Sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
2. Financement de la sécurité sociale pour 2009. – Suite de la discussion d'un projet de loi.
Mme Muguette Dini.
Amendements identiques nos 170 de M. Guy Fischer et 286 de Mme Raymonde Le Texier ; amendements nos 33 (priorité), 34 rectifié à 36 de la commission et 351 rectifié de Mme Marie-Thérèse Hermange ; amendements identiques nos 172 rectifié de M. Guy Fischer et 333 de Mme Muguette Dini ; amendements nos 379 rectifié bis de M. Dominique Leclerc, repris par la commission, 412 de M. Philippe Darniche, 454, 451 de M. François Autain, 37 rectifié de la commission et sous-amendements nos 453 rectifié et 452 rectifié de M. François Autain ; amendements nos 413 de M. Philippe Darniche et 38 de la commission. – M. Guy Fischer, Mmes Raymonde Le Texier, Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le médicosocial ; M. Gérard Dériot, Mme Muguette Dini, MM. Philippe Darniche, François Autain, Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. – Retrait de l’amendement no 333 et du sous-amendement no 453 rectifié ; adoption, après une demande de priorité, de l’amendement no 33, les amendements nos 170 et 286 devenant sans objet ; rejet, par scrutin public, de l’amendement no 351 rectifié ; rejet des amendements nos 172 rectifié, 413 et du sous-amendement no 452 rectifié ; adoption des amendements nos 34 rectifié, 35 rectifié bis, 36, 379 rectifié bis, 37 rectifié et 38, les autres amendements devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 39 de la commission. – Mmes Sylvie Desmarescaux, rapporteur ; la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 40 de la commission. – Mmes Sylvie Desmarescaux, rapporteur ; la secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 46
Amendement no 522 rectifié bis de la commission. – M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille ; Mme la secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mme Raymonde Le Texier.
Amendements nos 317 et 321 à 323 de M. Ambroise Dupont. – MM. Ambroise Dupont, le président de la commission, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. – Retrait des quatre amendements.
Adoption de l'article.
MM. René Garrec, le président de la commission.
Mme Raymonde Le Texier.
Amendement n° 41 de la commission. – M. le président de la commission, Mme la ministre. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 48
Amendements nos 249 de M. François Autain et 388 de M. Bernard Cazeau. – M. François Autain, Mme Raymonde Le Texier, M. le président de la commission, Mme la ministre, M. Jean-Pierre Fourcade. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 500 du Gouvernement. – Mme la ministre, M. le président de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 287 de Mme Raymonde Le Texier. – Mme Raymonde Le Texier, M. le président de la commission, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 50
Amendements identiques nos 78 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, et 481 rectifié de M. Jean-Marc Juilhard ; amendements nos 349 de Mme Muguette Dini, 429 de M. Nicolas About et sous-amendement no 531 du Gouvernement – MM. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances ; André Lardeux, Mme Muguette Dini, M. Nicolas About, Mme la ministre, MM. le président de la commission, Jean-Pierre Fourcade. – Retrait des amendements nos 78, 481 rectifié et 349 ; adoption du sous-amendement no 531 et de l'amendement no 429 modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 288 de Mme Raymonde Le Texier. – Mme Gisèle Printz, M. André Lardeux, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 348 de Mme Muguette Dini. – Mme Muguette Dini, M. André Lardeux, rapporteur ; Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 446 de M. François Autain. – MM. François Autain, André Lardeux, rapporteur ; Mme la ministre, M. Guy Fischer. – Rejet.
Mme la ministre.
Mme Claire-Lise Campion.
Amendements identiques nos 52 de la commission et 214 de M. Guy Fischer. – M. André Lardeux, rapporteur ; Mmes Isabelle Pasquet, Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille ; Claire-Lise Campion, M. Jean-Pierre Fourcade. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
3. Candidatures à une commission mixte paritaire
4. Dépôt de rapports du Gouvernement
5. Transmission du projet de loi de finances pour 2009
7. Mise au point au sujet d'un vote
M. Jacques Gautier, Mme la présidente.
8. Financement de la sécurité sociale pour 2009. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
Article additionnel après l'article 70
Amendement n° 53 rectifié de la commission. – M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille ; Mmes Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille ; Claire-Lise Campion. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mmes Claire-Lise Campion, la secrétaire d'État, M. Guy Fischer.
Adoption de l'article.
Mme Claire-Lise Campion.
Amendements nos 215 de M. Guy Fischer, 308 de Mme Claire-Lise Campion, 344 rectifié de Mme Muguette Dini, 523 de la commission et sous-amendements nos 527 du Gouvernement et 532 de Mme Claire-Lise Campion ; amendements nos 304 à 307 de Mme Claire-Lise Campion et 313 rectifié ter de Mme Marie-Thérèse Hermange. – Mmes Isabelle Pasquet, Claire-Lise Campion, Muguette Dini, M. André Lardeux, rapporteur ; Mmes la secrétaire d'État, Marie-Thérèse Hermange, Annie David, M. Jean Arthuis, Mme Raymonde Le Texier. – Retrait de l’amendement no 344 rectifié ; rejet des amendements nos 215, 308 et du sous-amendement no 532 ; adoption du sous-amendement no 527 et des amendements nos 523 modifié et 313 rectifié ter, les autres amendements devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l’article 72
Amendement n° 56 de la commission. – M. André Lardeux, rapporteur ; Mme la secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 57 rectifié de la commission. – M. André Lardeux, rapporteur ; Mme la secrétaire d'État, M. le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 216 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, M. André Lardeux, rapporteur ; Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 502 du Gouvernement. – Mme la secrétaire d'État, M. André Lardeux, rapporteur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 233 rectifié de M. André Lardeux. – MM. André Lardeux, le président de la commission, Mme la secrétaire d'État. – Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement n° 490 du Gouvernement. – Mme la secrétaire d'État, M. le président de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 218 de M. Guy Fischer et 309 de Mme Raymonde Le Texier ; amendements nos 58 à 60 de la commission et 221 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer, Mme Raymonde Le Texier, MM. le président de la commission, Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. – Rejet des amendements nos 218, 309 et 221 ; adoption des amendements nos 58 à 60.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 77
Amendement n° 223 de M. Guy Fischer. – MM. le président de la commission, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 61 de la commission. – MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse ; le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mme Claire-Lise Campion.
Amendements nos 524 et 525 de la commission. – MM. le président de la commission, le ministre. – Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 80
Amendement n° 225 de M. François Autain. – MM. François Autain, le président de la commission, le ministre. – Rejet.
Adoption de l’ensemble de la quatrième partie du projet de loi.
M. Guy Fischer, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Raymonde Le Texier, MM. le président de la commission, le ministre.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
9. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
10. loi de finances pour 2009. – Discussion d'un projet de loi.
Discussion générale : M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Joël Bourdin, Aymeri de Montesquiou.
Suspension et reprise de la séance
MM. Bernard Angels, Hervé Maurey, Mme Marie-France Beaufils, MM. Alain Lambert, Serge Larcher, Serge Dassault.
M. le ministre, Mme la ministre.
Clôture de la discussion générale.
Motion no I-150 de M. Thierry Foucaud. – MM. Bernard Vera, le rapporteur général, Mme la ministre, M. Thierry Foucaud. – Rejet par scrutin public.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Transmission d'un projet de loi organique
12. Transmission d'un projet de loi
14. Dépôt d'un rapport d'information
15. Dépôt d'avis
16. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Financement de la sécurité sociale pour 2009
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 80, 83 et 84).
Dans la discussion des articles de la quatrième partie, nous en sommes parvenus à l’article 45.
quatrième partie (suite)
Article 45
I. - L'article L. 314-8 du code de l'action sociale et des familles est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Des expérimentations relatives aux dépenses de médicaments et à leur prise en charge sont menées, à compter du 1er janvier 2009, et pour une période n'excédant pas deux ans, dans les établissements et services mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1. Ces expérimentations sont réalisées sur le fondement d'une estimation quantitative et qualitative de l'activité de ces établissements et services réalisée. Au titre de ces expérimentations, les prestations de soins mentionnées au 1° de l'article L. 314-2 peuvent comprendre l'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation des médicaments inscrits sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale.
« Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de ces expérimentations avant le 1er octobre 2010. Ce rapport porte également sur la lutte contre la iatrogénie.
« En fonction du bilan des expérimentations présenté par le Gouvernement, et au plus tard le 1er janvier2011, dans les établissements et services susmentionnés, les prestations de soins mentionnées au 1° de l'article L. 314-2 du présent code comprennent l'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation des médicaments inscrits sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, ainsi que, pour ceux de ces établissements et services qui ne disposent pas de pharmacie à usage intérieur ou qui ne sont pas membres d'un groupement de coopération sanitaire, certains dispositifs médicaux ou produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 du même code dont la liste est fixée par arrêté.
« Pour les établissements et services mentionnés à l'alinéa précédent, un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixe la liste des spécialités pharmaceutiques, bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché, dispensées aux assurés hébergés dans les établissements mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du présent code, qui peuvent être prises en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie en sus des prestations de soins mentionnées au 1° de l'article L. 314-2. Ces spécialités pharmaceutiques sont prises en charge dans les conditions de droit commun prévues par la section 4 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale. Les dépenses relatives à ces spécialités pharmaceutiques relèvent de l'objectif mentionné à l'article L. 314-3-1 du présent code. »
II. - Le premier alinéa de l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« La convention désigne, après avis du médecin coordonnateur, le pharmacien d'officine référent pour l'établissement responsable de l'application de l'ensemble des termes de la convention. Le pharmacien référent concourt à l'élaboration, par le médecin coordonnateur avec la collaboration des médecins traitants, de la liste, par classe pharmaco-thérapeutique, des médicaments à utiliser préférentiellement conformément aux missions dévolues au médecin coordonnateur par le code de l'action sociale et des familles. Il concourt à la bonne gestion et au bon usage des médicaments au sein de l'établissement. »
III. - À compter du 1er janvier 2011, le sixième alinéa de l'article L. 314-8 du code de l'action sociale et des familles est supprimé.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, sur l'article.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, sur cet article, notre groupe a déposé un amendement n° 332, que la commission des finances a déclaré irrecevable, en application de l’article 40 de la Constitution.
L’objet de cet amendement était de permettre aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, de se constituer en groupements de coopération sociaux et médico-sociaux pour gérer une pharmacie à usage intérieur.
L’article L. 6133-1 du code de la santé publique autorise un groupement de coopération sanitaire, composé d’établissements de santé, d’établissements médico-sociaux et de professionnels médicaux libéraux, à réaliser ou à gérer pour le compte de ses membres une pharmacie à usage intérieur. Parallèlement, l’article L. 312-7 du code de l’action sociale et des familles permet aux seuls établissements médico-sociaux de se regrouper dans le cadre d’un groupement de coopération social ou médico-social.
L’amendement n° 332 tendait à autoriser ces groupements à gérer une pharmacie à usage intérieur, à l’instar du groupement de coopération sanitaire. Son dépôt, ainsi que la décision de la commission des finances de le déclarer irrecevable, relance deux débats.
En premier lieu, il s’agit de savoir si la création d’une pharmacie à usage intérieur ne menacerait pas le réseau des pharmacies d’officine. Je ne le crois pas.
Confier la gestion des pharmacies à usage intérieur dans des EHPAD à des pharmaciens officinaux est une véritable solution. Cette proposition, approuvée d’ailleurs sous certaines conditions par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, figurait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Sans doute l’avons-nous trop rapidement rejetée lors de son examen.
En second lieu, il s’agit de déterminer l’efficience économique de la création d’une pharmacie à usage intérieur au sein des EHPAD.
Le rapport du groupe de travail sur la prise en charge des médicaments dans les maisons de retraite médicalisées, présidé par Pierre Deloménie et rendu public au mois de mars 2005, nous offre quelques éléments de réponse.
Pour apprécier le coût des médicaments en officine et en pharmacie à usage intérieur, ce groupe de travail a étudié les premiers résultats issus d’une étude pilotée par la Caisse nationale d’assurance maladie et commandé deux autres enquêtes, l’une effectuée par la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, l’autre réalisée par la Fédération hospitalière de France et la Conférence nationale des directeurs d’EHPAD.
Les différentes données analysées font apparaître un surcoût de cinquante centimes d’euro à un euro par résident et par an, dans les EHPAD ne disposant pas de pharmacie à usage intérieur.
Néanmoins, les auteurs de ce rapport ont eux-mêmes souligné la faible représentativité des données exploitées et souhaité que soit lancée une enquête plus fine sur la consommation de médicaments par les résidents en EHPAD. Ce sujet a été inscrit au programme de travail de la direction de sécurité sociale, en liaison avec la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
Il semble qu’à ce jour les résultats de cette enquête ne soient pas encore publiés. Nous les attendons avec intérêt.
Madame la secrétaire d'État, nous souhaitons avancer avec le Gouvernement sur ce sujet, en l’abordant à nouveau le plus rapidement possible.
M. le président. Je suis saisi de vingt-trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 170, 286 et 370 sont identiques.
L'amendement n° 170 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 286 est présenté par Mme Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 370 est présenté par M. Milon.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 170.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 45 a été considérablement modifié par l'Assemblée nationale. Il faut dire que, dans sa rédaction initiale, il visait à réintégrer dans les dotations soins des EHPAD les dépenses de médicaments, c'est-à-dire à revenir à la situation antérieure à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Aujourd’hui, cette intégration est volontaire. Or on sait combien certaines expérimentations, même dangereuses, même partiellement réalisées – je pense au revenu de solidarité active –, peuvent être généralisées très rapidement sur l’initiative du Gouvernement. Mais il ne s’agit là que d’un retard et, connaissant la détermination du Gouvernement à agir sur ce sujet, nous sommes convaincus qu’une fois le délai passé, en 2011, cette intégration deviendra automatique et obligatoire.
L’Assemblée nationale a apporté une autre modification, en créant une « liste en sus », afin d’éviter que les médicaments coûteux ne soient intégrés dans la dotation soins des EHPAD. Cela constitue une réelle avancée, car l’absence d’une telle mesure se serait obligatoirement soldée par une explosion des frais, donc des prix.
Il n’en reste pas moins que, même modifié par l'Assemblée nationale, cet article n’est pas de nature à répondre à toutes les difficultés qu’il crée. Il manque encore un certain nombre de pré-requis pourtant exigés par les associations concernées, comme l’instauration d’un véritable système conventionnel entre les EHPAD et les médecins libéraux permettant de s’assurer du respect par les praticiens libéraux du projet de soins destiné à la personne accueillie.
En effet, la coexistence que vous organisez risque d’être conflictuelle. Quelle responsabilité sera engagée si, à l’avenir, une surconsommation médicamenteuse causait un accident iatrogène, voire mortel : celle du médecin libéral, celle du pharmacien d’officine, celle du directeur de l’établissement ou celle du médecin coordonnateur ? Un problème de responsabilité se pose.
En intégrant les dépenses de médicaments dans la dotation soins des EHPAD, vous rendez de fait leurs directeurs responsables des prescriptions établies par les médecins. Est-ce à dire que vous entendez bouleverser le colloque singulier qui unit le patient à son médecin ? Entendez-vous modifier les règles en matière de secret professionnel ?
Nous le voyons, cet article pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. À voir le nombre d’amendements déposés, il semble que les interrogations qu’il soulève méritent des éclaircissements de la part du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 286.
Mme Raymonde Le Texier. L’argumentaire sanitaire du Gouvernement ne semble pas justifier l’intégration des produits de santé dans les prestations de soins.
Ce n’est pas en intégrant les médicaments dans la dotation soins des EHPAD que l’on préviendra les accidents iatrogènes et la surconsommation médicamenteuse.
Rendons à César ce qui lui revient. Lutter contre les maladies iatrogènes et la surconsommation médicamenteuse reste la tâche du médecin : il lui revient de rationaliser et de maîtriser ses prescriptions. Le pharmacien doit, lui, veiller aux contre-indications ; pour cela, certains disposent déjà du dossier pharmaceutique, appelé à se généraliser. Quant au directeur de l’EHPAD, il a pour obligation de recruter du personnel infirmier qualifié pour s’assurer notamment de la bonne prise des médicaments. L’article 45 alterne le rôle de chacun et chamboule cette organisation saine.
Si le Gouvernement veut renforcer la lutte contre les maladies iatrogènes, il faut par exemple obliger les pharmaciens d’officine à suivre la distribution des médicaments dans les EHPAD de proximité. Le pharmacien d’officine est au demeurant le seul à avoir accès aux 20 000 médicaments référencés dans des délais très courts. Cette proposition vous avait été faite par M. Yves Bur à l'Assemblée nationale.
En réalité, madame la secrétaire d'État, les motivations de cet article sont budgétaires et financières, mais les économies attendues, si toutefois il en est dégagé, seront réalisées, non par l’assurance maladie, mais par les organismes complémentaires. Reconnaissez-le.
Enfin, l’intégration des médicaments dans la dotation soins est une atteinte à la liberté du patient de choisir son médecin et son pharmacien. C’est d’autant plus vrai dans les communes rurales, où la personne hébergée dans un EHPAD résidait auparavant dans la ou les communes environnantes : elle avait donc un médecin et un pharmacien de famille avec lesquels elle avait noué des liens de confiance et qu’elle souhaite conserver jusqu’à la fin de sa vie.
Cet article, au-delà des réserves qui ont été émises par mes deux collègues, délite cette relation entre les résidents et le monde extérieur.
Pour toutes ces raisons, nous refusons cet article.
M. le président. L'amendement n° 370 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 33, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du deuxième alinéa du I de cet article par les mots :
qui ne disposent pas de pharmacie à usage intérieur ou qui ne sont pas membres d'un groupement de coopération sanitaire
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le médicosocial. Il s’agit d’un amendement de précision, visant à corriger un oubli.
M. le président. L'amendement n° 351 rectifié, présenté par Mme Hermange et M. Dériot, est ainsi libellé :
A. - Rédiger comme suit le troisième alinéa du I de cet article :
« Avant le 30 juin 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation comparant les résultats de ces expérimentations avec ceux de l'application des conventions mentionnées à l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique. Ce rapport porte également sur la lutte contre l'iatrogénie. »
B. - Supprimer le quatrième alinéa du même I.
C. - Dans la première phrase du dernier alinéa du même I, remplacer les mots :
mentionnés à l'alinéa précédent
par les mot :
faisant l'objet des expérimentations susmentionnées
D. - Rédiger comme suit le II de cet article :
II. L'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique est modifié comme suit :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « concluent, avec un ou plusieurs pharmaciens titulaires d'officine », sont insérés les mots : « parmi les plus proches » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La ou les conventions désignent un pharmacien d'officine référent pour l'établissement. Ce pharmacien concourt à la bonne gestion et au bon usage des médicaments destinés aux résidants. Il concourt aussi, avec les médecins traitants, à l'élaboration, par le médecin coordonnateur mentionné à l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, de la liste des médicaments à utiliser préférentiellement dans chaque classe pharmaco-thérapeutique. »
La parole est à M. Gérard Dériot.
M. Gérard Dériot. Le paragraphe I de l'article 45 voté par l'Assemblée nationale prévoit d'expérimenter pendant deux ans l'inclusion des médicaments remboursables aux assurés sociaux dans le forfait soins des EHPAD. Cette démarche d'expérimentation, intéressante en soi, pourrait se trouver néanmoins contredite à l'avance par le troisième alinéa, suivant lequel, au plus tard le 1er janvier 2011, les prestations de soins comprennent ces médicaments.
Une telle échéance paraît donc prématurée tant que le rapport sur les expérimentations n'aura pas été remis au Parlement.
Le délai prévu pour la remise de ce rapport devrait, en outre, être suffisant pour permettre de comparer, en termes d'économies possibles, le système proposé avec celui qui est prévu à l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique et qui repose sur l'application d'une convention type, dont la publication n'est pas encore intervenue, mais qui doit désormais entrer en vigueur d'urgence. La date de remise du rapport devrait, dans ces conditions, être fixée, non au 1er octobre 2010, mais au 30 juin 2011.
Le premier alinéa de l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique dispose que les établissements « concluent, avec un ou plusieurs pharmaciens titulaires d'officine, une ou des conventions relatives à la fourniture en médicaments des personnes hébergées en leur sein ». Pour que la ou les officines concernées puissent satisfaire à tout moment les besoins de modifications de traitements, fréquents chez les personnes hébergées, elles doivent être proches de l'établissement. Le pharmacien référent désigné dans la ou les conventions pourra ainsi, lui-même, intervenir régulièrement et fréquemment dans l'établissement.
Cette notion de proximité, essentielle pour assurer au quotidien la qualité de l'approvisionnement en médicaments, ne peut ni ne doit se définir à l'avance trop strictement.
Le paragraphe II de l'article 45 indique que le pharmacien référent serait désigné « après avis du médecin coordonnateur ». De notre point de vue, cette disposition comporte des risques de cooptation et ne peut donc être maintenue.
M. le président. L'amendement n° 375, présenté par M. Leclerc, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa du I de cet article :
Avant le 30 juin 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation comparant les résultats de ces expérimentations avec ceux de l'application des conventions mentionnées à l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 376, présenté par M. Leclerc, est ainsi libellé :
I. - Supprimer le quatrième alinéa du I de cet article.
II. - En conséquence, dans la première phrase du cinquième alinéa du même I, remplacer les mots :
mentionnés à l'alinéa précédent
par les mots :
faisant l'objet des expérimentations susmentionnées
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le quatrième alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
établissements et services susmentionnés
par les mots :
établissements et services mentionnés au I de l'article L. 313-12
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié bis, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après les mots :
l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale
rédiger comme suit la fin du quatrième alinéa du I de cet article :
. Elles comprennent également l'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation des dispositifs médicaux, produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 du même code ou, pour les établissements et services qui ne disposent pas de pharmacie à usage intérieur ou qui ne partagent pas la pharmacie à usage intérieur d'un groupement de coopération sanitaire, de certains d'entre eux dont la liste est fixée par arrêté.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Au début du dernier alinéa du I de cet article, supprimer les mots :
Pour les établissements et services mentionnés à l'alinéa précédent,
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le principe de la « liste en sus » de médicaments coûteux à tous les établissements, y compris ceux qui comprennent une pharmacie à usage intérieur ou qui sont membres d'un groupement de coopération sanitaire.
M. le président. Les amendements nos 172 rectifié et 333 sont identiques.
L'amendement n° 172 rectifié est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 333 est présenté par Mme Dini, MM. Mercier, J. Boyer, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa de l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique, après les mots : « avec un ou plusieurs pharmaciens titulaires d'officine », sont insérés les mots : « ou avec une ou plusieurs pharmacies mutualistes ».
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 172 rectifié.
M. Guy Fischer. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l'amendement n° 333.
Mme Muguette Dini. L'objet de cet amendement est d'étendre aux pharmacies mutualistes la possibilité de signer avec les EHPAD ne disposant pas d'une pharmacie à usage intérieur des conventions relatives à la fourniture en médicaments des personnes hébergées en leur sein.
L’article L. 5126-6-1 du code de la santé publique prévoit que les EHPAD ne disposant pas de pharmacie à usage intérieur concluent avec les pharmaciens titulaires d’officine des conventions relatives à la fourniture en médicaments des personnes hébergées en leur sein.
Dans l’état actuel de sa rédaction, cet article ne vise pas expressément les pharmacies mutualistes. Or, il est indispensable que ces dernières soient en mesure de conclure de telles conventions.
Dès lors que les pharmacies mutualistes peuvent fournir des personnes hébergées en EHPAD à titre individuel, il n’y a aucune raison pour qu’elles ne puissent pas passer des conventions avec des directeurs d’EHPAD afin d’assurer une meilleure qualité et une meilleure sécurité dans le domaine de la distribution des médicaments.
La présente proposition a donc pour objet de demander l’extension de cette disposition aux pharmacies mutualistes et de leur permettre de signer de telles conventions avec les EHPAD.
M. le président. L'amendement n° 378, présenté par M. Leclerc, est ainsi libellé :
Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa de l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique, après les mots : « d'officine », est inséré le mot : « proches ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 379 rectifié, présenté par M. Leclerc, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du II de cet article :
« La ou les conventions désignent un pharmacien d'officine référent pour l'établissement. Ce pharmacien concourt à la bonne gestion et au bon usage des médicaments destinés aux résidents. Il collabore également, avec les médecins traitants, à l'élaboration, par le médecin coordonnateur mentionné au V de l'article L. 313-12 du même code, de la liste des médicaments à utiliser préférentiellement dans chaque classe pharmaco-thérapeutique. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. La commission le reprend, monsieur le président.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 379 rectifié bis, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cet amendement vise notamment à supprimer l’avis du médecin coordonnateur pour la désignation du pharmacien d’officine référent de l’EHPAD.
M. le président. L'amendement n° 403, présenté par M. Milon, est ainsi libellé :
I. Modifier comme suit le II de cet article :
1° Au début de la première phrase du second alinéa, après les mots :
La convention désigne
supprimer les mots :
, après avis du médecin coordonnateur,
2° Dans la dernière phrase du second alinéa, après les mots :
bonne gestion
insérer le mot :
financière
II. Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique est modifiée comme suit:
1° Après les mots : « la dispensation pharmaceutique », les mots : « ainsi que » sont remplacés par le signe : «, »
2° Elle est complétée par les mots :
« ainsi que les critères permettant la désignation du pharmacien référent ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 412, présenté par M. Darniche, est ainsi libellé :
I. Dans la première phrase du second alinéa du II, supprimer les mots :
, après avis du médecin coordonnateur,
II. Dans la dernière phrase du même alinéa, après les mots :
bonne gestion
insérer le mot :
financière
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Il serait souhaitable que la convention qui lie le pharmacien d’officine à l’EHPAD précise d’une part, que le médecin ne peut pas être habilité à intervenir dans la désignation du pharmacien référent, afin d’éviter toute forme de compérage et, d’autre part, que le pharmacien peut être associé à la gestion financière des médicaments, en tant que professionnel du médicament.
M. le président. L'amendement n° 454, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du II de cet article, après le mot :
pharmacien
supprimer les mots :
d'officine
L'amendement n° 451, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du second alinéa du II de cet article, après le mot :
conformément
insérer les mots :
aux référentiels élaborés par la Haute autorité de santé et
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. L’amendement n° 454 a pour objet de ne pas réserver aux seuls pharmaciens d’officine les fonctions de pharmacien référent. Je propose donc que soient supprimés les mots « d’officine », de manière à permettre aux pharmaciens mutualistes ou aux pharmaciens d’hôpital, dans le cadre d’un groupement de coopération sanitaire, de pouvoir exercer cette fonction. La formulation que je suggère est moins restrictive.
L’amendement n° 451 est un amendement de précision. Les médecins coordonnateurs doivent choisir les médicaments, assurer les prescriptions, conformément à un certain nombre de principes. Il serait utile d’indiquer qu’ils agissent ainsi également conformément aux référentiels élaborés par la Haute autorité de santé.
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
II bis.- A la fin de la première phrase du paragraphe V de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « dont les missions sont définies par décret. » sont remplacés par les dispositions suivantes : «. Le médecin coordonnateur contribue auprès des professionnels de santé exerçant dans l'établissement à la bonne adaptation aux impératifs gériatriques des prescriptions de médicaments et des produits et prestations inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. A cette fin, il élabore une liste, par classe pharmaco-thérapeutique, des médicaments à utiliser préférentiellement, en collaboration avec les médecins traitants des résidents et avec le pharmacien chargé de la gérance de la pharmacie à usage intérieur ou le pharmacien d'officine référent mentionné au premier alinéa de l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique. Ses autres missions sont définies par décret. ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Le problème de la iatrogénie médicamenteuse en EHPAD nécessite une action sur la prescription médicale. L’amendement n° 37 rectifié vise à rappeler que les professionnels de santé exerçant à titre libéral en établissement pour personnes âgées dépendantes doivent tenir compte de ce risque dans leur activité.
Le médecin coordonnateur a un rôle à jouer pour amener les médecins traitants à faire un usage adéquat de la prescription médicamenteuse, notamment en dressant une liste indicative des médicaments devant être utilisés préférentiellement. Cette liste doit, bien sûr, être élaborée en collaboration avec les médecins traitants et les pharmaciens d’officine référents.
Il est donc proposé de conférer une valeur législative à ce dispositif qui existe déjà à l’échelon réglementaire.
M. le président. Le sous-amendement n° 453 rectifié, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de l'amendement n° 37 rectifié, après le mot :
médicaments
insérer les mots :
qui doivent se limiter à cinq lignes par ordonnance
Le sous-amendement n° 452 rectifié, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de l'amendement n° 37 rectifié, après le mot :
pharmacien
supprimer les mots :
d'officine
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Le sous-amendement n° 452 rectifié reprend l’amendement que je viens de présenter relatif aux référentiels de la Haute autorité de santé. Il serait judicieux de prévoir que les prescriptions de médicaments doivent se faire conformément auxdits référentiels.
Pour ce qui concerne le sous-amendement n° 453 rectifié, j’ai pris connaissance de certaines statistiques relatives au nombre de lignes figurant sur les ordonnances délivrées aux personnes âgées. Je me suis aperçu que ce nombre était inférieur à celui que je voulais voir inscrire dans la loi. Par conséquent, je retire le sous-amendement n° 453 rectifié.
M. le président. Le sous-amendement n° 453 rectifié est retiré.
L'amendement n° 413, présenté par M. Darniche, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique est complétée par les mots : « ainsi que les critères permettant la désignation du pharmacien référent ».
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Pour ce qui concerne la désignation du pharmacien d'officine chargé d’intervenir en tant que pharmacien référent, il serait judicieux de prévoir que la convention liant ce dernier à l’EHPAD définisse les critères auxquels il doit répondre, notamment son appartenance au réseau local d'officinaux pour assurer une proximité d'intervention, la durée du contrat le liant.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le III de cet article, remplacer le mot :
sixième
par le mot :
septième
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. L’amendement n° 38 est un amendement de rectification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. La commission des affaires sociales a approuvé la rédaction de compromis, adoptée par l’Assemblée nationale, sur l’article 45 relatif à la réintégration des médicaments dans le forfait soins des EHPAD. Cet article comprend trois parties.
La première concerne la mise en place d’une expérimentation pendant deux ans auprès d’établissements volontaires et la rédaction d’un bilan à la fin de l’année 2010.
La deuxième partie vise la création d’une liste en sus pour les médicaments les plus coûteux.
La troisième partie, enfin, est relative à la reconnaissance de la mission des pharmaciens d’officine référents au sein des EHPAD, et j’insiste sur ce point.
La commission a complété ce dispositif en adoptant l’amendement n° 37, qui tend également à souligner le rôle du médecin coordonnateur et des médecins traitants dans la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse chez les personnes âgées.
Je souhaite que nous en restions à ce point d’équilibre. Par conséquent, la commission est défavorable à tous les amendements, à l’exception des amendements ou des parties d’amendement qui visent à supprimer l’avis du médecin coordonnateur pour la désignation du médecin référent.
En effet, l’avis du médecin coordonnateur peut apparaître comme inutilement vexatoire pour les pharmaciens et non nécessaire à l’équilibre général du dispositif.
M. le président. Si j’ai bien compris, madame le rapporteur, la commission des affaires sociales est défavorable à tous les amendements qu’elle n’a pas proposés ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Pour ce qui concerne les deux amendements de suppression, l’article 45 a pour objet de lutter contre la surconsommation de médicaments et la iatrogénie responsables de 20 % des hospitalisations. Afin de mener à bien cette lutte, il est nécessaire d’agir non seulement sur la prescription mais aussi sur la diffusion du médicament. C'est pourquoi, dès le mois d’octobre, le Gouvernement a entrepris de travailler avec les médecins coordonnateurs et les médecins libéraux sur la prescription. Il souhaite également aborder la question du rôle éducatif des pharmaciens dans le domaine de la diffusion du médicament dans les EHPAD.
M. Guy Fischer. Ils ne le font jamais !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. La mesure tend à encourager une meilleure politique d’achat des médicaments, en intégrant le rôle d’expertise des pharmaciens d’officine par la conclusion de conventions entre EHPAD et officines
La suppression de l’article 45 reviendrait à laisser la situation actuelle perdurer. Or, quelques arguments paraissent sécuriser le système.
Non seulement ce dispositif ne sera pas défavorable aux personnes âgées concernées, mais il permettra de réduire le reste à charge parce que l’intégration des médicaments dans le forfait permet une économie des coûts de mutuelle.
Par ailleurs, vous savez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’une liste en sus a été retenue lors du débat à l’Assemblée nationale. Elle vise à « sortir » les médicaments les plus coûteux et à adapter le forfait, qui ne sera pas a minima, à la lourdeur de la dépendance des personnes âgées accueillies dans l’établissement.
Les mesures proposées à l’issue de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale par l’Assemblée nationale et enrichies par les amendements présentés par la commission des affaires sociales du Sénat, auxquels le Gouvernement est favorable, comportent une expérimentation sur plusieurs années conclue par un rapport d’évaluation, dont le Gouvernement tirera les conséquences avant toute généralisation du système. Elles présentent des avantages, prévoient des filets de sécurité. Un travail sera réalisé avec les médecins coordonnateurs. Un certain laps de temps est laissé afin que les dispositions finales soient élaborées en partenariat avec la profession et les parlementaires.
Le Gouvernement est donc défavorable à tous les amendements autres que ceux de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, la commission des affaires sociales demande le vote par priorité de l’amendement n° 33.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?
M. le président. La priorité est de droit.
Je mets aux voix l'amendement n° 33.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 170 et 286 n'ont plus d'objet.
Monsieur Dériot, l'amendement n° 351 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Dériot. Oui, monsieur le président.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le président, le Gouvernement demande un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 351 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 157 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Je veux indiquer qu’une erreur a été commise en ce qui concerne mon vote.
Dans la précipitation, mon collègue Philippe Darniche s’est trompé, mais je lui pardonne, car je tiens aujourd'hui à ménager les pharmaciens ! (Sourires.)
J’ai donc bien voté contre cet amendement.
M. le président. Je vous donne acte de la mise au point que vous avez faite sur votre vote, madame le rapporteur.
La parole est à M. Gérard Dériot.
M. Gérard Dériot. Je crois que ce scrutin pose problème. Son résultat me semble curieux. Est-ce à dire que seul le groupe UMP a voté pour cet amendement ? (Marques de confirmation.) Dans ce cas, très bien !
Mme Raymonde Le Texier. C’est dur !
M. le président. Mon cher collègue, je ne fais, pour ma part, que constater les résultats du scrutin !
Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 333 est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 333 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 172 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 412, 454 et 451 n'ont plus d'objet.
La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 452 rectifié.
M. François Autain. Je regrette que ce sous-amendement n’ait reçu un avis favorable ni de la commission ni du Gouvernement. Mais peut-être ai-je mal compris Mme la secrétaire d'État, dont j’espère qu’elle va s’expliquer clairement sur ma proposition.
Ce sous-amendement ne vise pas à exclure du dispositif les pharmaciens d’officine. Si je souhaite supprimer les mots « d’officine » dans le texte de l’amendement n° 37 rectifié, c’est pour permettre à d’autres pharmaciens, par exemple les mutualistes, qui ne sont d'ailleurs que soixante-huit en France, de participer à un groupement de coopération sanitaire au même titre que les pharmaciens hospitaliers.
Madame la secrétaire d'État, un pharmacien praticien hospitalier de Saint Jean d’Angély m’a informé qu’il envisageait de créer un groupement de coopération sanitaire associant les pharmaciens, l’EHPAD et l’hôpital afin de forfaitiser le poste « médicaments de résidence ». Une telle expérimentation sera-t-elle possible ?
Vous ne pouvez guère désapprouver ce projet, puisqu’il débouchera sur des économies ! Quand on parle de réductions de coûts, vous tendez l’oreille ; quand on évoque l’intérêt du patient, vous n’êtes pas contre, mais à condition que la mesure proposée soit favorable aux finances publiques !
Une expérimentation de ce type sera-t-elle possible alors que vous avez précisé explicitement que le pharmacien référent devrait être un pharmacien d’officine ? Si tel est le cas, je suis prêt à retirer mon sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur Autain, je comprends tout à fait votre préoccupation. Néanmoins, les conventions entre les EHPAD et les pharmaciens visent en premier lieu la fourniture des médicaments à ces établissements, et celle-ci ne peut être organisée qu’à partir d’une officine.
Par ailleurs, ces conventions tendent à améliorer le circuit du médicament et les pharmaciens d’officine se sont fortement engagés à mettre leur expertise au service de l’EHPAD pour diminuer les problèmes de iatrogénie, qui, comme je l’ai rappelé tout à l'heure, sont particulièrement importants.
La simple possession d’un diplôme de pharmacien, sans précision sur la réalité de l’activité professionnelle qui y correspond, ou non, ne permet pas d’assurer cet impératif.
Si l’établissement ne possède pas lui-même une pharmacie à usage intérieur, la pharmacie d’officine est la mieux placée pour apporter l’expertise requise.
M. François Autain. Mais un projet du type de celui que j’ai évoqué est-il possible, oui ou non ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Juridiquement, un tel projet pose aujourd'hui problème. C’est pourquoi je souhaite que vous retiriez votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Autain, le sous-amendement n° 452 rectifié est-il maintenu ?
M. François Autain. Madame la secrétaire d'État, vous n’avez pas répondu à ma question ! Si on ne supprime pas les mots « d’officine », une expérimentation comme celle que j’évoquais à l’instant ne sera pas possible.
Je maintiens donc mon sous-amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 452 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Darniche, l'amendement n° 413 est-il maintenu ?
M. Philippe Darniche. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l’article.
Mme Raymonde Le Texier. Madame la secrétaire d'État, je ne voudrais pas que vous vous sentiez personnellement agressée par mes propos. Nous avons travaillé ensemble lorsque vous étiez membre de la commission des affaires sociales du Sénat – c’était avant que vous ne gâchiez vos talents dans ce gouvernement ! (Sourires.) – et je suis donc persuadée de votre bonne foi.
Néanmoins, mes propos seront vifs.
Si vous voulez vraiment lutter contre la iatrogénie, supprimez carrément les médicaments ! Vous réglerez ainsi bien des problèmes. Les gens vieilliront moins et la sécurité sociale pourra faire des économies. Ne mégotez pas, allez jusqu’au bout de votre logique !
Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, chers collègues de la majorité, pensez-vous avoir toujours raison contre tous ? N’êtes-vous jamais assailli par le doute ? Non, vous êtes toujours dans le vrai, et cela s’appelle la démocratie !
Nous voterons bien sûr contre cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 45, modifié.
(L'article 45 est adopté.)
Article 46
I. – Le IV de l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « promotion des actions innovantes », sont insérés les mots : «, à la formation des aidants familiaux et des accueillants familiaux mentionnés à l'article L. 441-1 » ;
2° Le b des 1 et 2 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « une assistance dans les actes quotidiens de la vie, », sont insérés les mots : « de dépenses de formation des aidants familiaux et des accueillants familiaux mentionnés à l'article L. 441-1 » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et que les frais de remplacement des personnels en formation lorsque ces formations sont suivies pendant le temps de travail ».
II. - L'article L. 14-10-9 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « dans les deux sous-sections mentionnées au V de ce même article. » sont remplacés par les mots : « dans les conditions suivantes : » ;
2° Au début du deuxième alinéa, sont insérés les mots : « a) Dans les deux sous-sections mentionnées au V de ce même article, » ;
3° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« b) Dans les deux sous-sections mentionnées au IV de ce même article, ces crédits peuvent être utilisés pour le financement d'actions ponctuelles de préformation et de préparation à la vie professionnelle, de tutorat, de formation et de qualification des personnels des établissements mentionnés à l'article L. 314-3-1, à l'exception des établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes âgées qui n'ont pas conclu la convention prévue au I de l'article L. 313-12 ou ont opté pour la dérogation à l'obligation de passer cette convention en application du premier alinéa du I bis de cet article. Ces crédits peuvent également être utilisés pour financer les actions réalisées dans le cadre du plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour les établissements et services médico-sociaux mentionnés à l'article L. 314-3-1. »
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le b) du 2° du I de cet article, remplacer les mots :
et que les frais
par les mots :
et les frais
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du 3° du II de cet article, après les mots :
personnels des établissements
insérer les mots :
et services médico-sociaux
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cet amendement vise à corriger un oubli.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 46, modifié.
(L'article est adopté.)
Article additionnel après l'article 46
M. le président. L'amendement n° 522 rectifié bis, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 46, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 444-1 du code de l'action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les accueillants familiaux employés par des établissements publics de santé sont des agents non titulaires de ces établissements ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur pur la famille. Cet amendement a pour objet de clarifier la situation juridique des accueillants familiaux employés par les établissements publics de santé.
Actuellement, le code de l’action sociale et des familles ne précise pas le statut de ces accueillants, ce qui les place dans une situation d’insécurité juridique préjudiciable au bon exercice de leur profession.
Toutefois, selon la jurisprudence dite « Berkani » du Tribunal des conflits, « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi ».
Les accueillants familiaux qui sont employés par ces établissements devraient donc être, en vertu de cette jurisprudence, des agents non titulaires.
Le présent amendement vise simplement à transcrire dans la loi la jurisprudence du Tribunal des conflits, afin de donner aux accueillants familiaux un support juridique plus solide, ce qui leur permettra de faire respecter leurs droits vis-à-vis des établissements de santé qui les emploient.
Cette disposition ne modifie en rien le droit applicable, mais lui donne une plus grande clarté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, comme vous le soulignez à juste titre, la rédaction actuelle de l’article L. 444-1 du code de l’action sociale et des familles ne couvre pas les établissements publics de santé qui ont pourtant la possibilité de salarier leurs personnels.
Le présent amendement vise à compléter cet article en spécifiant que les accueillants familiaux employés par les établissements du service public de soins sont des agents non titulaires de ces établissements et soumis au code du travail.
Je suis bien sûr favorable à cet amendement qui s’inscrit dans la ligne du rapport sur les accueillants familiaux que m’a remis ce matin Mme Rosso-Debord. Ces propositions nous seront très utiles pour améliorer le statut des accueillants familiaux et les conditions d’exercice de leur activité.
Nous espérons publier rapidement un décret qui concrétisera ces avancées et nous permettra de bénéficier d’un nouveau dispositif qui, je pense, fera l’unanimité. Il donnera aux salariés qui souhaitent s’engager dans cette voie une véritable sécurité professionnelle. Il sera donc très intéressant pour l’accueil et la prise en charge des personnes concernées puisqu’il préserve leur libre choix. Enfin, il profitera aussi bien aux accueillants qu’aux personnes accueillies.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 46.
Article 47
I. - Le chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code de la santé publique est complété par un article L. 1221-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 1221-14. - Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4.
« Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite C et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination, notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
« L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17.
« La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante.
« La transaction à caractère définitif ou la décision juridictionnelle rendue sur l'action en justice prévue au précédent alinéa vaut désistement de toute action juridictionnelle en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices.
« L'action subrogatoire prévue à l'article L. 3122-4 ne peut être exercée par l'office si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré, sauf si la contamination trouve son origine dans une violation ou un manquement mentionnés à l'article L. 1223-5.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
II. - Au deuxième alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique, après les mots : « de l'article L. 3122-1 », sont insérés les mots : « , de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang en application de l'article L. 1221-14 ».
III. - L'article L. 1142-23 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Supprimé ;
2° Après le cinquième alinéa, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis Le versement d'indemnités en application de l'article L. 1221-14 ; »
3° Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :
« 7° Une dotation versée par l'Établissement français du sang couvrant l'ensemble des dépenses exposées en application de l'article L. 1221-14. Un décret fixe les modalités de versement de cette dotation. »
IV. - À compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Établissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable.
Dans le cadre des actions juridictionnelles en cours visant à la réparation de tels préjudices, pour bénéficier de la procédure prévue à l'article L. 1221-14 du même code, le demandeur sollicite de la juridiction saisie un sursis à statuer aux fins d'examen de sa demande par l'office.
Cependant, dans ce cas, par exception au quatrième alinéa de l'article L. 1221-14 du même code, l'échec de la procédure de règlement amiable ne peut donner lieu à une action en justice distincte de celle initialement engagée devant la juridiction compétente.
V. - Le livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l'article L. 3111-9 est ainsi rédigé :
« L'offre d'indemnisation adressée à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit est présentée par le directeur de l'office. Un conseil d'orientation, composé notamment de représentants des associations concernées, est placé auprès du conseil d'administration de l'office. » ;
2° La seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1 est ainsi rédigée :
« Un conseil d'orientation, composé notamment de représentants des associations concernées, est placé auprès du conseil d'administration de l'office. » ;
3° Au troisième alinéa de l'article L. 3122-5, les mots : «, sur avis conforme de la commission d'indemnisation mentionnée à l'article L. 3122-1 » sont supprimés.
VI. - Le montant de la dotation globale pour le financement de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, mentionné à l'article L. 1142-23 du code de la santé publique, est fixé à 117 millions d'euros.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Cet article instaure une procédure d’indemnisation à l’amiable des victimes d’une contamination par le virus de l’hépatite C résultant d’une transfusion sanguine ou d’une injection de médicaments dérivés du sang. Cette indemnisation est confiée à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, ONIAM.
Les risques de transmission de l’hépatite C lors de transfusions sanguines sont désormais « très faibles » grâce à l’amélioration de la sélection des donneurs et aux progrès du dépistage, selon une étude de l’Institut de veille sanitaire.
Compte tenu du repérage des facteurs de risques chez les donneurs et des techniques de dépistage, le « risque résiduel » de transmettre ces infections par transfusion a été estimé, entre 2003 et 2005, à 1 pour 6,5 millions de dons pour le virus de l’hépatite C.
On pourrait donc a priori s’interroger sur la pertinence du présent article. Ce serait toutefois oublier que plusieurs milliers de patients avaient été victimes d’une infection par l’hépatite C au cours des années 1980 et 1990 à l’occasion d’une transfusion sanguine.
Ces patients ont été indemnisés, dans la quasi-totalité des cas, à l’issue d’une action contentieuse longue et coûteuse engagée contre l’Établissement français du sang, et ce alors même que l’imputabilité de l’infection à une transfusion était le plus souvent avérée.
C’est parce qu’il tend à faciliter l’indemnisation des victimes et que, de surcroît, il répond à une attente forte des associations de patients concernés que nous apporterons notre soutien à l’article 47
M. le président. L'amendement n° 317, présenté par M. A. Dupont, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, supprimer le mot :
notamment
La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. J’ai bien écouté les propos tenus par Mme Le Texier, mais mon approche de cet article est différente de la sienne.
L’amendement n° 317 tend à supprimer l’adverbe « notamment ». Je souhaiterais obtenir des précisions de la part du Gouvernement, afin que l’on n’en donne pas une interprétation qui permettrait à l’ONIAM de s’affranchir d’une présomption légale.
À l’origine, le régime d’indemnisation en matière de transfusions ayant entraîné une contamination par des maladies telles que le SIDA et l’hépatite C était jurisprudentiel.
Selon la jurisprudence, comme il a été constaté qu’il était impossible d’administrer la preuve absolue de l’origine transfusionnelle de la contamination, il a été considéré que les victimes de transfusions « contaminantes » devaient bénéficier d’une présomption d’imputabilité de la contamination aux transfusions reçues, à la condition que la victime prouve, d’une part, la réalité de la contamination par le VIH, et, d’autre part, l’existence d’une transfusion.
La seule solution pour que le responsable de la transfusion puisse être déchargé de l’indemnisation est d’apporter la preuve inverse, c’est-à-dire que la contamination avait une autre origine que la transfusion – par exemple la toxicomanie intraveineuse, ou encore des relations avec un partenaire sexuel contaminé – et que tous les produits transfusés étaient indemnes de toute contamination.
Cette jurisprudence a d’abord été légalisée en ce qui concerne le SIDA par la loi du 31 décembre 1991. Pour les victimes de l’hépatite C contaminées par transfusion, c’est l’article 102 de la loi du 4 mars 2002 qui a concrétisé la jurisprudence antérieure. Ainsi, il s’agit aujourd’hui d’un régime légal d’indemnisation dont on ne peut sortir.
Si l’adverbe « notamment » figure dans le texte, l’ONIAM risquerait de s’affranchir du cadre législatif posé par la loi du 4 mars 2002. La présomption d’imputabilité serait abandonnée et les victimes soumises à un choix inéquitable entre deux régimes juridiques de preuve différents.
Dans le cadre d’une transaction avec l’ONIAM, on aurait une procédure rapide et peu onéreuse avec la liberté de la preuve, c’est-à-dire un abandon de la présomption législative d’imputabilité et le renvoi de la victime à l’exigence d’une « preuve positive », impossible à fournir en matière de transfusion.
Au contraire, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, longue et coûteuse, on aurait des règles d’administration de la preuve facilitées, encadrées par l’article 102 de la loi du 4 mars 2002, qui instaure au bénéfice des victimes une présomption d’imputabilité, la preuve positive ayant été reconnue impossible à fournir par la jurisprudence, puis par la loi.
Il y aurait donc éventuellement une inégalité de traitement entre les victimes, selon qu’elles choisiraient, ou plutôt subiraient, l’un ou l’autre de ces régimes d’indemnisation – dans un cas, devant l’ONIAM, il n’y aurait pas de présomption en faveur de la victime ; dans l’autre, devant une juridiction, il y aurait présomption – ainsi qu’un risque de violation de la loi.
C’est pourquoi le présent amendement tend à supprimer le mot « notamment » pour contraindre l’ONIAM à appliquer dans tous les cas la présomption légale.
Madame la ministre, je veux m’assurer que l’ONIAM ne pourra pas choisir une autre procédure que celle faisant appel à la présomption légale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien que, vous le savez, je déteste l’adverbe « notamment », je pense qu’en l’espèce la suppression de ce mot pourrait, au contraire, constituer un risque de ne pas voir pris en charge ceux que nous entendons protéger par cet article.
Il nous apparaît nécessaire de rappeler que ce texte s’applique aussi – c’est le sens du mot « notamment » – aux victimes relevant de l’article 102 de la loi du 4 mars 2002.
Toutes les associations que nous avons rencontrées approuvent la proposition du Gouvernement.
Pour ces raisons, nous sommes défavorables à cet amendement.
M. François Autain. C’est dommage !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le président, je préférerais répondre à l’ensemble des quatre amendements déposés par M. Ambroise Dupont sur cet article. Il serait plus cohérent qu’il présente dès maintenant les trois suivants.
M. le président. Je vais donc appeler ces trois amendements.
L'amendement n° 321, présenté par M. A. Dupont, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° du V de cet article.
L'amendement n° 322, présenté par M. A. Dupont, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° du V de cet article.
L'amendement n° 323, présenté par M. A. Dupont, est ainsi libellé :
Supprimer le 3° du V de cet article.
La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Les amendements nos 321, 322 et 323 abordent le problème de la procédure d’offre d’indemnisation.
En matière de contaminations post-transfusionnelles par le SIDA, les victimes sont indemnisées par l’ONIAM selon une procédure d’avis conforme d’une commission d’indemnisation. Les demandes d’indemnisation présentées sont examinées collégialement, et la commission rend un avis auquel l’ONIAM, qui présente l’offre, doit impérativement se conformer.
Il me semble évident qu’on ne peut pas confier au seul payeur, comme tend à le faire le paragraphe I de cet article, le soin de juger du bien-fondé de la preuve et de fixer le montant des indemnités qui seront offertes. Or, le projet de loi supprime la commission et l’avis conforme pour les remplacer par un « conseil d’orientation » dont on ne connaît pas encore les attributions, puisque sa création est renvoyée à un décret. De toute évidence, il ressort des conversations que j’ai pu avoir avec vos collaborateurs, madame la ministre, que ce conseil n’aura, comme son nom l’indique, qu’un rôle d’orientation, ce qui veut dire qu’il n’aura pas un pouvoir de décision.
Je crains – et c’est l’objet de l’amendement n° 322 – que cela nous amène à réformer également les procédures existant en matière de SIDA post-transfusionnel et de vaccinations obligatoires.
On risque ainsi d’aller vers une « barèmisation » de l’offre, puisque, si j’ai bien compris, le conseil d’administration, qui préparera les décisions du directeur de l’ONIAM, sera encadré.
Je ne suis pas sûr que cela corresponde à la volonté du législateur. En tout cas, passer d’un avis conforme à un avis simple change fondamentalement les moyens de négociation des victimes.
Mme la ministre essaiera sans doute de m’apporter tous les éléments susceptibles d’apaiser mes craintes, mais je ne suis pas sûr qu’elle me convainque !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais dire à notre collègue Ambroise Dupont que je ne pense pas que ces amendements soient en mesure d’atteindre le but visé. Car, contrairement à ce qu’il a dit, les commissions ne fixent rien, elles proposent et n’ont aucun pouvoir décisionnaire.
Aujourd’hui, l’objectif est simplement de réunir au sein d’un conseil d’orientation l’ensemble des missions de l’ONIAM, en remplacement des trois commissions existant actuellement.
Selon Ambroise Dupont, il n’est pas normal que ce soit l’ONIAM qui décide. Je lui demande pardon, mais c’est la raison d’être de l’ONIAM, qui a été créé pour faire des offres d’indemnisation !
Je rappelle également que, si la victime ne s’estime pas pleinement satisfaite par cette offre, elle peut à tout moment retourner devant le juge, en première instance comme en appel. Par conséquent, elle n’est jamais privée de recours.
En tout cas, la procédure envisagée nous semble plus rationnelle. La commission est donc favorable au texte du Gouvernement et, par voie de conséquence, émet un avis défavorable sur les trois amendements proposés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai souhaité, par l’article 47, donner des droits supplémentaires aux malades.
Il est vrai que la loi de 2002 créait un régime favorable aux victimes, mais elle n’était applicable qu’aux contaminations antérieures à la date d’entrée en vigueur de cette loi, c’est-à-dire le 4 mars 2002.
Aujourd’hui, je vous propose un nouveau dispositif qui permettra à l’ONIAM, dans la recherche des circonstances de la contamination, d’appliquer le régime de présomption le plus favorable à toutes les victimes, quelle que soit la date de leur contamination.
Or, supprimer l’adverbe « notamment », comme vous le proposez, mon cher collègue, reviendrait au fond à priver les victimes de contaminations récentes de cette avancée, à laquelle je tiens, et à mettre la charge de la preuve du côté de la victime.
C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement n° 317 au bénéfice des explications que je viens de vous fournir.
En ce qui concerne les trois amendements suivants, je voudrais vous apporter un certain nombre de précisions sous forme de données chiffrées relatives aux contentieux faisant suite à des avis. En effet, ces données expliqueront l’avis que je donnerai sur ces amendements.
Pour ce qui concerne les avis simples émis par les commissions régionales d’indemnisation, le taux de refus exprès des victimes est de 4 %, sur une cohorte de 500 dossiers pris sur un semestre.
Nous pouvons penser que ces dossiers donneront lieu à des contentieux de la part des victimes, mais ce n’est pas certain pour la totalité.
Pour ce qui concerne les avis conformes émis par les commissions placées auprès du directeur de l’ONIAM, sur une cohorte de 280 dossiers, et sur la même période, le taux de contentieux faisant suite à des décisions des deux commissions fonctionnant au sein de l’Office selon cette procédure est aujourd’hui de près de 20 %.
Il faut évidemment être prudents sur l’interprétation de ces données, qui ne portent pas sur le même type d’accidents médicaux et qui doivent être replacées dans leur contexte respectif : il est certain que la question de l’indemnisation des victimes du VIH à la suite d’une transfusion est plus conflictuelle que celle des victimes d’aléas thérapeutiques, pour qui l’intervention de l’ONIAM est un « plus » par rapport à la situation antérieure.
Il n’en reste pas moins vrai, monsieur le sénateur, que l’avis conforme ne protège pas du recours au contentieux de la part de la victime, bien au contraire.
Ces chiffres sont donc importants pour expliquer l’avis du Gouvernement.
J’en viens à l’amendement qui vise à la suppression des dispositions relatives au remplacement par un conseil d’orientation des commissions d’indemnisation chargées d’examiner collégialement les demandes des victimes en matière d’accidents vaccinaux, de contaminations VIH et VHC transfusionnelles.
Je vous rassure, monsieur le sénateur : ces dispositions visent non pas simplement à supprimer le conseil consultatif sur le VIH au sein de l’ONIAM, mais plus fondamentalement à en confier les missions à un conseil d’orientation placé auprès de l’Office, tout en complétant sa composition – cette mesure, à laquelle, vous le savez, je suis très attachée, recueillera certainement l’assentiment de tous dans cette assemblée – par l’adjonction de représentants des victimes.
Il apparaît plus rationnel de remplacer les instances existantes en matière de VIH et de vaccinations obligatoires par une instance unique, le conseil d’orientation, garante, notamment, de l’égalité de traitement de toutes les victimes, et il est évidemment plus opérationnel de confier à un même organisme la double fonction de réfléchir aux modalités les mieux adaptées et de les appliquer ensuite aux dossiers instruits.
Telle est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à l’amendement n° 321, pas plus qu’aux amendements nos 322 et 323.
J’espère que, ma réponse vous ayant rassuré, vous allez retirer vos amendements : je vous en serais reconnaissante.
M. le président. Monsieur Ambroise Dupont, vos amendements sont-ils maintenus ?
M. Ambroise Dupont. Je vous remercie, madame le ministre, monsieur About, d’avoir su, grâce à ces précisions très importantes, apaiser mes inquiétudes.
À partir du moment où il est certain que les dossiers des victimes seront examinés dans le respect des dispositions de l’article 102 de la loi de 2002, l’amendement n° 317 n’a plus lieu d’être. Je voulais être assuré que le terme « notamment » ne permettait pas de s’affranchir de cette procédure. (Mme la ministre fait un signe d’assentiment.)
Pour ce qui est des amendements nos 321, 322 et 323, le conseil d’orientation qui va remplacer les commissions n’aura pas la même fonction, puisque les commissions statuent par un avis conforme.
Monsieur About, je n’ai pas tout à fait la même interprétation que vous de l’avis conforme. Cet avis conforme s’impose au directeur de l’ONIAM. Charger un conseil d’orientation de préparer le cadre d’examen des demandes d’indemnisation puis laisser le soin au directeur de l’ONIAM de fixer le montant de ces dernières ne relève pas du tout de la même philosophie que celle qui consiste à donner à une commission toute liberté et toute indépendance pour traiter ces dossiers et proposer un montant d’indemnisation.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Un peu plus de coordination !
