M. Guy Fischer. Une AFPA assassinée !
M. Jean-Pierre Godefroy. … avec, d’une part, comme l’a dit Mme Jarraud-Vergnolle, des « centres de profit » pour les formations immédiatement profitables qui seront confiées au secteur privé ou à certaines branches, par exemple l’UIMM, et, d’autre part, des formations de remise à niveau qui continueront à être subventionnées parce que non rentables.
Au moment où se profile une augmentation massive du chômage, il serait plus efficace dans l’immédiat, nous semble-t-il, de laisser l’AFPA en mesure d’exercer ses missions.
M. Guy Fischer. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Godefroy. Enfin, avant de conclure, je voudrais revenir sur un dernier point que j’ai abordé en commission, monsieur le secrétaire d’État, et auquel vous n’avez pas répondu. Je tente donc de nouveau ma chance en rappelant que, sur l’initiative de M. Jégou, la majorité du Sénat a adopté en première partie un amendement n° I-115, prévoyant la fiscalisation des indemnités journalières perçues par les accidentés du travail.
Comme l’ensemble de mes collègues du groupe socialiste, je suis opposé à cette fiscalisation qui constitue une atteinte au principe général de non-fiscalisation des indemnisations de réparation du préjudice corporel, ainsi qu’au droit à réparation des victimes du travail, lesquelles ne bénéficient encore, je le rappelle, que d’une réparation forfaitaire de leurs préjudices contrairement à toutes les autres victimes, notamment d’accidents de la route, d’accidents médicaux, voire de l’amiante.
À la fiscalisation de l’indemnité journalière s’ajoute le fait que le Gouvernement s’est toujours refusé à exonérer ces victimes des franchises médicales. Elles seront donc soumises à une double peine : Victimes, elles auront en plus à payer les franchises médicales, et leurs indemnités journalières vont être fiscalisées. J’estime que c’est anormal.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État : comptez-vous demander une seconde délibération ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. J’ai déjà clairement répondu : je suis opposé à cette mesure !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n’est pas ce que j’ai entendu en commission, on vérifiera dans le compte rendu, mais, si vous me le confirmez tout à l’heure, je serai satisfait parce que certaines secondes délibérations nous sont demandées pour des choses beaucoup moins « défendables ».
Indéniablement, les crédits de la mission « Travail et emploi » ne sont pas à la hauteur des enjeux présents et futurs. L’unique fondement de la politique du Gouvernement demeure encore et toujours la diminution du coût du travail et le transfert sur les ménages du financement de la protection sociale au travers des exonérations de cotisations sociales patronales qui constituent la majeure partie des crédits.
Telle est la raison pour laquelle, comme l’a indiqué ma collègue Annie Jarraud-Vergnolle, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je pourrais ironiser sur les déclarations optimistes, voire fanfaronnes du Gouvernement, lors de l’examen du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dit « loi TEPA », sur les effets bénéfiques, a-t-on dit alors, du « paquet fiscal » pour l’emploi, si la situation du marché du travail n’était pas aujourd’hui si préoccupante.
En effet, après une hausse record du nombre de demandeurs d’emploi en août, la montée du chômage se poursuit pour dépasser les 2 millions de chômeurs à la fin de cette année.
Je pourrais ironiser également sur les prévisions économiques du Gouvernement pour 2009, optimistes hier, alarmistes aujourd'hui, si ces perspectives n’étaient pas aussi inquiétantes pour les salariés de notre pays.
Le ministère des finances a déjà revu à la baisse le taux de croissance, mais il reste encore relativement optimiste au regard des conjectures de la Commission européenne, qui prévoit une croissance nulle en 2009.
Or, d’après l’UNEDIC, ce scénario d’une croissance nulle aboutirait à une augmentation du nombre de demandeurs d’emploi de 74 000 l’an prochain.
Je pourrais ironiser aussi sur votre politique d’exonération de charges sociales dont le but serait de lutter contre les délocalisations, mais qui profite, en fait, surtout à la grande distribution, activité par nature non délocalisable puisqu’elle se situe là où sont ses clients, je pourrais ironiser si cela ne révélait un gaspillage des fonds publics et une atteinte au commerce de proximité.
Je pourrais ironiser encore sur la faible capacité d’un parlementaire à peser sur les choix budgétaires du Gouvernement, par rapport à un Président de la République omniprésent dont nous ne savons pas encore ce qu’il compte faire pour enrayer les effets de la crise, puisqu’il n’ annoncera le contenu de son « plan » que le 4 décembre, quand nous aurons presque terminé l’examen du budget !
