une progression de 660 millions d’euros. Le FCTVA progresse donc très fortement, en raison des investissements réalisés par les collectivités il y a deux ans : avant les élections municipales, elles terminaient alors leurs programmes d’investissement – je le sais, je suis moi-même maire. Ce calendrier était connu.
Nous allons bien intégrer ce remboursement et nous n’avons pas vocation à changer le FCTVA. Nous devons en revanche réfléchir à la question des collectivités territoriales. La réflexion entreprise dans le cadre de la commission Balladur portera à un moment donné sur les ressources des collectivités locales.
Lorsque la question d’une possible nouvelle architecture ou structure des collectivités territoriales sera abordée, un grand débat s’engagera, qui ne manquera pas d’être passionnant – c’est normal. Attachés aux collectivités locales, nous n’en sommes pas moins conscients de la nécessité d’une évolution. J’imagine que ce débat abordera aussi la nature du financement des collectivités. Nous examinerons tout cela très ouvertement et en toute transparence.
Je souligne en tout cas le fait que le FCTVA présente aujourd’hui le caractère d’un remboursement.
Nous avons été aussi clairs que possible, et ce dès le mois de juin ou juillet, lorsque le Premier ministre a réuni ce qu’on appelle la conférence nationale des exécutifs, rassemblant notamment les présidents d’associations de régions, de départements et de communes – Christine Lagarde était présente, comme Michèle Alliot-Marie. Nous avons bien précisé les choses, en indiquant que les concours de l’État progresseraient à hauteur de l’inflation – un peu plus que l’inflation depuis ce matin. Cependant, nous intégrons à cette enveloppe l’augmentation du FCTVA, car nous considérons qu’il s’agit bien d’une enveloppe qui est tournée vers les collectivités. Les autres dotations souffrent évidemment quelque peu du fait que la progression du FCTVA et celle de la DGF compensent l’inflation, mais cela veut dire que les ajustements auxquels nous procédons portent sur les remboursements résultant de dépenses de fonctionnement plutôt que sur les remboursements résultant de dépenses d’investissement.
Vous avez beaucoup insisté sur ce point : les collectivités sont les principaux acteurs de l’investissement en France. Telle est bien la réalité des choses, même si l’État investit lui-même largement – souvent, ce n’est pas assez.
Je vous rassure donc.
Je crois aussi être clair sur le fait que le FCTVA est intégré non pas dans l’enveloppe normée – l’expression ne signifie plus rien, puisque ladite enveloppe normée n’est plus normée et que ce n’est même plus une enveloppe –, mais à l’ensemble des concours de l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Je souhaitais interroger M. le ministre à propos de la programmation pluriannuelle des finances publiques car les élus peinent à comprendre un certain nombre de choses en la matière.
S’agissant des dépenses des collectivités, le Gouvernement prévoit une division par trois de leur taux d’évolution sur la période 2009-2012. Il passerait ainsi de 4,25 % à 1,25 %. Dans le même temps, le taux de progression des dépenses de l’ensemble des administrations publiques serait divisé par deux. Cela signifie que l’effort de réduction des dépenses reposerait pour les deux tiers sur les collectivités territoriales et la sécurité sociale.
Au regard de la situation actuelle des collectivités, comment le Gouvernement peut-il encore croire en de telles prévisions ? Comment peut-il encore croire que les collectivités pourraient parvenir à l’équilibre en 2012 ? Permettez-moi de reprendre ici les propos tenus ce matin par le rapporteur général : il s’agit là d’hypothèses totalement irréalistes à bien des égards. Ces dernières années, les collectivités territoriales ont en effet vu leurs charges exploser, notamment à la suite des transferts de compétences et du désengagement de l’État.
Puisqu’il ne peut agir directement sur les dépenses des collectivités, l’État semble avoir fait le choix de les étrangler financièrement, en diminuant très fortement les recettes. Le manque à gagner s’élève pour l’exercice 2009 à plus de 400 millions d’euros.
Le Gouvernement nous répondra ce qu’il a déjà dit ce matin : il est plus généreux avec les collectivités territoriales qu’avec l’État lui-même, puisqu’il prévoit pour l’année prochaine une augmentation de 2 % des dotations, soit 0,5 point de plus que l’inflation révisée pour 2009. Cela entraînerait, selon les chiffres qui nous ont été communiqués ce matin, un gain de 275 millions d’euros.
Arrêtons la langue de bois, monsieur le ministre ! Tout le monde sait que, si l’on se réfère au périmètre de l’année 2008, l’évolution, en 2009, des dotations de l’État aux collectivités ne sera pas de 2 %, contrairement à ce que vous prétendez, mais seulement de 0,7 %. La contrainte de l’enveloppe normée fera perdre près de 400 millions d’euros aux collectivités territoriales en 2009. Il faut le rappeler à chaque instant.
Évidemment, lorsqu’on fait la différence, les collectivités restent largement perdantes.
Par ailleurs, la dotation globale de fonctionnement voit son taux de progression amoindri. Les dotations de décentralisation et d’investissement connaîtront pour leur part une évolution nulle, à l’exception, certes, du FCTVA, que vous sauvez pour l’année prochaine.
Rappelons enfin que les collectivités territoriales n’ont pas été épargnées par les effets de la crise financière et qu’elles sont en première ligne pour assumer et traiter les conséquences dramatiques de la crise économique.
L’investissement local représente aujourd'hui plus de 70 % de l’investissement public civil. Il aurait pu constituer un amortisseur de la crise en soutenant l’activité locale si un véritable plan de relance de l’économie et d’aide aux collectivités territoriales avait été prévu. Or rien de tel n’est annoncé à ce jour…
À l’avenir, donc, les collectivités territoriales ne seront plus en mesure de remplir pleinement leurs missions.
Si le Gouvernement souhaite l’asphyxie des collectivités, sachez, monsieur le ministre, que les mesures de programmation prévues dans le projet de loi de finances pour 2009 correspondent tout à fait à cet objectif !
Ma question est simple : quelle ambition le Gouvernement entend-il manifester en faveur de la nécessaire relance de l’investissement public, particulièrement celui qui est réalisé par les collectivités locales, qui pourrait, dans le contexte de crise que nous connaissons, contribuer à la reprise économique de nos territoires ? Il s’agirait là, je le répète, d’un véritable ballon d’oxygène à l’heure où nous nous inquiétons tous de la baisse d’activité de nombreuses entreprises ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Marc, nous sommes tous attachés aux collectivités territoriales ; c’est le cas du Sénat, indéniablement, mais aussi du Gouvernement.
Toutefois, il ne faut pas non plus en faire les martyres des finances publiques ! À vous entendre, on a l’impression qu’elles sont prises pour cible ou sacrifiées sur l’autel de je ne sais quelle régulation des finances publiques. Mais tel n’est pas du tout le cas !
Chacun doit tout simplement prendre sa part aux efforts qui visent au retour à l’équilibre des finances publiques. Certes, comme Christine Lagarde et moi-même l’avons souligné ce matin, cet objectif ne sera pas atteint en 2012 si la croissance d’ici là est telle que nous la prévoyons, mais nous n’en serons pas très éloignés.
Or cet équilibre financier concerne un certain nombre de structures publiques : l’État, tout d'abord, qui doit parcourir la plus grande partie du chemin, puisqu’il est, depuis toujours, à l’origine de 80 % du déficit public ; les organismes de sécurité sociale, ensuite, qui concourent relativement peu aux déficits publics, mais dont la contribution augmente à un rythme effréné, évolution à laquelle il faut donc mettre un terme ; les collectivités territoriales, enfin, qui ont des besoins de financement peu importants mais qui se développent beaucoup.
Notre volonté n’est donc nullement de stigmatiser les collectivités territoriales – je serais le dernier à le faire –, mais de les responsabiliser, dès lors que leurs déficits sont comptabilisés dans les finances publiques nationales et qu’il nous faut bien dissiper toutes les zones d’ombre de nos perspectives financières !
Nous nous bornons à considérer que les collectivités territoriales, qui connaissaient il y a peu de temps encore une situation d’équilibre financier, peuvent y revenir, car elles n’en sont pas très éloignées.
Dès lors qu’elles enregistrent un déficit de 0,3 ou 0,4 point de PIB, elles peuvent facilement retrouver l’équilibre budgétaire si elles accomplissent quelques efforts, si elles sont plus responsables et si nous ne chargeons pas la barque des dépenses de transfert. Aux autres organismes publics, c'est-à-dire l’État au premier chef et la sécurité sociale ensuite, de chercher les voies et moyens pour en faire de même de leur côté.
Cela dit, il est nécessaire d’aider les collectivités à faire des économies, car ce n’est pas si simple.
Tout d'abord, nous ne devons pas leur transférer de charges indues. La question des normes, que j’évoquais tout à l'heure, me semble cruciale. Vous êtes d'ailleurs nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle que soit votre sensibilité politique, à dénoncer régulièrement ce problème. Il est vrai que nous en avons assez – permettez-moi de reprendre quelques instants ma casquette de maire ! (Sourires.) – que nous tombent dessus des décisions que nous n’avons pas prises et qui pèsent lourdement sur les finances des collectivités dont nous avons la responsabilité !
Nous devons contrôler ce processus, dans un esprit collectif. De là l’idée d’un filtrage des normes imposées aux collectivités locales.
Enfin, nous devons aider les collectivités à maîtriser leurs dépenses. Nous pouvons beaucoup progresser en la matière, me semble-t-il, si nous nous parlons, si nous réfléchissons à la façon de mieux organiser les services publics, si nous mettons en œuvre des échanges de bonnes pratiques, le tout, bien sûr, sans attenter à l’identité des collectivités ni à leur autonomie de décision.
Ainsi, il serait utile de diffuser un certain nombre d’informations, par exemple sur le coût d’une crèche, d’une école maternelle, d’une police municipale ou d’un transport public. L’État devrait, à mon sens, s’impliquer fortement dans ces processus. En effet, les bonnes pratiques gagneraient à être échangées aussi bien entre les collectivités qu’entre ces dernières et l’État.
En outre, nous devons aller plus loin en ce qui concerne les investissements, même si ces derniers constituent aussi des dépenses publiques, qu’il faut donc surveiller.
Dans le budget de l’État, certaines dépenses ne sont pas comptabilisées comme des investissements alors même qu’elles sont extraordinairement porteuses d’avenir.
C’est le cas des dépenses consacrées à l’enseignement supérieur, auxquelles nul ne peut être hostile. On peut discuter sur le volume des crédits et sur la façon dont ils sont affectés, mais les sommes affectées à l’enseignement supérieur ressemblent beaucoup à des investissements, et même au premier d’entre eux, celui-ci qui porte sur le capital humain, souvent bien plus important que l’investissement matériel !
Je suis donc intimement persuadé que les collectivités doivent continuer à investir, mais qu’il leur faut, en même temps, mesurer la nature de leurs investissements, parce que ces derniers relèvent tout de même de la dépense publique.
Le Président de la République a proposé de modifier le régime de la taxe professionnelle afin d’en exonérer les nouveaux investissements, ce qui permettra peut-être aux entreprises qui le souhaitent de se développer plus facilement à l'échelle locale.
Je crois qu’une bonne relation entre le maire et les entreprises locales pourrait faciliter ces investissements, qui, certes, ne sont pas réalisés par les collectivités elles-mêmes mais qui profitent directement à ces dernières.
Enfin, en ce qui concerne le FCTVA, la mesure que nous avons prise peut certes être contestée, mais elle est très claire : nous affichons nos intentions pour les trois ans qui viennent et nous respecterons nos engagements.
Nous avons donc noué, me semble-t-il, un dialogue responsable et fructueux avec les collectivités locales.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que chaque orateur doit respecter un temps de parole de deux minutes trente.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Madame la présidente, rassurez-vous : je respecterai ce temps de parole, car la question que je voulais formuler est presque identique à celle qu’a posée notre collègue Dominique de Legge !
J’ai d'ailleurs apprécié que M. le ministre réponde en partie à cette question en prenant sa casquette de maire. (Sourires.) J’ai pu constater qu’il était conscient des interrogations que nous formulons, en tant qu’élus locaux, sur l’évolution de nos finances, comme il l’a prouvé également en répondant à François Marc.
Toutefois, un point n’a pas été abordé, celui de la hausse des charges subies par les collectivités locales en raison des décisions adoptées par l’État. Il s'agit de cette fâcheuse manie de toujours modifier au coup par coup la fiscalité des collectivités locales. Je pense, en particulier, à la déclaration faite voilà quelques semaines par le Président de la République, qui a annoncé que les nouveaux investissements seraient exonérés de la taxe professionnelle.
On peut penser ce qu’on veut de cette mesure, mais une telle décision fait tout de même un peu désordre au moment où s’engage une réflexion sur l’architecture et le fonctionnement des collectivités locales…
Il serait souhaitable que l’on décrète, en quelque sorte, une pause en matière de charges nouvelles et de limitations de recettes imposées aux collectivités territoriales.
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
M. Yves Détraigne. Il faut remettre à plat l’architecture de nos collectivités, en envisageant de façon globale leur fonctionnement et leurs moyens, ce qui implique de cesser d’y toucher au coup par coup.
Voilà, monsieur le ministre, la réflexion que je souhaitais formuler à la suite des questions et des réponses que j’ai entendues précédemment.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Détraigne, j’apporterai une non-réponse à votre non-question, ce qui facilitera notre débat ! (Sourires.)
Je suis d'accord avec vous pour considérer qu’il ne faut pas changer sans cesse la législation. Christine Lagarde et moi-même avons d'ailleurs souhaité que le droit fiscal soit assez peu modifié cette année. De toute façon, le moment n’est pas le mieux choisi pour remanier les textes. La créativité consiste parfois à éviter d’être trop créatif (Sourires.) et à stabiliser le droit en vigueur !
Toutefois, certaines normes doivent être modifiées parce que leurs effets sur l’économie sont très puissants. C’est le cas, par exemple, de la taxe professionnelle.
Il est vrai que nous appelons à une réforme plus vaste de cette imposition. Toutefois, il s'agit là d’une question complexe, qui affecte non pas seulement les charges des entreprises, mais aussi les ressources des collectivités territoriales. Elle trouvera naturellement sa place dans le cadre de la réforme de l’architecture de nos collectivités territoriales, qui aura lieu en son temps, après les discussions et les concertations nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les engagements européens de la France constituent la clef de voûte du projet de loi de programmation des finances publiques.
La question européenne est sous-jacente au débat sur nos finances publiques, car les récentes évolutions qui ont affecté ces dernières portaient la marque du respect de nos engagements européens.
On peut d'ailleurs s’interroger sur la pertinence de ces engagements, sur les critères qu’ils retiennent – niveau des taux d’intérêt de long terme, quotité des déficits publics, notamment – au moment où la crise économique et la récession frappent lourdement notre pays et où les règles qui avaient cours sont bousculées par la pratique.
Je ferai deux remarques, qui déboucheront sur autant de questions.
Premièrement, les choix budgétaires que nous avons opérés depuis plus de quinze ans dans le cadre des critères de convergence, puis de l’union économique et monétaire n’ont pas évité la croissance des déficits. Par conséquent, faut-il poursuivre dans la voie d’une simple réduction des déficits s’appuyant d'abord et avant tout sur le déclin des dépenses publiques pour respecter les règles européennes ?
Deuxièmement, dans le contexte de grave crise financière et économique que nous traversons, la récession est patente. La Commission européenne elle-même semble lâcher du lest sur le respect des critères de convergence et admettre que le caractère exceptionnel de la situation nécessite plus de souplesse. Dès lors, n’est-il pas temps, plutôt que de persévérer dans la voie de politiques monétaristes et libérales qui ont fait la démonstration de leur inadaptation, de mettre en question le rôle de la Banque centrale européenne, la BCE ?
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que la BCE, dans le cadre de la convergence des politiques des États membres de l’Union européenne, n’assume plus désormais sa fonction essentielle de financement du crédit aux entreprises, fondée sur l’efficacité sociale et économique et permettant la relance de l’activité ?
Ne croyez-vous pas que c’est dans l’emploi et dans la croissance, favorisés par la réforme du crédit, que nous trouverons les outils permettant d’améliorer les comptes publics, beaucoup plus sûrement que dans une politique d’austérité comme celle qui est aujourd'hui mise en place ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Véra, j’apporterai trois éclaircissements en réponse à votre question.
Premièrement, en ce qui concerne les engagements européens que nous avons pris – le respect des critères de Maastricht notamment –, qui imposent le maintien du déficit dans certaines bornes et une prévision financière sur des périodes longues, d'ailleurs plus étendues que la présente loi de programmation triennale, je rappellerai que le pacte de stabilité et de croissance, qui est commun à l’ensemble des pays de la zone euro, comporte un certain nombre de mécanismes permettant aux États de s’adapter aux circonstances exceptionnelles.
Ce pacte définit d'ailleurs lui-même ces « circonstances exceptionnelles » et prévoit un certain nombre de réponses à cette situation.
Une première forme de réponse, à laquelle notre politique budgétaire se conforme parfaitement, consiste à laisser jouer les stabilisateurs automatiques : dans l’hypothèse où ils enregistrent de moindres recettes fiscales, les États ne sont pas tenus d’augmenter les impôts pour compenser le manque à gagner. Tous nos partenaires européens ont décidé de recourir à ces stabilisateurs lors de la réunion des ministres de l’économie et des finances du mois de septembre dernier.
En outre, compte tenu des circonstances exceptionnelles que nous connaissons actuellement, les États qui disposent de certaines marges de manœuvre – ceux qui, grâce à des politiques budgétaires rigoureuses, ont ramené leur déficit public en deçà du seuil des 3 % du PIB ou présentent même une situation d’excédent budgétaire – se trouvent autorisés, et même encouragés, tant par les autres pays européens que par la Commission et par le Fonds monétaire international, qui a révisé sa position à ce sujet, à engager des dépenses pour soutenir l’investissement, notamment public, en adoptant des mesures qui, est-il précisé, doivent être « ciblées, appropriées et si possible temporaires ».
Deuxièmement, monsieur Vera, vous avez évoqué le rôle de la Banque centrale européenne.
Je voudrais simplement souligner que cette institution, durant la période de crise financière exceptionnelle que nous avons traversée, a joué son rôle de manière extrêmement responsable et efficace.
La Banque centrale européenne a ouvert à intervalles réguliers des fenêtres de liquidités au début de la crise, puis de manière quasi permanente sans que les montants soient limités, pour faciliter la liquidité de court terme au bénéfice des banques et éviter ainsi une asphyxie totale du système, en attendant que les États, notamment les États européens, puissent réamorcer les mécanismes de refinancement sur le moyen terme et le long terme.
De ce point de vue, la Banque centrale européenne a fait son travail de gestion de la liquidité.
Par ailleurs, elle joue évidemment un rôle en matière de politique monétaire. Si nous pouvons regretter, les uns et les autres, la rigueur de gestion monétaire qui fut la sienne au cours des douze derniers mois, j’observe que, depuis maintenant deux mois, elle s’est déclarée pour une baisse du taux de référence.
Ce taux a baissé aujourd’hui pour la seconde fois, puisque, suivant l’avis du Conseil des gouverneurs, elle a diminué de cinquante points de base le taux directeur.
La politique de contrôle de l’inflation ayant porté ses fruits, la Banque centrale européenne continuera – nous pouvons l’espérer – à soutenir le mouvement de croissance que nous appelons tous de nos vœux.
Troisièmement, un autre organisme, la Banque européenne d’investissement, est chargé de soutenir les grands et les petits investissements : profitant de la présidence française de l’Union européenne, le Gouvernement l’a prié de financer l’investissement des petites et moyennes entreprises.
Je lui ai ainsi demandé, avant-hier, de prévoir un certain nombre de lignes de financements, notamment dans le secteur automobile, pour soutenir la recherche et le développement dans le domaine des transports. En effet, la filière automobile subit le contrecoup à la fois de la baisse de la demande et d’une transition technologique importante.
Il est évident que les politiques visant à soutenir la croissance par l’emploi doivent être encouragées grâce à une aide apportée à l’activité économique : les moteurs que sont la consommation, l’exportation et la création de nouvelles valeurs par le biais de la recherche et du développement favorisent en effet l’activité, puis l’emploi. Le Gouvernement œuvre dans cette voie.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis que la taxe professionnelle a remplacé la patente, en 1975, et en dépit de tous les ajustements qui ont été faits depuis, tout le monde a mesuré la difficulté d’une réforme de l’assiette de cet impôt, compte tenu des conséquences en termes non seulement de transferts de charges entre secteurs économiques, mais aussi de financements des collectivités locales.
La taxe professionnelle est en effet une ressource essentielle des collectivités locales et, depuis 1992, elle constitue le socle financier de l’intercommunalité.
La réforme adoptée en 2005, en particulier le dispositif de plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle globale à 3,5 % de la valeur ajoutée instauré à cette occasion, a montré ce qu’il était possible de faire pour répondre aux demandes des entreprises.
Le Président de la République a souhaité une nouvelle réforme de cette taxe, qui – nous le savons tous – est mal supportée par les entreprises, notamment depuis la suppression de la part salaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il eût mieux valu ne pas la supprimer, c’est clair !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ne reposant que sur les valeurs foncières et les investissements, cette taxe professionnelle est très attaquée en période de basse conjoncture, mais chacun a constaté qu’en période de haute conjoncture, elle n’avait de conséquences ni sur l’emploi ni sur l’investissement.
Le groupe UMP du Sénat a, pour sa part, insisté sur la nécessité de ne pas procéder à une nouvelle réforme de cette taxe sans qu’ait eu lieu, au préalable, une évaluation chiffrée de la réforme adoptée en 2005 lors de la discussion de la loi de finances pour 2006.