M. Ambroise Dupont. Madame la ministre, les précisions chiffrées que vous avez apportées sont intéressantes, mais il existe plusieurs sortes de contentieux : ceux qui sont relatifs à la recevabilité et ceux qui concernent l’indemnisation.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Ambroise Dupont. Par ces amendements, je souhaitais attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que nous sommes en train de changer de régime d’indemnisation et de modalités d’examen des recours présentés par les malades.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous en prenons de plus en plus en charge !
M. Ambroise Dupont. Je vous l’accorde, vous travaillez à une indemnisation des victimes qui soit meilleure et plus juste. C’est pourquoi je vais retirer ces amendements, mais croyez bien que cette différence entre l’avis conforme et l’avis simple ne relève pas de la pure littérature.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela permet une meilleure harmonisation.
M. le président. Les amendements nos 317, 321, 322 et 323 sont retirés.
Je mets aux voix l'article 47.
(L'article 47 est adopté.)
M. René Garrec. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. René Garrec.
M. René Garrec. Peut-être cette remarque paraîtra-t-elle anecdotique, mais je tiens à la faire, tant le terme « notamment » pose de difficultés sur le plan juridique.
Que signifie « notamment », dans ce cas précis ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il signifie « en particulier » !
M. René Garrec. Cela veut dire : « entre autres ». Que recouvre le mot « autres » ? Il vaudrait mieux employer les termes « en particulier ».
Je suis favorable au pouvoir d’appréciation du juge, mais qu’on lui ouvre ainsi un boulevard, qu’on l’autorise à dire le droit à notre place ne me paraît pas convenable. J’ai vu que M. le président de la commission des affaires sociales avait hésité. Ne pourrait-on changer ce mot ? « Notamment » ne devrait pas exister dans un texte normatif.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il suffit de le supprimer !
M. le président. Mon cher collègue, ce sera désormais la tâche de la commission mixte paritaire, car nous ne saurions revenir sur un vote.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous venons d’adopter l’article. Nous ne nous en sortirons pas si nous revenons en arrière ! Cette discussion est bien littéraire…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je partage le sentiment de M. Garrec, qui est trop fin juriste pour ne pas réagir sur cette question.
Ce « notamment » est détestable : il attire l’attention sur un point, au détriment de tous les autres, comme s’ils n’avaient que peu d’importance. Il laisse supposer que les autres dossiers sont moins concernés.
Il suffisait d’indiquer que tous les dossiers étaient concernés.
J’ai coutume de supprimer le mot « notamment » dans tous les textes qui sont soumis à la commission des affaires sociales.
Ce « notamment » n’a aucun sens, mais nous réglerons ce problème rédactionnel en commission mixte paritaire.
M. François Autain. Les questions de forme sont souvent des questions de fond !
Article 48
I. - Le montant de la participation des régimes obligatoires d'assurance maladie au financement du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins est fixé, pour l'année 2009, à 240 millions d'euros.
II. - Le III ter de l'article 40 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 est ainsi rédigé :
« III ter. - Le fonds peut prendre en charge le financement des missions de conception des modalités de financement des activités de soins des établissements de santé et de conduite des expérimentations prévues au I de l'article 77 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 exercées par l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation. »
III. - Le montant de la participation des régimes obligatoires d'assurance maladie au financement du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés est fixé, pour l'année 2009, à 190 millions d'euros.
IV. - Le montant de la participation des régimes obligatoires d'assurance maladie au financement de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires est fixé, pour l'année 2009, à 44 millions d'euros.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Nous abordons de nouveau la question du fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, ou FIQCS. Par l’amendement n° 41, M. le rapporteur nous proposera de diminuer la dotation qui lui est affectée.
Nous insistons sur l’importance de ce fonds et regrettons l’insuffisance de sa dotation. Il va de soi que nous réprouvons cet article 48, qui tend à réduire davantage ce fonds. Une politique de santé publique forte et cohérente ne saurait s’accommoder d’un FIQCS faible : sa dotation doit être relevée.
En revanche, j’aimerais à nouveau dénoncer l’emploi abusif de l’article 40 de la Constitution sur trois propositions d’amendement que nous avons déposées sur cet article. Ces amendements visaient à la perception par les étudiants en masso-kinésithérapie d’une allocation d’étude en contrepartie de leur engagement de servir trois ans dans le service public hospitalier, qui – nous le savons tous – souffre d’une pénurie de ces personnels.
Nous déplorons, comme chacun ici, quelle que soit la travée sur laquelle il siège, que ce débat soit écarté de la discussion en séance plénière par l’invocation de l’article 40 de la Constitution, véritable verrou qui interdit tout amendement parlementaire touchant à la nature de la dépense publique.
Je peux comprendre que des règles soient indispensables au bon fonctionnement de notre assemblée, mais celle-ci, dont on peut dire qu’elle n’est même pas appliquée avec « tact et mesure », entrave plus qu’elle n’encadre le travail législatif !
Ces amendements déclarés irrecevables touchent directement à la vie de nos concitoyens.
La majorité sénatoriale ne peut pas tout à la fois nous reprocher de ne pas formuler de propositions constructives et exclure toutes celles que contiennent nos amendements.
Le Gouvernement, qui se targue, depuis cet été, d’avoir renforcé les pouvoirs du Parlement avec la réforme constitutionnelle, aurait dû commencer par assouplir les conditions de recevabilité des amendements, afin de permettre aux parlementaires de présenter leurs propositions.
C’est une question de démocratie, d’équilibre des pouvoirs et de respect du travail fourni par les élus de la nation.
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I - Dans le I de cet article, remplacer la somme :
240 millions
par la somme :
200 millions
II - Dans le III de cet article, remplacer la somme :
190 millions
par la somme :
150 millions
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cet amendement est motivé par le constat que, manifestement, chaque année, les fonds sont surdotés. Nous souhaitons ainsi faire une « opération vérité ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je répondrai tout d’abord à Mme Raymonde Le Texier.
Nous avons fixé à 240 millions d’euros la dotation nouvelle de l’assurance maladie au Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins. Le FIQCS a été créé pour regrouper les financements des projets nationaux et locaux – surtout locaux -de meilleure organisation des soins.
En 2008, 84,5 % de l’enveloppe régionale ont été consommés, soit un montant de 200 millions d’euros. Au sein de cette enveloppe, les MRS, les missions régionales de santé, ont utilisé 93 % des dotations qui leur sont allouées, soit un montant de 180 millions d’euros.
Nous voyons que nous avons pu financer l’ensemble des propositions qui ont été présentées.
La dotation, pour 2009, est de 240 millions d’euros, auxquels s’ajouteront les excédents cumulés au titre des années précédentes. Le budget pour 2009 va donc atteindre 349 millions d’euros, financés pour 109 millions d’euros sur les excédents des années antérieures.
Au total, les crédits que je vous présente permettront une véritable mise en œuvre des orientations dont nous avons déjà largement discuté, qu’il s’agisse de la création de maisons pluridisciplinaires de santé, de maisons médicales de garde ou de l’évaluation des pratiques professionnelles.
Sommes-nous trop généreux, monsieur About ? Il faut se garder une marge de manœuvre, mais, sur le fond, vous avez raison.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est le même constat chaque année !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La somme que vous proposez est peut-être suffisante, et est peut-être en soi la meilleure réponse à Mme Raymonde Le Texier.
Toutefois, je souhaite avoir une position équilibrée et garder une marge de manœuvre, compte tenu, notamment, de la montée en charge de ces divers dispositifs. Le FIQCS, comme le Fonds de modernisation de l’hôpital, sont des outils importants de promotion. Il me semble difficile de réduire davantage les dotations initiales.
J’émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur le président de la commission, l’amendement est-il maintenu ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Appartenant à la majorité, je ne puis concevoir de mettre le Gouvernement en difficulté sur ce point et, souhaitant ne pas gêner Mme la ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 41 est retiré.
Je mets aux voix l'article 48.
(L'article 48 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 48
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 249, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de deux ans suivant leur démission, il est interdit aux praticiens hospitaliers titulaires d'ouvrir un cabinet privé ou d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un laboratoire privé d'analyses de biologie médicale ou une officine de pharmacie où ils puissent rentrer en concurrence directe avec l'établissement public dont ils sont démissionnaires. Les modalités d'application de cet article sont réglées par voie réglementaire.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. L’objet de cet amendement est de protéger l’hôpital public contre la concurrence déloyale qu’exercent les praticiens du secteur privé commercial. Il serait légitime d’appliquer au service public hospitalier les règles de protection dont bénéficient aujourd’hui les médecins libéraux au titre de l’article 86 du code de déontologie médicale.
En effet, le code de déontologie médicale admet une restriction au principe de liberté d’installation des médecins, ce afin de les protéger de la concurrence déloyale que pourrait leur faire un confrère.
Je relis le premier alinéa de l’article 86 du code de déontologie médicale : « Un médecin ou un étudiant qui a remplacé un de ses confrères pendant trois mois, consécutifs ou non, ne doit pas, pendant une période de deux ans, s’installer dans un cabinet où il puisse entrer en concurrence directe avec le médecin remplacé et avec les médecins qui, le cas échéant, exercent en association avec ce dernier, à moins qu’il n’y ait entre les intéressés un accord qui doit être notifié au conseil départemental. »
Il est fort regrettable qu’aucune protection de ce type n’existe pour le service public hospitalier, lequel subit pleinement une forme de concurrence directe exercée par certains établissements de santé privés commerciaux. Dans le contexte actuel de pénurie médicale, ceux-ci sollicitent en effet les praticiens hospitaliers en leur proposant des rémunérations beaucoup plus élevées qu’à l’hôpital.
La démission d’un praticien hospitalier, qui est de droit dans un délai maximal de six mois, a pour effet d’amputer les hôpitaux d’une partie de leurs activités, ces hôpitaux qui se voient le plus souvent dans l’impossibilité de recruter rapidement un autre praticien, tout en étant obligés de continuer à rémunérer l'ensemble des personnels dévolus à cette activité.
Le préjudice subi en termes d’offre de soins comme d’un point de vue financier est très important. Les démissions de praticiens hospitaliers au profit de structures concurrentes sont d’autant plus problématiques que les établissements privés commerciaux qui les recrutent sont, eux, protégés, par des clauses de non-concurrence. C’est pour le moins paradoxal !
Le présent amendement a donc pour objet d’étendre au service public les règles de protection prévues à l'article 86 du code de déontologie médicale. Madame la ministre, ce ne serait que justice, car, vous en conviendrez, l’hôpital public, en cette période difficile, a besoin d’être protégé.
M. le président. L'amendement n° 388, présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger, Demontès, Campion, Printz, Chevé, Ghali, San Vicente-Baudrin et Alquier, MM. Godefroy, Teulade, Le Menn, Daudigny, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 6152-6 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans un délai de deux ans suivant leur démission, il est interdit aux praticiens hospitaliers titulaires d'ouvrir un cabinet privé ou d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un laboratoire privé d'analyses de biologie médicale ou une officine de pharmacie où ils puissent rentrer en concurrence directe avec l'établissement public dont ils sont démissionnaires. Les modalités d'application de cet article sont réglées par voie réglementaire. »
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement est similaire à celui que vient de défendre M. Autain. Il s’agit, en effet, d’interdire aux praticiens hospitaliers titulaires d’ouvrir un cabinet privé ou d’exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un laboratoire privé d'analyses de biologie médicale ou une officine de pharmacie, et ce pendant un délai de deux ans après leur démission, de façon à éviter une concurrence directe avec l’établissement dont ils sont démissionnaires.
En effet, comme cela a été rappelé, aux termes de l'article 86 du code de déontologie médicale, un médecin ou un étudiant qui a remplacé l’un de ses confrères pendant trois mois au moins ne peut, pendant une période de deux ans, s’installer dans un cabinet où il puisse entrer en concurrence directe avec le médecin qu’il a remplacé.
Il serait légitime, de notre point de vue, d’étendre une telle disposition à d’autres situations, monsieur About…
Madame la ministre, je vous en prie, ne nous répondez pas que cette disposition aurait davantage sa place dans le texte portant qui nous sera soumis au début de l’année prochaine.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est une bonne idée ! Je n’y avais pas pensé !
M. François Autain. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. C’est effectivement une bonne idée, sauf qu’il y a désormais une jurisprudence en la matière, car vous ne vous êtes pas privés, depuis hier, de nous proposer des dispositions qui, précisément, relèvent du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».
M. François Autain. Absolument !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame Le Texier, je vous remercie : je n’avais pas pensé à cet argument, mais, vous avez raison, ces amendements trouveraient effectivement beaucoup mieux leur place dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » ! (Protestations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Autain. Quel cynisme ! Vous me décevez, monsieur About !
Mme Jacqueline Panis. Mon cher collègue, je vous en prie !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour vous dire, en toute franchise, le fond de ma pensée, la disposition proposée me convient plutôt.
M. François Autain. C’est déjà mieux !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Son adoption soulèverait tout de même une petite difficulté, car le projet de loi à venir concernera également les contractuels. Ceux-ci risquent alors de voir figurer dans leurs contrats une clause de ce type. Autrement dit, ceux qui, en provenance du privé, viendront travailler, même brièvement, à l’hôpital risquent de se voir interdire de retravailler dans le privé.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est plutôt l’inverse qui se produit !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À l’évidence, il convient d’engager une réflexion en la matière, afin de mieux coordonner l'ensemble du dispositif. Mieux vaut donc nous donner le temps d’y réfléchir d’ici à la fin de l’année.
Je le répète, imaginer une telle mesure n’a honnêtement rien de scandaleux.
M. François Autain. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame Le Texier, si le sujet mérite réflexion pour aboutir à une réelle mesure d’harmonisation, je tiens de nouveau à vous remercier de votre judicieux argument.
M. François Autain. Vous n’y auriez pas pensé vous-même ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela étant, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est effectivement un sujet dont nous reparlerons sans doute au moment de l'examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », qui fait suite aux États généraux de l’organisation de la santé.
Mais je tiens, d'ores et déjà, à participer à cette réflexion, en portant un certain nombre de précisions à la connaissance de la Haute Assemblée.
Tout d’abord, sur le plan juridique, cette disposition risque de se heurter aux principes généraux de la liberté d’entreprendre et du droit au travail, qui ont valeur constitutionnelle.
Monsieur Autain, madame Le Texier, la Cour de cassation admet l’insertion de clauses de non-concurrence dans certains contrats de travail, mais celles-ci doivent obéir à des conditions restrictives dont vous ne faites pas état dans vos amendements. Il vous faudra donc les retravailler en profondeur si vous tenez à les présenter dans le cadre de l’examen du futur projet de loi !
Ces clauses doivent en effet à la fois être indispensables à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitées dans le temps et l’espace, et assorties d’une contrepartie financière, versée en capital à la fin de la relation contractuelle.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet ! Comme pour le patron de Carrefour !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Or rien de cela n’est prévu dans le dispositif que vous proposez.
De plus, la mise en œuvre d’une telle restriction, qui ne pourrait porter que sur les praticiens exerçant à temps plein, irait à l’encontre de l’objectif d’unification et de fluidité statutaire souhaité, les praticiens à temps partiel se trouvant simultanément, et non successivement, dans une situation de double intérêt.
Monsieur le président de la commission, vous avez soulevé un réel problème, tant la gestion des ressources humaines s’avère délicate en la matière. Dans la période qui s’ouvre, l'hôpital va en effet voir ses effectifs, notamment de médecins, diminuer.
À cet égard, le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » prévoit, pour l’hôpital, la possibilité de faire appel à des médecins libéraux, et cela ne concerne pas uniquement les contractuels.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Une réflexion doit être menée !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Au final, il serait tout à fait paradoxal d’envisager une disposition restreignant la liberté des praticiens hospitaliers.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour toutes ces raisons, et anticipant un débat que nous aurons peut-être de nouveau, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Madame la ministre, à vous écouter, l'hôpital a du souci à se faire ! Lorsqu’il s’agit de prendre des mesures pour sanctionner…
M. François Autain. … éventuellement les directeurs d’hôpitaux qui se seraient rendus responsables de déficits ou de manquements dans la gestion de leurs établissements, vous n’hésitez pas à inscrire dans la loi de financement de la sécurité sociale des dispositions qui devraient plutôt figurer dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
M. François Autain. Mais, lorsqu’il s’agit de prendre des mesures susceptibles d’aider les hôpitaux publics à stopper l’hémorragie de médecins qui choisissent d’en partir pour aller vers le privé, bien plus avantageux, vous refusez d’agir, au prétexte qu’il ne faut pas porter atteinte à la liberté d’installation ou de travail !
J’en viens à me demander si le code de déontologie médicale ne porte pas lui-même atteinte à cette liberté, puisqu’il interdit aux médecins ayant remplacé pendant trois mois un de leurs confrères de s’installer à proximité dans un délai de deux ans.
Autrement dit, ce qui est valable dans un cas ne l’est pas dans l’autre !
M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !
M. François Autain. Madame la ministre, la preuve est faite que vous acceptez les inégalités de traitement. Alors que vous vous montrez très encline à défendre les intérêts des cliniques privées commerciales, vous êtes au contraire très réservée à l’égard d’une disposition qui permettrait peut-être de freiner la déliquescence dans laquelle se trouve actuellement l'hôpital public, et ce en raison de la politique que vous menez.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, nos hôpitaux rencontrent à l’heure actuelle de graves difficultés de fonctionnement, qui touchent aussi bien le personnel médical que le personnel non médical.
À mon sens, il n’est vraiment ni opportun ni essentiel, au vu du climat actuel, de remettre en cause la liberté d’établissement et la libre concurrence entre le privé et le public dans ce secteur, surtout au détour d’une loi de financement de la sécurité sociale. Le sujet mérite une réflexion approfondie, et l’adoption de ces amendements n’aurait pour effet que de poursuivre la désorganisation de l'ensemble des services hospitaliers. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Très bien ! Attention aux conséquences !
M. François Autain. C’est la logique actuelle du Gouvernement ! La désorganisation est à l’œuvre !
Mme Raymonde Le Texier. Vous refusez tous nos amendements !
M. François Autain. C’est vous, les fossoyeurs de l'hôpital public !
M. Jean-Pierre Fourcade. Dans cette affaire, mieux vaut réfléchir avant de prendre des mesures drastiques dont l’impact n’a pas été mesuré.
Le groupe UMP votera contre ces deux amendements. (M. Alain Gournac applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Madame la ministre, j’ai eu l’occasion d’intervenir sur un autre article plus tôt dans la matinée, avant que vous nous rejoigniez, pour dire à quel point nous trouvions aberrant que le Gouvernement et nos collègues de la majorité affichent leur toute-puissance et donnent l’impression d’avoir toujours raison contre tous les autres. Je réitère ces propos, et j’invite l'ensemble du Sénat à voter ces amendements. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Raymonde Le Texier. J’imagine que cela vous serait insupportable…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’essaie véritablement de mener la meilleure politique possible, en écoutant les uns et les autres.
Mme Raymonde Le Texier. Vous plaisantez ! Avec vous, nous avons toujours tort !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, tout au long de l’année qui s’achève, je me suis employée à bâtir la meilleure organisation du système de santé possible. J’ai privilégié la concertation, avec la tenue des États généraux de l’organisation de la santé, et je me suis appuyée sur les travaux de la Commission de concertation sur les missions de l'hôpital, présidée par M. Gérard Larcher, ainsi que sur les nombreux rapports parlementaires, notamment du Sénat, qui m’ont été transmis. Je citerai en particulier celui de votre collègue Jean-Marc Juilhard sur la démographie médicale.
Lors de ce débat, j’ai montré que je pouvais accepter des amendements provenant de l'ensemble des travées. Je ne prétends pas détenir la toute-puissance de la vérité. Mais, vous, vous avez en tout cas le monopole de la contradiction ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Très juste !
M. François Autain. C’est vrai, nous sommes contre votre politique ! Nous continuerons à défendre l'hôpital public !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous n’êtes d’accord sur rien et vous n’avez de cesse d’attaquer la politique du Gouvernement !
Mme Raymonde Le Texier. Vous refusez toutes nos propositions !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais, puisque nous sommes sur cette question des praticiens hospitaliers, je dois vous dire que l'hôpital souffre d’un véritable problème d’attractivité. Voilà le problème !
Mme Raymonde Le Texier. Nous sommes d’accord !
M. François Autain. Oui, nous sommes d’accord !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Or la mise en œuvre de la mesure que vous préconisez, madame Le Texier, ne manquerait pas de détourner encore davantage une ressource médicale de l'hôpital.
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je veux bien admettre que votre proposition parte d’un bon sentiment, mais elle aura inévitablement un effet pervers.
D'ores et déjà, le mouvement de perte d’attractivité de l'hôpital est en train de se dessiner. En interdisant aux praticiens hospitaliers de pouvoir « mixer » les modes d’exercice, en les condamnant à l’immobilisme, en leur refusant une fluidité dans leurs carrières qui leur permette de passer du public au privé et réciproquement, vous les chassez véritablement de l'hôpital public !
Mme Raymonde Le Texier. Ce n’est pas ce que nous avons dit !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si je m’oppose à la disposition que vous préconisez, ce n’est pas parce qu’elle provient de l’opposition, c’est parce qu’elle est contraire au souhait des praticiens, avec qui nous avons dialogué à plusieurs reprises, dans le cadre, notamment de la commission Larcher, dont Jean-Pierre Fourcade assurera le suivi.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme Raymonde Le Texier. C’est ahurissant !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 388.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 48 bis
Une dotation des régimes obligatoires d'assurance maladie, dont le montant est fixé chaque année par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale, versée et répartie dans les conditions prévues aux articles L. 162-22-15 et L. 174-2 du code de la sécurité sociale, peut contribuer au financement de l'un des organismes agréés par l'État visés au dernier alinéa de l'article 116-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, au titre de la convention en cours à la date de publication de la présente loi souscrite au profit de ses adhérents en application de l'article L. 141-1 du code des assurances. – (Adopté.)
Article 49
Pour l'année 2009, les objectifs de dépenses de la branche Maladie, maternité, invalidité et décès sont fixés :
1° Pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale à 185,6 milliards d'euros ;
2° Pour le régime général de la sécurité sociale, à 160,7 milliards d'euros.
M. le président. L’amendement n° 500, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa (2°) de cet article, remplacer le montant :
160,7 milliards d'euros
par le montant :
160,6 milliards d'euros
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le présent amendement tire les conséquences de la révision des hypothèses macroéconomiques sur les objectifs de la branche maladie-maternité-invalidité-décès du régime général. La révision à la baisse de l’hypothèse d’inflation de 2 % à 1,5 % en 2009 a un effet direct sur les prévisions de dépenses d’invalidité. Cette légère révision à la baisse – 20 millions d’euros – conduit à modifier l’arrondi pour le montant de l’objectif de dépenses de cette branche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il est favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 49, modifié.
(L’article 49 est adopté.)
Article 50
Pour l'année 2009, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base et ses sous-objectifs sont fixés comme suit :
(En milliards d'euros)
Objectif de dépense |
|
Dépenses de soins de ville |
73,2 |
Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l'activité |
50,9 |
Autres dépenses relatives aux établissements de santé |
18,7 |
Contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées |
6,2 |
Contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées |
7,7 |
Autres prises en charge |
0,9 |
Total |
157,6 |
M. le président. L’amendement n° 287, présenté par Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy, Cazeau et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième ligne de la deuxième colonne du tableau constituant le second alinéa de cet article, remplacer le nombre :
73,2
par le nombre :
72,4
II. - En conséquence, dans la dernière ligne de la deuxième colonne du même tableau, remplacer le nombre :
157,6
par le nombre :
156,8
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Nous souhaitons diminuer l’enveloppe de l’ONDAM afin d’abonder le Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS.
Le montant du FIQCS est déterminé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale.
Une des priorités de ce fonds est de financer les réseaux de santé inscrits dans des priorités nationales. Nous souhaitons que le FIQCS s’oriente cette année vers le développement des modes d’exercice collectifs et pluridisciplinaires, tels que les maisons de santé et les centres de santé.
Nous voulons, à travers cet amendement, mettre en avant cette nouvelle façon d’offrir des prestations accessibles, de qualité et à un coût réduit pour les utilisateurs.
La complexification des soins et l’apparition de déserts médicaux rendent nécessaires des transformations et d’autres formes de valorisation de la médecine générale.
Il devient évident aujourd’hui que les maisons de santé sont l’une des solutions à la crise. Pour que cette évidence devienne réalité, il faut donner à ces maisons les moyens d’exister, de se développer, de s’équiper, et aux médecins qui y travaillent les moyens de se former.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me suis déjà longuement exprimée au sujet du FICQS. Ce fonds est suffisamment doté, voire surdoté, comme l’a dit M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je m’interrogeais simplement, madame la ministre. (Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais j’espère que nous monterons en charge !
Je souhaite attirer l’attention de Mme Le Texier sur le fait que le FIQCS est financé par l’ONDAM au sein du dernier sous-objectif « Autres prises en charge ». C’est un argument de forme important. Si cet amendement était adopté, il ne permettrait nullement d’abonder le FIQCS, puisque vous ne proposez de modifier ni ce sous-objectif ni la dotation 2009 du FIQCS, qui est fixée à l’article 48.
Pour les raisons de fond que j’ai déjà présentées et de forme que je viens d’exposer, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 50.
(L’article 50 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 50
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 78 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° 481 rectifié est présenté par M. Juilhard, Mme Henneron et M. Lardeux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 1111-3 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque l'acte inclut la fourniture d'une prothèse, l'information délivrée au patient doit mentionner le coût de la prothèse. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 78.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement vise, lorsque l’acte du praticien inclut la fourniture d’une prothèse, à améliorer l’information donnée par le professionnel de santé au patient, en permettant à celui-ci de mieux comparer les devis médicaux.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cette disposition s’inscrit dans le cadre des mesures visant à renforcer les obligations de transparence des informations transmises au patient décidées lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour présenter l’amendement n° 481 rectifié.
M. André Lardeux. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 349, présenté par Mme Dini, MM. Mercier, J. Boyer, Vanlerenberghe et les membres du groupe de l’Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 1111-3 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque l'acte ou la prestation inclut la fourniture d'une prothèse, l'information délivrée au patient doit mentionner le coût de la prothèse. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Cet amendement est également défendu.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, est-il possible, dans un souci de cohérence, d’appeler également en discussion commune l’amendement n° 429 assorti du sous-amendement n° 531, qui traite du même sujet que les amendements nos 78, 481 rectifié et 349 ?
M. le président. Tout ce qui permet d’éclairer le débat est bienvenu !
M. le président. J’appelle donc en discussion commune l’amendement n° 429, présenté par M. About, et ainsi libellé :
Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 162-1-9 du code de la sécurité sociale, après les mots : « un devis », sont insérés les mots : « indiquant le prix hors taxes de l'appareillage proposé, son lieu de fabrication, et précisant les prestations associées, ».
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. L’objectif de cet amendement est de permettre non seulement une meilleure information du patient mais aussi une connaissance plus complète par chacun des coûts des prestations fournies, qu’il s’agisse du matériel, du savoir-faire du praticien ou du nombre d’heures nécessaires pour accomplir l’acte médical.
Lorsque j’ai fait cette proposition, on m’a répondu que c’était trop compliqué et qu’il n’était pas aisé de déterminer le coût réel d’un matériel, notamment parce qu’il peut faire l’objet de plusieurs interventions.
En tant que médecin, je reçois une documentation fournie, d’ailleurs très bien faite, répertoriant des tarifs d’implants et de matériels, et faisant mention de délais de livraison sous quinzaine et de la possibilité de faire des ajustements. Or les prix figurant dans ces catalogues sont sans comparaison avec ceux qui seront facturés aux patients !
Je crois nécessaire que le malade prenne conscience du coût du matériel – une centaine d’euros pour un implant, par exemple –...
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Nicolas About.... et comprenne que le savoir-faire d’un praticien et les frais de gestion d’un cabinet, entre autres, coûtent parfois dix fois le prix qui lui sera demandé. Dans mon esprit, cela n’a rien de choquant !
Si un praticien considère que son savoir-faire vaut une somme donnée et si des patients sont prêts à acquitter cette somme, tant mieux !
M. Alain Gournac. Puisqu’ils y vont !
M. Nicolas About. On supprimera ainsi le risque de tromperie sur le contrat passé entre le praticien et son patient.
Par ailleurs, il est tout aussi raisonnable d’informer le patient sur l’origine géographique du matériel qui sera implanté.
Les catalogues dont je parlais à l’instant portent mention des pays de fabrication de ces matériels : l’Inde, la Chine, l’Allemagne, les Pays-Bas, bref tous les pays du monde.
M. Alain Gournac. Singapour...
M. Nicolas About. Nous connaissons donc parfaitement leur origine.
M. François Autain. Rien ne vient de France !
M. Nicolas About. Le matériel fabriqué en France est un peu plus cher !
Certains produits fabriqués dans des pays lointains ont cependant le défaut d’être légèrement sous-adaptés, afin de prévenir un éventuel retour du matériel au fabricant en vue d’un réajustement.
Restes qu’il est indispensable que le malade sache ce que coûte le matériel qui lui est implanté et d’où il vient.
De même, il est normal que le travail du praticien soit payé au prix juste. Il n’y a pas de honte à cela, et je ne comprends pas pourquoi certains réagissent avec violence quand on évoque le sujet.
Lorsqu’un médecin généraliste demande un certain tarif pour sa consultation, il n’a pas honte ! Ou, s’il en ressent, c’est parce que la somme est trop modeste... Pourquoi d’autres praticiens auraient-ils honte de demander une juste rémunération en contrepartie de leur travail ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. Le sous-amendement n° 531, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de l'amendement n° 429, remplacer les mots :
le prix hors taxes de l'appareillage proposé, son lieu de fabrication,
par les mots :
le prix de revente du dispositif médical visé à l'article L. 5211-1 du code de la santé publique
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, si vous me le permettez, je souhaiterais d’abord donner l’avis du Gouvernement et présenter ensuite le sous-amendement n° 531.
M. le président. Je vous en prie, madame la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En effet, ce sous-amendement découle logiquement de mes explications sur les amendements.
Les amendements nos 78, 481 rectifié et 349 visent à distinguer le prix de vente de la prothèse et celui de l’acte associé, ce qui est une excellente idée dans l’optique d’une meilleure information des patients. Cela clarifie en effet, au niveau de la loi, l’obligation d’informer le patient du coût de la prothèse, étant entendu que l’arrêté portant modèle de devis prévu dans le code de la sécurité sociale devra alors logiquement mentionner cette obligation. Le modèle de devis conventionnel qui est actuellement à l’étude entre les syndicats représentatifs et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie doit en tenir compte.
Néanmoins, si je suis favorable sur le fond à ces trois amendements, j’ai une préférence pour celui de M. About,...
M. François Autain. Cela se comprend !
Mme Raymonde Le Texier. Vous avez le droit, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.... non parce que c’est le président de la commission (Sourires),...
M. Alain Gournac. Il y a des privilèges ! (Nouveaux sourires.)
M. François Autain. Parce que c’est le meilleur !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.... mais parce que son amendement est objectivement meilleur et apporte davantage de précisions.
Le modèle de devis, qui doit faire l’objet d’un arrêté, mentionnera ainsi, sans équivoque, l’obligation de porter à la connaissance du patient le coût de la prothèse, en le distinguant du coût de l’acte d’ajustement et d’adaptation.
Cette proposition est ambitieuse et très protectrice. Vous prévoyez ainsi, monsieur le sénateur, de rendre obligatoire la mention de l’origine du dispositif médical. Je souscris à cette ambition.
Certaines affaires récentes ont montré que, dans le domaine de la santé encore plus qu’ailleurs, le patient devait avoir accès à la meilleure information possible et pouvoir se décider en toute connaissance de cause.
M. François Autain. Les contrefaçons !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le lait pour bébés !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, selon les règles communautaires et mondiales du commerce, l’introduction d’une telle obligation dans la loi nous conduirait tout droit à un contentieux devant l’OMC.
Une réflexion est néanmoins engagée au niveau européen pour introduire dans la législation communautaire un régime de marquage de l’origine obligatoire applicable à certains produits industriels importés des pays tiers. Je souhaite que nous laissions cette démarche aller à son terme.
Je tiens à préciser par ailleurs, car la question m’a souvent été posée, que, selon l’AFSSAPS, il n’existe pas à l’heure actuelle de problème de santé publique lié aux prothèses importées d’Asie ou d’Europe de l’Est. (M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, et M. Alain Gournac font une moue dubitative.)
M. François Autain. Pour ce qui est de l’Europe de l’Est...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Lorsque l’on intente un procès, mesdames, messieurs les sénateurs, on doit s’appuyer sur des arguments fondés ! On ne saurait le faire au détour d’une interpellation.
Nous devons aborder ce sujet de façon rationnelle. Je ne dis pas que des problèmes ne surviendront pas, mais je ne dispose pas pour le moment d’éléments d’information susceptibles d’étayer une accusation en ce sens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’heure actuelle, la mention « fabriqué en » ou « made in » figurant sur un produit est certes intéressante, mais elle n’est pas obligatoire. Néanmoins, si le fabricant d’un produit appose cette mention sur un produit, il doit être en mesure de prouver que ce produit est bien fabriqué dans le pays indiqué.
La mention obligatoire de l’origine est contraire au droit communautaire ainsi qu’au droit international, et expose la France à des poursuites devant l’Organisation mondiale du commerce qui aboutiraient à invalider l’ensemble du dispositif.
Pour pallier ces difficultés, je vous propose d’adopter le sous-amendement n° 531, qui vise à préciser l’amendement n° 429, et dont la disposition cruciale est la suppression dans le devis de la mention obligatoire du lieu de fabrication du dispositif médical.
Par ailleurs, le sous-amendement tend à apporter une précision terminologique : le mot « appareillage » est remplacé par les mots « dispositif médical », qui correspondent à une catégorie juridique bien précise, distincte des actes d’ajustement.
M. le président. À ce stade du débat, je me dois d’interroger les auteurs des trois premiers amendements faisant l’objet de la discussion commune : ces amendements sont-ils maintenus ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Non, je retire le mien, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 78 est retiré.
M. André Lardeux. Je retire le mien également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 481 rectifié est retiré.
Mme Muguette Dini. Je retire de même mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 349 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement du Gouvernement ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission n’ayant pas pu examiner ce sous-amendement, le rapporteur a donné, à titre personnel, un avis favorable.
Et c’est également à titre personnel que je voudrais réagir à ce que vient de dire Mme la ministre.
Dans le sous-amendement du Gouvernement, il est question non plus du prix hors taxes mais du prix de revente. Pour justifier cette proposition, on nous oppose le droit, qui interdirait de dire à quel prix le matériel a été acheté. Qu’il faille se conformer au droit, je l’admets, mais je me préoccupe aussi de l’information du malade. Or la seule mention du prix de revente, pour claire qu’elle soit, ne permet toujours pas de savoir à quel prix un appareillage est disponible.
J’ai le sentiment que, si l’assurance maladie remboursait ces dispositifs, nous aurions tous connaissance du tarif forfaitaire de remboursement, ce qui nous donnerait à peu près le coût réel du matériel. C’est donc parce que l’assurance maladie considère que le traitement des soins bucco-dentaires ne présente aucun intérêt - pardonnez-moi de le dire avec cette violence ! – qu‘il règne une telle liberté.
Il me semble pourtant très important que tous les patients, et encore plus ceux qui sont âgés, aient une bouche en parfait état. C’est leur santé tout entière qui, au-delà de l’aspect bucco-dentaire, est en cause ; je pense notamment aux questions pulmonaires.
Un tel mépris pour les soins bucco-dentaires est d’autant plus inconcevable que le défaut de prise en charge correcte de ce secteur laisse la voie libre pour que s’organise un véritable commerce, les chirurgiens-dentistes compensant ainsi le fait que certains actes sont peut-être par ailleurs sous-cotés. Et les dispositifs, parce qu’ils sont renchéris en conséquence, sont réservés aux riches ! (Marques d’assentiment sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je considère qu’il faut donc avancer, et pas seulement en ce qui concerne les soins bucco-dentaires, mais sur l’ensemble des dispositifs médicaux. Ce n’est pas un luxe d’avoir un appareillage correct, que les problèmes soient auditifs ou dentaires !
Je ne suis pas là pour mettre en difficulté le Gouvernement, dont je comprends l’argumentation, mais je déplore un certain paradoxe : quiconque achète un dispositif de lecture électronique connaît son lieu de fabrication, la Chine, par exemple, alors qu’il est impossible au porteur d’un appareillage médical d’en connaître l’origine !
M. François Autain. La traçabilité est un impératif !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est une affaire de traçabilité, en effet ! Et je vous mets au défi d’aller vérifier l’origine du matériel une fois qu’il aura été implanté dans votre mâchoire !
Conscient que notre marge de manœuvre est, à ce jour limitée, je souhaite néanmoins que nous progressions sur l’ensemble des dispositifs pour empêcher les professionnels de santé, au motif qu’ils seraient sous-payés sur d’autres actes, de se servir sur le dos des consommateurs, interdisant ainsi ceux qui en auraient besoin d’accéder à tous ces soins !
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour conclure, le rapporteur est, à titre personnel, favorable au sous-amendement du Gouvernement, le code de commerce lui interdisant de faire autrement, m’a-t-il dit !
Mme Raymonde Le Texier. C’est effrayant !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur About, je partage totalement votre point de vue, quant à l’intérêt de connaître la provenance des dispositifs.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On l’a vu avec les laits pour bébés !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Et il faudrait connaître la composition !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous l’avez bien compris, je ne défends pas une position de principe. Je me contente de rappeler que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes comme celle de l’Organisation mondiale du commerce sont absolument catégoriques sur ce point.
Comme vous l’avez dit, le débat progresse. La France sera très active sur ce sujet.
J’en viens à l’obligation qui serait imposée aux chirurgiens-dentistes ou aux professionnels de santé de faire apparaître sur le devis le prix d’achat de la prothèse. Cette démarche serait totalement discriminatoire : pourquoi ne pas l’imposer à l’ensemble des prestataires de services et à tous les professionnels du commerce ? Pourquoi l’acheteur d’une calculette ne connaîtrait-il pas le prix d’achat de cette dernière ? Et pourquoi l’acheteur d’une paire de chaussures ne saurait-il pas le prix auquel le détaillant l’a achetée ? Dans aucune démarche commerciale on n’affiche le prix d’achat !
Mme Annie David. La différence, c’est qu’il s’agit de l’argent de la sécurité sociale !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Imposer cette obligation aux chirurgiens-dentistes à l’exclusion de l’ensemble des prestataires de services ou des commerciaux serait profondément injuste !
Je souhaitais vous répondre, tout en vous remerciant de l’avis favorable donné sur le sous-amendement du Gouvernement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’était à titre personnel !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, mes chers collègues, il est clair que les règles posées par l’Organisation mondiale du commerce nous interdisent de voter l’amendement imposant de faire apparaître le lieu de fabrication du produit. Nous irions au-devant de graves ennuis si nous en décidions autrement.
Compte tenu des nombreuses rumeurs entendues sur les prothèses, notamment bucco-dentaires, fabriquées dans un certain nombre de pays, il serait bon de rassurer le Parlement. Je vous suggère, madame la ministre, de prescrire à l’Inspection générale des affaires sociales de réaliser un examen de la traçabilité des dispositifs, à l’instar de ce qui se passe dans la chaîne alimentaire : quand nous mangeons dans notre restaurant de la viande de bœuf, nous pouvons savoir d’où elle vient.
Nous aimerions que, de même, une enquête soit lancée sur la traçabilité des principaux dispositifs médicaux, pace-makers, appareils bucco-dentaires ou appareils de lutte contre la surdité. Vous pourriez ainsi, madame la ministre, fournir une information intéressante au Parlement qui ne peut aujourd’hui aller plus loin que voter votre sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens à rassurer M. Fourcade : ces études sur les produits d’importation sont en cours à l’AFSSAPS. Bien entendu, dès que je disposerai de conclusions substantielles, je les transmettrai au Parlement, et tout particulièrement à la Haute Assemblée.
M. Jean-Pierre Fourcade. Merci, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je voterai, bien sûr, le sous-amendement du Gouvernement, même si je souscris à ce qu’ont dit M. Fourcade et un certain nombre de nos collègues. Je voudrais cependant aller un peu plus loin.
Je crois bon de rappeler à Mme la ministre l’existence des appels d’offres. Même si le taux de remboursement de ces produits par la sécurité sociale est faible, cela n’enlève rien à l’intérêt qu’il y aurait à connaître le prix d’achat et le prix de revente. Dans les appels d’offres, ceux qui proposent leurs services aux collectivités publiques communiquent leurs marges. Je pense qu’en matière de sécurité sociale on pourrait faire de même, ouvrant ainsi un nouveau droit.
M. Alain Gournac. Surtout en matière de santé !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. J’en viens à la composition. Tout à l’heure, vous avez dit, avec raison, qu’il ne fallait pas alarmer nos concitoyens.
Je crois comprendre, pour m’intéresser au sujet, que la composition de certains implants, par exemple en matière dentaire, a fait apparaître des problèmes de dégénérescence provoquant infections ou troubles chez les patients. Pour l’instant, les faits ne sont pas totalement établis. Vous me dites que l’AFSSAPS enquête. Je crois qu’il y a une marge de progression, car l’Agence était un peu en retrait sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je souhaiterais savoir, madame la ministre, combien la couverture maladie universelle de base, CMU, et la couverture maladie universelle complémentaire, CMU-c, remboursent éventuellement un implant.
M. Jean-Jacques Mirassou. Les implants ne sont pas remboursés!
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne doute pas que ces remboursements soient calculés par des gens très intelligents, informés du prix réel de l’implant et du service rendu. Voilà une façon assez simple pour Mme la ministre de nous informer, nous, la représentation nationale de ce que devrait être un tarif honnête.
En effet, on nous a toujours expliqué que tous les praticiens devaient accepter la CMU, qu’il n’y avait pas de raison de ne pas le faire parce que c’était bien coté. Je souhaiterais donc que soient communiqués au Parlement les tarifs de remboursement de l’ensemble des dispositifs bucco-dentaires au titre de la CMU et de la CMU-c.
Si certains ne sont pas remboursés, on trouvera là l’origine du défaut du système.
Il faudrait imposer que l’ensemble des dispositifs soit remboursé dans le cadre de la CMU et de la CMU-c : je vous donne quinze jours, pas plus, pour savoir quel est leur prix réel !
Je n’ai pas besoin de savoir à quel prix ils sont revendus ; je veux juste savoir à quel prix la sécurité sociale les rembourse. Cela nous informera suffisamment. (M. Alain Gournac applaudit.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’aurai ces précisions sous dix minutes ! Il n’y a rien là de secret !
Mme Raymonde Le Texier. Courage, fuyons !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de financement, après l'article 50.
L'amendement n° 288, présenté par Mme Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1111-3 du code de la santé publique est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le professionnel de santé doit afficher de façon visible et lisible dans son lieu d'exercice les informations relatives à ses honoraires, y compris les dépassements qu'il facture. En outre, une information écrite préalable précisant le tarif des actes effectués ainsi que la nature et le montant du dépassement facturé doit être obligatoirement remise par le professionnel de santé à son patient dès lors que ses honoraires dépassent le tarif opposable. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Les professionnels de santé sont obligés d’informer le public sur les tarifs qu’ils pratiquent dans les lieux où ils exercent leur activité dès lors qu’ils facturent des honoraires supérieurs à 70 euros. Il nous paraît utile que cette obligation concerne l’ensemble des professionnels, quel que soit le tarif qu’ils appliquent. Si un certain nombre de praticiens affichent leurs tarifs, y compris lorsqu’ils sont en secteur 1, selon différentes enquêtes, la moitié des médecins contrôlés ne respectent pas cette obligation.
Je pense que nous sommes tous allés dans certains cabinets médicaux où il n’y a aucune information sur les honoraires susceptibles d’être pratiqués.
Les dépassements d’honoraires constituent aujourd’hui une préoccupation croissante dans notre pays. Ils représentent globalement 2 milliards d’euros. Pas plus tard qu’hier, le délégué général de la Fédération de l’hospitalisation privée a estimé que le système des dépassements d’honoraires pratiqués entre autres dans les cliniques privées avait dérapé.
De fait, on assiste depuis quelque temps à une espèce de course à l’échalote en matière de tarification et de dépassement d’honoraires : certains praticiens se sentent étrangement pousser des ailes, considérant que, dans certaines grandes villes, la population a les moyens de payer n’importe quel tarif. Ce sont évidemment des gens qui, en général, bénéficient d’assurances complémentaires satisfaisantes, mais on ne va pas rouvrir le débat…
Mieux encadrer pour améliorer la lisibilité et la transparence sur les coûts pratiqués, c’est aussi faire pression sur les dépassements d’honoraires qui, trop souvent, dépassent le « tact et la mesure » !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Des mesures similaires ont été adoptées sur ce sujet l’an dernier. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Nous avons instauré pour les médecins et les chirurgiens-dentistes l’obligation de remettre aux patients une information écrite préalable dès que le tarif des actes qu’ils se proposent d’effectuer incluant un dépassement est supérieur à 70 euros.
Sur ce sujet, il règne une grande confusion. J’entends souvent dire que l’affichage des tarifs est obligatoire quand ceux-ci dépassent de 70 euros le tarif conventionné. Non ! L’obligation s’impose dès que le tarif excède 70 euros, dépassement compris.
Vous le voyez, j’ai vraiment baissé le curseur. En proposant de fixer ce seuil au niveau du tarif opposable, votre amendement va encore plus loin, madame la sénatrice.
Vraiment, si j’ai choisi de retenir le montant de 70 euros, c’est par souci de ne pas entraver les professionnels de santé par des procédures administratives lourdes.
Dans le cadre d’une démographie médicale déclinante, l’un des défis, c’est de libérer du temps médical, de libérer les médecins et les autres professionnels médicaux et paramédicaux de la paperasserie.
J’ai placé le curseur bas de façon à bien informer les patients. Il y a aussi d’autres dispositifs : l’obligation d’affichage, les points d’information dans les caisses primaires d’assurance maladie. Je souhaite faire preuve de pragmatisme dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à l’amendement n° 288.
M. le président. L'amendement n° 348, présenté par Mme Dini, MM. Mercier, J. Boyer, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cadre de la conclusion des contrats d'apprentissage, les visites médicales des apprentis, prévues par les textes en vigueur, pourront être réalisées par les médecins de famille.
Cette visite médicale sera prise en charge financièrement par l'employeur.
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. L’idée n’est pas mauvaise. La commission se ralliera à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable. En effet, les apprentis font partie du tableau des effectifs d’une entreprise et, dans ce cadre, la responsabilité des visites médicales des apprentis relève bien des médecins du travail.
Une réflexion est en cours sur la médecine du travail et je ne souhaite pas voir dériver le dispositif.
M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 348 est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 348 est retiré.
L'amendement n° 446, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport du Gouvernement sur l'opportunité de la création d'un nouveau sous-objectif de dépenses qui permette de distinguer, au sein de l'actuel sous-objectif relatif aux dépenses des établissements de santé, les charges respectives et l'évolution des crédits de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie relatifs aux établissements de santé publics d'une part et aux cliniques privées d'autre part, être remis au parlement avant le 15 octobre 2009.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. La loi organique du 2 août 2005 confère au seul Gouvernement la possibilité d’ouvrir une nouvelle sous-enveloppe au sein de l’ONDAM.
Or il apparaît que la présentation actuelle de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ne permet pas de dissocier les charges et les crédits qui relèvent de l’hôpital de ceux qui relèvent des cliniques commerciales privées. C’est regrettable, car cela contribue à rendre les choses encore plus opaques.
Une nouvelle présentation plus rigoureuse et plus transparente permettrait de faire apparaître les transferts de crédits indus opérés, par exemple, de l’hôpital public vers les cliniques privées commerciales, pratiques qui ont été dénoncées l’année dernière par la Cour des comptes, notamment pour l’année 2006.
Elle permettrait également de normaliser les modalités de fixation de l’ONDAM relatives aux établissements de santé qui n’intègrent pas les honoraires des médecins des cliniques privées commerciales inscrits dans l’enveloppe « soins de ville ».
Enfin, elle vous permettrait, madame la ministre, de remplir un engagement pris lors du débat sur la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale au mois de juillet 2005 par votre prédécesseur, M. Xavier Bertrand, qui indiquait alors : « S’agissant de l’ONDAM, il y a tout lieu de se féliciter qu’il puisse être désormais décliné en au moins cinq sous-objectifs : soins de suite, hospitalisation publique, hospitalisation privée, personnes âgées, personnes handicapées. »
Tous ces éléments plaident, à mon sens, en faveur de l’adoption de mon amendement, qui permettrait au Gouvernement de réfléchir sur l’opportunité de distinguer, dans la présentation de l’ONDAM, le secteur hospitalier du secteur privé et de fixer ainsi les responsabilités de chacun, notamment lors des dépassements ou des respects des objectifs fixés par l’ONDAM.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
En effet, l’ONDAM distingue – M. Autain le sait très bien – deux sous-objectifs relatifs aux établissements de santé. Le premier porte sur les dépenses des établissements tarifés à l’activité et le second sur les autres dépenses des établissements.
Le critère de distinction est le mode de financement, lui-même étant fonction de la nature des activités : d’une part, la médecine, la chirurgie et l’obstétrique, d’autre part, la psychiatrie et les soins de suite ou de réadaptation, les SSR.
De ce fait, les dépenses des établissements, quel que soit leur statut juridique, relèvent de l’un ou de l’autre de ces sous-objectifs, ce qui correspond à l’esprit de la réforme du financement de la T2A. Le Gouvernement estime inopportun de revenir sur cette distinction, voilà pourquoi il émet un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur le président, on vient de me fournir les textes généraux relatifs à la prise en charge des prothèses dentaires dans le cadre de la protection complémentaire en matière de santé et je les tiens à la disposition du Sénat. Je remets à M. le rapporteur le décret sur les tarifs, en le priant de bien vouloir le transmettre à M. le président de la commission des affaires sociales. (Mme la ministre remet le document à M. le rapporteur.)
M. le président. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir fait diligence pour fournir ces informations à la commission et au Sénat tout entier.
M. Guy Fischer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je profite de la circonstance pour attirer l’attention sur la façon dont nous travaillons aujourd'hui.
Mme la ministre voulait remettre ce document à M. le président de la commission des affaires sociales, mais celui-ci a dû quitter l’hémicycle pour rejoindre la commission qui siège au moment même où je vous parle.
Certains d’entre nous devraient en ce moment être en commission. Un rapport qui me concerne directement y est présenté par notre collègue Janine Rozier ; Mme Printz est également concernée.
Je le fais remarquer en toute courtoisie, monsieur le président, mais c’est un problème qui devient de plus en plus pesant et qui suscite notre mécontentement.
M. François Trucy. C’est notre faute, peut-être ! Si vous étiez plus concis…
M. Alain Gournac. Exactement ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Fischer, c’est précisément pour cette raison que chacun doit s’efforcer de ne pas allonger les débats.
La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l’amendement n° 446.
M. François Autain. Je voulais simplement faire observer que Mme la ministre ne respectait pas les engagements de son prédécesseur, M. Bertrand.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où je vais quitter votre Haute Assemblée, puisque les articles qui relèvent de ma compétence de ministre de la santé ont été examinés, je souhaitais remercier l’ensemble des intervenants de la qualité de ce débat. L’assurance maladie et la protection maladie de nos concitoyens le méritaient bien.
Je remercie également les présidents de séance, qui ont su animer ces débats de grande qualité, ainsi que les fonctionnaires du Sénat qui nous ont accompagnés tout au long de cet examen. (Applaudissements.)
M. le président. Madame la ministre, nous vous remercions de ces propos qui nous vont droit au cœur.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons déjà examiné par priorité les sections 2 et 3 de la quatrième partie, c'est-à-dire les articles 51 à 69 relatifs aux dépenses d’assurance vieillesse et aux dépenses d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
Nous allons maintenant examiner les dépenses relatives à la branche famille.
Section 4
Dispositions relatives aux dépenses de la branche Famille
Article 70
I. - Au 5° de l'article L. 223-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « à 60 % des » sont remplacés par le mot : « aux ».
II. - À titre transitoire, la Caisse nationale des allocations familiales prend en charge une fraction des dépenses mentionnées au 5° de l'article L. 223-1 du code de la sécurité sociale égale à 70 % de ces dépenses pour l'année 2009 et 85 % de ces dépenses pour l'année 2010.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l'article.
Mme Claire-Lise Campion. Cet article poursuit le transfert à la branche famille du financement des majorations de pension pour les parents ayant élevé trois enfants.
Aujourd’hui, le taux de prise en charge par la branche famille est de 60 %; il sera porté à 70 % en 2009 pour atteindre 100 % en 2011.
Nous ne contestons pas qu’il s’agit d’une mesure prise voilà quelques années sur l’initiative du gouvernement Jospin, mais, dans le contexte économique actuel, marqué par la crise financière, poursuivre ce transfert au rythme que je viens de rappeler n’est pas cohérent. Il n’est pas non plus opportun face aux besoins des familles en matière d’accueil des jeunes enfants.
Les prévisions de croissance pour 2009 sont révisées à la baisse. L’augmentation des cotisations salariales devrait être beaucoup plus modeste que prévu et devrait atteindre difficilement 1,5 %, au lieu des 3 % envisagés.
Par conséquent, le montant des cotisations sociales affectées à la branche famille sera moins important : M. le rapporteur prévoit une baisse comprise entre 500 millions et 1 milliard d’euros pour 2009.
L’excédent, modeste, que la branche atteint aujourd'hui sera ainsi affecté à cette seule destination, au détriment d’autres affectations attendues par les familles, qui subissent de plein fouet la crise économique : je pense à la revalorisation des allocations.
Il ne sera certainement pas suffisant et maintenir le transfert tel qu’il est prévu entraînera un lourd déficit de la branche.
Nous sommes favorables à un étalement beaucoup plus important de ce transfert qui prenne en compte la situation économique et qui ne grève pas toute possibilité pour la branche famille d’affecter une partie des excédents à des mesures d’aides nouvelles en direction des familles, ce qui serait beaucoup plus juste et conforme aux missions de la branche.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 52 est présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 214 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Lardeux, rapporteur, pour présenter l’amendement n° 52.
M. André Lardeux, rapporteur. Nous abordons maintenant le budget de la branche famille. Cet examen intervient toujours en fin de PLFSS et, si j’ai un souhait à émettre, madame la ministre, c’est que, dans les prochaines années, on commence par le budget de la branche famille. Je compte sur vous, madame la ministre !
Mme Raymonde Le Texier. Très bien, nous vous soutiendrons !
M. André Lardeux, rapporteur. En effet, sans la branche famille et sans les familles nombreuses, il n’y a plus rien.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est exact !
M. André Lardeux, rapporteur. Madame la ministre, nous avons un désaccord important sur cet article 70, qui tend à poursuivre le transfert des majorations de pension pour enfants à la charge de la branche famille, alors qu’elles relevaient jusqu’à présent de la solidarité nationale. Vous prévoyez de passer en trois ans à 100 %, alors que nous en sommes actuellement à 60 %. Nous devrions, nous semble-t-il, en rester à 60 %.
Je l’ai dit lors de la discussion générale, Mme Campion l’a rappelé également, l’amorce de cette mesure date du gouvernement Jospin, et l’argumentation de Mme Campion a montré que ce genre de dispositif ne convainc plus personne. Nous avons, chacun à notre tour dans l’opposition, contesté cette disposition.
Avant de vous présenter les deux arguments qui ont conduit la commission à proposer cet amendement de suppression, je voudrais d’emblée en écarter deux autres qui pourraient être invoqués à l’appui du texte.
D’abord, la commission ne croit pas à l’argument selon lequel il s’agirait cette fois-ci du dernier transfert infligé à la branche famille. La preuve ? Le bruit court qu’on lui ferait bientôt porter – une fois les avantages retraite absorbés – le congé de maternité qui relève, pour l’instant, de la branche maladie.
Je ne doute pas que, là aussi, on nous dira le moment venu que le congé maternité est un avantage familial et qu’il est donc juste qu’il soit assumé par la CNAF. Madame la ministre, j’espère que vous nous direz tout à l’heure ce que nous devons croire ou ne pas croire dans ce domaine.
Ensuite, la commission ne pense pas non plus que la prise en charge par la CNAF soit une manière de sanctuariser les majorations de pension. C’est une façon habile de présenter les choses, mais elle n’est pas très convaincante. En effet, qu’est-ce qui empêchera le Gouvernement – celui-ci ou un autre – qu’est-ce qui empêchera la majorité – celle-ci ou une autre – de remettre en cause le dispositif en cas d’urgence, s’agissant de la situation financière de la sécurité sociale ? En quoi une question de tuyauterie financière peut-elle geler les choix du législateur ? On se souvient d’autres montages fort complexes, notamment dans le cadre du FOREC…
Mes chers collègues, la seule raison de faire porter un peu plus sur la branche famille le poids financier des majorations de pension, c’est l’équilibre du financement des retraites.
Les fonds de la branche famille sont, à mon sens, destinés à répondre aux besoins des familles, notamment en termes de places d’accueil en crèches, lesquelles sont pour l’instant, nous le savons tous parfaitement, encore insuffisantes.
Les dépenses de la politique familiale sont un investissement sur l’avenir. Elles ont un effet positif direct sur l’ensemble des autres branches dans la mesure où elles soutiennent la natalité, et donc le volume des futures cotisations.
En prélevant davantage les recettes de la branche famille, nous commettrions une double erreur : la première, à l’égard des familles, qui ont particulièrement besoin d’être aidées en ce moment ; la seconde, à l’égard de la sécurité sociale, dont le Gouvernement essaie aujourd'hui d’équilibrer les comptes en créant les déficits de demain.
Dans ces conditions, la commission vous propose, mes chers collègues, de supprimer l’article 70.
J’ajoute que les familles nombreuses, celles de trois enfants ou plus en vertu de la définition actuelle, souffrent actuellement beaucoup de la baisse du pouvoir d’achat.
M. Guy Fischer. Oui !
M. André Lardeux, rapporteur. Certes, je reconnais que la base mensuelle du calcul des allocations familiales sera un peu plus revalorisée que d’habitude, ce dont je vous félicite, madame la secrétaire d'État, mais les familles nombreuses auraient besoin d’un petit coup de pouce supplémentaire, d’autant que des dispositions fiscales, tel le malus écologique sur les automobiles, sont là pour les mettre à mal.
Mais nous aurons l’occasion d’en reparler au cours de la discussion budgétaire, puisque l’amendement présenté à l'Assemblée nationale par M. Le Fur, qui me semblait empreint de bon sens, a été remis en cause, ce que je regrette profondément.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l'amendement n° 214.