Je pourrais ironiser enfin sur le fait que votre seule réponse à la hausse du chômage est de rétablir dans ce budget les 100 000 contrats aidés que vous aviez supprimés l’an dernier,…
M. Jean-Pierre Godefroy. Exactement !
M. Jean Desessard. … contrats qui avaient été mis en place sous le gouvernement de Lionel Jospin et qui avaient subi depuis 2002 une réduction drastique pour des raisons purement idéologiques.
Aujourd’hui, pour faire face à l’urgence et masquer son imprévoyance, le Gouvernement ressort de son chapeau ces 100 000 emplois aidés. Quel aveu d’impuissance ! Voilà l’alpha et l’oméga de votre politique de l’emploi : faire le dos rond face à la crise en traitant le chômage par des contrats aidés et attendre que cela passe. Ce n’est pas ce que j’appellerai « une politique tournée vers l’avenir » !
M. le rapporteur pour avis a défendu cette politique du yo-yo :…
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Mais oui !
M. Jean Desessard. … on rétablit les contrats aidés quand les choses vont mal et on les supprime quand cela va bien.
Monsieur le rapporteur pour avis, ces contrats aidés sont gérés par des associations. Comment peuvent-elles s’organiser si tout d’un coup vous dites : cela va bien, on arrête tout…
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Mais non, pas tout, ne soyez pas excessif !
M. Jean Desessard. … ou, au contraire, cela ne va pas, on en rétablit 100 000.
Dans quelles conditions comptez-vous accueillir ces personnes ?
Je prendrai un exemple pour illustrer cette politique aberrante et incohérente du Gouvernement, exemple qui a d’ailleurs déjà été cité, celui des entreprises d’insertion, entreprises dynamiques sur le plan économique, efficaces pour la réinsertion des « sans-travail » et utiles pour l’environnement.
Lors du Grenelle de l’insertion, le Gouvernement s’est engagé à encourager l’insertion par l’activité économique en doublant le nombre de postes dans les entreprises d’insertion en cinq ans.
Et que fait le Gouvernement cette année ? Il réduit les crédits consacrés à l’aide au poste qui sont en diminution par rapport à 2008.
M. Guy Fischer. De 20 % !
M. Jean Desessard. En outre, l’aide au poste, auparavant entièrement consacrée aux entreprises d’insertion, a été généralisée aux ateliers et aux chantiers d’insertion, créant une confusion injustifiée entre l’insertion par l’activité dans le secteur non-concurrentiel et l’insertion par l’activité économique des entreprises d’insertion. M. Soisson, qui l’a mise en place, en dénonce les effets pervers du fait de cette confusion.
Il faudrait au contraire dissocier ces deux formules, certes complémentaires mais différentes dans leur conception, sur deux lignes de crédits bien distinctes. En effet, la fongibilité des crédits alloués aux chantiers d’insertion et ceux qui sont consacrés aux entreprises d’insertion risque de conduire les directeurs départementaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle à attendre, à ne pas choisir, à jouer de prudence entre les deux dispositifs.
Je rappelle que plus de la moitié des salariés dans les entreprises d’insertion retrouvent un emploi à l’issue de leur CDD d’insertion, contre moins d’un tiers pour les bénéficiaires de contrats aidés.
Monsieur le secrétaire d’État, lorsque je vous ai interrogé en commission sur la diminution des crédits de l’aide au poste dans les entreprises d’insertion, vous m’avez répondu que le budget prévu pour 2009 correspondait au niveau des crédits réellement utilisés en 2008.
Comment voulez-vous débloquer la situation ?
Les entreprises d’insertion sont aujourd’hui demandeuses de main-d’œuvre pour honorer les nombreux contrats qu’elles remportent, et elles auraient pu utiliser l’intégralité de ces crédits si elles n’avaient eu à subir des lourdeurs administratives, que vous allez renforcer puisque vous mettez moins de postes à disposition.
Pourtant, ce sont des entreprises qui remplissent une mission d’utilité publique en agissant pour la formation professionnelle et l’action sociale auprès des salariés en difficulté et les plus éloignés de l’emploi.
Enfin, ce sont des entreprises qui agissent très souvent en faveur de la protection de l’environnement, dans le domaine de l’entretien des espaces verts, du recyclage des déchets, notamment les appareils électroménagers, comme les entreprises du réseau Envie.