Il se réjouit que, dans le projet de loi de finances pour 2009, ne soit pas prévue de modification de l’assiette de la taxe professionnelle, et il en remercie le Gouvernement.
Le dialogue doit maintenant s’engager sur la base du rapport d’évaluation de la réforme adoptée en 2005, rapport tout à fait intéressant que je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir transmis avant-hier.
Quels enseignements en tirez-vous ? Les 3 milliards d’euros d’économie réalisés par les entreprises sur leurs cotisations ont-ils favorisé les investissements productifs ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela a été oublié tout de suite !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le fait que l’État ait compensé à 95 % s’est traduit par une surcharge des compensations de l’État. Comment envisagez-vous de continuer à les assurer ?
Bref, madame le ministre, j’aimerais que vous me donniez un petit aperçu des conclusions que vous tirez de ce rapport d’évaluation, qui me paraît venir à un bon moment.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Votre question est pertinente, monsieur le sénateur. Je remercie la Haute Assemblée d’avoir souhaité disposer de ce rapport et d’avoir largement contribué à ce qu’il constitue une étape déterminante dans le processus de réflexion engagé sur la taxe professionnelle.
J’ai donc, le 4 novembre dernier, remis un rapport dans lequel sont tirés les enseignements de la réforme engagée maintenant depuis plusieurs années et qui a commencé à produire ses effets.
En 2007, cette réforme a procuré aux entreprises un allégement de 3 milliards d’euros. En 2008, c’est probablement d’un allègement de 3,7 milliards d’euros qu’elles bénéficieront.
Le nombre des entreprises ayant profité du plafonnement de la taxe professionnelle a augmenté de 41 %, passant de 210 000 à près de 305 000. Par ailleurs, aucun secteur d’activité n’a vu sa charge de taxe professionnelle augmenter du fait de cette réforme, dont les principaux bénéficiaires sont les secteurs les plus contributifs en taxe professionnelle. De ce plafonnement n’est donc résultée aucune distorsion.
Cependant, il ressort également de ce rapport que l’État prend toujours à sa charge plus de 90 % des dégrèvements à raison du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée tel qu’il a été mis en œuvre depuis la loi de finances pour 2006, soit près de 7,9 milliards d’euros sur les 8,5 milliards d’euros de coûts du plafonnement pour 2007.
La réforme adoptée en 2005 n’a pas empêché le poids de la taxe professionnelle de s’alourdir – elle a augmenté très sensiblement, de 18 %, entre 2003 et 2008 –, ce qui a évidemment suscité les récriminations d’un certain nombre d’entreprises ; vous y avez fait allusion.
Ce rapport paraît à point nommé, puisqu’il nous permet de tirer un certain nombre d’enseignements de la réforme initiée aux termes de la loi de finances pour 2006.
À la suite de l’annonce faite par le Président de la République, le Gouvernement met la dernière touche à une mesure législative qui permettra l’exonération permanente de taxe professionnelle sur tous les investissements réalisés par les entreprises du 23 octobre 2008 jusqu’au 31 décembre 2009.
J’estime que, outre ses conséquences en termes de fiscalité pure, cette mesure tombe à pic d’un point de vue économique, puisqu’elle porte sur un secteur qui doit être encouragé, l’investissement des entreprises.
On dit trop peu que l’investissement des entreprises a, au cours des trois dernières années, été le moteur de la croissance. Il ne faut surtout pas laisser ce moteur se gripper : nous avons redouté en effet que les incertitudes et les effets d’annonces quant au sort de la taxe professionnelle ne conduisent certaines entreprises à geler leurs programmes d’investissements. La mesure d’exonération qui a été annoncée et qui sera mise en œuvre par la voie législative permettra de dégeler ces programmes éventuels.
Cette exonération s’effectuera par voie de dégrèvement et s’appliquera sur la totalité des investissements, quel que soit le mode d’amortissement retenu.
Enfin, nous avions commencé à réfléchir à cette réforme dans le cadre de la révision générale des prélèvements obligatoires, mais nous en avons retardé la mise en œuvre pour tenir compte du calendrier souhaité – c’est-à-dire tirer les enseignements dans un rapport, puis mettre en œuvre une mesure d’urgence, enfin, mettre en place une réforme de long terme. Nous souhaitons, bien entendu, nourrir cette réflexion des conclusions de la commission Balladur sur les différents niveaux de collectivités locales et leurs rapports.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le Gouvernement vient enfin de tirer les conséquences de la révision des hypothèses économiques quant aux perspectives trisannuelles des finances publiques, il n’en reste pas moins qu’il persiste à se focaliser sur la maîtrise des dépenses publiques.
Or il devra faire face à des besoins pressants de dépenses du fait de la crise économique, dépenses qu’il ne pourra pas financer essentiellement par des redéploiements.
Pourtant, il déclare ne pas vouloir creuser davantage le déficit public. Le seul moyen qu’il lui reste pour éviter une grave crise sociale serait de revoir la structure des recettes.
Or il reste accroché au bouclier fiscal. Je n’insisterai pas sur le caractère injuste de ce dernier. Vous connaissez notre position, madame, monsieur le ministre.
Au reste, ce bouclier fiscal ne devait-il pas être, sinon l’arme absolue, du moins l’instrument indispensable destiné à éviter les évasions de capitaux et faire revenir les émigrés fiscaux ?
Qu’en est-il de l’évaluation qui devait être faite de son efficacité ? Pouvez-vous nous donner le volume de capitaux dont, depuis son instauration, il a permis le retour ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Le bouclier fiscal devait constituer – nous l’espérons toujours – une mesure de partenariat raisonnable entre le contribuable et l’État – 50 % est une juste contribution – et se révéler une mesure incitative grâce à laquelle les contribuables largement imposés resteraient sur le territoire français ou y reviendraient.
Je ne dispose pas de chiffres précis concernant ces derniers et il ne m’appartient pas d’ailleurs de vous les communiquer. La commission des finances est, elle, en mesure de mener un tel travail d’investigation et de vérification.
S’agissant du bouclier fiscal, nous devons éviter l’anathème et les idées reçues : l’immense majorité de ses bénéficiaires sont des contribuables qui disposent de peu de revenus mais qui, en ayant réussi à acheter leur domicile et en ayant économisé, se sont constitué un patrimoine et se trouvent, du fait d’un certain nombre de valorisations, notamment de l’immobilier, soumis à une imposition excédant largement 50 % de leurs revenus.
Ne vilipendons pas les bénéficiaires du bouclier fiscal au nom d’une quelconque idéologie et souvenons-nous toujours que, dans leur immense majorité, ce sont de petits propriétaires, de petits retraités, qui ainsi peuvent obtenir la restitution d’une partie de l’imposition qu’ils ont payée au-delà de 50 % de leurs revenus !
Certes, il est possible de s’appesantir, comme l’a fait la presse, sur le sort de tel ou tel contribuable à très hauts revenus, qui a obtenu une restitution d’impôt, mais il faut noter que, s’il y a une forte restitution d’impôt, c’est qu’il y a eu une grosse contribution !
Enfin, puisque, derrière le bouclier fiscal, c’est souvent l’ISF qui est visé, je rappelle que ce dernier a fortement contribué au financement de l’économie française : en effet, son fléchage vers les petites et moyennes entreprises a permis d’orienter vers elles plus d’un milliard d’euros.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 vise à assainir les comptes publics dans leur ensemble, ce qui suppose, en particulier, d’assainir les comptes sociaux. C’est sur ces derniers que portera ma question.
Dans son premier rapport d’information du 10 mai 2006, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat soulignait à quel point les contours de la dette sociale étaient mal définis.
Ce rapport révélait que la dette sociale réelle comprenait quatre composantes qu’il fallait prendre en compte : une dette « identifiée », assumée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, ou CADES, une dette « reniée », celle du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, une dette « cachée », celle de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale, et enfin une dette « virtuelle », correspondant au déficit tendanciel des régimes de base.
Un tel éclatement était naturellement peu propice à un apurement efficace de la dette sociale. Depuis, il faut bien constater qu’un énorme effort a été accompli pour rendre plus lisible la répartition de cette dette.
La dette « virtuelle » est contrecarrée par les mesures adoptées dans les derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale. Grâce aux mesures prises, les déficits des régimes de base ont cessé de déraper. Le PLFSS pour 2009 élimine la dette dite « reniée » en transférant respectivement celle du FSV à la CADES et celle du FFIPSA à l’État. Enfin, le Gouvernement a apuré la dette « cachée » que l’État avait accumulée vis-à-vis de la sécurité sociale jusqu’en 2006.
Cependant, cette dernière dette est en train de se reconstituer pour les exercices 2007 et 2008. Elle est aujourd’hui évaluée à 3,5 milliards pour le régime général et 1,3 milliard pour les autres régimes.
Ma question est donc la suivante : la dette de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale est-elle prise en compte par la présente loi de programmation et, si oui, comment comptez-vous en venir à bout ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. La dette de l’État envers la sécurité sociale est un sujet capital ; je vous remercie donc de poser cette question, madame le sénateur.
Nous essayons de traiter le problème avec le plus de sérieux possible. L’année dernière, nous avons remboursé à la sécurité sociale la dette qu’avait l’État envers elle au 31 décembre 2006 sur le régime général.
Nous avons, à ce titre, transféré 5,1 milliards d’euros qui provenaient d’un reliquat de recettes tirées de privatisations. Plutôt que de les utiliser, nous avons préféré rembourser la sécurité sociale à due concurrence.
Nous n’avons toutefois pas encore remboursé les dettes antérieures n’appartenant pas au régime général. Sont notamment concernées la dette du régime de la SNCF, celle du régime social des indépendants, le RSI, ainsi que celles d’un certain nombre de régimes ayant appartenu à une époque au RSI.
Il restait à rembourser 1,3 milliard d’euros sur ces régimes, une fois éteinte la dette existant envers le régime général au 31 décembre 2006.
À la fin de l’année 2007, nous avons commencé à reconstituer cette dette à hauteur de 1,7 milliard d’euros pour le régime général. Il restait toujours par ailleurs la somme de 1,3 milliard, qui n’avait quant à elle pas augmenté. Au total, fin 2007, la dette de l’État envers la sécurité sociale s’élevait donc à environ 3 milliards d’euros.
Je ne sais pas ce qu’il en sera pour l’année 2008 : celle-ci n’étant pas terminée, il est trop tôt pour avancer un chiffre. La dette aura sans doute augmenté, même si je doute que les chiffres soient aussi importants que ceux que j’ai entendus ici ou là.
Nous ferons donc le bilan à la fin de l’année. Mais j’ai d’ores et déjà pris l’engagement – je le redis à M. Alain Vasselle – de consacrer 1 milliard à la réduction de cette dette, et particulièrement à la dette ancienne, par souci de cohérence et pour parvenir enfin à l’éteindre. Évidemment, il en restera une partie, mais elle sera beaucoup moins importante qu’à notre arrivée aux responsabilités.
Ce que je voudrais par ailleurs essayer de faire, c’est enrayer le phénomène. En effet, s’il est bien de rembourser ses dettes, il est encore mieux de ne pas s’endetter !
Malheureusement, ce n’est pas si facile, et ce pour deux raisons. La première tient à ce que l’on fait souvent appel à des dispositifs sociaux qui sont remboursés en cours d’année dans une logique de guichet. La seconde – inutile de le cacher, la pratique existe depuis longtemps – tient à la sous-budgétisation.
D’ailleurs, en dehors de la sous-budgétisation, les ministères, sur certains dispositifs qui les intéressent plus particulièrement, ont tendance à « surconsommer » : non seulement ils épuisent la totalité des crédits affectés à cette fin, mais ils ont également recours à des mécanismes conduisant à accroître la dette de l’État envers la sécurité sociale. C’est un phénomène classique auquel il faut mettre fin. Sur instruction du Premier ministre, nos services ont bloqué ce type de procédure.
Par ailleurs, nous avons intégré dans le budget pour 2009 des volumes de crédits destinés à être transférés du budget de l’État vers la sécurité sociale et qui sont à la hauteur des prévisions de dépenses des différents régimes. Cela n’avait jamais été le cas auparavant !
Grâce à ces mesures, nous devrions pouvoir limiter, voire annuler, la sous-budgétisation. Tels sont, madame le sénateur, les éléments que je pouvais vous fournir en l’état actuel de mes connaissances.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus que jamais, avec la crise économique que nous vivons, les collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer pour répondre aux besoins de la population.
L’action des élus locaux et des collectivités permet en effet de répondre aux attentes de nos concitoyens dans des domaines aussi divers que l’éducation populaire, le développement culturel, les besoins en logement, l’action sociale ou encore l’accueil de la petite enfance.
Leur intervention sera encore plus attendue par les personnes victimes de l’augmentation du chômage. Comme vous le savez, les collectivités territoriales sont un maillon essentiel pour aider ceux qui en ont besoin à passer les caps difficiles, évitant ainsi que ne se déchire le tissu social.
Depuis plus de vingt ans, les collectivités territoriales font face à ces missions et ces besoins avec des ressources financières toujours plus incertaines.
Année après année, les dotations budgétaires alimentées par prélèvements sur recettes sont rognées, réduites, ajustées, encadrées, placées sous enveloppe. Et, dans tous les cas de figure, c’est l’effort de l’État en direction des collectivités qui est réduit proportionnellement – j’y insiste – aux nouvelles responsabilités qui, soit sont transférées aux collectivités, soit leur échoient suite à l’abandon de certaines tâches effectuées auparavant par les services de l’État.
L’intégration du Fonds de compensation pour la TVA, mais aussi des amendes de police dans les dotations, sans oublier la réduction de compensation pour un certain nombre d’impôts font que l’évolution prévue de 1,1 milliard d’euros dans les deux années qui viennent est loin de couvrir les conséquences de l’inflation.
Quant à la fiscalité directe locale, elle présente aujourd’hui un évident caractère d’illisibilité. Elle est en effet soumise à d’importants dispositifs correctifs qui nuisent à la plus élémentaire justice fiscale comme à l’efficacité même des prélèvements.
Plutôt que de réformer véritablement la fiscalité locale, on a toujours préféré, ces dernières années, procéder à des exonérations et à des dégrèvements fiscaux plus ou moins importants et compensés de manière toujours plus imparfaite par le budget général. La taxe professionnelle, qui vient d’être évoquée, en est malheureusement un exemple frappant, et les récentes déclarations du Président de la République tendent à montrer que nous continuons à nous fourvoyer dans cette voie.
Ma question sera donc simple : ne conviendrait-il pas, dans le cadre du débat sur le devenir de nos finances publiques, d’ouvrir le chantier d’une réforme complète de la fiscalité directe locale, en donnant aux collectivités territoriales, dans le respect du principe constitutionnel de libre administration, les moyens de disposer de ressources stables et durables ?
Ne faudrait-il pas, dans le même temps, produire un effort particulier dans le domaine de la politique d’investissement public des collectivités territoriales ? Cet effort pourrait se traduire par un financement direct plus conséquent des initiatives en matière d’équipement des collectivités, particulièrement en ce qui concerne les transports collectifs, sujet très présent dans la réflexion issue du Grenelle de l’environnement.
On pourrait aussi envisager d’améliorer sensiblement les conditions de crédit qui leur sont aujourd’hui proposées. Bien évidemment, cela nécessiterait le maintien du remboursement de la TVA. Or, monsieur le ministre, j’ai bien écouté ce que vous avez dit, et j’y ai trouvé bien des contradictions avec les prévisions qui nous avaient été fournies dans le cadre du comité des finances locales. Mais je suis prête à accepter que vous ayez changé d’avis ; en tout cas, je l’espère !
À notre sens, tout doit être fait pour permettre aux collectivités territoriales de jouer pleinement leur rôle d’acteur du développement économique et social du pays.
Aujourd’hui, elles doivent effectuer leurs choix de gestion sous la pression de ressources déjà insuffisantes pour l’essentiel, alors qu’elles devraient pouvoir se consacrer à la recherche de réponses à fournir aux besoins collectifs toujours plus nombreux qu’expriment nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Pour juger d’une relation entre deux partenaires, il faut considérer la relation dans son ensemble. En ce qui concerne les relations qu’entretient l’État avec les collectivités territoriales, il convient, de la même façon, d’étudier tous les paramètres. Si l’on commence à les observer par morceaux, on n’aboutira à rien.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait d’accord !
M. Éric Woerth, ministre. Ainsi, quand on additionne toutes les relations financières qui existent entre l’État et les collectivités, on obtient un total de l’ordre de 90 milliards d’euros en comptant les impôts affectés, les dégrèvements et l’ensemble des dotations.
Il s’agit donc de chiffres absolument considérables. Certes, cela résulte d’une longue – très longue – histoire et d’un empilement de décisions prises au fil du temps, avant la décentralisation comme depuis qu’elle a été engagée. Voilà donc le tableau qu’il faut considérer dans son ensemble.
Le FCTVA n’échappe pas à ce constat ; il est lui aussi le fruit d’une histoire. Certes, il s’agit d’un remboursement, mais celui-ci découle du fait que l’État a décidé de ne pas percevoir de recettes sur la fiscalité provenant d’investissements réalisés au niveau local.
C’est pourquoi la décision d’élargir aujourd’hui sa « norme », son « enveloppe » ou encore son « périmètre » – peu importe le mot par lequel on désigne la chose – me semble relever également d’une relation plus saine.
À ce propos, il y a beaucoup de malentendus. Si l’on fait abstraction des débats purement politiques qui peuvent nous opposer et si l’on s’en tient à la réalité des choses le plus objectivement possible, il ne semble pas complètement injuste – je dis même que ce serait beaucoup plus juste – d’intégrer cet ensemble d’éléments au FCTVA et d’étudier après comment donner, dans la durée, de la visibilité aux collectivités, tout en faisant en sorte de ménager le budget de l’État !
La vraie clé du problème, à mon avis, est à chercher dans l’autonomie. L’État étant le premier contribuable des collectivités, il faut instaurer une véritable autonomie. On voit bien que tout ce qui touchera à une réforme des collectivités et à leur mode de financement doit passer par un surcroît d’autonomie. En effet, les collectivités sont responsables devant leurs électeurs et, au fond, pour qu’elles assument pleinement cette responsabilité, il faut que leur autonomie soit réelle, notamment en matière fiscale.
Une fois que l’on aura redessiné l’architecture des collectivités locales – en ayant pris soin de se poser la bonne question, qui est de savoir, en fonction des décisions à prendre et compte tenu de l’exigence de proximité, à quel niveau il vaut mieux situer la responsabilité –, la question qui suivra immédiatement sera celle de déterminer comment assurer l’autonomie des collectivités du point de vue de leurs ressources ?
Force est de constater que nous sommes loin de cela aujourd’hui et que le débat est posé en de mauvais termes. D’un côté, il y aurait l’État qui fait jouer son autorité et, de l’autre, des collectivités qui quémanderaient des ressources ! Cette manière de concevoir les relations n’est pas la bonne ; il faut la faire évoluer.
Je ne mets d’ailleurs dans cette réflexion aucun contenu politique, ni de droite ni de gauche : que l’on soit dans la majorité ou dans l’opposition, on peut concevoir que, les choses évoluant tellement, il faut disposer d’un socle de décisions solide.
Il convient aussi d’éviter l’effet d’empilement, car le contribuable ne s’y retrouve plus. De fait, l’empilement dans la décision entraîne aussi l’empilement dans les ressources, c’est-à-dire dans la fiscalité qui est à la base de cette ressource.
Pour finir, je rappelle que nous aurons au cours de l’année 2009 une réflexion très approfondie. Le Président de la République nous l’a demandé et les travaux de la commission Balladur sont en bonne voie. Nous disposerons ainsi d’une réflexion fouillée et chacun aura à dire son mot, mais il faudra passer très vite de la réflexion sur l’architecture à la réflexion sur la ressource, avec comme mot-clé l’autonomie.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Madame la ministre, monsieur le ministre, ce matin vous avez dessiné une trajectoire pour nos finances publiques au cours des trois années à venir.
Vous l’avez fait avec compétence, détermination et technicité. Un des maîtres mots de cette perspective est celui de « maîtrise » des finances publiques. Cela vous vaut bien sûr des critiques de la part de nombreux membres de notre assemblée, mais vous devez savoir qu’au sein même de la majorité nous sommes un certain nombre à estimer que ce projet n’est pas suffisant et que vous n’allez pas assez loin.
Je voudrais rappeler que notre pays est l’un de ceux où les prélèvements obligatoires sont parmi les plus importants. Le Président de la république a considéré que ces prélèvements étaient excessifs et nuisaient à l’attractivité de notre pays. Notre projet consistait donc à les faire baisser de 4 % sur l’ensemble de la mandature.
Or la réalité de la situation économique nous amène à envisager une stabilisation de la baisse engagée, au nom de la sincérité que vous avez évoquée ce matin. Les difficultés actuelles brouillent les prévisions budgétaires réalisées avant que la crise financière n’éclate.
Monsieur le ministre, je souhaite avoir des précisions sur la maîtrise des dépenses publiques et, notamment, sur la révision générale des politiques publiques lancée en juillet 2007. En effet, au cours des trois réunions du conseil de modernisation des politiques publiques, 337 mesures ont été annoncées et un calendrier a été défini. Les décisions prises ont porté sur les deux tiers de la dépense publique, ce qui représente 173 milliards d’euros. Au terme du processus, nous devrions pouvoir enregistrer, au bout de trois ans, une économie d’environ 7 milliards d’euros seulement, soit un gain de productivité de l’ordre de 4 %.
Je fais partie de ceux qui considèrent que le périmètre d’intervention de l’État est trop vaste. À ce titre, l’une des priorités de la révision générale des politiques publiques aurait dû être d’envisager l’abandon de certaines missions exercées par l’État.