Mme Isabelle Pasquet. C’est par un bien mauvais signal envoyé aux familles de notre pays que débute, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, l’examen des dépenses de la branche famille.
Par l’article 70, dont nous espérons la suppression, le Gouvernement entend recourir aux excédents de la branche famille pour financer la branche retraite. Pour se faire, il n’hésite pas à profiter du débat qui existe sur la nature des majorations de pension. Toutefois, il n’est qu’un trompe-l’œil.
En effet, le Gouvernement envisageait également de compenser la branche vieillesse déficitaire par une partie des excédents de l’UNEDIC. Il s’y est refusé, crise oblige, et c’est tant mieux pour les salariés privés d’emplois qui vont certainement venir grossir, dans les prochains mois, les rangs des demandeurs d’emplois inscrits à l’ANPE.
Ce sont donc bien les familles qui vont payer les difficultés rencontrées par les caisses de retraite.
Pourtant, jusqu’en 2001, c’est la branche retraite de la sécurité sociale qui assurait le financement de ces droits des parents retraités. Depuis lors, 60 % de cette charge ont été transférés aux caisses d’allocations familiales via le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, pour un montant de 2,2 milliards d’euros par an.
Avec l’article 70, le Gouvernement poursuit le travail entamé en 2001. Au final, la branche famille assurerait, elle, 7 milliards d’euros de droits à la retraite des familles. Une telle mesure n’est pas acceptable, car les droits dont il est ici question relèvent précisément de la branche vieillesse, puisqu’ils compensent une partie du salaire amputé en raison du temps que les parents – bien souvent les femmes – ont consacré à leurs enfants. Ces droits, avantages non contributifs, sont, pour reprendre un terme technique, des « accessoires » de la pension. Il nous semble donc malvenu d’organiser un nouveau transfert.
Mais, surtout, il s’agit ici d’une nouvelle démonstration de l’échec de la politique de la Gouvernement et de son refus de trouver des moyens pérennes de financement. Demain, quand la branche famille ne sera plus excédentaire, qui financera le déficit de la branche vieillesse ?
Au demeurant, ce transfert privera la branche famille de fonds dont elle aurait eu pourtant bien besoin pour faciliter l’accueil public des jeunes enfants âgés de moins de trois ans, augmenter le nombre de crèches et mettre en œuvre un véritable service public de la petite enfance, c'est-à- dire pour aller un peu plus loin dans les objectifs des articles qui vont venir en discussion et proposer une offre de garde beaucoup plus large.
C’est pourquoi nous nous invitons, mes chers collègues, à voter notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.- Mme Claire-Lise Campion applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur. L’amendement n° 214 étant identique à l’amendement n° 52 que j’ai défendu, la commission ne peut qu’y être favorable, mais cela ne signifie pas que nous partagions les appréciations de Mme Pasquet sur la politique gouvernementale.
M. Alain Gournac et M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
Mme Annie David. Il fallait que ce soit dit !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. C’est le gouvernement de Lionel Jospin qui a engagé ce transfert de financement, que l’opposition d’alors avait combattu, transfert poursuivi ensuite par la nouvelle majorité au pouvoir. Au final, tous se retrouvaient, me semble-t-il, sur la nécessité de procéder à ce transfert.
Comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, il s’agit pour le Gouvernement de présenter une mesure de responsabilisation et de clarification. Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ni de droite ni de gauche, cette mesure est un point de convergence qui devrait faire consensus.
Ainsi que vous l’avez rappelé tout à l'heure, madame Campion, c’est bien le gouvernement de Lionel Jospin qui a commencé à faire basculer de 15 %, puis de 30 %, le financement de cette majoration sur la branche famille. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a poursuivi le mouvement, en faisant passer le taux de 30 % à 60 %, puis l’a stoppé à cause du déficit de la branche famille apparu avec la montée en charge de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE.
Aujourd'hui, 60 % de cette dépense, soit 2,4 milliards d’euros, sont déjà à la charge de la branche famille.
Faire financer les majorations de pension pour enfants par la branche famille permettra de réduire le déficit de la branche vieillesse via le FSV, sans augmenter les prélèvements obligatoires et de simplifier le financement de la protection sociale, puisque le financement de cette majoration est aujourd'hui assuré, sans aucune logique, à 60 % par la branche famille et à 40 % par le Fonds de solidarité vieillesse.
Cette décision permettra à la branche famille de disposer de marges de manœuvre financières suffisantes pour maintenir et financer les priorités de la politique familiale, dont le développement de l’aide à la garde d’enfants.
Je tiens ici à rassurer ceux d’entre vous qui s’inquiètent, l’amélioration tendancielle de la situation financière de la branche famille permet aujourd'hui de poursuivre la prise en charge de ces dépenses.
Enfin, sur le fond, il n’y a rien d’illogique à faire financer un avantage familial par la branche famille. Les majorations de pension pour enfants constituent, je vous le rappelle, l’avantage familial le plus ancien en matière de retraite. Instituées lors de la création du régime général, elles répondaient au souci d’encourager la natalité et de satisfaire la volonté de reprendre une disposition en vigueur dans certains régimes spéciaux. Ce sont des avantages non contributifs de retraite, tout comme le sont les cotisations d’assurance vieillesse du parent au foyer, celles-ci étant prises en charge, depuis leur création, par la branche famille.
Il est donc logique que la CNAF finance en totalité les dépenses liées à la majoration de pension pour enfants et non plus seulement à hauteur de 60 % comme aujourd'hui, ce que vous ne remettez pas en cause.
J’ajoute que le Sénat s’est déjà implicitement prononcé en faveur de cet article, en adoptant l’article 11 modifié par l’amendement n° 1 rectifié de M. Vasselle, présenté au nom de la commission des affaires sociales.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. En effet, la Haute Assemblée a ainsi d’ores et déjà validé le transfert d’une partie des ressources du FSV vers la CNAV, ce qui est la conséquence de la prise en charge par la CNAF de ces majorations de pension pour enfants.
Par souci de cohérence, il est donc nécessaire d’adopter l’article 70, faute de quoi le financement du Fonds de solidarité pour les retraites serait fragilisé.
Je comprends, monsieur le rapporteur, que vous alliez jusqu’au bout de vos convictions personnelles, mais je demande à la Haute Assemblée de confirmer son vote de l’article 11. Dans ces conditions, je souhaiterais, monsieur le rapporteur, que vous retiriez votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. Notre position est claire. Nous avons bien compris que l’objet de ces amendements identiques est de ne pas accepter une prise en charge totale par la branche famille des majorations de pension pour enfants selon le calendrier proposé que j’ai rappelé tout à l'heure.
Dans le contexte économique actuel, la situation des familles, qui sont, en outre, à la recherche d’un mode de garde pour leur enfant, ne nous permet pas de prendre une telle décision. Aussi sommes-nous totalement en accord avec M. le rapporteur et voterons ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur. J’admire l’habileté de Mme la secrétaire d’État, arguant du fait que le fameux article 11 a été adopté, ce que je n’ignore pas.
Cela dit, nous sommes devant un problème de fond, celui de savoir si les ressources de la branche famille doivent être affectées aux familles qui ont, actuellement, des enfants à charge. Bien sûr, je ne nie pas cet avantage en quelque sorte différé, mais la solidarité nationale devrait faire un effort, car les autres caisses, notamment la Caisse nationale d’assurance vieillesse, sont aujourd'hui financées grâce aux familles qui ont élevé trois enfants ou plus.
Ce n’est pas en prélevant 400 millions d’euros l’an prochain, puis 600 millions d’euros en 2010 et encore 600 millions d’euros en 2011, …
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
M. André Lardeux, rapporteur. … que l’on résoudra le problème de fond du financement des retraites. Certes, nous n’allons pas débattre de nouveau de ce sujet, encore que nous ne l’ayons peut-être pas assez fait… Soit on trouve de nouvelles ressources – une proposition que j’ai entendue tout à l'heure sur les travées communistes, mais à laquelle je ne souscris pas –, soit on trouve une nouvelle forme d’organisation de la retraite. Dès lors, se poseront des questions, notamment celle de l’âge de la retraite, mais je n’entre pas dans ce débat.
C’est pourquoi je maintiens l’amendement n° 52. À chacun de prendre ses responsabilités et de voter en son âme et conscience.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous sommes en train de débattre d’un sujet difficile.
Ayant eu la chance, je dirai même l’honneur, de présider pendant quelques années le conseil de surveillance de la Caisse nationale des allocations familiales, j’ai pu constater que des marges de manœuvre existent, notamment pour ce qui concerne la partie n’entrant pas dans le champ des prestations obligatoires et pour laquelle ledit conseil prend souverainement des décisions au titre de sa gestion sociale. (Mme la secrétaire d’État acquiesce.) C’est donc à ce niveau qu’il faut trouver des financements
On ne peut s’opposer à l’article 70 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, le Parlement, ainsi que l’ensemble du pays, doit veiller à l’équilibre général des régimes de sécurité sociale. Le fait de transférer des dépenses d’une caisse à l’autre est sans conséquence sur l’ensemble du système, alors que nous aggraverions le déficit du régime général si nous incitions la Caisse nationale des allocations familiales à engager des dépenses nouvelles. Nous ne voulons pas, au-delà des hypothèses financières corrigées qui nous ont été livrées pour l’année prochaine, aggraver encore le déficit de la sécurité sociale.
Ensuite, comme l’a rappelé fort justement Mme la secrétaire d’État, ce transfert de charges a débuté voilà plusieurs années. Si nous voulions y mettre un terme, il serait logique de revenir sur la totalité du transfert, ce qui représenterait plusieurs milliards d’euros.
L’adoption de l’article 70 ne fait que confirmer une évolution du système, qui, je le répète, me paraît importante sur le plan de l’équilibre général de notre protection sociale.
Mon cher collègue, croyez-moi, des marges de manœuvre, il en existe plusieurs au niveau de la Caisse nationale des allocations familiales ! Il suffit de voir la manière dont sont dépensées l’ensemble des dotations sociales pour constater qu’il est possible de créer des places supplémentaires dans les crèches et d’améliorer l’ensemble des prestations familiales.
C’est pourquoi le groupe UMP ne votera pas les amendements identiques de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 et 214.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales m’a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 actuellement en cours d’examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
4
Dépôt de rapports du Gouvernement
Mme la présidente. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :
- en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit le rapport sur la mise en application de la loi n° 2008-337 du 15 avril 2008 ratifiant l’ordonnance n° 2007-613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament ;
- en application de l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale le rapport sur les missions d’intérêt général et l’aide à la contractualisation des établissements de santé pour 2008 ;
- en application de l’article 8 de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat le rapport sur la mise en œuvre du dispositif de maintien des exonérations de redevance audiovisuelle pour les personnes qui en bénéficiaient avant la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.
Acte est donné du dépôt de ces trois rapports.
Les deux premiers ont été transmis à la commission des affaires sociales et le dernier à la commission des finances. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.
5
Transmission du projet de loi de finances pour 2009
Mme la présidente. J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 98, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
6
Renvois pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi de finances, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009), dont la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires culturelles, à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires sociales et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
7
Mise au point au sujet d'un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Madame la présidente, mon collègue Alain Vasselle m’a chargé de préciser qu’il avait souhaité voter contre l’amendement n° 351 rectifié, présenté par Mme Marie-Thérèse Hermange et M. Gérard Dériot à l’article 45 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et qui a fait l’objet du scrutin n° 44.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur le sénateur.
8
Financement de la sécurité sociale pour 2009
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, ce matin, Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative nous avait promis de nous fournir les tarifs forfaitaires de responsabilité, les TFR, concernant tous les soins bucco-dentaires, les soins dentaires et prothétiques et l’orthopédie dento-faciale. Tous ces documents sont désormais en notre possession, ce dont nous la remercions.
S’ils sont très intéressants, je n’y ai pas trouvé trace de remboursements d’implants, mais peut-être les ai-je mal lus ! Nous pourrions imaginer un devis, destiné à tous les assurés, qui indiquerait non plus le coût du matériel implanté, mais simplement celui du TFR qui est appliqué pour rembourser les personnes bénéficiant de la CMU et de la CMU-c. Sans doute examinerons-nous cette question dans le cadre de la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à un amendement portant article additionnel après l’article 70.
Article additionnel après l'article 70
Mme la présidente. L'amendement n° 53 rectifié, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 70, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du premier alinéa du II de l'article L. 531-5 du code de la sécurité sociale, les mots : « un montant » sont remplacés par les mots : « un taux de salaire horaire maximum ».
La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Cet amendement vise à réguler la rémunération des assistants maternels, qui fait l'objet, de l'avis unanime des professionnels, d'une fraude importante.
Actuellement, le complément de libre choix du mode de garde de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, permet à des parents qui emploient un assistant maternel d'être remboursés de la totalité des cotisations et contributions sociales correspondantes, dans la limite d'une rémunération ne dépassant pas, par jour et par enfant, cinq fois la valeur horaire du salaire minimum de croissance, soit, à l’heure actuelle, 43,55 euros.
Pour bénéficier de l'exonération de charges sociales, les parents cherchent donc à ne pas rémunérer l'assistant maternel au-delà de ce plafond journalier. Or il arrive fréquemment qu'un assistant maternel qui effectue des journées de travail pouvant atteindre onze heures ou douze heures refuse de voir sa rémunération journalière limitée par le plafond.
Les parents font donc souvent de fausses déclarations leur permettant de rémunérer l'assistant maternel comme il le souhaite, tout en bénéficiant de la totalité des exonérations de charges sociales : ils déclarent par exemple quatre jours de neuf heures de travail au lieu de trois jours de douze heures.
Le système de déclaration en ligne Pajemploi ne permet pas de lutter contre cette fraude.
Le présent amendement vise donc à rationaliser la situation en prévoyant que les parents pourront déduire la totalité des cotisations sociales dans la limite d'un salaire horaire maximum, et non dans la limite d'un plafond journalier n’ayant pas beaucoup de sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Le Gouvernement, s’appuyant sur les arguments qui viennent d’être développés par M. le rapporteur, émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. Madame la présidente, je souhaite faire un bref retour en arrière. En effet, à treize heures, le président de séance s’est montré pressé de suspendre la séance, si bien qu’il n’a pas vu ni entendu ma demande d’explication de vote sur les deux amendements identiques nos 52 et 214, déposés sur l’article 70.
Par conséquent, je commencerai par cette explication de vote, qui comporte des arguments que nous tenions beaucoup à avancer.
La branche famille est excédentaire, même si l’excédent de cette année résulte essentiellement d’un subterfuge, ainsi que j’ai pu le montrer au cours de la discussion générale : je veux parler de la majoration unique, qui, en outre, ne permet de réaliser qu’une économie de très court terme.
La montée en charge du transfert de la CNAF, la Caisse nationale d’allocations familiales, au profit du fonds de solidarité vieillesse pour couvrir les majorations de pension pour enfants, qui devra représenter, on s’en souvient, 100 % des dépenses en 2011, pose un double problème.
Le Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé à deux reprises, en décembre 2000 et en décembre 2002, a validé le principe de ce transfert, qu’il qualifie d’« avantage familial différé ».
Toutefois, dans sa décision du 12 décembre 2002, le Conseil constitutionnel émet une réserve importante à nos yeux quant aux missions des branches, à l’exercice desquelles s’attachent les exigences constitutionnelles énoncées par le préambule de la constitution de 1946.
En effet, il considère que le législateur ne peut procéder à un transfert tel que le montant compromettrait ces missions. À nos yeux, le transfert à 100 % de la charge des majorations de pension pour enfants risque de compromettre les missions de la CNAF. Au demeurant, ne serait-ce pas le cas s’il engendre, comme nous l’avons vu tout à l’heure, un nouveau déficit de la branche ?
Un second problème découle également de cette décision : l’augmentation du transfert jusqu’à la couverture complète des majorations de pension pour enfants est-elle, compte tenu des besoins de garde, réellement opportune ? Le fait de porter de trois à quatre le nombre maximum d’enfants pouvant être accueillis simultanément, comme cela est prévu à l’article 72, représente à nos yeux une goutte d’eau, au surplus tout à fait contestable. L’aide aux départs en vacances ou la revalorisation des allocations, notamment, auraient pu bénéficier d’un tel excédent. De telles affectations auraient été plus conformes aux missions de la branche famille, et plus justes.
Cette explication de vote visait donc à souligner l’intérêt des deux amendements identiques déposés sur l’article 70 respectivement par la commission et par le groupe CRC, amendements qui ont malheureusement été rejetés.
J’en viens maintenant à l’amendement n° 53 rectifié, dont l’objet est de lutter contre les « fraudeurs ». La chasse aux fraudeurs est, depuis six ans, un thème récurrent, et vous vous inscrivez donc, monsieur le rapporteur, dans cette lignée.
Lutter contre la fraude, soit ! Mais, dans ce cas précis, s’agit-il vraiment de fraudeurs ? Nous ne le croyons pas ! Peut-on qualifier de « fraude » l’étalement d’heures qui ont été réellement effectuées ?
Mme la présidente. La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur. Mme Campion a raison sur un point : il ne s’agit pas vraiment d’une fraude en tant que telle. Aucune somme d’argent n’est prélevée indûment sur la collectivité par ce moyen.
Simplement, si j’ai déposé cet amendement, c’est parce que les représentants des assistants maternels souhaitent que leurs rémunérations soient assises sur la base que j’ai présentée, qui leur paraît plus claire, plutôt que sur l’ancien système. Il leur est en effet gênant de devoir pratiquer une certaine gymnastique pour faire entrer leur travail dans le cadre prévu. Il s’agit donc non pas de dénoncer des fraudeurs, mais simplement d’instaurer un mode de rémunération et d’exonération, pour les familles, plus transparent.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 70.
Article 71
La deuxième phrase du III de l'article L. 531-5 du code de la sécurité sociale et la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 531-6 du même code sont complétées par les mots : « et des horaires spécifiques de travail des parents ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l'article.
Mme Claire-Lise Campion. La majoration de 10 % du complément de libre choix du mode de garde en fonction des contraintes horaires des parents pourrait être considérée comme une avancée, à ceci près qu’il est difficile d’apprécier la portée de cette réforme sans connaître les intentions du Gouvernement quant au barème de la majoration de la prestation et à la définition des horaires atypiques. Un certain nombre de clarifications sont donc, à nos yeux, nécessaires.
De plus, cette mesure privilégie les parents les plus aisés qui recourent à un mode d’accueil individuel, assistant maternel ou garde à domicile. Or il est indispensable, afin d’offrir un véritable libre choix de mode de garde aux familles, qu’un soutien financier soit également destiné aux places en structures d’accueil collectif qui font le choix d’offrir des amplitudes horaires plus importantes ou expérimentent des mesures innovantes.
En effet, ne nous y trompons pas, les familles souffrent plus encore de la pénurie de l’offre de garde à horaires atypiques que des difficultés à financer les services existants.
Les caisses d’allocations familiales disposaient de plusieurs outils financiers pour subventionner les actions innovantes, mais, avec la mise en place des nouvelles normes du contrat « enfance et jeunesse », les structures qui développaient des horaires atypiques ont été pénalisées. En effet, à titre d’exemple, la CAF pose comme condition à son éventuel financement un taux d’occupation minimum de 70 % pour les établissements et de 60 % pour les centres de loisirs. Cette exigence nous paraît peu réaliste, et les structures en question la dénoncent d’ailleurs régulièrement.
Ne serait-il pas envisageable de raisonner sur un taux d’occupation globale par rapport à l’ensemble des structures existantes sur une commune, plutôt que structure par structure ?
Enfin, et surtout, prévoir une telle majoration ne réglera pas le problème de l’offre de garde, qui sera de plus en plus criant concernant l’accueil pour des horaires atypiques, si j’en crois la volonté du Gouvernement de favoriser le travail le dimanche. En effet, nous le savons tous, une proposition de loi en ce sens a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Si nous pouvons approuver le développement de formes d’accueil adaptées aux familles au sein desquelles les parents travaillent selon des horaires atypiques, c’est aussi à la condition de s’interroger sur la légitimité de la forte augmentation de ce genre d’horaires.
Si cette légitimité est avérée dans certains cas – je pense notamment aux professions de santé –, elle ne l’est pas, sauf exception, pour les professions dont l’objet est d’offrir un service aux consommateurs.
Pour le salarié, le libre choix de son horaire de travail n’existe pas. À travers cette majoration, vous rendez donc la politique familiale complice d’une évolution qui contraint les parents à travailler tard le soir, voire la nuit, qui contraint les femmes élevant seules leurs enfants à travailler en horaires décalés.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Madame Campion, vous affirmez des contre-vérités.
Premièrement, les personnes ayant recours aux services d’un assistant maternel à domicile ne sont pas privilégiées. Il s’agit bien souvent d’ouvrières, qui commencent leur travail tôt le matin, ou encore d’hôtesses de caisse et de femmes effectuant des ménages qui, pour leur part, rentrent tard le soir. Ces personnes rencontrent très souvent des difficultés pour faire garder leurs enfants. Un décret précisera, évidemment, les conditions d’attribution du complément de libre choix du mode de garde. Il nous semblait en tout cas important d’aider les familles qui en ont le plus besoin à faire garder leurs enfants, en pensant à celles qui sont assujetties à des contraintes professionnelles, et qui ne sont nullement favorisées.
Deuxièmement, de nombreux professionnels, auxquels on ne pense pas souvent, travaillent déjà selon des horaires atypiques, ainsi que le samedi et le dimanche.
Le Gouvernement souhaite adapter les moyens de garde en fonction des territoires, des contraintes professionnelles et des attentes exprimées tant par les élus locaux que par les professionnels de la petite enfance. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet lors de la discussion générale.
Il nous faudra aussi optimiser les moyens. Vous parliez des professions de santé, madame la sénatrice. Mais savez-vous que les crèches hospitalières, qui sont ouvertes six jours sur sept, voire sept jours sur sept, y compris les jours fériés, de six heures trente le matin jusqu’à vingt-deux heures trente le soir, ont un taux d’occupation de 70 % ?
Nous avons déjà signé un accord à Paris pour que ces crèches hospitalières puissent s’ouvrir aux familles dont aucun des membres ne travaille à l’hôpital mais qui résident à proximité de celui-ci.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Enfin !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Il faut savoir qu’à Paris, sur 4 000 places de crèches, 1 000 étaient inoccupées ! Sachant qu’une place de crèche coûte 13 000 euros par an, nous perdions donc la modique somme de 13 millions d’euros chaque année, rien que sur Paris.
C’est la première fois, madame la sénatrice, qu’un Gouvernement s’occupe ainsi d’optimiser l’ensemble des moyens. Nous avons donc décidé de généraliser la mesure prise à Paris. Nous avons ainsi signé avec les cinq centres hospitaliers de Lyon et du bassin lyonnais une convention similaire, qui permettra aux familles résidant à proximité des hôpitaux de confier leurs enfants aux crèches hospitalières. Sur place, je m’attendais à beaucoup de discussions et de brouhaha. En réalité, j’ai pu constater à quel point ma visite satisfaisait le directeur de l’hôpital du Vinatier, et pour cause : le taux d’occupation de sa crèche hospitalière était de 40 % seulement !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Vous voyez qu’il existe des marges de manœuvre. Il suffit d’avoir un peu de bon sens et de penser aussi à ceux qui travaillent selon des horaires atypiques ! (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. Effectivement, madame la secrétaire d’État, des dispositions ont été prises et des propositions sont faites pour utiliser au mieux toutes les places disponibles.
Mais puisque vous êtes venue à Lyon et que, le matin même de votre visite, nous vous avions reçue à Vénissieux, vous savez bien que, dans un premier temps, l’hôpital du Vinatier voulait fermer sa crèche !
Si le problème est désormais réglé, c’est aussi parce qu’un très long mouvement du personnel a revendiqué le maintien de cette structure hospitalière absolument indispensable au vu des horaires de travail atypiques du personnel.
Par conséquent, si l’on peut certes se réjouir de l’ouverture de cette crèche hospitalière aux familles riveraines, ce qui permettra peut-être, espérons-le, de porter son taux d’occupation à 100 %, n’oublions cependant pas de rendre hommage à la lutte du personnel de cet hôpital !
M. François Autain. Il fallait le dire !
M. Guy Fischer. Je vous en prie.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État, avec l’autorisation de l’orateur.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. La seule chose que je retiendrai de vos propos, monsieur le sénateur, c’est que vous vous réjouissez de voir cette crèche hospitalière rester ouverte alors que, selon la manière dont elle était organisée auparavant, sa fermeture était inéluctable.
Tant mieux si le personnel s’est battu ! Je ne peux qu’encourager et soutenir le personnel qui se bat et je ne peux aussi qu’encourager le directeur de l’hôpital du Vinatier à optimiser les moyens. Je suis donc ravie que vous souteniez ses initiatives, monsieur le sénateur, car, en optimisant les places disponibles, on optimise aussi les coûts, et tout le monde y gagne !
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. J’ai été gestionnaire d’une grande ville, la commune de Vénissieux, madame la secrétaire d’État. Comme moi, vous savez fort bien que la gestion des crèches et des équipements de petite enfance constitue une gageure pour les municipalités. Ces structures sont parmi celles qui coûtent le plus cher aux collectivités. Il est donc tout à fait légitime de vouloir les utiliser au maximum, afin que ce service, si utile sur le plan social, soit rendu à la population.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. C’est effectivement ce que nous faisons et que personne n’avait fait avant nous ! Je vous remercie d’avoir pris la parole pour soutenir cette initiative, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 71.
(L'article 71 est adopté.)
Article 72
I. - Le premier alinéa de l'article L. 421-4 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Dans la deuxième phrase, la première occurrence du mot : « trois » est remplacée par le mot : « quatre » et, après les mots : « limite de six », sont insérés les mots : « mineurs de tous âges » ;
2° Dans la troisième phrase, les mots : « trois enfants simultanément et » sont remplacés par les mots : « quatre enfants simultanément, dans la limite de » ;
3° Dans la quatrième phrase, le mot : « trois » est, par deux fois, remplacé par le mot : « quatre ».
II. - Afin d'élargir les conditions d'exercice de leur activité, les assistants maternels peuvent, par dérogation aux articles L. 421-1 et L. 423-1 du code de l'action sociale et des familles, accueillir des mineurs, selon les modalités fixées par leur agrément, en dehors de leur domicile lorsque leur activité s'exerce dans le même lieu et en même temps qu'au moins un autre assistant maternel.
Une convention est conclue entre l'organisme mentionné à l'article L. 212-2 du code de la sécurité sociale, l'assistant maternel agréé mentionné à l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles et le représentant de la collectivité territoriale concernée. Cette convention détermine les conditions d'exercice de l'activité conjointement par plusieurs assistants maternels et d'accueil des enfants dans un lieu autre que le domicile d'un de ces assistants maternels. Elle comporte à titre obligatoire l'autorisation prévue à l'article L. 2324-1 du code de la santé publique.
L'article 80 sexies du code général des impôts est applicable aux revenus professionnels liés à l'exercice de l'activité d'assistant maternel dans les conditions du présent II, sauf si celui-ci est salarié d'une personne morale de droit privé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l’article.
Mme Claire-Lise Campion. Face à des besoins réels non satisfaits d’accueil des jeunes enfants, cet article tente d’apporter un élément de réponse quantitatif, en augmentant le taux d’encadrement des enfants par assistant maternel. Cet assouplissement permettrait, d’après les annonces du Gouvernement, de créer quelque 10 000 places d’accueil supplémentaires. Je ne m’étendrai pas sur cette estimation, que j’estime totalement surévaluée.
Selon les propos tenus en commission par M. le rapporteur, seuls 3 % des assistants maternels déjà agréés devraient obtenir l’autorisation d’un quatrième agrément. Pourquoi, dès lors, ne pas conserver le système actuel, qui privilégie la qualité de l’accueil, et maintenir la possibilité d’un système dérogatoire pour quatre enfants ?
L’enjeu est important : il s’agit d’assurer le maintien d’un mode d’accueil professionnalisé et de refuser le retour à ce qui prévalait voilà quelques années, à savoir un simple mode de garde.
Quoique vous ayez pu nous dire, madame la secrétaire d’État, sur les pratiques en vigueur dans les pays d’Europe du Nord – je fais référence aux échanges que nous avons eus lors de la discussion générale –, celles-ci ne sont pas transposables d’un pays à un autre, faute de pouvoir prendre en compte l’ensemble des paramètres. De toute façon, cette proposition de type « gestionnaire » ne nous semble pas aller dans le sens de la qualité de l’accueil du jeune enfant.
Nos interrogations ne se limitent d’ailleurs pas à l’organisation de la journée d’accueil pour les activités extérieures au domicile des professionnels, bien que cette question soit importante. En effet, comment un assistant maternel va-t-il pouvoir emmener quatre enfants se promener au jardin public, s’il réside en ville ? Et comment pourra-t-il les transporter, en cas de besoin, sachant qu’il est impossible d’installer quatre sièges pour bébés dans un véhicule standard ? Vous voyez, mes chers collègues, que des questions très pratico-pratiques ne manqueront pas de se poser si cette réforme est adoptée.
Le mode d’accueil promu par les assistants maternels est personnalisé et individualisé : il tend à s’adapter au mieux à chaque enfant. Selon les professionnels, le passage à quatre enfants ne permettra plus de s’occuper individuellement de l’éveil de chacun. Contrairement à la structure collective, l’assistant maternel doit à la fois s’assurer du bien-être de l’enfant, de son épanouissement, de son éveil, mais il doit aussi préparer les repas, accueillir les parents, prendre un temps avec chacun.
N’oublions pas que ces professionnels ont autant de contrats différents qu’ils ont d’employeurs, à savoir les parents, avec les avantages que cela entraîne mais aussi les contraintes, en termes d’amplitude horaire, de besoins et d’exigences.
Octroyer un agrément supplémentaire ne nous paraît donc pas raisonnable, ni pour les enfants accueillis ni pour l’assistant maternel lui-même, qui n’y gagnera ni en considération ni en attractivité. Il est pourtant impératif de faire un effort dans ce domaine. Nous connaissons tous la pyramide des âges de ces professionnels, 50 000 d’entre eux devant partir en retraite d’ici à 2015.
Enfin, si, aujourd’hui, on nous propose quatre agréments, qu’en sera-t-il demain ? D’ailleurs, madame la secrétaire d’État, lors des dernières questions d’actualité au Gouvernement, vous évoquiez le chiffre de cinq agréments dans les pays de l’Europe du Nord et au Québec.
Mme Claire-Lise Campion. M. le rapporteur s’est tout de suite engouffré dans la brèche en proposant de revenir sur les critères d’encadrement dans les structures collectives. Il faut dire que la tentation était grande !
C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à cette mesure. À notre sens, d’autres moyens existent pour offrir un plus grand nombre de places d’accueil, sans pour autant revenir sur la qualité de la garde.
Nous sommes tout aussi réservés, au vu des conditions actuelles, sur la proposition de regroupement d’assistants maternels dans un local approprié. C’est avec précipitation que vous avez accepté, madame la secrétaire d’État, au surplus sans contrepartie, la suppression du caractère expérimental de cette mesure. L’exemple de la Mayenne est souvent repris, mais, d’une part, il serait nécessaire de diversifier les expériences dans différents territoires – ruraux, mais aussi urbains – et, d’autre part, dans le département en question, la démarche a prouvé la nécessité de préciser certains aspects juridiques de ce regroupement.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Claire-Lise Campion. Sur le principe, ces regroupements peuvent offrir à certains professionnels l’opportunité d’exercer. Je pense notamment aux assistants maternels qui vivent dans des zones urbaines sensibles et ne peuvent y exercer en raison des réticences des parents, ou à ceux qui, en raison de l’exiguïté de leur logement, n’offrent pas les garanties d’accueil suffisantes.
Mais il est indispensable que soient exigées des garanties au moins équivalentes à celles qui sont prévues pour le dispositif expérimental des micro-crèches.
C’est pourquoi, toujours dans le souci de garantir la qualité de l’accueil, nous vous proposerons de fixer dans la loi le nombre maximum d’assistants maternels pouvant se regrouper et le nombre maximum d’enfants qu’ils pourront garder.
Mme la présidente. Il est vraiment temps de conclure, madame Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Madame la présidente, M. le rapporteur a fait remarquer que les questions relatives à la branche famille étaient toujours traitées à la dernière minute. Cette année, elles l’ont été après six jours et presque six nuits de débats. Par ailleurs, le projet de loi contient peu d’articles consacrés à ce sujet pourtant essentiel, qui concerne au premier chef la vie quotidienne de l’ensemble de nos concitoyens.
Je vous serais donc reconnaissante de bien vouloir nous laisser terminer nos interventions, même si celles-ci dépassent de quelques minutes les dispositifs réglementaires de prise de parole.
Mme la présidente. Je suis saisie de neuf amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 215, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. L’amendement n° 215 vise à supprimer l’article 72 de ce projet de loi, qui prévoit d’augmenter le nombre maximum d’enfants pouvant être accueillis par un même assistant maternel et d’autoriser le regroupement de ces professionnels.
Lors de la discussion générale, vous avez vanté, madame la secrétaire d’État, l’expérimentation menée en Mayenne. Nous vous avons écouté avec attention. Pour autant, vous ne nous avez pas convaincus.
En effet, cette expérimentation ne répond pas à la demande de la majorité de nos concitoyens et de nos concitoyennes, lesquels souhaitent voir le nombre de places en crèches augmenter. Ce que vous proposez pourrait, à la limite, constituer un complément pour certains foyers de notre pays. Mais la structure, l’organisation et le coût de ce mode de garde rendent son accès difficile aux familles les plus modestes. À l’inverse, le prix des crèches publiques dépend des ressources du couple et permet donc l’accès du plus grand nombre à ce mode de garde. Certaines familles n’ont toutefois pas accès aux crèches parce qu’un seul membre du foyer travaille. Avouez, mes chers collègues, que cette situation, dont nous avons déjà discuté lors de l’examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, est paradoxale : nous sommes en effet tous d’accord pour dire que la recherche d’un emploi constitue une occupation à temps plein.
Les membres du groupe CRC considèrent que, plutôt que de mettre en place cette mesure, il aurait fallu dégager les moyens nécessaires à la création d’un vrai service public de la petite enfance, qu’ils appellent de leurs vœux, particulièrement en cette journée mondiale des droits de l’enfant.
C’est pourquoi ils ne peuvent se satisfaire d’une politique gouvernementale qui, se limitant à augmenter l’allocation versée aux familles pour garde individuelle, renoncerait à tout effort en faveur des modes de garde collectifs.
Tant les parents que les assistants maternels n’ont rien à gagner avec cette disposition. Un enfant de plus, avant d’être une source financière supplémentaire, c’est avant tout une charge de travail supplémentaire. Tout le monde sait que le succès de ce mode de garde dépend en grande partie de la qualité de l’accueil, de la disponibilité et de la créativité de l’assistant maternel ainsi que de l’homogénéité de l’âge des enfants gardés. Or nous en sommes loin.
En outre, cette mesure ne répond pas non plus au problème de la sous-rémunération des assistants maternels. Malgré les mécanismes de majoration des allocations ou de déductions fiscales, ils sont, comme la grande majorité des personnes travaillant dans les services à la personne, les prolétaires du xxie siècle. Ils cumulent des temps partiels, leur temps de travail est morcelé et leurs salaires sont très largement insuffisants.
Enfin, la possibilité qui leur est offerte de se regrouper risque fort de rester lettre morte en raison des difficultés juridiques qu’elle soulève, eu égard en particulier à leur responsabilité professionnelle.
Les élus locaux, quant à eux, n’ignorent pas que leur responsabilité peut être engagée, et il y a fort à parier qu’ils y réfléchiront à deux fois avant de mettre des locaux à la disposition des assistants maternels, notamment par souci de respecter les règles de sécurité imposées par la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 308, présenté par Mmes Campion et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Schillinger, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Les modes de garde en vigueur chez nos voisins d’Europe du Nord ne sont pas forcément transposables chez nous. Le style de vie, les conditions de travail y sont bien différents, et la conciliation de l’activité professionnelle avec la vie familiale, portée par une volonté gouvernementale très forte, est depuis bien longtemps une réalité dans ces pays. Tel n’est pas le cas chez nous.
Quitte à comparer les systèmes, allons jusqu’au bout des choses et considérons-les dans leur globalité. À défaut, nous irons à l’échec, l’équilibre étant rompu.
En France, le mode de garde auprès d’un assistant maternel se caractérise par la personnalisation de l’accueil. Augmenter le nombre d’agréments nous paraît préjudiciable pour les enfants ; nous devons privilégier et maintenir la qualité. La modification qui nous est proposée ne va pas dans ce sens.
En outre, ce n’est pas en augmentant le nombre d’enfants pouvant être gardés par un assistant maternel que nous réussirons à pallier le déficit de prise en charge de la petite enfance. C’est pourquoi nous demandons qu’on en revienne au principe d’un agrément pour trois enfants, la présence d’un quatrième ne pouvant être autorisée qu’à titre dérogatoire.
Mme la présidente. L'amendement n° 344 rectifié, présenté par Mme Dini, MM. Mercier, J. Boyer, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans la seconde phrase du second alinéa de l'article L. 423-22 du code de l'action sociale et des familles, le nombre : « 2250 » est remplacé par le nombre : « 2585 ».
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Cet amendement a pour objet d'élever le plafond hebdomadaire d’heures travaillées que sont aujourd'hui tenus de respecter les assistants maternels. Il s’agit de prendre en compte l'augmentation du nombre d'enfants qu'ils seront en droit d'accueillir.
En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale étend de trois à quatre le nombre d’enfants pouvant être accueillis par un assistant maternel, ce qui aura pour conséquence d’accroître les difficultés que celui-ci rencontrera pour respecter le plafond d’heures travaillées fixé à l’article L. 423–22 du code de l’action sociale et des familles, plafond qui s’impose aux gestionnaires de crèches familiales.
Ce plafond sera plus rapidement dépassé dans la mesure où le temps de travail s’entend par employeur, de l’heure d’arrivée du premier enfant à l’heure de départ du dernier. C’est pourquoi nous proposons de le relever.
Mme la présidente. L'amendement n° 523, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Remplacer les deux premiers alinéas du II de cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
À titre expérimental, par dérogation à l'article L. 421–1 du code de l'action sociale et des familles, l'assistant maternel peut accueillir des mineurs dans un local en dehors de son domicile.
Ce local peut réunir au maximum quatre assistants maternels et les mineurs qu'ils accueillent.
Les assistants maternels exercent cette possibilité sous réserve de la signature d'une convention avec l'organisme mentionné à l'article L. 212–2 du code de la sécurité sociale et le président du conseil général. Cette convention précise les conditions d'accueil des mineurs. Elle ne comprend aucune stipulation relative à la rémunération des assistants maternels. Le président du conseil général peut signer la convention, après avis de la commune d'implantation, à la condition que le local garantisse la sécurité et la santé des mineurs.
Les dispositions du titre II du livre IV du code de l'action sociale et des familles sont applicables aux assistants maternels qui exercent leur activité professionnelle dans les conditions du présent II.
La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement vise à répondre aux interrogations de plusieurs de nos collègues, qui ont demandé que les conditions de regroupement des assistants maternels soient mieux définies.
Il tend à encadrer ce regroupement de trois manières : tout d’abord, il vise à limiter à quatre le nombre d’assistants maternels pouvant se regrouper ; ensuite, il tend à interdire aux caisses d’allocations familiales de leur imposer une rémunération déterminée afin de leur permettre de continuer à négocier directement et librement leurs tarifs avec les parents ; enfin, il vise à préciser que le président du conseil général ne peut signer la convention autorisant le regroupement qu’à la condition que la sécurité et la santé des enfants soient assurées dans le local de regroupement.
Ces trois conditions seront, je l’espère, de nature à lever, ou du moins à diminuer, les inquiétudes que suscite le regroupement des assistants maternels.
Nous ne pouvons que nous féliciter de l’orientation prise par le Gouvernement. Saluons le fait que, pour une fois que les lignes bougent, ce soit dans le bon sens !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 527, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Au début du deuxième alinéa de l'amendement n° 523, supprimer les mots :
À titre expérimental,
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Ce sous-amendement tend à supprimer le caractère expérimental du regroupement des assistants maternels, que vise à rétablir l’amendement de la commission.
Au cours des deux dernières années, nous avons expérimenté le regroupement des assistants maternels sur douze sites de la Mayenne, dans l’Orne, en Rhône-Alpes. Chaque fois, nous avons constaté que ce regroupement répondait à l’attente à la fois des familles, des professionnels de la petite enfance et des élus locaux, quelle que soit leur orientation politique.
Je me suis récemment déplacée dans la commune d’Évron, dont le maire, socialiste, se réjouit de ce dispositif.
L’objectif du Gouvernement est de conforter l’exercice de la profession d’assistant maternel sous forme de regroupement. Puisque ce mode de garde fonctionne très bien ainsi, il vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, d’en supprimer le caractère expérimental. Ainsi, les collectivités territoriales et les assistants maternels pourront s’organiser dans des conditions optimales afin de satisfaire à la fois leurs attentes et les besoins des parents, et ce en s’appuyant sur des structures souples. L’objectif est que, d’ici à 2012, tous les parents disposent d’une solution de garde pour leurs enfants.
La généralisation du regroupement des assistants maternels en tout point du territoire me semble être de nature à satisfaire cet objectif.
Bien sûr, il est nécessaire que ce dispositif soit encadré. C’est ce à quoi vise l’amendement n° 523, auquel le Gouvernement est favorable, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 532, présenté par Mme Campion, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du II de l'amendement n° 523 présenté par la commission des affaires sociales par les mots :
dans la limite maximum de dix enfants
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. L’amendement de la commission, qui prévoit une expérimentation, nous conviendrait à la condition de prévoir que le nombre d’enfants accueillis dans le local ne doit pas excéder dix. Tel est l’objet de ce sous-amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 304, présenté par Mmes Campion et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Schillinger, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du premier alinéa du II de cet article, ajouter les mots :
À titre expérimental,
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Quel sens le Gouvernement donne-t-il au mot « moderne », qu’il emploie, dans l’exposé des motifs de son sous-amendement pour qualifier l’offre de garde ?
Pour notre part, nous craignons qu’il ne s’agisse en fait de privilégier la quantité au détriment de la qualité. C’est pourquoi nous demandons que soient poursuivies, sur tout le territoire, en ville comme à la campagne, les expérimentations qui ont été menées jusqu’à présent, afin de pouvoir apprécier si cette forme d’accueil garantit, partout où elle a été mise en place, une offre de qualité. (M. Jean Desessard applaudit.)
Mme la présidente. L'amendement n° 305 rectifié, présenté par Mmes Campion et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Schillinger, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le nombre maximum d'assistants maternels pouvant se regrouper est fixé à quatre dans la limite de dix enfants.
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement de repli vise à limiter à dix le nombre maximal d’enfants pouvant être accueillis dans le cadre des regroupements d'assistants maternels.
Il convient en effet d’harmoniser les conditions de regroupement des assistants maternels avec les normes posées pour les micro-crèches par le décret du 20 février 2007, ainsi que de garantir et de prendre en compte la qualité de l’accueil des enfants gardés conjointement, en limitant leur nombre à dix.
Il ne nous paraît pas souhaitable d’autoriser le regroupement de quatre assistants maternels, et ce afin d’éviter la création de structures susceptibles d’accueillir au total jusqu’à seize enfants. Si tel devait être le cas, les professionnels ne seraient plus à même d’assurer un accueil de qualité dans lequel les familles pourraient, comme aujourd’hui, avoir pleinement confiance.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 307, présenté par Mmes Campion et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Schillinger, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la dernière phrase du deuxième alinéa du II de cet article par les mots :
et la désignation d'un assistant maternel responsable au sein de ce regroupement, dont l'expérience professionnelle ne peut être inférieure à 5 ans
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Toujours dans l’objectif de cadrer cette formule d’accueil, cet amendement vise à ce que soit désigné, au sein de la structure, un référent assistant maternel responsable en tant que professionnel qualifié ou en tant que personne ressource.
En outre, il nous semble utile d’exiger que ce référent bénéficie de cinq ans d’expérience professionnelle.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 306, présenté par Mmes Campion et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Schillinger, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le Gouvernement transmet au Parlement un rapport d'évaluation portant sur cette expérimentation avant le 31 décembre 2010.
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement vise à ce que soit remis au Parlement avant le 31 décembre 2010 un rapport d’évaluation de l’expérimentation du regroupement de plusieurs assistants maternels dans un local distinct de leur domicile.
Il ne s’agit pas d’un rapport de plus, car nous n’avons aucune idée précise des expérimentations qui ont été menées jusqu’à présent, notamment en Mayenne, et dont Mme la secrétaire d’État nous parle régulièrement.
Mme la présidente. L'amendement n° 313 rectifié ter, présenté par Mmes Hermange et Bout, M. Dériot et Mmes Rozier et Desmarescaux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La prestation d'accueil du jeune enfant instituée à l'article L. 531-1 du code de la sécurité sociale fait l'objet d'une étude d'impact dont les résultats sont transmis au Parlement avant le dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la secrétaire d’État, le groupe UMP se félicite de votre détermination à optimiser les divers modes de garde et à mettre en réseau les différentes structures qui existent actuellement. Cette démarche est essentielle, car la garde d’enfants est coûteuse et source de grandes difficultés pour les familles.
De fait, l’amendement n° 313 rectifié ter se situe dans cette optique.
Les statistiques le prouvent, il est fréquent que les mères éprouvent de grandes difficultés à se réinsérer sur le marché du travail après des années de cessation d'activité.
Alors que l'offre de garde d'enfant tend à être élargie, il pourrait être opportun de laisser aux parents qui le désirent le choix de concilier leur activité professionnelle avec l’éducation de leurs enfants. Il conviendrait, pour ce faire, de réexaminer le complément de choix de libre activité, qui, quatre ans après sa mise en place, ne semble pas avoir atteint son but, à savoir encourager les femmes à ne pas cesser totalement de travailler.
À cet égard, les conclusions de la Cour des comptes offrent une réflexion utile à l'heure où le Gouvernement envisage la création d’un droit opposable à la garde d'enfant.
Le lancement d'une étude sur ce sujet paraît donc nécessaire, afin, tout d’abord, de réaménager sans tarder, et de façon pertinente, cette aide, ensuite, de la rendre plus attractive dans un premier temps, et dégressive dans un second temps, et, enfin, afin d'inciter le parent concerné, le plus souvent la mère, à ne pas se déconnecter du marché du travail.
Il conviendrait peut-être, en parallèle, de réétudier le mécanisme de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Seize hypothèses avaient été formulées lors de la création de cette dernière. L’une d’entre elles permettrait, me semble-t-il, de l’optimiser au maximum tout en repensant le concept de crèche.
Madame la secrétaire d'État, à l’heure où vous réfléchissez à la création d’un droit opposable à la garde d’enfant, le lancement d’une telle étude serait nécessaire. Elle pourrait s’accompagner d’une réflexion novatrice, d’une part, sur le concept de crèche, d’autre part, sur le concept de halte-garderie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 215.
Elle considère en effet que porter de trois à quatre le nombre des enfants pouvant être accueillis par un assistant maternel ne remet pas en cause la sécurité des enfants.
De plus, il est très excessif de prétendre que cette possibilité entraînera une dégradation des conditions de travail des assistants maternels. D’une part, les assistants maternels continueront de choisir le nombre d’enfants qu’ils veulent garder. D’autre part, et cela a déjà été rappelé, ce nombre est de cinq dans les pays nordiques, ce qui ne semble pas provoquer de difficultés particulières.
Mme Raymonde Le Texier. Les assistants maternels n’ont pas la même formation !
M. André Lardeux, rapporteur. En outre, les agréments continueront à relever des services de la protection maternelle et infantile, la PMI, financée par les conseils généraux. Or la PMI ne voit pas sa liberté d’appréciation modifiée par la disposition qui vous est proposée.
Enfin, nous espérons, à terme, dégager 50 000 places d’accueil supplémentaires. Au vu du nombre de demandes de garde d’enfant, il serait dommage de se priver de cette possibilité.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 308 pour des raisons identiques à celles que je viens d’exposer.
Mme Dini propose, par son amendement no 344 rectifié, d’augmenter le plafond annuel d’heures de travail des assistants maternels. Cette augmentation est la conséquence logique de la nouvelle possibilité qui leur est désormais offerte d’accueillir quatre enfants simultanément.
L’amendement ne modifie pas les protections accordées aux assistants maternels. Ces dernières doivent toujours donner leur accord pour travailler au-delà de quarante-sept semaines de quarante-huit heures par an et pour annualiser leur temps de travail. La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Le sous-amendement n° 527 témoigne d’une légère divergence d’appréciation entre la commission et le Gouvernement sur le caractère expérimental de la mesure. Cette divergence ne constituant toutefois pas un obstacle majeur, la commission émet un avis favorable sur le sous-amendement.
L’amendement n° 304 sera satisfait, au moins partiellement, par l’adoption de l’amendement n° 523 de la commission.
La commission souhaite le retrait de l’amendement n° 305 rectifié. À défaut, elle y sera défavorable. En effet, la limitation à dix du nombre d’enfants accueillis viderait de tout son sens la disposition qui vous est proposée.
L’amendement n° 307 prévoit la désignation d’un « assistant maternel responsable » au sein du regroupement. Or, sur le plan strictement juridique, cette expression n’a pas une grande signification. La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 306 prévoit que le Gouvernement devra remettre un rapport d’évaluation au Parlement. Le Parlement et les ministères sont déjà submergés de rapports que personne ne lit.
M. Alain Gournac. Il n’y a plus de place dans les tiroirs !
M. André Lardeux, rapporteur. D’ailleurs, parfois, personne n’a le temps d’écrire les rapports qui ont été demandés ! La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
En tout état de cause, le questionnaire parlementaire établi lors de l’élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale apporte déjà des réponses aux nombreuses questions que nous pouvons nous poser sur ce sujet.
Enfin, la commission souhaite le retrait de l’amendement n° 313 rectifié ter, pour des raisons identiques à celles que je viens d’exposer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Compte tenu des arguments que j’ai développés en matière de garde d’enfant, je ne peux émettre qu’un avis défavorable sur l’amendement no 215 tendant à la suppression de l’article 72.
L’amendement n° 308 vise à supprimer la possibilité de porter l’agrément des assistants maternels à quatre enfants.
Madame Campion, les assistants maternels peuvent garder cinq enfants dans les pays du nord de l’Europe, et même six au Québec.
M. Jean Desessard. Ils ont de plus grands jardins ! (Sourires.)
Mme Raymonde Le Texier. Leur formation est différente !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Que je sache, les mères de quatre enfants n’ont pas besoin d’une formation particulière pour s’occuper de leur progéniture !
Mme Raymonde Le Texier. S’occuper de quatre enfants de moins de trois ans, c’est compliqué !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je suis quelque peu « estomaquée » par vos propos, si je puis m’exprimer ainsi. J’ai reçu à mon cabinet des professionnels, des assistants maternels, leurs syndicats. Je les vois travailler, je vais à leur rencontre, sur le terrain.
Il faut laisser aux assistants maternels qui le souhaitent la liberté d’accueillir quatre enfants. Il faut également laisser aux parents la liberté de choisir ce mode d’accueil familial, qui présente des avantages pour les enfants, notamment en termes de jeux, il faut leur laisser la liberté de choisir l’assistant maternel qui s’occupera de leur enfant ; et certains parents souhaitent que l’assistant maternel qui s’occupera de leur enfant garde d’autres enfants en même temps. On n’impose pas aux parents le choix d’un assistant maternel.
Par ailleurs, en accueillant quatre enfants, les assistants maternels pourront augmenter leur pouvoir d’achat. Faisons leur confiance sur la façon de s’occuper des enfants qu’ils accueillent.
Dans un décret, nous distinguerons les situations selon que les enfants marchent ou pas. Il est en effet exclu de confier quatre nourrissons à un assistant maternel.
Il faut faire preuve d’un peu de bon sens. Mesdames, messieurs les sénateurs, reconnaissez que cette mesure, très attendue par les professionnels et par les parents, nous permettra de répondre à 50 000 demandes de garde supplémentaires. C’est un élément important.
Pour toutes les raisons que je viens de développer, le Gouvernement est bien évidemment défavorable à l’amendement no 308.
L’amendement n° 344 rectifié tend à porter à 2 585 heures le plafond de la durée annuelle de travail des assistants maternels. Cela revient à porter à 55 heures la durée hebdomadaire moyenne du travail des assistants maternels sur quarante-sept semaines, déduction faite de cinq semaines de congés par an.
Cette proposition contrevient à l’article 6 b) de la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. La profession d’assistant maternel ne fait en effet pas partie des professions, figurant à l’article 17 de la directive précitée, pouvant bénéficier de dérogations. En conséquence, je ne peux malheureusement émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement.
M. Guy Fischer. Heureusement !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 523, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement no 527.
L’amendement n° 304 tend à rétablir le caractère expérimental de l’exercice de la profession d’assistant maternel sous forme de regroupement.
Voilà deux ans que des expérimentations ont été engagées. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous suggère d’aller voir par vous-mêmes comment les choses fonctionnent. Monsieur Arthuis, invitez vos collègues à se rendre en Mayenne ! (Sourires.) Faites leur visiter les regroupements que vous avez mis en place ! Ils pourront constater l’épanouissement des enfants, la satisfaction des parents, celle des élus locaux, de droite et de gauche. Il m’a été très agréable, comme membre de ce gouvernement, d’être accueillie par un maire et par un député socialistes exprimant leur satisfaction de ces regroupements d’assistants maternels !
M. François Autain. C’est le paradis, la Mayenne !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Dès lors que ce dispositif fonctionne bien, qu’il comble tout le monde, qu’il est très attendu, facile à mettre en œuvre, il n’est pas question, vous le comprendrez, de lui conserver un caractère expérimental.
Je comprends mal les craintes que vous éprouvez pour les élus locaux. Je ne peux que vous engager une nouvelle fois à les rencontrer. Ce dispositif apporte une satisfaction réelle à toutes les parties.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 304.
L’amendement n° 305 rectifié tend à fixer à quatre le nombre d’assistants maternels pouvant se regrouper et à dix le nombre d’enfants accueillis.
Il faut être cohérent. Limiter à quatre le nombre d’assistants maternels dans un regroupement est d’une logique imparable. Sinon, nous serions dans une structure collective, et tel n’est pas le but. Nous sommes dans une microstructure permettant à des assistants maternels accueillant des enfants de mutualiser leurs moyens, leur temps, leur expérience.
M. Alain Gournac. Voilà !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous sommes favorables à un regroupement de quatre assistants maternels au maximum. Mais dès lors qu’un assistant maternel peut accueillir jusqu’à quatre enfants, il est impossible, sous peine d’incohérence, de limiter à dix le nombre d’enfants accueillis par quatre assistants maternels. Quatre enfants par assistant maternel, cela fait seize enfants par regroupement. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 305 rectifié.
L’amendement n° 307 vise à instituer un responsable au sein des regroupements d’assistants maternels. Au vu des explications que je vous ai données, de la confiance que nous accordons aux assistants maternels, je suis défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 306 tend à prévoir le dépôt d’un rapport sur l’expérimentation. Le dispositif fonctionne depuis déjà deux ans de façon satisfaisante. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement.
L’amendement n° 313 rectifié ter vise à prévoir que la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, fera l’objet d’une étude d’impact donc les résultats seront transmis au Parlement avant le dépôt du PLFSS pour 2010.
Madame Hermange, je suis, tout comme vous, soucieuse de la mise en œuvre de la PAJE, qui ne doit pas entraîner de conséquences néfastes pour les femmes actives. Je suis particulièrement vigilante à ce que la législation sur le congé parental ne défavorise pas les femmes les moins qualifiées et qu’elle leur permette de ne pas trop s’éloigner du marché du travail.
La mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale a d’ores et déjà entamé des travaux sur la prestation d’accueil du jeune enfant, conformément à son plan prévisionnel pour 2008. Ces travaux parlementaires devraient répondre à votre attente.
Cela étant, je comprends votre souci d’information sur ce dispositif. Je m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement no 215.
Mme Annie David. Madame la secrétaire d’État, je veux bien croire que le bonheur est en Mayenne. (Sourires.) Pourquoi pas, en effet ? Je m’interroge néanmoins sur la sécurité que présentera ce mode de garde. Peut-être devrions-nous en effet aller sur place observer comment fonctionne ce dispositif que vous voulez étendre à toutes les communes.
Des expérimentations ont eu lieu. Cela signifie que les communes qui le souhaitent peuvent d’ores et déjà organiser des regroupements. On aurait donc pu continuer ainsi sans recourir à la loi. En légiférant, nous risquons de susciter chez les assistants maternels des exigences que certaines communes ne pourront pas satisfaire. Je pense notamment aux plus petites d’entre elles, qui n’auront peut-être pas de locaux disponibles.
Par ailleurs, les locaux devront permettre l’accueil de seize enfants, quatre par assistant maternel. À quelles normes de sécurité devront-ils satisfaire ? Comprendront-ils des aires de repos, des installations sanitaires ou des espaces de restauration afin que les enfants gardés à la journée puissent déjeuner sur place ?
Envisagez-vous plutôt une organisation fractionnée, les assistants maternels passant un peu de temps dans la salle de garde et rentrant chez eux au moment du repas ?
De nombreuses questions se posent sur la sécurité et la manière dont seront gardés ces enfants. Une superficie minimum a-t-elle été fixée, par exemple ? Regrouper seize enfants âgés de moins de trois ans dans une salle risque d’être assez difficile… Il faudra au moins un minimum d’espace pour les accueillir tous dans de bonnes conditions.
Vous affirmez que la décision relève de la liberté de choix des parents et des assistants maternels. Mais êtes-vous vraiment sûre que les enfants ont demandé à se retrouver tous ensemble dans cette salle ? (Madame la secrétaire d’État rit.) Et la qualité de l’accueil sera-t-elle véritablement la même que chez un assistant maternel ?
Effectivement, il est nécessaire de développer les places dans les crèches et chez les assistants maternels. Les parents pourraient ainsi choisir entre un assistant maternel et une structure plus collective, c’est-à-dire une crèche, qu’elle soit parentale ou collective.
Mais votre proposition me semble très floue, très vague. Vous mentionnez des expérimentations déjà mises en œuvre, mais peut-être le projet de loi devrait-il être plus précis quant à la sécurité.
D’ailleurs, pourquoi passer par une loi alors que le dispositif peut déjà être mis en place dans les communes et dans toute administration ?