Monsieur le secrétaire d’État, vous devriez encourager la création des entreprises d’insertion plutôt que de les soumettre à des procédures d’agrément et de conventionnement extrêmement lourdes et complexes.
Au final, votre gouvernement, depuis un an et demi, n’a pris aucune mesure concrète en faveur de l’emploi. La défiscalisation des heures supplémentaire n’est en rien une mesure en faveur de l’emploi, comme l’a très justement fait observer la commission des finances dans son rapport. Bien au contraire, elle a conduit à augmenter la masse de travail des salariés déjà en poste au détriment de l’emploi des « sans-travail ».
Les heures supplémentaires concentrent les emplois alors que nous devrions au contraire partager le travail, ce qui permettrait de réduire le chômage et de diminuer l’empreinte écologique.
Nous devons sortir du dogme productiviste selon lequel l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés passerait par un accroissement exponentiel de la production. La vraie question qui doit être posée aujourd’hui est plutôt celle du partage des richesses et – je le revendique – du partage du travail pour tous, car nous vivons dans un monde aux ressources limitées.
En ce vingtième anniversaire de la création du RMl, laissez-moi vous rappeler cette phrase qui ponctuait les campagnes publicitaires de l’époque : « Ne fermons pas la porte à ceux qui sont dehors. ».
Notre pays a plus que jamais besoin d’une véritable politique de soutien à l’emploi et à l’insertion, durable et ambitieuse. Votre politique favorise au contraire l’exploitation de ceux qui ont déjà un emploi, y compris en les obligeant à accepter de travailler le dimanche, tard le soir ou jusqu’à 70 ans,…
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. C’est normal !
M. Jean Desessard. … ce qui aboutit aujourd’hui à fermer la porte de l’emploi à plus de 2 millions de chômeurs !
Voilà pourquoi les sénatrices et les sénateurs Verts ne voteront pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget qui vous est présenté traduit trois priorités majeures de la politique du travail ; Laurent Wauquiez insistera davantage, pour sa part, sur la politique de l’emploi.
La première priorité, qui constitue le fondement de ce budget, a trait au développement du dialogue social et à la recherche de l’effectivité du droit. C’est ainsi que nous avons consacré 90 millions d’euros ces dernières années au financement des élections prud’homales, qui se tiendront, comme vous le savez, mercredi prochain. Avec ces élections déterminantes, les salariés exprimeront leur volonté de conforter et de renforcer les syndicats, car nous avons toutes et tous besoin de syndicats plus forts encore.
Pour le moment, 78 654 personnes ont déjà voté par internet et, avec l’ensemble des partenaires sociaux, nous avons tout mis en œuvre pour que ces élections soient un succès, grâce au service sur mesure que nous proposons, en laissant le choix entre le vote physique à l’urne et le vote par correspondance, en plus du vote internet à Paris.
Outre le financement des élections proprement dites, nous avons prévu une augmentation de près de 30 % des crédits liés à la formation des nouveaux conseillers prud’homaux, qui seront élus le 3 décembre prochain, afin de leur permettre de prendre leurs fonctions dans les meilleures conditions possibles.
La mise en œuvre de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail se traduira par un effort important dans notre budget. Ce texte instaure une appréciation de la représentativité des syndicats de salariés en fonction de leur audience électorale à tous les niveaux.
L’application informatique qui permettra de compiler les résultats électoraux dans les entreprises, afin de les consolider au niveau des branches et au niveau interprofessionnel, sera conçue et déployée grâce à une dotation de 2 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement pour l’année 2009. Une dotation annuelle de 7 millions d’euros au titre des crédits de paiement a d’ores et déjà été prévue sur les exercices 2010 et 2011.
Enfin, nous garantissons la préservation des moyens dédiés à la formation syndicale, prévus par les conventions triennales passées avec les partenaires sociaux, pour un montant de 80 millions d’euros environ, soit près de 25 millions d’euros par année.
La deuxième priorité de notre action concerne la santé et la sécurité au travail.
À cet égard, je veux rappeler à M. Godefroy la position du Gouvernement sur l’amendement de M. Jégou tendant à fiscaliser les indemnités journalières d’AT-MP. Cette position n’a pas changé : le Gouvernement n’y était pas favorable, il ne l’est toujours pas ! (M. Jean-Pierre Godefroy approuve.) Place maintenant à la commission mixte paritaire, puisque le vote du Sénat ne correspond pas à celui de l'Assemblée nationale.
Les moyens des agences, ceux de l’AFSSET, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, et de l’ANACT, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, seront préservés, et leurs dépenses seront maintenues à leur niveau actuel.
Le FACT, le Fonds pour l’amélioration des conditions de travail, a par ailleurs vu sa gestion réformée : elle est désormais confiée à l’ANACT et à son réseau, pour être plus proche du terrain. Ses moyens seront accrus, puisqu’ils passeront de 1,3 million d’euros en 2008 à 2 millions d’euros en 2009, pour atteindre 4 millions d’euros en 2011, comme je m’y étais engagé devant les partenaires sociaux lors de la première conférence du 4 octobre 2007 consacrée aux conditions de travail.
La troisième priorité, indispensable aux deux premières, est le renforcement et la modernisation de l’intervention de nos services pour mettre en œuvre et contrôler la politique du travail.
Comme vous l’avez relevé, monsieur le rapporteur spécial, ce budget traduit fidèlement les engagements pris au titre du plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail – lancé par un ministre du travail se nommant Gérard Larcher ! (Sourires.) –, avec la création de 160 postes d’agents de contrôle, ce qui permet de respecter les 700 postes prévus en 2010, au terme de sa mise en œuvre.
Outre des moyens renforcés, ce plan met en avant une approche innovante de la gestion des services de l’inspection du travail. Chaque année, depuis 2006, des appels à projets sont lancés auprès des directions régionales pour qu’elles conçoivent, en concertation avec les agents et leurs représentants, des programmes régionaux de modernisation et de développement de l’inspection du travail destinés à répondre aux différents enjeux de la politique du travail en fonction du contexte local.
Ensuite, comme vous l’écrivez dans votre rapport, monsieur le rapporteur spécial, « la révision générale des politiques publiques est à l’œuvre ». La fusion des services des inspections du travail dont on parle depuis longtemps devient enfin réalité. Cette réforme simplifiera l’accès des salariés et des employeurs à l’information sur le droit du travail et permettra également d’assurer une meilleure couverture du territoire.
Comme vous le savez, le budget que nous vous proposons d’adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, inclut l’intégration dans le ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité de 387 emplois en provenance des transports et de 296 emplois en provenance de l’agriculture, soit 683 emplois au total. Le regroupement physique des agents au sein des mêmes locaux interviendra rapidement.
Enfin, la modernisation de nos services passe aussi par la création des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, qui regrouperont l’ensemble des services en contact avec les entreprises et les salariés. Comme vous le savez, une préfiguration a été lancée dans cinq régions, et des retours d’expérience, positifs, sont en cours.
Sur le terrain, les agents nous demandent de leur tracer des perspectives précises sur l’avenir de nos services. Message bien reçu ! De la même façon, les Français attendent des administrations qu’elles s’adaptent à leurs besoins. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, messieurs les rapporteurs, d’accélérer le rythme en anticipant d’un an le calendrier de la réforme pour le faire aboutir au 1er janvier 2010.
Toutes ces mesures témoignent de l’ambition réformatrice du Gouvernement, que je vous remercie d’avoir reconnue, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. En somme, ce budget permettra d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour mener une politique du travail moderne, adaptée à notre temps. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre attention et de votre confiance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, après la présentation aussi vigoureuse que dynamique de Xavier Bertrand sur la politique du travail, je vous exposerai les orientations principales de la politique de l’emploi et répondrai aux différentes questions qui ont été soulevées.
Considérant la crise actuelle que nous ne saurions dissimuler mais que nous devons, au contraire, assumer et qui met nombre de nos compatriotes dans des situations difficiles, nous devons parvenir à concilier deux exigences.
Tout d’abord, nous devons être capables de répondre aux situations d’urgence, en apportant soutien et réconfort, notamment dans les territoires les plus durement touchés.
Ensuite, il nous faut résister à la tentation de ne pas engager les réformes de structure dont nous avons besoin en termes de service public de l’emploi pour ne faire que de l’artifice conjoncturel et jeter de la poudre aux yeux !
Le budget qui vous est proposé cherche donc bel et bien à concilier ces deux enjeux.
À cet égard, permettez-moi de souligner l’analyse très juste réalisée tant par M. le rapporteur pour avis sur les enjeux importants du contrat de transition professionnelle, que par M. le rapporteur spécial sur la question des allégements de charges.