Monsieur le ministre, en tant que rapporteur général du conseil de modernisation des politiques publiques, pouvez-nous nous préciser l’état d’avancement de ces 337 mesures ?
Sur les 7 milliards d’euros d’économies annoncées, 3 milliards d’euros sont obtenus sur la masse salariale, 2 milliards d’euros sur l’investissement et les interventions, et 2,2 milliards d’euros sur le fonctionnement. Au regard du montant total des dépenses de fonctionnement – 35 milliards d’euros –, le gain de productivité s’avère donc insuffisant et le champ des investigations mises en œuvre mériterait d’être élargi.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Dominati, d’ici à la fin du mois de novembre, je ferai, en conseil des ministres, le bilan de cette première phase de la RGPP – il y en aura donc une deuxième ! – et de la mise en œuvre de ces fameuses 337 mesures, qui, si elles sont de nature très différente, touchent l’ensemble des politiques publiques.
Ce bilan sera sans concession. Nous avons réactivé le comité de suivi de la RGPP, coprésidé, comme vous le savez, par le secrétaire général de la Présidence de la République et par le directeur de cabinet du Premier ministre. J’en assume moi-même le secrétariat général.
Nous avons déjà auditionné les deux tiers des ministres. Il ne nous en reste donc qu’un tiers à entendre pour parfaire le rapport que je suis en train de réaliser.
Globalement, deux tiers des mesures sont correctement exécutées et un tiers demandent à être réactivées ou réexpliquées. Dès lors que les décisions prises constituent un vrai changement, il est normal qu’elles ne laissent pas indifférent. Le contraire m’inquiéterait d’ailleurs, car cela signifierait qu’elles n’ont aucune substance !
Dans certains ministères et administrations, on renâcle beaucoup et on proteste. Parfois, ce sont les ministres eux-mêmes qui se braquent. Mais, convenons-en, c’est bien dans la nature des choses. Il nous faut donc insister plus particulièrement sur l’aspect qualitatif des décisions annoncées.
La RGPP, c’est en quelque sorte du sucre lent : elle appelle une réforme de structure et non de simples mesures d’affichage, par lesquelles les quelques dizaines de millions d’euros que l’on peut gagner très vite sont finalement reperdus deux ans après !
Par conséquent, il convient de ne pas limiter la RGPP aux 7 milliards d’euros d’économies annoncés. Nous avons donné des chiffres parce qu’il fallait en donner. Mais, au fond, ce n’est pas la bonne manière de présenter notre action. Nous aurions pu avancer des montants beaucoup plus élevés.
L’important, en réalité, c’est de savoir combien nous allons gagner en un an, en cinq ans, en dix ans. Nous sommes engagés dans un profond mouvement de restructuration, avec un objectif de long terme : disposer d’une administration recentrée sur des missions plus stratégiques et employant moins de fonctionnaires.
La RGPP permet de montrer comment nous allons pouvoir réaliser un tel objectif, en assurant, par un meilleur ajustement de la dépense, ce service public de qualité auquel nous tenons tous. Au fond, nous avons lancé un débat extraordinairement vertueux en termes de finances publiques et, partant, en termes de qualité du service public. Ce sont tous ces éléments que nous devons prendre en compte.
À l’issue de cette première phase et après le bilan sans concession que nous sommes en train de finaliser, nous allons, à partir du mois de janvier prochain, relancer le processus. Il convient, en effet, à partir de la très grande quantité des travaux qui ont été menés jusqu’à présent, d’aller plus loin pour exploiter ce qui n’a pas pu l’être.
Monsieur Dominati, vous l’avez dit vous-même, certains sujets n’ont pas fait l’objet d’investigations suffisamment profondes. En réalité, nous avons principalement axé notre action sur la réduction du nombre de fonctionnaires grâce au non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Vous vous en doutez, cela ne s’obtient pas d’un simple claquement de doigts ! Cela marchera peut-être pendant un an ou deux ans, mais sûrement pas sur la durée. Il nous fallait donc envisager un réajustement profond de l’organisation administrative en fonction de l’objectif fixé, mais sans toucher à la qualité du service public.
La deuxième phase de la RGPP sera également l’occasion d’engager une autre réflexion. Nous devons en effet définir quel État et quel service public nous voulons, ce qui implique évidemment de prévoir une organisation adéquate.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, la volonté affichée par le candidat Sarkozy de rendre l’argent aux Français véhiculait une idée démagogique de spoliation, alors qu’il y a une forte demande en termes de service public et de protection sociale.
N’en déplaise aux ultralibéraux adeptes du slogan « Trop d’impôt tue l’impôt », il n’y a aucune corrélation entre le niveau de prélèvement et la performance économique. La vraie question est d’ordre qualitatif.
Le choix responsable, c’est la recherche de l’efficacité, et ce sur trois plans : économique, social et environnemental.
L’efficacité économique, d’abord : il faut rompre avec le système en vigueur, qui taxe les entreprises sur la base des salaires. On plombe les PME, donc l’emploi, au profit des groupes industriels capitalistiques.
Passons progressivement à une cotisation sur la valeur ajoutée, n’en déplaise au MEDEF, qui défend exclusivement les intérêts des grands groupes.
Assurons, ensuite, l’efficacité en matière sociale : notre pays se distingue par un niveau record de cotisations, auxquelles échappe la spéculation, dont nous connaissons tous l’envolée indécente et coupable.
La CSG a constitué une rupture, mais il faut aller plus loin, vers des prélèvements redistributeurs, comme l’IRPP. Or le Gouvernement fait l’inverse et offre des cadeaux fiscaux aux plus riches.
L’efficacité environnementale, enfin : aujourd’hui, plus personne ne nie l’urgence écologique et le poids du développement non durable sur les finances publiques.
Alors, cessons de nous enferrer dans l’erreur et, notamment, de laisser dans le marasme le plan national Santé-Environnement ! Alors que la part des recettes de la fiscalité écologique baisse chez nous depuis dix ans, changeons les comportements par des taxes plus intelligentes, portant sur l’énergie, le carbone, les pollutions. Cessons de casser le Grenelle de l’environnement par des polémiques destructrices !
La déplorable fuite de la « taxe pique-nique », détail anecdotique extrait d’une longue liste, est pitoyable. Le bonus-malus coûte cher : eh bien, faisons varier le curseur pour atteindre l’équilibre !
Madame, monsieur le ministre, abandonnons cette timidité archaïque sur les mesures dites écologiques. Les générations futures nous en seront reconnaissantes. Ma question est donc la suivante : à quand la refonte juste, responsable, « verdie » de nos prélèvements, à la hauteur du show médiatique du Président de la République devant Al Gore, José Manuel Barroso et Wangari Maathai ?
Mme Nicole Bricq. Bonne question !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Madame le sénateur, vous avez parlé d’efficacité. Or c’est très clairement l’un des maîtres-mots qui guident notre action, et ce dans les domaines que vous avez évoqués.
Efficacité en matière économique, d’abord, par le biais de la fiscalité : je pense ainsi à la suppression, sur trois ans, de l’imposition forfaitaire annuelle, à l’exonération, à effet immédiat, de la taxe professionnelle pour encourager l’investissement, au crédit impôt recherche, ainsi qu’au plan de soutien aux pôles de compétitivité. Comme vous, nous entendons agir au nom de l’efficacité.
Efficacité en matière sociale, ensuite : je pense plus particulièrement au revenu de solidarité active, dont la mise en œuvre est rendue possible par une fiscalité consentie et longuement débattue, y compris au sein même de cet hémicycle. Le RSA est très clairement mis au service de ceux que nous voulons rapprocher du monde du travail : nous voulons les encourager à reprendre un emploi et à sortir du dispositif du RMI, lequel, parce qu’il n’est pas incitatif, les a éloignés du marché du travail.
Efficacité environnementale, enfin : vous avez une liste complète des mesures mises en œuvre dans le document relatif aux prélèvements obligatoires, qui est soumis à votre examen dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009. Je pense notamment à l’écoprêt à taux zéro, l’éco-PTZ, ce prêt particulier destiné à financer des travaux en vue de l’amélioration de l’habitat. Je pense également au « verdissement » d’un certain nombre d’outils, à l’image du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt pour l’acquisition d’une résidence principale. Il s’agit certes d’une série de petites mesures, mais, mises bout à bout, elles ont une grande efficacité. Je pense enfin au bonus-malus automobile, qui a largement soutenu l’activité automobile, mais qui a aussi encouragé l’achat de véhicules plus propres et moins polluants.
Madame Blandin, l’un de nos combats communs, c’est celui que nous menons pour une croissance un peu plus vertueuse, durable et respectueuse de l’environnement.
À cet égard, je voudrais vous rappeler le rôle clé joué par le Président de la République et par mon collègue Jean-Louis Borloo, chargé de l’environnement. Ce dernier s’efforce de parvenir, avant la fin de l’année, à la conclusion d’un accord au niveau européen sur le paquet Énergie-Climat qui soit satisfaisant et conforme aux objectifs du Grenelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Madame la présidente, madame, monsieur le ministre, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, il est prévu de majorer sensiblement la taxe générale sur les activités polluantes relative à l’enfouissement et de créer, en plus, une TGAP afférente aux déchets ménagers incinérés, afin d’inciter, nous dit-on, à la suite du Grenelle de l’environnement, au développement d’autres modes de traitement et d’élimination des déchets ménagers. Cette disposition aura un impact dès 2009 et des répercussions dans la durée. Elle est donc d’actualité, surtout après l’intervention de notre collègue Marie-Christine Blandin.
Or cette taxation représenterait un double malus pour les bons élèves du traitement des déchets ménagers, qu’il s’agisse de communes ou d’établissements publics de coopération intercommunale.
En effet, le contribuable, ou l’usager, n’est pas le principal pollueur. Il conviendrait plutôt d’aller chercher la responsabilité du producteur d’emballages non recyclables.
Il y a une réelle contradiction entre les récentes exigences de mise aux normes en matière de rejet atmosphérique, en date du 28 décembre 2005, et la création, trois ans après, d’une taxe sur ces équipements que nous venons de rénover à grands frais.
Il y aura toujours des déchets ultimes non valorisables, y compris après un processus de tri ou de méthanisation nécessitant un traitement définitif sous forme d’incinération ou par enfouissement réglementaire.
Enfin, un tel niveau de taxation pénaliserait les syndicats intercommunaux qui, par une pratique de diversification de traitement, par le respect de performances énergétiques, permettent la réalisation des objectifs nationaux et alimentent les réseaux de chauffage urbain, réduisant d’autant les émissions de gaz à effet de serre.
L’application de cette TGAP pour un syndicat comme le SYCTOM, le syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de l’agglomération parisienne, qui regroupe Paris et 85 communes, soit 5,5 millions d’habitants, entraînerait une augmentation de la redevance de 2,2 % dès 2009 et qui pourrait s’élever à 7,1 % en 2015.
Permettez-moi de vous le dire, cela est insupportable, encore plus en période de crise.
Il serait intéressant, au minimum, de moduler l’application de cette TGAP en fonction des critères objectifs suivants : la diversité des moyens de traitement, avec des objectifs dans le temps ; la contribution à la valorisation énergétique ; le pourcentage de déchets traités par des procédés biologiques ; ou l’utilisation de transports alternatifs à la route.
Madame, monsieur le ministre, je vous remercie de bien vouloir me rassurer dans ce domaine.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le sénateur, vous soulevez un ensemble de questions très importantes sur les effets que la majoration de la TGAP relative à l’enfouissement et de la TGAP afférente aux déchets ménagers pourraient avoir sur les collectivités territoriales.
Ces questions ont fait l’objet d’un dialogue approfondi dans le cadre du Grenelle de l’environnement, lequel a permis de rassembler l’ensemble des acteurs concernés. Certaines des conclusions auxquelles ceux-ci sont parvenus seront d’ailleurs débattues ici même à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2009.
Je vous propose de reprendre contact avec vous pour retravailler sur tous ces sujets, en liaison, notamment, avec mon collègue Jean-Louis Borloo. Nous devons en effet tirer toutes les conclusions des propositions issues du Grenelle à la lumière des besoins des collectivités territoriales et des efforts qui ont déjà été réalisés dans le cadre d’un certain nombre de procédures d’enfouissement.
Nous devons évidemment en être conscients, les ressources qui résulteront de la TGAP seront affectées à l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui sera chargée de prendre des mesures respectueuses de notre environnement.
L’objectif est de parvenir à un équilibre entre le respect des besoins affichés et celui des impératifs que vous avez légitimement évoqués. Je vous propose de poursuivre ce dialogue le plus tôt possible, avant même le débat au Sénat sur le projet de loi de finances pour 2009.
M. Jacques Gautier. Je vous remercie, madame la ministre.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
La discussion générale du projet de loi de programmation et le débat sont clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 85 et distribuée.
Projet de loi de programmation
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de programmation.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d’une motion n°25, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (n° 55, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la motion.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe présente, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de programmation des finances publiques, une motion tendant à opposer la question préalable à sa discussion et son adoption.
Notre position appelle bien entendu plusieurs observations.
Nous sommes engagés de manière dramatique et sensible, depuis plusieurs mois, dans une nouvelle poussée de crise économique.
Cette crise économique prend des formes nouvelles et significatives. Elle affecte notamment les activités financières, victimes d’une libéralisation et d’une ouverture sans rivages ni frontières des marchés qui conduisent à la destruction massive des valeurs cotées sur les places financières, mais aussi à une terrible contraction du crédit dont souffre toute l’économie.
Pour autant, la récession n’a pas attendu les turbulences de Wall Street ou de la City pour se manifester.
Dans l’ensemble des pays développés, les logiques, à l’œuvre depuis longtemps, consistant à réduire les coûts de main-d’œuvre, à précariser et flexibiliser l’emploi, ont fini par générer des crises de débouchés d’une force inégalée.
Dans les pays de l’Union européenne, l’endettement massif des ménages – comme en Grande-Bretagne ou en Italie – ou les contraintes imposées par la défense inconditionnelle de la parité de l’euro ont ajouté à l’asphyxie.
Les choix politiques que vous avez faits, l’an dernier, dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, comme dans bien des lois et textes antérieurs depuis 2002, n’ont rien arrangé.
La loi TEPA a favorisé les heures supplémentaires au détriment de l’embauche ou du recours à l’intérim, soutenu artificiellement les cours du marché du bâtiment grâce à la réduction sensible de la fiscalité du patrimoine, justifié l’intolérable pratique des taux immobiliers variables !
De surcroît, elle n’a pas empêché, comme nous l’avons vu mardi, que croisse et embellisse encore le scandale des rémunérations de dirigeants d’entreprises sans commune mesure avec le sort imposé à leurs propres salariés.
Enfin, en s’attaquant à l’impôt de solidarité sur la fortune, elle a consacré le gâchis des deniers publics au profit exclusif d’une infime minorité de contribuables.
La récession est là, directement sensible au travers du moral des ménages, qui n’a jamais été aussi bas, des perspectives d’activité de nos petites et moyennes entreprises, du ralentissement des embauches dans tous les secteurs et de l’accroissement spectaculaire du nombre des sans-emploi. Malgré bien des artifices, vous ne pouvez en effet masquer la hausse des effectifs, la poursuite des plans sociaux à répétition et la mise au chômage technique d’un nombre croissant de salariés dans de grandes unités de production.
La récession est tellement présente que, même pour cette année 2008, vous concédez que le pourcentage de croissance attendu ne sera pas atteint et que le cadrage du projet de loi de finances pour 2009 n’est plus d’actualité.
Cette récession est nette, avec un PIB qui ne progressera que de 0,5 point environ cette année et qui sera compris entre 0 et 0,5 point, l’an prochain !
Disons les choses comme elles sont : ce n’est pas avec le plan de sauvetage des marchés financiers et des banquiers spéculateurs marris de toutes leurs moins-values et créances douteuses que vous allez relancer la machine ! Bien au contraire, en n’exigeant aucune contrepartie digne de ce nom, sinon de vagues engagements moraux qui n’engagent que les naïfs qui y croient, aux financements que l’État va apporter ou garantir aux banques, on risque fort de prêter le flanc à de nouvelles mésaventures boursières et financières !
Une mise en cause de la privatisation du secteur financier est directement inscrite dans la crise actuelle. Il est en effet acquis, même si cela n’apparaît à aucun moment dans le texte qui nous est soumis, que le discours sur l’allégement du coût du travail était une vue de l’esprit !
Le vrai problème auquel sont confrontées nos entreprises, c’est celui de l’accès au crédit, c’est celui du rôle et de la place de l’interface du système bancaire dans le financement de l’économie, à partir des dépôts à vue des particuliers et de la sollicitation des marchés de capitaux !
La crise actuelle aura au moins servi à faire litière du discours rebattu sur les charges sociales et le coût du travail pour nous recentrer sur l’essentiel : comment l’économie – c’est-à-dire les entreprises, donc les salariés qu’elles emploient –, à partir des richesses qu’elle crée ou qu’elle est en situation de créer, peut-elle compter sur l’assistance du système de crédit ?
Vient à l’esprit un autre faisceau de critiques et de questionnements, portant sur la logique qui sous-tend l’ensemble du projet de loi de programmation, texte de renoncement et de mise en déclin de la dépense publique.
Les fondements idéologiques de cette démarche – et j’emploie le mot « idéologique » à dessein – sont connus. Est posé comme postulat de départ que la dépense publique est, par nature, essentiellement mauvaise et qu’il faut la réduire, pour aujourd’hui et pour l’avenir. Et, quand on ne peut pas la réduire, pour des raisons de dynamique propre, il s’agit de la comprimer, de l’encadrer, de l’enserrer dans un cadre de plus en plus étroit.
Ce projet de loi de programmation, qui postule que l’austérité est l’une des sources de l’équilibre budgétaire, participe donc du renoncement à faire de la dépense publique un élément de croissance globale de l’économie. Avouez que c’est pour le moins troublant !
Posons une question simple, qui est d’ailleurs abordée, et de la pire des manières, par le texte : est-il souhaitable, et même admissible, que les dépenses de santé progressent dans notre pays ?
Le fait que ces dépenses augmentent, souvent dans des proportions inattendues ou pas totalement « prévues », est-il un signe de mauvaise tenue de l’économie ? Au risque d’en surprendre quelques-uns, nous répondons non.
Compte tenu de bien des paramètres – allongement de l’espérance de vie, amélioration globale de la qualité des soins et des techniques médicales, prévention sanitaire... –, il est parfaitement logique que les dépenses de santé progressent dans notre pays. Cette progression n’est d’ailleurs pas uniquement un facteur aggravant de la situation des comptes publics, puisque les recettes fiscales et sociales diverses qui proviennent de l’ensemble des activités relevant des secteurs sanitaires et sociaux augmentent de manière presque aussi certaine que les dépenses.
Notre système est-il perfectible ou est-il le centre et le lieu d’une inefficience chronique de ses engagements ? Nous ne le pensons pas. D’ailleurs, si vous comparez les résultats que nous obtenons sur bien des plans – réduction de la mortalité infantile ou meilleure qualité de la prévention de nombre de maladies graves – avec ceux d’autres pays, vous constaterez que nous sommes loin du désastre !
Pourtant, le présent texte prévoit d’encadrer étroitement la progression des dépenses de santé, ce qui mettra immanquablement en cause la qualité des soins hospitaliers, l’engagement des personnels de santé, sans oublier le niveau des prestations servies aux assurés.
Cette logique de réduction de la dépense publique est particulièrement à l’œuvre s’agissant des missions du budget général de l’État, où quasiment tous les postes sont à la baisse, à l’exception notable du service de la dette. Deux raisons expliquent cette situation : d’une part, le déficit budgétaire et les difficultés de trésorerie sont largement pris en charge par la croissance exponentielle de cette dette ; d’autre part, l’indexation des taux d’intérêt de la dette publique de l’État constitue une charge croissante, comme une sorte de dîme que l’ensemble des Français paient aux spéculateurs financiers qui la détiennent !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les gnomes de Zurich ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Thierry Foucaud. Pour en finir avec l’austérité, une conclusion s’impose.
Dans un contexte récessif de crise économique aiguë, réduire la dépense publique revient à ajouter de la crise à la crise. Et les apparentes économies du jour sont bien souvent la source des dépenses, plus importantes, de demain !
Continuez à réduire les effectifs publics, notamment ceux de l’enseignement : le jour où nous n’aurons plus assez de professeurs qualifiés pour répondre au défi de la formation des jeunes, il sera trop tard !
Nous devons clairement abandonner ces logiques, qui n’ont pas plus réussi aujourd’hui qu’hier à inverser le cours de la dégradation des comptes publics.
Permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues – même si je ne siégeais pas au Sénat à l’époque, contrairement à certains d’entre vous ! –, qu’une loi d’orientation quinquennale sur les finances publiques avait été débattue en 1994. Il s’agissait, comme aujourd’hui, de réduire à hauteur de 2,5 % les déficits publics – en tout cas ceux de l’État – qui atteignaient des montants astronomiques.
En toute logique, on avait encadré dans les limites de l’inflation la progression des dépenses du budget général et l’on avait rédigé un rapport volontariste sur les grandes orientations budgétaires à venir. Le ministre du budget de l’époque s’appelait Nicolas Sarkozy.
Rappelons que les objectifs fixés dans la loi de programmation n’ont pas été atteints et qu’en 1995, lors de la constitution du gouvernement Juppé, il avait fallu voter une série de dispositions accroissant sensiblement le poids des prélèvements obligatoires pour commencer à inverser la courbe des déficits. Époque étrange où la majorité du Sénat s’était empressée de débattre d’une proposition de loi relevant de deux points le taux normal de la TVA pour financer des mesures prétendument destinées à soutenir l’emploi, et avait été contrainte de voter la majoration de 10 % de l’ISF et de l’impôt sur les sociétés pour réduire le déficit budgétaire !