Mme Annie David. Mais s’il existe déjà des expérimentations et qu’elles fonctionnent bien ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Il y a des expérimentations, mais cela ne se fait pas partout !
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. J’aimerais réagir aux propos de ma collègue Annie David, qui pose un certain nombre de questions de bon sens. Je reprends d’ailleurs ce terme que vous avez employé, madame la secrétaire d’État. Il faut en effet du « bon sens » pour régler les questions qui préoccupent au quotidien les familles de ce pays et pour trouver des modes d’accueil pour leurs jeunes enfants.
Mais ces questions de bon sens n’ont aujourd’hui pas de réponse. L’exigence de sécurité, abordée à l’instant par Annie David, nous ramène nécessairement à celle de qualité que j’ai évoquée à plusieurs reprises depuis le début de l’après-midi. Il s’agit – je n’imagine pas qu’il en soit autrement pour le Gouvernement – d’un souci quotidien collectif, le nôtre et surtout celui des familles qui sont à la recherche d’un accueil pour leurs plus jeunes enfants. Mais tout cela reste totalement flou dans votre projet de loi.
Je voudrais également soulever un problème bien précis sur lequel nous n’avons pas de réponse. Comment, dans nos départements, les services de la protection maternelle et infantile vont-ils accorder des agréments à des assistants maternels en dehors de leur domicile, si nous n’avons pas de référentiel national ?
Je reviens un instant sur l’expérimentation et, plus précisément, sur celle qui a été menée en Mayenne. Il n’est absolument pas question de la remettre en cause. C’est d’ailleurs avec grand plaisir que je viendrais dans votre département si vous nous y invitiez, monsieur Arthuis. Nous pourrions ainsi constater les réalisations menées en Mayenne, et sans doute nous aideriez-vous à répondre à toutes ces questions que nous nous posons concernant la prise en charge de la salle, du lieu ou du bâtiment – je ne sais quelle dénomination employer, puisque nous n’avons pas d’élément à cet égard –, son financement et les critères relevant du quotidien de chacun, qu’Annie David et moi-même avons évoqués cet après-midi.
Madame la secrétaire d’État, pensez-vous raisonnable de généraliser le système uniquement sur la base de cette seule expérimentation : certes, il s’agit du très beau département de Mayenne, mais c’est un département rural avec ses propres spécificités.
Mme Claire-Lise Campion. Même s’il y a eu d’autres expérimentations, ce n’est pas suffisant à nos yeux ! En fait, il faudrait visiter l’ensemble des sites ayant expérimenté ces regroupements. En effet, les préoccupations, les soucis, les obligations des familles sont différents selon qu’elles sont installées en milieu urbain ou en milieu rural.
La qualité est pour nous un point essentiel. Il faut bien sûr créer des places, mais nous nous y employons depuis de nombreuses années et n’avons pas attendu ce PLFSS pour trouver des réponses. Il est nécessaire de poursuivre les efforts. Consacrons donc le maximum des excédents de la branche famille aux modes d’accueil de la petite enfance pour pouvoir répondre au mieux, avec un objectif de qualité, aux besoins de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Mes chers collègues, je n’avais pas l’intention d’intervenir dans ce débat pour ne pas prendre le risque de retarder sa conclusion et le début de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2009. (Sourires.)
M. François Autain. Au point où nous en sommes…
M. Jean Arthuis. Mais le sujet débattu en cet instant est à mes yeux très important. Je m’exprimerai en tant qu’élu du département de la Mayenne afin de répondre à ceux de nos collègues qui ont des réticences…
Mme Claire-Lise Campion. Des interrogations !
M. Jean Arthuis. … et des interrogations, appliquant ainsi le principe de précaution.
Le président du conseil général de la Mayenne se préoccupe de l’accueil de la petite enfance. En effet, notre département s’honore d’avoir le taux de natalité le plus élevé parmi les départements français. Nous avons donc de nombreux enfants, et les mamans, parce que les revenus sont modestes, travaillent pour la plupart. Le problème de la garde des enfants se pose donc.
Nous pourrions certes avoir recours aux crèches. Mais je vous rappelle, mes chers collègues, que nos réponses doivent être financièrement soutenables ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Jean Arthuis. La Cour des comptes nous rappelait hier matin, à l’occasion d’une audition, qu’un enfant en crèche coûte 16 500 euros.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Eh oui !
M. Jean Arthuis. Si tous les enfants en âge d’aller à la crèche devaient être admis dans une telle structure, notre société ne pourrait pas faire face à cette dépense !
Dans un département rural comme le mien, les assistants maternels nous offrent le service le plus précieux, la garde des jeunes enfants. Un jour, plusieurs assistantes maternelles sont venues voir le président du conseil général : elles souhaitaient pouvoir se réunir à trois ou à quatre, hors de leur domicile – non pas dans une salle, mais dans un appartement ou dans une maison loués à cet effet –, afin de mutualiser leurs moyens.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Mais oui !
M. Jean Arthuis. Mais il n’y a pas de règle absolue, ce n’est pas une obligation !
Le conseil municipal peut par ailleurs accorder une contribution pour alléger le coût du loyer.
Sans doute, Mme la secrétaire d’État, qui nous a fait l’honneur de venir évaluer l’expérience mayennaise, vous a-t-elle déjà apporté quelques précisions à cet égard.
Certains assistants maternels parviennent à s’organiser de telle sorte que l’accueil des enfants reste ouvert de cinq heures à vingt-deux heures afin de faire face aux besoins des mères travaillant dans des abattoirs, par exemple, à partir de cinq heures du matin.
Les témoignages des familles et des assistants maternels sont pleinement convaincants. Il est de la responsabilité du service de la PMI et du président du conseil général de veiller à une évaluation permanente des conditions d’accueil. Lorsque des assistants demandent à se regrouper, le président fait procéder à une évaluation des conditions d’accueil du local qui a été choisi. Et c’est non pas une salle, comme vous l’avez cru, madame David, mais un appartement ou une maison.
Mme Annie David. C’est bien toujours un local !
M. Jean Arthuis. Ce n’est pas une salle unique, et je vous assure que les conditions sont réunies pour assurer la sécurité. Les parents sont aussi les garants du respect des conditions optimales pour l’accueil de leurs enfants.
Je voterai bien sûr contre l’amendement n° 215, déposé par le groupe CRC. Mais je vous invite tous dans le département de la Mayenne !
M. François Autain. Je m’en réjouis !
M. Alain Gournac. Merci !
M. Jean Arthuis. Nous serons honorés par votre visite et heureux de vous faire découvrir cette expérimentation.
Le dispositif a pu fonctionner parce que votre prédécesseur, madame la secrétaire d’État, nous y avait autorisés, en application du droit à l’expérimentation. Je souhaite que l’expérimentation puisse devenir une possibilité prévue par la loi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Madame David, il ne s’agit pas d’imposer à toutes les communes de faire des regroupements d’assistants maternels ! Il s’agit de permettre, d’offrir une possibilité. Ce n’est pas la même chose !
M. Alain Gournac. C’est s’ils le veulent !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Vous demandez si les enfants sont d’accord ! Je ne suis pas sûre que cela mérite même une réponse ! On ne peut pas demander à des enfants de deux ans s’ils sont d’accord pour être dans un regroupement d’assistants maternels ! J’avoue que votre phrase m’a quelque peu étonnée, madame ! (Mme Annie David s’exclame.)
Le vrai problème, c’est que vous n’avez que le seul mot « crèche » à la bouche ! (Protestations sur les travées du CRC et du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Oui ! « HLM » et « crèche » !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Pas nous ! Nous souhaitons développer ce dispositif, dans les meilleurs délais, parce que le temps des familles et le temps de l’enfant ne correspondent pas au temps administratif !
M. Alain Gournac. Liberté !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous avons besoin de 400 000 offres de gardes supplémentaires. Mais nous n’avons jamais dit que ce seraient 400 000 places de crèche. Tout d’abord, vous ne parviendriez pas à le faire, et, en outre, cela ne répondrait pas à l’attente des parents.
M. Alain Gournac. Oui !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Pour répondre à cette dernière, en effet, il faut avant tout faire vite.
Nous devons donc optimiser et faire preuve de bon sens compte tenu des différences selon les territoires, les besoins en milieu rural et en milieu urbain n’étant pas les mêmes.
Nous souhaitons donc adapter les modes de garde en fonction des territoires et des contraintes professionnelles des parents. M. Arthuis a évoqué tout à l’heure l’amplitude des horaires, qui est un élément extrêmement important.
Mme Campion a soulevé la question de la sécurité. Mais croyez-vous que le Gouvernement ou les membres de la majorité ne sont pas aussi attentifs que vous à la sécurité des enfants ? Le premier des critères est bien évidemment le bien-être des enfants ! Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut développer des modes de garde en fonction de la sécurité des enfants, de l’attente des parents, et des territoires.
Pour répondre concrètement à votre question, madame le sénateur, il y a une obligation de conformité, puisqu’il y a un agrément, sous le contrôle de la PMI. Quand j’ai parlé d’un « local », j’aurais pu vous dire un « appartement », un « pavillon » : il s’agit d’un local aménagé pour recevoir des enfant !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, cela existe déjà !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Comme vous l’a suggéré M. Arthuis, allez donc observer l’expérimentation en Mayenne ; vous serez à mon avis rassurée. Il est d’ailleurs dommage que vous n’ayez pu vous y rendre avant le vote : vous auriez voté cette disposition !
Mme Annie David. Seize enfants dans une maison ! Mais comment faites-vous ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Il y a plusieurs salles : des salles de repos, une cuisine, une salle de jeu.
Mme Annie David. C’est donc un grand pavillon !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Tout est adapté pour accueillir ces enfants, qui sont sous la responsabilité des assistants maternels. La mutualisation des moyens et des jeux permet que tout se passe sans problème, à la satisfaction de tous. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'amendement n° 308.
Mme Raymonde Le Texier. Je ne peux résister à la tentation de présenter une observation, que je vous remercie de prendre au second degré.
S’agissant de l’amendement n° 308, madame la secrétaire d’État, vous avez répondu tout à l’heure à Mme Campion qu’il fallait faire preuve de bon sens et que des mères de famille de quatre enfants s’en sortaient fort bien.
Or, nous parlons d’enfants de moins de trois ans ! À mon avis, il n’y a qu’en Mayenne que l’on puisse trouver des mères de famille ayant donné naissance à quatre enfants en moins de trois ans ! (Rires.) En tout cas, dans le Val-d’Oise, une femme met plutôt cinq ans – je n’ai pas trouvé moins ! – pour parvenir à un tel résultat !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et les jumeaux ?
Mme Raymonde Le Texier. Pour celles que je connais et qui élèvent quatre enfants en bas âge, si elles sont tout à fait heureuses de leur maternité, elles n’en sont pas moins épuisées, elles n’ont pas de temps pour elles, et je ne suis pas sûre qu’elles soient toujours aussi disponibles qu’il le faudrait pour chacun de leurs enfants.
C’est là une raison de plus, mes chers collègues, pour vous encourager à voter cet amendement.
M. Alain Gournac. Dans ma famille, nous étions neuf !
Mme Raymonde Le Texier. Compliments, cher monsieur !
Mme la présidente. Madame Dini, l’amendement no 344 rectifié est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement no 344 rectifié est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement no 527.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement no 532.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 304, 305 rectifié, 307 et 306 n’ont plus d’objet.
Madame Hermange, l’amendement no 313 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Dans la mesure où Mme la secrétaire d’État s’en est remise à la sagesse du Sénat, je maintiens cet amendement.
Il est bien évident, madame la secrétaire d’État, que j’ai une petite idée de la façon dont la PAJE pourrait être améliorée. Si cette prestation avait été partout mise en place comme à Paris, les résultats auraient été remarquables. Je ne donnerai qu’un chiffre : dans le XVe arrondissement, ce sont 985 familles qui en ont bénéficié en un an. Or jamais, même sur toute la durée d’une mandature, on ne créera 985 places de crèche dans un arrondissement comme le XVe !
Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, c’est un véritable plaisir que de vous entendre dire et redire qu’il faut adapter et optimiser notre système de modes de garde. Vous répondez ainsi sans ambiguïté à la question de savoir s’il faut que l’ensemble des enfants de moins de trois ans soient systématiquement pris en charge dans le cadre d’un mode de garde collectif.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah non !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Votre réponse est claire : il faut au contraire diversifier l’offre. Nous vous en félicitons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je ne comprends pas pourquoi Mme Hermange s’énerve autant. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle ne s’énerve pas !
M. Alain Gournac. Elle a juste expliqué !
Mme Annie David. L’idée qu’il faut diversifier les modes de garde n’est pas une nouveauté ! Chacun de nos territoires est différent, et les modes de garde doivent y être adaptés.
Je prendrai mon exemple personnel. J’habite dans une zone rurale, où il n’y a pas de crèche. Mes enfants ont donc été élevés par une assistante maternelle : cela s’est très bien passé, et j’en ai été ravie. C’est dire que je n’ai absolument rien contre les assistants maternels – ni non plus contre les crèches.
Madame la secrétaire d’État, vous avez caricaturé mes propos. Je trouve cela très regrettable, car mes questions ne visaient absolument pas à vous mettre en difficulté. Je souhaitais simplement obtenir des réponses à mes interrogations et à mes inquiétudes quant à la garde des enfants. Vous en avez apporté quelques-unes. Mais je ne peux pas vous suivre quand vous affirmez qu’une assistante maternelle peut accueillir quatre enfants puisque des femmes ont quatre enfants ! Je rappelle qu’en cas de naissances multiples les mamans ont droit, les premiers mois et les premières années, à une aide à domicile pour la garde de leurs enfants. L’assistante maternelle à qui seront confiés des enfants du même âge n’en bénéficiera pas, puisqu’elle ne sera pas la maman de ces enfants !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce ne sont pas des enfants du même âge !
Mme Annie David. Je ne sais pas ! Mme la secrétaire d’État évoquait quatre enfants à peu près du même âge.
Je trouve pour ma part dommage, madame la présidente, que, chaque fois que nous essayons de poser des questions qui concernent des points forts et traduisent nos inquiétudes, nos propos soient caricaturés ou galvaudés et que l’on nous apporte des réponses qui n’ont rien à voir avec nos interrogations.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Je voudrais rappeler que l’on peut donner des agréments pour des enfants de plus de trois ans. Il peut se produire en effet que des enfants de trois ans ou quatre ans, scolarisés en maternelle, aient besoin d’être accueillis chez une assistante maternelle le matin avant l’école, à l’heure du déjeuner, après l’école… Et que faisons-nous pendant les vacances ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et pendant les grèves !
M. Jean Arthuis. Ne restez pas sur l’idée, mes chers collègues, que les enfants concernés ont forcément moins de trois ans, étant entendu qu’il est admis maintenant que l’école ne commence véritablement qu’à trois ans – mais je ne veux pas ouvrir là un autre débat. N’ayez pas une vision trop étroite de l’âge des enfants accueillis !
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. J’aimerais que nous puissions poursuivre cette discussion, qui est extrêmement intéressante.
J’adhère totalement aux propos de M. Arthuis, qui résument fort bien les interrogations et les inquiétudes que nous avons évoquées tout à l’heure, et il est effectivement nécessaire de préciser tous ces aspects. Il nous faut garder à l’esprit que ces professionnels pourront obtenir des agréments spécifiques valables non pas pour l’accueil d’un enfant de moins de trois ans non scolarisé mais, au contraire, délivrés au titre de l’accueil périscolaire – je crois que c’est le terme employé par les services de la PMI. La répartition par âge permettra donc aux professionnels d’accueillir plus d’enfants, et nous avons pu constater, en les écoutant, que beaucoup de leurs interrogations, de leurs inquiétudes, portaient sur ce point.
Mme Hermange a félicité tout à l’heure Mme la secrétaire d’État d’avoir choisi la diversification de l’offre. C’est également notre premier souci : que les familles puissent réellement choisir, selon leurs attentes, selon leurs convictions, selon leur lieu de résidence – rural ou urbain –, le mode d’accueil qui leur convient le mieux. Il me semble que cet objectif doit être partagé par tous les élus et que nous devons faire tout ce qui est possible pour le mettre en œuvre.
Madame Hermange, vous n’ignorez évidemment pas que le problème, aujourd’hui, tient au fait que les familles, quel que soit le territoire considéré, n’ont pas le choix. Or, à l’échelon national, elles expriment, sinon unanimement, du moins très majoritairement, leur volonté d’avoir davantage accès aux modes d’accueil collectifs. Nous savons pourtant tous – il est inutile de nous voiler la face et de défendre des positions qui ne correspondent pas à la réalité – que le nombre de places de crèche n’est pas conforme à l’attente des familles.
Il faut multiplier les places d’accueil : les places d’accueil individuel chez les professionnels assistants maternels, certes, mais aussi les places d’accueil collectif, quel qu’en soit le coût. Travaillons par exemple sur le décret d’août 2000 pour modifier les qualifications exigées et pour mieux répondre aux besoins en matière de personnel dans les structures collectives ! Cette piste n’a pas encore été prise en compte, et c’est dommage. Nous pourrions l’explorer tous ensemble !
Quoi qu’il en soit, il est évident que d’autres pistes existent.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 72, modifié.
(L’article 72 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 72
Mme la présidente. L’amendement no 56, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 72, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article L. 2324-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans, l’effectif du personnel placé auprès des enfants est d’un professionnel pour six enfants qui ne marchent pas et d’un professionnel pour neuf enfants qui marchent. »
La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement est presque un amendement de conséquence : comme l’a souligné Mme Campion voilà quelques instants, le rapporteur s’est engouffré dans une brèche, dans le seul but d’attirer l’attention à la fois du Gouvernement et de nos collègues sur les conditions d’accueil dans les crèches.
Si les assistants maternels peuvent s’occuper de quatre enfants et non plus de trois, il paraît cohérent, dans le même temps, d’augmenter légèrement la capacité d’accueil des crèches : cet amendement vise donc à porter l’effectif nécessaire dans les crèches à un professionnel pour six enfants – et non plus pour cinq – qui ne marchent pas, et à un professionnel pour neuf enfants – et non plus pour huit – qui marchent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Bien sûr, je comprends le souci de M. le rapporteur d’assouplir les normes s’appliquant aux structures collectives, et je le partage. Néanmoins, je ne veux pas agir dans n’importe quelles conditions. Aussi, des discussions seront engagées avec les professionnels d’ici à la fin de l’année, et nous arriverons à assouplir ces normes.
Je tiens par ailleurs à observer que cette disposition relève du règlement et non pas de la loi. Je désire ne pas alourdir la loi par un dispositif de ce genre, qui sera pris d’abord dans le cadre réglementaire, à l’issue des négociations que nous aurons menées avec les professionnels. Je peux néanmoins vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que votre souci est le mien, et que je souhaite effectivement assouplir ces dispositions.
En conséquence, le Gouvernement demande à M. le rapporteur de bien vouloir retirer son amendement.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, l’amendement no 56 est-il maintenu ?
M. André Lardeux, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre argumentation, qui ne m’étonne pas du tout : j’avais bien noté que les dispositions d’accueil dans les crèches relevaient du règlement ; j’en suis bien d’accord, et je ne considère pas, contrairement à d’autres, qu’il faille alourdir la loi en empiétant sur le règlement.
Notre système comporte cependant une petite incohérence puisque l’encadrement des enfants relève du domaine réglementaire pour les crèches mais du domaine législatif pour les assistants maternels. Certes, madame la secrétaire d’État, vous n’êtes pas responsable de cet état de fait ; peut-être serait-il néanmoins possible de rationnaliser, en quelque sorte, notre législation et notre réglementation sur ce sujet ?
Dans l’immédiat, j’accède à votre souhait et je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement no 56 est retiré.
L’amendement no 57 rectifié, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 72, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 244 quater F du code général des impôts est ainsi rédigé :
« I. – Les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 50 % de la somme des dépenses ayant pour objet de financer la création et le fonctionnement d’établissements visés aux deux premiers alinéas de l’article L. 2324-1 du code de la santé publique et assurant l’accueil des enfants de moins de trois ans de leurs salariés, ainsi que des dépenses engagées au titre de l’aide financière de l’entreprise mentionnée aux articles L. 7233-4 et L. 7233-5 du code du travail.
« Elles peuvent également bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 10 % de la somme :
« a) Des dépenses de formation engagées en faveur des salariés de l’entreprise bénéficiant d’un congé parental d’éducation dans les conditions prévues aux articles L. 1225--47 à L. 1225-51 du code du travail ;
« b) Des dépenses de formation engagées par l’entreprise en faveur de nouveaux salariés recrutés à la suite d’une démission ou d’un licenciement pendant un congé parental d’éducation mentionné à l’article L. 1225-47 du code du travail, lorsque cette formation débute dans les trois mois de l’embauche et dans les six mois qui suivent le terme de ce congé ;
« c) Des rémunérations versées par l’entreprise à ses salariés bénéficiant d’un congé dans les conditions prévues aux articles L. 1225-8, L. 1225-17, L. 1225-25, L. 1225-26, L. 1225-36, L. 1225-37, L. 1225-38, L. 1225-40, L. 1225-41, L. 1225-43 et L. 1225-44, L. 1225-47 à L. 1225-51 et L. 1225-61 du code du travail ;
« d) Des dépenses visant à indemniser les salariés de l’entreprise qui ont dû engager des frais exceptionnels de garde d’enfants à la suite d’une obligation professionnelle imprévisible survenant en dehors des horaires habituels de travail, dans la limite des frais réellement engagés. »
Le présent I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
II. – Les pertes de recettes pour l’État qui pourraient résulter de l’application du I sont compensées, à due concurrence, par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 402 bis, 438 et 520 A du code général des impôts.
La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement vise à recentrer le crédit impôt famille sur la création et le fonctionnement des crèches.
Les entreprises ont la possibilité de déduire de leur bénéfice imposable un certain nombre de dépenses liées à la famille au sens large. Pour les dépenses engagées afin de créer et de faire fonctionner une crèche, et pour celles qui sont destinées à payer les assistantes maternelles, ce mécanisme est entièrement justifié. Pour les autres, les dépenses de formation engagées en faveur des salariés qui viennent de bénéficier d’un congé lié à la naissance ou à l’adoption d’un enfant, il est beaucoup plus contestable : je ne pense pas que, au retour d’un congé de paternité, un salarié ait besoin d’une formation particulière liée à ses dix ou onze jours d’absence ! Pourquoi de telles charges continueraient-elles d’être déductibles du bénéfice imposable ?
Telle est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales propose de diminuer le plafond déductible pour cette dernière catégorie de dépenses, et, au contraire, de l’augmenter pour les dépenses dont la collectivité bénéficie vraiment, c’est-à-dire pour celles qui sont destinées à créer des crèches ou à employer des assistantes familiales.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Monsieur le rapporteur, je dois attirer votre attention sur le fait que cet amendement constitue un cavalier et n’a pas sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. À ce titre, il encourt le risque évident d’être censuré par le Conseil constitutionnel puisqu’il relève du projet de loi de finances. Sans doute aurons-nous à en discuter lors de l’examen de celui-ci !
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 57 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne considère pas cet amendement comme irrecevable sur le plan social. Il me semble au contraire que son adoption créera des places d’assistante maternelle, augmentera le nombre de crèches et, en conséquence, conduira la sécurité sociale à intervenir. Il a donc toute sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cela étant, le Gouvernement peut être opposé à la proposition du rapporteur, mais c’est autre chose.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 72.
L'amendement n° 216, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 72, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 543-1 du code la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À partir de l'année 2011, le montant de l'allocation de rentrée scolaire varie selon le cycle d'étude de l'enfant.
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application de cette disposition. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avec cet amendement, nous soumettons de nouveau à l’examen de la Haute Assemblée une proposition que nous avions formulée l’année dernière et qui visait à moduler le montant de l’allocation de rentrée scolaire quand l’enfant atteint l’âge de quatorze ans.
Le Gouvernement y avait semblé sensible, tout en considérant insuffisant le délai que nous prévoyions pour la mise en œuvre de cette disposition. Le rapporteur lui-même ne s’y était pas opposé, insistant sur sa logique ; toutefois, il avait émis un avis défavorable, compte tenu des difficultés de son application.
Nous avons donc décidé de déposer à nouveau cet amendement, que nous jugeons toujours d’actualité, la modulation que le Gouvernement a effectuée lui ayant avant tout permis de faire quelques économies sur le compte des familles. Nous avons toutefois apporté des modifications à notre texte, afin de tenir compte des remarques qui nous avaient été opposées quant aux modalités d’application de cette disposition.
Par conséquent, nous proposons que l’allocation de rentrée scolaire soit modulée en fonction du cycle d’étude des enfants concernés, et ce à partir de la rentrée 2011. Ce délai devrait être suffisant pour permettre aux services de la CAF de se doter des outils techniques et informatiques nécessaires à l’application de cette réforme attendue par un très grand nombre de familles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Une excellente intention est à l’origine de cet amendement, mais je crains fort que celui-ci ne soit guère applicable. La mise en place de cette disposition entraînerait en effet des inconvénients assez grands pour les familles qui en seraient éventuellement bénéficiaires.
Ainsi, cela exigerait que les CAF demandent aux 3 millions de familles concernées un certificat de scolarité de leur enfant, que celles-ci ne reçoivent qu’après la rentrée scolaire. Or l’allocation de rentrée scolaire a vocation à être versée quelques semaines avant la rentrée.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame David, l'amendement n° 216 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Je comprends mal les arguments qui me sont opposés. L’objet de cet amendement, qui semblait de bon sens l’année dernière, deviendrait-il inapplicable aujourd'hui ?
Est-ce à dire, monsieur le rapporteur, que vous me suggérez de retirer cet amendement de manière définitive ? Ou bien estimez-vous possible de trouver un moyen de répondre à cette demande ?
L’objet de cet amendement est de faire en sorte que le montant des allocations de rentrée scolaire versées aux familles soit fixé en fonction du cycle d’étude des enfants concernés. Je pense notamment aux élèves des lycées professionnels, dont les études coûtent bien plus cher que celles des élèves qui sont inscrits dans une filière générale, puisqu’il leur faut acheter un nombre important de fournitures spécifiques.
C’est vers cette idée que nous voulions tendre. Il n’est pas possible, dites-vous, de mettre en application cette mesure. J’en suis désolée, mais je préfère maintenir cet amendement et essayer de trouver une piste qui aille dans ce sens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 216.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 73
Pour l'année 2009, les objectifs de dépenses de la branche Famille sont fixés :
1° Pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, à 59,3 milliards d'euros ;
2° Pour le régime général de la sécurité sociale, à 58,9 milliards d'euros.
Mme la présidente. L'amendement n° 502, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
1° Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, remplacer le montant :
59,3 milliards d'euros
par le montant :
59,2 milliards d'euros
2° Dans le dernier alinéa, remplacer le montant :
58,9 milliards d'euros
par le montant :
58,7 milliards d'euros
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Cet amendement est la conséquence de la révision des hypothèses macroéconomiques. Le montant des dépenses est modifié du fait des hypothèses d’inflation moins élevées en 2009 : celle-ci ne serait que de 1,5 %, contre 2 % dans la prévision initiale, ce qui a un effet sur les dépenses indexées sur l’inflation et permet notamment une économie de 160 millions d'euros pour la branche famille.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 73, modifié.
(L'article 73 est adopté.)
Section 5
Dispositions relatives à la gestion du risque et à l'organisation ou à la gestion interne des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement
Article 74
I. - Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 217-3 du code de la sécurité sociale sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le directeur de la caisse nationale nomme le directeur ou l'agent comptable après concertation avec le président du conseil d'administration de l'organisme concerné et après avis du comité des carrières institué à l'article L. 217-5. Il en informe préalablement le conseil d'administration de l'organisme concerné qui peut s'opposer à cette nomination à la majorité des deux tiers de ses membres.
« Le directeur de la caisse nationale peut mettre fin aux fonctions des directeurs et des agents comptables mentionnés au premier alinéa du présent article après avoir recueilli l'avis du président du conseil d'administration de l'organisme concerné et sous les garanties, notamment de reclassement, prévues par la convention collective. »
II. - Supprimé......................................................................
Mme la présidente. L'amendement n° 233 rectifié, présenté par MM. Lardeux et P. Blanc, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. L'article 74 modifie la procédure de nomination des directeurs de CAF par le directeur général de la CNAF.
Mme la secrétaire d'État a parlé tout à l’heure de cavalier. Cet article n’en est-il pas un ? Je ne vois pas très bien, en effet, le rapport entre cette procédure et l’efficience économique de la CNAF.
Cet article, qui calque en quelque sorte la procédure de nomination sur celle qui est en vigueur à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, soulève un certain nombre de questions. La CNAMTS a mis en place ce protocole depuis un certain temps, sans que cela améliore toujours le fonctionnement des caisses primaires de l’assurance maladie dans certains départements.
Le Gouvernement entend modifier la procédure de nomination des directeurs des caisses locales de sécurité sociale, ce qui provoque des divergences d’appréciation entre, d’une part, les représentants des mouvements familiaux, qui souhaitent conserver l’ancien mode de désignation, et, d’autre part, les techniciens et les cadres administratifs, qui préfèrent le nouveau.
Dans le doute, je propose la suppression de cet article et attends les explications du Gouvernement. Je crois savoir que cet article a pour objet de permettre la mobilité des directeurs des CAF, ce qui n’est guère le cas actuellement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. André Lardeux est un trop grand spécialiste de ces questions pour ignorer que, de par la loi organique, l’organisation des caisses d’allocations familiales relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cet article n’est donc nullement un cavalier. Au contraire, la mesure qu’il prévoit relève de la volonté d’harmoniser les procédures de nomination des directeurs de caisse locales de sécurité sociale avec celles du réseau de l’assurance maladie. C’est une bonne chose.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 233 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Lardeux, l’amendement n° 233 rectifié est-il maintenu ?
M. André Lardeux. Madame la présidente, je retire cet amendement au bénéfice des explications du président de la commission des affaires sociales, qui est un redoutable connaisseur de la loi, ce dont je ne doutais d’ailleurs pas ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 233 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 74.
(L'article 74 est adopté.)
Article 75
I. - Le chapitre III du titre V du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au début de l'article L. 153-1, les mots : « À l'exception de celles de l'article L. 153-3, les dispositions du présent chapitre s'appliquent au régime général, par le régime social des indépendants » sont remplacés par les mots : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent au régime général, aux régimes de protection sociale agricole et au régime social des indépendants, » ;
2° L'article L. 153-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 153-3. - Les budgets établis par les organismes à compétence nationale mentionnés aux articles L. 723-1 et L. 723-5 du code rural sont approuvés par l'autorité compétente de l'État. »
II. - Le code rural est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 723-12-1, sont insérés deux articles L. 723-12-2 et L. 723-12-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 723-12-2. - La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole approuve, dans les conditions prévues à l'article L. 153-2 du code de la sécurité sociale, les budgets établis par les organismes mentionnés à l'article L. 723-1 du présent code. Elle veille à ce que le total des dépenses de fonctionnement des organismes de mutualité sociale agricole soit contenu dans la limite des crédits fixés par la convention d'objectifs et de gestion. Elle met, le cas échéant, en œuvre les dispositions des articles L. 153-4 et L. 153-5 du code de la sécurité sociale.
« Art. L. 723-12-3. - La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole peut prescrire aux organismes de mutualité sociale agricole toutes mesures tendant à améliorer leur gestion ou à limiter leurs dépenses budgétaires. Au cas où ces prescriptions ne sont pas suivies, la caisse centrale peut mettre en demeure l'organisme de prendre, dans un délai déterminé, toutes mesures de redressement utiles. En cas de carence, la caisse centrale peut se substituer à l'organisme et ordonner la mise en application des mesures qu'elle estime nécessaires pour rétablir la situation de cet organisme. » ;
2° Aux premier et troisième alinéas de l'article L. 723-38, les mots : « l'autorité administrative compétente » sont remplacés par les mots : « le conseil d'administration de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole » ;
3° La section 4 du chapitre III du titre II du livre VII est complétée par un article L. 723-48 ainsi rédigé :
« Art. L. 723-48. - La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole exerce un contrôle sur les opérations immobilières des caisses de mutualité sociale agricole et de leurs sociétés civiles immobilières ainsi que sur la gestion de leur patrimoine immobilier. Elle établit le plan immobilier national des organismes de mutualité sociale agricole et autorise les financements nécessaires aux opérations immobilières qu'elle inscrit sur ce plan. » – (Adopté.)
Section 6
Dispositions relatives aux organismes concourant au financement des régimes obligatoires
Article 76
Pour l'année 2009, les prévisions des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale sont fixées à :
(En milliards d'euros)
|
Prévisions de charges |
Fonds de solidarité vieillesse |
14,9 |
Mme la présidente. L'amendement n° 490, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans la seconde colonne du tableau constituant le second alinéa de cet article, remplacer le nombre :
14,9
par le nombre :
15,0
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Cet amendement vise également à prendre acte des récentes prévisions macroéconomiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 76, modifié.
(L'article 76 est adopté.)
Section 7
Dispositions relatives au contrôle et à la lutte contre la fraude
Article 77 A
Après l'article L. 583-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 583-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 583-4. - Aux fins de transmission aux organismes débiteurs des prestations familiales, les régimes obligatoires d'assurance maladie communiquent à l'administration fiscale le montant des indemnités journalières visées au 2° de l'article L. 431-1, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. » – (Adopté.)
Article 77
I. - L'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-14. - I. - Peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie :
« 1° Les bénéficiaires des régimes obligatoires des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, de la protection complémentaire en matière de santé mentionnée à l'article L. 861-1, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé mentionnée à l'article L. 863-1 ou de l'aide médicale de l'État mentionnée au premier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles ;
« 2° Les employeurs ;
« 3° Les professionnels et établissements de santé, ou toute autre personne physique ou morale autorisée à dispenser des soins, réaliser une prestation de service ou des analyses de biologie médicale ou délivrer des produits ou dispositifs médicaux aux bénéficiaires mentionnés au 1° ;
« 4° Tout individu impliqué dans le fonctionnement d'une fraude en bande organisée.
« II. - La pénalité mentionnée au I est due pour :
« 1° Toute inobservation des règles du présent code, du code de la santé publique ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie. Il en va de même lorsque l'inobservation de ces règles a pour effet de faire obstacle aux contrôles ou à la bonne gestion de l'organisme ;
« 2° L'absence de déclaration, par les bénéficiaires mentionnés au 1° du I, d'un changement dans leur situation justifiant le service des prestations ;
« 3° Les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir par toute fausse déclaration, manœuvre ou inobservation des règles du présent code la protection complémentaire en matière de santé ou le bénéfice du droit à la déduction mentionnés à l'article L. 863-2 ;
« 4° Les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir par toute fausse déclaration, manœuvre ou inobservation des règles du code de l'action sociale et des familles l'admission à l'aide médicale de l'État mentionnée au premier alinéa de l'article L. 251-1 du même code ;
« 5° Le refus d'accès à une information, l'absence de réponse ou la réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d'information, d'accès à une information ou à une convocation émanant de l'organisme local d'assurance maladie ou du service du contrôle médical dans le cadre d'un contrôle, d'une enquête ou d'une mise sous accord préalable prévus aux articles L. 114-9 à L. 114-21, L. 162-1-15, L. 162-1-17 et L. 315-1 ;
« 6° Une récidive après deux périodes de mise sous accord préalable en application de l'article L. 162-1-15 ;
« 7° Les abus constatés dans les conditions prévues au II de l'article L. 315-1 ;
« 8° Le refus par un professionnel de santé de reporter dans le dossier médical personnel les éléments issus de chaque acte ou consultation ;
« 9° Le non-respect par les employeurs des obligations mentionnées aux articles L. 441-2 et L. 441-5 ;
« 10° Le fait d'organiser ou de participer au fonctionnement d'une fraude en bande organisée.
« III. - Le montant de la pénalité mentionnée au I est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés, soit proportionnellement aux sommes concernées dans la limite de 50 % de celles-ci, soit, à défaut de sommes déterminées ou clairement déterminables, forfaitairement dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Il est tenu compte des prestations servies au titre de la protection complémentaire en matière de santé et de l'aide médicale de l'État pour la fixation de la pénalité.
« Le montant de la pénalité est doublé en cas de récidive dans un délai fixé par voie réglementaire.
« IV. - Le directeur de l'organisme local d'assurance maladie notifie les faits reprochés à la personne physique ou morale en cause afin qu'elle puisse présenter ses observations dans un délai fixé par voie réglementaire. À l'expiration de ce délai, le directeur :
« 1° Décide de ne pas poursuivre la procédure ;
« 2° Notifie à l'intéressé un avertissement, sauf dans les cas prévus aux 3° et 4° du II ;
« 3° Ou saisit la commission mentionnée au V. À réception de l'avis de la commission, le directeur :
« a) Soit décide de ne pas poursuivre la procédure ;
« b) Soit notifie à l'intéressé la pénalité qu'il décide de lui infliger, en indiquant le délai dans lequel il doit s'en acquitter. La pénalité est motivée et peut être contestée devant le tribunal administratif.
« En l'absence de paiement de la pénalité dans le délai prévu, le directeur envoie une mise en demeure à l'intéressé de payer dans un délai fixé par voie réglementaire. La mise en demeure ne peut concerner que des pénalités notifiées dans un délai fixé par voie réglementaire. Lorsque la mise en demeure est restée sans effet, le directeur peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux pénalités qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées dans la mise en demeure.
« Le directeur ne peut concurremment recourir au dispositif de pénalité prévu par le présent article et aux procédures conventionnelles visant à sanctionner les mêmes faits.
« V. - La pénalité ne peut être prononcée qu'après avis d'une commission composée et constituée au sein du conseil ou du conseil d'administration de l'organisme local d'assurance maladie. Lorsqu'est en cause une des personnes mentionnées au 3° du I, des représentants de la même profession ou des établissements concernés participent à cette commission.
« La commission mentionnée au premier alinéa apprécie la responsabilité de la personne physique ou morale dans la réalisation des faits reprochés. Si elle l'estime établie, elle propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant.
« L'avis de la commission est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé.
« VI. - Lorsque plusieurs organismes locaux d'assurance maladie sont concernés par les mêmes faits mettant en cause une des personnes mentionnées au 3° du I, ils peuvent mandater le directeur de l'un d'entre eux pour instruire la procédure ainsi que pour prononcer et recouvrer la pénalité en leur nom.
« La constitution et la gestion de la commission mentionnée au V peuvent être déléguées à un autre organisme local d'assurance maladie, par une convention qui doit être approuvée par les conseils d'administration des organismes concernés.
« VII. - En cas de fraude manifeste établie dans des cas définis par voie réglementaire :
« 1° Le directeur de l'organisme local d'assurance maladie peut prononcer une pénalité sans solliciter l'avis de la commission mentionnée au V ;
« 2° Les plafonds prévus au premier alinéa du III sont portés respectivement à 200 % et quatre fois le plafond mensuel de sécurité sociale. Dans le cas particulier de fraude commise en bande organisée, le plafond est porté à 300 % des sommes indûment présentées au remboursement ;
« 3° La pénalité prononcée ne peut être inférieure au dixième du plafond mensuel de sécurité sociale s'agissant des personnes mentionnées au 1° du I, à la moitié du plafond s'agissant des personnes physiques mentionnées au 3° du I et au montant de ce plafond pour les personnes mentionnées au 2° du I et les personnes morales mentionnées au 3° du même I ;
« 4° Le délai mentionné au dernier alinéa du III est majoré par voie réglementaire ;
« 5° L'organisme local d'assurance maladie informe le cas échéant, s'il peut être identifié, l'organisme d'assurance maladie complémentaire de la pénalité prononcée, ainsi que des motifs de cette pénalité.
« VIII. - Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État. »
II. - Le I s'applique aux faits commis postérieurement à la date de publication du décret pris en application du VIII de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 218 et 309 sont identiques.
L'amendement n° 218 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 309 est présenté par Mme Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 218.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, avec votre accord, je défendrai simultanément les amendements nos 218 et 223, qui concernent tous deux les dispositifs de lutte contre la fraude.
Avec l’article 77, modifié par l’Assemblée nationale, le Gouvernement entend permettre aux organismes d’assurance maladie obligatoire de communiquer aux organismes d’assurance santé complémentaire les pénalités et les modalités des pénalités prononcées à l’encontre d’un assuré social.
Les mesures prévues à cet article viennent grossir les rangs des différentes dispositions visant à renforcer la lutte contre nos concitoyens, que le Gouvernement a tendance à considérer comme des fraudeurs potentiels.
Pour ma part, j’ai l’habitude de dire que les pauvres sont tous des fraudeurs potentiels...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas bien !
M. Guy Fischer. Toutes les dispositions prises par le Gouvernement me conduisent en effet à affirmer que les fraudeurs ne sont pas les patrons, à qui le Gouvernement distribue 70 milliards d'euros d’exonérations de cotisations sociales et fiscales !
Je peux, si vous le souhaitez, vous donner des exemples de fraudes patronales : il n’est qu’à citer l’IUMM !
M. Alain Gournac. Il n’y a pas de fraudes chez les syndicats ?
M. Guy Fischer. La fraude existe, personne ne le nie, et nous attendons que celle-ci soit sanctionnée. Il n’en reste pas moins qu’elle est toujours marginale par rapport à toutes les campagnes de presse qui sont orchestrées.
Toutefois, ce que le Gouvernement prévoit à l'article 77 est relativement flou, puisqu’il entend communiquer aux organismes complémentaires les pénalités prononcées à l’encontre des assurés. Mais en quoi cette information pourrait-elle être utile aux organismes d’assurances complémentaires ?
Informer les organismes complémentaires de l’existence d’une sanction à l’encontre d’un assuré pour une action précise, à condition que celle-ci ait un impact sur cet organisme complémentaire, semble suffisant. À l’inverse, on comprend mal l’utilité de partager une information relative au montant de la sanction, sinon celle d’inciter les organismes complémentaires à agir comme le régime obligatoire et dans les mêmes exigences de réparation financière.
Bien souvent, les véritables fraudes ne proviennent pas des assurés les plus pauvres : elles sont le plus souvent organisées. Et nous savons bien que les paradis fiscaux sont les premiers lieux de ces fraudes organisées !
Mme Annie David. Bien sûr !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 309.
Mme Raymonde Le Texier. Lutter contre les fraudes et les abus est nécessaire, et ce n’est pas là ce qui nous chagrine.
Le problème, c’est que l’article 77 étend indûment la notion de fraude à des actes non intentionnels ou liés aux conditions de vie et alourdit le montant des pénalités financières. Cela risque d’aboutir, dans certains cas, à des sanctions disproportionnées.
L’absence de réponse, voire une réponse « abusivement tardive », à un courrier de l’organisme local d’assurance maladie est qualifiée de fraude, et la sanction peut atteindre 200 % des sommes en cause.
Il est difficile de donner un contenu juridique au terme « abusivement tardive », mais là n’est pas l’essentiel. Ces dispositions méconnaissent complètement la situation des personnes concernées, bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire ou de l’aide médicale de l’État.
Les comportements que vous qualifiez de frauduleux sont, bien souvent, liés aux conditions de vie de leurs auteurs. Ces derniers sont souvent démunis face au langage administratif et croulent tellement sous les difficultés que le courrier, à force d’être un vecteur de factures et de mauvaises nouvelles, est de plus en plus difficile à gérer. En outre, certaines personnes ont un domicile précaire et relèvent leur courrier de façon irrégulière.
La mise en place de systèmes automatiques de sanction risque d’empêcher de tenir compte des situations de grande précarité. Réprimer ceux qui abusent sciemment du système est une chose ; nier les situations de détresse sociale et les assimiler à de la fraude en est une autre.
Les moyens de lutter contre la fraude existent déjà. Les renforcer ainsi risque d’aggraver la situation des personnes les plus fragiles et – je le souligne – de bonne foi.
Selon que vous serez puissant ou misérable, disait déjà en son temps La Fontaine…
M. François Autain. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. Cela se vérifie tous les jours dans vos pratiques.
Les golden parachutes ne sont taxés qu’au-delà d’un million d’euros. Les dirigeants d’usine qui n’ont pas protégé leurs ouvriers des risques liés à l’amiante, alors qu’ils les connaissaient, ne sont ni recherchés ni poursuivis. Nous en avons longuement discuté ici même voilà deux ou trois jours. En revanche, les plus pauvres d’entre nous peuvent être taxés à hauteur de 200 % pour un courrier non traité.
Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous mobiliser votre énergie pour faire progresser la justice sociale plutôt que pour écraser ceux qui ont déjà un genou à terre !
Mme la présidente. L'amendement n° 58, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le 8° du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale par les mots :
dès lors que le patient ne s'est pas explicitement opposé au report de cet acte ou consultation dans son dossier médical personnel
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le professionnel de santé ne doit pas être pénalisé lorsqu’il n’est pas autorisé par le patient à alimenter son dossier médical personnel. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 221, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du V du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu'est en cause une des personnes mentionnées au 1° du I, des membres d'associations mentionnées à l'article L. 1114-1 du code de la santé publique participent à cette commission.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article 77 prévoit la participation de représentants des professionnels de santé aux commissions chargées de prononcer des pénalités à l'encontre de l'un de leurs collègues.
Dans un souci de parallélisme, l’amendement n° 221 vise à permettre la participation de représentants des associations d'usagers aux commissions chargées de prononcer des pénalités à l'encontre d'usagers.
Un certain équilibre pourrait être recherché en la matière. Je crois que les choses pourraient être discutées en toute clarté. Vous verriez alors le ballon de baudruche se dégonfler rapidement.
Mme la présidente. L'amendement n° 59, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du VII du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, supprimer le mot :
manifeste
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à supprimer le mot « manifeste », car la notion de « fraude manifeste » n'existe pas en droit français. Soit la fraude est constituée, soit elle ne l’est pas.
Mme la présidente. L'amendement n° 60, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer le 5° du VII du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission affaires sociales. Les organismes complémentaires étant informés en cas de fraude de l’usager, il n’est pas nécessaire de les informer une seconde fois. Nous proposons donc de supprimer le dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela ne surprendra personne, la commission est défavorable aux deux amendements de suppression de l’article.
S’agissant de l’amendement n° 221, je voudrais indiquer à M. Fischer que nous avons déjà longuement débattu de la question de savoir si les partenaires sociaux représentaient les usagers. Je lui laisse le soin de déterminer comment lui-même y répond. En ce qui me concerne, je crois que les partenaires sociaux représentent effectivement les usagers. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Le Gouvernement émet un avis très défavorable sur les amendements de suppression nos 218 et 309.
Je ne souhaite pas prolonger le débat. J’indiquerai simplement que la lutte contre la fraude prend de multiples formes : cela va des paradis paradis fiscaux à la fraude aux prestations sociales. Nous devons lutter avec justice, conformément aux principes d’un État démocratique. Bien évidemment, aucune catégorie sociale n’est plus particulièrement visée par principe qu’une autre. La fraude est toujours la même, et un fraudeur reste un fraudeur. Certains ne font que se tromper,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est différent !
M. Éric Woerth, ministre. … mais d’autres fraudent délibérément, voire s’organisent pour frauder, ce qui est encore pis. Dans un souci d’efficacité, nous nous dotons donc des outils appropriés, non sans offrir toutes les voies de recours possibles dans un État démocratique.
Je vous ferai remarquer qu’il n’est pas question de lutter seulement contre la fraude des assurés. Nous luttons contre la fraude de tous les acteurs du système de santé, de la clinique à l’assuré,…
M. François Autain. Et la fraude des médecins ?
M. Éric Woerth, ministre. … en passant bien sûr par les médecins. L’ensemble des acteurs du système de santé est concerné.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 58, 59 et 60, et défavorable à l’amendement n° 221.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 218 et 309.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 77, modifié.
(L'article 77 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 77
Mme la présidente. L'amendement n° 223, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 114-19, L. 114-20 et L. 114-21 du code de la sécurité sociale sont abrogés.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 232 rectifié, présenté par M. Barbier et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après le cinquième alinéa (4°) de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. »
II. L'article L. 4124-6 du code de la santé publique est modifié comme suit :
1° Après le troisième alinéa (2°) de cet article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2° bis - Une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros, en cas de non-respect, dans la fixation des honoraires, de l'engagement du tact et de la mesure ou de méconnaissance des dispositions de l'article L. 1110-3 du code de la santé publique. » ;
2° Au début de la première phrase du septième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 468, présenté par M. Bizet, est ainsi libellé :
Après l'article 77 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° une amende dans la limite de 2500 euros. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Les deux amendements suivants font également l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 231 rectifié, présenté par M. Barbier et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 162-1-17 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-18 - Les directeurs des organismes locaux d'assurance maladie et les services médicaux de ces organismes, les directeurs des organismes d'assurance complémentaire et leurs services médicaux sont tenus de communiquer à l'ordre compétent les informations qu'ils ont recueillies dans le cadre de leurs activités et qui sont susceptibles de constituer un manquement à la déontologie de la part d'un professionnel de santé inscrit à un ordre.
« L'ordre professionnel informé est tenu de notifier dans les trois mois les suites qu'il a apportées à cette saisine. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 467, présenté par M. Bizet, est ainsi libellé :
Après l'article 77 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article L. 162-1-17 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-1-18 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-18. - Les directeurs des organismes locaux d'assurance maladie et les services médicaux de ces organismes sont tenus de communiquer à l'ordre compétent les informations qu'ils ont recueillies dans le cadre de leur activité et qui sont susceptibles de constituer un manquement à la déontologie de la part d'un professionnel de santé inscrit à un ordre professionnel.
« L'ordre professionnel est tenu de faire connaître à l'organisme qui l'a saisi, dans les trois mois, les suites qu'il y a apportées. »
II. - Après le sixième alinéa (5°) de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Dans le cas de non-respect du tact et de la mesure dans la fixation des honoraires ou dans le cas de méconnaissance des dispositions de l'article L. 1110-3 du code de la santé publique, une amende dont le montant ne peut excéder 5 000 euros. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 61, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le troisième alinéa de l'article L. 815-11 du code de la sécurité sociale, après le mot : « fraude » sont insérés les mots : «, absence de déclaration du transfert de leur résidence hors du territoire métropolitain ou des départements mentionnés à l'article L. 751-1 ».
La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Cet amendement portant article additionnel vise à étendre aux Français résidant à l’étranger la récupération des sommes indûment versées au titre de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA. Il intègre au dispositif de récupération des sommes indûment versées le cas des personnes qui oublieraient de déclarer le transfert de leur résidence hors du territoire métropolitain ou des départements mentionnés à l’article L. 751-1.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 77.
Article 77 bis
L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « de l'article L. 324-9 » est remplacée par les références : « des articles L. 8221-1 et L. 8221-3 » ;
2° Au deuxième alinéa :
a) Les références : « quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 324-10 » sont remplacées par les références : « articles L. 8221-3 et L. 8221-5 » ;
b) La référence : « à l'article L. 324-12 » est remplacée par les références : « aux articles L. 8271-7 à L. 8271-12 » ;
c) La référence : « L. 141-11 » est remplacée par la référence : « L. 3232-3 ». – (Adopté.)
Article 78
I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 161-1-4, il est inséré un article L. 161-1-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 161-1-5. - Pour le recouvrement d'une prestation indûment versée et sans préjudice des articles L. 133-4 du présent code et L. 725-3-1 du code rural, le directeur d'un organisme de sécurité sociale peut, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. » ;
2° L'article L. 553-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Tout paiement indu de prestations familiales est récupéré, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, par retenues sur les prestations à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution. À défaut, l'organisme payeur peut, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues soit au titre de l'allocation de logement mentionnée à l'article L. 831-1, soit au titre de l'aide personnalisée au logement mentionnée à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation, soit au titre des prestations mentionnées au titre II du livre VIII du présent code, soit au titre du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte de la loi n° du généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion. » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : «, ainsi que celles mentionnées aux articles L. 835-3 du présent code et L. 351-11 du code de la construction et de l'habitation, L. 821-5-1 du présent code et L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte de la loi n° du précitée, » ;
c) Au début du dernier alinéa, sont insérés les mots : « Toutefois, par dérogation aux dispositions des alinéas précédents, » ;
3° L'article L. 835-3 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Tout paiement indu de l'allocation de logement est récupéré, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, par retenues sur l'allocation à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution. À défaut, l'organisme payeur peut, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues soit au titre des prestations familiales mentionnées à l'article L. 511-1, soit au titre de l'aide personnalisée au logement mentionnée à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation, soit au titre des prestations mentionnées au titre II du livre VIII du présent code, soit au titre du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte de la loi n° du généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion. » ;
b) Au dernier alinéa, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : «, ainsi que celles mentionnées aux articles L. 553-2 du présent code et L. 351-11 du code de la construction et de l'habitation, L. 821-5-1 du présent code et L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte de la loi n° du précitée, » ;
c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, par dérogation aux dispositions des alinéas précédents, le montant de l'indu peut être réduit ou remis en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausses déclarations. » ;
4° Après l'article L. 821-5, il est inséré un article L. 821-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 821-5-1. - Tout paiement indu de prestations mentionnées au présent titre est, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, récupéré sur l'allocation à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution. À défaut, l'organisme payeur peut, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues, soit au titre des prestations familiales mentionnées à l'article L. 511-1, soit au titre de l'allocation de logement mentionnée à l'article L. 831-1, soit au titre de l'aide personnalisée au logement mentionnée à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation, soit au titre du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte de la loi n° du généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.
« Les retenues mentionnées à l'alinéa précédent sont déterminées en application des règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 553-2 du présent code. »
II. - L'article L. 351-11 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° L'avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « est autorisé à récupérer » sont remplacés par le mot : « récupère » ;
b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À défaut, l'organisme payeur peut, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues, soit au titre de l'allocation de logement mentionnée à l'article L. 831-1 du code de la sécurité sociale, soit au titre des prestations familiales mentionnées à l'article L. 511-1 du même code, soit au titre des prestations mentionnées au titre II du livre VIII du présent code, soit au titre du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte de la loi n° du généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion. » ;
2° Au dernier alinéa, après les mots : « alinéa précédent », sont insérés les mots : «, ainsi que celles mentionnées aux articles L. 553-2 et L. 835-3 du code de la sécurité sociale, L. 821-5-1 du présent code et L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte de la loi n° du précitée, » ;
3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, par dérogation aux dispositions des alinéas précédents et dans les conditions prévues à l'article L. 351-14 du présent code, le montant de l'indu peut être réduit ou remis en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausses déclarations.
« L'article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale est applicable pour le recouvrement des sommes indûment versées. »
III. - Le troisième alinéa de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte de la loi n° du généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Sauf si le bénéficiaire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois, l'organisme mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu de revenu de solidarité active par retenues sur les montants à échoir.
« À défaut, l'organisme mentionné au premier alinéa peut également, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues au titre des prestations familiales et de l'allocation de logement mentionnées respectivement aux articles L. 511-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale, au titre des prestations mentionnées au titre II du livre VIII du même code ainsi qu'au titre de l'aide personnalisée au logement mentionnée à l'article L. 351-11 du code de la construction et de l'habitation.
« Les retenues mentionnées aux troisième et quatrième alinéas du présent article sont déterminées en application des règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale.
« L'article L. 161-1-5 du même code est applicable pour le recouvrement des sommes indûment versées au titre du revenu de solidarité active. »
IV. - Toutes les dispositions du présent article relatives aux indus de revenu de solidarité active entrent en vigueur au 1er janvier 2010.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l'article.
Mme Claire-Lise Campion. Alors que nous débattions, récemment, du revenu de solidarité active, le RSA, chacun, dans cet hémicycle, se souciait du sort des personnes les plus éloignées de l’emploi. Nous expliquions pourquoi un acte qui nous paraîtrait facile à accomplir pouvait s’avérer insurmontable pour des personnes très fragilisées. Aujourd’hui, cet humanisme semble avoir totalement déserté certains bancs.
En assimilant automatiquement les indus à des fraudes, vous ne prenez pas le temps d’examiner les situations concrètes à l’origine de ce type de problèmes. Notre collègue députée Martine Billard avait choisi d’évoquer, à l’Assemblée nationale, un exemple parlant : celui du logement.
Une personne bénéficiaire d’une allocation logement peut se retrouver au chômage et ne plus être en mesure de payer son loyer, surtout si, de délai de carence en carence de l’administration, les sommes dues mettent un temps « abusivement tardif » à être versé.
En attendant, son allocation logement lui est supprimée, et la caisse d’allocations familiales lui demande de rembourser les montants indus perçus au cours des mois où elle ne payait pas de loyer. Cela peut paraître normal, mais notre pays connaît tout de même – il faut le rappeler – une forte crise du logement. Bien que prévenue des difficultés rencontrées par des personnes de bonne foi, la CAF supprime à ces dernières la totalité de l’allocation et leur demande de rembourser les indus.
Les conséquences de cette attitude sont disproportionnées par rapport aux sommes récupérées ! Elles s’avèrent très coûteuses tant financièrement que socialement. En effet, l’expulsion est bien souvent l’étape suivante, ces personnes ayant un budget tellement serré que toute rupture de l’aide entraîne une impossibilité de payer le loyer faute de parvenir à redresser le budget du ménage.
En voulant récupérer les indus sur d’autres allocations, le Gouvernement risque d’entraîner un phénomène de dégradation en chaîne. Au lieu de tendre la main aux personnes en difficulté, cet article aggrave leur situation, et ce d’autant plus que la rigueur observée en matière d’indus n’a pas d’équivalent en matière d’instruction des dossiers et de versement des aides. Cette rigueur n’est pas non plus compensée par un engagement politique réel contre la pénurie de logements sociaux.
Vous venez à peine de mettre en place le RSA que vous voulez déjà instaurer des mécanismes coercitifs pour sanctionner immédiatement la personne qui aurait indûment perçu vingt-cinq euros par mois ! De telles propositions ont des conséquences dramatiques sur le plan individuel, alors que leur enjeu financier global est totalement dérisoire.
Les personnels des CAF connaissent leur public et peuvent distinguer ce qui relève de la fraude de ce qui n’en relève pas. Laissons-leur une marge d’appréciation dans la gestion des relations des CAF avec les bénéficiaires des allocations.
