M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis.
M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en dépit des annonces catastrophistes entendues çà et là, je tiens d’entrée de jeu à souligner que les crédits consacrés par l’État aux médias, notamment audiovisuels, seront en 2009 plus élevés que jamais.
Il faut s’en féliciter et constater que l’État est conscient des défis majeurs qui attendent ce secteur dans les prochaines années en raison de la révolution numérique : les chaînes de télévision devront mettre en place un « média global », impératif pour offrir aux programmes diffusés une continuité de la télévision à internet, et investir lourdement afin d’assurer la diffusion des programmes en haute définition et sur tous les supports.
Ces crédits sont, d’une part, inscrits dans la mission « Médias », qui rassemble plus de 1 milliard d’euros de crédits de paiement, dont plus de 732 millions d’euros sont consacrés à l’audiovisuel, et, d’autre part, retracés dans le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel », au sein duquel est réparti le produit de la redevance.
En 2009, la redevance financera les organismes de l’audiovisuel public pour un montant de quasiment 3 milliards d’euros, soit une hausse de 3,7 % par rapport à 2008.
Cette augmentation sera rendue possible par l’indexation de la redevance sur l’inflation, que la commission des affaires culturelles réclame depuis quelques années. Je me réjouis que le Gouvernement se soit enfin rallié à cette option.
Un peu d’avance a cependant été prise, puisque cette mesure sera débattue lors de la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, discussion au cours de laquelle des changements pourraient encore intervenir. M. le président de la commission des finances vient d’indiquer qu’elle aurait lieu au début de l’année 2009.
Qui va profiter de cette hausse des crédits ? France Télévisions, tout d’abord, qui, après avoir bénéficié d’une hausse de ses crédits de 3,5 % en 2008, verra sa dotation augmenter de 53,3 millions d’euros en 2009, conformément au contrat d’objectifs et de moyens ambitieux qui avait été signé en 2007.
En outre, le nouveau programme 313 de la mission « Médias », intitulé « Contribution au financement de l’audiovisuel public », prévoit une dotation de 450 millions d’euros correspondant à la compensation des pertes de recettes commerciales occasionnées par la disparition partielle de la publicité sur les chaînes de France Télévisions, dans le cadre de la réforme de la télévision publique.
C’est la commission pour la nouvelle télévision publique qui a évalué la hauteur de cette compensation, tenant compte à la fois de la disparition de la publicité après 20 heures, de son effet sur la décote sur les écrans publicitaires maintenus en journée, de la décrue globale du marché publicitaire et, enfin, des effets des modifications du cadre réglementaire.
Prenant pour base les revenus publicitaires de France Télévisions en 2007, qui s’élevaient à 800 millions d’euros, la commission présidée par M. Copé a fixé la compensation de l’État en déduisant de cette somme, d’une part, les recettes attendues des opérations de parrainage et de la publicité sur les antennes régionales, sur celles d’outre-mer et sur les nouveaux supports, qui devraient s’établir à 150 millions d’euros en 2009, et, d’autre part, 200 millions d’euros, au titre des revenus publicitaires sur la publicité en journée.
J’insiste sur le fait que cette dotation diminue très fortement le risque économique encouru auparavant par France Télévisions, dont le chiffre d’affaires publicitaire pouvait être très fluctuant. Au-delà de la question des taxes, dont on discutera bientôt, le budget de l’État permet donc déjà à France Télévisions de disposer de perspectives financières à la fois solides et sécurisantes, qui lui permettront notamment de contribuer d’une manière suffisante au soutien à la création.
Il sera cependant nécessaire que la loi relative à l’audiovisuel public comporte une clause de revoyure avant la suppression totale de la publicité. Cela permettra aux parlementaires de constater que les crédits sont suffisants pour financer France Télévisions.
Par ailleurs, nous serons tous vigilants, je le crois, lorsqu’il s’agira de contrôler le respect des engagements financiers que l’État a pris dans les contrats d’objectifs et de moyens, les COM, passés avec les organismes de l’audiovisuel public.
Le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » prévoit une augmentation de 3,7 % de la dotation prévue pour Radio France, dont les crédits représentent 559,7 millions d’euros pour 2009. Cette augmentation correspond, à l’euro près, aux engagements pris par l’État dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens. Cette hausse des crédits doit permettre à Radio France de financer les chantiers du numérique et du multimédia.
Madame la ministre, j’ai, par ailleurs, appris récemment de bonnes nouvelles sur l’évolution des coûts des travaux liés à la réhabilitation de la Maison de la radio. J’espère que vous pourrez nous donner des précisions sur cette question.
Le programme 313 de la mission « Médias » comprend en outre une dotation additionnelle de 23 millions d’euros qui a pour objet de compenser un recentrage de la publicité de Radio France, afin de mettre en conformité la diffusion des messages publicitaires sur ses antennes avec les prescriptions de son cahier des charges.
Arte bénéficie quant à elle d’une hausse de ses crédits de 4 %, conforme au contrat d’objectifs et de moyens, soit une augmentation de 10 millions d’euros. Grâce à sa bonne gestion, la chaîne va pouvoir consacrer ces moyens à la diffusion en haute définition et sur la télévision mobile personnelle, ce que le COM n’avait pas intégré.
L’Institut national de l’audiovisuel bénéficie pour sa part d’une hausse de 3,4 % de ses crédits, qui s’élèveraient ainsi à 86 millions d’euros en 2009. Cette augmentation est une nouvelle fois conforme au COM de 2005-2009, notamment grâce au dynamisme de la redevance. On peut se satisfaire de cette hausse des crédits, qui financera notamment la numérisation intégrale des fonds menacés de dégradation. Elle récompense également à juste titre la pertinence de la politique menée par l’INA depuis la signature du COM.
Des inquiétudes apparaissent sur la budgétisation des crédits du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, le FSER, qui subventionne les radios associatives de proximité. Néanmoins, je tiens à le souligner, ces radios bénéficiaient en 2008 d’une taxe sur les recettes publicitaires des radios et télévisions, à hauteur de 25 millions d’euros. Or, celle-ci aurait forcément baissé en 2009. L’État a fait un réel effort budgétaire en dotant le nouveau programme « Soutien à l’expression radiophonique locale » de 26,5 millions d’euros de crédits de paiement pour 2009, soit une hausse de 6 % par rapport à 2008.
La difficulté majeure, pour ces radios, sera en réalité le passage au numérique, en raison des coûts de la double diffusion. Une réflexion devra donc être menée sur le soutien à leur apporter. La commission des affaires culturelles sera très attentive, lors de l’élaboration des prochaines lois de finances, à la pertinence du niveau des crédits affectés au FSER, dans la mesure où les radios associatives de proximité remplissent un rôle fédérateur très intéressant à l’échelon local.
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les projets du ministère visant à soutenir le passage au numérique de ces radios locales ?
Évoquons enfin le financement de l’audiovisuel extérieur. La nouvelle holding « Audiovisuel extérieur de la France », dont l’appellation n’est pas définitive, a été créée le 4 avril 2008 afin de mettre en œuvre la réforme de l’audiovisuel extérieur en regroupant Radio France Internationale, France 24 et TV5 Monde.
Les crédits du programme 115 de la mission « Médias », relatif à l’audiovisuel extérieur, s’élèvent à 232 millions d’euros pour 2009, dont 1 million d’euros pour Médi 1, la radio franco-marocaine. Les crédits du programme 844 du compte de concours financiers représentent pour leur part 65,3 millions d’euros.
Au total, l’audiovisuel extérieur serait ainsi doté de 297 millions d’euros de crédits en 2009, contre 296 millions d’euros en 2008.
Cette hausse très légère est inférieure à la seule augmentation des crédits prévus pour France 24 dans son contrat de subvention avec l’État. La répartition des crédits qui sera opérée par la société de l’audiovisuel extérieur entre les trois chaînes, en accord avec les partenaires de la France pour TV5 Monde, s’annonce donc extrêmement difficile. Les économies de structures réalisées, annoncées par M. Alain de Pouzilhac et Mme Christine Ockrent lors de leur récente audition par la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères, permettront peut-être de dégager de nouveaux financements. Des indications plus précises sur ce point seraient tout à fait utiles, madame la ministre.
Enfin, j’ajouterai un dernier commentaire sur la dotation de 15 millions d’euros au profit du groupement d’intérêt public « France Télé numérique ». La commission des affaires culturelles s’est clairement prononcée en défaveur de l’utilisation de la redevance pour financer ce groupement d’intérêt public.
Pour 2010, il faudra profiter de la récente création du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien », qui regroupe les crédits obtenus par la vente des fréquences libérées grâce au numérique, pour abonder les crédits du GIP.
En conclusion, conformément à mes préconisations, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte particulièrement morose pour la presse écrite payante, le Président de la République a ouvert, le 2 octobre 2008, des états généraux de la presse, l’objectif étant de dégager des pistes de réflexion sur l’organisation de ce secteur, ainsi que de formuler des propositions de réforme.
Dans l’attente des conclusions et des recommandations de ces états généraux, annoncées pour la fin du mois de décembre 2008, le régime des aides à la presse est globalement reconduit dans le projet de loi de finances pour 2009.
Les aides directes à la presse s’élèveront en 2009 à un peu plus de 173 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une très légère diminution par rapport à 2008. Cette baisse a toutefois vocation à s’amplifier, à la suite de l’adoption d’un amendement en seconde délibération par l’Assemblée nationale, qui tend à minorer encore les crédits du programme « Presse » de presque 2 millions d’euros.
Je ne me livrerai pas à un commentaire exhaustif des crédits du programme « Presse » ; j’insisterai plutôt, si vous me le permettez, sur un double problème de notre dispositif d’aide à la presse : son incapacité à préserver efficacement le pluralisme de la presse et à accompagner la modernisation du secteur. Ces deux enjeux sont au cœur du débat des états généraux de la presse.
Les aides au pluralisme, d’un montant de près de 10 millions d’euros en 2009, se concentrent principalement sur le soutien aux titres à faibles ressources publicitaires. Or, c’est l’ensemble de la presse quotidienne payante qui se trouve confronté à des effets d’éviction publicitaire puissants, provoqués par la concurrence de la presse gratuite, d’internet, mais aussi de la télévision.
À cet égard, le Gouvernement a annoncé une série de mesures tendant à favoriser les revenus publicitaires des télévisions commerciales. Ces mesures me semblent inquiétantes, puisqu’elles risquent de renforcer l’effet d’éviction publicitaire dont est déjà victime la presse.
L’augmentation du quota publicitaire horaire autorisé de six à neuf minutes sur les chaînes privées, le passage de l’« heure glissante » à l’« heure d’horloge » et l’autorisation d’une seconde coupure publicitaire pendant la diffusion des œuvres de fiction provoqueront une croissance quasiment immédiate des recettes publicitaires des deux principales chaînes privées, TF 1 et M 6, de près de 500 millions d’euros, soit un montant équivalent au double des investissements dans la presse quotidienne nationale sur un an !
Par ailleurs, l’idée est parfois avancée d’abaisser les seuils de concentration pour permettre aux journaux de consolider leurs assises financières. Permettez-moi de douter de sa pertinence.
En effet, la France se caractérise déjà par une hyper-concentration de ses groupes de presse, en particulier en ce qui concerne la presse régionale.
Des soupçons croissants d’intrusion du pouvoir politique dans la sphère médiatique ont justement conduit le groupe socialiste à déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les liens existant entre le pouvoir exécutif et les organismes de presse et sur leurs conséquences pour l’indépendance et le pluralisme de la presse.
S’agissant des aides à la modernisation de ce secteur, je déplore que les moyens ne soient pas à la hauteur des ambitions affichées. Le projet de budget pour 2009 continue à privilégier des ajustements par le bas, via le soutien à la cessation d’activité professionnelle, au détriment du soutien aux projets innovants.
En effet, le montant accordé au fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse, soit 500 000 euros pour 2009, apparaît dérisoire au regard des investissements considérables et réguliers que le développement de l’internet de presse requiert. Un investissement massif dans la création de sites internet de presse et dans le développement de rédactions bi-médias devrait clairement constituer une priorité pour le dispositif d’aides à la presse.
J’observe que la majorité elle-même a manifesté, de façon quelque peu périlleuse, son mécontentement à l’égard de l’insuffisance et du saupoudrage des aides au développement numérique de la presse. Ainsi, un amendement, qui se voulait d’appel, a été adopté à ce sujet à l’Assemblée nationale, avant que le Gouvernement revienne sur ce vote en seconde délibération.
Je conclurai en indiquant que, en dépit des réserves formulées sur le manque d’ambition du programme « Presse » de la mission « Médias », et malgré mon avis contraire, la commission des affaires culturelles a proposé d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits.
Je poserai enfin deux questions à Mme la ministre.
Quel avenir le Gouvernement compte-t-il réserver au statut de l’Agence France-Presse ? Je m’inquiète en effet des déclarations récentes du Gouvernement à ce sujet, qui pourraient remettre en cause l’indépendance rédactionnelle de l’AFP.
Où en est la réflexion sur la portabilité des droits d’auteur des journalistes entre différents supports ? Un avant-projet de loi sur cette question n’est-il pas justement en cours d’élaboration au ministère de la culture et de la communication ? En particulier, la sous-représentation des journalistes dans les débats des états généraux sur cette question menace la construction d’un compromis acceptable par l’ensemble des parties. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jack Ralite. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme de l’audiovisuel extérieur, lancée sous l’impulsion du Président de la République, s’est traduite par la création de la société holding « Audiovisuel extérieur de la France » en avril dernier.
Cette réforme vise à offrir davantage de cohérence, de visibilité et d’efficacité à l’audiovisuel extérieur français. Elle est en cohérence avec la réforme plus générale de l’audiovisuel public, sur laquelle notre assemblée sera appelée à se prononcer prochainement.
La société holding, qui a vocation à regrouper l’ensemble des participations publiques dans les sociétés de l’audiovisuel extérieur, c’est-à-dire TV5 Monde, Radio France Internationale et France 24, a pour mission de définir les priorités stratégiques des différents opérateurs.
On a déjà beaucoup discuté de la valeur de cette réforme. Selon moi, seul l’avenir nous dira ce qu’il en est. Avant de porter un jugement définitif, il convient d’attendre qu’elle ait pu produire ses effets.
Ce n’est qu’après un certain délai, dans un an, par exemple, lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, que l’on pourra réellement mesurer ses effets. Je souhaite d’ailleurs, madame la ministre, qu’un bilan détaillé soit alors établi.
Dans l’attente de cette évaluation, il convient, me semble-t-il, de donner leur chance aux dirigeants de la holding « Audiovisuel extérieur de la France », pour réussir là où l’État n’y est pas nécessairement parvenu. Mais, pour cela, il faut d’abord leur accorder les moyens de mettre en œuvre les réformes.
Or, lorsque je regarde les financements prévus sur les trois prochaines années, j’avoue avoir, madame la ministre, quelques inquiétudes sur ce point.
Les crédits de l’audiovisuel extérieur représentent 298 millions d’euros pour 2009, soit une quasi-reconduction de la dotation versée en 2008. Ils ne sont d’ailleurs pas tellement éloignés de ceux dont disposent les organisations similaires de certains pays proches, comme le Royaume-Uni.
À titre de comparaison, le financement de l’audiovisuel public national représente plus de 3,5 milliards d’euros.
La dotation d’Arte, la chaîne franco-allemande, s’élève, à elle seule, à 300 millions d’euros, soit l’équivalent de l’ensemble des crédits des opérateurs de l’audiovisuel extérieur, pour une couverture mondiale.
Or, selon les estimations des opérateurs pour 2009, les besoins s’élèvent à 322 millions d’euros, qui se répartissent comme suit : 117 millions d’euros demandés par France 24, conformément aux termes de sa convention de partenariat avec l’État ; 72 millions d’euros demandés par TV5 Monde ; enfin, 133 millions d’euros pour RFI.
Il y a donc, entre les demandes et les dotations prévues, une différence de l’ordre de 25 millions d’euros. Dans ce cas, la répartition des dotations entre les différents opérateurs risque d’être un réel casse-tête pour les dirigeants de la holding, à qui cette responsabilité incombe désormais.
Surtout, selon le document de programmation triennale, la subvention versée à la holding devrait diminuer sur les trois prochaines années, passant de 233 millions d’euros en 2009 à 218 millions d’euros en 2010, puis à 203 millions d’euros en 2011, soit une réduction de 30 millions d’euros.
J’en conviens volontiers, le développement des synergies et des mutualisations entre les opérateurs devrait favoriser des économies d’échelle, et donc des économies tout court.
Néanmoins, dans un contexte très concurrentiel marqué par le développement des nouvelles technologies, la réforme de l’audiovisuel extérieur risquerait à mon sens d’être compromise si les moyens venaient à diminuer trop fortement à l’avenir.
Je pense non seulement au basculement de l’analogique au numérique, au développement du multimédia – télévision par internet ou sur la téléphonie mobile –, mais aussi aux nécessaires réformes de structures, qui, souvent, ne sont d’ailleurs pas exemptes de coûts sociaux.
C’est la raison pour laquelle, tout en étant consciente des fortes contraintes budgétaires qui pèsent sur notre pays, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté plusieurs amendements visant à garantir un financement pérenne de l’audiovisuel extérieur par le biais d’une augmentation de la part de la redevance audiovisuelle versée à son profit.
Sous réserve de l’adoption de ces amendements, elle a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias » pour 2009 sont marqués par plusieurs mesures liées à la réforme de l’audiovisuel public, lancée par le Président de la République en début d’année et que nous allons examiner prochainement au Sénat, un peu plus tard que prévu, certes, mais cela est heureux pour la qualité de nos travaux.
Cette réforme de grande ampleur de l’audiovisuel public se déroule dans un paysage audiovisuel en mutation, affecté par la révolution numérique. Le secteur audiovisuel connaît en effet actuellement des bouleversements majeurs. Il se voit contraint d’évoluer, afin, d’une part, d’accompagner les évolutions technologiques – généralisation de la télévision numérique avec dix-huit chaînes en concurrence, développement de la télévision haute définition, émergence de la télévision mobile personnelle, décollage des télévisions locales –, et, d’autre part, de s’adapter aux nouveaux modes de diffusion que sont internet et la télévision mobile.
Ce sont autant de développements que la commission des affaires culturelles a accompagnés chaque fois qu’elle en a eu l’occasion, notamment lors de l’examen des derniers projets de loi. Cela mérite d’être souligné !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est vrai !
Mme Catherine Morin-Desailly. De tels développements nécessitent des investissements lourds, dans un contexte économique aujourd’hui difficile. Toutes ces évolutions technologiques démultiplient les offres télévisuelles et remettent en cause l’univers concurrentiel des chaînes existantes, privées et publiques.
Ce paysage audiovisuel nouveau rend la réforme de l’audiovisuel public indispensable. Le groupe France Télévisions doit inventer un modèle de développement nouveau, que la commission pour la nouvelle télévision publique, dont j’ai été membre, a appelé le « média global ». Il est appelé à se transformer en entreprise unique pour poursuivre sa modernisation, ce qui ne manquera pas d’accroître la rationalisation et la synergie des moyens, et sa transformation en véritable média global.
Avec ce nouveau modèle de développement, France Télévisions aura les moyens de répondre à ces enjeux de manière globale. L’audiovisuel public doit pouvoir proposer une offre déclinable sur l’ensemble des moyens de diffusion, et de ce fait enrichie et diversifiée. La transformation d’un ensemble de chaînes et d’entreprises en un média global aura pour conséquence de mettre au cœur de l’activité de ce dernier les contenus et de recentrer les chaînes sur leur rôle éditorial.
Il faut bien entendu donner au secteur de l’audiovisuel, qui ne dispose pas des moyens adaptés à de telles ambitions, les crédits budgétaires nécessaires à la mise en œuvre de ce nouveau modèle. Comme l’ont souligné la commission présidée par M. Copé, ainsi que notre collègue Claude Belot dans son rapport spécial, si un tel développement permettra économies et rationalisation des moyens, il aura aussi un coût.
Telle est, en effet, la question principale : pour préserver un service public audiovisuel puissant, garant de la diversité et de l’expression démocratique, capable de s’adapter dans un paysage audiovisuel en mutation, il faut lui garantir un financement pérenne et dynamique.
C’est pourquoi je consacrerai les quelques minutes qui me sont imparties à cette question du financement de la télévision publique.
La mission « Médias » connaît une croissance importante, liée à la création du programme « Contribution au financement de l’audiovisuel public », qui alloue 473 millions d’euros à France Télévisions et à Radio France.
Cette somme doit permettre de compenser le manque à gagner dû à la suppression progressive de la publicité sur les chaînes publiques à partir du 5 janvier prochain, ainsi que le prévoit le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Elle correspond à l’estimation faite par la commission pour la nouvelle télévision publique, la perte de ressources publicitaires pour les chaînes du service public s’élevant à 650 millions d’euros en année pleine.
Paradoxalement, il faut avoir conscience que la suppression de la publicité sur les chaînes du service public peut être une chance pour France Télévisions, et ce pour une double raison.
D’une part, le service public de l’audiovisuel échange ainsi une recette aléatoire et en perte de vitesse – la publicité – contre une recette fixée et garantie par l’État. Le marché publicitaire est en effet morose, pour ne pas dire dépressif, et les ressources publicitaires migrent aujourd’hui vers les nouveaux médias.
D’autre part, il échange une recette contraignante pour la programmation contre une recette qui la libère. Plutôt que de se soumettre aux annonceurs et à l’obsession de l’audience, France Télévisions pourra « oser » des programmes novateurs et ambitieux.
Pour ces deux raisons, il me semble que la réforme du financement, en libérant les chaînes du service public de la publicité, les obligera à renforcer leur identité et leur différence par rapport aux chaînes privées et, par là même, la légitimité du service public de l’audiovisuel. Son financement public en sera d’autant plus justifié aux yeux de nos concitoyens.
La condition, bien évidemment, est que l’État garantisse les ressources prévues dans le contrat d’objectifs et de moyens. L’autonomie financière sera d’ailleurs l’une des conditions requises pour garantir l’autonomie tout court du président de France Télévisions.
Tel sera l’objet des quelques réflexions que je ferai maintenant sur la redevance.
À cet égard, la mission « Médias » anticipe la réforme de l’audiovisuel public, en prévoyant l’indexation de la redevance sur l’inflation, mesure que la commission des affaires culturelles et le groupe de l’Union centriste, auquel j’appartiens, réclament depuis des années, à chaque examen du projet de loi de finances. Enfin !
Il aura fallu engager cette réforme supprimant la publicité pour voir une telle mesure acceptée par le Gouvernement. Le combat aura été long et difficile, mais nous y sommes arrivés ! Permettez-moi donc d’avoir, ce soir, une pensée pour nos anciens collègues Jacques Valade et Louis de Broissia, qui furent respectivement président de la commission des affaires culturelles et rapporteur pour avis de la mission « Médias ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) Ils ne sont pas avec nous pour vivre ce moment, eux qui se sont battus inlassablement en faveur de cette réforme.
Pour en revenir à la redevance, il convient, dans le contexte de la réforme de l’audiovisuel, d’en faire une ressource dynamique et pérenne. Son indexation, prévue dans le projet de loi relatif à l’audiovisuel pour compenser le manque à gagner en ressources propres de France Télévisions, rapportera ainsi 50 millions d’euros supplémentaires.
L’année dernière, j’ai rappelé que la redevance s’élèverait cette année à environ 128 euros si elle avait suivi l’indice des prix depuis 2002, alors qu’elle est fixée à 116 euros.
Elle se justifie d’autant plus que son niveau, comparé à celui qui est constaté dans d’autres pays européens, est faible. Faute d’augmentation, même légère, de la redevance, il faut, outre l’indexation, mettre fin au plafonnement des remboursements des dégrèvements de redevance, qui revient à faire financer les exonérations pour motifs sociaux par le budget de l’audiovisuel public. Ce plafonnement est contraire au principe de remboursement intégral des exonérations inscrit, par la loi du 1er août 2000, à l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le Gouvernement doit respecter cet engagement.
En outre, comme je l’ai soutenu à plusieurs reprises devant vous, notamment l’année dernière, il conviendrait d’élargir l’assiette de la redevance en taxant les nouveaux supports permettant la réception des programmes télévisés. C’est d’ailleurs ce qui se fait en Allemagne. Aujourd’hui, une instruction fiscale exonère les ordinateurs équipés en ce sens, alors qu’ils constituent un « dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l’usage privatif », pour reprendre les termes de l’article 1605 du code général des impôts.
Un tel élargissement, conforme au principe de neutralité technologique, a été proposé voilà quelques jours à l’Assemblée nationale par notre collègue député Jean Dionis du Séjour. Bien encadré, ne visant, par exemple, que les abonnés à des offres « triple play » ayant déclaré ne pas payer la redevance audiovisuelle, il serait fiscalement juste et équitable.
Enfin, et nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ce point au début de la discussion budgétaire, il nous semble anormal de faire financer l’extinction de la diffusion analogique par la redevance, comme le prévoit l’article 23 du projet de loi de finances pour 2009. Ces mesures d’accompagnement du passage au numérique supervisé par le groupement d’intérêt public « France Télé numérique » doivent être financées sur le budget de l’État. Aux yeux de la commission des affaires culturelles, qui s’est exprimée plusieurs fois sur ce sujet, ce n’est pas acceptable au moment où l’on cherche à clarifier les modalités du financement de l’audiovisuel public et à pérenniser ses ressources.
Au-delà de ces remarques, il faudra, me semble-t-il, réfléchir à une démarche pédagogique concernant la redevance. Si celle-ci n’a pas été augmentée depuis des années, c’est bien parce que sa mise en œuvre souffre d’un déficit d’explication, à la fois chez nos concitoyens et chez les parlementaires.
Il faut donc entreprendre une grande campagne de présentation de cette contribution, pour la faire accepter par nos concitoyens. Combien de Français aujourd’hui savent à quoi sert la redevance et ce qu’elle finance ? Combien d’entre eux peuvent dire combien ils payent à ce titre ? Cet effort pédagogique me semble absolument indispensable, et il sera encore plus efficace si nos concitoyens voient sur leurs écrans la différence entre le service public et les chaînes privées.
Nous aurons bien entendu l’occasion d’évoquer de nouveau et de façon beaucoup plus approfondie toutes ces questions lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais terminer mon propos en attirant votre attention sur un aspect souvent méconnu du secteur audiovisuel.
C’est une industrie considérable de création, qui est source de nombreuses richesses et de nombreux emplois, en faisant travailler en partenariat des producteurs, des auteurs, des créateurs, des techniciens, ainsi que des intermittents, autant de métiers artistiques qui la font vivre et qui en vivent. Notre pays peut s’enorgueillir de cette industrie culturelle. Ainsi, la moitié des films nommés aux César 2008 étaient coproduits par France 2 Cinéma et France 3 Cinéma. Il me semble important d’avoir cela à l’esprit, à la veille de l’examen d’une réforme profonde du paysage audiovisuel français. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)