M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne s’agit-il pas du programme Thorez ?
M. André Santini, secrétaire d'État. À la page 8 du statut général, Maurice Thorez, qui avait imposé le statut à la CGT, laquelle tenait au contrat – on retrouve le même débat en Italie –, écrit ceci dans son introduction – je vous enverrai le texte avec ma carte de vœux, madame Mathon-Poinat (Sourires.) – : « Le statut prévoit aussi l’extension des primes de rendement individuelles et collectives qui permettront de proportionner la rémunération du fonctionnaire ou d’un groupe donné de fonctionnaires à l’intensité et l’efficacité de l’effort. » Et c’est signé de Maurice Thorez, vice-président du Gouvernement, secrétaire général du Parti communiste français. À l’époque, on s’affichait !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Justement, c’était « à l’époque » !
M. André Santini, secrétaire d'État. L’autre jour, un journaliste m’a qualifié de « fils spirituel de Maurice Thorez ». Vous en rendez-vous compte ? Pauvre Thorez !
M. Jacques Mahéas. Il se moquait un peu !
M. André Santini, secrétaire d'État. Certainement !
Le principe poursuivi, pour la rémunération au mérite, est le suivant : une part fixe, cotée de 1 à 6 selon le niveau de responsabilité et de difficulté du poste, les barèmes des postes étant publics et fixés par arrêté, cette part fixe ayant vocation à rester stable ; une part variable prenant en compte le mérite individuel. Chaque année, l’agent et son évaluateur déterminent ensemble, lors de l’entretien d’évaluation, les objectifs de qualité et de résultats.
Il est curieux que, en vous écoutant, nous ayons l’impression d’être les héritiers de Maurice Thorez. Après tout, celui-ci était bien membre du gouvernement du général de Gaulle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. N’allons quand même pas trop loin !
M. André Santini, secrétaire d'État. En ce qui concerne le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels, je confirme, à l’intention de M. Philippe Marini et de Mme Jacqueline Gourault, que la mobilité est insuffisante dans la fonction publique.
Le texte proposé est non pas idéologique, mais pragmatique. Nous sommes partis des problèmes concrets que les agents publics rencontrent pour bouger. Nous avons demandé à tous les directeurs des ressources humaines de nous faire remonter les blocages qu’ils constataient.
Nous avons ainsi l’ambition d’instituer un droit effectif à la mobilité pour tous les fonctionnaires et de créer de la fluidité dans le fonctionnement des administrations et dans la carrière des agents.
Pourquoi encourager la mobilité ? Comme l’a souligné M. le rapporteur général, seuls 5 % des fonctionnaires sont actuellement mobiles. Par ailleurs, cette mobilité correspond rarement à une mobilité entre deux administrations ou deux fonctions publiques.
Le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels, que le Sénat a adopté le 29 avril dernier, est le fruit d’une importante concertation : conférence spécifique sur les parcours professionnels d’octobre à décembre 2007, groupes de travail spécifiques sur la mobilité. Je salue d’ailleurs M. Portelli, rapporteur de ce projet de loi. Nous espérons que ce dernier sera examiné dès que possible par l’Assemblée nationale.
Le texte met en place des mesures immédiatement concrètes, qui donneront plus de liberté aux agents pour être mobiles.
Ainsi, on n’opposera plus à un agent son statut pour exercer des missions dans un autre corps. On n’interdira plus à un agent qui souhaite changer d’orientation professionnelle d’être intégré dans un autre corps. L’administration ne pourra plus s’opposer au départ d’un agent, sous réserve du respect par ce dernier d’un préavis de trois mois.
En outre, de nouveaux outils financiers sont créés pour encourager la mobilité : primes de mobilité, aide au conjoint, indemnité de départ volontaire.
J’en viens à l’évolution des effectifs de l’éducation nationale, répondant ainsi aux interrogations de Mme Gourault et de M. Mahéas.
Comme l’a indiqué M. Darcos, si l’augmentation des moyens financiers de l’éducation nationale était la solution, nous aurions les meilleurs résultats scolaires au monde !