Mme la présidente. L'amendement n° 524, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Dans le second alinéa du b) du 1° du II de cet article, remplacer les mots :
du présent code
par les mots :
du même code
II. - Procéder à la même substitution dans le 2° du même II.
L'amendement n° 525, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le premier alinéa du III de cet article :
Les troisième à cinquième alinéas de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte de la loi n° du généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
II. - Compléter ce même III par un alinéa ainsi rédigé :
« Après la mise en œuvre de la procédure de recouvrement sur prestations à échoir, l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active transmet, dans des conditions définies par la convention mentionnée au I de l'article L. 262-25, les créances du département au président du conseil général. La liste des indus fait apparaître le nom de l'allocataire, l'objet de la prestation, le montant initial de l'indu, le solde restant à recouvrer, ainsi que le motif du caractère indu du paiement. Le président du conseil général constate la créance du département et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement. »
La parole est à M. le président de la commission, pour défendre ces deux amendements.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 524 vise à corriger une erreur matérielle.
Quant à l’amendement n° 525, il tend à permettre le recouvrement des indus sur les prestations à échoir ; j’insiste d’ailleurs sur le terme « permettre », puisqu’il laisse la possibilité d’un examen adapté à chaque dossier. Je vous confirme en effet, madame Campion, que le président du conseil général conserve une certaine latitude et apprécie s’il convient de poursuivre ou non. Il s’agit d’une coordination avec le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les deux amendements.
Je tiens à préciser à Mme Campion que le personnel des CAF est tout à fait habilité à juger de la possibilité de récupérer ou non les indus. Il s’agit de la possibilité de récupérer les indus d’une prestation sur d’autres prestations. Ce n’est tout de même pas choquant.
Il est assez naturel de demander à quelqu’un le remboursement d’une prestation perçue à tort. Il est également assez naturel que la CAF puisse éventuellement récupérer cet indu sur d’autres prestations versées à la personne concernée. Le contraire serait anormal, quels que soient les montants en jeu. Les sommes versées à tort concourent au déficit, ou alors d’autres personnes en sont privées. Soyons justes, non seulement dans les discours mais aussi dans les faits.
S’agissant du RSA, il est normal que nous nous posions la question des possibilités de fraude lorsque nous instaurons un nouveau dispositif. C’est même une bonne chose. Mais au lieu de lutter contre les fraudes commises et de déplorer alors les possibilités de fraude offertes par le dispositif, prévenons l’éventualité de la fraude ! Cela peut alors empêcher certains de céder à la tentation de frauder. Cette démarche est donc également pédagogique. Le Gouvernement fait bien d’agir ainsi. Je crois d’ailleurs qu’il s’agit d’une mesure de justice sociale.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 78, modifié.
(L'article 78 est adopté.)
Article 79
I. - Après l'article L. 114-21 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 114-22 ainsi rédigé :
« Art. L. 114-22. - Les organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale et du régime d'assurance chômage peuvent échanger des données à caractère personnel, y compris des données relatives aux revenus des personnes, avec les organismes et institutions chargés de la gestion d'un régime équivalent au sein d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou d'un État inscrit sur une liste fixée par voie réglementaire sous réserve qu'il impose à ses organismes et institutions des conditions de protection des données personnelles équivalentes à celles existant en France, aux fins de :
« 1° Déterminer la législation applicable et prévenir ou sanctionner le cumul indu de prestations ;
« 2° Déterminer l'éligibilité aux prestations et contrôler le droit au bénéfice de prestations lié à la résidence, à l'appréciation des ressources, à l'exercice ou non d'une activité professionnelle et à la composition de la famille ;
« 3° Procéder au recouvrement des cotisations et contributions dues et contrôler leur assiette. »
II. - Après la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 161-1-4 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Afin de permettre l'appréciation de ressources d'origine étrangère, le demandeur doit produire tout renseignement ou pièce justificative utile à l'identification de sa situation fiscale et sociale dans le pays dans lequel il a résidé à l'étranger au cours des douze mois précédant sa demande ou dans lequel il continue à percevoir des ressources. » – (Adopté.)
Article 80
I. - Le premier alinéa de l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la possibilité d'effectuer un versement de cotisations est ouverte en application de dispositions réglementaires au-delà du délai d'exigibilité mentionné à l'article L. 244-3 et à défaut de production de documents prouvant l'activité rémunérée, ce versement ne peut avoir pour effet d'augmenter la durée d'assurance de plus de quatre trimestres. »
II. - Le I est applicable aux décomptes de cotisations adressés par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 du code de la sécurité sociale et L. 723-3 du code rural à compter du 1er janvier 2009 – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 80
Mme la présidente. L'amendement n° 225, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 80, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2135-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions de mise à disposition des salariés des entreprises du secteur privé non lucratif sanitaire, social et médico-social et de prise en charge de leur rémunération par l'Etat, l'assurance maladie, les collectivités territoriales et la caisse de solidarité pour l'autonomie, sont définies par un décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. La mise à disposition de salariés dans les entreprises du secteur privé non lucratif sanitaire, social et médico-social, auprès des organisations syndicales représentatives se fait depuis 1981 sur la base d'un courrier ministériel et sans dispositif juridique sécurisé.
Cet amendement permet de pérenniser le financement des mises à disposition pour ces entreprises dont les moyens de fonctionnement sont à la charge de l'État, de l'assurance maladie, des collectivités territoriales et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, suivant les catégories de publics bénéficiaires.
L'origine exclusivement publique des crédits de fonctionnement de ces structures, donc du financement des mises à disposition de salariés, justifie le caractère dérogatoire des modalités de fixation des conditions de mise à disposition et de financement qui feront l'objet de dispositions réglementaires.
Tel est l’objet de l’amendement n° 225.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il semble utile de préciser la base légale des conditions dans lesquelles s’effectuent ces mises à disposition. La commission, dans un premier temps, s’en était remise à la sagesse du Sénat, mais j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement, qui pourra nous préciser si ces mises à disposition ont une base légale.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement regrette de devoir émettre un avis défavorable sur le dernier amendement déposé sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
L’article 10 de la loi du 20 août 2008 a prévu la possibilité de mise à disposition de salariés auprès d’organisations syndicales. Il renvoie à la négociation collective la détermination des conditions de cette mise à disposition. Il revient donc aux partenaires sociaux, lors de la négociation, de décider des modalités, un agrément intervenant ensuite de la part de l’État. La situation est donc très claire. Tout cela est d’ailleurs très récent.
Mme la présidente. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission suit le Gouvernement et émet un avis défavorable, avec regret.
Mme la présidente. Monsieur Autain, l’amendement n° 225 est-il maintenu ?
M. François Autain. Madame la présidente, je maintiens l’amendement n° 225, avec regret ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la quatrième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
(La quatrième partie du projet de loi est adoptée.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Le Gouvernement nous a habitués à qualifier régulièrement les PLFSS. Selon les années il s’est agi d’un PLFSS de stabilisation,….
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Guy Fischer. …d’un PLFSS de transition. Cette année, il s’agit d’un PLFSS de destruction, de démantèlement !
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale a surtout traité des retraites, du cumul emploi-retraite, donc de l’emploi des seniors. Ce soir, je dois dire avec solennité à nos concitoyens, aux Françaises et aux Français qui nous écoutent, que la retraite à soixante ans a vécu !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, au contraire !
M. François Autain. Si !
M. Guy Fischer. Nos concitoyens exerçant une activité dans le secteur privé travailleront jusqu’à soixante-dix ans.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. S’ils le souhaitent !
M. Guy Fischer. Les fonctionnaires, les pilotes de ligne travailleront jusqu’à soixante-cinq ans, tandis que les hôtesses, les stewards et les salariés d’autres catégories le feront jusqu’à soixante ans.
Le pseudo-volontariat se transformera petit à petit, et deviendra insidieusement imposé. Aujourd’hui, nous venons de basculer dans le système anglo-saxon. Nous serons de plus en plus confrontés à des retraités pauvres qui travailleront toujours plus longtemps. Ce phénomène commence d’ailleurs à se faire sentir.
Le Gouvernement, disais-je, agit insidieusement. Il a imposé la réforme de l’IRCANTEC. Les nouveaux cotisants enregistreront donc une baisse de l’ordre de 30 % de leur pension.
En résumé, taux de remplacement en baisse, écrasement sans précédent des retraites : voilà ce qui attend de plus en plus de Français !
Je veux en cet instant aborder une mesure supplémentaire dont nous avons peu parlé. Tous ceux qui le voudront – ils seront de plus en plus nombreux – pourront cumuler leur retraite avec un emploi, qui, bien souvent, sera un « petit boulot ». De ce fait, les jeunes devront attendre de plus en plus longtemps pour accéder à un travail.
Par ailleurs, on ne peut parler véritablement d’une politique de retraite sans évoquer une politique de lutte contre le chômage. Or tous les économistes prévoient pour l’année prochaine une explosion violente du chômage ; 200 000 à 300 000 chômeurs supplémentaires pourraient être enregistrés.
Je veux maintenant aborder avec solennité l’un des points les plus importants, à savoir la situation de l’hôpital public. Ce dernier sera asphyxié, étranglé, sacrifié et mis sous tutelle. Sur les 1 300 établissements hospitaliers qui existent actuellement, 200 à 300 disparaîtront au fur et à mesure, sacrifiés sur l’autel de la rentabilité. La voie sera ouverte au secteur privé lucratif, à la Compagnie générale de santé, aux fonds spéculatifs. Ce sera la privatisation rampante. Une médecine à plusieurs vitesses s’imposera.
Quant aux établissements médicosociaux et sociaux, les mesures adoptées conduiront, de toute évidence, à une cure d’amaigrissement budgétaire. Les plus dépendants attendront toujours, et les familles resteront dans la détresse.
Pour conclure, je reviendrai sur l’hôpital public, problème selon nous majeur. Le Sénat, notamment la commission des affaires sociales, a beaucoup travaillé sur ce sujet.
Une tribune a été adressée à Mme Bachelot-Narquin, au nom des présidents des comités consultatifs médicaux, médecins de terrain qui ont accompagné la réforme de l’hôpital public, notamment en jouant le jeu et en participant, en particulier, aux réformes de la gouvernance et de la tarification à l’activité. Aux termes de cette tribune, « ces réformes sont à peine mises en place et l’émoi qu’elles ont entraîné est loin d’être retombé. Aujourd’hui cependant, l’impression est qu’elles risquent de ne servir qu’à un étranglement progressif de l’hôpital public par, entre autres, une mécanique inquiétante de baisse annuelle des tarifs de remboursement de l’activité. Ni la tarification à l’activité ni la nouvelle gouvernance ne sont intrinsèquement en cause ». Pour notre part, nous avions voté contre la tarification à l’activité.
La tribune poursuit : « La santé est un investissement pour le pays. L’utiliser pour un objectif à court terme de réduction pure et simple des dépenses est dangereux. La qualité va en pâtir sans aucun doute, de même que l’accès aux soins pour tous, si efficace aujourd’hui en France. Le découragement des acteurs qui font l’hôpital public va s’en suivre. Il y a danger. » C’est de ce danger que nombre de médecins hospitaliers font part aujourd’hui.
La réalité est le travail jusqu’à soixante-cinq ans, jusqu’à soixante-dix ans et plus.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est une possibilité !
M. Guy Fischer. En conclusion, il s’agit d’un PLFSS historique de destruction, de démantèlement. Certes, d’aucuns se retranchent derrière le volontariat. Mais aujourd’hui, des verrous, des acquis sociaux datant de 1936, 1945, 1968 viennent de sauter. La seule perspective offerte aux Françaises et aux Français par la droite libérale et par M. Sarkozy est de travailler jusqu’à soixante-dix ans. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. C’est abominable ! Affreux !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Au nom du groupe UMP, je souhaite tout d’abord remercier le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, pour sa qualité d’écoute qui nous a permis de débattre dans les meilleures conditions. J’adresse naturellement les mêmes remerciements aux rapporteurs Alain Vasselle, Dominique Leclerc, Gérard Dériot, André Lardeux, Sylvie Desmarescaux, et au rapporteur pour avis, Jean-Jacques Jégou, dont les travaux de grande qualité ont permis d’enrichir le projet de loi. Je remercie enfin l’ensemble des collaborateurs de la commission des affaires sociales, qui ont quasiment travaillé jour et nuit sur ce texte.
Nos concitoyens sont légitimement attachés au modèle social, fondé sur deux principes : la solidarité nationale et la responsabilité. Le groupe UMP estime que les mesures proposées dans le PLFSS pour 2009 concilient ces deux impératifs.
Ainsi, nous avons approuvé la majoration de la contribution des organismes complémentaires, qui, comme l’a souligné Mme la ministre de la santé lors des débats, n’est qu’un « rééquilibrage légitime ».
Nous avons aussi adopté l’article créant un forfait social de 2 % sur l’intéressement, la participation, l’épargne salariale et la retraite supplémentaire.
Ce double principe de responsabilité et de justice sociale a orienté tous nos votes dans le sens à la fois d’un assainissement des comptes et du soutien aux assurés les plus modestes.
C’est pourquoi nous avons approuvé les mesures proposées par le Gouvernement en faveur de nos concitoyens les plus modestes, notamment la revalorisation des petites retraites agricoles et celle des pensions de réversion, même si nous n’avons pas levé la limite d’âge de cinquante-cinq ans.
C’est sur les mêmes fondements que nous avons voulu donner une liberté supplémentaire aux salariés en leur permettant de travailler après soixante-cinq ans s’ils le veulent, et uniquement s’ils le veulent. La seule chose qui change, c’est la possibilité laissée à ceux qui le souhaitent, et uniquement à ceux-là, de continuer à travailler au-delà, sans se retrouver d’office à la retraite contre leur volonté ; quoi qu’on en ait dit, ce n’est que justice. C’est la raison pour laquelle, monsieur Fischer, c’est un PLFSS non pas de destruction, mais de libre choix.
M. François Autain. De libération ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Le président de la République a exprimé sa détermination à lancer une réforme structurelle afin de redresser les comptes sociaux tout en améliorant sans cesse la qualité de la prise en charge et des prestations. Cette volonté est parfaitement traduite dans le PLFSS.
Je tiens donc à vous faire part, monsieur le ministre, du soutien de mon groupe à ce texte et, plus généralement, à vos efforts et à ceux de tout le Gouvernement pour renforcer notre protection sociale au service de nos concitoyens.
Les membres du groupe UMP voteront ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Bravo ! Libre choix !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la protection sociale est née de la volonté d’améliorer les conditions de vie de chaque individu en protégeant celui-ci des risques auxquels il doit faire face. Elle joue un tel rôle en termes de cohésion sociale que son budget dépasse largement celui de l’État.
La sécurité sociale constitue une exigence démocratique, une vision de la société et un projet d’avenir. Or, monsieur le ministre, vous nous présentez, année après année, des budgets sans ambition ni perspective.
Une telle apathie dans un domaine aussi important pour l’équilibre de notre société témoigne soit d’une indifférence coupable, soit d’une stratégie délibérée (M. le président de la commission des affaires sociales s’exclame), à savoir justifier peu à peu le transfert vers l’assurance individuelle de ce qui relève de la solidarité nationale.
Pourtant, la crise que nous traversons nous rappelle à quel point les idéaux et les valeurs qui ont fondé notre protection sociale en 1944 sont plus que jamais indispensables pour affronter sans violence les soubresauts d’un monde fragile.
Pourquoi ce qui a été possible après une guerre mondiale, dans un pays dévasté, ne le serait-il plus alors que la production de richesses a considérablement augmenté en Europe ?
Pour refonder cet espoir, des réformes de structures sont indispensables.
Or, avec ce PLFSS, nous en sommes loin. Non seulement il est insincère, parce que fondé sur des hypothèses irréalistes, des recettes gonflées et des dépenses sous-évaluées, mais il ne s’élève jamais à la hauteur des enjeux.
Alors que les inégalités s’aggravent en matière de santé, que les horizons s’assombrissent s'agissant des retraites, que la politique familiale déçoit les attentes, ce projet élude les véritables problèmes et ne regarde jamais vers l’avenir.
Les Français sont confrontés à la désertification médicale, aux difficultés d’accès aux soins, à la hausse des prélèvements, à la baisse des remboursements, à la pénurie de médecins en secteur 1, aux dépassements d’honoraires et à la crise de l’hôpital. Mais jamais ce PLFSS n’aborde ces questions !
Les Français ont mal vécu l’introduction d’un amendement sur la retraite à soixante-dix ans, ce ballon d’essai que vous avez envoyé pour tester le recul prochain de l’âge légal du départ à la retraite.
En revanche, aucune disposition ne porte sur les entreprises qui licencient les travailleurs âgés, ni sur les difficultés que ceux-ci éprouvent à réaliser des carrières complètes, ni sur la pénibilité du travail. Pourtant, ce sont là autant de points qui intéressent les salariés, autant de réflexions que vous choisissez d’ignorer !
Et lorsque certaines réformes vont dans le bon sens, vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre. Ainsi, vous communiquez sur l’augmentation des pensions de réversion, mais vous occultez le fait que seules les retraites les plus basses sont concernées par cette mesure et que les veuves et les veufs devront attendre soixante-cinq ans pour en profiter.
Vous êtes prêt à poursuivre les bénéficiaires de l’aide médicale d’État et de la CMU-c pour un retard dans une réponse à un courrier, mais vous renoncez à rechercher et à poursuivre les patrons qui ont laissé leurs ouvriers exposés à l’amiante, ou à contrôler efficacement les employeurs qui ne déclarent pas les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Dans ce PLFSS, il n’y a guère que les exonérations de cotisations sociales qui soient en progression ! L’an prochain, elles atteindront 42 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 30 %, dont une bonne partie ne sera pas compensée par l’État. Ce choix, qui n’a jamais donné de résultats probants en ce qui concerne l’emploi, aggravera la situation de la sécurité sociale.
Enfin, alors que les inégalités se développent et que la précarité s’installe, le Gouvernement continue à « chouchouter » les stock-options, retraites chapeaux et autres parachutes dorés.
Vous mégotez sur la revalorisation du minimum vieillesse et n’acceptez de taxer les golden parachutes que s’ils dépassent un million d’euros, ce qui donne une idée de l’ordre de vos priorités !
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
Mme Raymonde Le Texier. La sécurité sociale, c’est à la fois un idéal, des besoins et un savoir-faire. Entre vos mains, c’est seulement un bilan comptable, des restrictions et un plan de liquidation.
Nous ne voterons pas un projet de financement qui, au lieu de porter haut les couleurs de la solidarité, met en berne la promesse d’avenir que porte celle-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Lors de l’examen du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Sénat a accompli un travail considérable et obtenu l’adoption d’un grand nombre de précisions utiles et d’améliorations notables, en ce qui concerne tant la branche maladie et la branche vieillesse, bien sûr – c’est le cœur de ce texte –, que la branche famille, dont les prestations apportées à nos concitoyens contribueront aux ressources du système de protection sociale de demain.
Je voudrais saluer tous nos collègues qui ont été présents et qui ont participé activement à nos débats. Dans mes remerciements, j’inclurai les présidents de séance, y compris M. le président du Sénat, qui, en outre, a siégé parmi nous et a parfois contribué à faire en sorte que la majorité soit effectivement majoritaire dans l’hémicycle.
Je voudrais aussi remercier tous les membres du Gouvernement, c'est-à-dire Éric Woerth, Xavier Bertrand, Roselyne Bachelot-Narquin, Valérie Létard, Nadine Morano et Yves Jégo, qui nous ont fait profiter de leurs connaissances durant l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Toutefois, mes chers collègues, je tiens également à dire combien j’ai été gêné, troublé, cette année plus encore peut-être que lors de l’examen des précédents PLFSS, par les conditions de travail abominables …
M. François Autain. Et encore, le mot est faible !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. … qui ont été imposées à la commission. (Marques d’approbation.)
En tant que président de la commission des affaires sociales, je trouve vraiment singuliers les horaires de travail auxquels nous sommes contraints et qui défient toutes les règles relatives aux heures supplémentaires, sans même évoquer les trente-cinq heures chères à Mme Aubry, aujourd'hui candidate à la direction du parti socialiste. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
À l’avenir, il faudra obtenir que soit laissé à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale le temps qu’il mérite, compte tenu de son impact particulièrement large et durable sur la vie de nos concitoyens.
En effet, si l’impôt direct ne frappe qu’une partie des Français, il n’en va pas de même des mesures qui découlent du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Chacun sait qu’au cours de ces débats nous abordons la santé, la vieillesse et la famille, qui constituent des préoccupations unanimement partagées. Je pense donc que ce texte mérite plus de respect. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, je veux à mon tour me féliciter de la qualité de nos débats.
J’associe évidemment à mes propos les membres du Gouvernement qui ont participé à ces délibérations, en fonction des responsabilités dont ils sont chargés, c'est-à-dire Roselyne Bachelot-Narquin, Xavier Bertrand, Valérie Létard, Nadine Morano et Yves Jégo. Vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que j’ai l’honneur de porter et coordonner, concerne de nombreux ministres : près d’un tiers du Gouvernement !
Ces débats ont permis, je le pense, de mieux expliquer ce projet, mais aussi de l’améliorer. Je rappelle qu’il a donné lieu à l’examen de quelque 534 amendements.
Je tiens en particulier à remercier M. le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, de la qualité des travaux de la commission et de ses interventions. Je saluerai également les différents rapporteurs de ce projet de loi, Alain Vasselle, Sylvie Desmarescaux, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, ainsi que, au titre de la commission des finances, Jean-Jacques Jégou.
Comme je m’y étais engagé, nous avons acté au cours de ces débats la révision – la dégradation, pour être exact, compte tenu de la crise qui nous frappe – de nos perspectives dites « macroéconomiques ».
Au moment où, je l'espère, vous allez voter ce texte, le déficit du régime général n’est plus ce qu’il était quand nous avons déposé ce PLFSS, puisqu’il devrait atteindre en 2009 la somme de 10,9 milliards d'euros.
En matière de financement, en moins de deux ans, à travers ce texte et le précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous aurons sensiblement revu les règles d’assujettissement aux cotisations sociales, pour les élargir à de nombreuses niches sociales. Il s'agit donc d’une avancée tout à fait spectaculaire, contrairement à ce qu’ont affirmé certains sénateurs de gauche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez voté un forfait social de 2 % qui constitue un progrès très important. Vous avez décidé que les fameux parachutes dorés seraient assujettis dès le premier euro à la CSG et à la CRDS, dès lors que ces indemnités dépasseront un million d’euros, ce qui les rendra nettement moins attractives.
Je vous remercie également d’avoir mené une discussion très approfondie sur l’article 22, relatif aux relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Plus encore que les années précédentes, vous avez contribué à éclaircir ces relations parfois ambigües et fertiles en malentendus.
Nous poursuivrons cet effort en décembre prochain, lors de l’examen du collectif budgétaire. En effet, une grande partie des dépenses de ce collectif est due à l’ouverture nette de crédits visant à diminuer la dette de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale ou à éviter sa reconstitution à cause de dispositifs comme l’allocation aux adultes handicapés ou l’allocation de parent isolé, pour ne citer que ces deux prestations.
En ce qui concerne l’assurance maladie, le débat sur l’hôpital a été extrêmement riche. Il en a été le même pour le champ médico-social.
S'agissant des retraites, votre vote confirme la liberté de choix des salariés et la fin des mises à la retraite d’office, qui tombaient comme des couperets. Je pense que vos discussions avec Xavier Bertrand ont permis, si c’était nécessaire, de lever les dernières ambigüités ou de dissiper les éventuelles incompréhensions qui étaient apparues.
C’est une liberté nouvelle qui est désormais offerte aux salariés : tous ceux qui le souhaitent pourront continuer à travailler après soixante-cinq ans, sans pour autant que ceux qui s’y refusent voient aucunement leurs droits remis en cause. Il en va de même dans le domaine de l’aviation civile.
Je veux insister aussi sur la réforme de l’ITR, l’indemnité temporaire de retraite, qui est versée dans les DOM-TOM. Cette mesure importante, à la fois juste et efficace, dont on parlait depuis des années, a enfin pu être adoptée.
Enfin, je vous félicite pour le travail que vous avez réalisé sur l’article 70, qui permet à la branche famille de continuer à prendre en charge des majorations de pensions. Nous devions aussi mener ce débat.
Ce projet de loi conforte et diversifie le financement de la sécurité sociale, en même temps qu’il renforce les instruments de sa gestion. Il rendra la dépense plus efficace et plus juste. Le court débat que nous avons eu sur le problème de la fraude le montre bien ; nous aurons d'ailleurs l’occasion d’y revenir dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative, notamment.
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite, bien sûr, à voter en faveur de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires sociales et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 45 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 180 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
9
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d’adopter.
La liste des candidats établie par la commission des Affaires sociales a été affichée, conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Nicolas About, Alain Vasselle, Dominique Leclerc, Jean-Jacques Jegou, Bernard Cazeau, Mme Raymonde Le Texier et M. Guy Fischer ;
Suppléants : M. Gilbert Barbier, Mmes Jacqueline Chevé et Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Christiane Demontes, Sylvie Desmarescaux et M. André Lardeux.
10
loi de finances pour 2009
Discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 98 et 99).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, dans la période de crise que nous traversons, la réactivité est évidemment primordiale : un temps de retard dans une décision peut entraîner des effets dévastateurs sur une économie déjà bien chahutée à l’échelle planétaire.
Pour autant, réactivité ne veut pas dire précipitation. Certes, il faut savoir prendre des risques, et des risques mesurés, mais on ne peut se dispenser du temps nécessaire à l’analyse. Le budget de l’État, qui est un des instruments majeurs de pilotage de l’économie dont dispose le Gouvernement, se doit naturellement d’être réactif, c'est-à-dire susceptible de s’adapter à la situation, et en même temps sincère.
Cela signifie qu’il a fallu concilier des paramètres a priori contradictoires : la brutalité de la crise, le temps nécessaire pour analyser les données et le rythme de notre procédure budgétaire. Je pense que nous sommes, tous ensemble, parvenus à faire face à cette situation exceptionnelle.
Avec Christine Lagarde, nous avons présenté devant votre Haute Assemblée les versions révisées des prévisions de croissance et de finances publiques aussi rapidement que possible. C’était il y a très peu de temps, à l’occasion de la discussion dans cet hémicycle du projet de loi de programmation des finances publiques, le 6 novembre dernier. C’était le moment adéquat pour le faire, car nous avons pu débattre de ces révisions pour l’ensemble des finances publiques sur l’ensemble de la législature.
J’ai ensuite eu l’occasion de détailler avec vous ces révisions pour la sphère sociale dans le PLFSS. J’en tirerai aujourd’hui logiquement les conséquences avec le présent projet de loi de finances en présentant les amendements correspondant à ces révisions.
Pour importants qu’ils soient, ces amendements sont soigneusement circonscrits et concernent principalement l’équilibre et les recettes. Comme je m’y étais engagé, je ne modifie pas les dépenses au-delà de l’incidence mécanique des hypothèses révisées sur la charge d’intérêt et les dépenses indexées.
Ces révisions nous conduisent donc de manière totalement transparente à afficher – malheureusement, dirai-je – un déficit budgétaire plus important pour 2009 puisqu’il s’élève à 57,6 milliards d’euros, ainsi que je l’ai indiqué hier soir à l’Assemblée nationale.
Bien sûr, la dégradation des prévisions de recettes et de déficit a beaucoup retenu l’attention ; c’est sur elle qu’a porté l’essentiel des commentaires. Pour autant, cela ne doit pas occulter l’essentiel. L’objet premier de la discussion budgétaire n’est pas de faire voter une prévision par le Parlement : le budget n’est pas le « concours Lépine » des conjoncturistes !
Le budget est d’abord la traduction financière d’orientations politiques claires. Les nôtres concernent l’efficacité de la dépense, l’amélioration de la fiscalité et une stratégie nettement définie au cas où nous serions confrontés à de nouvelles surprises, stratégie consistant à laisser agir la conjoncture sur les recettes.
Ces orientations, qui relèvent non pas de la prévision mais de l’action, n’ont pas changé depuis la présentation de ce texte en conseil des ministres tout simplement parce que ce sont celles qui s’imposent à nous. Elles s’imposent à court terme : il nous faut amortir la crise. Elles s’imposent aussi à moyen terme : nous devons préparer l’avenir et tirer au mieux parti de la reprise lorsqu’elle viendra, car elle viendra. Elles s’imposent enfin à long terme : il s’agit de conserver le contrôle de nos finances publiques.
Le projet de loi de finances était d’une parfaite sincérité lorsqu’il a été déposé puisque l’hypothèse d’une croissance de 1 % en 2009 était alors partagée par absolument tous les économistes. J’entends évidemment qu’il conserve toute sa sincérité et tout son réalisme.
Comme je vous l’avais annoncé, face à la dégradation de nos perspectives de croissance, notre choix est de ne pas modifier la progression réelle des dépenses et de ne pas chercher non plus à compenser par des augmentations de recettes la faiblesse de la conjoncture. En d’autres termes : pas de coupes sévères et pas de hausses d’impôts.
En acceptant que les recettes diminuent avec la conjoncture, nous laissons jouer ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques ». Or ces stabilisateurs sont puissants en France, ce qui n’est d’ailleurs pas suffisamment compris.
Pourquoi sont-ils puissants ? Tout simplement parce que la sphère publique représente une part très importante de l’activité, bien plus importante que dans d’autres pays. En France, c’est plus d’un euro sur deux produits chaque année qui transite par l’administration. Mesdames, messieurs les sénateurs, cinquante points de PIB, c’est évidemment considérable, et, je l’ai souvent rappelé, nous sommes quasiment les champions d’Europe en la matière !
Le choix de ne pas compenser une diminution de 0,5 % des ressources en France représente donc un effort plus substantiel que pour des pays où les recettes ne représentent que quarante points de PIB, comme au Royaume-Uni, ou trente, comme aux États-Unis. En laissant jouer les stabilisateurs, l’État prend ainsi à sa charge une large part de l’impact de la crise sur l’économie française. L’avantage de cette stratégie, c’est aussi qu’elle s’adapte à l’ampleur de la crise : si celle-ci se révélait plus marquée, l’effort de l’État serait automatiquement plus important.
Au total, pour 2009, les recettes seraient ainsi revues à la baisse de près de 7 milliards d’euros, en tenant compte à la fois de la révision de la croissance et de la sensibilité de certains impôts à la crise financière, comme l’impôt sur les sociétés. Les recettes de ce dernier devraient enregistrer une diminution de 4 milliards par rapport aux prévisions initiales. Les autres recettes fiscales seraient affectées dans une moindre mesure, notamment la TVA, pour laquelle la diminution serait de 2 milliards d’euros.
Selon ces prévisions, qui sont les plus prudentes jamais retenues, les recettes de l’État progresseraient, à législation constante, de 0,7 %, c'est-à-dire deux fois moins vite que l’inflation.
En matière de dépenses, la recherche de l’efficacité n’est évidemment pas soluble dans la crise. Bien au contraire, c’est l’efficacité de la dépense qui garantit la solvabilité de l’État. C’est elle qui permettra de rétablir à terme des marges de manœuvre dont nous aurions bien besoin aujourd’hui ; elle est la condition de l’assainissement de nos finances publiques.
Les discussions à l’Assemblée nationale ont validé cette approche puisque les nombreux amendements adoptés n’ont pas modifié significativement l’équilibre du texte. Des crédits supplémentaires ont été accordés pour faire face à la crise. Ils serviront à soutenir les PME et, sur le front de l’emploi, à augmenter le volant d’emplois aidés. Ces crédits ont notamment été gagés par des économies supplémentaires sur toutes les missions.
Par conséquent, je n’ai pas modifié les dépenses au-delà de l’impact mécanique des nouvelles prévisions macroéconomiques sur le poste de la charge de la dette et celui des dépenses de pensions.
En revanche, et je sais que votre Haute Assemblée y sera sensible, le Gouvernement a décidé de ne pas modifier les transferts aux collectivités locales qu’auraient pu impliquer les modifications apportées au taux d’inflation prévisionnel pour 2009. En effet, pour respecter la règle que nous nous étions fixée, il aurait fallu aligner l’indexation des concours sur l’inflation révisée à la baisse à 1,5 %. Nous avons décidé de ne pas le faire.
Cela représente 275 millions d’euros de plus que la norme dite du « zéro volume », …
Mme Nicole Bricq. C’est une façon de compter…
M. Éric Woerth, ministre. … ce qui permettra, je le pense, de soutenir l’investissement des collectivités dans cette période de crise. Il s’agit d’une façon de reconnaître, en ces temps difficiles, le rôle éminent des collectivités dans ce domaine.
Mme Nicole Bricq. Le compte n’y est pas !
M. Éric Woerth, ministre. Au sein de l’enveloppe supplémentaire de 1,1 milliard pour les collectivités, priorité a été donnée à l’investissement puisque le Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, est préservé et progresse même de 660 millions d’euros.
Mme Nicole Bricq. Curieuse manière de compter !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mais si ! C’est la vérité.
Mme Nicole Bricq. Pas vraiment, non !
M. Éric Woerth, ministre. En considérant globalement les transferts de l’État, c’est-à-dire avec les dégrèvements, la progression est même de 2,3 milliards d’une année sur l’autre, ce qui représente une augmentation de 3,2 %. Ce chiffre mérite d’être noté ; j’y reviendrai lorsque nous débattrons de ce sujet.
J’ajoute que l’État a répondu présent pour assurer le sauvetage de Dexia, une banque particulièrement impliquée auprès des collectivités, en garantissant son refinancement afin qu’elle soit en mesure d’apporter, dans cette crise, le soutien nécessaire au financement de nos collectivités locales.
Certes, nous demandons un effort aux collectivités locales, mais c’est un effort qui, me semble-t-il, doit être accepté parce qu’il est juste. Lors des débats à l’Assemblée nationale, les députés ont opéré des modifications au sein de l’enveloppe globale. J’accueillerai naturellement avec intérêt des propositions similaires de votre part. Toutefois, soyons clairs, le niveau de l’enveloppe, du point de vue du Gouvernement, ne doit pas être modifié.
La progression des concours, qui est supérieure de 275 millions d’euros au niveau de l’inflation, permettra d’ailleurs, j’en suis certain, de mener cette année un débat apaisé sur la question, même si, je n’en doute pas, nous irons au fond des choses avec passion !
En intégrant ces 275 millions d’euros, la dépense totale de l’État dépasse très légèrement – de 0,1 % – la progression de l’inflation.
J’ai eu l’occasion de le détailler lors de la discussion de la loi de programmation des finances publiques : à l’intérieur de ce quasi « zéro volume », il nous faut d’abord faire face aux dépenses héritées du passé. Or, à cet égard, les bonnes surprises que l’on a pu enregistrer les années précédentes sur la charge de la dette et les dépenses de pensions ne se reproduiront pas : c’est bel et bien terminé !
Ces contraintes héritées du passé – et d’un passé qui nous est commun – signifient, très concrètement, une progression quasi nulle en euros courants pour l’ensemble des dépenses des ministères en personnel, en investissement et en intervention.
Pour autant, il ne faut pas relâcher l’effort sur un sujet qui vous tient autant à cœur qu’à moi : la transparence des comptes.
D’abord, pour lutter contre les sous-budgétisations, je vous propose une enveloppe de près d’un milliard d’euros supplémentaires. À ce milliard s’ajoutent par ailleurs, comme vous le verrez lorsque vous examinerez le collectif budgétaire, 800 millions d’euros que je dégage pour éviter la reconstitution trop importante – elle existera, mais restera contenue – de la dette de l’État envers la sécurité sociale. En outre, au-delà de ces 800 millions, nous dégageons aussi 750 millions pour rembourser des dettes anciennes.
Ensuite, nous ne reportons pas la dépense sur les opérateurs, dont les effectifs, pour la première fois et grâce aux directives que j’ai données aux représentants de l’État, baisseront en 2009.
Enfin, j’intègre dans le déficit tout ce qui doit effectivement apparaître dans le « compte de résultat », comme dirait Jean Arthuis. J’ai décidé, par exemple, que l’État devait reprendre la dette du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, et apporter des ressources durables pour réduire l’impasse de financement ; cela représente 1,5 milliard d’euros. Quant aux comptes de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, j’y ai remis de la clarté en prévoyant une subvention de 1,2 milliard destinée les équilibrer.
Le fait de maîtriser les dépenses n’implique nullement le sacrifice de celles qui sont prioritaires. Au contraire, c’est une manière de mieux gérer les instruments dont avons précisément besoin pour renforcer notre économie et traverser la crise actuelle.
Il faut valoriser le travail et privilégier l’investissement au sens large, c’est-à-dire l’investissement physique, mais aussi l’investissement dans la recherche et l’enseignement supérieur. Car, pour des pays très développés tels que la France, la croissance supplémentaire se gagne évidemment aux frontières de l’innovation. Il faut donc naturellement que cette croissance soit « soutenable » ; c’est tout le défi du Grenelle de l’environnement. Nous devons rendre compatibles tous ces impératifs.
Pour la mise en œuvre de ces priorités, nous avons dégagé des moyens sans précédent : 1,8 milliard d’euro supplémentaire par an pour la recherche et l’enseignement supérieur.
L’effort en faveur de l’investissement civil, en particulier les infrastructures, augmentera de près de 6 % en 2009. Au total, en tenant compte des partenariats public-privé, les investissements dans les infrastructures devraient quasiment doubler entre 2007 et 2012.
Sur l’ensemble de la période, ce sont environ 175 milliards d’euros de moyens qui seront mobilisés pour l’investissement au sens large.
Les financements sont aussi adaptés aux différents besoins. Ainsi, pour le Grenelle de l’environnement, les financements utilisent tous les leviers nécessaires à ce changement radical : des crédits budgétaires, bien entendu, mais aussi des leviers réglementaires et fiscaux et des partenariats public-privé. Ce projet de loi de finances promeut ainsi un « verdissement » général de notre fiscalité.
Enfin, la revalorisation du travail se poursuit, avec l’entrée en vigueur des lois sur l’emploi et le pouvoir d’achat, avec la rationalisation, conformément à la révision générale des politiques publiques, des dispositifs d’exonération ciblés et avec la généralisation du revenu de solidarité active.
Il n’y a pas de magie : pour pouvoir à la fois financer nos priorités, faire face aux dépenses héritées du passé et renforcer la transparence du budget, tout cela avec une dépense ne progressant qu’au niveau de l’inflation, il a fallu opérer d’importants redéploiements.
Ce projet de budget traduit une recherche d’efficacité dans tous les domaines. Aucune piste d’amélioration n’a été taboue, même au sein des missions prioritaires. Toutes les économies issues, notamment, de la RGPP ont été exploitées. J’en ai déjà donné de nombreux exemples et je ne vais pas les égrener à nouveau, ne voulant pas allonger mon propos.
C’est grâce à cette méthode de recherche systématique d’efficacité des dépenses que, pour la première fois, nous n’allons pas remplacer près d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, ce qui se traduira par une baisse des effectifs de 30 600 emplois, soit, en une année, autant que durant tout le quinquennat précédent.
Cependant, plus que les annonces, ce qui compte, c’est l’application effective de la réforme de l’État. Nous avons tenu à ce que la mise en œuvre de la RGPP fasse l’objet d’un suivi précis, et j’aurai l’occasion de faire le point à ce sujet devant le conseil des ministres, mercredi prochain.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs : nous maintenons fermement la maîtrise de la dépense, car la crise ne peut être un alibi pour gaspiller d’argent public, au contraire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Dans la conjoncture actuelle, la maîtrise de la dépense est également la garantie de la solvabilité de l’État. Le plan ambitieux de financement de l’économie qu’a présenté Christine Lagarde pour juguler l’assèchement des crédits repose, notamment, sur la garantie de l’État au meilleur coût. La solvabilité de l’État est d’autant plus indispensable en période de crise. Notre façon de gérer nos finances publiques est la meilleure des garanties pour assurer cette solvabilité.
Pour que l’État puisse jouer tout son rôle, il faut donc accepter de le réformer et d’être économe de l’argent public.
Sur l’ensemble des finances publiques, nous dépasserons, certes, en 2009, le seuil de 3 points de PIB à cause de la baisse de la croissance et des révisions de recettes – ce sont là les conséquences immédiates de la crise – puisque nous atteindrons 3,1 points de déficit public. Toutefois, il s’agit bien d’une évolution conjoncturelle, temporaire.
Il n’en demeure pas moins que nous réalisons, même s’il est masqué par la conjoncture, un effort structurel marqué sur la dépense, correspondant à 0,5 point de PIB. C’est en poursuivant cet effort que nous reviendrons dès 2010 à 2,7 points de PIB de déficit et que nous assainirons graduellement la situation de nos finances publiques, comme la trajectoire que nous avons présentée le montre clairement.
S’agissant des recettes, je tiens à revenir sur un thème qui nous est cher à tous, mais plus particulièrement à M. le président de la commission des finances et à M. le rapporteur général : je veux parler des niches fiscales. Je l’aborderai très brièvement, Mme Christine Lagarde allant certainement l’évoquer.
Les mesures en question vous avaient été présentées dès l’année dernière, et nous avions pris des engagements sur ce sujet complexe, qui exige d’ailleurs beaucoup de pédagogie, car il faut expliquer de quoi il s’agit et bien faire ressortir le caractère foisonnant de la matière. Nous avons sensiblement progressé cette année, notamment à travers le dispositif de plafonnement global lié au RSA que Martin Hirsch et moi nous étions engagés à mettre en place lors de l’examen du texte instaurant ce dernier.
Avec le projet de loi de finances, nous passons, si j’ose dire, de la théorie à la pratique. Je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour ne pas ajouter d’autres niches fiscales au dispositif existant, déjà très généreux. Lors des débats à l’Assemblée nationale, nous avons réussi à éviter à peu près cet écueil, à rationaliser et à « moraliser » certaines exonérations de cotisations sociales. Je pense particulièrement aux niches fiscales à destination des zones franches urbaines et des DOM, que nous avons rendues plus cohérentes.
Quels que soient les débats que ce sujet peut légitimement susciter, je compte évidemment sur votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs, pour maintenir ces réformes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Enfin, je sais, monsieur le rapporteur général, que vous présenterez, comme chaque année, un certain nombre de propositions en matière fiscale, auxquelles la commission des finances a déjà beaucoup travaillé, avec sa créativité et sa compétence habituelles. Vous savez le prix que nous attachons à l’expertise et à l’apport de la Haute Assemblée, qui, bénéficiant d’un plus grand recul, pourra améliorer ce texte efficacement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que nous vous présentons aujourd’hui repose sur les hypothèses de croissance et de recettes fiscales les plus prudentes jamais élaborées. Cela nous conduit, certes, à afficher un déficit élevé, que je suis le premier à regretter, mais ce projet de budget ne cède rien sur la maîtrise de la dépense, je m’en voudrais de ne pas le souligner une fois de plus.
Dans la dépense publique, il faut faire la part des choses : il y a la dépense que l’on subit à moyen terme – la charge de la dette et des pensions –, la dépense que nous devons préserver à tout prix, finançant les priorités d’avenir, celles dont nous avons précisément besoin pour réformer notre économie et profiter au mieux de la croissance quand elle reviendra, et, enfin, la dépense qui peut, qui doit être réduite, pour une plus grande efficacité de l’argent public et du service public. Nous faisons en ce sens un effort sans précédent.
L’évolution économique pour l’année à venir est, à l’évidence, éminemment incertaine et nécessitera peut-être des ajustements en cours de route. La réactivité restera l’impératif, mais vous pouvez compter sur le Gouvernement pour faire en sorte que la recherche de l’efficacité de la dépense soit préservée quelles que soient les circonstances. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà exactement deux semaines, le jeudi 6 novembre, j’ai eu l’honneur de présenter à la Haute Assemblée les raisons qui m’ont conduite à réviser les prévisions macroéconomiques du Gouvernement, prévisions qui permettent de déterminer ensuite les contours du projet de loi de finances pour 2009.
Comme vous le savez, à partir de la mi-septembre, des événements économiques d’une gravité exceptionnelle nous ont amenés à revoir nos prévisions budgétaires et un certain nombre des paramètres dans lesquels s’inscrit le budget, ainsi que les hypothèses concernant le prix de la ressource pétrolière, le prix des matières premières en général, l’écart entre l’euro et l’ensemble des autres valeurs, puis à réduire notre prévision de croissance du produit intérieur brut, qui est ainsi passée de 1 % à une fourchette de 0,2 % à 0,5 %.
Nous avons également revu à la baisse notre prévision d’inflation pour 2009, qui est passée de 2 % à 1,5 %, ce qui nous paraît raisonnable compte tenu de la diminution du prix de l’ensemble des matières premières, notamment énergétiques. Dans la foulée, nous avons ramené notre prévision de croissance pour 2010 de 2,5 % à 2 %.
Je ne reviendrai pas sur les raisons de ces révisions. Le Gouvernement vous a transmis un document où sont détaillés les ajustements apportés au cadre macroéconomique du projet de loi de finances.
Avant d’en venir aux dispositions proprement fiscales du projet de loi de finances, je voudrais profiter de ce moment rare et précieux où je suis devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour évoquer deux éléments particuliers : le rôle moteur joué par la France sur la scène européenne et quelques-uns des résultats de la réunion du G20 qui s’est tenue le week-end dernier à Washington.
C’est bien au niveau de l’Union européenne qu’un certain nombre de réponses peuvent et doivent être fournies. Or la France y joue aujourd’hui un rôle moteur sous l’égide du Président de la République, qui exerce aussi jusqu’à la fin de l’année la présidence de l’Union Européenne.
Comme vous vous en souvenez, dès le 12 octobre dernier, les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro avaient mis en place un cadre commun destiné à coordonner l’action des États membres. Ce cadre commun avait été endossé par le Conseil européen des 15 et 16 octobre. Les principes essentiels en étaient les suivants : assurer des liquidités adéquates aux institutions financières, apporter à celles-ci des ressources en capital pour qu’elles continuent à financer correctement l’économie, qu’il s’agisse des entreprises, des ménages ou des collectivités locales, et, enfin, lorsque cela s’avérait nécessaire, recapitaliser de manière efficace, c'est-à-dire au plus haut niveau du bilan, les banques en difficulté ; c’est ce que nous avons dû faire, aux côtés des Belges et des Luxembourgeois, pour Dexia.
Lors de nos débats du 6 novembre, je vous avais présenté en détail les mesures prises en France. Elles sont en cours d’exécution. Je n’y reviens donc pas.
Les autres pays de la zone euro et de l’Union européenne ont eux-mêmes mis en œuvre ces principes. Les Etats membres se sont ainsi engagés à recapitaliser le système financier jusqu’à plus de 200 milliards d’euros et à garantir jusqu’à près de 1 300 milliards d’euros de financements bancaires.
Le sommet du G20 est, lui aussi, déterminant pour la manière dont nous rééquilibrons les forces financières sur la scène internationale, dont nous reconstruisons l’architecture financière et dont nous relançons l’économie.
Lors de sa dernière visite aux États-Unis, le Président de la République avait réussi à convaincre le président George Bush d’organiser ce sommet. Il a eu lieu le 15 novembre et a repris les objectifs communs définis par les Européens, qui, grâce à la présidence française, ont présenté un front uni.
Les pays du G20, malgré leurs différences extrêmes, qu’il s’agisse de leur niveau de développement, de leur orientation politique, de leur mode de gouvernance, se sont accordés sur quatre principes.
Le premier est celui d’une relance solide, rapide et probablement temporaire.
Le deuxième est celui de la réorganisation de l’architecture financière pour favoriser la transparence, la responsabilité et la supervision.
Le troisième est celui de la réorganisation de la gouvernance mondiale en matière financière, pour faire plus de place aux pays émergents ou en développement au sein des instances internationales et pour donner un rôle prépondérant au Fonds monétaire international.
Enfin, le quatrième principe, auquel se sont ralliés tous les États appartenant au G20, est celui du refus des mesures de protectionnisme.
Comme vous le savez, les finances de l’État sont étroitement dépendantes de la situation internationale – nous aurons l’occasion de nous en rendre compte en 2009 –, d’où l’importance de cet accord international, que je qualifierai d’historique, pour la réussite de l’exercice de révision de nos prévisions et d’un éventuel soutien à notre économie.
J’en viens maintenant aux mesures fiscales du projet de loi de finances.
Elles s’articulent autour de trois axes : un budget d’aide à l’investissement, un budget « vert » et un budget plus juste.
Je rappelle que c’est sous le signe de la stabilité du taux de prélèvements obligatoires – fixé à 43,2 % du PIB jusqu’en 2012 – que s’inscrit notre politique fiscale. Le poids global des impôts, même si les recettes publiques venaient à fléchir du fait de la situation économique, n’augmentera donc pas. Cela résulte également des stabilisateurs automatiques à l’échelle européenne.
Le rapport sur les prélèvements obligatoires, annexé au projet de loi de finances en application de la LOLF, fournit l’ensemble des données nécessaires quant à leur évolution, du passé récent aux prochaines années. Nous en avons débattu le 6 novembre dernier. Je n’y reviendrai pas.
Si un certain nombre de baisses d’impôt sont envisagées, quelques hausses sont également prévues, sans qu’il soit pour autant porté atteinte au principe de stabilité des prélèvements obligatoires. Les mesures que nous vous proposons d’adopter se traduiront par une baisse nette de plus de 10 milliards d’euros des prélèvements sur l’ensemble de la législature.
Les baisses d’impôts sont ciblées sur nos priorités politiques, à savoir le soutien au travail, à l’innovation et à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise. En annexe du rapport sur les prélèvements obligatoires, vous trouverez le détail précis de l’ensemble de ces baisses, agrégées pour l’ensemble de la période 2009-2012.
Les hausses décidées en parallèle, orientées vers le financement d’un certain nombre de projets spécifiques, sont, elles aussi, le reflet de notre politique économique. Je pense notamment au revenu de solidarité active, au financement de l’audiovisuel public, à la fiscalité environnementale ou encore aux mesures de redressement de la sécurité sociale.
Je veux à présent entrer un peu plus dans le détail des caractéristiques fiscales de ce projet de loi de finances pour 2009.
La première est qu’il s’agit donc d’un budget de soutien à l’investissement : à nos yeux, la fiscalité est non pas seulement un outil permettant de lever de la ressource, mais également un instrument de politique économique.
Dans la période actuelle, où l’économie a véritablement besoin d’être stimulée, nous souhaitons tout particulièrement favoriser l’investissement.
À cet égard, le triplement du crédit d’impôt recherche et sa simplification, adoptés dans le cadre de la loi de finances pour 2008, aura permis aux entreprises françaises investissant en matière de recherche et développement de bénéficier d’un effet d’entraînement, qui devrait être directement, chaque année, à l’origine de 0,05 % de croissance du produit intérieur brut en effet direct. Cette mesure est évidemment maintenue dans le projet de loi de finances pour 2009, et nous sommes particulièrement attachés à son efficacité et à son effectivité.
Vous vous en souvenez, dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, nous avons ouvert la possibilité d’affecter l’impôt de solidarité sur la fortune à l’investissement dans les PME, en nous appuyant sur les travaux de la commission des finances du Sénat et, notamment, de son rapporteur général, auquel je tiens à rendre hommage. Cette disposition a été particulièrement efficace puisqu’elle a permis, au cours de l’année 2008, de lever près d’un milliard d’euros soit en direct, soit par le biais de sociétés d’investissement. Nous maintenons également cette mesure pour 2009.
Par ailleurs, nous vous proposons de supprimer une charge importante pour les entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles – notamment celles qui connaissent actuellement des difficultés passagères et auxquelles nous devrons être particulièrement attentifs au cours de l’année 2009 –, avec la disparition organisée en trois ans de l’imposition forfaitaire annuelle, la fameuse IFA, tant décriée par les entreprises.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le 23 octobre dernier, le Président de la République a annoncé sa volonté d’exonérer de taxe professionnelle les investissements nouveaux et de trouver – je sais que la Haute Assemblée y est particulièrement sensible – une ressource de substitution pour les collectivités locales, qui soit naturellement cohérente avec une réflexion à mener – et dont il a fait l’annonce – sur les compétences des niveaux d’administration territoriale.
Il ne s’agit pas de faire l’un sans l’autre. Il faut commencer par réfléchir sur les niveaux de compétence territoriale pour, ensuite, examiner à quelles conditions et dans quelles circonstances la taxe professionnelle pourra être profondément remaniée, notamment en ce qui concerne l’exonération portant sur les nouveaux investissements.
La deuxième caractéristique du volet fiscal de ce budget, c’est qu’il nous donne les moyens d’agir en faveur de la protection de l’environnement et, partant, de soutenir la croissance, tant les préoccupations écologiques et le développement durable recèlent de nouvelles opportunités en la matière.
Ainsi, l’effet du bonus-malus écologique, appliqué aux seules ventes de véhicules, a été particulièrement sensible sur les neuf premiers mois de l’année 2008. D’après les statistiques dont nous disposons, ce sont près de 700 000 véhicules qui y ont été éligibles au cours de cette période. En comparant avec les chiffres de la production industrielle du secteur automobile de pays aussi différents que l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne, nous pouvons mesurer à quel point ce dispositif nous a permis de soutenir l’activité automobile, qui, chacun le sait, est particulièrement sensible à la conjoncture et connaît actuellement une situation difficile.
Le projet de loi de finances pour 2009 met en place d’autres mesures favorables à l’environnement et aux travaux de rénovation énergétiques, avec, en particulier, la création de l’éco-prêt à taux zéro.
Ce volet de « verdissement » de la fiscalité résulte d’un travail approfondi, animé par Jean-Louis Borloo et que nous menons ensemble depuis plusieurs mois. Chacun le sait, la recherche de la croissance durable, ce n’est pas seulement la défense de l’environnement, c’est aussi, bien sûr, un gisement très important d’opportunités de croissance dont nous devons naturellement tirer profit.
Il en est ainsi de la création du prêt à taux zéro pour les gros travaux ou bien encore du développement de la filière bois ou du recyclage des déchets ménagers ; ce sont là autant de mesures destinées à soutenir des activités à fort potentiel de croissance.
S’agissant du prêt à taux zéro pour les travaux, l’aide est en réalité tout à fait substantielle et représente environ 8 500 euros pour un emprunt de 28 500 euros sur dix ans qui aurait été contracté au taux de 5,40 %. Le prêt peut être accordé dans la double limite de 30 000 euros et de 300 euros au mètre carré. S’écartant de la formule que nous proposions au départ, l’Assemblée nationale a décidé de moduler la durée du prêt en fonction des ressources de l’emprunteur. Il vous appartiendra de vous exprimer sur ce point.
Le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt et le prêt à taux zéro pour l’accession seront majorés pour les logements neufs répondant à la norme « bâtiment basse consommation », ou BBC. Quant au crédit d’impôt développement durable, il est étendu aux propriétaires occupants et aux propriétaires bailleurs, ainsi qu’aux frais de main-d’œuvre pour les travaux d’isolation des parois opaques, soit tout ce qui concerne l’isolation. En contrepartie, certains produits, qui sont considérés comme insuffisamment performants sur le plan écologique ou largement dépassés au regard des nouvelles technologies, sortiront du champ du crédit d’impôt.
Ces mesures, « écologiquement » souhaitables, présentent l’intérêt supplémentaire de soutenir les secteurs du bâtiment, des travaux publics et de l’immobilier à un moment où ils ont clairement besoin d’être stimulés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2009 comprend, en outre, des mesures d’orientation des comportements des entreprises et des collectivités. Il s’agit notamment des aides à l’agriculture biologique, qui sont accrues, avec le doublement du crédit d’impôt en sa faveur et la possibilité donnée aux collectivités locales d’exonérer ces exploitations de la taxe foncière. Il s’agit également des dispositifs d’incitation aux restructurations forestières et de la mise en place de contrats de gestion durable des forêts. Il s’agit encore d’une aide en trésorerie au bénéfice des industries de transformation du bois.
La taxe générale sur les activités polluantes est alourdie pour les déchets ménagers non recyclés, ce qui doit conduire à financer des investissements permettant de limiter le stockage ou l’incinération.
La discussion à l’Assemblée nationale a permis d’aboutir, à mon sens, à un équilibre satisfaisant, de nature à donner de la visibilité aux producteurs de biocarburants sur trois ans. Nous aurons sûrement l’occasion d’en débattre.
Nous généralisons à tout le territoire la taxe kilométrique sur les poids lourds, dont le principe a été voté pour la seule région Alsace. Cette taxe devra pouvoir être mise en place sur les principaux axes routiers en 2011. Par ailleurs, nous agissons, dès 2009, pour nos entreprises de transport routier en ramenant la taxe à l’essieu aux minima communautaires.
Troisième et dernière caractéristique du volet fiscal de ce projet de budget pour 2009 : il est plus juste.
Nous plafonnerons en effet les niches fiscales pour que chaque Français contribue, selon ses moyens, à la couverture des charges publiques et soit le moins possible en mesure de s’exonérer de l’obligation fiscale. C’est pour nous une question d’équité et de justice fiscales.
Nous nous attaquons donc aux niches qui permettent, malgré de très hauts revenus, de réduire son impôt sur le revenu sans limitation de montant. Je vise, à cet égard, les réductions d’impôts outre-mer, le régime dit «Malraux » et celui des loueurs en meublé professionnels.
L’Assemblée nationale a estimé qu’il convenait aussi, contrairement à la proposition du Gouvernement, de plafonner les effets du régime des monuments historiques ; nous aurons, je l’espère, l’occasion d’y revenir.
M. Henri de Raincourt. Sans aucun doute !
Mme Christine Lagarde, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aimerais à présent détailler devant vous quelques-unes des autres propositions adoptées par vos collègues députés sur ce projet de loi en matière fiscale.
Les débats à l’Assemblée nationale ont notamment permis d’obtenir de nombreuses avancées dans le domaine de la fiscalité verte.
Les députés ont ainsi posé le principe de la « familialisation » du malus automobile, afin que les familles nombreuses ne soient pas désavantagées par le bonus-malus. Ils ont également pris en compte, pour le calcul du malus, le bénéfice environnemental des véhicules « flex-fuel ».
Ils ont également adopté trois nouveautés au titre de la défense de l’équité fiscale.
Le texte qui vous est soumis comprend en effet, outre le plafonnement « analytique » des niches fiscales, une mesure de plafonnement global de celles-ci, afin d’éviter le cumul des dispositifs plafonnés individuellement. Fixé à 10 % du revenu majoré de 25 000 euros, ce plafond global est à la fois opérationnel et simple à comprendre pour les contribuables. Nous aurons l’occasion de discuter de son mécanisme et de son champ d’application, ainsi que des niches qui, parce qu’elles seraient « subies » par les contribuables, en seraient finalement exclues.
Afin de mieux faire fonctionner ce dispositif et de le rendre plus simple, les députés ont aussi posé le principe de la transformation des régimes du « Malraux » et des loueurs en meublé professionnels, afin que les montants concernés ne viennent plus en déduction du revenu imposable, mais fassent l’objet d’une réduction d’impôt.