Quant aux difficultés de la protection sociale, elles étaient telles que vous aviez dû hâter l’adoption du plan Juppé, en fin d’année 1995, pour imposer au monde du travail la création de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, ressource destinée à alimenter le financement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, créée à cet effet.
Pour autant, ce n’est qu’à compter du début de la législature 1997-2002 et de l’arrivée de la gauche au pouvoir que le niveau des déficits publics avait commencé à se stabiliser, puis à se réduire. Mieux encore : par moments, la sécurité sociale présentait un solde positif, permettant d’abonder le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR. Quant au solde primaire budgétaire, il commençait à redevenir positif.
Mais après 2002, patatras ! Nous avons connu le retour des difficultés économiques et la renaissance des déficits exponentiels, une tendance qui ne s’est pas vraiment interrompue – bien au contraire ! –, comme l’atteste la situation présente.
Sortir de la spirale des déficits ne se décrète donc pas au fil d’une loi de programmation visant à agir de manière exclusivement comptable sur les finances publiques.
Selon nous, la finalité de la réduction des déficits doit être inscrite dans une démarche globale faisant, de nouveau, de l’action publique l’un des éléments de la croissance et de l’emploi. Nous devons favoriser tout ce qui fait levier pour le développement de l’activité économique en recherchant la meilleure utilisation possible des dépenses budgétaires de l’État comme de l’outil de la dépense fiscale.
Imaginez que nous fassions un autre sort aux sommes considérables que nous mobilisons pour alléger les cotisations sociales des entreprises, pour empiler les unes sur les autres les niches fiscales, pour modifier sans la réformer la fiscalité directe locale !
Au demeurant, une bonne part du déficit actuel est liée à la persistance de mesures inadaptées.
Quand on accroît de 10 milliards d’euros – c’est-à-dire de près de 7 milliards d’euros, impôt sur les sociétés déduit – les allégements, aveuglément distribués, de cotisations sociales, on ne fait rien d’autre que détériorer gravement le solde public global, sans effets patents sur le niveau de l’emploi, et encore moins sur la croissance !
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale lui-même prévoit une perte de recettes pour les régimes obligatoires de base de 42 milliards d’euros.
M. le ministre n’écoute pas : il ne pourra donc pas me répondre !
Mme Catherine Procaccia. Oh, pour une énième motion…
M. Thierry Foucaud. C’est ainsi que se déroulent toujours les discussions avec ce gouvernement !
Je répète donc que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une perte de recettes de 42 milliards d’euros dont la compensation est fort imparfaite, puisque 2,7 milliards d’euros restent à la charge des régimes et que 9,4 milliards d’euros de recettes sociales sont perdus sous l’effet des abattements d’assiette.
En clair, non seulement l’État ne compense pas ses propres engagements – notamment les exonérations liées aux mesures incitatives – et reporte ainsi sur les comptes sociaux le coût de ses décisions, mais, de surcroît, les moins-values de recettes excèdent le déficit prévisible des régimes obligatoires.
Mme Catherine Procaccia. Vous vous répétez !
M. Thierry Foucaud. Peut-être, madame Procaccia, mais je rétablissais les choses après une réponse erronée de M. le ministre.
La vérité, c’est que toutes ces mesures pèsent sur les finances publiques dans leur ensemble sans répondre durablement aux problèmes d’emploi ni favoriser la croissance. C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter notre motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons pris connaissance avec beaucoup d’intérêt de toute cette problématique. Mais, compte tenu de sa richesse même, mieux vaut que nous ayons l’opportunité de la développer à l’occasion de l’examen des articles, ce dont nous serions privés si la motion était adoptée. (Sourires.)
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Nous devons bien évidemment poursuivre cette discussion. Bien des réponses ont été données aux questions qu’a posées M. Foucaud dans le débat : continuons d’en débattre article par article !
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 25, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Rappel au règlement
Mme Marie-France Beaufils. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les attendus de l’article 30 du règlement du Sénat, relatif à l’organisation de nos travaux.
Nous sommes confrontés, avec la discussion de ce texte, à une nouvelle mise en cause des droits du Parlement à légiférer de manière convenable et responsable. Arguant de prévisions de croissance et d’évolution des prix différentes de celles qui ont servi à construire le projet de loi de finances pour 2009 – ce que je ne conteste pas –, le Gouvernement vient, par la distribution d’une vingtaine d’amendements correctifs, nous proposer de procéder à une révision des termes de la présente loi de programmation, révision dont il nous a été difficile d’analyser la pertinence dans le peu de temps dont nous avons disposé, à savoir une demi-heure en commission des finances.
L’objectif d’équilibre des finances publiques, pourtant annoncé depuis la déclaration de politique générale du printemps 2007, est abandonné purement et simplement au profit d’une simple réduction des déficits.
Tout se passe comme si vous aviez renoncé, d’une certaine manière, aux orientations politiques que vous avez pourtant défendues durant toute la campagne électorale de l’élection présidentielle.
Pour autant, derrière les chiffres, la volonté de plier l’ensemble de l’activité économique et sociale aux impératifs et aux desiderata des marchés financiers et de la rentabilité du capital demeure.
Les ajustements liés aux prévisions économiques semblent laisser pour compte quelques mesures fortes dont nous avons débattu il y a peu. Ainsi devons-nous attendre peu de croissance et peu d’amélioration de la situation des comptes publics du plan de sauvetage des banques, pourtant récemment validé dans le collectif budgétaire du mois d’octobre !
L’État a alors proposé sa garantie pour 320 milliards d’euros et dégagé 40 milliards d’euros pour la recapitalisation des banques, sommes censées fluidifier le fonctionnement du crédit aux entreprises. Ces mesures ne permettront pas de relancer l’activité économique au-delà des modestes prévisions désormais contenues dans cette loi de programmation ; c’est ce que vous exprimez par ces modifications.
Cette mobilisation de quelque 360 milliards d’euros pour un gain de 0,2 % à 0,5 % de croissance devrait nous conduire à nous interroger sur l’efficacité d’une telle mesure !
Nous sommes convaincus, chaque jour un peu plus, d’avoir fait le bon choix en ne soutenant pas ce plan de sauvetage des banques et des marchés financiers. Il nous semble que les modifications présentées auraient mérité un débat d’une autre importance.
Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Les articles 2 à 10 ci-après fixent, en application de l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, les objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2009-2012.
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La programmation des finances publiques tend à atteindre des objectifs de justice fiscale, d'efficacité économique et sociale des engagements publics.
Elle participe de l'atteinte des objectifs de croissance et d'emploi, et à la mise en œuvre d'un développement économique et social durable, conditions d'une amélioration sensible des comptes publics.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet article 1er doit, selon nous, participer d’une conception un peu moins étriquée que celle qui est présentée, et de manière fort lapidaire, dans le texte.
Que cette programmation des finances publiques s’inscrive dans le cadre constitutionnel me paraît relever de l’évidence. Il convient plutôt de se référer aux termes de l’article 34 de la Constitution, modifié par la récente révision constitutionnelle, et de donner un sens aux finalités et aux objectifs généraux d’une telle programmation.
L’article 34 a été complété, notamment, par un alinéa ainsi rédigé : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. »
Soyons clairs : l’équilibre des comptes publics ne se décrète pas. Il constitue clairement une finalité, une visée au regard des initiatives politiques exprimées par les choix budgétaires. Il ne faut pas confondre la fin et les moyens.
La raison d’être de la programmation des finances publiques, c’est de mettre l’argent public, le produit des impôts de toutes natures comme des cotisations sociales, au service de la résolution des besoins collectifs, de l’emploi et de la croissance durable.
Il faut inverser la logique. Créons, par une fiscalité juste, par une juste allocation de la ressource publique, les conditions de la croissance et du développement durable, et nous constaterons l’amélioration de la situation des comptes publics.
Oser encore aujourd’hui nous parler de rigueur budgétaire au moment où l’on émet 150 milliards d’euros de titres de dette publique pour accroître de seulement 12 milliards d’euros le bien commun de la nation montre à quelles extrémités nous sommes rendus !
Si vous voulez interrompre le processus d’endettement et de déficits publics cumulés aujourd’hui à l’œuvre, il faut commencer par poser les questions de fond de la réforme fiscale, de celle des prélèvements sociaux, ou encore de la juste allocation des ressources publiques.
Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est de caractère assez littéraire : « La programmation des finances publiques tend à atteindre des objectifs de justice fiscale, d’efficacité économique et sociale des engagements publics. » On pourrait écrire des traités entiers sur l’interprétation qu’il convient de donner à cette phrase !
Le contenu normatif est insuffisant pour figurer dans une loi, fût-elle une loi de programmation. C’est en vertu de cette analyse, que vous voudrez bien me pardonner de ne pas développer plus avant, que nous avons émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour deux raisons.
D’une part, une loi de programmation des finances publiques ne porte pas sur les politiques publiques. Il s’agit bien de règles de finances publiques, de chiffres, d’objectifs financiers.
D’autre part, par principe, nos politiques ne visent ni à l’injustice fiscale ni à l’inefficacité économique. La phrase que vient de citer M. le rapporteur général non seulement est de caractère strictement littéraire, comme il l’a souligné, mais ne fait qu’énoncer des évidences.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
CHAPITRE IER
Les objectifs généraux de finances publiques
Article 2
La programmation des finances publiques s'inscrit dans le cadre des engagements européens de la France. Elle s'établit comme suit :
1° Évolution du solde des administrations publiques :
|
(En points de PIB) |
|
||||
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Solde des administrations publiques |
-2,7 % |
-2,7 % |
-2,0 % |
-1,2 % |
-0,5 % |
|
dont solde de l'État |
-2,4 % |
-2,4 % |
-2,0 % |
-1,6 % |
-1,2 % |
|
dont solde des organismes divers d'administrations centrales |
0,0 % |
0,2 % |
0,2 % |
0,2 % |
0,3 % |
|
dont solde des administrations de sécurité sociale |
0,0 % |
-0,1 % |
0,0 % |
0,2 % |
0,3 % |
|
dont solde des administrations publiques locales |
-0,3 % |
-0,3 % |
-0,2 % |
-0,1 % |
0,0 % |
; |
2° Évolution de la dette publique :
|
(En points de PIB) |
|
||||
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Dette des administrations publiques |
65,3 % |
66,0 % |
65,3 % |
63,9 % |
61,8 % |
|
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 11, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. L’article 2 est, en quelque sorte, la « boussole » du projet de loi de programmation. Il fixe un cadre chiffré, mais ce cadre présente deux difficultés.
Premièrement, nous l’avons déjà souligné, il se fonde sur des hypothèses économiques irréalistes, que le Gouvernement vient d'ailleurs tout juste de modifier. Dans la foulée des conclusions des travaux européens, vous admettez que nous connaîtrons une faible croissance en 2009.
Cependant, cette faible croissance a un redoutable effet de ciseaux, comme l’a montré avec netteté la discussion du dernier collectif budgétaire. Elle induit, d’une part, une perte de recettes fiscales non négligeable et, d’autre part, une progression sensible des dépenses, notamment sur le poste critique du service de la dette.
Dans ce collectif, vous aviez masqué derrière l’appel à la solidarité nationale pour les banquiers et les opérateurs financiers – une quête subite de 360 milliards d’euros, rappelons-le – les 4 milliards d’euros perdus sur le front de la dette ou les 7 milliards d’euros perdus sur les recettes fiscales.
Deuxièmement, ainsi que la commission des finances s’est empressée de le souligner à juste titre,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah !
M. Thierry Foucaud. … votre objectif de programmation associe étroitement les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale aux contraintes de réduction des déficits. Vous méconnaissez ainsi à la fois le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales et le caractère particulier des lois de financement de la sécurité sociale.
Pour ce qui est de la libre administration des collectivités locales, on peut évidemment se reporter à l’article 72-2 de la Constitution. À quoi cela a-t-il servi, dans ces conditions, de voter il n’y a pas si longtemps, une organisation décentralisée de la République ?
Pour ce qui est de la sécurité sociale, rien dans la lettre de l’article 34 ne nous paraît devoir justifier la forme de partenariat obligé que tend à mettre en place l’article 2.
À moins que certains partisans de la révision constitutionnelle de cet été n’aient oublié de penser que leur adhésion emportait la pratique récurrente de l’austérité budgétaire dans tous les domaines, qu’il s’agisse de l’État, de leur commune ou de leur département, ou encore des moyens de l’hôpital public dont ils président le conseil d’administration…
Nous refusons clairement cette forme de standardisation de la dépense publique.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du premier alinéa de cet article par les mots :
«, Sous réserve que les hypothèses économiques du rapport annexé à la présente loi soient confirmées »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précision, car les objectifs de cette trajectoire sont évidemment liés aux hypothèses économiques qui les sous-tendent.
Les indications qui nous ont été données ce matin quant à la prise en compte d’hypothèses économiques mieux ajustées à la situation d’aujourd’hui viennent, me semble-t-il, appuyer le raisonnement de la commission.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le tableau constituant le second alinéa du 1° de cet article :
|
(En points de PIB) |
|
||||
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Solde des administrations publiques |
-2,9 |
-3,1 |
-2,7 |
-1,9 |
-1,2 |
|
dont solde de l'État |
-2,5 |
-2,7 |
-2,4 |
-2,0 |
-1,6 |
|
dont solde des organismes divers d'administrations centrales |
0,0 |
0,2 |
0,1 |
0,2 |
0,3 |
|
dont solde des administrations de sécurité sociale |
0,0 |
-0,3 |
-0,2 |
0,0 |
0,1 |
|
dont solde des administrations publiques locales |
-0,3 |
-0,3 |
-0,2 |
-0,1 |
0,0 |
; |
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Il convient de tenir compte des modifications qui ont été apportées à nos prévisions. Par cet amendement, nous révisons la trajectoire de solde et nous l’inscrivons très concrètement dans le projet de loi. J’en ai exposé les motifs dans la discussion générale ; je n’y reviens pas.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer les deuxième à dernière lignes du tableau constituant le second alinéa du 1° de cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour des raisons que j’ai développées dans la discussion générale, la commission considère qu’il convient de se focaliser sur les données globales, en particulier sur le solde global.
Demander au Parlement de s’engager par un vote sur les soldes ligne par ligne, s’agissant en particulier des collectivités territoriales, nous pose un problème, notamment au regard de l’article 72 de la Constitution, qui pose le principe d’autonomie des collectivités territoriales. Il me paraît préférable d’en rester à une expression globale de la trajectoire, ce qui n’empêcherait pas le Gouvernement, lorsqu’il donne des explications, par exemple à la commission, de faire état des distinctions qui lui semblent pertinentes ou de son analyse du solde global.
En tout état de cause, il nous paraît difficile de souscrire par un vote à la décomposition du solde.
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le tableau constituant le second alinéa du 2° de cet article :
|
(En points de PIB) |
||||
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Dette des administrations publiques |
66,2 |
67,9 |
68,1 |
67,2 |
65,6 |
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit encore de l’actualisation des prévisions, cette fois pour ce qui concerne la trajectoire de la dette publique.
Elle prend en compte, d’une part, les prévisions macroéconomiques rectifiées et, d’autre part, la création de la Société de prises de participation de l'État, sachant qu’il existe évidemment un actif correspondant aux achats de titres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur l’amendement n° 11, la commission donne évidemment un avis défavorable puisque, si l’on renonce à faire apparaître une trajectoire dans une loi de programmation triennale, on voit mal ce qui peut rester de sa substance.
S’agissant de l’amendement nos 26, nous y sommes favorables, sous réserve d’une rectification qui rendrait sa rédaction compatible avec notre propre amendement n° 2.
Enfin, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 27.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Sur l’amendement n° 11, le Gouvernement émet le même avis défavorable que la commission.
Pour ce qui est de l’amendement n° 1, on peut évidemment indiquer – pourquoi pas ? – que la programmation s’établit sous réserve que soient confirmées les hypothèses économiques qui sous-tendent la programmation. Cela étant, dès lors que les hypothèses économiques ont été révisées, je pensais qu’une telle précision n’était pas nécessaire. Autrement dit, je croyais que la révision valait satisfaction de l’amendement.
Mme Nicole Bricq. Non, car ce n’est pas fini !
M. Éric Woerth, ministre. Quoi qu’il en soit, cet amendement ne me choque pas et je m’en remets à la sagesse du Sénat.
En revanche, je ne suis pas du tout favorable à l’amendement n° 2.
Tout en comprenant bien l’argumentation que vous avez développée, monsieur le rapporteur général, je maintiens que la décomposition des soldes est très importante. En effet, à partir du moment où il existe un projet de loi de programmation des finances publiques et où nos finances publiques font l’objet d’un examen détaillé, notamment à Bruxelles, afin de déterminer qui concourt à quoi, nous sommes tenus à un affichage précis s’agissant de l'État, des organismes divers d’administration centrale, de la sécurité sociale et des collectivités locales.
Votre vote sur le solde ainsi décomposé ne constitue pas un engagement. Cette décomposition permet au moins qu’on débatte des différents soldes indiqués, et vous pourriez, le cas échéant, contester la répartition même des soldes. Elle offre aussi au Gouvernement la possibilité de vous communiquer des informations plus détaillées.
Il serait surprenant d’envoyer à Bruxelles, même à titre d’information, des éléments détaillés sur lesquels le Parlement ne se serait pas prononcé. Ce serait presque une atteinte à l’intégrité du projet de loi en lui-même.
Qui peut le plus peut le moins, et nous devons absolument détailler cette trajectoire.
Certes, ce sont des prévisions et, en tant que telles, elles sont toujours soumises à des incertitudes. C’est le principe même de la prévision et de tout vote budgétaire. Mais la force du projet de loi réside aussi dans cette segmentation, qui permet d’expliquer la programmation des finances publiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste, qui a voté cet amendement en commission, confirmera son vote.
En effet, en dépit de l’objection formulée par M. le ministre, qui a conduit ce dernier à s’en remettre à la sagesse du Sénat, nous pensons que la révision opérée aujourd'hui par le Gouvernement en appellera d’autres. Par définition, une hypothèse peut toujours voir une nouvelle hypothèse se substituer à elle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 26.
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, mon explication de vote vaudra pour la quasi-totalité des amendements présentés par le Gouvernement.
Cet amendement tient compte de la révision qui a été indiquée ce matin, mais il ne change pas à nos yeux le fond du texte.
Nous voterons donc contre, comme nous le ferons pour les amendements suivants du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour plus de clarté, je souhaite transformer l’amendement n° 2 de la commission en sous-amendement à l’amendement n° 26 du Gouvernement.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
Supprimer les deuxième à dernière lignes du tableau constituant le second alinéa de l'amendement n° 26 du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Par principe, le Gouvernement ne peut pas être favorable à ce sous-amendement.
En effet, il faut afficher les choses telles qu’elles sont et le Parlement ne peut pas regretter d’avoir une information complète.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, la question qui se pose ici, au fond, est celle du statut d’une loi de programmation.
C’est une information, dites-vous. Certes, mais c’est plus qu’une information puisqu’elle donne lieu à un vote de notre part. C’est donc une information qui traduit un accord politique, un engagement de volonté.
Or sommes-nous en mesure de nous engager sur les objectifs ? Si nous pouvons à l’évidence le faire au regard de l’objectif global, pouvons-nous nous engager au sujet de la répartition de l’effort entre les trois sous-ensembles que constituent l’État et les organismes divers d’administration centrale, la sécurité sociale et les collectivités locales, pour parvenir aux objectifs de soldes en fin de période ?
Mme Nicole Bricq. Non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne m’étendrai pas trop longtemps sur ce point ; il suffit de se référer au passage du rapport écrit dans lequel je crois avoir montré que la part de trajectoire qui est considérée comme faisable par l’ensemble des collectivités territoriales, je le dis en toute simplicité, n’est pas réaliste. De ce fait, il est difficile pour le Sénat de donner son accord à une trajectoire qui attribue aux collectivités territoriales une part exagérée de l’effort total. (Mme Nicole Bricq acquiesce.)
Il nous est d’autant plus difficile d’y souscrire qu’il y a, d’un côté, des dépenses publiques centralisées et, de l’autre côté, des dépenses publiques décentralisées. S’agissant des premières, l’État peut poser une norme et s’engager à la faire respecter, comme pour ses propres comptes et ceux de ses démembrements directs, ainsi que pour les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Mais il ne le peut pas dès lors qu’il s’agit de dépenses décentralisées. Et, à cet égard, les collectivités territoriales ne sont pas seules concernées : l’évolution du régime de l’assurance chômage résulte d’accords partenariaux, qui ne peuvent pas être « prescrits » comme les décisions portant sur des dépenses publiques centralisées.
Quant aux collectivités territoriales, comme nous étions plusieurs à l’indiquer tout à l’heure, leurs dépenses résultent de la somme d’innombrables décisions décentralisées sur lesquelles le Gouvernement – pas plus que le Parlement, d'ailleurs – n’a pas la capacité d’imposer une toise.
Pour toutes ces raisons, sans contester ni le bien-fondé de la trajectoire ni l’objectif de solde global, il paraît difficile, en particulier au Sénat, d’entériner par un vote la répartition de l’effort.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. En commission des finances, j’avais donné mon accord sur l’amendement n° 2, transformé en sous-amendement n° 2 rectifié.
En effet, je partage les propos que vient de tenir M. le rapporteur général. Les questions qui ont été posées précédemment montrent que l’on ne peut fixer une exigence ainsi cadrée aux collectivités territoriales, comme le propose le Gouvernement.
Alors qu’elles sont déjà confrontées à un certain nombre de dépenses obligatoires qu’elles ne peuvent absolument pas maîtriser, leur imposer un cadre aussi contraignant les mettrait dans une situation où elles ne seraient pas en capacité d’assumer les responsabilités qu’elles ont à l’égard de leurs électeurs ; or ce sont tout de même ces derniers, et non pas le Gouvernement, qui ont décidé de leur orientation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste ne reniera pas le vote qu’il a émis en commission des finances sur l’amendement du rapporteur général, transformé en sous-amendement n° 2 rectifié.
L’effort que le Gouvernement demande aux collectivités locales dans sa trajectoire est disproportionné, nous en sommes tous d’accord.
Je prendrai seulement l’exemple des passeports biométriques, dont le coût, tant en personnel qu’en matériel, est très lourd : il s’agit bien d’une décision prise par le Gouvernement et imposant une dépense obligatoire aux collectivités locales, qui n’avaient rien demandé.
Il faut donc que le Sénat vote ce sous-amendement avec la même unanimité que celle à laquelle il a donné lieu en commission des finances.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel, pour explication de vote.
M. Michel Houel. Je reviens sur le problème des passeports que vient d’évoquer ma collègue Nicole Bricq.
Il est évident, monsieur le ministre, que les 3 200 euros proposés aux communes sont nettement insuffisants. Dans mon département, la Seine-et-Marne, vingt-neuf communes supporteront cette charge. Nous sommes prêts à assumer cette nouvelle responsabilité, mais elle entraîne malgré tout quelques difficultés financières.
Dans ma commune, qui compte 4 500 habitants, 213 passeports ont été réalisés à ce jour. Faites le calcul : à la fin de l’année, nous serons loin du compte !
Il faudra donc peut-être revoir les sommes attribuées à ce titre aux communes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, je suis navré de vous dire que le groupe UMP votera en faveur du sous-amendement de la commission des finances, et ce pour deux raisons.
Premièrement, nous ne pouvons pas, dans le cadre d’un projet de loi de programmation des finances publiques, prendre un engagement collectif de cette nature sans avoir consulté l’ensemble des organisations représentatives et sans avoir passé en revue avec elles la totalité de leurs problèmes de financement.
Deuxièmement, une telle disposition est contradictoire avec la réforme de la Constitution que nous avons adoptée il y a quelques années et qui a nettement affirmé l’autonomie des collectivités territoriales.
Pour ce qui de Bruxelles – nous irons d’ailleurs vérifier par nous-mêmes comment les choses se passent avec les organismes qui y jugent nos comptes –, il est clair que ce qui intéresse la Commission, c’est le solde de l’État et des administrations qui lui sont rattachées. Pour le reste, monsieur le ministre, il vous sera facile de dire qu’un effort est réalisé au niveau des collectivités territoriales pour parvenir à une baisse.
Je rappelle que, pendant plusieurs années, nous sommes arrivés aux 3 % grâce à l’effet positif qu’ont eu sur l’ensemble des comptes publics ceux des collectivités territoriales, qui s’en sont tenues à une augmentation de 0,3 %. Tant mieux ! Nous essaierons d’en faire autant, mais nous ne pouvons prendre un tel engagement dans un texte de cette nature.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Évidemment !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, il me semble que l’on touche là une des limites de l’exercice auquel vous nous conviez.
Nous avons souscrit à cet exercice et la plupart d’entre nous sommes conscients de la nécessité de réduire nos déficits publics, de maîtriser les dépenses publiques.
L’État a engagé une révision générale des politiques publiques. Les élus territoriaux vont devoir, eux aussi, s’atteler à une révision générale des politiques publiques locales.
Ce qui nous met dans l’embarras, à propos de ce tableau, c’est qu’il tend à ne donner qu’une force légale toute relative à la trajectoire qu’il dessine. Le seul exercice normatif ayant une portée juridique est le vote des lois de finances, initiales ou rectificatives. Ici, il s’agit d’indications.
En écartant les deuxième, troisième, quatrième et cinquième lignes de ce tableau, nous sommes suspects, à n’en point douter, d’être approximatifs, car accepter la première ligne, c’est prendre un engagement pour l’ensemble des gestionnaires publics.
Quand on commence à analyser – première ligne pour l’État, deuxième ligne pour les organismes divers d’administrations centrales, troisième ligne pour la protection sociale, quatrième ligne pour les collectivités locales –, on se rend compte objectivement qu’on ne peut pas aller beaucoup plus loin.
Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, que vous vous mépreniez sur l’intention qui nous a conduits à rédiger ce sous-amendement approuvé par tous les membres de la commission des finances. Nous sommes très conscients de l’ampleur de la tâche qui reste à accomplir. C’est vrai au niveau de l’État ; c’est vrai au niveau des collectivités territoriales.
Il faudrait que le Gouvernement cesse de procéder ainsi par voie législative. Mais, me direz-vous, c’est le Parlement qui vote et il n’est jamais obligé d’adopter les normes proposées dans un projet de loi.
Mes chers collègues, ces dernières années, nous avons voté quelques-unes de ces normes dont nous avons certainement sous-estimé la faisabilité financière. Soyons désormais résolus de ne légiférer que d’une main tremblante.
Il y a des normes qui sont réglementaires. Là encore, le Gouvernement devrait être attentif au fait que nombre de ces normes risquent de nous conduire à être tentés d’adopter une loi de type « Grenelle », au niveau des intentions ! Quand il faudra en tirer les conséquences sur le plan budgétaire, nous serons pris dans une sorte de schizophrénie.
L’exercice auquel nous procédons aujourd'hui avec ce projet de loi de programmation des finances publiques est une première. C’est un engagement collectif.
Conscients du caractère très relatif de la faisabilité de certains de ces engagements, nous préférons nous en tenir à la première ligne du tableau proposé.
Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, ne vous méprenez ni sur notre intention fondamentale ni sur la volonté qui nous anime.
M. Alain Gournac. Sur le fond, nous sommes d’accord !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous serons à vos côtés pour tendre vers l’équilibre des finances publiques.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, permettez-moi en toute amitié de vous dire que je me « méprends » tout de même un peu ! (Sourires.)
Vous avez beaucoup poussé pour qu’il y ait une loi de programmation. Il aurait pu ne pas y en avoir, nous aurions pu continuer à tenir de simples débats d’orientation budgétaire, de les étendre sur plusieurs années, d’envoyer des documents à Bruxelles, etc.
Mme Nicole Bricq. C’est dans la Constitution !
M. Éric Woerth, ministre. Certes, mais c’est parce qu’on a souhaité l’y inscrire !
Cet outil est donc extrêmement important. C’est un outil de gestion des finances publiques, et les finances publiques forment un tout : ce n’est pas uniquement celles de l’État, ce sont aussi celles des collectivités locales.
Évidemment, il existe des degrés de pilotage très différents. Le degré de pilotage de l’État est total puisque la responsabilité des décisions de gestion lui incombe entièrement et à lui uniquement ; ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas, mais on sait qui est responsable. En ce qui concerne les collectivités, la responsabilité est « fractionnée ». Néanmoins, il existe une vision collective des finances locales. Certes, personne ne prend de décisions sur le plan collectif, mais chacun participe à une microdécision. Il reste qu’il en ressort un solde global, faisant apparaître un besoin de financement de l’ensemble des collectivités territoriales.
La gestion des finances locales est donc également « pilotable ». Le Parlement, tout particulièrement le Sénat, peut émettre des souhaits et décider de définir des orientations à l’égard des collectivités, lesquelles orientations porteront peut-être, au fil du temps, des fruits.
Pourquoi vouloir presque dénaturer ou affaiblir l’exercice de programmation des finances publiques ? Je sais parfaitement que la dernière ligne, qui concerne les collectivités, figure à titre indicatif dans le tableau, car nous n’avons pas les moyens d’imposer une gestion aux collectivités. Mais tout budget est par principe indicatif puisqu’il doit encore être exécuté après avoir été décidé !
Dans cette ventilation, l’essentiel de l’effort est réalisé par l’État : 0,9 point de PIB entre 2008 et 2012, contre 0,3 point pour les collectivités. Pourtant, le budget de l’État n’est pas trois fois plus important que celui de l’ensemble des collectivités ! La participation de l’État est donc marquée, ce qui est d’ailleurs normal dans la mesure où il porte la plus grande part du déficit.
Par ailleurs, historiquement, les collectivités ont souvent été en excédent. À une époque, elles n’avaient même pas besoin de financement. Les objectifs affichés aujourd'hui me semblent par conséquent réalistes.
Vouloir mettre tout le monde « dans le même sac » est aussi un peu déresponsabilisant parce que, affichant seulement une projection globale, vous supprimez des objectifs qui sont « pilotables », soit ceux de l’État et de la sécurité sociale, tout simplement parce que vous souhaitez annuler ceux qui sont afférents aux collectivités locales. Laissez au moins ceux qui relèvent de l’État ! Simplement, la ligne n’apparaîtra pas ; mais on pourra toujours la déduire du reste ! Ou alors, si vous ne voulez ne pas avoir l’impression de donner des instructions aux collectivités, de manière à manifester leur indépendance, indiquez que cette cinquième ligne figure à titre indicatif.
Quoi qu’il en soit, les finances publiques sont un tout et nous sommes jugés, comme les autres États, sur ce tout.
Le fait de pouvoir voter sur des objectifs segmentés ne remet en cause l’indépendance de personne. Certes, le pilotage n’est pas le même pour tous, mais l’objectif doit être au moins transparent pour les uns et pour les autres. N’empêchez pas l’État et la sécurité sociale d’avoir leurs objectifs !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, dans ce cas, il faudrait supprimer les première et cinquième lignes et ne garder que l’État, les organismes divers d’administrations centrales et les administrations de sécurité sociale.
Si l’on a des doutes sur la dernière ligne et si l’on fait l’hypothèse que les deuxième, troisième et quatrième lignes sont sincères, cela signifie que la première ligne est erronée !
Monsieur le ministre, Bruxelles n’a jamais dû se faire beaucoup d’illusions sur les programmes de stabilité que la France lui a régulièrement transmis. (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Et qu’elle a violés !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tous faisaient apparaître à échéance de trois ans le retour à l’équilibre...
M. Philippe Marini, rapporteur général. La différence est que nous ne les avons jamais votés !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai !
Pour atteindre cet objectif, il faudra que, tous ensemble, nous manifestions encore plus de courage et de détermination dans l’engagement d’un certain nombre de réformes structurelles. Il me semble que nous ne sommes pas encore parvenus à ce stade.
Ce sont des objectifs généraux. Il est déjà bien que nous nous engagions sur la première ligne. Nous ne dissimulons pas notre doute sur la faisabilité des objectifs apparaissant sur la cinquième ligne.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 2 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Est approuvé le rapport annexé à la présente loi précisant le contexte, les objectifs et les conditions de réalisation de la programmation des finances publiques pour la période mentionnée à l'article 1er.
Mme la présidente. Je suis saisie de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
Je ne reviendrai pas sur ce que nous avons déjà dit et je considère que cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Les douze amendements suivants sont présentés par le Gouvernement.
L'amendement n° 33 est ainsi libellé :
Remplacer les deux premières phrases du troisième alinéa du 1 du A du I du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :
En 2009, l'impact de la crise conduit à prévoir une croissance comprise dans une fourchette de 0,2 % à 0,5 %.
L'amendement n° 34 est ainsi libellé :
I. Dans la première phrase du premier alinéa du 2 du A du I du rapport annexé, remplacer les mots :
2,5 % par an à partir de 2010
par les mots :
2 % en 2010 et 2,5 % par an à partir de 2011.
II. Rédiger comme suit le tableau constituant le dernier alinéa du 2 du A du I du rapport annexé :
2010 |
2011 |
2012 |
|
PIB |
2,0 |
2,5 |
2,5 |
Déflateur de PIB |
1,75 |
1,75 |
1,75 |
Indice des prix à la consommation |
1,75 |
1,75 |
1,75 |
Masse salariale du secteur privé |
4,0 |
4,6 |
4,6 |
L'amendement n° 35 est ainsi libellé :
I. Rédiger comme suit la seconde phrase du premier alinéa du 1 du C du I du rapport annexé :
Avec le retour en 2010 à une croissance de 2 % atteignant 2,5 % à compter de 2011, le redressement structurel des finances publiques amorcé en 2007 se traduira par une réduction du déficit effectif en moyenne de 0,6 point de PIB entre 2010 et 2012.
II. Rédiger comme suit le tableau constituant le troisième alinéa du 1 du C du I du rapport annexé :
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
solde public |
-2,9 |
-3,1 |
-2,7 |
-1,9 |
-1,2 |
variation du solde public |
-0,2 |
-0,2 |
0,5 |
0,8 |
0,7 |
dont effet de la conjoncture |
-0,5 |
-0,7 |
-0,1 |
0,1 |
0,1 |
dont variation du solde structurel |
0,3 |
0,5 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
L'amendement n° 36 est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du 2 du C du I du rapport annexé, remplacer les mots :
redeviendrait excédentaire dès 2010 pour atteindre 0,2 point de PIB en 2011 et 0,3 point de PIB en 2012
par les mots :
se redresserait dès 2010 pour atteindre l'équilibre en 2011
L'amendement n° 37 est ainsi libellé :
I. Rédiger comme suit le premier alinéa du 3 du C du I du rapport annexé :
La conjoncture dégradée en début de période devrait rendre difficiles les cessions d'actifs non stratégiques des administrations compte tenu des conditions de marché, ce qui se traduirait par une progression de la dette, tendance qui s'inverserait toutefois en 2011 : en effet, à compter de 2010 la réduction du déficit public et le retour à une croissance plus élevée réduiraient le ratio de dette de 1 point de PIB en 2011 et d'environ 1½ point de PIB en 2012. La programmation intègre en outre l'impact sur la dette publique de l'activité de la société de prises de participation de l'État dans le cadre du plan de soutien au financement de l'économie.
II. Remplacer le graphique constituant le dernier alinéa du 3 du C du I par le graphique suivant :
L'amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le 1 du B du II du rapport annexé :
1. L'évolution des recettes fiscales nettes.
Après une faible augmentation en 2009, les recettes fiscales devraient retrouver un rythme dynamique dès 2010.
En 2009, les recettes seraient en recul de 0,8 milliard d’euros par rapport à 2008, du fait de trois phénomènes :
- Tout d'abord l'environnement macroéconomique: la faible croissance en 2008 devrait peser sur l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés; la faible croissance en 2009 sur la TVA. Au total, l'évolution spontanée des recettes fiscales nettes devrait être limitée à 0,7 % pour une progression du PIB en valeur prévue à 2,3 %, soit une élasticité au PIB de 0,3.
- Les mesures nouvelles déjà adoptées continueraient à monter en puissance avec un coût de 2,9 milliards d’euros, lié principalement au crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, à l'exonération des heures supplémentaires et au crédit d'impôt recherche. Hors financement de l'audiovisuel public, les mesures nouvelles proposées en projet de loi de finances pour 2009 auraient quant à elles un coût globalement nul (l'aménagement du régime des biocarburants compensant la suppression progressive de l'imposition forfaitaire annuelle, l'IFA).
À partir de 2010, le retour de la croissance devrait permette de retrouver des évolutions des recettes fiscales nettes supérieures.
La dynamique des mesures nouvelles serait sur cette période nettement plus faible (+1,5 milliard d’euros seulement en moyenne annuelle sur la période 2010-2012, résultant du crédit impôt intéressement et de la fin de la montée en charge de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat et de la réforme du crédit impôt recherche).
L'amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Le 1 du D du II du rapport annexé est ainsi rédigé :
1. En comptabilité budgétaire
L'ensemble des évolutions exposées ci-dessus conduisent à une dégradation du solde en euros courants en 2009, puis à son amélioration dès 2010.
État (présentation courante, en millions d’euros)
|
Exec 2007 |
LFI 2008 |
prév 2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
DÉPENSES EN NORME ÉLARGIE - périmètre courant |
333,6 |
340,9 |
344,9 |
348,4 |
354,7 |
361,1 |
367,4 |
RECETTES FISCALES NETTES - périmètre courant |
272,3 |
276,9 |
271,9 |
269,1 |
277,9 |
289,3 |
301,9 |
RECETTES NON FISCALES - périmètre courant |
23,1 |
22,8 |
22,9 |
22,6 |
23,5 |
24,7 |
25,9 |
SOLDE CST (HORS FMI ET CAS PFE) |
0,0 |
0,0 |
0,6 |
-0,8 |
0,9 |
1,2 |
1,5 |
SOLDE ÉTAT - périmètre courant |
-38,2 |
-41,2 |
-51,4 |
-57,6 |
-52,4 |
-45,9 |
-38,1 |
L'amendement n° 40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le tableau constituant le dernier alinéa du 2 du D du II du rapport annexé :
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
SOLDE ÉTAT - comptabilité budgétaire en milliards d'euros |
-51,4 |
-57,6 |
-52,4 |
-45,9 |
-38,1 |
SOLDE ÉTAT - comptabilité budgétaire en % du PIB |
-2,6 |
-2,9 |
-2,5 |
-2,1 |
-1,7 |
« CLE DE PASSAGE » - en milliards d'euros |
2,2 |
3,7 |
2,7 |
2,7 |
2,7 |
SOLDE ÉTAT - comptabilité nationale en % PIB |
-2,5 |
-2,7 |
-2,4 |
-2,0 |
-1,6 |
L'amendement n° 41, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le tableau constituant l'avant-dernier alinéa du 2 du E du II du rapport annexé :
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
RECETTES - comptabilité nationale |
66,9 |
74,8 |
76,6 |
79,3 |
82,0 |
DEPENSES - comptabilité nationale |
67,4 |
71,8 |
73,7 |
74,2 |
74,4 |
SOLDE ODAC - comptabilité nationale |
-0,5 |
3,1 |
2,8 |
5,1 |
7,6 |
En % du PIB |
0,0 |
0,2 |
0,1 |
0,2 |
0,3 |
L'amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le tableau constituant le dernier alinéa du F du II du rapport annexé :
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
RECETTES - comptabilité nationale |
370,0 |
375,3 |
388,2 |
406,6 |
425,1 |
DEPENSES - comptabilité nationale |
419,8 |
426,1 |
435,0 |
444,8 |
452,8 |
SOLDE APUC - comptabilité nationale |
-49,8 |
-50,8 |
-46,9 |
-38,2 |
-27,7 |
En % du PIB |
-2,5 |
-2,5 |
-2,3 |
-1,8 |
-1,2 |
L'amendement n° 43, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le tableau constituant le dernier alinéa du 1 du A du IV du rapport annexé :
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Solde ASSO - comptabilité nationale |
- 0,3 |
- 5,9 |
- 4,0 |
- 0,7 |
2,2 |
En % PIB |
0,0 |
- 0,3 |
- 0,2 |
0,0 |
0,1 |
L'amendement n° 44, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le tableau constituant le dernier alinéa du A du V du rapport annexé :
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Recettes - en % PIB |
11,0 |
11,1 |
11,1 |
11,1 |
11,0 |
Dépenses - en % PIB |
11,3 |
11,4 |
11,3 |
11,1 |
11,0 |
Solde APUL - % du PIB |
- 0,3 |
- 0,3 |
- 0,2 |
- 0,1 |
0,0 |
Solde APUL - en milliards d’euros |
- 6,1 |
- 6,1 |
- 4,2 |
- 1,8 |
- 0,8 |
La parole est à M. le ministre, pour présenter ces amendements.
M. Éric Woerth, ministre. Ces amendements s’appliquent au rapport annexé au projet de loi.
Ce sont des amendements de cohérence par rapport aux réajustements que nous avons opérés dans le texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est défavorable à l’amendement n° 12.
Les amendements nos 33, 34, 35 et 36 recueillent un avis favorable de la commission.
Toutefois, l’amendement n° 36 nous amène à interroger le Gouvernement.
Cet amendement révise l’évolution des besoins de financement des administrations de sécurité sociale. Serait-il possible de nous apporter quelques précisions plus détaillées sur les raisons conduisant à la dégradation prévue ? Quelle est la part des moindres recettes et quelle est celle des dépenses nouvelles ?
Par ailleurs, serait-il possible de faire apparaître la ventilation des soldes entre les régimes de base de sécurité sociale, le régime d’assurance chômage et les régimes complémentaires ? Ce point nous semble significatif dans la mesure où un basculement du produit des cotisations d’assurance chômage vers l’assurance vieillesse – je parle sous le contrôle de membres éminents de notre commission des affaires sociales – est envisagé pour financer ces régimes sans alourdir les prélèvements obligatoires.
Enfin, il serait souhaitable de connaître l’impact de cette révision sur le solde du régime général de la sécurité sociale, dans la mesure où le projet de loi de financement de la sécurité sociale sera examiné dans les prochains jours au Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 12 ?
M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.
Par ailleurs, M. le rapporteur général m’ayant sollicité à propos de l’amendement n° 36, je vais m’efforcer de lui répondre « au débotté ».
Je pense que les précisions demandées portent sur l’année 2009, puisque c’est elle qui va supporter l’essentiel de la dégradation.
En ce qui concerne les recettes, les cotisations sociales devraient être inférieures de 2,7 milliards d’euros au montant initialement prévu. Par rapport aux prévisions, la CSG diminue de 500 millions d’euros, la CSG-capital et la CRDS de 150 millions d’euros, la taxe sur les salaires de 400 millions d’euros. Au total, nous prévoyons 3,7 milliards d’euros de diminution des recettes, à un titre ou à un autre.
S’agissant des dépenses, les prestations de l’UNEDIC augmentent à hauteur de 350 millions d’euros et les prestations indexées sur les prix devraient croître à hauteur de 1 milliard d’euros, en raison de l’accélération de l’inflation. Au total, la dégradation devrait être d’environ 3,5 ou 3,6 milliards d’euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci, monsieur le ministre.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, vous n’avez pas donné l’avis de la commission sur les amendements nos 37 à 43.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sont des amendements de coordination ou de conséquence, qui reçoivent évidemment un avis favorable de la commission.