M. André Santini, secrétaire d'État. Je partage le constat de M. Gouteyron sur ce point. Prenons un peu de recul. Qu’observe-t-on depuis 1990 ?
Les moyens alloués pour le budget de l’éducation nationale ont augmenté de 90 % entre 1990 et 2008, le nombre d’enseignants a progressé de 15 % dans l’enseignement secondaire alors même que le nombre d’élèves diminuait de 10 %.
Nous avons aujourd’hui le coût par élève le plus élevé de l’OCDE. Depuis de nombreuses années, monsieur Mahéas, notre classement dans les évaluations internationales ne cesse de se dégrader en termes de niveau scolaire.
Nous pouvons toujours contester ces évaluations. Outre qu’elles sont convergentes, ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait baisser la température ! Ce n’est pas le niveau des moyens, supérieur à celui des autres pays, qui est source des difficultés.
Et n’oublions pas le temps de travail des élèves ! Lorsque l’on considère les horaires en vigueur dans les lycées et la durée du travail à domicile, le temps de travail des lycéens est supérieur à celui de leurs parents ! La logique du « toujours plus » – plus de moyens, plus d’heures de cours, plus de matières enseignées, plus de programmes, … – conduit à la dégradation de notre système d’enseignement.
Nous respectons les enseignants, y compris lorsqu’ils font grève. Nous ne faisons pas des fonctionnaires une variable d’ajustement. Au contraire, nous investissons pour qu’ils aient une carrière attractive.
M. Jacques Mahéas. Vous en faites bien une variable d’ajustement lorsque vous supprimez un poste sur deux sans définir de missions !
M. Jean-Marc Todeschini. C’est vous qui cassez le thermomètre !
M. André Santini, secrétaire d'État. On en supprime un sur deux, et, dans la mesure où les enseignants représentent la moitié des fonctionnaires de l’État, c’est bien évidemment dans l’éducation nationale que l’on recense le plus grand nombre de suppressions !
Les enseignants bénéficient particulièrement des mesures salariales applicables à l’ensemble de la fonction publique.
L’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires bénéficie à 90 % aux enseignants.
Par ailleurs, 46 000 agents de l’éducation nationale percevront la garantie individuelle du pouvoir d’achat, la GIPA. Le montant moyen pour un enseignant sera de 1 080 euros. Cette somme, qui sera versée cette semaine sur les comptes bancaires des agents, représente un demi-mois de salaire supplémentaire.
Des mesures spécifiques viennent améliorer la situation financière des agents de l’éducation nationale. Jamais autant de mesures catégorielles n’auront été allouées aux enseignants : 2008 est l’année des enseignants.
Ils percevront plus de 410 millions d’euros de revenus supplémentaires grâce à la mise en œuvre du principe « moins nombreux mais mieux payés ». Ils disposeront de 294 millions d’euros de pouvoir d’achat dégagés par la défiscalisation et l’exonération de cotisation sociale des heures supplémentaires.
M. Jacques Mahéas. Pourtant, ils ont fait grève ! C’est bizarre…
M. André Santini, secrétaire d'État. Ils bénéficieront également de la revalorisation tarifaire des heures supplémentaires, de l’accélération de carrière pour les enseignants du premier et du second degré. Les primes des personnels administratifs seront revalorisées afin de se rapprocher des taux en vigueur dans les autres ministères, pour un coût de 17 millions d’euros en année pleine.
Enfin, trois mesures importantes entreront en vigueur à la prochaine rentrée.
Premièrement, une prime supplémentaire de 500 euros sera versée aux enseignants des collèges et des lycées qui feront au moins trois heures supplémentaires par semaine, pour un coût total de 13 millions d’euros.
L’indemnité des directeurs d’école, problème récurrent que connaissent tous les élus locaux, sera réévaluée de 200 à 600 euros selon la taille des écoles : 16 millions d’euros seront budgétés.