Enfin, troisième et dernière innovation notable, l’Assemblée nationale a partiellement supprimé la demi-part supplémentaire pour les personnes seules ayant élevé un enfant lorsque celui-ci n’est plus à leur charge. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne pourrais pas conclure cette présentation sans vous rappeler que la France est aujourd’hui, en Europe, l’un des rares pays avancés à avoir échappé à la récession. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Madame Bricq, certains esprits vont peut-être s’échauffer et vous-même allez sans doute me répondre que, au troisième trimestre de cette année, la hausse du PIB est limitée à 0,1 %. Mais permettez-moi de vous rappeler que l'augmentation est en réalité, comme je l’ai moi-même annoncé, de 0,14 %. Vous qui connaissez bien la matière, vous percevez toute l’importance d’une telle précision, car, selon que l’on est à 0,14 % ou à 0,16 %, on peut arrondir à 0,1 % ou 0,2 % !
Mme Nicole Bricq. On rajoutera bientôt un autre chiffre après la virgule !
Mme Christine Lagarde, ministre. Au cours de la même période, l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne ont enregistré une baisse de 0,5 % de leur PIB respectif, ce dont il n’y a certes pas lieu de se réjouir, tandis que l'ensemble de la zone euro accusait une baisse moyenne de 0,2 %.
Pour ma part, je vois dans la très légère augmentation de son PIB qu’a connue la France au troisième trimestre, non pas un sujet de satisfaction, mais au moins l’un des résultats de la politique que vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, contribué à soutenir largement au cours des dix-huit derniers mois. Cette politique nous a permis de bénéficier de certaines « poches de croissance » disponibles, et ce, tout simplement, grâce à une dose supplémentaire de flexibilité, de réactivité et d’agilité dans notre manière de répondre à la situation économique internationale, qui, je le reconnais bien volontiers, n’est pas particulièrement enthousiasmante aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà, dans cet hémicycle, consacré des débats nourris et fort intéressants, d’abord, à la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie, puis, au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Cela m’épargnera donc des développements par trop systématiques sur ce projet de loi de finances pour 2009.
Il s’agit bien d’un projet de loi de finances pour temps difficiles, agités, pour temps de crise ! Il ne faut pas hésiter à le reconnaître, car c’est la vérité.
Madame le ministre, que le PIB ait crû, au cours d’un récent trimestre, de 0,14 % ou qu’elle ait décru de 0,14 %, au-delà du symbole, la réalité n’en demeure pas moins la même.
Le contexte économique mondial est exceptionnel. En Europe, au cours de ce semestre, les dirigeants se sont mobilisés avec énergie pour tenter d’esquisser les solutions de demain ou d’après-demain en matière de régulation financière internationale. Quant à la France, elle s’apprête à traverser des trimestres peut-être contrastés selon les régions, les branches et les périodes, mais de toute façon incontestablement ingrats.
Dans un tel contexte, il convient de ne pas ajouter la crise à la crise, et les pouvoirs publics doivent mettre en œuvre une politique aussi contracyclique que possible.
Je me bornerai à quelques brefs commentaires.
L’Assemblée nationale et le Sénat, sur l’initiative du président Gérard Larcher, ont constitué une « mission mixte paritaire » qui, coprésidée par Jean Arthuis et Didier Migaud, a su en quelques jours tracer les perspectives et définir la problématique d’une nouvelle régulation.
Beaucoup de nos collègues se sont rendu compte à cette occasion que des questions qui leur apparaissaient jusque-là techniques, voire ésotériques, étaient en fait politiques. Le mécanisme de transmission de la crise et la réalité nouvelle que celle-ci induit ont fait l’objet d’une véritable prise de conscience partagée. Malgré nos substantielles différences de nos idéologies d’origine ou nos positionnements politiques d’aujourd’hui, nous sommes parvenus à un constat partagé sur la crise, son origine, ses modes de transmission et les remèdes que l’on peut y apporter. Nous devons le porter à l’actif des assemblées parlementaires et de leur sens des responsabilités.
En 2009, madame le ministre, monsieur le ministre, nous devrons nous mobiliser pour faire face à l’état d’urgence, comme vous nous y appelez d’ailleurs.
Ces derniers jours, on a beaucoup entendu parler de la mise en place d’un fonds stratégique d’investissement et de l’enjeu qu’elle recouvre. À titre personnel, je me réjouis de cette initiative. Il y a peu, Christian Gaudin et moi-même avions piloté une mission commune d’information sur les centres de décision économique.
L’enjeu est majeur puisqu’il s’agit, pour notre pays, de conserver, malgré la crise, des centres de décision économique, voire à en accueillir de nouveaux, bref, de tenter d’être des sujets et non pas seulement des objets, d’influencer la réalité économique plutôt que de constater les résultats de décisions prises ailleurs.
Ce sujet du fonds stratégique nous conduit à évoquer quelques problèmes de gouvernance. Sans doute faudra-t-il innover en la matière.
Est-il normal, dans le contexte d’urgence que nous connaissons, qu’il existe à la fois une Agence des participations de l’État, une direction générale de la Caisse des dépôts et consignations, et bientôt une direction générale exécutive du nouveau fonds stratégique d’investissement ? Ne serait-il pas préférable, madame le ministre, de rassembler les responsabilités afin de mieux les identifier et de mieux contrôler les décisions ?
Mais la création de ce fonds, doté d’environ 20 milliards d’euros d’actifs, est un premier pas significatif, même s’il faudra aller bien au-delà.
En période de crise, la gouvernance budgétaire est un sujet très délicat. Je tiens à saluer le sens des responsabilités du Gouvernement, en particulier celui de Mme le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et de M. le ministre du budget, qui poursuivent leur politique de réformes et, en particulier, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, dans tous ses aspects et en assumant toutes ses conséquences.
Je me réjouis de la volonté clairement affichée, en matière de maîtrise de dépenses de l’État, de tenir fermement le cap. Il nous appartiendra, mes chers collègues, de participer à cet effort. S’il est légitime que les intérêts liés à certaines activités ou à certains territoires s’expriment dans l’enceinte du Parlement, il n’en demeure pas moins – c’est la position de la majorité de la commission des finances – que nous devons mettre un point d’honneur à ne pas alourdir les quelque 57 milliards d’euros de déficit budgétaire que nous devons nous résigner à constater.
La commission des finances s’est donc montrée cette année très limitative, plus encore que dans le passé, dans son examen des amendements. Nous nous efforcerons, quoi qu’il en coûte, de faire valoir un langage de discipline budgétaire et de responsabilité.
Aussi estimables et souhaitables que soient les actions qu’il conviendrait de mener pour soutenir l’économie, nous devrons certainement nous contraindre si nous ne voulons pas aggraver le déséquilibre déjà très préoccupant prévu dans le texte qui nous arrive de l’Assemblée nationale.
Je me réjouis également que le Gouvernement ait révisé ses hypothèses de croissance à la suite du débat sur le projet de loi de programmation triennale des finances publiques. Il faut dire la vérité : nous n’avons pas le choix ! Vis-à-vis de l’opinion publique, tout discours qui s’en éloignerait par trop serait non crédible, contre-productif et bien plus anxiogène qu’un discours de vérité.
J’approuve le choix du Gouvernement d’avoir établi ses prévisions de croissance à l’intérieur d’une fourchette. Que les temps soient difficiles ou plus cléments, nous ne devrions pas nous départir de cette vision des choses. Car ce n’est pas nous qui décidons du taux de croissance. Celui-ci ne se décrète pas et n’est pas le résultat d’un acte législatif. Ce n’est pas dans la nature des choses !
Nous devons naturellement tout faire pour soutenir notre économie au sein d’un environnement international et européen donné, mais nous devons aussi être conscients des limites de nos actes.
Outre les dispositions qui figurent déjà dans le projet de loi de finances, d’autres seront inscrites dans le collectif budgétaire de fin d’année. Nous devons nous tenir prêts pour préparer l’opinion à l’exécution d’un budget qui épouse la conjoncture.
Cela pose le problème des politiques de relance.
Mme Nicole Bricq. Ah !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous le savez, madame la ministre, monsieur le ministre, le Sénat a toujours plaidé en faveur de l’investissement. Nous avons toujours considéré que la dette publique devait être évaluée en fonction des actifs qu’elle finance. Dès lors, le fait d’accélérer et d’anticiper des programmes d’investissement, notamment en matière d’infrastructures physiques et de transport, me semble positif si la conjoncture le nécessite. Il pourra s’agir d’investissements financés dans des conditions classiques, de partenariats public-privé ou de toutes formes d’emprunts ou succédanés d’emprunts, « maastrichtiens » ou non.
La question économique essentielle est celle du levier d’action susceptible de soutenir l’activité en période d’atonie ou de récession. Cette question est vitale ! Nous devrons définir le bon levier et son amplitude. C’est l’une des décisions de politique économique les plus importantes que nous devrons prendre si la conjoncture le nécessite au cours des prochains mois.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous devrons également, au cours de ces mois difficiles, témoigner notre solidarité à l’égard des éléments les plus fragiles de notre société.
Le texte voté à l’Assemblée nationale prévoit la création et le financement de nouveaux contrats aidés.
Mme Nicole Bricq. Cent mille !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le budget de fonctionnement des collectivités territoriales sera inévitablement affecté par la crise et ses conséquences sur le terrain. Nous devrons être particulièrement attentifs, tant au plan tant national qu’à l’échelon local, aux conséquences humaines de cette situation économique difficile.
Mme Nicole Bricq. Aux conséquences sociales !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il nous appartiendra en quelque sorte de remettre un peu d’humanité dans les chiffres, tout en maintenant le cap tracé en matière de maîtrise des dépenses, la situation budgétaire étant ce qu’elle est. Cela supposera de la part du ministre du budget et de ses collègues une gestion fine des réserves de précaution et des quelques marges de manœuvre qu’il sera possible de dégager en cours d’exercice.
Personne ne comprendrait que la commission des finances ne soit pas aussi vigilante qu’à l’accoutumée dans son appréciation des comptes de l’État, et notamment de la dette, quelles qu’en soient les modalités.
Vous ne devez pas vous étonner que nous soyons plus attachés à la réalité économique qu’à la réalité comptable de la dette. Quels que soient les montages budgétaires, aussi innovants soient-ils, dès lors qu’une dette est contractée du fait de l’existence et de l’action de l’État, de notre point de vue, c’est-à-dire dans une approche économique, cette dette doit forcément être prise en compte dans la dette de l’État.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Évidemment !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une réalité incontournable que nous ferons valoir à diverses reprises, je vous l’annonce dès à présent, afin de prévenir les tentations, toujours présentes, de débudgétisation.
J’en viens à quelques points sensibles de ce projet de loi de finances pour 2009.
Au Sénat, le sujet qui mobilisera sans doute le plus d’orateurs, de droite comme de gauche, qui suscitera le plus de débats – je gage qu’ils seront aussi nourris qu’intéressants, tout en espérant qu’ils ne seront pas trop répétitifs ! – est celui des finances territoriales.
La commission des finances salue la décision prise par le Gouvernement de ne pas appliquer la révision du taux d’inflation au mode de calcul des concours de l’État aux collectivités territoriales. M. le ministre du budget a eu raison de rappeler que l’enjeu en la matière se situe à hauteur de 275 millions d'euros.
Il n’en reste pas moins que la contraction des variables d’ajustement de ces concours continue à poser un grand nombre de problèmes, que la commission s’efforcera d’atténuer, suivant très exactement la même logique que l’an passé.
Rappelons toutefois que cette année, pour des raisons strictement arithmétiques, il a été nécessaire de faire entrer dans les variables d’ajustement des dotations qui ne s’y trouvaient pas encore. Il nous faut donc affiner nos analyses et formuler quelques propositions nouvelles.
Autre sujet d’importance : la fiscalité environnementale. Nous voudrions que celle-ci ne soit pas frappée du sceau de l’ambiguïté. Et la commission des finances voit dans les écotaxes un outil fiscal visant, non pas à accroître le rendement du système fiscal, mais à inciter les comportements à s’infléchir en vue d’un respect plus exigeant du développement durable.
Nous avons donc travaillé à un « reprofilage » de certains éléments, notamment en ce qui concerne les installations de traitement des déchets ménagers. Imaginons une collectivité qui a fait tout son possible pour se mettre en conformité et promouvoir la meilleure solution. Doit-elle être taxée, si peu que ce soit, par une contribution au titre de la TGAP ? Je crois savoir que ce seul sujet donnera lieu à un grand nombre d’amendements.
Toujours sur cet aspect des écotaxes, je voudrais mettre en relief un élément de politique économique à propos d’un secteur aujourd'hui à la peine, celui de l’industrie automobile, avec ses constructeurs, ses équipementiers, ses sous-traitants. Plusieurs d’entre nous, notamment M. du Luart, nous diront leurs craintes, nous livreront leurs interrogations sur l’adéquation à la conjoncture de certains aspects du bonus-malus. Ce dispositif, bon dans son principe, mis au point pour une période ordinaire, ne conduit-il pas à défavoriser notre outil industriel ? La question sera développée par des personnes plus compétentes que moi. Quoi qu’il en soit, elle mérite réflexion de la part de la Haute Assemblée.
Autre élément, déjà évoqué par Christine Lagarde : la prudente remise en cause des régimes préférentiels, les « niches fiscales ».Vous le savez, je suis parmi les partisans de leur abolition, à l’exception de quelques-unes, les plus structurantes dans notre fiscalité, avec pour juste contrepartie un abaissement des taux des barèmes de certains grands impôts, comme l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.
Ce qui résulte des travaux de l’Assemblée nationale va laisser subsister toutes les complexités de notre code général des impôts. Il faut un certain équilibre entre efficacité et équité. En période de crise, pour limiter les dommages sur le tissu social et renforcer la cohésion, le souci d’’équité l’emporte, en matière fiscale, sur l’efficacité, ce qui explique la démarche de plafonnement. Mais il faudra s’interroger à l’avenir sur la pérennité de cet arbitrage entre équité et efficacité.
La commission des finances du Sénat, je crois pouvoir le dire, suivra les principes édictés par le Gouvernement et précisés très concrètement à l’Assemblée nationale. Nous aurons à débattre de chacun de ces sujets.
Le vœu que je forme est que l’arbre ne cache pas la forêt. En effet, la discussion de ce projet de loi de finances pour 2009 donnera lieu, comme les précédentes, à un inventaire à la Prévert des dispositifs les plus variés, soutenus par des milieux professionnels et des intérêts particuliers, aussi respectables soient-ils. Je souhaite, au nom de la commission des finances, que nous ne perdions jamais de vue l’intérêt général et les équilibres fondamentaux de la politique économique.
Madame le ministre, monsieur le ministre, je n’hésite pas à le dire, le travail accompli par le Gouvernement dans une période où les arbitrages peuvent être douloureux est tout à fait remarquable.
Ne nous en veuillez pas si nous vous soumettons, chemin faisant, quelques demandes d’explications et quelques propositions d’améliorations. Mais croyez bien que nous soutenons de la force de toutes nos convictions vos efforts de réforme, qu’il s’agisse de contenir la dépense publique, d’ajuster le format de l’État à ses missions ou de mieux gérer les crédits publics. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, nous voici donc ce soir, tout juste deux semaines après l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques et le débat sur les prélèvements obligatoires, entrés de « plain-pied » dans la réalité économique et budgétaire de l’année 2009.
Pour cette année, l’exercice de prévision n’a probablement jamais été aussi difficile du fait de la crise sans précédent que nous devons affronter. Cette crise, par ses origines, son ampleur et ses conséquences, est malheureusement, sans nul doute, la plus grave depuis celle de 1929.
Il s’agit, en effet, d’une crise financière qui se double désormais d’une crise économique. Elle fait, à ce titre, encourir à notre pays un grave risque de crise sociale, une crise susceptible d’éprouver les fondements de son pacte républicain.
Sur le seul plan budgétaire, nous connaissons cependant un précédent d’une ampleur significative sous la Ve République : la loi de finances pour 1993, dont le cadrage macroéconomique était, lui aussi, chargé d’incertitudes. L’année 1993 fut marquée par une récession de 1,3 %, la première depuis 1945, et l’exécution budgétaire s’est, en effet, soldée par un déficit public de près de 6 % du PIB. C’était, au surplus, il est vrai, la fin de l’époque de la réhabilitation de la dépense publique.
Les circonstances actuelles sont cependant bien différentes, et je tiens à rendre hommage au Gouvernement, qui a accompli un effort de rigueur et de sincérité dans l’évaluation des dépenses du budget qui nous est présenté. Cet exercice a d’autant plus de valeur à mes yeux qu’il s’opère dans un contexte délicat et mouvant.
Mais il y a quand même quelques bonnes nouvelles. Madame la ministre, il ne vous a pas échappé que, pour l’immédiat, notamment du fait des actions courageuses et concertées conduites par les pouvoirs publics, les taux d’intérêt se sont détendus : en un mois, pour les financements à un an, c’est une baisse de 100 points de base, soit 1% d’une dette de 1 000 milliards. L’allégement de charge est significatif
Autre bonne nouvelle dans ce contexte si incertain : les prix du pétrole sont revenus à des niveaux moins irrationnels. À 53 dollars le baril, la décrue est pour le moins significative puisque la baisse atteint près de 60 % en quelques mois. Sans doute est-il en effet possible, dans ces conditions, de revoir les prévisions d’inflation à la baisse ; les contraintes qui pèsent sur les crédits de dépense se trouveront ainsi quelque peu desserrées.
S’agissant de l’évaluation des recettes, nombre de scénarios sont possibles et ont été envisagés. Souhaitant qu’en ce domaine, comme l’a dit le rapporteur général, nous n’ajoutions pas la crise à la crise, j’adhère pleinement à la stratégie de sagesse choisie par le Gouvernement. Je le sais, le pilotage de nos finances publiques sera en 2009 contraignant et périlleux.
Nous devons, en effet, tout à la fois poursuivre, et sans doute amplifier, les réformes structurelles, tout en préservant la cohésion sociale. Il nous faut traverser la crise en aidant simultanément les plus vulnérables de nos concitoyens.
Grâce à cette prise de conscience lucide et à cette mobilisation générale de tous les acteurs économiques et sociaux, nous serons en mesure de mieux affronter cette crise et, je l’espère, de nous préparer à en sortir, étant entendu que cette perspective risque de se faire attendre quelque peu.
Nul doute que la réussite appelle tous les gouvernements à l’échelle du monde à agir de concert, à la recherche d’une synergie globale. C’est d’ailleurs, me semble-t-il, l’un des principaux enseignements du sommet du G20 qui vient de se tenir à Washington ; vous en revenez, madame la ministre.
Sous l’impulsion de la présidence française, l’Union européenne s’est mobilisée pour préparer les réformes attendues : surveillance des marchés financiers ; lutte contre les paradis bancaires, juridiques et fiscaux ; contrôle des spéculations à découvert. Tous les membres du G20, en attendant la prochaine réunion, prévue au début de l’année prochaine, sont convenus d’engagements généraux et, pour l’immédiat, ont reconnu la nécessité de faire « bon usage » des instruments budgétaires et fiscaux.
S’agissant du budget, la première question qui vient à l’esprit est de savoir s’il faut un plan de relance. Or le budget que nous examinons, madame la ministre, est, à la vérité, déjà un budget de relance.
Mme Nicole Bricq. Ah bon ?
Mme Marie-France Beaufils. Nous n’en avons pas la même lecture !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le déficit prévisionnel est déjà réévalué à un peu plus de 57 milliards d’euros pour 2009, et nous ne savons pas si les circonstances ne le porteront pas au-delà de ce chiffre. À ce montant, il faut ajouter la dizaine de milliards d’euros de déficit de la sécurité sociale.
Dans ce cadre, la généralisation du revenu de solidarité active doit également être saluée comme une avancée, en phase avec les circonstances que nous allons devoir affronter. C’est à l’évidence un réel progrès, qui en appelle d’autres, car il nous faudra sans aucun doute revoir nos pratiques en matière de formation professionnelle pour les hommes et les femmes qui vont connaître le chômage partiel ou perdre leur emploi. Il faut donc être réactif dans ce domaine.
Je note également que nos collègues députés ont voté un supplément de 350 millions d’euros pour aider l’emploi. Le Président de la République l’a rappelé ce matin, lors d’un déplacement à Montrichard, dans le Loir-et-Cher : « On ne va pas rester les bras ballants ! »
Un fonds stratégique d’investissement est sans doute un bon instrument, mais on parle d’un « fonds souverain à la française ». Ne perdons pas de vue, mes chers collègues, que ce fonds souverain à la française risque d’être financé partiellement par des dettes souveraines françaises…
Les fonds souverains sont détenus par des États étrangers qui constatent des excédents de finances publiques et des excédents commerciaux. À eux les fonds souverains, à nous les dettes souveraines !
Cela doit nous encourager dans nos efforts de réforme car, compte tenu des situations que nous aurons à gérer, nous aurons besoin des fonds souverains, madame la ministre, ne serait-ce que pour souscrire les émissions de bons du Trésor.
Venons-en au plan fiscal, second volet de la lutte contre la crise.
Un constat s’impose : ce projet de loi de finances laisse peu de marges de manœuvre. Il n’empêche toutefois pas d’ouvrir le débat et d’y apporter dans l’année qui vient des réponses novatrices et audacieuses, en gardant en permanence à l’esprit deux impératifs majeurs : la compétitivité de notre économie, que la crise soumet à rude épreuve ; le maintien de la justice fiscale, corollaire indispensable de la pérennité de notre cohésion sociale. En vérité, c’en est même la condition, le préalable.
Quels sont donc ces débats et ces chantiers fiscaux ?
J’en vois pour ma part trois principaux, que vous me permettrez d’évoquer brièvement.
Le premier est celui d’une réforme réaliste de la taxe professionnelle. Fort du « précédent » des travaux de la commission Fouquet, je crains qu’avec ce seul instrument nous ne puissions atteindre tous les objectifs visés, d’autant qu’il faut aussi résoudre certaines contradictions. Ainsi, il ne me semble pas possible de nous en tenir à l’exonération des nouveaux investissements, madame la ministre, car cela créera inévitablement une distorsion de concurrence entre les entreprises qui auront investi jusqu’à aujourd'hui et celles qui investiront demain.
Nous savons bien que cette solution ne peut pas être la bonne réponse que nous attendons.
J’observe que cette mesure figure non pas dans le projet de loi de finances pour 2009, mais dans le projet de loi de finances rectificative pour 2008, que le conseil des ministres a approuvé hier et que nous examinerons dans quatre semaines.
En l’état, j’y insiste, ce ne peut être qu’une mesure d’urgence, avec toutes les réserves qu’elle suscite. Il est formidable de proclamer que l’on compensera au profit des collectivités territoriales la moins-value qu’elles auront subie, mais où prendra-t-on ces fonds ?
Madame la ministre, il va être temps d’expliquer aux Français qu’il n’y a pas, d’un côté, les impôts payés par les entreprises et, de l’autre, ceux qui sont payés par les ménages. Les impôts sont toujours payés par les ménages !
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Car ceux que supportent les entreprises se retrouvent forcément dans le prix des produits et des services mis sur le marché et payés par les ménages.
Le deuxième chantier fiscal que j’appelle de mes vœux pour l’année à venir est celui de la réforme du mode de financement de notre protection sociale. En effet, je persiste à penser qu’il nous faudra sans délai fiscaliser les branches santé et famille afin de redonner de la compétitivité au travail et, partant, aux entreprises. Ainsi, en mettant fin à ces « droits de douane à l’envers » que constituent nos charges sociales actuelles, nous cesserons de nous lier les mains et, sans doute, de contribuer au déséquilibre croissant de notre balance commerciale.
Quel sera le montant du déficit cette année, madame la ministre ? Sans doute plus de 50 milliards d’euros.
Oui, mes chers collègues, notre système de prélèvements obligatoires est un accélérateur de délocalisation d’activités et d’emplois industriels, et même de services. Allez donc voir du côté de Bangalore, en Inde !
Prendre des dispositions pour assurer le financement des PME, c’est très bien, madame la ministre, à condition que ces PME aient des motifs pour investir et créer des emplois.
Le troisième chantier fiscal à rouvrir – et ce n’est pas le moins important – est celui du bouclier fiscal. Je l’ai voté, mais j’exprime ce soir devant vous un acte de contrition.
Si j’en comprends la philosophie et la finalité de ce bouclier fiscal, j’estime pour ma part que la crise l’a rendu obsolète, voire caduc. (M. Michel Charasse approuve.)
Nous devons réfléchir à sa pérennité et nous interroger sur les règles qui président à la définition du revenu fiscal de référence, sur lequel s’appliquent les 50 %. Notre fiscalité, si diverse et si complexe, fait qu’ils s’appliquent aux revenus après qu’on en a déduit un certain nombre de déficits ou d’investissements défiscalisés, liés à la loi Malraux, à la souscription de titres de fonds de retraite par capitalisation, etc. Bref, on peut comprimer considérablement le revenu sur lequel s’appliquent les 50 %.
Le bouclier fiscal fonctionne ainsi comme un amplificateur des effets des niches fiscales, celles-là mêmes que nous blâmons. Cet aspect pervers du dispositif est devenu injustifiable et, à mes yeux, insupportable.
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, je vous remercie donc de me confirmer que le groupe de travail que la commission des finances mettra en place sitôt la discussion budgétaire achevée pourra bénéficier de l’appui technique et de l’avis expert de vos services pour nous aider à démêler cet écheveau et y mettre plus de clarté.
Au cours de cette année 2009, nous devrons aussi ouvrir le chantier de l’indispensable et si attendue réforme des collectivités territoriales. En effet, le contexte budgétaire actuel crée la tentation forte de restreindre l’évolution des quelque 75 milliards d’euros qui transitent du budget de l’État vers ceux des différentes collectivités territoriales.
Cependant, madame la ministre, cette tentation forte doit être mise en regard du rôle d’amortisseur de crise que jouent nos collectivités territoriales en raison de la part prépondérante – 70 % – qu’occupent leurs investissements dans l’ensemble des dépenses d’équipement publiques. N’oublions pas non plus que les collectivités territoriales sont un lieu de culture du lien social : nous devons préserver cet atout fondamental de la cohésion.
Je voudrais saluer à mon tour l’heureuse initiative du Gouvernement consistant à maintenir l’évolution de l’enveloppe normée conforme à la prévision d’inflation établie hier, c’est-à-dire 2 %. Vous avez revu vos prévisions, madame la ministre : l’inflation pourrait n’être que de 1,5 % ; mais vous n’êtes pas revenue sur les 2 % permettant de réévaluer l’enveloppe normée.
Sans doute y aura-t-il encore un peu de viscosité à l’intérieur de cette enveloppe du fait de l’inclusion du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, mais M. le rapporteur général et la commission des finances formuleront des propositions qui seront de nature à rendre plus fluide la répartition et peut-être aussi à la rendre plus acceptable aux yeux des élus territoriaux.
Au total, mes chers collègues, et sans vouloir préempter les trois semaines de débats toujours riches, denses et nourris que nous allons avoir, je souhaitais vous faire partager la conviction forte qui est la mienne.
Ce projet de budget pour 2009 doit répondre à deux objectifs : traverser au mieux la crise sans ébrécher notre pacte social et préparer la sortie de crise pour que la France que nous appelons de nos vœux soit plus compétitive, plus dynamique, plus écologique et plus solidaire. Notre ambition est en effet de réconcilier la France avec la mondialisation et le projet de loi de finances pour 2009 doit nous y aider. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la quatrième fois depuis le 8 octobre que nous débattons des conséquences économiques et donc budgétaires de la très grave crise à laquelle nous sommes confrontés.
Cependant, qu’il s’agisse du projet de loi de programmation des finances publiques, dont nous avons débattu le 6 novembre, ou de ce projet de loi de finances pour 2009, j’observe que nous faisons dans cet hémicycle comme si rien ne se passait à l’extérieur.
Je signale tout de même que, depuis le 6 novembre, s’est déroulé le sommet du G20 ! Vous y étiez, madame la ministre, et j’ai bien noté que, dans la déclaration finale, le sommet engageait les États à utiliser, en tant que de besoin, des mesures budgétaires pour stimuler la demande interne et s’efforcer d’obtenir des résultats rapides, tout en maintenant un cadre de politique conduisant à la « soutenabilité » budgétaire.
Nous avons déjà eu l’occasion de dire que ce budget, en l’état, ne permettait pas de s’inscrire dans ce mouvement : absence de marges de manœuvre, refus de renoncer aux mesures prises l’année dernière, refus de jouer sur le volet des recettes – j’y reviendrai – et de façon encore plus hardie sur les dépenses fiscales, les fameuses niches dont nous débattrons en deuxième partie.
Toutefois, je souhaite dépasser cette querelle, par ailleurs fondée, qui nous oppose, pour m’interroger sur la manière dont on compte soutenir l’économie.
Je l’ai bien noté, tant M. le rapporteur général que M. le président de la commission des finances ont évoqué le problème que je veux, pour ma part, placer au cœur de mon intervention : la relance.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah !
Mme Nicole Bricq. En effet, l’ampleur et la durée de la crise seront largement déterminées par le volontarisme des politiques économiques et des politiques budgétaires « contrarécessives ».
Quelle est la situation ?
Devant les sombres perspectives qui se dessinent, les ménages – ceux qui le peuvent – augmentent leur épargne de précaution et restreignent leur consommation – et cela est vrai y compris pour ceux qui sont en dessous de la ligne de flottaison –, en même temps que la tension sur le pouvoir d’achat se fait plus forte. On voit chuter les capacités productives des entreprises du fait de la baisse de la demande des ménages. Les collectivités locales, agents économiques majeurs, sont contraintes de réduire la voilure de leurs investissements ou d’augmenter les impôts. Nous risquons donc d’être entraînés dans un cycle récessif.
Si l’on ajoute à cela un partage de la valeur ajoutée très défavorable aux salaires et très favorable au profit, un profit tourné davantage vers la distribution des dividendes que vers l’investissement, nous avons le tableau complet des blocages économiques de notre pays.
Quelles sont les solutions ?
J’ai déjà évoqué, lors du débat d’orientation des finances publiques, la mobilisation de l’épargne privée. Le Président de la République nous annonce la création d’un fonds d’action stratégique. Pour l’instant, sa déclaration nous laisse perplexes quant à l’orientation de ce fonds, comme il laisse perplexe le conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
La baisse des taux par la Banque centrale européenne serait sans doute utile, mais, dans cette période, l’État doit prendre la relève au moins provisoirement en soutenant la demande et en encourageant l’investissement des entreprises.
Que fait le Gouvernement ? Certes, il crée 100 000 emplois aidés supplémentaires – c’est le moins qu’il puisse faire devant le retour à la hausse du chômage – mais, dans le même temps, il gèle la prime pour l’emploi, qui, on le sait alimente directement la consommation.
Du côté de l’offre, dont les effets sont différés dans le temps, le Gouvernement nous annonce qu’il veut, par le biais du projet de loi de finances rectificative, exonérer tous les investissements nouveaux de la taxe professionnelle jusqu’au 1er janvier 2010. Cette décision est censée redonner, de manière marginale, un peu de souplesse aux entreprises, mais, parallèlement, ainsi que M. le président de la commission l’a dit, elle obère, même si elle est compensée – mais le compte n’y est jamais ! – les marges de manœuvre dont disposent les collectivités locales pour investir. Elles craignent même que, la prochaine fois, ce soit la taxe professionnelle qui disparaisse. Or, un impôt économique destiné aux collectivités locales est, pour nous, incontournable.
Madame la ministre, il y a des marges de manœuvre dans ce budget pour autant que vous renonciez à des mesures qui sont, pour le moins, inadaptées au contexte actuel. À cet égard, j’ai bien noté la repentance de M. le président de la commission… (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En quelque sorte oui !
Mme Nicole Bricq. Je pense, entre autres, au bouclier fiscal, à la défiscalisation des heures supplémentaires, au crédit d’impôt pour les emprunts immobiliers, à l’exonération des droits de succession et des donations, mais nous y reviendrons plus longuement au cours de ce débat budgétaire qui ne fait que commencer.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le bouclier fiscal est antérieur !
Mme Nicole Bricq. Je l’évoquerai à la fin de mon propos, monsieur le président, mais, comme vous le savez, chaque orateur ne dispose que de dix minutes !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas oui !
Mme Nicole Bricq. Dans ce contexte, la compression des dépenses, à laquelle tient tant M. le ministre du budget, risque de réduire les opportunités de croissance potentielle et à creuser les inégalités, ce qui me semble grave. Si, comme je l’ai souligné tout à l'heure, les agents privés suivent durablement la même orientation, la réduction de la dépense publique obérera fortement la croissance, et les rentrées fiscales seront encore moindres.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Il nous faut donc réagir autrement que par la voie que vous avez jusqu’à présent empruntée, à savoir celle des plans de soutien par secteur. Outre le fait que tous les secteurs d’activité demandent à bénéficier du même traitement que les banques, pour lesquelles un plan d’urgence a été mis en place, ces plans sectoriels ne suffiront pas.
Nous le savons bien, une relance par l’outil budgétaire se heurte à deux obstacles.
Le premier obstacle, qui n’en est pas vraiment un, est notre déficit. Le déficit de nos finances publiques se situe déjà, pour 2009, au-dessus de 3 %, la Commission européenne estime même qu’il sera de l’ordre de 3,5 %. Par ailleurs, si vous n’agissez pas, vous ne favoriserez pas la croissance, si minime soit-elle, qui est seule susceptible de permettre l’ajustement budgétaire nécessaire à partir de 2010. Vous vous liez donc les mains, y compris eu égard à l’objectif de réduction ultérieure du déficit.
Le second obstacle, d’une nature plus délicate, tient à l’Europe. Il est nécessaire de mettre en place une relance concertée avec nos partenaires européens, particulièrement avec l’Allemagne, réticente jusqu’à maintenant à une politique coopérative. C’est par un entrefilet journalistique citant le ministre de l’économie allemand, M. Michael Glos, que nous avons appris qu’un plan de relance européen à hauteur de 130 milliards d’euros serait en cours de préparation. Quand je vous dis que nous sommes sourds ici à ce qui se passe à l’extérieur…
Il est vrai que la situation de l’Allemagne n’est pas si satisfaisante que cela, ce qui explique sans doute qu’elle soit plus coopérative qu’elle ne l’était auparavant. Si nous n’agissons pas à une hauteur suffisante, nous passerons de la récession à la dépression et à la déflation, le pire des scénarios.
Il s’agit bel et bien d’un choc économique majeur. La crise sociale déjà sensible avant la crise financière risque – je pèse mes mots – de nous exploser à la figure.
Je terminerai mon propos en abordant la question de la fiscalité applicable aux revenus.
Avec ce projet de budget pour 2009, le Gouvernement se contente de continuer sur la lancée des années passées, sans s’interroger sur l’aggravation des inégalités qu’il a creusées. À cet égard, je vous renvoie au « portrait social » annuel tracé par l’INSEE et rendu public le 6 novembre dernier.
L’INSEE confirme que l’impôt sur le revenu ne joue plus suffisamment son rôle redistributif en faveur des plus modestes. Dès lors que le RSA, le revenu de solidarité active, sera généralisé dès 2009, la prime pour l’emploi devra être réorientée vers ceux-là mêmes qui en ont besoin.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !
Mme Nicole Bricq. On ne peut pas la laisser en jachère !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Toujours selon ce bilan, ce sont les foyers fiscaux les plus aisés, avec 57 500 euros de revenus annuels, qui ont le plus bénéficié de la réforme de l’impôt sur le revenu de 2005. Les 10 % des ménages les plus aisés bénéficient des trois quarts des crédits d’impôt accordés aux ménages employant des personnes à domicile. Or, lors du débat à l'Assemblée nationale, un député UMP – et pas des moindres puisqu’il serait le porte-parole officieux de l’Élysée –, a même fait adopter un amendement, dans la deuxième partie, visant à renforcer ce mécanisme.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les salariés à domicile ne sont pas des privilégiés !
Mme Nicole Bricq. En tout cas, ce sont les revenus les plus aisés qui en profitent !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Qui font-ils travailler ? Vous ne voyez qu’un versant de la question !
Mme Nicole Bricq. J’espère bien que le Sénat supprimera cet amendement, et, au-delà, il faudra faire en sorte que l’impôt sur le revenu retrouve sa force redistributive.
Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarations à la presse émanant de membres éminents de la commission des finances du Sénat…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dont vous êtes !
Mme Nicole Bricq. … sur le bouclier fiscal, l’impôt sur la fortune ou sur le revenu. Nous ne pouvons pas nous contenter d’un groupe de travail sur le revenu fiscal de référence.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !
Mme Nicole Bricq. À l'Assemblée nationale, notre collègue Didier Migaud a proposé à la majorité et au Gouvernement de pallier ce problème, mais il n’a pas été écouté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est ce qui arrive quand une commission a un président issu de l’opposition !
Mme Nicole Bricq. Nous ne pouvons pas nous contenter non plus de déclarations pusillanimes ni de « mettre de l’humanité dans les comptes », selon la formule élégante que vous avez utilisée tout à l’heure, monsieur le rapporteur général. Il faut agir ici et maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2009 dont nous entamons aujourd’hui l’examen a une saveur tout à fait particulière pour de multiples raisons liées à la crise financière, qui a touché l’ensemble de nos économies, à l’actualité et à la présentation, hier, du collectif budgétaire, dont on peut penser, comme l’an dernier, qu’il sera la véritable loi de finances. Au fond, ce texte ne présente pas d’innovations fiscales ou budgétaires particulières.
La crise financière américaine qui se transforme désormais en crise économique mondiale a largement pénalisé nos résultats économiques pour l’année 2008. Elle aura un impact majeur sur la croissance pour 2009 et sans doute pour 2010.
Vous avez été bien inspirée, madame la ministre, de réviser, à l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, vos prévisions de croissance et d’inflation pour l’année prochaine. En matière d’évaluation du PIB, le réalisme n’est jamais une mauvaise école. II signifie plus de transparence et, je l’espère, plus de confiance en l’État.
Malheureusement, cela ne suffit pas à améliorer nos performances économiques ni à commencer à résorber le trou de nos finances publiques et de notre endettement. Nous en reparlerons dans quelques jours, mais l’annonce d’un déficit à hauteur de 51,4 milliards d’euros pour l’année 2008, en dérapage de 9,7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, soit une augmentation de plus de 23 %, et la prévision déjà trop optimiste d’un déficit à quelque 57,6 milliards d’euros pour 2009 nous montrent à quel point il est nécessaire de procéder à un véritable assainissement de nos finances publiques.
Ce redressement est un vrai défi financier et culturel pour notre pays. La LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, a été nécessaire, mais sa seule existence ne suffit pas à nous rendre vertueux.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ah non ? (Sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou. Il faut dépasser le stade des incantations, des louanges, même si elles sont nombreuses. Certes, la LOLF est devenue notre Constitution financière, mais elle n’en reste pas moins un texte qui n’a que les effets que l’on veut bien lui donner ! Et notre volonté politique est loin encore d’avoir fait ses preuves !
En effet, depuis trente ans, la dette publique ne cesse de s’alourdir et les déficits publics de croître. Ce phénomène est profondément injuste à l’égard des générations à venir. C’est une rupture intergénérationnelle que nous creusons, en faisant peser sur nos enfants et nos petits-enfants nos inconséquences actuelles. Vont-ils d’ailleurs se laisser faire ?
Il faut dire en outre que la dette que nous accumulons n’est pas destinée, loin s’en faut, à des investissements d’avenir, tels que l’éducation, l’enseignement supérieur ou la recherche.
Ainsi, en France, sur la période 2002-2007, pour un effort moyen à hauteur de 3,5 % du PIB en faveur de la recherche et développement et de l’enseignement supérieur, nous obtenons un taux de croissance de moins de 1,6 %, alors que, sur la même période, un effort massif à hauteur de 5,3 % du PIB entraîne, en Suède, une croissance de 3,1 %. Comment expliquer le fait que, avec des dépenses publiques à hauteur de 52,5 % de son PIB, la France ne consacre aux politiques d’avenir que 3,5 %, investissements publics et privés confondus ?
L’état de nos finances publiques constitue une situation des plus dangereuses tant les marges de manœuvre et la liberté d’action sont contraintes. On le constate très précisément avec le budget qui nous est présenté.
Avec une marge d’évolution un peu inférieure à 7 milliards d’euros, la totalité de la somme – et même un peu plus – est absorbée par l’aggravation de la charge de la dette de l’État, par l’augmentation des charges des pensions et par l’évolution des prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne ou des collectivités locales. Autant dire que quasiment aucune politique économique préparant l’avenir n’est envisageable. Cette impuissance nous conduit à constater plus qu’à agir, à colmater plus qu’à créer.
Dans ces conditions, que faire d’autre, sinon augmenter les recettes ou diminuer les dépenses ?
La première solution consistant à augmenter les recettes semble inenvisageable tant la pression pesant sur les citoyens et sur les entreprises est déjà importante. Il n’est pas possible d’augmenter nos recettes, sauf à attendre un retour de la croissance économique.
Vous avez décidé, madame la ministre, de ne pas augmenter le taux des prélèvements obligatoires. Je vous comprends, car il est déjà largement trop élevé eu égard à l’histoire de nos finances publiques et comparé à nos partenaires, notamment allemands ou britanniques.
Pour 2007, ce taux s’élève à 43,3 % du PIB, en baisse par rapport à 2006. Les prévisions pour les années à venir laissent à penser qu’il se stabilisera, voire sera en légère diminution suivant les scenari économiques envisagés. Cette stabilisation, qui me semble tout à fait opportune entre, pour le coup, dans le cadre des normes fixées par le projet de loi de programmation.
Outre leur niveau, le second constat que nous pouvons faire sur les prélèvements obligatoires concerne leur structure.
Nous devons souligner, une fois encore, dans l’évolution de ce taux, un phénomène, dont on a d’ailleurs souvent parlé ici, à savoir la combinaison de moins en moins lisible des financements sociaux et fiscaux. Je citerai un exemple chiffré : sur une hausse de près de 7 % du taux de prélèvements obligatoires depuis la fin des années soixante-dix, 6,2 % proviennent de la sécurité sociale. Nous assistons donc à une forte socialisation des besoins de nos concitoyens.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous féliciter du tassement des taux de prélèvements obligatoires, car les charges croissantes qui résulteront du vieillissement de la population nous obligeront bientôt à dégager encore de nouvelles marges de manœuvre.
La seconde solution consiste à diminuer la dépense publique et à la rendre plus efficace pour nous donner une certaine souplesse d’action.
J’inclus dans la baisse des dépenses les dépenses fiscales qui amputent nos recettes ; nous en débattrons à la fin de ce projet de budget. Je note que nombre d’intervenants, et non des moindres, le président de la commission et le rapporteur général, en ont parlé. Elles constituent, selon la Cour des comptes, 400 dépenses de transfert, dont le coût peut être estimé à 50 milliards d’euros. Que nous rapportent-elles réellement ? Il est grand temps d’en parler pour les évaluer, et sans doute les plafonner, comme vous avez commencé à le faire, madame la ministre, voire en faire disparaître.
Compte tenu de son ampleur, le redressement à effectuer ne peut être obtenu que par une action d’ensemble, pleinement cohérente.
Ce redressement doit engager l’ensemble des acteurs publics, de l’État à la sécurité sociale, en passant par les collectivités locales et les bénéficiaires des niches. Il est nécessaire que chacun se responsabilise et fasse preuve de solidarité. L’État doit être le moteur de cette cause. Lui seul est en effet capable d’assurer cette cohérence et d’avoir une visibilité forte en ce qui concerne la maîtrise des dépenses publiques.
C’est à lui de faire partager cette nécessité à tous ceux qui portent la responsabilité de la situation actuelle, qui met en danger l’avenir de notre pays.
Néanmoins, cet engagement de retour à l’équilibre devrait se faire de manière concertée, à défaut d’être spontané, comme il le serait dans un monde idéal. Il ne peut pas être décidé de façon unilatérale.
Avec un taux de dépenses publiques s’élevant à 52,5 % du PIB et un taux d’emploi de la population en âge de travailler de 63 %seulement, la France dépense sans doute trop pour éviter qu’une partie de sa population ne s’enfonce dans la pauvreté, sans que, pour autant, le financement de l’innovation et la prise de risque soient au centre de notre projet pour l’ensemble du territoire.
Les progrès à réaliser pour faire baisser les dépenses sont énormes. La révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, engagée en juin 2007 par le Gouvernement pour réaliser des économies budgétaires – priorité clairement affichée –, en est une illustration frappante. Sans vouloir exagérer, je vous le dis, madame la ministre, nous risquons de voir la montagne accoucher d’une souris ; en tout cas la réforme envisagée risque de ne pas être à la hauteur de l’enjeu.
Dans l’esprit de la LOLF, pour apprécier l’efficacité de l’action publique, il faut lui assigner des missions pouvant être évaluées sur la base de critères objectifs. C’est tout le problème des indicateurs de performance et de leurs limites. Les missions dont nous avons le contrôle sont souvent trop générales ou trop vagues pour être correctement évaluées.
Je ne reviendrai pas sur le rôle que pourrait jouer la Cour des comptes à nos côtés. Mais, dans le cadre de la revalorisation du rôle du Parlement, dont nous avons tant débattu, le chapitre du contrôle s’avère, plus que jamais, primordial.
Tout cela nécessite une volonté politique forte et totale. À la lumière de tout ce que je viens de dire et au regard de l’attitude que nous avons adoptée depuis plus de trente ans, on peut se demander si nous la revendiquons réellement.
Nous nous opposons souvent à nos amis allemands dans notre manière d’analyser et de gérer la dette. La puissance publique allemande gère le présent avec rigueur, tout en anticipant l’avenir avec détermination. Contrairement à eux, nous nous cachons toujours derrière de faux arguments pour justifier nos déficits. Or la comparaison des résultats des deux pays est implacable. Nous nous devons d’être transparents vis-à-vis des Français et de leur dire la réalité de la situation. Ils comprendront d’autant mieux le sens de notre action et les lourdes responsabilités qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, on aurait pu croire que les derniers développements de la crise économique auraient conduit le Gouvernement à réviser ses intentions pour ce qui est du projet de loi de finances pour 2009 et à opérer, dès ce budget, des choix proches de ceux qui ont été annoncés avec éclat au terme de la réunion du G 20 à Washington.
Mais, au moment même où ces belles intentions sont affichées, les actes accomplis continuent à labourer le même sillon ultralibéral.
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les principes qui guident la préparation du budget pour 2009 en France. La tendance lourde aux allégements fiscaux en faveur des entreprises, du capital et de la fortune demeure.
L’heure est encore à la réduction des prélèvements sociaux sur la richesse créée, et ce en faveur des revenus financiers. L’heure est toujours à plus de rationnement de la dépense publique. Quelles sont, en effet, les caractéristiques principales des mesures fiscales du projet de loi de finances pour 2009 ?
Première décision : le bouclier fiscal perdure, au taux de 50 %, au motif qu’il serait « anormal que certains de nos concitoyens travaillent plus d’un jour sur deux pour l’État ». Encore faudrait-il que les revenus en question soient issus du travail. Or, à l’examen des données relatives au bouclier fiscal, il s’avère bel et bien que l’imposition du patrimoine, en l’espèce l’ISF, est à l’origine de l’essentiel des remboursements accordés.
Deuxième décision : l’imposition forfaitaire annuelle, qui est d’ailleurs adossée à l’impôt sur les sociétés, est supprimée. Étalée sur trois ans, par tranches de chiffre d’affaires, cette disparition représentera au final un nouveau cadeau de 1,2 milliard d’euros accordé aux entreprises. Cette mesure entraînera en 2009 une perte de recettes de 336 millions d’euros. Cette somme est à la fois réduite au regard des besoins de financement des entreprises – elle représente 0,02 % du montant de leurs emprunts bancaires –, et importante au regard du déficit de l’État, qui est déjà considérable. Il s’agit donc d’une mesure « gadget », sans réelle portée.
Troisième décision que nous avons choisi de mettre en exergue : feignant de s’attaquer aux niches fiscales, notamment à la réduction d’impôt particulièrement scandaleuse pour les investissements outre-mer, le Gouvernement prend soin de plafonner cette dernière à 40 000 euros par an ou, en cas de montants supérieurs, à 15 % du revenu d’un foyer fiscal.
S’agissant de la limitation de la portée du dispositif dit Malraux relatif aux dépenses de réhabilitation en secteur sauvegardé, les réductions fiscales seront bien plafonnées, mais à 140 000 euros par an.
Enfin, le régime des loueurs en meublés sera réformé, sauf pour les professionnels.
Et comment ne pas noter que, pour quelques mesures de plafonnement à caractère quasi symbolique, de nouvelles niches fiscales apparaissent, comme le prouve l’adoption de l’amendement Lefebvre-Bolloré sur les investissements des particuliers dans les pays en voie de développement !
Quatrième décision : des dispositions comme les prêts à taux zéro ou les réductions d’impôt pour économies d’énergie risquent, au motif d’intégrer le respect des nouvelles normes énergétiques découlant du Grenelle de l’environnement, d’être au final limitées dans leur portée pour les foyers les moins aisés.
Par la grâce de l’instruction sur l’application du crédit d’impôt au titre de l’habitation principale, ce seront ainsi 550 millions d’euros qui ne seront pas remboursés à certains propriétaires modestes !
Certes, la taxe kilométrique due par les poids lourds est généralisée, mais la taxe à l’essieu, en revanche, sera ramenée aux seuils correspondant aux minima communautaires.
Enfin, une évolution de la législation fiscale concernant plus particulièrement l’exercice du contrôle fiscal externe, c'est-à-dire la vérification dans les entreprises, pourrait rapidement se révéler dangereuse pour cette mission. Tirée du rapport de M. Fouquet, rendu le 23 juin 2008 et portant sur la sécurité juridique en matière fiscale, cette proposition participe pleinement du dogme inspirant la révision générale des politiques publiques. Il s’agit de développer la pratique du rescrit fiscal, alors même que le contrôle sur place est le fondement de l’action des services fiscaux et de la qualité de leur travail de contrôle des déclarations.
Évidemment, avec la crise, de nouveaux cadeaux fiscaux apparaissent. Mme Parisot semble avoir donné le la, en rejetant par avance toute mesure de relance du pouvoir d’achat et de la consommation, préférant, une fois encore, les réductions d’impôt. Ce message a été immédiatement entendu puisqu’une nouvelle réduction de la taxe professionnelle a été annoncée par le Président de la République pour tous les investissements réalisés par les entreprises d’octobre 2008 à la fin de l’année 2009.
Cette proposition s’inscrit dans un cadre plus général qui vise à faire disparaître la taxe professionnelle. Il s’agit également de replacer la proposition présidentielle dans la perspective de la réforme des échelons de collectivités locales prévue pour 2010.
Vouloir faire disparaître la taxe professionnelle, essentielle au financement des collectivités locales, engendrerait soit la banqueroute de certaines collectivités, soit la disparition de nombreux services à la population, ce que recèle d’ailleurs le projet de refonte des échelons de collectivités locales, soit des hausses importantes des autres impôts locaux qui sont supportés pour une large part par les ménages, la taxe d’habitation ou la taxe foncière.
Dans une période comme celle que nous traversons, marquée par la crise majeure d’un système totalement tourné vers la rentabilité du capital, il y a sans doute mieux à faire que de supprimer la taxe professionnelle, qui représente, certes à un stade embryonnaire, le fondement d’un impôt sur le capital. L’heure est plutôt à renforcer ce type d’imposition.
L’ensemble de ces mesures fiscales participe de l’économie générale du projet de loi de finances pour 2009, qui, au-delà de la formule consacrée du retour à l’équilibre des finances publiques, poursuit une aggravation du rationnement de la dépense publique, que ce soit au niveau de l’État ou à celui des collectivités locales.
La suppression de 30 000 emplois et une augmentation nulle en volume des dépenses de fonctionnement de l’État, tout comme la limitation de l’augmentation des dotations des collectivités territoriales à 1,1 milliard d’euros, préfigurent des difficultés majeures pour l’ensemble des budgets publics, donc pour les services publics et les administrations.
Le dispositif fiscal retenu va constituer, avec l’ensemble des autres évolutions contenues dans le projet de loi de finances pour 2009, un nouvel encouragement à la dérive financière et, donc, à un enfoncement dans la crise, au lieu de répondre aux exigences de lutte contre les prélèvements financiers.
Quand sont dégagés 360 milliards d’euros pour aider les banques, on ne peut comprendre qu’on ne trouve rien de mieux que les allégements fiscaux de la loi de finances pour 2009, lesquels ne feront qu’aggraver une économie en récession ! Où va-t-on trouver cet argent, sinon en continuant à pressurer les salaires, précariser l’emploi, privatiser la protection sociale et poursuivre l’assèchement de la dépense publique ?
Une véritable réforme de la fiscalité viserait à renforcer les voies et moyens d’un redressement des comptes publics allant de pair avec la relance de l’activité économique.
Depuis bientôt trente ans, avec une accélération au moment de la mise en place de l’Acte unique européen, toutes les réformes conduites en matière de fiscalité et de législation économique ont tendu à réduire les moyens de connaissance, de contrôle et d’imposition dont disposaient les administrations financières.
Deux statistiques suffisent pour s’en convaincre. D’une part, la moitié des échanges internationaux transite par des paradis fiscaux, qui n’engendrent pourtant que 3 % du PIB mondial. D’autre part, les actifs des sociétés offshores représentent quelque 11 000 milliards de dollars, soit 30 % du PIB mondial.
Pour trouver des paradis fiscaux, il n’est pas besoin d’aller très loin, puisque plus d’un tiers d’entre eux sont installés sur le territoire européen.
Prix de transfert, fraude fiscale et sociale, pour lesquels les sociétés de conseils mettent à disposition tout un arsenal de produits de défiscalisation, sont des pratiques courantes qui prennent appui sur les économies des pays en développement et que, en aucun cas, les élites fiscales et économiques de l’establishment, MEDEF en tête, ne souhaitent contrarier.
Suivant le même mouvement, le poids des prélèvements fiscaux sur les entreprises a été considérablement allégé. Je pense notamment à la réduction du taux de l’impôt sur les sociétés ainsi qu’au plafonnement de la taxe professionnelle et à la suppression de sa part salaire. Je pense aussi aux mesures minorant l’imposition des contribuables les plus riches et la fiscalité du capital et de la fortune. Aujourd’hui, plus de 70 % des revenus du capital échappent à toute imposition. L’ISF, après les coups successifs qui lui ont été portés, tout dernièrement par le bouclier fiscal, est réduit à peau de chagrin.
Dans le même temps, la fiscalité locale, particulièrement celle qui pèse sur les ménages – taxe d’habitation, taxe foncière et taxe d’enlèvement des ordures ménagères – et dont le caractère injuste n’est plus à souligner, a tendance à croître de façon exponentielle.
C’est à une mise à plat générale de la structure de la fiscalité et de l’impôt qu’il faut s’atteler, pour reconstruire une cohérence fiscale d’ensemble permettant, certes, de rétablir de la justice, mais aussi d’agir comme levier en jouant un rôle incitatif fort en faveur de la production de richesses réelles et utiles.
Une fiscalité moderne et efficace doit se fixer un double objectif : d’une part, redistribuer les richesses par une nouvelle répartition de la pression fiscale, afin de rééquilibrer le rapport entre la part des prélèvements indirects et proportionnels et celle des prélèvements directs et progressifs, qui prendraient la forme d’un impôt sur le revenu de type universel englobant les revenus du travail, financiers et de la fortune ; d’autre part, mettre en cause les procédés d’évasion fiscale, au titre desquels on trouve un certain nombre de niches fiscales.
Enfin, il faudrait instituer des incitations à la création de richesses utiles, par exemple en modulant le taux de l’impôt sur les sociétés ou en élargissant l’assiette de la taxe professionnelle aux actifs financiers.
Tout cela, mes chers collègues, ne figure aucunement dans le projet de loi de finances pour 2009.
Parce que ce texte ne fera qu’accentuer la crise, nous ne pouvons évidemment que le combattre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, M. le Premier ministre a déclaré, il y a peu : « Il faut passer du monde de l’après-guerre au XXIème siècle. »
Nous y sommes, mes chers collègues ! Nous voici en effet saisis d’un budget qui s’inscrit dans un contexte macro-économique de transition, cette dernière étant aussi forte qu’incertaine quant à son aboutissement.
À ce sujet, je ne vous imposerai pas une énième histoire de la crise qui nous afflige, celle-ci ayant déjà été retracée dans les discours des orateurs ainsi que dans le vôtre, madame la ministre.
Une chose est sûre : la crise est là ! Elle décline ses effets économiques et sociaux ; surtout, elle est dans toutes les têtes, ce qui, au demeurant, est le plus grave. Car l’économie est essentiellement une affaire de confiance ou de défiance. C’est le moral des consommateurs et les anticipations des entrepreneurs qui sont les moteurs de la machinerie économique. Dans ce contexte, le rôle des pouvoirs publics, de l’État souverain, est de donner de l’espoir aux uns et aux autres et, éventuellement, de se substituer provisoirement à eux.
Osons l’affirmer, et en tant que président de la délégation à la planification, je ne me fais pas violence pour le dire : l’État est un acteur à part entière de l’économie. Il doit assurer la permanence de certains services qui n’ont pas véritablement de marché ; il doit pallier les défaillances du marché et faire en sorte que la demande et l’offre globales de biens et de services se rencontrent à un niveau efficient.
Les économies étant des mécanismes complexes, leur fonctionnement peut entraîner certains déséquilibres. Ainsi, toutes les économies peuvent se trouver piégées dans ce qu’on appelle un « équilibre de sous-emploi ». C’est ce qu’a montré, dans un raisonnement rigoureux, John Maynard Keynes voilà maintenant soixante-dix ans. Les éléments de ce schéma d’équilibre de sous-emploi restant présents dans notre économie, les États doivent, encore aujourd’hui, jouer un rôle actif dans la création de la valeur et dans la poursuite du plein-emploi.
Cela ne signifie, en rien, que les règles du marché doivent être abolies : celles-ci sont nécessaires à la rencontre de l’offre et de la demande, nécessaires à l’équilibre des prix, nécessaires à la diffusion du progrès, nécessaires aussi à la diffusion de la productivité. Elles peuvent toutefois se montrer défaillantes, parce que le pouvoir d’achat des demandeurs est insuffisant ou parce que des rigidités se manifestent dans l’offre des entreprises. L’État doit alors intervenir pour remettre l’économie sur les rails de la croissance.