Si vous me le permettez, mesdames, messieurs les sénateurs, je présenterai en trois temps les principales orientations du budget de l’emploi : quelles réponses devons-nous apporter aux situations d’urgence ? Quelles priorités retenons-nous dans ce budget au titre de la politique de l’emploi ? Enfin, quelles réformes de structure ne devons-nous pas perdre de vue ?
Tout d’abord, je tiens à saluer le travail remarquable réalisé par M. le rapporteur pour avis sur les réponses conjoncturelles à apporter en cette période de crise, ainsi que son implication en tant qu’élu local dans toutes les politiques de l’emploi.
Le budget qui vous est proposé tend à apporter trois éléments de réponse, qui procèdent du même raisonnement.
Dans la période actuelle, le plus grave n’est pas seulement de perdre son emploi ; c’est de ne pas avoir la possibilité, ou l’espoir, d’en retrouver un. La politique que nous mettons en œuvre consiste non pas à créer des sécurités illusoires, visant à faire reculer le chômage ou à faire semblant de lutter contre la perte d’un emploi, qui peut être parfois, inéluctable, mais à tout faire pour aider une personne ayant perdu son emploi à rebondir.
De ce point de vue, trois dispositifs nous semblent essentiels.
D’abord, j’évoquerai les mesures qui relèvent de ce que j’appelle « l’assurance professionnelle », pour permettre précisément à la personne qui a perdu son emploi de rebondir.
La convention de reclassement personnalisé constitue le premier étage de la politique proposée à toutes les personnes victimes d’un licenciement pour les faire bénéficier d’un accompagnement plus important qui, couplé avec des actions de formation, leur permettra de sortir de cette situation. Cela étant, ce dispositif n’est pas suffisamment efficace : le taux d’adhésion volontaire des licenciés économiques est relativement faible et le taux de retour à l’emploi trop faible.
Dans le même temps, nous proposons aux territoires les plus durement touchés un contrat de transition professionnelle ; je pense notamment à Valenciennes, Sandouville ou Niort, des villes qui connaissent des crises de l’emploi particulièrement aiguës.
En la matière, les sept contrats de transition professionnels qui ont été expérimentés permettent de répondre efficacement à des situations d’urgence. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 80 % des salariés de ces secteurs ont choisi d’adhérer volontairement aux contrats de transition professionnelle ; plus de 6 salariés sur 10 ont retrouvé un emploi en moins d’un an.
La meilleure démonstration nous a été donnée, à Valenciennes, alors que nous y étions en déplacement aux côtés du Président de la République, par l’un des licenciés économiques.
Cette personne, qui avait été licenciée d’une entreprise de fruits et légumes, avait le projet de retrouver un emploi dans le secteur du bâtiment. Il nous a très simplement expliqué qu’il n’est pas facile de vouloir passer d’un métier à un autre sans aide ni formation, car cela demande du temps. Dans ces conditions, et pour repartir de bon pied, une main tendue est bienvenue. Pour lui, cela a été déterminant.
L’objectif du contrat de transition professionnelle est précisément de permettre à une personne licenciée de retrouver un emploi le plus rapidement possible, grâce à la mobilisation de tous les acteurs de la formation professionnelle et aux outils prévus, telle l’évaluation en milieu de travail, dans des secteurs qui peuvent être porteurs d’emplois sur le même bassin géographique.
Ainsi que le Président de la République l’avait annoncé, nous nous sommes engagés dans cette voie. Or, dans la période actuelle, aucun retard ne peut être pris sur ces dispositifs qui visent à protéger nos concitoyens. L'Assemblée nationale a pérennisé les sept contrats de transition professionnelle existants, et nous vous proposons, mesdames, messieurs les sénateurs, un abondement budgétaire pour les conforter.
Monsieur le rapporteur pour avis, ce sujet vous tient, je le sais, particulièrement à cœur.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. En conséquence, le Gouvernement vous proposera un amendement à l’article 54 bis, qui sera examiné avec les articles non rattachés. De ce point de vue, je vous remercie de votre soutien.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Oui, parce que j’y crois !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ces mesures nous permettront d’être en ordre de bataille dès le 1er janvier 2009 pour faire bénéficier les personnes licenciées d’un outil ayant fait ses preuves au cours des années écoulées et aider les bassins géographiques les plus durement touchés.
Le deuxième dispositif concerne l’activité partielle.
En la matière, je commencerai par donner quelques mots d’ordre ou dresser un constat de bon sens : tout vaut mieux que d’être licencié ou de voir disparaître une entreprise ! Une PME qui fait faillite ne reviendra pas ; des emplois perdus ne seront pas recréés ! Si nous pouvons permettre à une entreprise et à ses salariés de traverser, sans trop de peine, une période de faible activité ou de surstock, alors faisons-le !
Dans ce cadre, l’enveloppe dédiée à l’indemnisation du chômage partiel est doublée, passant de 19 millions d’euros à très précisément 39 millions d’euros.
Par ailleurs, nous avons demandé aux partenaires sociaux de se saisir de cette question, afin d’apporter une plus grande souplesse d’utilisation à ce dispositif – j’y reviendrai – et d’améliorer l’indemnisation.
Le troisième outil de la politique de l’assurance professionnelle a trait aux contrats aidés, qui font l’objet d’une relance, avec 100 000 contrats aidés supplémentaires et un abondement budgétaire de 250 millions d’euros. En la matière, soyons clairs sur notre philosophie !
Les contrats aidés ont deux composantes.
Toute d’abord, les contrats aidés sont destinés à accompagner ceux de nos concitoyens qui ne peuvent pas accéder, quelle que soit la conjoncture économique, à un emploi dans le secteur compétitif. Ils répondent à un devoir de solidarité national au sein de la société, qui a toujours été assumé.
Ensuite, dans une période de tension sur le marché de l’emploi, il vaut mieux proposer un contrat aidé à une personne au chômage plutôt que de la laisser dériver vers un chômage de longue durée, dont elle ne pourra pas sortir. Dans ces périodes de crise, il est donc normal, monsieur Desessard – et je l’assume parfaitement ! – de relancer les contrats aidés.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Bien sûr ! Il n’y a aucune honte à le faire !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je serai un peu plus précis.
Nous avons même anticipé cette relance puisqu’en juillet dernier, alors même que nous ne disposions pas encore précisément des chiffres de l’emploi, qui se dégradaient, nous avions commencé à proposer plus de 60 000 contrats aidés. Cette anticipation en souplesse nous permet aujourd'hui de monter progressivement en puissance.
Toutefois, je n’ai pas l’intention de suivre la politique du gouvernement de Lionel Jospin, qui avait créé 550 000 contrats aidés, alors même que la France connaissait un taux de croissance extrêmement élevé.
En effet, l’objectif final n’est pas de faire du chiffre. Il ne s’agit pas de placer des personnes au chômage sur une voie de garage en leur proposant un emploi pendant huit mois pour les extirper des statistiques du chômage. Mon but est de proposer un vrai accompagnement dans la recherche d’un emploi durable. Telle est ma seule et vraie satisfaction !
C’est pour cette raison que j’ai demandé aux services de Pôle Emploi de laisser de côté leurs anciennes habitudes consistant à ne plus suivre la personne une fois le contrat aidé terminé, celle-ci se retrouvant de nouveau ensuite dans la galère du chômage. Il nous faut au contraire anticiper et réfléchir à l’étape suivante, à la formation dont elle aura besoin pour s’insérer dans un emploi durable. Telle est la vision des contrats aidés que nous avons dans cette situation de crise.
Au-delà de ces éléments de réponse sur les situations d’urgence, il me reste à expliquer quelles sont les priorités du budget de l’emploi pour cette année 2009. Dans un premier temps, je souhaite revenir un peu sur les grandes tendances.
Effectivement, ce budget comporte des diminutions budgétaires qui sont notamment dues aux décisions prises, l’année dernière, sur des dossiers tels que les préretraites et les contrats de professionnalisation. Pour le reste, il fait l’objet d’un abondement au titre de mesures nouvelles. Cet abondement a été renforcé, en particulier depuis les annonces faites par le Président de la République, et aboutit à un budget conforté de 400 millions d’euros.
Je me permets également d’attirer votre attention sur les points suivants : 26 milliards d’euros sont consacrés à la formation professionnelle et le budget de Pôle Emploi, qui se monte à environ 4,5 milliards d’euros, est en croissance.
Cela dit, je ne pense pas que l’efficacité d’une politique se mesure uniquement à une ligne budgétaire. Un budget n’est pas bon parce qu’il se contente d’afficher une augmentation mesurable en millions d’euros, mais parce qu’il cible les besoins et surtout, comme M. Dassault l’a souligné, qu’il évalue chacune des mesures qui ont été adoptées.
Nous avons donc fourni un réel effort afin de pouvoir répondre à l’une des exigences du président Arthuis et vous proposer dès l’an prochain une vraie évaluation de l’efficacité et de la pertinence des politiques de l’emploi dans leur ensemble.