Une prime d’installation de 1 500 euros sera allouée aux nouveaux enseignants titulaires, pour un coût global de 36 millions d’euros. Elle sera versée en deux fois, en novembre 2008 et en février 2009.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, telle est l’action résolue que conduit le Gouvernement.
Nous devons refonder notre fonction publique. Nous le faisons en respectant les fonctionnaires, selon les principes de la révision générale des politiques publiques. M. Eric Woerth et moi-même savons très bien que l’on ne réformera pas la fonction publique contre les fonctionnaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Christian Gaudin applaudit également.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bravo !
M. le président. Nous avons achevé le débat sur les effectifs de la fonction publique.
débat sur l’évolution de la dette
M. le président. Nous en venons maintenant au débat sur l’évolution de la dette.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, jusqu’où ira la dette de l’État ? Tel est bien l’enjeu auquel se ramène ce débat, institué par la loi organique relative aux lois de finances, et qui est maintenant devenu habituel pour notre assemblée.
Force est malheureusement de constater la progression, apparemment irrésistible, de notre endettement. À l’heure où la crise financière et la crise économique se déchaînent, la dégradation de la situation de notre dette ne peut que soulever de nombreuses difficultés.
À la fin de 2007, la dette négociable de l’État s’élevait à 921 milliards d’euros. Elle est estimée, pour la fin de 2008, à environ 985 milliards d’euros. En projection, elle représenterait quelque 1 035 milliards d’euros pour la fin de 2009, et je ne compte pas les 3 milliards d’euros que l’État devra lever pour doter le fonds stratégique d’investissement, dont le Président de la République vient d’annoncer la création, ni les sommes qui seront mobilisées pour le futur plan de relance qui sera mis en place dans le cadre de la coordination européenne et que l’on évoque depuis quelques semaines.
Globalement, la dette de l’État est lourde. Elle représente 15 000 euros par habitant, 26 000 euros par foyer fiscal et 33 000 euros par actif. Entre 2005 et 2007, la dette négociable par habitant a augmenté de 3,5 %, l’accroissement démographique ne compensant que faiblement la hausse de l’encours de la dette.
Sur le plan européen, l’appréciation de la dette est un peu plus compliquée, car il faut passer de la dette de l’État à la dette de l’ensemble des administrations publiques : État, organismes d’administration centrale, collectivités territoriales, organismes rattachés et sécurité sociale.
Au 30 juin 2008, le niveau d’endettement de l’ensemble des administrations publiques a atteint 1 269 milliards d’euros contre 1 209 milliards d’euros à la fin de 2007, soit alors presque 64,2 % du PIB.
Dans le projet de loi de programmation des finances publiques, on envisage que la dette publique atteigne un peu plus de 66 % à la fin de 2008 et qu’elle plafonne ensuite aux environs de 68 %, avant de retomber à 64 ou 65 % dès 2011.
Pour mémoire, je rappelle que l’endettement public français était de 35 % du PIB en 1990. Dans les dernières années, ce ratio est resté compris entre la moyenne des États membres de l’Union européenne – 58,8 % en 2007 – et celle des États membres de la zone euro – 66,3 % en 2007. Il convient néanmoins de souligner – c’est important lorsque l’on parle de relance – que, entre 2002 et 2007, les ratios de la zone euro et ceux de l’Union européenne ont été réduits de 1,6 point de PIB européen alors que la dette publique française a au contraire progressé de 5,1 points de PIB durant cette période. Cette progression est bien évidemment très inquiétante.
Comme je viens de l’indiquer, dans le projet de loi de programmation, on envisage d’aller jusqu’à 67 ou 68 %.
Nous rencontrons quelques difficultés avec EUROSTAT qui choisit, modifie, conteste un certain nombre d’opérations. Nous ne savons pas si la société de financement de l’économie française sera considérée comme une société indépendante ou si elle sera intégrée dans le périmètre des administrations publiques, ce qui pèserait sur notre endettement. Je mènerai dans les prochains mois une investigation approfondie à Bruxelles afin de mieux apprécier les conditions d’intervention et les modalités de raisonnement de cet organisme à la fois très influent et apparemment très peu encadré.