C’est la supériorité de l’analyse keynésienne sur l’analyse classique – ou libérale – que d’attribuer un rôle économique éminent à l’État. C’est le rôle d’un État moderne que de veiller, d’une part, à ce que la consommation ne s’essouffle pas et, d’autre part, à ce que l’investissement ne fléchisse pas. Pour ce faire, la puissance publique dispose de tout un arsenal de moyens et peut opérer par substitution. C’est ainsi, comme vous le savez, mes chers collègues, que Roosevelt a entrepris le New Deal après la crise de vingt-neuf, en lançant notamment toute une série de grands travaux, et c’est ainsi que, dans notre histoire d’après-guerre, quelques gouvernements courageux se sont engagés dans une dépense publique active fondée sur l’investissement.
Quand les masses de l’investissement et de la consommation se mettent à baisser, l’effort de l’État doit augmenter, en compensation. Cela signifie que, lorsque la crise pointe – qu’il s’agisse d’une récession ou, pire, d’une déflation –, l’État doit s’efforcer de développer, ainsi que l’a très bien rappelé M. le rapporteur général, ce qu’il convient d’appeler une action contra-cyclique ou, plutôt, une action contra-récessive. Concrètement, cela signifie que, parfois, l’État doit impérativement faire le contraire de ce que font les autres acteurs économiques.
Juste avant la Seconde Guerre mondiale, nous avons souffert d’un épisode désastreux de déflation, entretenu par une politique déflationniste. La consommation et l’investissement diminuaient, pour des raisons liées aux taux de change et, de son côté, la dépense publique baissait dans les mêmes proportions que les recettes publiques. Au final, l’économie sombrait de plus en plus. L’État avait adopté un comportement identique à celui des consommateurs et des investisseurs alors qu’il aurait dû adopter l’attitude inverse. Face à la dérive de la demande spontanée, il n’y avait pas de moteur de remplacement.
On le sait maintenant, l’État doit faire office de moteur de remplacement. Et, je le répète, l’État ne doit pas être à l’unisson des autres acteurs économiques, même si cela entraîne, provisoirement, un accroissement du déficit public. Roosevelt n’a pas eu peur du déficit public, et Roosevelt a fait gagner les États-Unis !
Je me réjouis donc, madame la ministre, au nom de l’UMP, de la réactivité dont ont su faire preuve le Gouvernement et le Président de la République face à la crise. Le message transmis par le Gouvernement est tout à fait rassurant et la décision de ne pas comprimer les prévisions de dépenses, alors même que les recettes ont été ajustées à la baisse, va dans le bon sens.
Nous approuvons aussi le principe – même si ce n’est, pour l’instant, qu’une rumeur – d’un plan de relance qui, certes, alourdirait les charges, à condition qu’il se traduise par des dépenses actives, c’est-à-dire des dépenses d’investissements, et qu’il soit élaboré en coordination avec nos partenaires européens, ce qui devrait être le cas.
Revenons-en au budget. Le groupe UMP salue l’effort de transparence et de vérité que vous avez accompli, madame la ministre, dans un contexte économique et financier difficile, lors de la discussion ici-même, le 6 novembre dernier, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
Nous saluons également votre volonté, à titre exceptionnel, de ne pas traduire mécaniquement la diminution d’un demi-point de la prévision d’inflation sur l’évolution des concours de l’État aux collectivités locales pour 2009, ainsi que l’a rappelé M. le président de la commission des finances.
Cette mesure exceptionnelle en faveur des collectivités locales permettra de préserver les dépenses publiques d’investissement et de solidarité à un moment où la dégradation de la situation économique les rend d’autant plus indispensables.
Sans entrer dans le détail des mesures du projet de loi de finances, je souhaiterais néanmoins dire deux mots au sujet du plafonnement des niches fiscales.
Plusieurs niches qui, jusqu’à présent, offraient des avantages fiscaux illimités, ont en effet été plafonnées individuellement. Les députés ont également institué un plafond global d’exonération d’impôt par voie d’amendement. Je rappelle que les recettes engendrées par ces plafonnements vont permettre, notamment, de financer le revenu de solidarité active. Ces économies sont donc « gagées », en quelque sorte.
Les niches fiscales permettent certes de soutenir l’activité dans certains secteurs ou dans certaines zones géographiques, mais elles ont aussi parfois un effet pervers lorsqu’elles permettent à des titulaires de hauts revenus d’échapper complètement à l’impôt en multipliant les investissements « intéressés ». De travaux parlementaires, il ressort qu’un redevable peut réduire son impôt de 200 000 euros en cumulant divers dispositifs. Le mois dernier, votre administration, madame la ministre, a évalué à 7 000 le nombre de ménages qui, malgré un revenu annuel égal ou supérieur à 100 000 euros, ne payaient aucun impôt.
Les niches concernées par le plafonnement sont la location de meublés, l’investissement dans les DOM et dans les collectivités d’outre-mer, ainsi que l’entretien d’immeubles en zones protégées ou dispositif « Malraux ».
À dessein, je sépare le cas de l’entretien des monuments historiques non ouverts au public, qui doivent être absolument préservés, car il en va de la sauvegarde de notre patrimoine national privé.
M. Henri de Raincourt. C’est sûr !
M. Joël Bourdin. L’entretien de tels monuments étant généralement extrêmement onéreux, le plafonnement de cette niche ne nous semble pas nécessairement opportun…
M. Henri de Raincourt. Il est même stupide !
M. Joël Bourdin. … au regard de l’importance des enjeux culturels, architecturaux et historiques liés à la préservation et à l’entretien de ce patrimoine.
Pour conclure, je dirai que le groupe UMP entend soutenir le Gouvernement dans la discussion du projet de loi de finances, tout en faisant entendre sa propre voix. Il va de soi, madame la ministre, que les membres du groupe apporteront leur soutien total à ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise a noyé les idéologies, comme elle a fait sombrer les structured investments vehicles à Wall Street, les hedge funds à la City ou les actions sur toutes les places du monde.
Personne n’a osé proclamer qu’en laissant faire la main invisible du marché, tout rentrerait dans l’ordre. Personne, après s’être recueilli sur la tombe de Karl Marx à Highgate, n’a brandi Das Kapital en proclamant qu’y étaient écrites les solutions. (Sourires.)
Enfin, le pragmatisme a prévalu ! Il fallait informer nos concitoyens pour que le doute n’alimentât pas, plus encore, l’inquiétude. Le Gouvernement avait, dans cette crise, une responsabilité didactique, et sa réactivité était indispensable pour contribuer à rassurer nos concitoyens. Il a fait face ! Le Président de la République a pris les décisions les plus urgentes de coordination. Il a fait preuve d’une imagination réaliste et mis en application le précepte de Jacques Rueff : « Soyez libéraux, soyez socialistes, mais ne soyez pas menteurs. »
La voie est étroite : nos impôts étant déjà parmi les plus lourds du monde, on ne saurait augmenter les recettes par l’impôt. On ne peut pas, non plus, relancer l’économie par la dépense publique, celle-ci représentant près de 53 % de la richesse nationale, un taux parmi les plus élevés d’Europe. Les mesures doivent donc impérativement passer par des canaux extrabudgétaires.
Il fallait trouver, pour conforter le système financier, un juste équilibre. Nous ne devions pas laisser entendre que le système était plus fragilisé qu’on ne pouvait le craindre. En même temps, nous devions mobiliser suffisamment de moyens pour que le dispositif mis en place soit efficace et que l’économie ne soit pas plus gravement pénalisée. Vous avez conçu ce dispositif ; nous l’avons voté.
Cela dit, la question principale qui se pose en ce début de discussion du budget touche à l’avenir. Nous vous faisons confiance pour l’urgence, alors donnez-nous les arguments qui nous permettront de vous faire confiance pour l’avenir !
Tant que l’évolution probable de notre économie ne sera pas mieux définie, que les plans des différents pays n’auront pas été mis en œuvre et que les marchés n’auront pas été stabilisés, il sera difficile de faire des prévisions.
Les recettes budgétaires comportent toujours une part d’aléas, d’autant que nos hypothèses de conjoncture sont aujourd’hui plus fragiles. Le budget conserve cependant tout son sens en tant qu’acte politique. Il constitue un cadre général qui n’est pas soluble dans la crise. Notre travail d’arbitrage et de redéploiement des crédits au bénéfice de priorités précisément définies n’est pas globalement remis en cause par la conjoncture.
Le Gouvernement a adopté des hypothèses prudentes pour prévoir la croissance, et donc les recettes. Cette prudence a été appliquée à tous les postes de recettes. Avec un taux de progression de 1,5 % des recettes fiscales en 2009 par rapport à l’exécution 2008, ce budget a été construit sur des bases sans doute raisonnables.
Néanmoins, ces hypothèses peuvent être fragilisées. Des incertitudes pèsent sur plusieurs milliards d’euros de recettes. Ainsi, il est très difficile de prévoir le montant de l’impôt sur les sociétés que verseront en 2009 les établissements financiers. Or il faut savoir que, ces dernières années, ils contribuaient à hauteur de 25 % du produit de cet impôt !
Ce budget est vraisemblablement sincère ; nous saurons dans quelques mois s’il est réaliste. Un budget établi sur une croissance zéro permettrait-il une plus grande discipline et de consacrer des marges au remboursement de la dette ?
S’agissant de la dépense publique, nous devons mieux l’encadrer. Au-delà des dépenses de l’État, et grâce à la révision générale des politiques publiques, il nous faut absolument maîtriser l’ensemble des dépenses publiques ; c’est le seul véritable gisement d’économies !
En 2007, la dépense publique a atteint 52,4 % du PIB. En volume, et sur une période longue, elle a connu une progression moyenne annuelle légèrement supérieure à 2 %, soit un demi-point de plus que l’inflation. Notre équilibre budgétaire ne peut le supporter !
Le principe de la stabilisation des dépenses de l’État figure de manière claire et explicite dans ce projet de loi de finances, et nous l’avons entériné, voilà quinze, jours dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
Nous l’avons compris, seule la maîtrise de la dépense publique permettra, dans un premier temps, le retour à l’équilibre de nos finances publiques, puis, dans un second temps, la baisse des prélèvements obligatoires, nécessaire pour restaurer notre compétitivité et rendre la France plus attractive.
Le benchmarking est devenu un mot à la mode ; comparons donc, sur les dix dernières années, les mesures prises par les pays dont la situation était pire que la nôtre, qu’il s’agisse du Canada, de la Nouvelle-Zélande, de la Belgique, de la Suède ou de l’Espagne. Cette liste n’est pas exhaustive.
Après avoir redressé leurs comptes, ces pays étaient, jusqu’à cette année, en situation d’excédent budgétaire. Pourquoi la France n’a-t-elle pas appliqué une politique identique ? s’il y a une réponse aux questions que je pose, c’est bien celle-là, madame le ministre, et je l’attends avec impatience.
Comparons donc notre situation avec celle de nos voisins de la zone euro : la part de la dépense publique dans notre PIB est supérieure de 6,2 % à la moyenne des pays qui en sont membres. Par comparaison, nous dépensons 117,3 milliards d’euros de trop. Imaginons combien ces sommes seraient utiles pour aider nos entreprises, développer nos infrastructures, augmenter les salaires et améliorer la situation sociale !
La loi de programmation prévoit de reconduire, chaque année jusqu’en 2012, la dépense au niveau de l’inflation. Pourquoi, comme je l’ai souvent proposé, ne pas s’en tenir, à l’exception des retraites, à une reconduction des crédits en euros courants ?
M. Philippe Dominati. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Cela nous aiderait à tendre plus rapidement vers l’équilibre.
La crise financière ne doit d’ailleurs pas nous détourner de notre objectif d’équilibre ; elle doit nous y contraindre.
Madame le ministre, vous l’avez dit, « l’équilibre des finances publiques, ce sont des marges politiques retrouvées ». Même si ce projet de loi de finances subit la crise, il doit en atténuer les incidences sur l’économie. Avec de bonnes politiques, on fait de bonnes finances, nous enseigne Guizot. C’est l’enjeu du débat qui nous rassemble et qui donne un sens à la politique.
Cette crise marque enfin le retour de l’État et la réaffirmation de son rôle. Réjouissons-nous que le Président de la République ait réussi à convaincre son homologue américain de poursuivre les réflexions sur la refondation de l’économie au niveau mondial.
L’accord de l’Élysée est le fruit du volontarisme : l’Europe politique doit être apte à tenir un cap, si tant est qu’elle ait un représentant à sa mesure.
Réjouissons-nous encore que le chef de l’État ait appelé de ses vœux la création d’un gouvernement économique de la zone euro. L’idée d’instaurer un pilotage politique de la zone euro face à la Banque centrale européenne s’inscrit dans l’évolution indispensable des rapports entre l’économie et le politique.
La décision prise par les principales banques centrales de diminuer leurs taux d’intérêt de manière coordonnée a déjà produit des effets positifs. La question du niveau des taux d’intérêt ne doit plus être taboue. Face à une telle crise, les dogmes sont plus que jamais à proscrire.
Ce retour du politique, nous le devons assurément au Président de la République, qui a su démontrer sa capacité à mobiliser nos partenaires et sa réactivité en situation de crise. Dans cet état d’esprit, le réalisme, le courage et la sincérité s’imposent encore plus dans l’élaboration du budget. Vous répondez à cette exigence, madame le ministre.
Dans ce contexte difficile, le Gouvernement aurait pu ajourner les réformes indispensables, occulter leur financement ou renoncer à tenir compte des échecs précédents. Tel n’a pas été le choix du Premier ministre, dont je salue l’action et le courage.
L’histoire de ces dernières années nous enseigne que, lors de chaque récession, la France a été touchée comme les autres pays, mais que, à chaque mouvement de reprise, son économie a redémarré plus tardivement et moins fortement que celle de ses partenaires.
Cette année 2009 doit être l’occasion pour l’État de devenir plus performant. La réduction des déficits et la maîtrise de la dette sont nécessaires à sa crédibilité et à son efficacité.
Rejetons dès lors les jeux politiciens stériles ; réformons cet État boursouflé, et les Français se rassembleront derrière notre projet. Il faut que ce projet de loi de finances s’inscrive dans une politique de réformes, au premier rang desquelles je placerai une réforme territoriale hardie, la promotion du développement durable, générateur d’emplois et de compétitivité, enfin et surtout, le déploiement de la recherche.
Nous devons mettre le pays en mouvement. Mais, dans la situation de crise que nous connaissons, nous ne pouvons nous contenter de demi-réformes. C’est de réformes décisives que la France a besoin ! La crise est là, faisons tout pour la « positiver », qu’elle soit l’occasion d’accélérer les réformes !
Mes chers collègues, mon groupe et moi-même voulons être une minorité décidée au cœur d’une nouvelle majorité agissante et réformiste. C’est pourquoi, face à cette crise, il s’agit d’être l’homme non plus d’un parti, mais d’un combat, d’une politique et d’une espérance.
Vous l’aurez compris, je suis favorable à ce projet de loi de finances, qui ne renonce pas à l’ambition de redresser la France. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roger Romani.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.
Je rappelle qu’en application de la décision de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de finances pour 2009 revêt un caractère particulier.
Dans la période de crise que nous traversons, il revient plus que jamais à l’État d’apporter des réponses aux difficultés des Français. Or, et je m’attacherai à le démontrer, ce projet de budget ne répond pas à l’ampleur de la situation que nous connaissons.
La crise a profondément modifié la donne en France et dans le monde. Partout, les thuriféraires du libre-échange le plus débridé redécouvrent les vertus de la régulation, que nous n’avions, de notre côté, jamais oubliées. Les plans de sauvetage se succèdent à un rythme effréné, en apportant chaque fois une réponse partielle à la crise, sans qu’il s’en dégage une ligne directrice cohérente.
La crise financière est née de deux éléments conjoints.
En premier lieu, les marchés financiers, au lieu de financer l’économie, se sont mis à la ponctionner. Les taux de profit demandés, irréalistes et déconnectés de l’évolution saine et normale d’une entreprise, ont conduit à l’émergence de produits toxiques destinés à gonfler artificiellement le rendement du capital.
En second lieu, afin de maintenir la consommation des ménages sans pour autant augmenter les salaires de manière significative, de nombreux États ont favorisé l’endettement individuel, parfois jusqu’au surendettement.
Si j’ai souhaité évoquer en premier lieu le contexte dans lequel nous sommes, c’est parce qu’il serait vain de nier l’évidence. Cette crise, que l’on qualifie de financière, est aussi une crise économique et sociale. Elle est le fruit des choix politiques menés depuis une dizaine d’années sur le plan européen, qui ont consisté à promouvoir le désengagement de l’État de la sphère économique au nom de l’efficacité de marché.
La politique conduite par votre majorité depuis 2002 s’inscrit parfaitement dans cette conception minimaliste du rôle de la puissance publique. Comment pourriez-vous prendre la mesure de cette crise et envisager des réponses cohérentes pour l’endiguer alors que, quelques mois avant qu’elle ne nous frappe de plein fouet, vous considériez comme une hérésie l’intervention de l’État dans le domaine économique et financier ?
En ne prenant pas la mesure de la crise économique et financière, en cherchant avant tout à maîtriser la dépense sans envisager les conséquences économiques d’une politique de restrictions, vous avez fait le choix de nous présenter un budget qui n’est pas à la hauteur de la situation.
La crise économique et financière a déjà affecté notre croissance et nos recettes fiscales, preuve s’il en est que ce contexte économique ne sera pas sans conséquences pour nos comptes publics. Ainsi, vous prévoyez une perte de recettes de 9 milliards d’euros et un déficit public qui atteindra 57,6 milliards d’euros en 2009.
Après avoir feint d’ignorer les effets de cette crise sur votre budget initial, vous vous êtes rendus à l’évidence. Vous avez, le 6 novembre, annoncé une révision des prévisions de croissance, entachant ainsi cet exercice budgétaire d’insincérité. Cette insincérité est renforcée par l’adoption, à l’Assemblée nationale, d’un projet de budget sans fondement puisque antérieur à la modification d’ampleur à laquelle vous avez procédé.
Au lieu d’anticiper les conséquences budgétaires de la crise, le Gouvernement s’est laissé surprendre. Il n’a pas voulu ajuster les équilibres qu’il avait définis ni procéder à des arbitrages en faveur d’une politique dynamique encourageant la croissance.
Monsieur le ministre, votre inaction a des conséquences graves sur le délabrement de nos comptes publics. Les pertes de recettes déséquilibrent ce budget. À ce rythme, la dette publique va exploser. Vous l’estimez à 68 % du PIB, mais cette augmentation brutale servira uniquement à financer la politique inefficace que vous menez déjà depuis plus d’un an.
Ainsi, après avoir éteint l’incendie provoqué par le séisme des marchés financiers, vous avez omis de vous préoccuper du retour de flamme de la crise sur le terrain économique et social.
Bien sûr, nos établissements bancaires doivent pouvoir préserver leurs ratios de solvabilité ! Pour autant, votre réponse, parce que lacunaire, est insuffisante.
Permettez-moi de revenir quelques mois en arrière, avant l’effondrement des bourses mondiales. Dès le mois d’août 2008, 40 000 personnes supplémentaires venaient grossir les rangs des demandeurs d’emplois. Cette augmentation importante aurait dû vous alerter sur les conséquences pour l’économie réelle de ce que l’on appelait encore alors la crise des subprimes.
Or, confrontés à une crise sociale qui s’annonce sans précédent, vous choisissez sciemment d’amputer le budget de la mission « Travail et emploi » de 700 millions d’euros.
Les retombées de cette crise, couplées à la politique de « laisser-faire » que vous menez, auront de graves conséquences sur le chômage. L’automobile, pourtant l’un des fleurons de l’industrie française, commence à décliner. Renault, après avoir déjà annoncé 900 licenciements, va réduire sa production de 25 % au quatrième trimestre de 2008. Et ce soir même, Peugeot vient à son tour d’annoncer une réduction de son activité.
Vous n’ignorez pas l’existence de tous ces drames sociaux en germes. Et que proposez-vous aux Français ? Vous leur annoncez un plan de rigueur alors qu’ils n’ont jamais eu autant besoin d’un plan de relance.
Transformant ce projet de budget en un exercice comptable d’équilibriste, vous choisissez la contraction budgétaire sans vous préoccuper de ses conséquences économiques et sociales. Afin d’atténuer une partie des effets de la crise, vous auriez pu agir sur les revenus des Français en utilisant les instruments de soutien immédiat à l’activité. Cette politique aurait permis aux plus faibles de nos concitoyens de se protéger contre l’inflation. Au lieu de cela, vous gelez la prime pour l’emploi, vous figez les prestations sous conditions de ressources et vous n’accordez qu’une revalorisation symbolique du point d’indice de la fonction publique. Pourtant, les amortisseurs de crise existent : pourquoi ne pas les utiliser ?
L’utilité de mener une politique de soutien à la demande globale afin de relancer la croissance n’est plus à prouver. Mais, du fait de vos choix budgétaires depuis 2002, vos marges de manœuvre sont très limitées.
Alors que vous auriez dû chercher à employer efficacement les marges, bien minimes, dont vous disposez, vous cherchez exclusivement à maîtriser la dépense publique sans vous pencher sur ses éventuelles retombées positives.
Parmi les victimes des coupes budgétaires, le logement et la rénovation urbaine accusent une baisse de 6,2 %, soit un demi-milliard d’euros. Pourtant, ces dépenses ont déjà fait la preuve par le passé de leur pertinence économique à moyen terme. L’augmentation du budget du logement aurait pu entraîner des créations d’emplois dans le domaine du bâtiment, qui est confronté à des difficultés grandissantes. Au contraire, certaines mesures, dont l’inutilité est aujourd’hui avérée, continuent d’amputer les recettes de ce projet de loi de finances. C’est notamment le cas du paquet fiscal, que vous maintenez alors qu’il aboutit, dans les faits, à priver chaque année le budget de l’État de 13 milliards d’euros, et ce sans la moindre contrepartie.
Voilà un exemple flagrant des orientations budgétaires inefficaces que j’évoquais précédemment et qui contribuent à limiter vos possibilités d’actions.
Pourtant, la dépense publique peut avoir des effets positifs si elle prépare l’avenir. Les dépenses d’éducation et de protection sociale, lorsqu’elles sont suffisamment importantes et bien ciblées, peuvent agir favorablement sur la croissance et la réduction des inégalités, comme le démontre le rapport que j’ai présenté en juillet dernier devant la délégation pour la planification.
Ce projet de loi de finances, enfin, est dangereux parce qu’il fait peser sur les collectivités territoriales une part importante des restrictions budgétaires alors même qu’elles sont l’un des chaînons essentiels d’une réponse cohérente à la crise. Plus de la moitié de la hausse de 2 % accordée à leur dotation par rapport à 2008 sera consommée par l’intégration du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, dans l’enveloppe normée, ramenant l’augmentation de toutes les autres dotations à une valeur bien inférieure à l’inflation. À partir de 2009, la norme d’évolution des dépenses sera encore plus draconienne puisqu’elle sera ramenée à 1,25 % par an.
Or ces évolutions hypothèquent sérieusement les possibilités d’investissement des collectivités territoriales alors même qu’elles devraient être en première ligne pour parer à la crise. Les collectivités réalisent 73 % du total de l’investissement public. Les condamner financièrement, c’est menacer l’avenir de notre pays.
Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances, loin de prendre la mesure de l’ampleur de la crise, apporte de mauvaises réponses. Notre groupe défendra des amendements qui nous permettront de montrer qu’une autre politique budgétaire est possible pour endiguer la crise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait, la discussion du projet de loi de finances pour 2009 intervient dans un contexte économique et financier particulièrement difficile, puisque nous connaissons une crise sans précédent depuis celle de 1929.
Cette situation a d’ailleurs conduit le Gouvernement à revoir ses prévisions, notamment en termes de déficit budgétaire, depuis la présentation de ce projet de loi de finances.
Malgré ces réajustements, de fortes incertitudes pèsent sur les prévisions, tout particulièrement en ce qui concerne les recettes.
Pour ce qui est des dépenses, je tiens à féliciter le Gouvernement, qui témoigne, au travers de ce projet de loi de finances, de sa réelle volonté de les maîtriser.
Cette maîtrise des dépenses publiques est indispensable à la réduction ou, tout du moins dans la conjoncture actuelle, à la stabilisation des déficits et de la dette publics. Notre pays, nous le savons, n’a que trop tardé à s’engager dans cette voie.
À ce sujet, je me réjouis que l’Assemblée Nationale, à l’initiative du groupe Nouveau Centre, soit allée au-delà des propositions du Gouvernement concernant le plafonnement des niches fiscales. Il faudra, à l’avenir, poursuivre dans cette voie.
Comme le président de notre commission des finances, il me semble que les abattements auxquels ouvrent droit ces niches ne doivent plus être intégrés dans le calcul du revenu pris en compte pour l’application du bouclier fiscal. Il y a là un effet pervers qu’il faudra corriger.
Je voudrais maintenant insister plus particulièrement sur le financement des collectivités locales, qui pose, semble-t-il, un certain nombre de problèmes.
Vous savez, monsieur le ministre, que notre assemblée est particulièrement sensible à cette question et que, sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée, se manifestent de réelles inquiétudes.
Certes, il est normal que les collectivités locales, qui bénéficient de concours représentant environ 20 % du budget de l’État, participent au nécessaire effort de maîtrise des dépenses que j’évoquais précédemment. Si j’osais, je dirais : c’est normal. Mais, en même temps, ce n’est pas juste. En effet, les collectivités locales, qui ont été dans l’ensemble bien gérées, surtout les communes, subissent aujourd’hui les conséquences de la mauvaise gestion de l’État.
Nous comprenons, même si nous le regrettons, que le contrat de croissance ait été remplacé par le contrat de stabilité. Nous sommes nombreux, en revanche, à penser que ce projet de budget va trop loin et risque de poser de graves problèmes à un certain nombre de collectivités et tout particulièrement aux communes qui, parce qu’elles constituent l’échelon de base, subissent, par un effet de cascade, les contraintes budgétaires de l’État, des régions et des départements.
Vous me direz, j’en suis presque certain, que les concours financiers de l’État vont augmenter de 2 % alors que l’inflation ne sera que de 1,5 %. C’est exact, mais l’évolution de l’enveloppe normée intègre de nouveaux remboursements et dotations. Pour la première fois, elle inclut le fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, et cela soulève des problèmes.
Un problème de principe tout d’abord, car le FCTVA n’est pas une dotation, mais un remboursement. C’est un remboursement partiel de sommes versées par les collectivités à l’État, qui conserve, au demeurant, une partie de la TVA perçue. Il n’a donc pas, me semble-t-il, à être encadré.
Un problème financier ensuite, car l’augmentation dynamique du FCTVA – 13 %, selon les prévisions, en 2009 – va pénaliser les autres dotations d’environ 663 millions d’euros et réduire par là même la capacité d’investissement des collectivités locales. Ainsi, à l’avenir, plus les collectivités investiront, moins elles auront de dotations.
L’investissement des collectivités locales représente, vous le savez, près de 75 % de l’investissement public. Il est plus que jamais indispensable à l’économie et il doit être soutenu.
Cette disposition nous semble donc contradictoire avec cet objectif et, par là même, peu opportune. C’est pourquoi nous souhaitons, comme le Comité des finances locales et l’ensemble des associations d’élus, que le FCTVA soit exclu de l’enveloppe normée.
Monsieur le ministre, ne l’oubliez pas, la situation des collectivités locales est préoccupante. Elles subissent, elles aussi, la crise économique. Elles doivent affronter la hausse des taux d’intérêt et des baisses de recettes fiscales : aujourd’hui, celle des droits de mutation, demain, sans doute, celle de la taxe professionnelle.
Un certain nombre de collectivités sont en difficulté car elles ne parviennent plus à céder les terrains de zones d’activité ou de lotissements dans lesquelles elles ont parfois lourdement investi.
Les collectivités subissent également, il faut le reconnaître, les conséquences de la nécessaire réorganisation des services de l’État.
Demandez aux maires ruraux quelles ont été les conséquences de la réorganisation des DDE ! Demandez au maire de la commune de plus de 10 000 habitants que je suis, comme vous, monsieur le ministre et comme vous, monsieur le rapporteur général, quelles sont les conséquences du transfert, sans compensation, de l’instruction des permis de construire, en 2006 et, aujourd’hui, de la gestion des cartes d’identité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Chez moi, ils étaient instruits depuis bien longtemps ! Et ils s’en portent bien !
M. Hervé Maurey. Votre commune est riche, monsieur le rapporteur général !
Les élus subissent également les conséquences financières du renforcement des normes. Aussi légitime et nécessaire que soit le renforcement des règles édictées en termes de sécurité, d’accessibilité ou de développement durable, ces mesures ont un coût pour les collectivités.
Je proposerai d’ailleurs que les collectivités aient également accès à l’éco-prêt prévu par ce projet de loi.
Les collectivités sont inquiètes. Elles le sont d’autant plus en raison de l’incertitude concernant le cadre financier qui sera demain le leur.
La taxe professionnelle sera-t-elle réformée ? Et de quelle manière ? Qu’en sera-t-il des conséquences pour les collectivités de l’exonération de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements figurant dans la loi de finances rectificative ? Qu’adviendra-t-il de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, que le Gouvernement a renoncé à modifier cette année ?
Nous ne sommes pas opposés, loin s’en faut, aux réformes de la fiscalité locale. Je fais moi-même partie de ceux qui sont favorables à sa remise à plat. Mais encore faut-il que cela se fasse en concertation avec le Parlement et les élus, dans le respect du principe d’autonomie des collectivités locales.
Il est important que les collectivités évoluent dans un cadre sécurisé. Nous nous interrogeons d’ailleurs tous sur leur évolution. Je sais que la discussion du projet de loi de finances n’est pas la meilleure occasion pour en débattre, mais je crois que la réduction du « mille-feuille » administratif à laquelle les élus de mon groupe sont attachés est une nécessité. Elle aura, entre autres avantages, celui d’assurer une réelle maîtrise des dépenses des collectivités locales que j’appelle, comme le Gouvernement, de mes vœux.
J’espère, monsieur le ministre, que ces remarques seront entendues et que nous pourrons ainsi, sans aucun état d’âme, vous apporter notre soutien plein et entier. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons de ce projet de budget pour 2009 au moment même où l’on constate un accroissement de la pauvreté dans notre pays, au moment même où l’attaque menée contre le service public de l’éducation vient de provoquer l’un des mouvements de grève les plus puissants dans ce secteur depuis bien longtemps, exprimant l’inquiétude des enseignants mais aussi des parents pour l’avenir de leurs enfants.
Parallèlement, comme d’habitude, on continue à nous parler du poids excessif des prélèvements obligatoires, alors que les déficits se creusent et que la justice fiscale et sociale demeure aux abonnés absents.
On nous dit sur tous les tons que les caisses de l’État sont vides et qu’en conséquence l’heure serait à la réduction de la dépense publique.
Nous ne pouvons évidemment pas partager ce constat qui évite de regarder la réalité du chemin parcouru depuis la discussion, au cours de l’été 2007, de la loi TEPA, celle de la loi de finances de 2008 ou encore celle de la loi de modernisation de l’économie.
La question est simple : que sont devenues les promesses électorales du printemps 2007 et quel bilan pouvons-nous tirer des mesures prises depuis le début de la législature ?
En 2007, la loi TEPA devait, au travers d’un choc de confiance, conduire notre pays sur la voie de la croissance, de la création d’emplois, grâce, entre autres, aux vertus d’un généreux paquet fiscal de plusieurs milliards d’euros en année pleine, un paquet fiscal dont on reconnaissait, du bout des lèvres, qu’il avait beaucoup d’intérêt pour les détenteurs de patrimoine. Il permettait, en effet, par ajustement des droits de mutation, par correction de l’impôt de solidarité sur la fortune, de réduire sensiblement le montant de l’imposition due et de « fluidifier », selon l’expression de M. le rapporteur général, la gestion de ces patrimoines.
Ce paquet fiscal comprenait aussi, entre autres mesures phares, la défiscalisation des heures supplémentaires. Je voudrais m’arrêter quelques instants sur cette question.
Le ministère de l’économie et des finances, de manière assez récurrente, communique sur le volume des heures supplémentaires observé par les services du ministère du travail depuis la mise en œuvre du dispositif. Peu importe d’ailleurs que la direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques, la DARES mette en garde contre le fait qu’aucun élément de comparaison n’existe entre le volume des heures déclarées et le volume des heures précédemment effectuées. Le ministère passe outre et claironne le succès de la mesure !
Mais il est nécessaire d’y regarder de plus près. Dans une étude publiée début octobre, la DARES estime à 631 millions d’heures le volume des heures supplémentaires effectuées par les salariés en 2006, c’est-à-dire avant la mise en place du dispositif de la loi TEPA. Sans surprise, ce sont les secteurs de la construction, du commerce et des transports qui s’avéraient alors les plus consommateurs d’heures supplémentaires. Ainsi, 411 millions d’heures supplémentaires auraient été effectuées en 2006 dans ces activités économiques et celles des services aux entreprises.
Pour 2008, l’agence centrale des organismes de sécurité sociale donne une première indication : depuis le début de la mise en place du dispositif, le nombre mensuel d’heures supplémentaires déclarées se situe, selon les trimestres, entre 150 millions et 183 millions d’heures, c’est-à-dire à des niveaux extrêmement proches de ceux que l’on a pu observer pour 2006.
Nombre de petites entreprises semblent avoir décidé de déclarer des heures au titre du dispositif, alors qu’elles ne le faisaient pas auparavant, gonflant artificiellement ce nombre.
Sur le fond, la loi TEPA aura au moins servi dans quelques entreprises, à assurer la paix sociale. Elle a permis, de manière marginale, mais néanmoins réelle, à certains employeurs de se dispenser d’augmenter les salaires sur le dos de l’État et de la sécurité sociale en payant enfin aux salariés les heures supplémentaires qui n’étaient pas déclarées auparavant.
Ainsi, on peut dire que le déficit de la sécurité sociale qui en découle est finalement payé par le salarié lui-même, au travers des franchises médicales sur la visite chez le médecin ou les médicaments que ses enfants prennent quand ils sont malades, puisque c’est le choix que le Gouvernement a décidé de faire !
Par ailleurs, le dispositif d’heures supplémentaires a eu un effet d’éviction et a fortement contribué à la réduction de l’emploi intérimaire. La loi TEPA a permis la mise en place, de fait, de véritables plans sociaux invisibles avec la fin des missions d’intérim, l’une des sources essentielles de progression du chômage dans notre pays.
La DARES nous indique notamment, dans une note publiée le 6 octobre dernier, que l’emploi intérimaire a été réduit de près de 50 000 unités au second trimestre 2008 ! Dans la seule agglomération de Tours, dans des entreprises comme Michelin, SKF, STMicroelectronics, Safety, ce sont 420 intérimaires qui ont ainsi perdu leur emploi !
Tout se passe comme si les heures supplémentaires des uns engendraient le chômage des autres ! Les entreprises ont, en effet, arbitré en défaveur de l’emploi, fût-il intérimaire, le nouveau partage de la valeur ajoutée grâce au dispositif TEPA ! Tel est le constat que l’on peut faire de cette mesure sur l’emploi.
Quant à la croissance que cette loi devait dynamiser, il semble bien que les effets escomptés ne se soient pas produits, au regard de l’état de la progression du PIB au cours de cette année 2008 !
Les prudentes évaluations de croissance à 2 % prévues en novembre 2007 pour la loi de finances de 2008 sont bien loin. Quand on en vient à se féliciter d’une progression de 0,14 % par trimestre au motif qu’elle resterait positive tandis que nos voisins connaissent une évolution négative de leur PIB, on en est effectivement loin !
Je pourrais d’ailleurs, sur d’autres points de la loi TEPA, véritable porte-drapeau des promesses électorales du printemps 2007, procéder à d’autres observations.
On pourrait ainsi s’interroger sur le véritable gâchis de ressources publiques que constitue l’allégement de l’ISF lié à l’investissement dans les PME, où un milliard d’euros de fonds propres est gagé par 700 millions d’euros de dépense fiscale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un milliard de fonds propres, ce n’est pas un gâchis !
Mme Marie-France Beaufils. Quelle inefficacité dans l’allocation de la ressource publique !
On pourrait critiquer à bon droit les mesures sur les donations et les successions, qui ont facilité la rétention de patrimoine et donc tari l’offre de logements, par exemple. Or, quand vous tarissez l’offre, soit vous faites monter les prix, soit vous les maintenez artificiellement au plus haut !
La même remarque vaut pour la réduction d’impôts associée aux intérêts d’emprunt des accédants à la propriété. Une fois de plus, ce type de mesure n’a fait que permettre aux banques de maintenir à un niveau élevé les taux d’intérêt !
Je pourrais mentionner également le bouclier fiscal, porté à 50 %. Il n’a vraiment profité qu’à 500 contribuables, qui ont accaparé la moitié des 250 millions d’euros de dépense fiscale.
Si je fais ces rappels, c’est pour montrer que les pertes de recettes que vous avez ainsi imposées à l’État ont eu bien des effets pervers. Ils se font sentir sur l’emploi, avec la hausse du chômage, mais aussi sur les déficits publics, avec le creusement du trou budgétaire au-delà des 50 milliards d’euros pour 2008 et, parallèlement, sur les pertes de pouvoir d’achat, amplifiées par la hausse des prix et le maintien des bas salaires.
Aujourd’hui, avec le développement sans précédent du chômage technique dans de nombreuses entreprises, particulièrement dans les très grandes unités industrielles, les salariés ne se demandent pas s’ils vont faire des heures supplémentaires : 5 000 ouvriers de l’automobile au chômage technique pendant deux mois, ce sont plus d’un million et demi d’heures d’inactivité imposée ; 50 000 intérimaires privés d’emploi, ce sont sept millions et demi d’heures de travail perdues !
Le déficit prévu dans ce projet de loi de finances pour 2009, comme celui qui a été constaté dans la loi de finances pour 2008, porte les stigmates des choix opérés depuis le printemps 2007 et nous ramène à l’époque du gouvernement Balladur, quand le ministre du budget, M. Nicolas Sarkozy, faisait valider par la majorité des déficits de plus de 300 milliards de francs !
On aurait pu espérer que, tirant les conclusions des conséquences de ces choix, le Gouvernement présente d’autres propositions à notre assemblée, et ce d’autant que la crise financière ne fait que confirmer la nécessité de rendre plus efficace pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat, l’utilisation des fonds publics.
Aujourd’hui, ce n’est pas de la réduction drastique de l’intervention publique prévue dans ce projet de budget que notre pays a besoin : il a besoin de plus d’intervention publique, de plus de service public.
Vous le comprendrez donc, mes chers collègues : dans ce contexte, nous ne pourrons pas voter ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat, je résumerai en quelques mots le sentiment que me suggère ce projet de budget.
D’abord, quel dommage de ne pas débattre de nos comptes publics toutes administrations confondues ! J’ai entendu tout à l’heure M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique clore la discussion sur les comptes sociaux. Et maintenant, ce ne sont plus les mêmes collègues qui sont présents dans l’hémicycle, ce ne sont plus les mêmes ministres qui sont assis au banc du Gouvernement ! La France est fracturée dans ses comptes : je pense que la consolidation est une exigence que nous n’avons pas encore eu le courage d’imposer mais qui sera nécessaire pour le redressement des comptes publics.
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
M. Alain Lambert. Nous débattrons pendant trois semaines de… 35 % des comptes de la France.
S’agissant de la sincérité de la loi de finances, monsieur le ministre, j’approuve, avec de nombreux autres collègues – et des plus éminents, tels le président de la commission des finances et le rapporteur général –, la révision que vous avez décidée des hypothèses macroéconomiques pour tenir compte de la crise financière et économique qui frappe le monde.
La transparence ainsi manifestée est à l’honneur du Gouvernement tant le travail d’ajustement est lourd pour les services du budget et pour les services de l’économie : rebâtir un projet de loi de finances en pleine discussion parlementaire n’est pas chose aisée, comme le savent ceux qui ont déjà pratiqué l’exercice.
Ce choix, respectueux de notre nouvelle constitution financière, souvenons-nous qu’il n’avait pas été retenu pour la loi de finances pour 1993, comme le soulignait tout à l’heure le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !
M. Alain Lambert. Le Gouvernement avait feint d’ignorer un retournement conjoncturel probablement aussi violent que celui que nous connaissons aujourd’hui, faisant alors perdre à l’acte budgétaire toute sa portée.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Alain Lambert. C’est pourquoi j’estime que, en termes de sincérité budgétaire, la décision que vous avez prise est une bonne décision : c’est un progrès vers la sincérité en matière de finances publiques.
S’agissant de la maîtrise des dépenses, la norme élargie – qui inclut désormais les prélèvements sur recettes et les taxes affectées aux opérateurs, « points de fuite » bien connus – était prévue à « zéro volume », ce qui, avant la révision de l’hypothèse d’inflation pour 2009, représentait une augmentation d’environ 2 % en euros courants. Compte tenu de l’accroissement considérable et préoccupant de la charge de la dette et des pensions, cette norme appelle légitimement les ministères à la stabilité de leurs dotations, en euros courants, entre 2008 et 2009.
Nous nous répétons souvent dans nos rôles, et je vous prie de m’excuser de redire encore une fois – je sais que mon propos agace souvent et qu’on me répond toujours que c’est impossible – que la stabilisation en valeur de toutes les dépenses publiques, toutes administrations confondues, serait la vraie mesure raisonnable. Elle obligerait les administrations – et la méthode a son importance – à proposer elles-mêmes au corps politique les choix drastiques dont il s’exonère, pour l’instant, au risque d’une iniquité intergénérationnelle qui sera, vous le verrez, la honte de ce siècle.
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Alain Lambert. Nous sommes collectivement responsables d’une indignité qui consiste à financer par l’emprunt nos dépenses courantes de fonctionnement, auxquelles nous avons la lâcheté de ne pas faire face, les renvoyant sans vergogne à nos enfants. Je voudrais souligner à cette tribune – pour le coup, c’est la première fois ! – le danger de ce comportement irresponsable.
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Alain Lambert. De deux choses l’une : soit les générations qui nous suivent accepteront d’avoir été sacrifiées, et c’est très peu probable ; soit elles se révolteront, et leur première décision sera de ne pas servir les droits que nous aurons cru généreusement nous octroyer à nous-mêmes.
Futurs retraités de cette assemblée, réveillons-nous ! Notre aveuglement dépensier d’aujourd’hui pourrait nous condamner demain à des réveils douloureux en matière de pensions et de prestations dépendance et de santé. On ne rasera plus gratis !
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Alain Lambert. S’agissant de l’effort en faveur des collectivités locales, il a déjà été fort bien souligné que le Gouvernement n’a pas réduit l’enveloppe de concours de l’État malgré la révision à la baisse de l’inflation. Cela représente 276 millions d’euros supplémentaires : ils seront les bienvenus, monsieur le ministre, pour couvrir les dépenses supplémentaires, si souvent inutiles, que les ministères dépensiers, imperturbablement, continuent d’édicter sans en payer eux-mêmes le premier euro.
Monsieur le ministre, vous m’avez fait l’honneur de me permettre de présider la Commission consultative d’évaluation des normes. Figurez-vous que, lors de notre première séance, nous roulions à la vitesse de 100 millions d’euros à l’heure. J’ai levé la séance au bout de deux heures, considérant tout de même que, 200 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour les collectivités locales, ce n’était pas raisonnable. Eh bien, cela a eu un effet positif puisque, lors de la deuxième séance, nous avions déjà réduit le coût des trois quarts.
Tout cela montre que l’administration centrale regorge de ressources humaines d’une qualité si exceptionnelle, de gens qui se lèvent très tôt le matin et se couchent très tard le soir pour édicter des règles, pour contrôler…, que vous pourrez inventer tout ce que vous voudrez pour favoriser la croissance, tant qu’ils seront là, et en nombre aussi important, cela ne servira à rien.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut réduire les effectifs !
M. Alain Lambert. Leur rôle consiste à empêcher, jamais à aider. (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)
Le rapporteur général, tout à l’heure, a émis sur les moyens nécessaires pour relancer la croissance, sur les questions de fond stratégiques, sur les moyens de forcer les banques à prêter aux entreprises, etc., des avis que je ne partage pas complètement, mais ce ne sont pas de tels désaccords qui m’effraient. Ce qui m’effare, madame, monsieur le ministre, c’est que, toute la journée, vos administrations, par bataillons complets, harcèlent les chefs d’entreprise qui sont en train de se battre avec leur banquier et viennent leur demander de remplir encore des imprimés… Je vous le dis, le comportement de vos administrations à l’égard des chefs d’entreprise est pire encore que l’attitude des banquiers ; c’est mon analyse, personne n’y croit. (Sourires.)
Vous avez nommé un médiateur pour les banquiers : croyez-moi, nommez un médiateur pour les normes, et vous aurez fait beaucoup pour la reprise de l’activité !
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
M. Alain Lambert. J’en reviens aux collectivités territoriales pour saluer le « jaune » qui leur est consacré et qui a été extrêmement bien réalisé. Vous ne recevez pas toujours de compliments dans votre métier, monsieur le ministre ; aussi, j’insisterai sur le fait que, dans sa version 2009, ce « jaune » a été considérablement enrichi et que, dans certains cas, vous êtes même allé au-delà de ce que le Parlement vous avait demandé. Je souhaiterais donc vivement que vous soyez notre messager auprès de vos services pour les complimenter.
S’agissant de la gouvernance des dépenses fiscales, le président de la commission et le rapporteur général ont dit l’essentiel. L’affichage d’un objectif d’évolution des dépenses fiscales et d’une règle d’encadrement des mesures nouvelles est un progrès qu’il faut saluer. La dépense fiscale s’est envolée ces dernières années comme substitut des dépenses budgétaires, constituant un « point de fuite », que nous avons immédiatement identifié, qui s’est opposé à la maîtrise des déficits publics. Interdire les dispositions fiscales en dehors des lois des finances – proposition de la commission des finances – était une solution de bon sens. Hélas, le bon sens n’est plus dans une période triomphante !
L’effort d’évaluation et de détail sur les dépenses fiscales qui figurent au tome II de l’annexe Évaluation des voies et moyens est à saluer, monsieur le ministre, et à encourager. C’est un document de très grande qualité.
En conclusion, je vous supplierai, madame, monsieur le ministre, de faire en sorte que, d’urgence, la vérité soit dite aux Français, qu’elle leur soit dite dans leur langue et non pas dans la nôtre, car, même si nous ne sommes pas des technocrates, nous finissons par le devenir, à vous fréquenter ! (Sourires.) Il faut donc, dans leur langue, leur expliquer que plus de dépenses, notamment de dépenses de fonctionnement, c’est non seulement indigne, mais c’est irresponsable. Dès lors que l’on n’a pas les ressources pour les financer, c’est indigne et c’est dangereux.
Le temps de l’indifférence aux déficits et à la dette est révolu. Les jeunes générations ont maintenant compris que la gestion menée depuis trente ans leur réserve un funeste héritage. Si nous persistons dans notre aveuglement, elles supprimeront tous les avantages que nous croyons naïvement avoir acquis – je pense toujours aux pensions, je pense aux allocations pour la dépendance, je pense au standard de santé auquel nous tenons tant et qui, avec l’espérance de vie qui s’accroît, ne pourra être maintenu.
Mes chers collègues, l’exigence de responsabilité nous adresse un dernier avertissement et nous appelle tous à un sursaut. Pour conduire la politique budgétaire et fiscale juste, il ne suffit pas de s’interroger sur les inégalités sociales : il faut aussi tenir compte des inégalités entre les générations, notamment dans un contexte d’endettement public élevé.
Écoutons cet appel : il est indispensable de le méditer et de faire de ce projet de budget, madame, monsieur le ministre, une première marche de progrès dans cet esprit. C’est ce qui me conduira, pour ce qui me concerne, à le voter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, me voici devant vous pour intervenir dans la discussion générale du projet de loi de finances pour 2009. Que dire de ce projet de budget sans craindre, hélas ! de répéter un certain nombre de vérités qui ont déjà été énoncées par mes collègues ? La répétition ayant malgré tout certaines vertus, je ne désespère pas que nous soyons enfin entendus.
La France doit faire face à une crise financière internationale majeure, qui, nous le voyons tous les jours, affecte son économie.
Or le projet de budget qui nous est aujourd'hui soumis ne prend pas en compte l’ampleur de cette crise et se présente totalement inadapté, me semble-t-il, au regard du contexte économique et social.
Ce texte se place clairement sur une ligne de rigueur budgétaire, qui, une fois de plus, touchera les plus modestes, sans apporter pour autant aucun remède. Si, techniquement, la France a pu éviter d’entrer en récession, de fait, nous sommes en plein dedans ! Le chômage augmente, le pouvoir d’achat recule, l’investissement des entreprises est au point mort et le déficit commercial se creuse.
Sous prétexte que « les finances de l’État sont en difficultés », comme le souligne le président du Comité des finances locales, M. Gilles Carrez, le Gouvernement maintient coûte que coûte sa volonté de maîtriser le rythme des dépenses pour un retour à l’équilibre des finances publiques, plus improbable que jamais, à l’horizon 2012. Pour ce faire, il a choisi de réduire, de façon draconienne, les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Vous le savez, en tant qu’ancien président de l’Association des maires de la Martinique, je suis très attaché aux collectivités locales, plus particulièrement aux communes.
Or le mauvais traitement que le Gouvernement inflige aux collectivités territoriales dans ce projet de budget pour 2009 me déconcerte. L’État ne fournira pas aux collectivités les moyens d’assurer convenablement les missions qu’il leur a transférées dans le cadre de la décentralisation.
La discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, ici même, le 6 novembre dernier, a été l’occasion pour le Gouvernement de réviser les prévisions macroéconomiques sur lesquelles est fondé le projet de loi de finances pour 2009.
Ainsi, l’inflation, initialement prévue à 2 %, est révisée à 1,5 % en 2009, soit une baisse de 0,5 point. La croissance sera, quant à elle, presque nulle en 2009 – entre 0,2 % et 0,5 %, au lieu du 1 % prévu – et devrait remonter en 2010 et 2011, à respectivement 2 % et 2,5 % d’évolution du PIB.
À la suite de la révision du taux de l’inflation, le Gouvernement aurait pu appliquer ce nouveau taux aux dotations de l’État pour les collectivités territoriales. Or il a décidé de ne pas remettre en cause l’évolution des concours financiers pour 2009, en préservant ainsi une évolution de 2 %.
Selon le rapporteur général, M. Philippe Marini, ce « geste » du Gouvernement représenterait un gain de l’ordre de 275 millions d’euros, lequel permettrait aux collectivités de jouer le rôle d’amortisseur de la crise actuelle.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Serge Larcher. Néanmoins, le Gouvernement ne peut pas se permettre d’afficher ce montant de 275 millions d’euros comme un cadeau octroyé aux collectivités locales,...
Mme Nicole Bricq. Exactement !
M. Serge Larcher. ...parce que le nouveau périmètre de l’enveloppe des dotations fait perdre initialement aux collectivités plus de 440 millions d’euros.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Serge Larcher. Par ailleurs, s’il est vrai que l’enveloppe des dotations, telle qu’elle est définie pour 2009, progresse bien de 2 %, l’évolution de l’enveloppe normée, selon le périmètre défini en 2008, est bien inférieure à 1 %. Elle oscillerait entre 0,7 % et 0,8 %, selon l’Association des maires de France.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Serge Larcher. Cette année, le périmètre de l’enveloppe normée des dotations aux collectivités territoriales changera et plusieurs compensations seront intégrées dans cette enveloppe.
Au chapitre des inquiétudes des élus locaux figure l’intégration du FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA. Or ce fonds est à lui seul très dynamique, qui progressera en 2009 de 660 millions d’euros.
Certes, cette intégration fait gonfler le montant global de l’enveloppe, mais elle dissimule en réalité une moindre augmentation des autres dotations. Cela signifie que plus de la moitié de l’augmentation de l’enveloppe des dotations de 1,1 milliard sera consommée par le FCTVA.
Le Gouvernement crée ainsi un mécanisme pervers : plus les collectivités investiront et plus elles seront pénalisées sur leurs dotations. C’est pour le moins inquiétant, à l’heure où ces structures mobilisent plus de 75 % de l’investissement public !
En d’autres termes, ce nouveau tour de vis imposé aux collectivités locales est une atteinte au pouvoir d’achat. En effet, étouffer financièrement les collectivités locales, c’est prendre le risque d’un ralentissement de l’investissement public, dont on sait qu’il soutient fortement les PME, donc l’activité, et c’est également prendre le risque d’une augmentation de la pression fiscale, alors que c’est la fiscalité locale qui est la plus injuste.
Aussi, comme l’ensemble des associations d’élus locaux, je suis farouchement opposé à ce que le FCTVA se transforme en dotation et soit intégré à l’enveloppe. Il doit rester un remboursement de la TVA acquittée par les collectivités locales au moment où elles investissent.
Les collectivités territoriales sont confrontées à un autre problème assez grave, à savoir la reconduction à l’identique du montant de certaines dotations de fonctionnement, comme la dotation générale de décentralisation. Ces dotations sont donc toutes gelées, illustrant ainsi la cure d’austérité imposée aux collectivités par l’État. Les élus locaux ne s’y trompent guère !
Plus encore, j’observe que, comme pour respecter un certain parallélisme des formes, les montants de plusieurs dotations d’investissement ont tous été reconduits de manière identique à 2008, qu’il s’agisse de la dotation globale d’équipement des communes, de la dotation globale d’équipement des départements, de la dotation départementale d’équipement des collèges, de la dotation régionale d’équipement scolaire ou de la dotation de développement rural.
Là encore, ces dotations sont gelées et n’augmenteront pas plus par rapport à leur montant de 2008, illustrant la même austérité. Même constat, même sanction !
Pourtant, nous le savons, et toutes les observations que je viens de formuler le confirment, sur les 15 milliards d’euros d’investissement habituels réalisés par les conseils généraux, une baisse de l’ordre de 30 % est malheureusement à prévoir cette année.
À n’en pas douter, cela ne sera pas sans conséquences sur le niveau d’activité, et donc sur l’emploi. En réalité, il s’agit d’un véritable coup d’arrêt des investissements locaux, qui demeurent l’un des principaux vecteurs de la croissance.
Et comme si les collectivités locales n’étaient pas suffisamment asphyxiées, les montants des compensations par l’État des exonérations de certains impôts locaux, imposées aux collectivités territoriales, seront considérablement réduits et constituent, en réalité, une variable d’ajustement. Cette mesure est d’ailleurs l’une des plus restrictives à leur égard !
Malgré une légère amélioration apportée par l’Assemblée nationale, le taux d’évolution entre le montant de 2008 des compensations et le montant de 2009 reste encore de moins 17,7 % ! C’est une véritable catastrophe pour les collectivités territoriales.
Ce projet de loi de finances pour 2009 soulève également l’épineuse question de la taxe professionnelle. Mais déjà son plafonnement a pénalisé les communes et les intercommunalités.
En effet, si la réforme de la taxe professionnelle reste pour le Président de la République à « imaginer », les conséquences de la réforme adoptée en 2005 sont durement ressenties par les collectivités territoriales, qui n’ont nullement décidé cette diminution de leurs recettes.
Bien sûr, ce sont les régions, les départements et les structures intercommunales qui sont les plus gros perdants de cette réforme, puisqu’ils doivent assumer un manque à gagner de 624 millions d'euros sur un total de 645 millions d'euros pour l’ensemble des collectivités. Cette participation représente 3,6 % de la taxe professionnelle qu’ils perçoivent et 2 % du produit fiscal des quatre taxes directes locales.
Au regard de l’impact financier de ce plafonnement pour les collectivités, il est urgent d’engager une réforme de la taxe professionnelle, réforme qui avait été initialement prévue pour ce projet de loi de finances. Quoi qu’il advienne, il faudra qu’elle soit intégrée à une réforme de l’ensemble de la fiscalité locale, sans quoi l’équilibre fiscal entre les ménages et les entreprises serait remis en cause.
J’en viens à la dotation de solidarité urbaine, ou DSU. Je me réjouis que sa réforme soit reportée et que les critères d’attribution ne soient révisés qu’après une véritable concertation de l’ensemble des élus, tous bords confondus.
Il ne faudrait pas que la modification des critères de la DSU aboutisse à l’exclusion d’un certain nombre de communes, sans pour autant recentrer le dispositif sur celles qui en ont le plus besoin. Je pense bien sûr aux communes d’outre-mer, qui connaissent une situation financière très tendue et cumulent des handicaps structurels dus à leur éloignement, à l’insularité ou encore à l’exposition aux risques majeurs, handicaps dont il n’est point tenu compte dans le calcul de leurs dotations.
Je ne saurais terminer, madame la ministre, monsieur le ministre, sans attirer très vivement votre attention sur la forte dégradation des finances des conseils généraux d’outre-mer, particulièrement concernés par l’insuffisante compensation financière des transferts de compétences. Ces structures attendent un meilleur soutien de l’État, avec des dotations appropriées et calculées sur l’inflation réelle, ainsi qu’un apurement de l’important passif, qui est notamment dû à l’APA et au RMI. Ce passif s’élève à 37 millions cumulés non compensés depuis 2003 pour la Martinique et à 1,5 milliard d’euros pour l’ensemble des conseils généraux d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de formuler quelques observations sur ce projet de loi de finances pour 2009.
Je commencerai par un peu d’arithmétique. Madame le ministre, ce texte prévoit 349,8 milliards d’euros de dépenses et 298,5 milliards d’euros de recettes. Ce n’est pas équilibré : il manque 49,2 milliards d’euros. Et on peut s’attendre à un déficit plus important – il est déjà question de 57 milliards d'euros –, si les recettes budgétaires sont moins élevées que prévu.
Ce déficit budgétaire n’est pas loin d’atteindre 3 % du PIB. En outre, il pourrait encore s’aggraver, à la suite de nouvelles dépenses que le Gouvernement déciderait, comme il en a l’habitude, après le vote du budget, à moins qu’il ne s’applique à lui-même l’article 40 de la Constitution, comme je l’ai déjà demandé.
Ce déficit considérable aggravera encore notre dette et notre service de la dette. Ce dernier atteindra 44 milliards d’euros pour 2009, voire plus, si le déficit augmente en cours d’année.
Ainsi, ce seront 44 milliards d’euros ou plus de recettes fiscales qui partiront en fumée. Je rappelle que le montant des impôts sur les revenus sera de 59 milliards en 2009. Si nous poursuivons dans cette voie, ce sera la totalité de ce produit qui s’évanouira.
Je prendrai une autre image : si nous voulions supprimer la dette, qui est aujourd’hui de plus de 1 200 milliards d'euros, et si nous affections chaque année un budget de 10 milliards d'euros consacré à son remboursement, ce qui serait difficile, 120 ans seraient nécessaires, à condition en outre d’être revenus à l’équilibre, ce qui est évidemment impossible.
M. Jean-Jacques Jégou. Heureusement, la durée de vie s’allonge ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. C’est possible avec la retraite à 70 ans ! (Nouveaux sourires.)
M. Serge Dassault. Cela montre l’ampleur du problème, dont il faudrait se préoccuper par une politique systématique de réduction des dépenses de fonctionnement et d’allégement de charges.
À ce propos, je salue l’effort de réduction du nombre de fonctionnaires engagé par le Gouvernement. Mais je rappelle que le nombre de fonctionnaires territoriaux augmente chaque année de plusieurs milliers. En effet, les collectivités locales sont contraintes de titulariser au bout d’un certain temps leurs contractuels, qui sont d’ailleurs souvent d’anciens stagiaires.
Cela est contradictoire et je souhaite que ce problème soit traité d’urgence, par la suppression de cette obligation de titularisation faite aux collectivités territoriales. Voilà comment on fabrique des fonctionnaires, qui restent éternellement dans les communes, provoquant d’importantes difficultés budgétaires.
Il faudrait donc à la fois réduire le nombre de fonctionnaires d’État, mais aussi ne pas augmenter celui des collectivités territoriales.
N’oublions pas non plus que la majeure partie de nos déficits budgétaires provient d’emprunts, destinés à financer des dépenses de fonctionnement récurrentes, comme les allégements de charges, sans limite dans le temps, qui se renouvellent donc chaque année, qui ne procurent aucune recette et aggravent la dette.
Je rappelle que l’orthodoxie financière de gestion des entreprises interdit formellement d’emprunter pour financer des dépenses de fonctionnement. On emprunte pour financer des dépenses d’investissement, ce qui rapporte, et non des dépenses de fonctionnement, comme, malheureusement, le prévoit ce projet de budget.
On devrait adopter ce principe comme obligation absolue, et même le rajouter dans la Constitution.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On appelle cela la règle d’or !
M. Serge Dassault. Il faudrait l’appliquer !
Cela signifie que si l’on veut réduire le déficit budgétaire d’ici à 2012 – objectif du Gouvernement –, il aurait fallu impérativement commencer à diminuer les allégements de charges dès le projet de loi de finances pour 2009.
On n’y arrivera pas autrement. On cherche à faire des économies. En l’occurrence, ce sont 20 milliards d’économies qui pourraient être réalisés, au fur et à mesure.
Il aurait donc fallu prévoir dans ce projet de loi de finances, par exemple, la réduction des allégements de charges sur salaires de 1,6 à 1,4 SMIC. Je rappelle qu’en 2004, lorsque j’ai présenté mon premier projet de budget relatif à l’emploi, une diminution de 1,7 à 1,6 SMIC avait été adoptée sans aucun problème. Pourquoi ne pas continuer ? Cela permettrait d’alléger les charges budgétaires.
Il faudrait aussi décider que tous les allégements de charges sur salaires seront limités dans le temps et s’arrêteront à une date donnée, par exemple dans quatre ou cinq ans, voire moins. Cela permettrait aux entreprises de s’adapter. Or on continue à alléger les charges sans limitation de durée. Les entreprises s’habituent à cet état de fait avec grand plaisir.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est une bonne idée !
M. Serge Dassault. Elles poussent des cris dès que l’on parle de supprimer ces allégements, parce qu’on ne les a pas prévenues à temps.
Aujourd’hui, aucune limite de durée, aucune réduction des taux n’est prévue en matière d’allégements de charges. On ne touche à rien. Cela peut durer longtemps. C’est grave car tous les nouveaux allégements de charges s’ajoutent aux précédents sans aucune limitation. C’est un peu ce que l’on appelle l’échelle de perroquet : on monte mais on ne redescend pas !
Mais je sais bien que le Gouvernement est soumis à un difficile dilemme : ou réduire les allégements de charges et risquer de voir augmenter le chômage, ou les maintenir et supporter une dette de plus en plus lourde, qui aura des conséquences de plus en plus graves. Qu’est ce qui est le plus important : risquer d’aggraver le chômage ou augmenter notre endettement ? Je choisirai, pour ma part, la réduction de l’endettement, car accroître sans limite les dettes et les charges de la dette va bientôt conduire l’État à une impossibilité d’assurer les dépenses avec les recettes fiscales dont une part de plus en plus grande disparaît avec les charges de la dette.
En réalité, ce qui compte pour les entreprises, ce sont toutes les charges sur salaires qui aggravent les coûts de production et qui réduisent les ventes. Aujourd’hui, ces charges représentent autant que le salaire lui-même. Par exemple, pour une rémunération de 1 000 euros le coût pour l’entreprise est de 2 000 euros. Une entreprise hésite donc à embaucher.
Mais il existe d’autres moyens de diminuer ces charges, sans que ce soit l’État qui paie. Par exemple, – j’en ai parlé dans cet hémicycle lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale – on pourrait supprimer des charges sur salaires tout ce qui concerne l’assurance maladie et la famille car ces dépenses ne concernent pas l’activité des entreprises. Cela représente 30 % du total des charges payées par les entreprises, soit 100 milliards d’euros. Le montant de ces charges pourrait être payé par les entreprises, et non par l’État afin de ne pas lui imposer une charge supplémentaire. C’est ce que j’ai proposé sous la forme d’un coefficient d’activité associé au chiffre d’affaires moins la masse salariale, dispositif que je souhaiterais voir étudier de façon plus approfondie. Ce sont des mesures simples mais des personnes trouvent toujours des arguments pour ne rien faire. C’est dramatique.
Je regrette que cette solution n’ait pas encore été prise en considération, malgré mes nombreuses demandes à différents ministres des finances. Il s’agit d’une mesure fondamentale pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, qui ne coûtera rien à l’État et sans laquelle notre production sera de plus en plus délocalisée.
Cette solution allégerait les charges sur salaires de 30 %, réduirait les coûts de production et permettrait à l’État d’économiser sur les remboursements de charges entre 7 milliards d’euros et 9 milliards d’euros, car il en bénéficierait lui-même, diminuant le coût de l’allègement des charges ainsi réduites.
J’aurais bien voulu déposer un amendement tendant à abaisser les remboursements de charges de 1,6 à 1,4 SMIC, mais j’aurais souhaité avant obtenir l’accord du Gouvernement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas possible !
M. Serge Dassault. Il ne semble pas encore prêt à agir ainsi, mais c’est la seule façon pour l’État de réduire les charges sans pénaliser ses activités normales. Il s’agit de dépenses de fonctionnement.
Il faudrait aussi accompagner les entreprises par des mesures qui leur permettraient d’embaucher plus facilement. Par exemple, il conviendrait de leur donner plus de flexibilité en matière d’emploi ou de leur accorder des crédits d’investissement remboursables pour développer des produits nouveaux, pour exporter. Cela serait bien plus utile que de multiplier les emplois aidés.
Je souhaite que le Gouvernement examine ces propositions afin de réduire très rapidement nos dépenses budgétaires. On oublie totalement que la réduction du chômage dépend beaucoup plus de la volonté de nos entreprises de développer leurs activités et d’embaucher en France que de la multiplication des emplois aidés, qui réduisent le chômage de façon artificielle et aggravent nos déficits.
Un autre amendement que j’aurais bien voulu déposer tendait à supprimer totalement l’ISF, qui fait un tort considérable à notre économie, qui oblige nos investisseurs à s’expatrier et à investir à l’étranger où ils ne payent pas d’ISF. N’oublions pas que chaque jour trois ou quatre Français quittent notre pays avec leur fortune. Le bilan de l’ISF est catastrophique et s’il est plaisant, pour certains, de faire payer les riches, le risque est de ne plus avoir dans notre pays de telles personnes aisées car elles partent vivre ailleurs. Or, sans les riches, il n’y a plus d’investissements, plus de créations d’emploi. Le chômage augmente. Le partage des richesses comme celui du travail – les 35 heures – sont dangereux, illusoires et aboutissent à l’appauvrissement général et au chômage.
À ce sujet, j’ai été très heureux d’apprendre, monsieur Arthuis, que vous aviez proposé de supprimer l’ISF avec le bouclier fiscal.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le bouclier fiscal est un enfant de l’ISF !
M. Serge Dassault. Je vous encourage fortement à continuer dans ce sens.
Voilà quelques réflexions et propositions que je me permets de vous faire, madame le ministre, monsieur le ministre, dans un souci de bonne gestion financière et de développement économique, sans lequel il n’y aura pas de croissance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur général, nous gardons bien le cap sur la réforme de l’État. D’ailleurs, vous faites partie du comité de travail relatif à la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Elle est plus que jamais d’actualité.
La phase d’application est en cours. De nombreuses mesures ont été décidées. Un travail considérable a été effectué. Le premier résultat de ce travail, c’est la diminution du nombre de fonctionnaires, que d’aucuns peuvent contester, certes. Le Gouvernement considère qu’il s’agit d’une politique d’avenir à la fois pour la fonction publique et pour les finances publiques.
Lors de la deuxième phase de la RGPP, il conviendra de continuer à utiliser les très riches matériaux d’éclairage de l’ensemble des politiques et de l’organisation des administrations. Il sera également nécessaire d’ouvrir davantage les travaux, et nous verrons comment mieux y associer, notamment, le Parlement.
Monsieur le rapporteur général, l’un de vos propos m’a réjoui. En effet, vous avez demandé à l’ensemble de vos collègues de ne pas faire preuve de trop de créativité en matière de dépenses et donc in fine d’augmentation du déficit de l’État. Étant donné l’ampleur de ce déficit, point n’est besoin d’en rajouter, si je puis dire.
Il est très important que nos débats se déroulent dans cet état d’esprit. Des redéploiements seront peut-être nécessaires. Les idées nouvelles sont les bienvenues, et en général les sénateurs n’en manquent pas. Quoi qu’il en soit, il serait judicieux, en définitive, de ne pas dégrader le solde de l’État.
Par ailleurs, j’ai noté votre volonté de continuer à réfléchir à l’enveloppe consacrée aux collectivités locales. Nous aurons l’occasion d’en parler de nouveau. Je l’ai déjà dit, le Gouvernement souhaite bien sûr en rester au 1,1 milliard d’euros supplémentaires prévus dans l’enveloppe actuelle.
Je vous remercie, monsieur le président de la commission des finances, de soutenir la stratégie globale proposée dans ce projet de loi de finances. Ce texte n’est pas comme les autres projets de loi de finances. En effet, il affiche une réduction du rythme d’évolution très fort de la dépense publique. De surcroît, il intervient dans un contexte de crise économique considérable, qui a amené tant Mme Lagarde que moi-même à réviser les hypothèses macroéconomiques et à en tirer les conséquences sur les principaux chiffres qui figurent dans ce PLF.
Vous soulignez d’ailleurs très bien que le déficit, dont personne ne peut se satisfaire, c’est le moins que l’on puisse dire, contribue d’une certaine façon à la relance au travers de mécanismes stabilisateurs dits « automatiques ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un plan de relance !
M. Éric Woerth, ministre. Dans un pays où la dépense publique atteint 50 %, la relance est plus forte en laissant jouer ces stabilisateurs que dans un État où cette dépense s’élèverait à 20 %, 30 % ou 40 %. Il faut bien avoir à l’esprit cet élément car la structure même de la dépense de notre État conditionne les actions de relance que l’on peut mener. L’« édredon » est donc plus fort dans un État comme le nôtre que dans un pays qui n’aurait pas ce niveau de dépenses publiques.
Madame Bricq, ce projet de budget soutient l’économie. Ce n’est pas un budget procyclique, c’est-à-dire un budget qui accroîtrait la profondeur ou le rythme de la crise. Tout d’abord, par le biais des stabilisateurs automatiques, autrement dit le fait de ne pas chercher à compenser les déficits, qui eux-mêmes ont une action sur la croissance. Ensuite, parce que, dans ce budget, on finance des dépenses prioritaires, que vous connaissez fort bien. Un choix a été effectué, ce qui n’était pas souvent le cas jusqu’à présent : tous les secteurs étaient considérés comme prioritaires ce qui entraînait automatiquement une augmentation insensée de la dépense. Tel n’est pas du tout le cas dans ce projet de budget.
On peut contester nos priorités – c’est le jeu de la vie politique –, mais nous les assumons assez bien. Ces priorités concernent l’enseignement supérieur, la recherche, le Grenelle de l’environnement.
Dans ce projet de budget, le Gouvernement opère des choix et rejette l’augmentation des prélèvements obligatoires.
Monsieur Jégou, je partage votre point de vue, la dépense d’avenir un enjeu majeur. Le projet de budget en tient compte. Comme l’a rappelé récemment le Président de la République, d’ici à 2012, les dépenses d’investissement représenteront 175 milliards d’euros. Certes, nous donnons au mot « investissement » pas tout à fait le sens qui lui est donné ailleurs, puisqu’il s’agit de dépenses d’équipement, mais aussi de dépenses d’éducation, d’enseignement supérieur ou de recherche. Nous pourrons débattre de ce point de vue si vous le souhaitez.
Je note aussi votre engagement à lutter contre les niches fiscales et sociales, et ce n’est d'ailleurs pas la première fois que vous faites part de vos convictions sur ce sujet. En l’occurrence, nous avons encore bien du chemin à parcourir, mais le Gouvernement a déjà accompli des progrès notables, me semble-t-il.
Je tiens aussi à vous confirmer que la RGPP est en marche. Dès la semaine prochaine, après un travail de préparation intense – Christine Lagarde peut en témoigner –, qui nous a conduit à travailler avec tous les membres du Gouvernement et à examiner les actions menées dans chaque ministère, je présenterai une synthèse sur cette démarche en conseil des ministres.
Des heures de travail ont été nécessaires pour préparer cette communication, qui dressera le bilan de nos réalisations en la matière.
Toutefois, il ne s’agit pas pour moi d’un point d’arrivée, mais d’une étape dans un processus qui sera évidemment poursuivi, comme je l’ai déjà souligné en répondant à M. le rapporteur général.
Monsieur Foucaud, la solution ne réside évidemment pas dans la dépense publique, même si j’ai bien conscience que notre divergence sur ce point est politique.
Notre dépense publique est si élevée qu’il nous faut avant la réduire structurellement, même si nous pouvons bien sûr relancer l’économie, aider un secteur ou considérer qu’une dépense particulière est véritablement nécessaire.
En effet, nous vivons dans un État où la dépense publique est devenue trop importante, au point qu’elle constitue un frein aux investissements privés. Telle est en tout cas notre conviction.
En ce qui concerne les paradis fiscaux, j’estime que nous prenons ce problème à bras-le-corps, mais que nous ne pouvons le régler seuls : c’est l’affaire de nombreux États, sinon de la communauté internationale dans son ensemble.
La France avec ses 64 millions d’habitants ne peut vaincre seule les paradis fiscaux ! Une démarche collective est nécessaire. Il est toujours loisible de publier une tribune dans un journal ou de prononcer un discours condamnant les paradis fiscaux, mais le problème ne sera pas réglé pour autant ! Si nous voulons vraiment le résoudre, nous devons faire en sorte que l’OCDE, le G7, et toutes les autres instances internationales qui prennent les décisions dans ce bas monde agissent dans le même sens.
C’est ce que nous ferons, dès l’an prochain, notamment en publiant, en lien avec l’OCDE, la véritable liste des paradis fiscaux, comme nous nous y sommes engagés récemment.
Monsieur Bourdin, vous avez raison, me semble-t-il, de souligner que l’État doit agir de manière contra-cyclique, c'est-à-dire s’opposer à une phase de dépression économique ou de diminution de la croissance telle que nous l’avons connue dans le passé, et encore l’année dernière.
L’arme budgétaire existe, et nous nous en servons. Nous l’avons utilisée à travers le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. De même, nombre de mesures de ce projet de loi de finances sont contra-cycliques et donc, d’une certaine façon, « anti-crise ».
Nous verrons s’il est nécessaire d’aller plus loin. Vous savez que le Président de la République et le Premier ministre ont souligné que nous ne fermerions aucune porte. Comment pourrions agir autrement, d'ailleurs, quand nous sommes aussi peu sûrs de l’avenir ? L’incertitude est totale. Le Gouvernement restera réactif, comme il se doit.
Monsieur de Montesquiou, comme plusieurs de vos collègues, vous vous êtes inquiété de l’avenir, ce qui est évidemment légitime.
Pour en avoir parlé avec vous en aparté, j’ai retenu que vous étiez plutôt favorable, comme Alain Lambert d'ailleurs, à ce que l’on appelle le « zéro valeur », c'est-à-dire la stabilisation des dépenses publiques en euros constants. Toutefois, pouvons-nous comprimer encore la dépense publique ?
J’apporterai deux réponses à cette question.
Tout d'abord, nous disposons d’une loi de programmation pluriannuelle, qui est plus contraignante qu’un simple débat d’orientation budgétaire. Ce document fait apparaître précisément les crédits affectés à chaque mission budgétaire. Vous pourrez vous y référer l’an prochain et pointer les divergences qui pourraient apparaître par rapport à nos prévisions, par exemple en matière culturelle, et qui poseraient problème. Il s'agit donc d’un instrument de contrôle et de maîtrise de la dépense publique.
Ensuite, la stabilisation en valeur des dépenses publiques, qui donc ne prend pas en compte l’inflation, s’applique déjà au total de la masse salariale et de l’intervention publique, à condition, il est vrai, d’en soustraire l’augmentation de la charge de la dette et des pensions. Nous agissons de façon responsable !
M. Aymeri de Montesquiou. L’effort est bien faible !
M. Éric Woerth, ministre. Pas tant que cela, monsieur le sénateur ! Nous ne pourrions aujourd'hui absorber cette augmentation. Laissez-moi vous dire que si nous nous étions engagés dans cette voie, notre débat d’aujourd'hui ne porterait pas sur l’évolution de nos finances, mais sur l’effondrement des services publics !
Nous devons effectivement réduire la dépense publique, mais pas en suivant une ligne de pente trop forte, sinon nous échouerons.
Pour absorber l’augmentation de la charge de la dette et des pensions, il aurait fallu trouver 7 ou 8 milliards d'euros supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2009, ce qui, compte tenu de la compression des dépenses que nous avions déjà réalisée, n’était pas possible. Pour vous donner quelques repères, même si vous n’en manquez pas, cette somme représente deux fois le budget de l’action extérieure de la France ! La réduction des dépenses constitue en tout cas pour nous une préoccupation constante.
Monsieur Angels, je pense, comme Christine Lagarde, que ce budget est parfaitement adapté à la situation. La preuve, c’est qu’il ne laisse pas indifférent et qu’il a suscité de nombreux débats ! Certains affirment qu’il n’est pas sincère, d’autres le jugent trop ou pas assez dépensier, d’autres encore s’inquiètent pour les collectivités territoriales. Qu’on l’approuve ou non, ce projet de loi de finances possède donc son identité propre, et j’en suis heureux.
Monsieur Maurey, les collectivités territoriales ne peuvent planer au-dessus du pays. L’État ne peut les mettre « hors crise », comme on mettrait des maisons hors d’eau. Malheureusement, elles aussi vont subir la crise, comme la France, l’Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni et presque tous les pays du monde. L’État ne peut absorber pour elles les conséquences des difficultés économiques.
Nous devrons – moi y compris, en tant que maire – tenir compte de cette réalité et nous y préparer. C’est ce que l’État s’efforce de faire en définissant des règles, qui ensuite peuvent être discutées et acceptées, ou non, mais notre proposition a au moins le mérite d’être sur la table depuis le mois de juillet dernier.
Certes, nous intégrons le fonds de compensation pour la TVA, dont nous considérons qu’il constitue bien un remboursement, dans la progression des concours aux collectivités territoriales. Toutefois, ces derniers augmentent tout de même de 1,1 milliard d'euros ! Au total, les dégrèvements et remboursements, qui sont retracés dans un chapitre spécifique du projet de loi de finances, s’accroissent tout de même de 3,2 % par rapport à l’année dernière. Ce n’est pas ce que j’appellerai de l’austérité, ni une injustice faite aux collectivités territoriales !
Mesdames, messieurs les sénateurs, le « toujours plus » ne constitue pas une solution, et en tout cas il ne s’appliquera pas cette année, ni probablement dans les années qui viennent. En revanche, nous devons, à mon avis, être toujours plus justes et plus transparents. On peut approuver, ou non, nos orientations budgétaires, mais au moins celles-ci sont-elles présentées honnêtement.
Je voudrais indiquer à M. Lambert que nous réduisons le nombre de fonctionnaires, et qu’en même temps nous voulons que ceux-ci soient mieux rémunérés, que leurs responsabilités soit mieux identifiés, que leur métier soit plus valorisé.
L’effectif des administrations centrales a été réduit comme jamais. Le nombre de fonctionnaires a autant diminué en un an que pendant les cinq années précédentes, Alain Lambert est bien placé pour le savoir. Je crois donc qu’on ne peut nous faire de reproche à ce sujet.
J’observe d'ailleurs que l’administration des douanes contribue également à la réduction du nombre de fonctionnaires, ce qui n’était pas le cas quand elle se trouvait placée sous l’autorité de M. Lambert… L’effectif de ses agents s’est réduit de 50 %, contre 20 % à l’époque. Il est facile de critiquer l’action gouvernementale quand on est loin, mais c’est plus difficile quand on s’en occupe de près !
Monsieur Serge Larcher, je ne reviendrai pas sur la question du FCTVA. En tout cas, le présent projet de loi de finances n’est pas un budget de rigueur, et il ne frappe sûrement pas les plus faibles.
D'abord, un budget ne frappe personne, et ensuite, par principe, il ne s’attaque pas aux plus faibles, que nous essayons plutôt d’aider !
Mesdames, messieurs les sénateurs, quand vous votez le revenu de solidarité active, je n’ai pas le sentiment que vous frappez les plus faibles, mais plutôt que vous les aidez et les protégez. Franchement, un État où 50 % de la richesse publique est redistribuée ne s’attaque pas aux plus démunis ! Mais peut-être ne parliez-vous pas de la France ?
Sincèrement, je pense que nous n’avons pas à rougir de nos dépenses sociales, qu’il faut plutôt, probablement, mieux utiliser, réorganiser et rendre plus efficaces, et c’est ce que nous essayons de faire. L’État français sait ce que la solidarité nationale veut dire !
Enfin, monsieur Dassault, vous plaidez depuis longtemps et avec constance pour l’instauration d’un coefficient sur la valeur ajoutée. Toutefois, cette mesure a déjà été étudiée, je me permets de le rappeler, par le Conseil d’analyse économique et par le Conseil d’orientation pour l’emploi, qui l’ont trouvée quelque peu dangereuse.
Vous êtes un industriel et un homme politique, et vos idées bénéficient de la grande expérience qui est la vôtre. Je veux donc bien percer l’abcès et demander à mes services, dans les trois ou quatre mois qui viennent, de faire le point de façon précise et objective sur cette question.
En effet, ce débat ne doit pas traîner pendant des années : soit il s'agit d’une bonne idée et nous verrons comment la mettre en œuvre, soit ce n’est pas le cas et alors je suis sûr que nous en tomberons d'accord.
Enfin, en ce qui concerne les allégements généraux de charge, vous défendez une position qui, dans votre situation, est courageuse.
Aujourd'hui, l’État accorde quelque 23 milliards d'euros de réductions de charges sociales sur les salaires compris entre 1 SMIC et 1,6 SMIC. Il s'agit de compensations versées pour les 35 heures et les heures supplémentaires, auxquelles il faut ajouter certains allégements ciblés de cotisations sociales.
Les réductions de charges sont donc très importantes, mais elles contribuent à alléger le coût du travail. Bien sûr, ces mesures coûtent cher, car elles représentent un manque à gagner en termes de cotisations sociales, mais elles bénéficient aux entreprises.
Vous me répondrez que celles-ci les payent in fine parce que ces sommes alimentent le déficit, qui est répercuté sur l’économie. Toutefois, ces allégements contribuent à améliorer la compétitivité du travail française dans une proportion qui n’est pas négligeable.
En ces temps de crise où toute décision peut avoir des effets très importants sur l’emploi – je m’exprime devant la ministre chargée de ce dossier –, il ne me semble pas opportun de nous lancer dans une expérimentation aussi hasardeuse.
Toutefois, il ne s'agit pas d’un sujet tabou. Nous appliquerons votre proposition dans les zones franches urbaines, en diminuant légèrement les allégements de charges et surtout en rendant plus cohérent ce dispositif. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je répondrai rapidement aux interventions qui n’auraient pas déjà été habilement traitées par Éric Woerth.
Monsieur le rapporteur général, j’ai été particulièrement sensible à vos remarques sur la politique économique menée par la France.
Vous avez en particulier souligné que nous aurions tout intérêt à concentrer nos efforts de relance économique sur l’investissement, et je crois que vous avez raison. C’est précisément la politique que nous tentons de mener actuellement. Nous poursuivrons nos effort en ce sens et nous trouverons, j’en suis sûre, de nouveaux outils, je l’espère, dans un cadre européen.
Parmi les mesures que nous avons déjà adoptées en faveur de l’investissement, je rappellerai rapidement le crédit d’impôt recherche, le soutien aux pôles de compétitivité, qui vient d’être prolongé pour trois ans, l’exonération de la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements réalisés depuis le 23 octobre dernier et le plan de soutien aux petites et moyennes entreprises.
À cet égard, je pense en particulier aux 17 milliards d'euros qui ont été mobilisés, dont 14,3 milliards d'euros dégagés par les banques au bénéfice du financement des petites et moyennes entreprises, ainsi qu’aux 5 milliards d'euros qui ont été décentralisés auprès d’OSEO pour permettre à cette agence d’assurer à la fois des cofinancements et des garanties. Enfin, 5 milliards d'euros ont été mis à disposition des collectivités territoriales.
Certes, il ne s’agit pas là d’un soutien direct à l’investissement des petites et moyennes entreprises, mais ces sommes constituent une part importante de l’investissement global dans notre pays. Au total, 27 milliards d'euros se trouvent mis à disposition soit des petites et moyennes entreprises, soit des collectivités territoriales.
En outre, nous avons sollicité un effort de la Banque européenne d’investissement, à laquelle nous avons demandé d’accroître de 50 % les concours qu’elle consent aux petites et moyennes entreprises. Actuellement, nous sommes en discussion avec elle pour mettre en place un programme de financement encore plus abondant et qui, surtout, bénéficierait à davantage d’entreprises.
Nous souhaitons en particulier aider certains secteurs comme l’automobile. Celle-ci doit développer sa recherche et développement pour franchir une étape technologique difficile et qui vient s’ajouter à la crise conjoncturelle dans laquelle elle se trouve déjà plongée.
Vous avez évoqué des financements extrabudgétaires, en particulier à l’échelon européen. C’est effectivement une voie dans laquelle nous souhaitons avancer plus vite et aller plus loin avec la Commission européenne, et avec le concours la Banque européenne d’investissement.
Vous avez également souligné la nécessité qu’il y avait tout à la fois à encourager l’investissement et à veiller à la cohésion sociale. L’instauration du revenu de solidarité active, tel qu’il est actuellement prévu et avec le développement qu’il connaîtra au cours de l’année 2009, devrait constituer un moyen de répondre aux difficultés que rencontrent les personnes les plus éloignées du monde du travail.
J’ajoute que l’effort considérable que nous demandons à l’ensemble du personnel de Pôle emploi, en vue d’un accompagnement personnalisé et plus rapide des demandeurs d’emploi, devrait aussi contribuer à soutenir ces personnes.
Je voudrais répondre à vos commentaires concernant les structures en cours de création ou existant déjà et qui permettent de détenir des participations. Le Président de la République a lancé ce matin le Fonds stratégique d’investissement. Celui-ci ne me paraît pas correspondre exactement à la définition habituelle d’un fonds souverain, puisque, malheureusement, nous ne disposons pas d’excédents venant de notre balance des paiements ou d’une rente pétrolière à gérer.
Nous souhaitons simplement soutenir une politique économique fondée sur l’investissement, en utilisant à cet effet le levier public.
De ce point de vue, je rappellerai simplement la distinction effectuée ce matin par le Président de la République. Celui-ci a en effet présenté et soutenu un dispositif comprenant deux organismes.
Le premier, c’est le Fonds stratégique d’investissement, qui est destiné à intervenir, à travers des prises de participation minoritaires, dans le cadre de petites et moyennes entreprises évoluant sur des secteurs stratégiques ou pour sécuriser le capital d’entreprises, elles aussi stratégiques, susceptibles d’être menacées. Ce fonds aurait donc vocation à soutenir dans une passe difficile, à prendre des participations minoritaires dans des secteurs stratégiques, qu’elle que soit la taille de l’entreprise.
Je marque au passage qu’il s’agirait, dans ce cas, d’investissements à durée limitée. L’État ne serait pas nécessairement appelé à participer durablement au capital de ces entreprises. Mais l’objectif serait non pas la rentabilité à très court terme ou à court terme, mais la rentabilité à moyen terme, pour faciliter la transition en attendant une période moins difficile.
L’Agence des participations de l’État, que vous avez évoquée, constitue un second « véhicule » de l’investissement public dans le secteur privé, que celui-ci soit exposé ou non. Placée sous la direction et le contrôle exclusifs de l’État, cette agence aurait vocation à prendre en charge les participations majoritaires à caractère stratégique, pour des durées d’investissement plus longues.
Ce rappel me permet de souligner que l’existence de deux organismes ne me semble pas poser de problèmes particuliers, puisque le type de participation, les cibles visées, la durée d’investissement et l’attente de rentabilité ne sont pas les mêmes.
Monsieur le président Arthuis, vous avez évoqué l’exonération de taxe professionnelle en faisant la distinction entre, d’une part, l’exonération actuellement prévue, qui est ponctuelle et constitue – du moins je l’espère – une mesure forte de soutien à l’investissement, et, d’autre part, la réflexion de long terme que nous devons engager à la fois sur le financement des collectivités locales et sur cette taxe et les éléments entrant dans son assiette.
À cet égard, il faut avancer par étapes et une fois mise en place la mesure puissante et temporaire que j’évoquais, attendre aussi bien les conclusions des travaux de la commission Balladur sur les différents échelons territoriaux que les recommandations des deux chambres du Parlement. Après cela, nous pourrons aborder la question de la fiscalité locale et de la taxe professionnelle. Ce tempo me semble être le plus adapté.
Madame Bricq, je souhaite vous rappeler le cadre dans lequel s’inscrit l’action du Gouvernement. Vous avez évoqué les conclusions du G20 en abordant la question de la relance souhaitée par tous les pays qui le composent. Je veux simplement, à cet égard, attirer votre attention sur le fait que, au cours de cette réunion dont les membres totalisent environ 80 % du produit intérieur brut mondial, l’Union européenne s’est exprimée d’une même voix, et d’une voix forte, parce qu’elle était unie, grâce à la présidence française. En effet, le Président de la République a engagé toute son énergie et sa détermination pour conférer à l’Europe une véritable puissance de proposition.
Le principe de la relance ayant été accepté par le G20, il appartient à chaque membre, dans les périmètres géographiques les plus appropriés, de décider de la forme que prendront ces mesures de relance. Dans notre esprit, c’est d’abord à l’échelon européen que doivent se définir et s’articuler les éléments d’une relance.
C’est bien pourquoi, dès le Conseil européen des 15 et 16 octobre derniers, le Président de la République avait invité l’ensemble des vingt-six autres États membres de l’Union à s’engager dans la voie de la définition d’une relance de nature européenne.
À cette époque, il n’avait pas été suivi par ses partenaires. Cela ne l’a pas empêché d’agir de manière déterminée en faveur de la relance et d’obtenir un accord au G20. Reste maintenant à attendre que la Commission précise les éléments d’un plan de relance, dont nous espérons qu’il sera à la hauteur de la situation. Les résultats de ces travaux ne seront connus que le 26 novembre.
Nous dialoguons actuellement avec la Commission européenne. Les données que vous avez citées concernant le communiqué de M. Michael Glos ne sont que des éléments préliminaires et ne ressemblent absolument pas – du moins je l’espère – à ce que sera, le 26 novembre, la communication de la Commission.
Les 130 milliards d’euros auxquels vous faisiez référence ne constituent sans doute pas le montant total du plan de relance. Si c’était le cas, cela représenterait à peu près 1 % du produit intérieur brut de l’Union européenne. Nous verrons ce qu’il adviendra. Mais il est clair que c’est dans cette instance régionale européenne que nous devons, ensemble, réussir à décliner les éléments de ce plan de relance.
Par ailleurs, j’ai parfois un peu de mal à vous suivre, madame Bricq. En effet, vous estimez que nous mettons en œuvre des mesures de soutien à l’activité avec la loi du 21 août 2007 et, pourtant, vous nous reprochez de ne pas faire de relance.
Les mesures prises dans la loi de 2007 ont permis d’injecter 8 milliards d’euros dans l’économie française sous forme de pouvoir d’achat.
Mme Nicole Bricq. C’est faux !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il faut y ajouter le dispositif de la loi de finances pour 2008, qui comprend notamment le crédit d’impôt recherche.
Que vous ne soyez pas d’accord avec notre démarche et que vous n’approuviez ni les cibles que nous avons choisies ni la façon dont nous répartissons les différents éléments, je veux bien l’admettre. Mais ne dites pas que nous n’avons rien fait en matière de relance et de soutien à l’investissement !
Par ailleurs, on ne le souligne pas assez, la croissance du troisième trimestre 2008 a été positive et la consommation et l’investissement ont augmenté, alors que, partout ailleurs, les signes d’une véritable récession apparaissent clairement. Mais je comprends que vous passiez sous silence ces bonnes nouvelles : vous aviez tellement anticipé une récession que vous auriez pu commenter à l’envi !
En outre, les baisses d’impôt, sur l’ensemble de la législature, atteindront en effet le chiffre de 10 milliards d’euros.
Mme Nicole Bricq. Oui, mais pour qui ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Là encore, vous n’en soufflez mot ! C’est dommage, mais après tout chacun reste dans son rôle et sa posture habituels.
Concernant le soutien à l’économie, en additionnant tout ce qui a été injecté dans l’économie au cours des dernières semaines – on y retrouve 17 milliards d’euros mis à la disposition des PME, 5 milliards d’euros pour OSEO destinés aux petites et moyennes entreprises, 5 milliards d’euros octroyés aux collectivités territoriales, 1 milliard d’euros investis dans le capital de DEXIA, 10 milliards d’euros qui ont été isolés pour renforcer les fonds propres des banques et amener ces dernières à financer l’économie –, nous parvenons à un total de plus de 48 milliards d’euros !
Il s’agit là d’un véritable plan avant l’heure, si j’ose dire, avant même que les pistes d’action soient totalement élaborées au niveau européen. Et je ne doute pas qu’au moment où celles-ci seront révélées nous ne continuions à soutenir la croissance française dans le domaine de l’investissement aux entreprises.
M. Bourdin nous a livré des considérations mûrement pesées et d’une grande hauteur de vue sur le rôle de l’État dans l’économie, notamment en temps de crise, ce dont je le remercie. J’ai également apprécié ses références à lord Keynes et à l’excellence de ses travaux.
Le Président de la République, comme il l’a d’ailleurs expliqué lui-même ce matin, s’est affranchi tant de Keynes que de Friedmann et de quelques autres. Au plein milieu d’une crise d’un type nouveau se caractérisant par son imprévisibilité, sa brutalité et sa profondeur, il faut tout simplement et avant tout être le plus réactif et le plus pragmatique possible, c'est-à-dire, d’une part, s’attaquer à la racine du mal et, d’autre part, faire en sorte de limiter les effets trop douloureux de cette crise à mesure qu’ils se présentent.
Actuellement, l’État français se comporte en véritable partenaire, aussi bien par les mesures prises en faveur des petites et moyennes entreprises, dans le cadre des programmes que j’évoquais, que par son statut d’investisseur, notamment sous forme de prises de participation minoritaires.
M. Bourdin a par ailleurs souligné la nécessité de préserver les flux d’investissements en faveur du patrimoine historique. Je partage entièrement son point de vue. Vous savez d’ailleurs que le Gouvernement estime que, sur ce point, l’Assemblée nationale est allée trop loin.
J’étais prête à accepter des dispositions interdisant un usage abusif du régime des monuments historiques, mais le plafonnement instauré par les députés ne me paraît pas cohérent avec l’effort que l’État se félicite de reporter sur un certain nombre de contribuables. J’espère que nous aurons l’occasion de débattre utilement de cette question devant la Haute Assemblée.
Monsieur de Montesquiou, je vous remercie de votre intervention et des encouragements appuyés que vous avez prodigués au Gouvernement pour le travail de longue haleine qu’il a entrepris. Ce travail, nous le voyons dès le troisième trimestre de cette année, commence à porter ses fruits.
La présidence française de l’Union européenne a permis de renforcer très sensiblement la coordination des politiques économiques des différents États membres. Ce n’était pas chose facile ! Parler de gouvernance économique et de politique économique européenne est une chose totalement nouvelle.
Nous pouvons d’ailleurs nous en réjouir. En effet, je rappelle que l’Union européenne est la première puissance économique mondiale, dès lors que l’on considère l’ensemble des vingt-sept États membres. Or, je pense que c’est uniquement en agissant à l’échelle d’espaces tels que l’Union européenne que nous parviendrons à bâtir les instruments de riposte à la crise économique dans laquelle sont plongées l’ensemble des économies du monde, pays développés et pays émergents confondus.
Qui dit crise financière globale dit aussi réponse globale, tout en conservant une articulation régionale, puis nationale, de façon que tous les instruments soient coordonnés et produisent véritablement des effets. À cet égard, vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur.
Madame Beaufils, vous avez instruit un procès à charge contre les heures supplémentaires. Évidemment, je ne partage pas votre analyse qui me semble tout simplement contredite par les faits.
Vous avez fait référence à 631 millions d’heures supplémentaires pour 2006 et avancé un chiffre similaire pour 2008. Tout d’abord, le nombre d’heures supplémentaires effectuées sera sensiblement plus élevé. Les données de l’ACOSS viennent en effet d’être publiées ; nous disposons donc d’un certain nombre d’éléments qui nous laissent pressentir ce que sera le résultat sur l’ensemble de l’année 2008. Nous serons, quoi qu’il arrive, au-dessus des chiffres de 2006. Et, en toute hypothèse, la croissance était alors deux fois supérieure à celle que nous aurons en 2008. Par conséquent, si, avec deux fois moins de croissance, nous sommes arrivés à faire croître le volume d’heures supplémentaires par rapport à 2006, cela témoigne du succès de la mesure.
Ensuite, vous dites que les heures supplémentaires ont nui à l’intérim. Mais, quand j’analyse le premier trimestre 2008, je constate que l’intérim a progressé au même rythme que le nombre d’heures supplémentaires.
Bien sûr, si vous changez la période d’observation pour ne retenir par exemple que le volume de l’intérim pendant le troisième trimestre 2008, le constat est différent, mais je suis persuadée que, indépendamment de la mesure relative aux heures supplémentaires, nous aurions constaté de toute façon un effondrement de l’intérim, tout simplement parce que l’économie française, au troisième trimestre, a commencé, par anticipation, à s’adapter à la crise qui a commencé par affecter la sphère financière internationale. En effet, l’intérim est toujours le premier touché par anticipation. Il constitue pour cette raison un indicateur avancé des évolutions.
Voilà pourquoi j’attire votre attention sur les chiffres de l’ACOSS, publiés aujourd’hui, et qui indiquent clairement qu’au total, sur les trois premiers trimestres de l’année 2008, 40 % des entreprises françaises ont eu régulièrement recours aux heures supplémentaires.
Ce sont, au total, selon les chiffres de la DARES – je cite mes sources ! –, près de 700 millions d’heures supplémentaires qui, à leur juste mesure, grâce à l’exonération de charges et à l’exonération fiscale qu’elles permettent, offrent autant de pouvoir d’achat supplémentaire aux salariés.
De ce point de vue, je ne crois pas que les heures supplémentaires aient eu un effet négatif sur l’emploi. D'ailleurs, lorsqu’ils sont interrogés individuellement, les chefs d’entreprise, qui utilisent cette mesure de façon récurrente, disent qu’elle ne les a jamais empêchés d’embaucher.
Si M. Serge Dassault était encore présent, je lui aurais répondu que la question des allégements de charges est, certes, délicate, et que nous y reviendrons, je l’espère, lorsque les temps le permettront. Je ne pense pas qu’il soit utile, en période de crise comme celle que nous connaissons et alors que le chômage risque d’augmenter, de baisser le seuil en dessous duquel il est procédé à des allégements de charges.
En revanche, ce que j’appelle de mes vœux, c’est une modification en profondeur du système de formation professionnelle, afin qu’il permette, graduellement, sur une certaine durée, d’améliorer le niveau de formation, d’intervention et de valeur ajoutée de l’ensemble des salariés français, et d’aller progressivement vers une diminution des allégements de charges.
J’ajoute que nous utilisons également ce moyen pour inciter les entreprises à tenir leurs engagements en matière de négociation annuelle des salaires et pour contraindre celles d’entre elles qui ne les respecteraient pas à les tenir.
Enfin, je répondrai rapidement à M. Alain Lambert. Il a évoqué la volonté politique et la qualité technique des services et s’est ému de cette dernière. Or les deux doivent marcher de concert. Il appartient à l’un de travailler avec l’autre. C’est ce que nous nous attachons à faire, et je suis persuadée qu’il s’était attaché à le faire. Je suis extrêmement reconnaissante aux femmes et aux hommes qui travaillent dans nos services de leur aide, que ce soit lors de la préparation de ce projet de loi de finances ou pour l’ensemble des travaux que nous menons. Je suis un peu étonnée de son plaidoyer, qui n’était pas véritablement pro domo, puisque ce fut sa maison.
Je souhaite simplement attirer son attention sur deux inventions dues à mes services et qui ont contribué largement à la simplification de l’ordre juridique. Je pense d’abord au statut de l’auto-entrepreneur, qui permet, par des voies extraordinairement simplifiées, à des personnes dotées de l’esprit d’entreprise et du sens de l’initiative de s’installer à leur compte et de créer leur entreprise. Je pense également au fonds de dotation que nous venons de lancer grâce à la loi de modernisation de l’économie,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !
Mme Christine Lagarde, ministre. …dont l’ensemble des décrets d’application sera publié avant la fin de l’année 2008.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bonne réforme !
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce fonds, par des voies aussi simples que la constitution d’une association et avec un financement du type de celui dont bénéficient les fondations, permet de donner libre cours au mécénat et de faciliter la mise à disposition, pour des causes d’intérêt général, de fonds privés qui veulent bien se mobiliser à cet effet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d’une motion n° I-50, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre opposition fondamentale au contenu de ce projet de loi de finances a été rappelée par les orateurs de mon groupe lors de la discussion générale.
Nous avons ainsi tenu à souligner à quel point les dispositions de ce texte ne permettaient pas d’apporter les réponses adéquates à la situation économique et sociale actuelle, porteuse de difficultés pour la grande majorité de nos compatriotes et, plus particulièrement, pour le monde du travail dans son ensemble, confronté à la menace de plans sociaux massifs et à la suppression de plusieurs centaines de milliers d’emplois dans un contexte globalement récessif.
Nous vivons aujourd’hui la crise d’un capitalisme mondialisé, dérégulé au fil du temps par de multiples décisions prises sur le plan international comme au niveau de chaque législation nationale, fruits de décisions politiques imposées aux peuples et aux salariés.
Cela a notamment conduit à l’accroissement de la rentabilité du capital au détriment du travail dans toutes les économies occidentales.
Comme l’ont montré les discussions sur les « plans de sauvetage » des marchés financiers, les tenants de ce système rêvent, une fois la crise surmontée, de recommencer comme avant, au risque d’entraîner les peuples dans la catastrophe.
À ce propos, les parlementaires du groupe CRC estiment pleinement justifié, à l’annonce des faibles prévisions de croissance pour notre pays – au mieux 0,5 % pour 2009 – de ne pas avoir voté le plan de sauvetage des banques, accordant la garantie de l’État sans contrôle réel sur plus de 360 milliards d’euros de crédits bancaires.
En effet, engager la garantie de l’État sur des montants proches de 20 % des prêts bancaires accordés dans notre pays aux entreprises pour aboutir à la suppression de 200 000 ou 300 000 emplois nous amène à nous interroger sur l’efficacité de la dépense publique.
Nous devons revenir donc sur la crise économique, notamment financière, que connaît notre pays.
Le vécu de la crise financière, pour les habitants de notre pays, c’est la déperdition de la valeur de leur épargne, pour ceux qui ont placé leurs économies dans des produits à risque, c’est l’incapacité pour les ménages modestes à pouvoir obtenir un prêt immobilier, c’est le refus opposé au chef d’entreprise d’obtenir de sa banque la ligne de trésorerie qui lui permettrait de faire face à ses charges d’exploitation ou le prêt qui autoriserait tel ou tel investissement.
Les dernières données disponibles indiquent clairement un processus de contraction du crédit accordé aux entreprises, notamment aux PME. Ce sont d’ailleurs ces difficultés qui sont aujourd’hui à la source de plans sociaux dans certaines entreprises, parfois importantes.
Ainsi, il n’a pas été possible de trouver 20 millions d’euros pour sauver les 754 emplois de la Camif !
Dès à présent, la remontée du chômage et de la précarité annonce une grave détérioration de la situation sociale, les plans sociaux succèdent aux plans sociaux, des entreprises pourtant réputées sont mises en liquidation, faute de trésorerie, et les chômeurs viennent s’ajouter aux chômeurs existants.
La question première, pour notre pays, est celle de la politique du crédit, des relations entre banques et entreprises et, au-delà, de tous les financements.
Nous sommes clairement partisans de la constitution d’un véritable pôle public financier, prenant appui sur les établissements financiers actuellement investis de missions publiques, comme la Caisse des dépôts et consignations, et sur la nationalisation d’établissements de crédit aujourd’hui largement privatisés depuis 1986.
La nationalisation de ces établissements et l’ensemble du pôle financier public viseraient, sous le contrôle des élus, des salariés et des épargnants, à développer un nouveau crédit à long terme pour les investissements matériels et de recherche des entreprises, avec un taux d’intérêt d’autant plus faible que ces projets seraient porteurs d’emplois, d’innovation, de développement social et environnemental.
II ne s’agit pas, comme semble devoir s’y attacher le Gouvernement, de se contenter d’accorder la garantie de l’État aux projets de financement que les banques estimeraient les moins sûrs.
En effet, à quoi va donc servir la garantie de l’État ? À prendre en charge les crédits accordés aux entreprises en difficulté que les banques hésitent à financer, ou à ne s’intéresser qu’aux entreprises en bonne santé financière, ne changeant donc rien aux inégalités actuelles d’accès au crédit ?
Cet accès au crédit constitue aujourd’hui bien plus que le prétendu coût du travail : le principal obstacle au développement de l’appareil productif dans notre pays.
Parmi les autres solutions nationales à la crise, et toujours dans la perspective d’une relance de l’activité économique favorable à l’emploi, à la formation et aux salaires, nous devons également nous attacher à développer de nouveau l’épargne populaire et les financements échappant à la loi des marchés.
Ainsi, la construction massive de logements sociaux peut être favorisée par le relèvement du plafond du livret A et le financement des PME facilité par celui du livret de développement durable.
Or, dans un cadre fiscal où l’on multiplie les niches fiscales favorables à la spéculation financière, où l’on dépense l’argent public pour alléger l’impôt de solidarité sur la fortune ou l’impôt sur le revenu des contribuables les plus aisés, nous sommes décidément loin du compte.
C’est donc clairement d’un autre projet de loi de finances que nous avons besoin. Rien, dans ce qui constitue pour le moment le texte de ce projet de budget pour 2009, ne correspond aux attentes et aux nécessités.
La dépense fiscale hypertrophiée que nous connaissons dans notre pays et qui se substitue de plus en plus à la dépense budgétaire directe ne peut constituer une réponse adaptée. Par nature, la dépense fiscale est aussi inégalitaire qu’est universelle et profondément juste la dépense budgétaire.
Quand nous engageons de la dépense publique directe, nous le faisons de manière équitable pour tous les citoyens, toutes les entreprises de notre pays, sur des critères objectifs.
Quand nous ouvrons le champ de la dépense fiscale, ce sont les initiés, pour l’essentiel, conseillés par quelques spécialistes, qui optimisent leur contribution aux finances publiques en réduisant de fait leur apport à la collectivité.
Ce projet de budget doit redonner la priorité à la dépense publique directe.
Discuter à l’infini d’un plafonnement des niches fiscales pour 200 millions d’euros – sur 90 milliards d’euros de remboursements et dégrèvements retracés dans la mission budgétaire correspondante ! – et en créer de nouvelles ou en renforcer d’autres procède du pur affichage.
À la vérité, le code général des impôts et le budget sont victimes d’une intoxication à la dépense fiscale. On pourrait presque se demander ce qui n’est pas sujet à la moindre mesure fiscale dite incitative, tant les montants de recettes perdues comme l’assiette des dépenses y ouvrant droit n’ont fait que croître.
Nous commençons d’ailleurs à penser que, eu égard aux faibles capacités d’innovation laissées aux parlementaires pour modifier le projet de loi de finances, tout porte aujourd’hui à dénaturer profondément le débat budgétaire autour de discussions sur quelques dizaines de millions d’euros que l’on pourrait faire passer d’un chapitre à un autre.
Le projet de loi de finances pour 2009 n’échappe pas à cette règle, puisqu’une part importante des mesures qui le composent n’a qu’une portée financière extrêmement réduite, allant jusqu’à maintenir en place des dispositifs dont la fiabilité est pour le moins limitée.
Pour autant, la crise étant présente et forte, ce sont à de nouveaux sacrifices que l’on appelle la population de notre pays : pas question de baisser la TVA dans ce projet de loi de finances, pour rendre du pouvoir d’achat aux ménages modestes ! En revanche, on assiste à la suppression inutile de l’imposition forfaitaire annuelle des sociétés.
Dans le même temps, on met les collectivités locales au régime sec, alors même que leur rôle est aujourd’hui essentiel pour agir de manière efficace contre la récession.
Les suppressions d’emplois publics sont du même ordre. Supprimer ces emplois, c’est prendre le risque de ne pas avoir à disposition, demain, les personnels en situation de répondre aux besoins.
Je profite de cette intervention pour saluer le puissant mouvement qui vient de marquer la communauté scolaire dans notre pays et qui illustre le rejet profond des suppressions de postes prévues dans l’enseignement par le présent projet de budget.
Aux coupes claires dans le budget de l’éducation s’ajoutent celles qui sont opérées sur le budget des transports et qui mettent en cause le développement des alternatives écologiques au transport routier.
Nous ne saurions oublier quelques tours de passe-passe : ainsi, la généralisation du RSA va permettre à l’État d’économiser plusieurs centaines de millions d’euros, tandis que les charges que supportent les départements au titre du RMI ne sont toujours pas compensées.
De même, si elle est adoptée en l’état, et sans que soit ajouté le moindre centime à la dépense publique pour le logement, la loi Boutin, en rackettant les fonds du 1 %, va permettre au budget général d’économiser 700 millions d’euros sur le dos des accédants modestes à la propriété.
Il y a pourtant des dépenses qui augmentent dans ce projet de budget, mes chers collègues, et ce de manière bien plus importante que les dépenses budgétaires utiles à la nation et à la population : ces dépenses, ce sont les dépenses fiscales, qui vont dépasser les 90 milliards d’euros, ce sont les exonérations de cotisations sociales qui, bien que imparfaitement compensées à la sécurité sociale, privent l’État de près de 40 milliards d’euros de ressources, c’est encore le service de la dette publique.
En effet, si les agents du secteur public connaissent, depuis 2002, gel ou quasi-gel des traitements et restrictions sur le droit à mutation professionnelle, il y a au moins quelques personnes qui trouvent leur compte au budget de l’État : ce sont les rentiers, qui se nourrissent du service de la dette publique, les titres aujourd’hui émis étant tous indexés sur l’inflation et assurant donc le « pouvoir d’achat » des détenteurs de capitaux.
Quoi que vous en disiez, madame la ministre, le Gouvernement va augmenter les prélèvements obligatoires, surtout les plus injustes, parce qu’il ne pourra pas faire autrement. À nos yeux, de telles mesures ne devraient se concevoir qu’en fonction d’un rééquilibrage des prélèvements sur le travail et le capital, et d’une mise à contribution des plus aisés, des grandes fortunes et des grands groupes.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable et de profiter de la prise de conscience de la gravité de la crise économique et sociale pour, enfin, décider d’œuvrer à une profonde réforme de la fiscalité et à la remise en cause des choix budgétaires trop longtemps mis en œuvre et qui nous ont conduit au déficit et à l’explosion de la dette. Pour la justice fiscale et sociale, pour l’efficacité économique de la loi de finances, plus que jamais, une autre définition des politiques publiques s’avère indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances émet un avis défavorable sur cette motion.
Monsieur Vera, prendre l’initiative de présenter une telle motion à la veille de débats qui permettront d’approfondir l’ensemble des sujets que vous avez évoqués est pour le moins paradoxal.
Nous nous en sommes d’ailleurs déjà expliqués en commission des finances. Certains de mes collègues de la majorité vous ont même confié qu’ils auraient pu comprendre le dépôt d’une motion tendant au renvoi à la commission, car vous auriez alors signifié votre souhait d’approfondir des sujets qui, selon vous, n’auraient pas été correctement étudiés. Après tout, nous aurions volontiers accepté de siéger samedi, voire dimanche, pour répondre à ce souhait ! (Mme Marie-France Beaufils s’esclaffe.) Mais nous l’aurions fait pour mieux éclairer le Sénat en vue des débats à venir.
Interrompre, immédiatement après votre exposé, l’examen du projet de loi de finances serait à n’en point douter une décision extrêmement frustrante, que nous regretterions toutes et tous, et vous les premiers !
En effet, consultant la liasse des amendements déposés dont l'examen va nous occuper un certain temps, j’ai pu constater que nombre d’entre eux proviennent de votre groupe. Si, de mon point de vue, vos idées ne sont pas toujours acceptables, elles méritent tout de même d’être étudiées.
À mon sens, avoir fait tout ce travail et ne pas le mettre en œuvre, ce serait extrêmement paradoxal. Cela nous appauvrirait collectivement.
Par conséquent, mes chers collègues, pour éviter un appauvrissement collectif, particulièrement malvenu dans cette période de crise (Sourires), il faut vraiment voter contre la motion tendant à opposer la question préalable !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je me rallie à l’analyse de M. le rapporteur général. Mieux vaut en effet, pour reprendre la célèbre formule de Guizot rappelée tout à l’heure par M. Aymeri de Montesquiou, nous enrichir de ce débat.
Au nom du Gouvernement, je vous invite donc à repousser la motion tendant à opposer la question préalable, afin que nous entrions le plus rapidement possible dans le cœur de ce débat pour lequel nous avons déjà beaucoup œuvré.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le rapporteur général, nous n’avons pas déposé cette motion tendant à opposer la question préalable dans le but de priver la représentation nationale d’un débat, qui, j’en suis d’accord, est toujours utile.
Il s’agissait juste de montrer, à cette occasion, qu’il est grand temps de faire autrement. Tous les ans, je vous entends, droit dans vos bottes,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. L’expression n’est certainement pas de moi !
M. Thierry Foucaud. …nous expliquer que la seule façon d’agir est de faire ce que vous préconisez.
Or, les années passent, le nombre de chômeurs augmente, la vie est de plus en plus dure pour les Françaises et les Français, et la crise, que nous pressentions et que nous avons dénoncée encore l’année dernière dans le cadre de la discussion budgétaire, est désormais bien réelle.
Dans un tel contexte économique et social, voter en l’état, ou presque, cette loi de finances, ce serait faire comme si n’avions rien vu des effets de la crise économique et financière actuelle.
Mes chers collègues, tel est le sens des revendications exprimées par la gauche en général et par le groupe CRC en particulier, tel est le sens de la motion présentée par mon collègue et ami Bernard Vera et que nous vous invitons à voter.
M. le président. Je mets aux voix, par scrutin public, la motion n° I-150, tendant à opposer la question préalable, et dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 201 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
Transmission d'un projet de loi organique
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, portant application de l’article 25 de la Constitution.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 105, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
12
Transmission d'un projet de loi
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 106, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
13
Dépôt d'un rapport
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Marini, rapporteur général un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 99 et distribué.
14
Dépôt d'un rapport d'information
M. le président. M. le président du Sénat a reçu un rapport déposé par M. Jean-Claude Etienne, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l’évaluation de l’application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, établi par MM. Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, députés, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 107 et distribué.
15
Dépôt d'avis
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de MM. Yves Dauge, Louis Duvernois, Philippe Nachbar, Serge Lagauche, Ambroise Dupont, Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Férat, Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Michel Thiollière, David Assouline, Jean-Pierre Plancade, Jean-Léonce Dupont, Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 100 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de MM. Gérard César, Daniel Soulage, Jean-Marc Pastor, François Fortassin, Pierre Hérisson, Gérard Cornu, Mme Odette Terrade, MM. Jean Bizet, Charles Revet, Jean-François Le Grand, Francis Grignon, Roland Courteau, Claude Lise, Rémy Pointereau, Michel Houel, Daniel Raoul, Pierre André, Thierry Repentin et François Patriat un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 101 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. André Trillard, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Christian Cambon, André Vantomme, Didier Boulaud, Xavier Pintat, Daniel Reiner, André Dulait, Jean-Louis Carrère, André Trillard, Joseph Kergueris et Jean Faure un avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 102 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de Mmes Janine Rozier, Anne-Marie Payet, MM. Dominique Leclerc, Alain Milon, Gilbert Barbier, Paul Blanc, Alain Gournac et Jean Marie Vanlerenberghe un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 103 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Alain Anziani, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean René Lecerf, Yves Détraigne, Simon Sutour, Nicolas Alfonsi, Mme Éliane Assassi, MM. Christian Cointat, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Saugey, Mme Catherine Troendle, MM. Jean-Patrick Courtois et François-Noël Buffet un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 104 et distribué.
16
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 21 novembre 2008, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009). Examen des articles de la première partie - Conditions générales de l’équilibre financier (articles 1er à 34 et état A).
Rapport (n° 99, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 21 novembre 2008, à zéro heure dix.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD