M. Philippe Dominati. Il ne faut pas les féliciter !
Mme Christiane Hummel. Absolument !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Et ceux qui la connaissent savent très bien que, parfois, leur avis n’est pas pris en compte. On tente de passer outre et d’appliquer la réforme unilatéralement.
Pour conclure, ce projet de loi de finances pour 2009 montre, une fois de plus, que le Gouvernement considère l’action publique comme une dépense, jamais comme une véritable source de richesses. La compression des dépenses d’intérêt général de tous les secteurs conduit tout de même à une situation critique.
Dans la crise actuelle, nous pourrions réexaminer le devenir des services publics sous l’angle d’une économie des besoins et restructurer, c'est-à-dire moderniser, la fonction publique autour d’un triple pôle interventionniste : l’État, garant de l’unicité territoriale, les agents, dans la garantie de leurs statuts, et les usagers eux-mêmes.
Mes chers collègues, il s’agit peut-être d’une vision un peu téméraire. Toutefois, je vous invite à y réfléchir.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais aborder ce débat sur les effectifs de la fonction publique, que nous avons traditionnellement chaque année, sous l’angle du contexte international actuel.
À entendre un certain nombre d’orateurs, on pourrait effectivement avoir le sentiment que le service public « à la française » est ultra-menacé, que nos administrations manquent de moyens et qu’il y a véritablement péril en la demeure.
En vérité, parmi les vingt et un pays les plus développés membres de l’OCDE, la France occupe le troisième rang pour la part des emplois publics dans les dépenses totales, derrière la Suède et la Norvège. Si l’on y ajoute les personnels de santé, la France est deuxième, après la Belgique.
La réalité est que notre pays, aujourd'hui, dispose d’une bonne fonction publique, mais sans doute au-delà de ses moyens.
En France, un actif sur cinq travaille dans la fonction publique. Les dépenses de personnel constituent le premier budget de l’État. En y ajoutant les intérêts de la dette, c’est 70 % de l'ensemble des crédits qui sont ainsi consommés. En la matière, la marge de manœuvre de l’État est donc extrêmement faible.
Depuis dix ans, 85 % des efforts de l’État ont été orientés vers les dépenses de personnel. Sur la même période, la masse salariale de la fonction publique a augmenté deux fois plus vite que l’inflation. Loin d’être en baisse, le traitement des fonctionnaires connaît donc au contraire une progression.
Monsieur le secrétaire d'État, on ne peut pas en dire autant des quatre actifs sur cinq qui travaillent dans le secteur privé, lesquels n’ont pas vu, depuis dix ans, leur pouvoir d'achat afficher une telle évolution.
Telle est, au regard du contexte international, l’exception française.
Aux dires de votre collègue M. Woerth, la maîtrise de la dépense garantit la solvabilité de l’État. Avec ce budget 2009, nous sommes à un rendez-vous important : pour la première fois, le Gouvernement tient l’engagement, pris voilà quelque temps par la majorité parlementaire, de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique.
L’effort fourni pour satisfaire cet objectif est important, et nous vous en félicitons. Pour autant, du point de vue de la masse salariale, le résultat n’est pas significatif et l’ordre de grandeur reste à peu près le même. Si l’économie globale est de l’ordre de 700 millions d'euros, compte tenu du fait que la moitié sera redistribuée pour motiver le personnel et restructurer les administrations publiques, le gain pour l’année budgétaire à venir s’établit à 350 millions d'euros.
En définitive, selon les indications de notre collègue député Georges Tron dans son rapport spécial, l’effort qui est demandé sur la masse salariale permettrait d’économiser 1,6 milliard d'euros sur quatre ans. Cela ne représente qu’un peu moins de 1 % de notre déficit budgétaire.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, telle est, aujourd'hui, la réalité.
Les administrations publiques se voient donc demander un effort, certes important, mais qui se traduit, sur le plan budgétaire, par un résultat plutôt faible.
De surcroît, cet effort est susceptible d’être occulté par l’évolution des emplois des opérateurs de l’État, retracée dans l’annexe jaune au projet de loi de finances pour 2009. Si un certain nombre d’opérateurs ont été supprimés, d’autres ont néanmoins été créés. Nous ne savons donc pas si l’exécution budgétaire permettra de respecter les objectifs fixés en la matière. Force est de constater que, au cours des derniers exercices, les opérateurs de l’État ont représenté la source principale de l’augmentation des effectifs de la fonction publique.
À cela s’ajoute une interrogation, qui porte sur le coût des centaines de contrats aidés annoncés par le Président de la République. Non budgétisé pour l’instant, il oscille pourtant, selon les estimations, entre 150 millions d'euros et 200 millions d'euros.
Cela nous amène à tirer un bilan de la première phase d’application de la RGPP. À mon sens, compte tenu de la situation de crise actuelle, l’effort annoncé à la suite des trois conseils de modernisation des politiques publiques réunis jusqu’à présent est certes important, mais probablement insuffisant.
La mise en œuvre de la RGPP devrait permettre de réaliser globalement 7 milliards d'euros d’économies sur les quatre années à venir, dont environ 3 milliards d'euros sur les dépenses de personnel. C’est un résultat relativement faible, compte tenu des engagements financiers qu’il nous faudra respecter pour tenter d’amortir les effets de la crise économique.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais vous fournir une piste de réflexion, en évoquant l’exemple suivi par l’un de nos voisins européens.
En 1990, l’Italie se trouvait à peu près dans la même situation que la France aujourd'hui : les dépenses de personnel de la fonction publique y représentaient 13 % du PIB. Le premier ministre de l’époque, M. Romano Prodi, que tout le monde connaît et qui est une référence au niveau international, a alors entamé un plan de rénovation, lequel a permis de ramener cette proportion à 10 % du PIB en 2000.
M. Prodi a sanctuarisé les cinq fonctions régaliennes de l’État et a redéfini le champ de ses missions. Sans doute ne faut-il pas aller jusque-là, mais l’un des défauts de la RGPP est, à mon avis, de n’avoir pas été élaborée selon le même raisonnement.
Monsieur Mahéas, le gouvernement italien a pris des mesures incitatives, notamment en faveur des fonctionnaires désireux de rester dans la fonction publique au-delà de l’âge légal de départ à la retraite : ceux-ci bénéficient désormais, à partir de cet âge, du reversement de leurs cotisations sociales, ce qui permet de réaliser une double économie. Il a également privatisé un certain nombre de services.
Monsieur le secrétaire d'État, si les Italiens, comme les gouvernements de beaucoup d’autres pays d’ailleurs, ont pu le faire, nous le pouvons aussi ! La France est le deuxième pays de l’OCDE par le poids de sa fonction publique. Nous sommes dans la situation d’un automobiliste qui, disposant d’une voiture de qualité fonctionnant bien, n’a plus les moyens de l’entretenir. Deux solutions s’offrent à nous : soit nous adaptons notre véhicule, soit nous le laissons au bord de la route ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. Jacques Mahéas. Prendre exemple sur l’Italie, c’est tout de même savoureux !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant de répondre sur les différents points abordés, je souhaiterais faire une courte présentation générale de la réforme de la fonction publique engagée par le Gouvernement.
Monsieur Dominati, j’étais en Italie voilà deux jours. J’ai notamment rencontré le ministre de la fonction publique, qui m’a d’ailleurs avoué que les Italiens reconnaissaient désormais les malades mentaux à partir de deux critères : se prendre pour Napoléon et vouloir réformer la fonction publique ! (M. le rapporteur général s’esclaffe.)
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Jacques Mahéas. C’est dur pour M. Dominati et pour l’UMP !
M. André Santini, secrétaire d'État. Il a ajouté : « En ce qui me concerne, je réponds aux deux critères, et je crois que vous êtes dans le même cas ! » (Mêmes mouvements.)
Monsieur Dominati, parmi tous les acteurs concernés que j’ai pu rencontrer, j’ai en particulier dialogué avec M. Bassanini, l’homme qui a mis en place le nouveau contrat de travail – vous n’avez d’ailleurs pas prononcé ce mot – des fonctionnaires italiens.
L’argument principal qui m’a été présenté, c’est que la France disposait d’une fonction publique de grande qualité.
M. Philippe Dominati. Absolument !
M. André Santini, secrétaire d'État. D’ailleurs, nos amis Italiens, dont on connaît le sens de l’autodérision, regrettaient de ne pas être dans ce cas. Alors qu’ici même un Corse dit du bien de la fonction publique italienne, nos voisins transalpins font l’éloge de la fonction publique française !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela montre la place centrale des Corses ! (Rires.)
M. André Santini, secrétaire d'État. Absolument, monsieur le rapporteur général !
En tout état de cause, la grande qualité de notre fonction publique est l’élément qui ressort nettement de nos déplacements sur le terrain et des sondages que nous réalisons tant en France qu’à l’étranger.
Le débat national qu’Éric Woerth et moi-même avons animé pendant six mois jusqu’en mars dernier, de même que le dialogue social ininterrompu que nous conduisons avec les syndicats de fonctionnaires depuis nos prises de fonction, a démontré une formidable attente de changement et de modernisation.
En effet, de trop nombreux chantiers avaient été laissés en jachère dans la fonction publique depuis 1983.
Nous portons donc, à la demande du Président de la République, une nouvelle ambition pour les fonctionnaires.
Oui, cher Adrien Gouteyron, par rapport aux années précédentes, le chemin parcouru depuis plus d’un an est plus important. Nous avons voulu fonder la rénovation de la fonction publique sur les valeurs du service public et sur la reconnaissance du travail et du mérite des agents.
Nous avons refondé les règles de la démocratie sociale grâce aux accords de Bercy signés, le 2 juin dernier, par six des huit syndicats de fonctionnaires : c’est un accord historique, sans précédent depuis 1946.
M. Jacques Mahéas. Ils le regrettent déjà !
M. Jacques Mahéas. Nous les avons reçus !
M. Jacques Mahéas. Nous aussi !
M. André Santini, secrétaire d'État. Croyez-vous vraiment que la CGT, la FSU ou SUD soient capables de signer un accord et de le regretter trois mois plus tard ? Ces trois grands syndicats, je le rappelle, n’ont jamais signé un accord depuis 1946. Même la CGT n’a rien signé en 1968, contrairement à ce que je croyais d’ailleurs, gardant le souvenir de George Séguy hué à l’usine Renault de Boulogne-Billancourt.
Monsieur Mahéas, il vous a échappé que nous avons fait du pouvoir d'achat des fonctionnaires un chantier prioritaire aboutissant à un accord salarial – encore un ! –, signé le 21 février 2008, dix ans après le dernier. Comment l’expliquez-vous donc ? Dois-je vous rappeler que la politique de désindexation du point a été inaugurée par MM. Zuccarelli et Sapin ?
En définitive, nous proposons un pacte de progrès aux agents.
Grâce aux marges de manœuvre dégagées par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, tous les instruments sont ainsi mis en œuvre pour dynamiser la feuille de paie des agents publics. Non, monsieur Mahéas, nous n’entendons pas supprimer le point d’indice !
À cet égard, nous avons prévu la hausse pluriannuelle de ce point d’indice, qui permet aujourd'hui de planifier les augmentations.
Nous avons également instauré la garantie individuelle de pouvoir d'achat, la GIPA, car on ne doit pas perdre de l’argent à servir l’État. C’est un principe de justice, que personne n’avait osé mettre en place.
Nous souhaitons aussi mettre en place la revalorisation des heures supplémentaires.
En résumé, nous réalisons aujourd'hui le programme de Maurice Thorez de 1946 ! (Exclamations amusées.)
M. Jacques Mahéas. Oh là là !
Mme Nathalie Goulet. Rien de moins !
Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est peut-être quelque peu excessif !
M. André Santini, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’étais sûr de mon succès ! (Sourires.)
Nous lançons une mission parlementaire sur l’intéressement collectif, confiée à votre collègue député Michel Diefenbacher : ancien préfet, conseiller maître à la Cour des comptes, président de conseil général voilà encore quelque temps, celui-ci réunit toutes les qualités requises ; il a été missionné ce matin même.
Nous allons monétiser les comptes épargne-temps pour les agents qui le souhaitent. Enfin, la refonte des grilles indiciaires, à commencer par celles des catégories B, constitue un chantier majeur.
Nous avons également veillé à valoriser la carrière des fonctionnaires par différentes voies. Nous avons modernisé le recrutement : une révision de tous les concours administratifs est en cours afin de rendre ces derniers plus professionnels et moins académiques. C’est la mort de la Princesse de Clèves ! (M. Adrien Gouteyron s’exclame.)
Par ailleurs, nous avons systématisé l’évaluation des fonctionnaires. Depuis septembre 2007, les ministères peuvent supprimer la notation et la remplacer par un véritable entretien professionnel.
Enfin, nous avons favorisé la mobilité des fonctionnaires, actuellement réduite à 5 %. Comme nous l’avons indiqué, des décrets ont été pris au mois d’avril dernier. Ils créent de nouveaux outils financiers : primes de mobilité, aides au conjoint, indemnités de départ volontaire. Le projet de loi, que le Sénat a déjà adopté, lèvera les verrous existants pour créer un véritable droit à la mobilité.
Au-delà de ces avancées, il reste encore beaucoup à faire, notamment pour faire émerger une fonction publique plus simple, plus souple, plus réactive.
Le Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, qui nous a été remis en avril par Jean-Ludovic Silicani, offre un certain nombre de propositions en ce sens, et plus particulièrement sur la refondation du statut général des fonctionnaires et sur la place du contrat. Les discussions sont ouvertes depuis cet été pour déterminer les suites à donner à ces propositions.
Concernant 2009, au-delà de la poursuite des chantiers déjà engagés, notamment en matière de gestion des ressources humaines – chantiers relatifs aux concours, à la formation ou à la rémunération au mérite –, nous mettrons en place une « nouvelle fonction publique ». Cette dernière doit être une fonction publique de métiers, ce qui implique un nouveau cadre statutaire reposant sur moins de dix grandes filières métiers remplaçant enfin l’inexplicable segmentation en plusieurs centaines de corps.
Ainsi, madame Escoffier, nous n’excluons pas de nos réflexions la possibilité de rapprocher les trois versants de la fonction publique, actuellement trop cloisonnée, dans un régime de droit du travail commun à tous les employeurs publics, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou des hôpitaux publics, …
M. Roland du Luart. Très bonne idée !
M. André Santini, secrétaire d'État. …et ce afin de faciliter, de fluidifier les parcours professionnels, et d’adapter le service public aux besoins de la France du xxie siècle.
Il ne s’agit pas pour nous de remettre en cause le statut de la fonction publique. Nous faisons précisément le pari qu’une nouvelle coexistence est possible, associant un statut général profondément modernisé et des conditions de recours au contrat assouplies et clarifiées selon les besoins du service.
Nous avons avant tout un devoir de simplification. Nous ne voulons pas d’une fonction publique dans laquelle la gestion des agents est trop largement accaparée par sa dimension statutaire et procédurale.
Comme l’a souligné M. le rapporteur général, gérer des hommes et des femmes ne consiste pas à gérer des corps et à ajuster des règles. Il s’agit plutôt d’aider chacun à remplir sa mission dans les meilleures conditions d’efficacité pour le service public.
Pour répondre à M. Philippe Marini et à Mme Anne-Marie Escoffier, je dirai que le Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique est la boussole du Gouvernement. Il est d’abord le produit d’une démarche sans précédent, la conférence nationale sur les valeurs, missions et métiers de la fonction publique. Pendant six mois, d’octobre 2007 à mars 2008, nous avons conduit ce projet qui a donné lieu à de nombreuses consultations, contributions, tables rondes, auditions, ainsi qu’à une consultation publique en ligne. Avec plus de 350 000 visiteurs sur le site Internet et plus de 20 000 contributions écrites recueillies sur le forum, la démarche est une réussite. Les représentants syndicaux ont pleinement participé aux travaux, en tant que membres permanents de la conférence, et ont été auditionnés à plusieurs reprises par son rapporteur général.
Dès le départ, nous avons cru à un exercice qui nous permettrait de prendre de la hauteur et de redonner du sens aux métiers des fonctionnaires.
Ce Livre blanc, qui a été remis le 17 avril 2008, met en avant la nécessité d’une profonde modernisation. Il souligne les problèmes que posent la multiplicité des corps, la pluralité des régimes de rémunération, le manque de différenciation en fonction des mérites, la cogestion de fait du système entre l’État et les organisations syndicales.
Forts de ce constat, nous voulons construire une fonction publique de métiers avec sept filières professionnelles et une cinquantaine de cadres statutaires, en lieu et place des plus de 500 corps actuels qui étaient encore, voilà quelques mois, 850 !
Nous voulons faire un meilleur usage du contrat – mot tabou en France, mais considéré positivement en Italie –, en mettant en œuvre des règles claires de recours, à titre principal, au statut et, à titre complémentaire, au contrat.
Nous voulons créer un véritable marché de l’emploi public et lier davantage la rémunération des agents à leurs résultats.
Beaucoup de ces préconisations rejoignent des mesures que nous prenons déjà par ailleurs.
Ainsi, depuis cet été, les discussions sont ouvertes avec les syndicats, notamment sur la fonction publique de métiers et sur la place du contrat. L’objectif reste d’aboutir, en 2009- 2010, à un projet de refonte du statut général des fonctionnaires.
À l’intention de MM. Philippe Marini et Philippe Dominati, que je remercie de leur soutien, ainsi que de Mme Anne-Marie Escoffier, je confirme l’effort sans précédent que nous accomplissons en termes de maîtrise des effectifs.
Le Gouvernement honore les engagements forts que le Président de la République a pris lors de la campagne présidentielle, notamment celui de ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Cette règle a été appliquée dans tous les pays d’Europe qui nous sont comparables. En effet, elle n’implique ni plan social ni licenciement, et vise simplement à tirer profit d’une situation démographique.
La maîtrise des effectifs de fonctionnaires est une nécessité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, et je reprends ceux qui ont été présentés par Philippe Dominati : la France comptabilise plus de 5 millions d’agents publics pour une masse salariale représentant plus de 44 % du budget de l’État ; le coût global de fonctionnement des administrations publiques équivaut à 18 % du PIB ; les effectifs ont augmenté de 25 % au cours des vingt dernières années, cette progression étant nettement plus forte que celle de l’emploi global.
Monsieur Mahéas, nous estimons que le fait de ne pas remplacer un fonctionnaire de l’État sur deux permet de supprimer chaque année environ 30 000 postes. Nous reviendrons ainsi au niveau d’effectif de 1992, époque à laquelle la France n’était pas considérée comme sous-administrée.
M. Jacques Mahéas. Elle comptait moins d’habitants !
M. André Santini, secrétaire d'État. Il ne s’agit pas d’une simple logique arithmétique ou comptable, et cette suppression ne se fait pas au hasard.
D’ailleurs, Monsieur Mahéas, si M. Charasse était présent, il vous poserait la question qu’il me soumet régulièrement et qui le lancine : pourquoi a-t-on engagé des fonctionnaires d’État après 1982 ? Expliquez-nous ! Des rapports ont été commandés sur ces sujets, puis ensevelis, et on me demande aujourd’hui des chiffres. Souhaitez-vous que je provoque encore une émeute ? Qui était au pouvoir après 1982 ? Qui a engagé des fonctionnaires d’État à cette époque ?
M. Roland du Luart. C’est limpide !
M. André Santini, secrétaire d'État. Il était logique que les communes, les départements et les régions recrutent dans le cadre de la décentralisation. Mais s’agissant de l’État ? Lisez le rapport Pallez !
M. Jean-Pierre Chevènement. Et avant ? Et dans les années soixante-dix ? C’était la même chose !
M. André Santini, secrétaire d'État. Je parle de la période postérieure à la décentralisation ! Après cette dernière, l’État n’avait plus de raison d’embaucher. On ne peut pas transférer des charges aux collectivités locales et, dans le même temps, organiser un recrutement au niveau de l’État.
M. Jacques Mahéas. Le budget de l’éducation nationale était alors le premier budget de la nation. Nous avons misé sur l’éducation !
M. André Santini, secrétaire d'État. Mais nous n’allons pas poursuivre avec des chiffres cette bataille de polochons ! Nous posons simplement une logique.
Le fait de ne pas remplacer un fonctionnaire de l’État sur deux présente un autre intérêt : les économies ainsi réalisées peuvent être utilisées pour revaloriser les rémunérations des fonctionnaires ; c’est chaque année quelque 500 millions d’euros de plus qui profiteront aux fonctionnaires sous différentes formes.
Cette démarche se veut vertueuse et incitative.
Par ailleurs, madame Mathon-Poinat, faisant allusion à une étude de la direction générale de l’administration et de la fonction publique, vous avez signalé que 17 % des agents ont connu une baisse de pouvoir d’achat entre 2001 et 2007. Le Gouvernement souhaite une totale transparence à cet égard.
À mon arrivée au secrétariat d’État, j’ai assisté à une bataille très intéressante : les agents, selon les syndicats, avaient encore perdu 6 % de pouvoir d’achat en trois ans, et, selon la direction du budget, ils en avaient gagné 3,5 % ! Il me paraissait étrange, alors que la direction générale de l’administration et de la fonction publique, la direction du budget et la direction de l’INSEE avaient été regroupées dans un même bâtiment et qu’elles pouvaient aisément travailler ensemble, que nous ne puissions obtenir de véritables chiffres.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet exemple est très bon !
M. André Santini, secrétaire d'État. Il n’était en effet pas question de recourir à des organismes privés que l’on nous aurait encore accusés de stipendier !
Nous avons finalement obtenu cette étude. Arrêtons donc d’en parler !
Et, comme d’habitude s’agissant d’une étude globale, nous avons découvert ce qui était caché sous le tapis depuis des lustres, à savoir que 17 % des fonctionnaires n’avaient pas gagné l’équivalent de l’inflation depuis dix ans ! Nous nous attendions à tout sauf à cette situation affectant des catégories variées d’agents, du petit enseignant qui débute au fonctionnaire qui se trouve en haut de grade et dont le traitement n’est plus réévalué.
Mais ce constat signifie également que d’autres fonctionnaires se situaient largement au-dessus de l’inflation… De ceux-là, il n’était pas question. Voilà qui ressemble à ce qui s’est passé pour la taxe professionnelle, ce dont M. Fourcade se souvient certainement : ceux qui étaient touchés hurlaient, mais les autres ne parlaient pas la bouche pleine !
Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a donc décidé de compléter le dispositif avec la GIPA, ou garantie individuelle de pouvoir d’achat, pour un montant qui n’est pas négligeable. Un premier paiement a été versé en octobre et un deuxième le sera en décembre.
Madame Mathon-Poinat, le Gouvernement souhaite donc bien une totale transparence sur l’évolution des rémunérations afin d’éviter qu’un agent public, qui travaille pour l’intérêt général, ne perde de l’argent. Cela explique la mise en œuvre de la garantie. À cette occasion, nous avons découvert que 8 % des agents avaient perdu du pouvoir d’achat sur la période concernée et que, par conséquent, 92 % d’entre eux en avaient gagné ; 130 000 agents de l’État bénéficieront donc de la GIPA entre les mois d’octobre et de décembre, pour un montant moyen de 760 euros. Pour les enseignants, monsieur Mahéas, cette revalorisation atteindra 1 080 euros.
Le Gouvernement ne laisse donc personne sur le bord du chemin dans sa politique salariale.
À l’intention de MM. Philippe Marini et Philippe Dominati, je dirai, pour reprendre un horrible néologisme, qu’il n’y a pas d’ « agencisation » de l’État.
Il est une critique usuelle selon laquelle nous supprimons des emplois dans les ministères, mais en créons chez les opérateurs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On l’a fait longtemps !
M. André Santini, secrétaire d'État. Les efforts sur les effectifs concernent désormais tous les employeurs : les ministères, mais aussi les opérateurs de l’État.
En 2008 déjà, et pour la première fois, les opérateurs n’ont pas vu leurs effectifs progresser au titre des nouveaux recrutements.
Par ailleurs, afin de répondre aux attentes du Parlement en matière de maîtrise et de pilotage de l’emploi public, l’article 64 de la loi de finances initiale pour 2008 prévoit ceci : « à compter du 1er janvier 2009, le plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État est fixé chaque année par la loi de finances ».
La première application de ces engagements est traduite à l’article 40 du projet de loi de finances pour 2009.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bon numéro !
M. André Santini, secrétaire d'État. Les effectifs des opérateurs à périmètre identique, hors fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC et conséquences de l’autonomie des universités, seront réduits, pour la première fois, avec une diminution de 1 108 équivalents temps plein travaillé, soit une réduction de 0,5 % des effectifs, étant entendu que ceux de l’État diminueront de 1,2 %.
En conclusion, comme le Gouvernement s’y était engagé en 2008, les efforts demandés aux opérateurs sont croissants, en cohérence avec les marges de productivité mobilisables et les conclusions de la révision générale des politiques publiques.
En ce qui concerne la prime de fonctions et de résultats, elle représente un nouveau projet pour la fonction publique et les fonctionnaires.
Mme Josiane Mathon-Poinat, qui a peur de reconnaître le mérite des fonctionnaires, s’interroge sur cet instrument qu’elle juge négatif. Je tiens à lui rappeler que la prise en compte de la manière de servir et du mérite individuel est inscrite dans le statut de la fonction publique depuis 1946.