En tout cas, il est bien évident que la crise a fortement ralenti l’effort de désendettement que le Gouvernement a mis en œuvre depuis trois ans. Cet effort a été important – plusieurs dizaines de milliards d’euros – lors des exercices 2006 et 2007. Hélas ! en 2008, la conjoncture n’a pas été favorable au désendettement, et l’objectif de 5 milliards d’euros prévu pour 2009 paraît aujourd’hui impossible à atteindre.
La dette, il faut tout à la fois l’amortir et en payer les intérêts.
La charge de la dette publique avait été évaluée, dans la loi de finances initiale pour 2008, à 41,2 milliards d’euros. Compte tenu de l’augmentation des coûts, des taux d’intérêts, et de la dette, la charge de la dette a été majorée de 4 milliards d’euros dans le collectif budgétaire d’octobre.
Pour 2009, au contraire, après la baisse des taux de la Banque centrale européenne et après les événements qui sont survenus aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans les pays asiatiques, la charge de la dette devrait être moins coûteuse – de l’ordre de 43 milliards d’euros, c’est-à-dire 2 milliards de moins qu’en 2008 –, à la condition que nous résistions à la tentation de nous endetter fortement au cours des prochaines semaines pour financer le plan de relance.
Du fait du poids de notre dette, la sensibilité aux variations de taux d’intérêt est très forte. Il faut garder à l’esprit que, toutes choses égales par ailleurs, une hausse des taux à hauteur de 1 % à partir de 2009 se traduirait par une augmentation de la charge de la dette négociable de 4 milliards d’euros. L’évolution des taux d’intérêt est donc un facteur essentiel pour le poids de la charge de la dette. J’y reviendrai lors de la discussion budgétaire.
Dans ces conditions, il convient bien évidemment de tout faire pour diminuer notre endettement public. La progression « zéro » des dépenses budgétaires joue un rôle majeur.
N’oublions pas que les dépenses fiscales se traduisent par une diminution des recettes. Comme le souligne M. le rapporteur général, il faut additionner la dépense budgétaire et la dépense fiscale pour avoir une vision claire de nos finances publiques.
Dans le cadre des fonctions de rapporteur spécial qui m’ont été confiées par la commission des finances, je ferai trois observations.
Première observation : alors que tout un volet de la stratégie de désendettement a été fondé sur les cessions patrimoniales, qu’il s’agisse de participations financières ou d’actifs immobiliers, force est de constater que le contexte économique et la crise actuelle nous interdisent de poursuivre cette politique. On ne va pas vendre à perte des éléments essentiels de notre patrimoine.
Je l’ai déjà indiqué, nous avions pu nous désendetter de 17 milliards d’euros en 2006 et de 8 milliards d’euros en 2007. Pour 2008, nous aurons du mal à atteindre 1 milliard d’euros – et encore ! –, et personne ne sait ce que nous pourrons réaliser en 2009. Il est évident que les fluctuations dans la capitalisation boursière de l’ensemble du portefeuille de valeurs mobilières ou d’entreprises non cotées que détient l’État ne laissent pas présumer si certaines opérations seront possibles.
Je souhaite tout de même souligner – mais c’est ma collègue Mme Bricq qui aura l’occasion de rapporter sur ce point – que, hormis dans le cas du ministère de la défense, qui bénéficie d’un sort particulier, nous ne devons pas oublier d’affecter une partie du produit des cessions immobilières au désendettement : la progression de l’endettement est trop rapide pour que nous ne le fassions pas.
Deuxième observation : le tableau de financement prévisionnel de l’État figurant dans le fameux tableau de l’article 34, qui sera soumis au vote dans quelques instants, fait apparaître pour l’État un besoin de financement, pour 2009, de 165,4 milliards d’euros – le chiffre est important –, y compris l’amortissement de la dette à long et à moyen terme et le déficit de cette même année. Ce chiffre doit être comparé à celui de 149 milliards d’euros de réalisations en 2008.
L’État devra donc procéder à des émissions de titres d’emprunt à long et à moyen terme à hauteur de 135 milliards d’euros, et c’est ce qu’il nous est demandé d’approuver. Néanmoins, selon l’interprétation qui a été retenue de la LOLF, le Parlement n’a pas à juger du plafond des bons du Trésor ni de tous les mécanismes à court terme, et je constate qu’à l’heure actuelle, comme les épargnants sur les livrets, les agents se précipitent sur les bons du Trésor : le plafond que nous avions fixé en 2008 pour les bons du Trésor était légèrement supérieur à 25 milliards d’euros ; ils atteignent déjà 42,7 milliards d’euros.
Troisième observation : je pense que l’agence France Trésor, qui est chargée de gérer la dette pour le compte de l’État et d’émettre pour le compte de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, parvient à emprunter dans de bonnes conditions. La commission des finances souhaite qu’elle puisse aussi intervenir pour les emprunts de la CADES : la réduction de la différence entre les taux d’intérêt obtenus par les émissions de France Trésor et celles de la CADES permettrait sans doute de faire quelques économies.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, si je dois ne retenir que trois chiffres, ce seront ceux-ci : les 165 milliards d’euros que l’État doit essayer de trouver sur les marchés financiers en 2009 ; les 43 milliards d’euros que coûtent les intérêts ; les 5 milliards d’euros qui représenteront probablement l’objectif de désendettement de l’État. Il nous reste à observer quels effets produira le plan de relance.
Pour ma part, je souhaite que le produit de l’augmentation de la dette soit essentiellement consacré au financement d’investissements. Nous pourrons ainsi aborder dans de meilleures conditions l’année 2009. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Christian Gaudin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me bornerai à quelques brèves remarques qui viseront simplement à compléter l’excellent rapport dont Jean-Pierre Fourcade nous a livré l’essentiel.
À la vérité, la problématique de la dette se renouvelle complètement pour l’année 2009. Nous nous trouvons dans une période de crise qui nous projette dans l’inconnu, nous fait perdre nos repères et conduit, vous le savez, à la mise entre parenthèses du traité de Maastricht.
M. Jean-Pierre Chevènement. Très bien ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n’est pas un jugement de valeur, mon cher collègue, c’est un constat qu’impose la crise !
M. Jean-Pierre Chevènement. Constat que j’approuve !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n’est qu’un constat, une chose, comme une table est une table, pas davantage !
Comment tout cela sera-t-il soutenable à moyen et à long terme ? C’est bien la question qui se pose à nous, et ce d’autant plus que notre pays n’a jamais connu, que je sache, de telle perspective de gonflement de son endettement, en période de stabilité monétaire et avec une inflation maîtrisée ou nulle, depuis la guerre.
Examinons comment doit être actualisée la trajectoire pluriannuelle de la dette publique et regardons ensuite, en quelques instants, quel changement d’échelle induit l’intervention massive des États provoquée par la crise.
L’adoption, voilà peu, de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 a donc permis d’actualiser la trajectoire de la dette publique. Nous constatons que celle-ci passerait, selon ce texte, de 66,2 % du PIB en 2008 à 67,9 % du PIB en 2009, taux qui serait abaissé pour atteindre environ 66 % du PIB en 2012, alors que notre objectif, naguère, était encore de 61,8 %.
Il est clair que ces chiffres doivent être abordés avec beaucoup de précaution et qu’ils sont peut-être inférieurs à la réalité.
Mme Nicole Bricq. Certainement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En tout état de cause, il est très probable que, dans cette période, des fluctuations se produiront qui seront fonction, d’une part, de la sortie de crise…
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … et, d’autre part, de la nature des actions ou des actifs financés par cette dette.
Nous devons également être attentifs à la charge de la dette. Or, paradoxalement, nous observons que, selon le projet de loi de finances pour 2009, elle baisserait, par rapport à ce qui a été réalisé 2008, de 1,2 milliard d’euros.
Ainsi, la charge de la dette, qui a augmenté de 4 milliards d’euros en 2008 en raison – M. Fourcade l’a rappelé – de l’inflation relativement forte que nous avons connue pendant la première partie de l’année, diminuerait de 1,2 milliard d’euros en 2009, alors que nous emprunterons davantage – 165 milliards d’euros à se procurer sur les marchés ! – du fait de l’hypothèse d’une inflation maîtrisée, voire d’un contexte proche de la déflation.
À la vérité, cette perspective, ces données issues de la loi de programmation me paraissent ne mesurer aujourd’hui qu’une partie de la réalité probable. C’est bien à cela que nous incite la réflexion que nous avons menée sur un autre texte voté récemment, la loi du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie, laquelle met en place des instruments qui ne peuvent se financer que par appel à l’emprunt. Or, selon la formalisation juridique de ces instruments, la dette qu’ils permettront de contracter est censée entrer ou non dans le périmètre maastrichtien,…
Mme Nicole Bricq. C’est exact !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … c’est-à-dire concourir ou non concourir à ce ratio de 60 %, 65 %, 66 % ou 67 % du PIB.
Ayons, mes chers collègues, le réalisme de nous livrer à une approche économique avant de nous référer à une approche comptable.
La logique maastrichtienne, aujourd’hui, est dépassée,…
M. Jean-Pierre Chevènement. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … elle est entre parenthèses. Pour autant, elle est appliquée par un observateur, que Jean-Pierre Fourcade a cité : EUROSTAT, réunion des directeurs généraux des instituts de statistique de l’Union européenne, qui définit une sorte de jurisprudence.
Nous ne savons pas si telle ou telle opération sera requalifiée. Nous ne savons d’ailleurs même pas quelles seront les décisions de principe d’EUROSTAT pour les différents États de l’Union – chacun des États membres doit en effet recourir à des solutions de même nature –, cette jurisprudence n’étant pas encore intervenue.
Ayons par conséquent la sagesse d’approcher la question de la dette selon une logique économique, ce qui emporte deux conséquences.
Tout d’abord, soyons très attentifs à l’utilisation de la dette. Une dette qui finance des infrastructures physiques, une dette qui finance des prises de participation susceptibles d’être rétrocédées lorsque le marché ira mieux sont évidemment d’une nature tout à fait différente de celle d’une dette qui servirait à solder les salaires et les dépenses de fonctionnement de l’État. C’est autour de cette fameuse règle d’or que nous avons tant tourné dans nos débats, notamment lorsque nous avons élaboré la LOLF, c’est cette règle d’or que nous n’avons pas eu le courage d’établir dans ce pays et qui, pourtant, serait le guide nous permettant d’apprécier, en quelque sorte, la bonne dette et la moins bonne dette.
Enfin, soyons vigilants sur le hors-bilan de l’État. En effet, à côté de la dette financière, il existe une dette qui ne s’exprime pas véritablement : les sommes dues aux entreprises au titre du crédit d’impôt recherche, engagement donné par l’État qu’il faudrait provisionner ; la nécessité, tout simplement, de maintenir les monuments historiques que nous léguerons à nos successeurs, dette ou quasi-dette qu’il faudrait constater dans le hors-bilan de l’État… Ce ne sont là que quelques-uns des très nombreux exemples que l’on pourrait citer.
La commission des finances du Sénat devrait sans doute être plus attentive au recensement de ces engagements donnés par l’État, qui sont des éléments et des variables importants des politiques économiques à venir.
Et puis, en définitive, il est un autre jugement que celui des parlementaires, hélas : c’est le jugement des marchés, c’est-à-dire la confiance que les opérateurs et les souscripteurs de nos titres de dette vont placer dans la signature de la République française et la différence de cotation entre nos emprunts et ceux des autres.
Mes chers collègues, je n’ai fait qu’esquisser des perspectives. Ce débat va aboutir à un vote sur un plafond de la dette à contracter. Celui-ci a au moins le mérite de susciter de notre part, espérons-le, une prise de conscience sur les engagements que nous prenons à l’égard de l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –MM. Christian Gaudin et Jean-Pierre Chevènement applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente,
est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.