En ce qui concerne l’amendement n° 44, j’aurais voulu faire part de quelques remarques.
La part de dépenses des administrations publiques locales dans le produit intérieur brut s’accroît de 0,1 point par rapport au texte initial : on le comprend puisque le PIB est plus faible que prévu. En revanche, il est plus étonnant que la part des recettes des administrations publiques locales dans le PIB demeure stable.
J’ai disposé de peu de temps pour analyser ces chiffres, mais j’aurais tendance à considérer que, si les recettes fiscales augmentent spontanément à peu près à la même vitesse le PIB et si les dotations sont indexées sur la seule inflation – ou un petit peu plus –, la part des recettes des administrations locales dans le PIB devrait logiquement diminuer. Mais peut-être le Gouvernement considère-t-il que les collectivités territoriales vont augmenter leurs taux d’imposition. Est-ce ce que signifie cet amendement ?
Le temps imparti à la commission des finances pour se pencher sur cette question ayant été très bref, elle ne peut que s’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement n° 44.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je pense que nous serons en mesure de vous apporter des précisions ultérieurement, lors de la discussion du projet de loi de finances, parce que ces ajustements ont été mis au point très rapidement.
Toutefois, je vous fais observer que toutes les recettes ne sont pas nécessairement de nature fiscale. D’autres types de recettes ont leur dynamique propre. Ce tableau a été construit sur le même modèle que celui qu’il remplace.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
CHAPITRE II
L’évolution des dépenses publiques
Article 4 A
L’évolution des dépenses publiques en volume pour la période 2009 à 2012 s’établit à 1,1 % en moyenne annuelle.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet article part du constat selon lequel le cadre fixé par la loi de programmation est suffisamment strict et serré pour réduire quasiment à néant toute marge de manœuvre dans les choix budgétaires de l’État, des collectivités locales ou de la sécurité sociale.
Implicitement, le président Didier Migaud, en défendant cette proposition, a reconnu que le contenu de cette loi de programmation fixe un cadre contraignant qui standardise les dépenses et ne reconnaît manifestement plus aux élus la moindre possibilité d’innovation.
L’article 4 A considère comme possible une évolution en volume des dépenses publiques globales, sur la période 2009 à 2012, de 1,1 % en moyenne annuelle. La mise en œuvre d’un tel principe aboutit, au mieux, à stabiliser la dépense publique au regard de la progression du produit intérieur brut mais, surtout, crée une sorte d’effet de seuil.
Une hausse moyenne des dépenses publiques de 1,1 % en volume signifie, dans les faits, qu’une augmentation plus importante des dépenses ordonnancées par les collectivités locales impliquerait une compensation au moyen d’une moindre progression des dépenses de l’État ou de la protection sociale. En vertu de quoi devrions-nous accepter une telle situation ?
La modification apportée montre la difficulté de l’exercice. Comment, avec une telle conception, traite-t-on en effet la qualité de la dépense ? Car telle est bien la seule question qui mérite véritablement d’être posée.
Les dépenses publiques ne se mesurent pas qu’en termes comptables, avec des plus dans une colonne et des moins dans une autre. Elles ont une logique propre et des spécificités irréductibles : les collectivités locales ne dépensent pas de la même manière que l’État tout simplement parce qu’elles n’ont pas vocation à exercer certaines compétences de caractère éminemment national.
C’est pour ces raisons que nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer le mot :
publiques
par les mots :
de l’ensemble constitué par l’État, les organismes divers d’administration centrale et les régimes obligatoires de base de sécurité sociale
La parole est à M. le rapporteur général pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 13.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L’amendement n° 3 s’inscrit dans le même esprit, s’agissant de la norme de dépense, que celui qui a été voté il y a quelques minutes.
La commission estime que la norme de dépense doit s’appliquer à l’ensemble constitué par l’État, les organismes divers d’administration centrale et les régimes obligatoires de base de sécurité sociale. En revanche, elle a considéré, je l’ai déjà dit, qu’il n’était ni opportun ni réaliste de fixer une norme pour l’ensemble des administrations publiques en y incluant les collectivités territoriales et l’assurance chômage, dont le Gouvernement ne peut pas contrôler toutes les dépenses.
Il s’agit donc d’une position de cohérence par rapport à celle que j’ai défendue sur le solde.
Sur l’amendement n° 13, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 13.
Sur l’amendement n° 3, il s’en remettra à la sagesse du Sénat.
Monsieur le rapporteur général, autant je ne parviens pas à suivre votre raisonnement sur la ventilation du solde, parce que je pense que chacune des composantes du solde global représente un objectif politique et peut se piloter – si une loi de programmation des finances publiques ne posait pas de contraintes, elle ne présenterait aucun intérêt ! –, autant je peux comprendre que nous n’ayons pas à fixer un objectif globalisé, incluant les administrations publiques locales, quant à la maîtrise de la dépense.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 A, modifié.
(L’article 4 A est adopté.)
Article 4
La progression annuelle des dépenses de l’État n’excède pas, au cours de la période mentionnée à l’article 1er et à périmètre constant, l’évolution prévisionnelle des prix à la consommation, selon les modalités décrites dans le rapport annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les dépenses publiques de l’État visent, en répondant aux besoins collectifs, à participer de l’effort en faveur de l’emploi et de la croissance.
Elles sont fixées chaque année dans le cadre des lois de finances.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. L’article 4 vise à encadrer strictement la progression des dépenses de l’État. Une telle orientation ne peut évidemment recevoir notre approbation.
Malgré l’application systématique des outils de la régulation à la baisse des dépenses et la généralisation de la pratique des « chapitres réservoirs », les déficits et la dette publics n’en continuent pas moins de croître et d’embellir, l’emploi de diminuer et le pouvoir d’achat de reculer.
II est temps d’adopter une autre définition des dépenses publiques. Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, cette progression s’établit à + 0,1 % en volume en 2009.
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement a révisé son hypothèse d’inflation pour 2009. Celle-ci s’établit à 1,5 %, contre 2 % retenus lors de la construction du projet de loi de finances. En conséquence, le plafond des dépenses de l’État devrait être abattu de 0,5 %, de manière à préserver la norme « zéro volume ».
Toutefois, le Gouvernement a fait le choix de ne pas répercuter cette baisse de l’inflation sur le montant des concours de l’État aux collectivités territoriales ; compte tenu de leur poids au sein du budget de l’État, cela implique, pour ce dernier, une hausse en volume de 0,1 % pour 2009, comme l’exprime le présent amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
A. - Compléter cet article par un II ainsi rédigé :
II. - La progression annuelle des dépenses fiscales n’excède pas, au cours de la période mentionnée à l’article 1er, l’évolution prévisionnelle des prix à la consommation.
B. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I. -
La parole est à M. le rapporteur général pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur les amendements nos 14 rectifié et 28.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L’amendement n° 4 vise à soumettre la dépense fiscale à la même norme « zéro volume » que la dépense budgétaire. Il s’agit donc d’un amendement de principe.
La commission est défavorable à l’amendement n° 14 rectifié, qui ne lui semble pas clairement normatif.
En revanche, l’amendement n° 28 est un excellent amendement, que j’ai salué lors de la discussion générale. Bien qu’il n’ait pas pour conséquence une progression de la dépense en valeur absolue par rapport au texte initial, il s’agit bien, à titre exceptionnel, pour l’année 2009, d’aller au-delà de la règle du « zéro volume », ce qui peut être considéré, monsieur le ministre, comme une mesure de soutien de l’activité via les dépenses des collectivités territoriales.
La commission est donc très favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 14 rectifié.
Il est également défavorable à l’amendement n° 4.
Je m’en suis déjà expliqué, on ne peut pas soumettre les dépenses fiscales, en tout cas aujourd’hui, à la règle du « zéro volume ». D’abord, ces dépenses sont actuellement très diverses. Ensuite, nous avons décidé de les encadrer et nous allons considérablement progresser à cet égard dès cette année.
Nous avons déjà réussi à mieux contrôler la production de dépenses fiscales ou de dépenses sociales par le Gouvernement lui-même, ce qui répond aux demandes récurrentes des ministres depuis des années. En dehors du Grenelle de l’environnement, et dans le cadre d’une politique cette fois bien assumée, il y a relativement peu de dépenses fiscales nouvelles. On est donc bien dans une voie d’assainissement de l’état d’esprit relatif aux dépenses fiscales.
Si nous appliquons la règle du « zéro volume » à la dépense fiscale, il faut préciser quelles sont les dépenses que l’on entend supprimer. En effet, la progression annuelle des dépenses fiscales - qu’il faut contrôler, j’en suis d’accord – s’établit à environ 3 % ou 4 %. Pour s’en tenir au « zéro volume », il faut soit en supprimer - et c’est assez compliqué car, derrière chaque dépense fiscale, il y a des droits –, soit les plafonner. Mais peut-on, à un moment donné, arrêter de distribuer la prime pour l’emploi ou considérer que les travaux effectués dans une résidence n’ouvrent plus droit à tel avantage fiscal parce que l’« enveloppe » des dépenses fiscales est d’ores et déjà consommée.
Il faut vraiment se donner du temps, compte tenu des avancées que nous réalisons cette année, pour continuer à travailler sur la dépense fiscale afin d’en limiter la production. Peut-être sera-t-il possible, au fil du temps et de l’évaluation que vous avez demandée, et qui sera faite, de supprimer certaines dépenses fiscales. Nous avons là un outil. Mais si vous appliquez la règle du « zéro volume » aux dépenses fiscales, il faut préciser quelles dépenses vous entendez supprimer, et je crains que nous n’ayons un peu de mal à nous mettre d’accord sur le sujet.
Par ailleurs, je précise que la production de nouvelles dépenses fiscales est gagée, dans ce projet de loi, par une économie du même montant.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, nous l’avons compris, en la matière, la commission et le ministre partagent les mêmes préoccupations. Il est clair que beaucoup de problèmes doivent être traités avant qu’on parvienne à une norme qui soit pleinement opérationnelle pour les dépenses fiscales. À chaque jour suffit sa peine ! Nous y reviendrons, mais, dans l’immédiat, l’amendement n° 4 est retiré.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 est donc retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
En 2009, 2010 et 2011, les crédits alloués aux missions du budget général de l'État respectent, selon les modalités précisées dans le rapport annexé à la présente loi, les montants suivants, exprimés en milliards d'euros :
|
(En milliards d'euros) |
||||||||
MISSIONS |
Autorisations d'engagement |
Créditsde paiement |
Dont contributionau compte d'affectation spéciale « Pensions » |
||||||
2009 |
2010 |
2011 |
2009 |
2010 |
2011 |
2009 |
2010 |
2011 |
|
Action extérieure de l'État |
2,50 |
2,58 |
2,50 |
2,52 |
2,55 |
2,52 |
0,12 |
0,13 |
0,14 |
Administration générale et territoriale de l'État |
2,61 |
2,63 |
2,56 |
2,60 |
2,63 |
2,56 |
0,47 |
0,51 |
0,54 |
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales |
3,24 |
2,93 |
2,92 |
3,49 |
3,16 |
3,03 |
0,23 |
0,25 |
0,27 |
Aide publique au développement |
3,38 |
2,85 |
4,43 |
3,17 |
3,24 |
3,24 |
0,02 |
0,03 |
0,03 |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
3,55 |
3,44 |
3,34 |
3,53 |
3,45 |
3,34 |
0,06 |
0,06 |
0,06 |
Conseil et contrôle de l'État |
0,55 |
0,57 |
0,59 |
0,55 |
0,57 |
0,59 |
0,10 |
0,12 |
0,13 |
Culture |
2,84 |
2,72 |
2,72 |
2,78 |
2,80 |
2,82 |
0,16 |
0,17 |
0,19 |
Défense |
47,79 |
37,00 |
37,76 |
37,39 |
38,06 |
38,72 |
7,01 |
7,16 |
7,28 |
Direction de l'action du Gouvernement |
0,49 |
0,52 |
0,53 |
0,54 |
0,51 |
0,51 |
0,02 |
0,03 |
0,03 |
Écologie, développement et aménagement durables |
10,25 |
10,25 |
9,39 |
10,07 |
10,20 |
9,34 |
0,90 |
0,91 |
0,95 |
Économie |
1,91 |
1,93 |
1,94 |
1,90 |
1,92 |
1,93 |
0,22 |
0,23 |
0,25 |
Enseignement scolaire |
60,01 |
61,67 |
62,95 |
59,99 |
61,65 |
62,93 |
15,15 |
16,61 |
17,85 |
Gestion des finances publiques et des ressources humaines |
11,63 |
11,39 |
11,41 |
11,37 |
11,54 |
11,53 |
2,26 |
2,44 |
2,57 |
Immigration, asile et intégration |
0,51 |
0,51 |
0,51 |
0,51 |
0,51 |
0,51 |
0,01 |
0,01 |
0,01 |
Justice |
8,32 |
7,14 |
7,10 |
6,65 |
6,94 |
7,04 |
1,13 |
1,26 |
1,38 |
Médias |
1,02 |
1,01 |
0,99 |
1,01 |
1,00 |
0,99 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
Outre-mer |
1,97 |
2,00 |
2,00 |
1,88 |
1,93 |
1,93 |
0,03 |
0,03 |
0,03 |
Politique des territoires* |
0,39 |
0,35 |
0,32 |
0,37 |
0,38 |
0,38 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
Recherche et enseignement supérieur |
24,56 |
25,45 |
26,27 |
24,16 |
24,96 |
25,87 |
2,16 |
2,42 |
2,65 |
Régimes sociaux et de retraite |
5,18 |
5,45 |
5,75 |
5,18 |
5,45 |
5,75 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
Relations avec les collectivités territoriales |
2,41 |
2,46 |
2,51 |
2,34 |
2,40 |
2,44 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
Santé |
1,13 |
1,15 |
1,17 |
1,16 |
1,17 |
1,19 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
Sécurité |
16,16 |
16,71 |
17,27 |
16,23 |
16,63 |
17,00 |
4,85 |
5,19 |
5,50 |
Sécurité civile |
0,45 |
0,41 |
0,45 |
0,42 |
0,42 |
0,43 |
0,04 |
0,04 |
0,04 |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
11,20 |
11,58 |
12,13 |
11,18 |
11,60 |
12,15 |
0,21 |
0,23 |
0,25 |
Sport, jeunesse et vie associative |
0,80 |
0,75 |
0,73 |
0,79 |
0,77 |
0,75 |
0,11 |
0,12 |
0,13 |
Travail et emploi |
11,73 |
10,74 |
10,60 |
11,82 |
10,74 |
10,51 |
0,15 |
0,17 |
0,18 |
Ville et logement |
7,60 |
7,30 |
7,28 |
7,64 |
7,53 |
7,37 |
0,05 |
0,05 |
0,06 |
Engagements financiers de l'État |
46,00 |
47,44 |
49,40 |
46,00 |
47,44 |
49,40 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
Provisions |
0,23 |
0,66 |
1,15 |
0,23 |
0,66 |
1,15 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
Pour mémoire : Pouvoirs publics |
1,05 |
1,06 |
1,07 |
1,05 |
1,06 |
1,07 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
* Le montant de la contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » de la mission Politique des territoires n'est pas égal à zéro mais est inférieur à 10 millions d'euros. |
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. L’article 5 montre les limites de ce projet de loi de programmation. Il traduit l’orientation générale de maîtrise des dépenses publiques et aboutit à la mise en déclin de plusieurs missions budgétaires essentielles par compensation de celles qui vont croître.
Les dépenses publiques, dans ce tableau, sont de plus en plus rigides, et l’on constate – sans surprise, bien sûr – que le seul poste de dépenses vraiment dynamique dans ce tableau, c’est le service de la dette.
À noter quand même un bonus important : 3,4 milliards d’euros sont octroyés, de 2009 à 2011, pour le seul poste dit des engagements financiers de l’État, alors que l’on gèle l’aide publique au développement, qu’on réduit les crédits destinés à l’agriculture ou ceux de la ville et du logement !
II faut bien payer la rente des marchés financiers et il est vrai que l’indexation des titres de dette sur l’inflation, véritable garantie du pouvoir d’achat pour les acteurs des marchés financiers, est une charge de plus en plus lourde.
Nous refusons ce jeu de compensations, ce jeu du « plus ici et moins ailleurs » et surtout celui du plus pour les marchés financiers et moins pour toutes les activités et les dépenses socialement utiles.
Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'antépénultième ligne du tableau constituant le second alinéa de cet article :
Engagements financiers de l'État |
44,80 |
46,24 |
48,20 |
44,80 |
46,24 |
48,20 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit d’amender les crédits qui sont inscrits dans le budget triennal par mission en traduisant sur la charge de la dette les dernières évolutions économiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est favorable à l'amendement n° 29.
Toutefois, je note, à la lecture de l’objet de cet amendement, que « le Gouvernement fournira une nouvelle répartition des crédits des missions, traduisant l’impact de la moindre inflation sur les charges de pensions qui est évalué à 150 millions d’euros en 2009 et 200 millions d’euros en 2010 et 2011 ».
Je crois comprendre, monsieur le ministre, que, dans le projet de loi de finances initiale, cette « économie prévisionnelle » ou plutôt ce changement de mode de calcul emportera des conséquences pour les crédits des différentes missions sur lesquels s’imputent les dépenses de pensions en question. Pouvez-vous nous en donner confirmation ?
Par ailleurs, la commission est défavorable à l’amendement n°15 pour une raison simple : l’article 5, qui comporte la répartition triennale des objectifs de dépenses mission par mission, est le plus concret de ce projet de loi C’est particulièrement important pour les gestionnaires de crédits parce que cela leur apporte la visibilité nécessaire. Si l’on supprimait cet article, il n’y aurait absolument plus de programmation triennale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 15 ?
M. Éric Woerth, ministre. L’article 5 est effectivement au cœur de ce projet de loi. Les dispositions qu’il contient ont été négociées sur trois ans avec chaque ministère.
Évidemment, nous nous sommes cantonnés aux missions de l’État. Nous n’avons pas affiché les budgets de chaque collectivité, mais peut-être aurions-nous dû le faire ! (Sourires.)
En ce qui concerne les charges de pensions, nous allons les répartir par mission, c'est-à-dire en gros par ministère. Nous voulons le faire d’une manière très précise, et cela figurera dans le projet de loi de finances.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, dans l’amendement du Gouvernement, les années ne sont pas indiquées. Partez-vous de 2008 ou de 2009 ?
M. Jean-Pierre Fourcade. Autrement dit, pour 2009, vous proposez de passer de 46 milliards à 44,8 milliards d'euros.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Au cours de la période mentionnée à l'article 1er, l'évolution de l'ensemble constitué par les prélèvements sur recettes de l'État établis au profit des collectivités territoriales, par la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle inscrite sur la mission « Travail et emploi » et par les dépenses du budget général relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » n'excède pas, chaque année et à périmètre constant, l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation, selon les modalités décrites dans le rapport annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 23, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. À l’article 6 du projet de loi, il est proposé de fixer une norme d’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Je ferai plusieurs observations.
Tout d’abord, nous ne sommes pas opposés à l’établissement d’une norme d’évolution de l’enveloppe des dotations. En effet, nous sommes à l’origine du contrat de croissance et de solidarité, institué en 1999, qui prévoyait une évolution fondée sur le taux de l’inflation majoré d’une partie de la croissance ; en effet, il nous paraissait normal de faire bénéficier les collectivités des fruits de la croissance à laquelle elles participent fortement.
Si nous ne sommes pas opposés à la création d’une telle norme, nous en contestons néanmoins fortement les règles d’évolution et le périmètre.
Vous prévoyez en effet que les dotations ne pourront évoluer au maximum qu’au rythme prévu de l’inflation, en excluant donc toute considération du taux croissance. L’évolution de l’enveloppe serait donc, pour 2009, de 1,1 milliard d'euros, soit de 2 %, c'est-à-dire 0,5 point de plus que l’inflation révisée que vous nous présentez aujourd’hui.
Parler comme vous semblez le faire de cadeau accordé par l’État aux collectivités nous semble relever d’une présentation fallacieuse de la réalité.
En effet, l’évolution de l’enveloppe pour 2009 se fait sur un périmètre élargi à d’autres dotations, notamment au fonds de compensation pour la TVA, aux amendes de police, etc. Par conséquent, si nous considérons seulement l’évolution de l’enveloppe à partir de son niveau de 2008, l’augmentation n’est plus de 2 % mais se situe seulement entre 0,7 % et 0,8 %.
En outre, l’inflation retenue par le Gouvernement ne semble pas être celle qui est subie par les collectivités territoriales, et mesurée à l’aide de l’indice communément appelé « panier des maires ». À titre d’exemple, au premier trimestre de 2008, l’évolution de cet indice était de 3,4 % sur les quatre derniers trimestres tandis que l’inflation était de 1,9 %, soit un écart de 1,5 point !
Par ailleurs, l’intégration au sein de cette enveloppe de nombreuses autres dotations et du FCTVA entraîne une contrainte financière importante sur les autres concours financiers puisque, pour 2009, le besoin d’autofinancement serait de l’ordre de 440 millions d’euros, soit une baisse de 22,81 % des dotations de compensations d’exonérations fiscales, dont 17 points du fait du FCTVA.
Le prétendu cadeau du Gouvernement de 275 millions d’euros, en raison du maintien d’une évolution de 2 %, ne compensera pas les pertes occasionnées pour les collectivités.
Cette contrainte ne pourra que s’accentuer au regard de l’évolution dynamique du FCTVA – 12 % d’augmentation -, qui conduira, à terme, à la disparition de ces dotations.
Maintenir une telle pression sur les recettes des collectivités territoriales conduirait inévitablement à l’étranglement de leur budget au regard de leurs charges de plus en plus importantes.
Vous indiquez dans votre rapport que l’État s’engage aux côtés des collectivités territoriales dans la maîtrise de leurs dépenses, notamment en ne poursuivant pas les transferts de compétences au-delà de l’achèvement des transferts liés à l’acte II de la décentralisation. Nous sommes d’accord sur ce point, mais que faire des engagements et des appels à contribution quotidiens de la part de l’État aux collectivités territoriales, dans tous les domaines où l’État n’a plus les moyens d’intervenir, éducation, transport, logement, et j’en passe ?
Par ailleurs, vous affirmez que la création de la Commission consultative d’évaluation des normes permettrait « une meilleure prise en compte des contraintes des collectivités dans la production normative de l’État ». Or, lors de la première réunion de cette commission, qui a duré deux heures, ce ne sont pas moins de 200 millions d’euros qui ont été mis à la charge de l’État.
Par conséquent, l’effet de ciseau qu’entraînerait le maintien d’une telle norme face à des charges toujours plus importantes n’est pas acceptable pour les collectivités territoriales, qui ne seront plus en mesure de remplir pleinement leurs missions de service public.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'action des collectivités locales prend en compte les besoins de la population. La programmation des finances publiques contribue à donner aux collectivités territoriales les moyens, sous forme de dotations budgétaires ou par la voie d'une fiscalité locale moderne et rénovée, de remplir les compétences que la loi leur confie.
S'agissant des dotations, elles ne peuvent progresser d'un niveau inférieur à l'évolution constatée des prix à la consommation.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Avec cet article, il nous est proposé de « préempter » le contenu des lois de finances pour 2010 à 2012 en encadrant strictement la progression des concours de l’État aux collectivités locales.
J’ai déjà évoqué l’effet déformé des évolutions des concours ; je n’y reviens donc pas.
En limitant la progression des concours budgétaires à la stricte inflation, on se retrouve face à une situation où toute mise en œuvre sur le terrain est impossible et, en tout cas, à une présentation fondamentalement insincère.
Quels sont, en effet, les éléments des concours budgétaires de l’État qui vont servir de variable d’ajustement ? Comment se traduiront ces objectifs ? En troquant le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée ? En mettant en cause la progression de la dotation globale de fonctionnement ou celle de la dotation d’aménagement ? En réduisant le nombre des bénéficiaires des dotations de solidarité ? Ce sont autant de questions que l’on peut se poser à l’étape où nous en sommes. Les débats qui ont eu lieu dernièrement ont déjà soulevé ces problèmes.
Va-t-on continuer à réduire les compensations d’allégements d’impôts décidés au niveau national, alors que ces allégements sont censés être compensés à l’euro près ?
Il est grand temps qu’on cesse de procéder par abattements d’assiette ou par compensations insuffisantes de mesures provisoires appelées à durer. Nous avons d’ailleurs pu le constater avec la malheureuse dotation de compensation de taxe professionnelle, qui équivaudra bientôt à zéro !
Il faut moderniser les impositions locales, et particulièrement la taxe professionnelle, pour tenir compte des réalités et de l’évolution de l’économie, notamment de la montée en puissance du financier et de l’immatériel.
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Après les mots :
au profit des collectivités territoriales,
insérer les mots :
à l'exception du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée,
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les conséquences financières résultant pour l'État de la non-intégration du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée dan la norme d'évolution des concours de l'État aux collectivités territoriales sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Cet amendement porte sur le périmètre de l’enveloppe normée et, particulièrement, sur le FCTVA, que vous avez choisi d’intégrer à cet ensemble.
Monsieur le ministre, plusieurs raisons nous amènent à demander le retrait de ce fonds de l’enveloppe.
Tout d’abord, le FCTVA ayant une évolution dynamique – il a augmenté de 12 % en 2009 –, son intégration dans l’ensemble des dotations dont l’évolution est limitée à 2 % fait peser une contrainte importante sur les autres dotations. Elle entraînerait une baisse de 17 % des compensations d’exonérations fiscales, qui, à en croire le projet de loi initial, diminueraient au total de 440 millions d’euros.
Si le FCTVA devait être maintenu au sein de l’enveloppe normée, la pression serait telle que ces dotations de compensation disparaîtraient à l’horizon de 2013.
Par conséquent, vous ne pouvez pas promettre aujourd’hui, comme vous le faites, que vous ne réformerez pas le FCTVA. C’est un leurre ! À défaut de réforme, ce sont les autres dotations, et peut-être la DGF, qui devront baisser à l’avenir.
Pour preuve de la volonté de réforme du Gouvernement, des propositions ont été présentées devant le Comité des finances locales. Tant les membres de l’opposition que ceux de la majorité ont voté contre la création d’un groupe de travail sur ce sujet, que le Gouvernement avait sollicité. Et pour cause ! Les propositions présentées par le Gouvernement tendaient toutes à nier le caractère de « remboursement » du FCTVA.
Vous proposez d’instaurer un taux différencié selon les bénéficiaires ou selon la nature des dépenses, ou bien encore de faire du fonds une dotation globale d’investissement. L’objectif du Gouvernement est clair : il souhaite limiter, voire geler, l’évolution de ce fonds. Il est en effet tentant d’en faire une simple subvention dont l’État aurait la maîtrise. Il s’agirait alors d’un réel retour en arrière par rapport au mouvement décentralisateur dans notre pays.
Une telle réforme signifierait le coup d’arrêt des investissements des collectivités territoriales, qui, pour l’heure, représentent les trois quarts de l’investissement public. Le FCTVA sert, pour de nombreuses collectivités, d’autofinancement à de nouveaux investissements.
Par ailleurs, au moment où toutes les autres dotations d’investissement et d’équipement sont gelées dans le projet de loi de finances pour 2009, il est indispensable d’exclure le FCTVA de l’ensemble des dotations afin de maintenir, pour l’avenir, son rôle auprès des collectivités territoriales.
En ces temps de crise financière et économique, le soutien à l’investissement est indispensable et il reposera en grande partie sur les collectivités territoriales.
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer les mots :
n'excède pas, chaque année et à périmètre constant,
par les mots :
est égale, chaque année et à périmètre constant, à
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précision, qui vise à harmoniser la formulation employée dans l’article avec celle qui figure dans l’exposé des motifs.
Si je ne me trompe pas, la règle est que l’évolution des concours totaux de l’État aux collectivités territoriales doit être à « zéro volume », c'est-à-dire au niveau de l’inflation, mais pas au-dessous. Si l’on prévoit que cette évolution « n’excède pas » l’inflation, cela peut signifier qu’elle peut être inférieure.
C'est la raison pour laquelle nous préférerions qu’on écrive que l’évolution « est égale » à la prévision d’inflation. Cela ne sera pas valable en 2009 : la situation sera plus favorable compte tenu de la stagnation actuelle et, comme le disait fort bien Bernard Angels, de l’importance des dépenses, particulièrement des dépenses d’investissement, des collectivités territoriales dans une telle conjoncture.
Mme la présidente. L'amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, pour 2009, cette évolution est supérieure de 0,5% à celle prévue pour les prix à la consommation.
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement porte sur l'évolution des concours de l'État aux collectivités territoriales en 2009. Comme pour les autres dispositions, nous procédons à une rectification.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est solidaire du Gouvernement : le « zéro volume » est la règle et celle-ci doit s’appliquer de la manière la plus globale possible. Cela concerne notamment l’intégration du FCTVA dans la masse globale.
Je rappelle que, contrairement aux propos entendus ici ou là, chaque collectivité ayant réalisé des investissements pourra bénéficier des restitutions au titre de ce fonds deux ans après la réalisation de ces investissements. Les droits de chaque collectivité ne seront en rien minorés ou amputés. C’est au niveau global et pour le calcul de l’ensemble des concours de l’État aux collectivités territoriales que le FCTVA sera intégré dans la masse, laquelle évoluera selon la règle du « zéro volume ». En 2009, à titre exceptionnel, il y aura une augmentation de 0,5 % en volume.
La commission est donc défavorable aux amendements nos 23, 16 et 24. En revanche, elle émet un avis très favorable sur l'amendement n° 30.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Comme nous avons beaucoup parlé de ces sujets depuis ce matin, je ne répéterai pas les arguments que j’ai déjà employés.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 23, 16 et 24. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 5, qui précise que l’évolution des concours est égale à l’inflation. Il est vrai que, avec l’expression « ne peut excéder », la porte était peut-être trop grande ouverte ! Je remarque toutefois, monsieur le rapporteur général, que vous n’avez pas déposé un amendement de même nature concernant les dépenses de l’État… (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 24.
Mme Marie-France Beaufils. À titre de repli, nous voterons cet amendement dans la mesure où le FCTVA est bien un fonds de « remboursement » aux collectivités territoriales.
Je tiens beaucoup à cette idée, et je ne suis pas la seule. La grande majorité des élus s’est clairement exprimée dans ce sens. Le débat que nous avons eu au sein du Comité des finances locales l’a également confirmé.
Nous devrions tous reconnaître ici que ce fonds de compensation, à partir du moment où il est inclus dans l’enveloppe d’évolution de la dépense, autrefois appelée « enveloppe normée », pourra produire des effets très négatifs sur l’investissement, car plus les collectivités investiront, plus leurs autres dotations diminueront.
Cela me semble foncièrement anti-économique puisque, comme on le sait, l’essor des investissements des collectivités territoriales a permis au secteur du bâtiment et des travaux publics de maintenir un très haut niveau d’activité. Cela a aussi contribué à conserver un grand nombre d’emplois non seulement dans le secteur public, mais aussi dans le secteur privé. Je vous renvoie à des rapports qui ont été présentés voilà un peu plus d’un an sur ces questions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nous n’avons pas exagéré puisque nous n’avons déposé que deux amendements, de principe, sur ce sujet.
Les questions qui ont été posées au ministre tout à l’heure, y compris par nos collègues de la majorité, dénotent, à mon sens, une très grande inquiétude chez les élus locaux, concernant notamment la norme de dépenses et l’inclusion du FCTVA.
Ce sont les questions que nous avons voulu soulever avec ces amendements, même si, j’en ai bien conscience, ils relèvent plutôt du projet de loi de finances pour 2009, que nous examinerons dès la semaine prochaine en commission des finances. Nous sommes vraiment là au cœur du sujet en ce qui concerne les collectivités locales. Monsieur le ministre, soyez-en conscient, le débat que nous aurons dans les jours qui viennent au Sénat sera difficile pour vous !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Au cours de la période mentionnée à l'article 1er, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base évolue chaque année de 3,3 % en valeur, à périmètre constant, selon les modalités décrites dans le rapport annexé à la présente loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La programmation des finances publiques, et notamment les lois de financement de la sécurité sociale, tend à donner à l'ensemble des régimes obligatoires de base les moyens leur permettant de répondre aux besoins pour la santé publique, la protection de la famille, la prise en charge de la cessation d'activité, du handicap et de la dépendance.
Ces moyens donnent priorité à l'égalité d'accès aux soins et à l'égalité de traitement entre les assurés.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Que faut-il penser de l’article 7, sinon que l’on va exiger une fois encore des assurés sociaux et des malades de contribuer au financement de leur propre traitement en restreignant le niveau de prise en charge des soins, que l’on va créer une nouvelle hausse du forfait hospitalier, que l’on va accélérer la libération des lits d’hôpitaux occupés par les malades eux-mêmes ? De telles mesures ne peuvent évidemment obtenir notre assentiment !
Il faut sortir des ornières du passé et des méthodes de maîtrise comptable en vigueur depuis l’adoption du plan Juppé, qui n’ont rien empêché durablement concernant la dérive des comptes sociaux.
Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement très littéraire et très vague n’est pas vraiment un texte de nature normative.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
CHAPITRE III
La maîtrise des recettes de l'État et de la sécurité sociale
Article 8
Au cours de la période mentionnée à l'article 1er, les éventuels surplus, constatés par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'État, sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Mon argumentaire vaudra également pour l’amendement n° 19 déposé à l’article 9.
Même s’il est peut-être désormais plus facile de créer des surplus de recettes publiques quand on a décidé de réviser à la baisse les perspectives de croissance, on ne peut décider du contenu des futures lois de finances par l’intermédiaire d’un projet de loi de programmation.
À lire l’article 8, c’est en effet à une utilisation exclusive des surplus de recettes au bénéfice de la réduction du déficit que nous serions invités. Outre le fait qu’il faut laisser à la représentation nationale le droit d’affecter à d’autres objectifs les surplus de recettes constatés, cette disposition ne vient que confirmer que le projet de loi reprend une fois encore la logique de la maîtrise purement comptable que nous subissons depuis trop longtemps.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Même si, je le concède volontiers, cet article est très théorique dans la conjoncture actuelle, il contient un principe de bonne gestion, que nous avions d’ailleurs exprimé à plusieurs reprises.
La commission ne peut donc souscrire à un amendement qui vise à le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
I. - Au titre de la période mentionnée à l'article 1er, les mesures nouvelles relatives aux impositions de toute nature établies au profit de l'État ne peuvent avoir pour conséquence une diminution des recettes fiscales nettes de l'État par rapport aux montants suivants exprimés en milliards d'euros :
|
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Recettes fiscales nettes de l'État |
275,9 |
286,2 |
298,1 |
311,3 |
II. - Au titre de la période mentionnée à l'article 1er, les mesures nouvelles relatives aux impositions de toute nature, cotisations et contributions sociales établies au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ne peuvent avoir pour conséquence une diminution des recettes de ces régimes par rapport aux montants suivants exprimés en milliards d'euros :
|
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Recettes des régimes obligatoires de base |
432,6 |
451,7 |
472,3 |
491,6 |
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 19, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 6, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Au début des I et II de cet article, après les mots :
Au titre
insérer (deux fois) les mots :
de chaque année
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet article fixe une règle en matière d'impact global des « mesures nouvelles », c’est-à-dire des alourdissements ou des allégements, sur les recettes fiscales et sociales.
Afin que le dispositif soit pleinement opérant, la règle doit s’appliquer chaque année et non globalement sur la période concernée, sans quoi la tentation serait forte de prendre les mesures agréables les deux premières années et de repousser les plus ingrates à la troisième année, pour finalement ne jamais les mettre en œuvre, ce qui serait dommage.
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le I et le II de cet article :
A.- Remplacer (deux fois) les mots :
par rapport aux montants suivants exprimés en milliards d'euros :
par les mots :
tant que le déficit des administrations publiques de l'année précédente est supérieur à 1,5 point de PIB.
B. - Supprimer les tableaux constituant les seconds alinéas des I et II de cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise avant tout à susciter la réflexion sur le fonctionnement du dispositif qui nous est proposé.
Cet article fixe la règle selon laquelle les « mesures nouvelles », c'est-à-dire les allégements ou les alourdissements, concernant les recettes de l'État et de la sécurité sociale ne peuvent s'appliquer, conformément à un principe de responsabilité, que si les recettes concernées sont inférieures à ce que prévoit la programmation.
L’intention est bonne. Pour autant, nous ne sommes pas certains du caractère opérationnel de ce dispositif.
Tout d’abord, les chiffres des recettes sont exprimés en valeur absolue. Que se passera-t-il si l’inflation s’écarte des prévisions ?
Ensuite, faut-il comprendre, par exemple, que si, en 2009, les recettes sont inférieures aux prévisions, ce qui ne pourra être constaté qu'en 2010, il faudra attendre le projet de loi de finances pour 2011 pour prévoir la compensation des allégements nets éventuels entrés en vigueur en 2009 et en 2010 ? Est-ce bien réaliste ?
Imaginons que l’on crée un crédit d’impôt et qu’il ait du succès pendant deux ans. Faudra-t-il lui couper les jarrets la troisième année ?
Même si j’ai eu assez peu de temps pour réfléchir, j’ai envisagé une solution beaucoup plus globale. Elle consisterait à ne plus faire de sacrifice sur les recettes de l’État ou de la sécurité sociale tant que le solde global des finances publiques ne s’est pas suffisamment amélioré.
Je m’explique. Puisque l’objectif est d’être sensiblement en deçà de 3 % du produit intérieur brut, prenons un seuil égal à la moitié de cette norme issue du traité de Maastricht, soit 1,5 point du PIB. Dès lors, tant que le déficit des administrations publiques est supérieur à 1,5 point du PIB, abstenons-nous de faire des cadeaux qui aboutissent à réduire les recettes fiscales ou sociales.
Monsieur le ministre, je le répète, cet amendement de méthode est un appel à la réflexion.
Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le tableau constituant le second alinéa du I cet article :
|
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Recettes fiscales nettes de l'État |
269,1 |
277,9 |
289,3 |
301,9 |
L'amendement n° 32, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le tableau constituant le second alinéa du II de cet article :
|
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Recettes des régimes obligatoires de base |
430,2 |
448,0 |
468,5 |
487,6 |
La parole est à M. le ministre, pour présenter ces deux amendements.
M. Éric Woerth, ministre. Dans le droit-fil des amendements que le Gouvernement a déjà présentés, ces amendements visent à traduire l’impact des nouvelles hypothèses économiques sur les recettes de l’État, d’une part, et sur les recettes des régimes obligatoires de sécurité sociale, d’autre part.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est défavorable à l’amendement n° 19, qui vise à supprimer l’article 9.
Les amendements nos 31 et 32 étant des amendements de conséquence, la commission émet un avis favorable. Toutefois, elle serait heureuse de connaître l’avis du Gouvernement sur l’appel qu’elle a lancé avec l’amendement n° 7.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 19.
Concernant l’amendement n° 6, qui prévoit une vérification chaque année et non pas sur la période 2009-2012 et qui a trait au problème du gage en face d’un niveau de recettes, nous pensons qu’il faut conserver le cycle pour des raisons de souplesse. Concrètement, si une niche fiscale est votée, il faut la gager. Cependant, et c’est le cas de la plupart des niches fiscales, elle peut très bien monter en puissance. On le sait, le coût d’une mesure fiscale aujourd’hui et son coût dans trois ans peuvent être très différents. Mieux vaut donc la gager dans son ensemble, car il est très compliqué de revenir chaque année sur une dépense fiscale de l’année précédente.
De plus, on ne calcule pas de la même manière une niche fiscale selon qu’elle porte sur la TVA ou sur l’impôt sur le revenu. Techniquement, il ne s’agit pas de la même période, ce qui pourrait poser problème.
Il faut en rester à l’état d’esprit qui a prévalu lors de l’élaboration de cette disposition, c’est-à-dire gager sur la durée du cycle prévu dans le projet de loi de programmation, d’autant que nous poursuivons le même objectif ; il s’agit simplement d’une question de modalités.
L’amendement n° 7 vise d’une certaine façon à sécuriser les recettes tant que le déficit n’est pas inférieur à 1,5 point du PIB. Si le principe n’est pas contestable, il me semble tout de même difficile à mettre en œuvre.
S’il était adopté, cet amendement ferait perdre beaucoup de souplesse à la politique budgétaire, même si le retour à l’équilibre des finances publiques reste l’un de nos objectifs.
Ainsi, à partir de 2009, l’imposition forfaitaire annuelle sera supprimée sur trois ans. Nous estimons en effet qu’il est très important de décharger les entreprises d’un impôt considéré comme injuste par toutes les PME et par un certain nombre de gros commerçants, notamment. Cette mesure coûtera cher à l’État,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut trouver les recettes correspondantes !
M. Éric Woerth, ministre. …mais nous pensons que c’est une bonne chose pour l’économie. Nous ne pourrions pas mettre en œuvre une politique économique de ce genre dans le cadre du dispositif que vous préconisez, monsieur le rapporteur général, puisque nous sommes au-dessus de 1,5 point du PIB.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il suffirait de gager la mesure !
M. Éric Woerth, ministre. Nous devons garder un peu de souplesse, notamment pour conduire la politique économique. Une telle disposition serait probablement beaucoup trop rigide et pourrait même à un moment donné se retourner contre nous.
Si la commission pouvait retirer cet amendement, cela nous permettrait de continuer à discuter de cette question dans la sérénité. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il est formidable de commencer à supprimer l’imposition forfaitaire annuelle, car cela répond sans doute à une très forte attente des petites et moyennes entreprises. Mais notre amendement n’y ferait en rien obstacle. Le Gouvernement peut parfaitement consentir un avantage fiscal au profit des entreprises et soumettre simultanément au vote du Parlement une mesure de compensation pour veiller à l’équilibre des finances publiques.
Le Parlement a trop souvent consenti des réductions d’impôts ou des allégements de charges sans se soucier de les compenser par des recettes supplémentaires.
Monsieur le ministre, lorsque vous aurez à réfléchir à la réforme de la taxe professionnelle, il est clair que si vous prenez une feuille de route comme celle de 2003, vous n’aurez aucune chance d’aboutir.
Il est temps d’expliquer à nos concitoyens que nous ne sommes pas des magiciens et que lorsqu’un avantage est consenti au nom de l’intérêt économique et de la collectivité, parce que c’est un facteur d’emploi et de croissance, il faut bien que quelqu’un mette la main à la poche pour assurer l’équilibre des finances publiques.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, les amendements nos 6 et 7 sont-ils maintenus ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. En ce qui concerne l’amendement n °6, je suis assez convaincu par les explications de M. le ministre. Je retire donc bien volontiers cet amendement.
En revanche, s’agissant de l’amendement n °7, je suis moins convaincu. Cependant, je reconnais qu’il serait utile de débattre de ce sujet. Comme j’ai grand plaisir à débattre avec M. le ministre – même si techniquement, sur tel ou tel point, je peux ne pas être totalement en accord avec lui –, pour préserver un espace de débat, je vais, à ce stade, retirer également cet amendement.
Mme Nathalie Goulet. C’est dommage !
Mme la présidente. Les amendements nos 6 et 7 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 19.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
Au titre de la période mentionnée à l'article 1er, les créations ou extensions :
1° De dépenses fiscales ;
2° Ainsi que de réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement,
sont compensées par des suppressions ou diminutions de mesures relevant respectivement des 1° et 2°, pour un montant équivalent, selon les modalités précisées dans le rapport annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 20, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Dans les trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, l'ensemble des dispositifs de dépense fiscale, d'allégements de cotisations sociales, de remboursements et de dégrèvements d'impôts est l'objet d'une analyse critique.
Toute mesure ne présentant pas de pertinence sociale et économique avérée est l'objet d'une suppression dans la plus proche loi de finances ou loi de financement de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. L’article 10 porte sur la question des dépenses fiscales et des politiques d’allégements de cotisations ou contributions sociales.
La dépense fiscale, sur le fond, c’est la mise en cause du principe d’égalité devant l’impôt ! Cela est d’autant plus vrai lorsque, s’agissant des seules mesures chiffrées dans l’évaluation des voies et moyens, ce sont plus de 80 milliards d’euros que l’on consacre aux remboursements et dégrèvements d’impositions de toute nature.
Ce sont donc aussi, nous l’avons vu, plus de 40 milliards d’euros de pertes de recettes sociales, qui sont aujourd’hui imparfaitement compensés.
Ce sont enfin nombre de mesures diverses non chiffrées, qui ne sont pas sans incidence sur les comptes publics, et qui se sont souvent accumulées année après année.
Le seul principe du report en arrière des déficits pour les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés représente plus de 10 milliards d’euros manquant à l’appel !
Et que dire des régimes particuliers d’imposition des revenus fonciers, des plus-values des particuliers comme des entreprises, des sociétés foncières, et j’en passe, qui ne sont pas évalués mais dont la portée est réelle ?
Il est temps de procéder à une évaluation critique de ces engagements financiers.
Ainsi, cela fait quelque temps que notre commission des affaires sociales, celle de l’Assemblée nationale, ou encore la Cour des comptes s’interrogent sur le sens donné aux politiques de l’emploi, et notamment aux politiques d’allégement du coût du travail.
Au-delà de savoir si le coût de ces politiques est de 32 milliards ou de 42 milliards d’euros, c’est plutôt dans le champ des principes que nous souhaitons voir se poser la question.
Les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires ont été adoptés parce que, selon les objectifs présentés, ils étaient « favorables à la création d’emploi ». Ils étaient même considérés comme l’outil par excellence de soutien à l’économie et au développement des entreprises.
Mais, depuis, la crise économique montre que les difficultés des entreprises sont plutôt du côté de l’accès au crédit, et plus particulièrement pour les PME, ce dont nous avions déjà conscience.
Au demeurant, cela ne concerne pas seulement les entreprises. Ainsi, pour retrouver une certaine profitabilité, les partenaires financiers des collectivités territoriales semblent proposer aujourd’hui des emprunts assortis de taux de marge relevés dans une proportion importante.
Cela confirme notre demande d’exigence du Gouvernement en direction du secteur bancaire, qui doit assumer ses responsabilités quand il s’est engagé dans des placements non maîtrisés.
Les mêmes travers sont observés dans le secteur du crédit aux entreprises, et ce malgré les engagements qu’aurait pris la profession devant le Président de la République à l’occasion de la discussion du plan de sauvetage.
Il est donc crucial que nous procédions, dans le droit-fil de la programmation, à une véritable approche critique des dépenses fiscales comme des allégements de cotisations sociales.
Prenons un exemple : les 32 milliards d’euros d’allégements de cotisations serviraient à maintenir dans le champ du salariat 800 000 emplois par an. En clair, cela voudrait dire que le maintien d’un emploi au travers des allégements de cotisations coûterait environ 50 000 euros par an, soit une somme très largement supérieure à la rémunération annuelle des personnes concernées !
Ce début d’approche critique montre combien il serait fructueux de réfléchir et d’agir sur l’ensemble de ces questions et de ces mesures de fiscalité incitative.
C’est en fonction de ces observations que nous proposons cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Au début de la première phrase de cet article, après les mots :
Au titre
insérer les mots :
de chaque année
L'amendement n° 9, également présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
A. - Compléter cet article par un II ainsi rédigé :
II. - Sauf mention contraire, chaque mesure relevant du 1° ou du 2° du I instaurée par un texte promulgué au cours de la période mentionnée à l'article 1er n'est applicable qu'au titre des trois années qui suivent celle de son entrée en vigueur.
B. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I. -
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter ces deux amendements et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 20.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais d’abord rappeler l’importance de l’article 10, qui encadre opportunément les niches fiscales et sociales. Il faut souligner ce progrès de volonté et de méthode.
Cependant, la commission aurait souhaité deux précisions ou améliorations par rapport à ce dispositif.
En premier lieu, l’amendement n° 8 prévoit que la compensation entre un nouveau régime et la réduction d’un régime existant devrait s’opérer année par année et non pas sur toute la période 2009-2012.
En second lieu, l’amendement n° 9 rappelle que les régimes préférentiels ou niches fiscales et sociales doivent faire l’objet d’évaluations.
Afin de conduire le Gouvernement à une véritable évaluation des nouvelles niches, nous préconisons un principe d’extinction automatique au bout de trois années. Par conséquent, on se contraindrait, si l’on voulait conserver ces principes préférentiels, à les voter de nouveau. Sauf un nouveau vote explicite, le régime tomberait. Tel est l’objet de l’amendement n° 9.
Quant à l’amendement n° 20, la commission y est défavorable.
Que l’ensemble des dispositifs fasse l’objet d’une analyse critique, voire, si l’on arrivait à s’entendre sur le périmètre concerné, soit supprimé, pourquoi pas ? La suppression de l’ensemble des niches, à la vérité, c’est la solution la plus radicale, la plus satisfaisante et la plus transparente aux problèmes que nous rencontrons. Mais encore faudrait-il prévoir une contrepartie, c’est-à-dire la baisse, au moins une baisse significative, des taux des impôts concernés.
Un impôt avec une assiette plus large et un taux plus bas pourrait être plus efficace.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est ce qui a failli se passer en 2006 : le barème a été revu à la base et on n’a pas touché aux niches.
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, on a perdu une belle occasion ! À ce moment-là, il eût en effet été possible, en ce qui concerne l’impôt sur le revenu, d’abaisser les taux et de supprimer un grand nombre de niches. Mais la démarche s’est arrêtée en chemin, d’ailleurs assez vite.
Pour répondre à Mme Beaufils, à ce stade, son amendement ne me paraît pas tout à fait suffisant, même si je salue son inspiration concernant le respect des contraintes des finances publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. S’agissant de l’amendement n° 20, le Gouvernement émet le même avis que la commission. Votre amendement, madame Beaufils, est satisfait par de nombreuses dispositions du projet de loi de finances pour 2009. Le texte prévoit notamment un dispositif d’évaluation en ce qui concerne les niches fiscales. Quant à la question de la durée déterminée, nous en discuterons dans le cadre de ce projet de loi de finances.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement en l’état. Mais vous aurez largement satisfaction dans un texte plus complet.
Pour ce qui est de l’amendement n° 9, j’émets un avis favorable, si vous acceptez, monsieur le rapporteur général, d’augmenter d’une année la durée de trois ans.
Vous proposez pour l’instant une durée de trois ans à laquelle s’ajoute l’année du vote, ce qui fait donc quatre ans. Une durée de cinq ans, en incluant l’année du vote, nous semblerait préférable. Cela permettrait d’obtenir un dispositif balai. Pour le vote de chaque niche, il serait possible de déroger à cette durée, en proposant par exemple trois ans ou sept ans. Mais en l’absence de précision, un dispositif balai d’une durée de cinq ans nous paraît plus adapté, puisqu’il aurait une portée générale. (M. Alain Gournac acquiesce.)
Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n °8, qui prévoit que la règle de gage s’applique chaque année et non sur l’ensemble de la programmation.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous de modifier l’amendement n° 9 dans le sens souhaité par M. le ministre ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
A. - Compléter cet article par un II ainsi rédigé :
II. - Sauf mention contraire, chaque mesure relevant du 1° ou du 2° du I instaurée par un texte promulgué au cours de la période mentionnée à l'article 1er n'est applicable qu'au titre des quatre années qui suivent celle de son entrée en vigueur.
B. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I. -
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Comme je l’ai dit en commission des finances, il est un peu absurde de fixer un délai à un crédit d’impôt.
En effet, on décréterait ainsi, à l’avance et sans évaluation, les crédits d’impôt dénués de pertinence passés trois, quatre ou cinq ans ! Or certains d’entre eux pourraient être utiles, je l’ai indiqué dans la discussion générale, au bien-être social ou à l’activité économique, et notamment en termes de ressort de compétitivité.
En revanche, il importe de se donner les moyens d’une évaluation – cette tâche revient, selon moi, au Parlement – et de faire le tri entre les crédits d’impôt inutiles et ceux qui sont utiles au bien-être social et à l’activité économique.
Adopter cette disposition reviendrait à se lier les mains par avance, ce qui serait dangereux. Il faut être vigilant sur la pertinence de ces niches fiscales, un grand nombre de rapports nous ayant montré que beaucoup d’entre elles sont des avantages catégoriels injustifiés dans la durée. Prendre cette mesure de principe ne me semble pas une bonne méthode. On donnerait, en outre, un prétexte au Gouvernement pour les supprimer sans les évaluer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, mon explication de vote vaudra pour l’amendement n° 20 mais également pour l’amendement n° 9 rectifié.
Je souhaite revenir sur la conception de notre groupe en matière d’allégements fiscaux, qui s’appuie sur l’expérience. Nous aurons en effet l’occasion d’en parler lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009.
Actuellement, les outils dont nous disposons, en tant que parlementaires, pour connaître l’efficacité des allégements fiscaux sont très faibles. Les renseignements qui figurent dans les documents budgétaires mis à notre disposition sont insuffisants. Une mesure systématique serait efficace si, comme vient de le dire Mme Nicole Bricq, nous disposions d’une analyse sur les effets de ces dispositifs au regard des raisons ayant présidé à leur mise en place. Tel est le sens de ce que nous proposons au travers de l’amendement n° 20.
C’est pourquoi l’amendement n° 9 rectifié ne répond que partiellement à nos préoccupations.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
CHAPITRE IV
La mise en œuvre de la programmation
Article 11
I. - Le Gouvernement présente chaque année au Parlement :
1° Au plus tard le premier mardi d'octobre, l'objectif annuel de coût retenu pour les dépenses fiscales de l'exercice à venir et de l'exercice en cours, ainsi que le montant de dépenses fiscales constaté pour le dernier exercice clos ;
2° Au plus tard le 15 octobre, l'objectif annuel de coût des réductions, exonérations et abattements mentionnés au 2° de l'article 10 retenu pour l'exercice à venir et l'exercice en cours, ainsi que le montant du coût constaté, pour le dernier exercice clos, de ces réductions, exonérations et abattements.
II. - À cette occasion, il présente également un bilan des créations, modifications et suppressions de mesures visées à l'article 10 adoptées dans les douze mois qui précèdent ou prévues par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale afférents à l'année suivante.
III. - Dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de toute mesure visée à l'article 10, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de son efficacité et de son coût. Pour les mesures en vigueur à la date de publication de la présente loi, cette évaluation est présentée au plus tard le 30 juin 2011.
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer les II et III de cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. L’amendement n° 21 comme l’amendement n° 22 sont des amendements de cohérence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Par cohérence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
Chaque année, le Gouvernement établit et transmet au Parlement, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire et au plus tard avant le débat d'orientation budgétaire, un bilan de la mise en œuvre de la présente loi. En cas d'écart par rapport à la programmation des finances publiques fixée à l'article 2, il précise les mesures envisagées pour l'année en cours et les années suivantes afin d'en assurer le respect.
Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase de cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 22.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je voudrais d’abord féliciter le Gouvernement de s’être engagé dans la voie difficile d’une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.
Cet exercice, que nous réclamions depuis longtemps avec M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, vous nous l’avez présenté dans un contexte économique très difficile, monsieur le ministre. Vous avez été obligé de modifier les différentes évaluations et vos hypothèses macroéconomiques mais, en dépit de ces évolutions et des amendements afférents, l’exercice valait la peine d’être tenté parce qu’il donne un certain nombre de bases et de perspectives à la programmation des dépenses et des recettes de l’ensemble des organismes publics pour les trois prochaines années.
Ensuite, un léger différend nous a opposés, monsieur le ministre, lorsque vous avez proposé de placer sous la toise l’ensemble des collectivités territoriales. Au Sénat, représentant des collectivités territoriales de la République, il était inconcevable que nous acceptions un tel dispositif.
Je pense que dans le cadre de la commission mixte paritaire, ce que vous souhaitez, c’est voir se dégager du Parlement et de la majorité une volonté d’être responsables et de participer à la réduction des déficits et, surtout, à la réduction de l’endettement. Je ne doute pas que nous trouverons une formule pour y arriver.
Il reste deux problèmes très difficiles sur lesquels nous sollicitons un débat approfondi. Le premier, c’est le Fonds de compensation de la TVA.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Jean-Pierre Fourcade. J’ai noté avec intérêt que vous avez répété à plusieurs reprises qu’il s’agissait d’un remboursement et non pas d’une dotation.
Mme Nicole Bricq. Oui ! Il l’a dit !
Mme Marie-France Beaufils. On l’a entendu !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce point me paraît essentiel.
Le second problème, c’est la réforme de la taxe professionnelle. Aux dires d’un certain nombre de personnes, elle serait rapidement votée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Rien ne presse !
M. Jean-Pierre Fourcade. Croyez-en mon expérience : c’est une affaire extrêmement difficile.
Sur ces deux points, le dialogue doit se poursuivre entre le Gouvernement et sa majorité, sans oublier l’opposition car chacun a des idées sur ces sujets.
Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, je vous félicite d’avoir réussi à nous présenter une loi de programmation courageuse en dépit des difficultés que traverse, à l’heure actuelle, notre pays.
C’est la raison pour laquelle le groupe UMP, unanime, vous apportera tout son soutien et votera ce texte.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. J’ai expliqué, ce matin, les raisons de fond qui nous conduisent à nous opposer à cette programmation des finances publiques. Je n’y reviendrai pas.
Le Gouvernement a révisé à la baisse sa prévision de croissance – compte tenu de la crise économique, il sera certainement amené d’ici à la fin de l’année à la réviser de nouveau – et a pris en considération la décélération de l’inflation. Il a ajusté ses comptes par amendements sans pour autant modifier la logique fiscale qui les sous-tend et que nous ne partageons pas plus en cette fin d’après-midi que ce matin. Le projet de loi n’a pas gagné en crédibilité quant au contexte macroéconomique dans lequel il s’insère pour les trois prochaines années.
Je voudrais évoquer à présent la réforme constitutionnelle dont c’est finalement la première mise en œuvre puisque c’est en vertu de l’article 34 modifié que nous débattons aujourd’hui de ce projet de loi de programmation. Il ne faudrait pas que cette réforme, qui a été présentée comme la volonté de redonner au Parlement du pouvoir face à l’exécutif, se retourne contre le Parlement.
Or le débat que nous avons eu tout à l’heure à l’article 2, à propos de l’amendement n° 2 de la commission des finances, défendu jusqu’au bout par M. le rapporteur général et par M. le président de la commission des finances – et je les en remercie – illustre finalement le fait que cela peut se retourner contre la volonté du Parlement.
Nous verrons en commission mixte paritaire comment nous traduirons l’engagement que nous avons pris à l’unanimité, nous, parlementaires, sur ces travées. Mais je voulais quand même le signaler. Peut-être est-ce une raison supplémentaire pour voter contre le projet de loi ?
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Le texte tel qu’il résulte des travaux du Sénat a été profondément transformé, ne serait-ce que parce que le cadre économique de cette loi de programmation a varié.
L’objectif d’équilibre des finances publiques est abandonné au profit d’une simple réduction du montant des déficits, au sens européen du terme.
C’est là le constat, pour nous, que les politiques d’austérité budgétaire pratiquées en vertu de ces critères de convergence européens ne permettent pas de retrouver le chemin de l’équilibre des comptes publics, bien au contraire.
Sur le fond, la situation de crise que traversent les pays de la zone euro est la meilleure démonstration de ce que nous n’avons eu de cesse de dénoncer.
Ce dont nous avons besoin pour redresser durablement les comptes publics, c’est, nous l’avons dit et je le répète, de mobiliser les ressources publiques pour répondre aux besoins collectifs, et non pas pour ajuster les critères de rentabilité du capital comme cela est fait trop souvent avec les politiques d’allégements divers dont nous constatons chaque jour les effets pervers.
Nous avons besoin aussi de politiques tournant clairement le dos à la libéralisation sans limite des marchés et donnant la priorité au maintien et au renforcement de forts services publics garants d’une réponse adaptée aux attentes de nos concitoyens et sources de cohésion sociale par application du principe d’égalité.
Avec cette loi, nous sommes donc dans un simple processus de maîtrise comptable, dont il est fort à parier qu’il ne permettra pas de suivre la ligne définie par ses propres articles.
Et nous devrons, si l’on suit ce texte à la lettre, discuter demain des mesures d’austérité complémentaires nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés. Nous l’avions vu en 1994 avec la loi d’orientation, nous le verrons demain avec cette loi de programmation. Tout cela parce qu’il faut changer de logique économique et politique et que, selon nous, vous n’y êtes pas encore prêts. En l’attente, nous ne voterons évidemment pas ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous sommes parvenus au terme d’un exercice inédit, la discussion d’un projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.
Nous avons associé à l’examen de ce projet de loi notre traditionnel débat sur les prélèvements obligatoires. Peut-être ce dernier volet a-t-il été un peu occulté par l’actualité et le poids de la crise sur les finances publiques. Sans doute aurons-nous l’occasion d’y revenir lorsque viendra en discussion le projet de loi de finances initiale pour 2009. Pour ma part, je me permettrai de revenir, au moins dans la discussion générale, sur la perspective de sortie de crise, que nous devons avoir à l’esprit.
Á l’issue de la crise, nous devrons veiller à ce que nos territoires, le travail, les entreprises soient parfaitement compétitifs. À partir de la semaine prochaine viendra en discussion le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous savons que les prothèses dentaires sont de plus en plus nombreuses à être façonnées en Asie. Nous plaiderons pour les médicaments génériques, qui sont de plus en plus souvent produits en Inde.
Donc, la question que nous devons nous poser, mes chers collègues, c’est de savoir si nos prélèvements obligatoires sont compatibles avec cette exigence de compétitivité dans une économie globale. Et nous reviendrons une nouvelle fois sur la taxe professionnelle et sur le financement de la protection sociale pour les branches santé et famille. Sur ces points, monsieur le ministre, nous nous montrerons insistants.
Le débat doit avoir lieu et, tous ensemble, nous devons avoir le courage de lever plusieurs tabous.
Nous y reviendrons, mais, pour l’heure, le projet de loi de programmation des finances publiques me semble avoir pour première vertu de nous permettre de nous projeter dans les trois années qui viennent tout en étant un « réducteur d’illusions ».
J’en veux pour preuve l’hésitation que nous avons ressentie lorsqu’il s’est agi d’établir un tableau fixant, pour chacune des grandes « familles » publiques, le niveau des efforts à accomplir pour tendre vers l’équilibre. La formule consistera donc peut-être à annexer le détail pour ne pas lui donner le caractère fortement normatif qu’avait l’article que nous avons amendé.
Ce texte « réducteur d’illusions » nous engage à tendre vers un acte de sincérité et de vérité. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir pris rendez-vous avec le Sénat pour actualiser les hypothèses macroéconomiques qui ont servi de cadre à la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2009.
Nous nous réjouissons que le débat ait pu ainsi être fondé sur des données actualisées. Il nous reste à espérer que les hypothèses se vérifieront en 2009, mais, quoi qu’il en soit, tout sera fait pour que nous puissions traverser la crise dans les moins mauvaises conditions possibles.
Nous savons que le politique est de retour. La démonstration vient d’en être faite pour rétablir la confiance dans la communauté bancaire et financière.
J’espère que nous serons nombreux ce soir à voter ce projet de loi tel qu’il a été amendé par le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme Nathalie Goulet. Yes we can! (Sourires.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
Décisions du conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 6 novembre 2008, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui déclare conforme à la Constitution la résolution modifiant l’article 3 du règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme dans l’organe dirigeant du Sénat.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel à la suite du compte rendu de la présente séance.
En application de l’article 40 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte de deux décisions rendues le 6 novembre 2008 par lesquelles le Conseil constitutionnel a rejeté les requêtes concernant les élections sénatoriales du 21 septembre 2008 dans le département de l’Aube et en Polynésie française.
Acte est donné de cette communication.
Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel à la suite du compte rendu de la présente séance.
7
Dépôt d'une proposition de loi
Mme la présidente. J’ai reçu de Mme Jacqueline Panis une proposition de loi relative à la pénalisation de l’usurpation d’identité numérique.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 86, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
8
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 12 novembre 2008, à seize heures et le soir :
1. Élection au scrutin secret de deux vice-présidents du Sénat.
Le scrutin se déroulera dans la salle des conférences et sera ouvert pendant une heure.
Délai limite pour le dépôt des candidatures : mercredi 12 novembre 2008, à onze heures.
Conformément à l’Instruction générale du bureau, le délai limite pour la transmission des délégations de vote expire à quatorze heures.
Ces délégations doivent être transmises dans le délai précité au secrétariat du service du secrétariat général de la présidence.
2. Discussion du projet de loi (n° 80, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
Rapport (n° 83, 2008-2009) de MM. Alain Vasselle, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot et Mme Sylvie Desmarescaux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 84, 2008-2009) de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
En outre, au plus tard à dix-neuf heures : désignation de secrétaires du Sénat.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD