M. le président. Je mets aux voix l'amendement no II-285 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 42.
L'amendement no II-279, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :
Avant l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l'article 812 du code général des impôts, il est inséré une division ainsi rédigée :
« 1 bis. Réduction de capital
« Art. 812 bis. – Tout acte constatant une réduction de capital d'une société au moyen d'attribution de biens sociaux contre annulation ou réduction du nominal des parts ou actions correspondantes, donne ouverture à l'exigibilité du droit fixe de 375 €.
« Le rachat des parts ou actions par la société en vue de leur annulation relève également du droit fixe de 375 € sous réserve des dispositions de l'article 727. »
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. La Cour de cassation, dans une jurisprudence récente, a jugé que la réduction du capital d'une société au moyen d'attribution aux associés de biens constituant des acquêts sociaux contre annulation des droits sociaux ne donnait pas ouverture à l'exigibilité du droit de partage. Dans cette hypothèse, seul le droit fixe doit être perçu.
Il est proposé de soumettre de la même façon au droit fixe de 375 euros les rachats par la société de ses propres titres en vue de leur annulation. Le droit fixe serait également applicable à ces opérations, rachat et réduction.
Cette disposition a aussi pour objet d'assurer la neutralité fiscale entre les réductions de capital qui s'effectuent par abaissement de la valeur nominale des parts et la réduction de capital classique.
Ces règles s'appliquent sous réserve des dispositions de l'article 727 du code général des impôts, notamment de la théorie de la mutation conditionnelle des apports.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est tout à fait intéressant, mais un peu complexe.
Il vise à la diminution du droit d’enregistrement sur les réductions de capital par attribution de biens aux associés sortants. La question qui est posée est celle du droit exigible.
Notre collègue tient compte d’une nouvelle jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation intervenue le 23 septembre 2008. La Cour avait alors confirmé un arrêt de la cour d’appel de Paris qui donnait tort à l’administration fiscale et n’assimilait pas de telles opérations à un partage.
En revanche, l’application du droit fixe aux réductions de capital par rachat et annulation de titres ne paraît pas entrer dans le champ de cet arrêt.
Si je comprends bien les intentions de l’auteur de l’amendement, il s’agit d’ajuster le droit positif à cette décision jurisprudentielle.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. En effet, l’arrêt Dray de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 23 septembre 2008 a remis en cause la doctrine fiscale prévoyant l’application du droit de partage de 1,10 % en réduction de capital des sociétés.
À la suite de cet arrêt, votre amendement vise à soumettre ces opérations au droit fixe de 375 euros. Il me donne l’occasion de clarifier la position du Gouvernement sur un sujet d’actualité tout à fait récent, ce dont je vous remercie.
Je tiens d’abord à vous préciser que je me rallie aux conclusions de cette jurisprudence. Outre qu’il s’agit d’une mise en cohérence avec le droit civil, cette solution met un terme à des contentieux anciens.
Par ailleurs, j’envisage de rapporter la doctrine fiscale sur ce sujet. Dans cette attente, les services de la direction générale des finances publiques ont pour consigne d’enregistrer les actes de réduction de capital au droit fixe de 125 euros.
Toutefois, votre amendement tel qu’il est rédigé a un champ plus large. Pour ce qui est du rachat par une société de ses propres titres suivi d’une réduction corrélative de capital par le biais de deux actes distincts, cette opération relève des dispositions relatives aux mutations classiques de titres avec application des droits proportionnels de 3 % ou de 5 % s’agissant des titres de société à prépondérance immobilière.
Par ailleurs, en l’état, votre amendement donnerait la possibilité de concevoir des montages destinés à transmettre un bien immobilier ou un fonds de commerce en contournant le droit commun des droits de mutation.
Nous avons établi un tableau qui est suffisamment explicite, mais en même temps très compliqué, montrant que cette possibilité existe.
Je vous suggère d’étudier ensemble avec les professionnels les suites à donner à cette jurisprudence pour que nous puissions, dans le collectif, examiner toute solution législative nécessaire.
M. le président. Monsieur Lambert, l'amendement n° II-279 est-il maintenu ?
M. Alain Lambert. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-279 est retiré.
L'amendement n° II-281 rectifié, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :
Avant l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 1594 D du code général des impôts, il est inséré un article 1594 DA ainsi rédigé :
« Art. 1594 DA - Sont soumises à la taxe de publicité foncière ou au droit d'enregistrement au taux réduit de 0,60 % et après délibération des conseils généraux compétents, les acquisitions d'immeubles à condition :
« 1° que l'acquéreur ait occupé l'immeuble, de manière continue, à titre d'habitation principale en vertu d'un bail consenti depuis au moins deux ans au jour de l'acquisition ;
« 2° que l'acquéreur prenne l'engagement d'occuper personnellement l'immeuble pendant un délai minimal de cinq ans à compter de l'acquisition. Cette exonération n'est pas remise en cause en cas de décès de l'acquéreur à condition que cet engagement soit poursuivi par ses ayants droit. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Il s’agit d’une proposition qui, compte tenu de la situation du marché immobilier, permettrait aux locataires qui sont déjà dans les lieux depuis au moins deux ans de bénéficier de l’exonération des droits d’acquisition.
Cet amendement vise à donner un peu de fluidité à ce marché qui est actuellement quelque peu ralenti. Je l’ai rectifié pour ajouter que cela s’entendait, bien sûr, après délibération et autorisation des conseils généraux, puisqu’ils sont bénéficiaires de la plus grande partie de ces droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement peut, en effet, contribuer à la relance du marché immobilier. Toutefois, au cours de la réunion de la commission, nous avons constaté qu’un problème risquait de se poser s’agissant de ressources départementales.
Le vœu de la commission, dans le cadre de sa doctrine habituelle, est de permettre au conseil général de voter la modulation souhaitée, sans compensation par l’État, bien entendu.
Dès lors que la rectification de l’amendement tient compte du débat qui a eu lieu en commission, à savoir que la disposition est prise sur l’initiative des départements, en pleine liberté, sans compensation par l’État, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je comprends évidemment votre souhait de faciliter l’accès à la propriété des locataires qui occupent leur logement depuis plus de deux ans.
Je vous rappelle tout de même que les droits de mutation ont déjà été sensiblement réduits par les lois de finances de 1999 et de 2000, qui ont supprimé la taxe additionnelle de 1,60 % perçue au profit des régions et qui ont plafonné à 3,60 % le taux maximum des droits départementaux.
Si cet amendement était adopté, il s’agirait d’une perte de recettes pour les collectivités territoriales et celle-ci devrait probablement être compensée par l’État. (M. Alain Lambert fait un signe de dénégation.) Cette perte de recettes ne serait donc pas compensée par l’État. Je ne sais pas si une telle mesure serait acceptée par votre Haute Assemblée. Nous avons essayé de la chiffrer, car nous avons déjà examiné plusieurs mesures de ce type lorsque nous avons travaillé sur le plan de relance de l’économie et cela pose deux problèmes : d’une part, l’assiette est large et la diminution de recettes est très importante ; d’autre part, la disposition est difficile à chiffrer, car il faut être en mesure de déterminer quels locataires occupent leur logement depuis plus deux ans.
Il est difficile d’établir un chiffrage précis, mais il s’agirait d’une réelle perte de recettes pour les collectivités territoriales.
En l’état actuel des choses, je ne suis pas sûre que cette mesure soit nécessaire. Je demande donc le retrait de l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame le ministre, permettez-moi de rappeler la doctrine de la commission des finances en ce qui concerne les dégrèvements ou exonérations portant sur des assiettes d’impôts locaux : nous sommes favorables à de telles initiatives librement décidées par les conseils locaux compétents, mais sans compensation par l’État.
Chacun doit prendre ses responsabilités : tel est l’esprit de la décentralisation ! L’initiative d’Alain Lambert s’inscrivait bien dans cette logique, et c’est pourquoi nous l’avons acceptée. Il appartiendra au conseil général concerné d’apprécier la situation, de savoir si le jeu en vaut la chandelle et si le dynamisme économique et les transactions supplémentaires qui en résulteraient équilibreraient la perte de ressources.
Cette question doit être laissée à la libre appréciation des conseils généraux.
M. le président. Monsieur Lambert, l'amendement n° II-281 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Lambert. Je poursuivais l’idée que c’était également un moyen d’assurer les collectivités territoriales que, désormais, elles étaient libres de fixer librement leurs taux et de décider des conditions dans lesquelles elles souhaitaient favoriser telle ou telle opération.
Toutefois, la rédaction de mon amendement n’est peut-être pas parfaite. Pour répondre à votre demande, je vais le retirer, madame la ministre, mais j’y reviendrai peut-être lors de l’examen du collectif.
M. le président. L'amendement n° II-281 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-280, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :
Avant l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Dans le second alinéa de l'article 1709 du code général des impôts, les mots : « à l'exception du conjoint survivant » sont remplacés par les mots : « à l'exception de ceux exonérés de droits de mutation par décès ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Actuellement, seul le conjoint survivant n’est pas solidaire des droits de mutation qui sont dus après décès. Chaque enfant est indéfiniment solidaire du paiement des droits de succession.
Aujourd'hui, en raison de la mobilité considérable de nos populations, vous avez des familles avec de nombreux enfants dont certains n’habitent même plus sur le continent européen et qui ne s’intéressent plus à la succession à laquelle ils peuvent être appelés.
Cela pose un problème pour régler la succession et acquitter les droits qui sont dus. Il y aurait intérêt, me semble-t-il, à supprimer cette solidarité avec les autres héritiers, ce qui n’empêcherait pas l’État de recouvrer ce qui lui est dû auprès des héritiers plus éloignés ; pour l’instant, ceux-ci retardent le paiement des droits par ceux qui sont de bonne foi, qui sont présents et qui ne demandent qu’à les payer.
On s’est, là encore, assez longtemps arc-bouté sur cette question de solidarité. Il ne s’agit pas, madame la ministre – je serais prêt à revoir toute formulation qui serait maladroite – de faire perdre à l’État quelque possibilité que ce soit de récupérer son dû. Mais il importe de ne pas placer des héritiers de bonne foi dans une situation intenable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. On voit mal comment des héritiers exonérés de droits de succession, par exemple des membres d’une fratrie partageant le même toit que le défunt, devraient être solidaires pour le paiement des droits de succession.
Ce raisonnement relève du bon sens. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement partage cette exigence de bon sens. Il émet donc un avis favorable et il lève le gage.
M. Alain Lambert. Merci, madame la ministre !
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° II-280 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 42.
L'amendement n° II-249, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Avant l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Par exception aux dispositions du 11 de l'article 150-0 D du code général des impôts, la fraction des moins-values, issues de la cession de valeurs mobilières à titre onéreux effectuée directement ou par personne interposée, excédant le montant des plus-values, peut être imputée, dans la limite de 10.700 euros, sur le revenu global de l'année suivante pour le calcul de l'impôt sur le revenu, lorsque le montant de ces cessions n'excède pas 25.000 euros.
L'excédent du déficit est imputable sur les plus-values de même nature des dix années suivantes.
II.- Les dispositions du I s'appliquent aux cessions réalisées entre le 1er janvier 2008 et le 1er décembre 2008.
III.- L'imputation des moins-values définie au I n'est pas autorisée pour la définition du revenu pris en compte au titre du droit à restitution prévu à l'article 1649-0 A du code général des impôts.
IV. - La perte de recettes résultant pour l'État des I, II et III est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement que notre commission a adopté jeudi dernier et qui a fait l’objet d’un communiqué de presse dès la fin de la réunion.
Il est resté à peu près ignoré jusqu’à ce qu’un excellent journaliste de la presse économique s’aperçoive de son existence et en fasse la une de son journal samedi.
Ensuite, tous les journalistes de tous les grands médias se sont précipités pour en parler, peut-être à la faveur d’un week-end qui n’avait pas son lot d’informations majeures.
Je vais rappeler en quelques mots ce dont il s’agit afin de lancer le débat au sein de notre hémicycle.
Nous avons souhaité que les actionnaires individuels fassent l’objet d’un peu de considération.
M. Thierry Foucaud. Comme les ouvriers !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait, mon cher collègue.
Selon certains commentaires, nous voudrions opposer les salariés aux épargnants. Mais la très grande majorité des épargnants sont des salariés et si ceux-ci n’épargnaient pas, il n’y aurait pas beaucoup d’épargne dans notre pays.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas la même !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Permettez-moi d’exposer l’amendement !
M. Thierry Foucaud. C’est un amendement immoral !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Considérez-vous comme immoral que l’on se préoccupe des petits actionnaires qui ont été contraints de subir des pertes importantes parce qu’ils n’ont pas eu le choix du moment où ils ont dû vendre leurs actions ? (M. Michel Charasse s’exclame.) Il s’agit d’une vision complètement idéologique, que l’on ne peut absolument pas prendre au sérieux.
Nous proposons, pour des moins-values constatées sur des actions en détention directe entre le 1er janvier et le 1er décembre 2008, pour éviter tout effet d’aubaine, que si le volume des cessions n’a pas dépassé 25 000 euros, ces pertes soient imputées sur le revenu global des ménages à concurrence de 10 700 euros.
Pourquoi avons-nous choisi ces seuils ? Le montant de 25 000 euros correspond au seuil de taxation des plus-values mobilières et celui de 10 700 euros au plafond retenu dans ce projet de loi de finances pour la plupart des régimes fiscaux dérogatoires.
La commission des finances propose cette disposition ponctuelle pour répondre à une situation de crise, car il convient de rappeler que, en une seule année, l’indice boursier a reculé de dix ans. Voilà ce que l’on doit retenir !
M. François Marc. Il a reculé de cinq ans !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il a reculé de nombreuses années !
Mme Nicole Bricq. Pas de dix ans !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne pense pas que vous puissiez me démentir : le niveau du CAC 40 est aujourd'hui inférieur à ce qu’il était il y a dix ans à la même date !
M. Alain Lambert. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, des fluctuations ont pu avoir lieu dans l’intervalle, mais la dépréciation a vraiment été considérable et sans précédent depuis une génération au moins.
Cette situation mérite toute notre attention ! Nous devons nous occuper des actionnaires personnes physiques tout simplement parce qu’ils jouent un rôle important dans le contrôle des entreprises et la stabilisation de leur capital.
M. Michel Charasse. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nombre de personnes estiment, je le sais bien, y compris dans vos services, madame la ministre, et au sein des professions financières, que les actionnaires personnes physiques ne devraient plus exister : seuls devraient subsister les actionnaires professionnels, les investisseurs.
Toutefois, les investisseurs professionnels ont un comportement très volatil, parfois moutonnier, amplifiant les effets de marché, ce qui peut expliquer des fluctuations considérables de cours et conduire, à certains moments, à mettre en péril le contrôle capitalistique de grandes entreprises et la présence en France de centres de décision, ainsi que l’emploi dans bon nombre d’établissements.
Dans ces conditions, la commission des finances a cru bien faire en vous soumettant ce dispositif, mes chers collègues.
Par ailleurs, je vous rappelle que l’imputation des moins-values sur le revenu global est une pratique qui a souvent été admise en matière immobilière, et ce pour un plafond identique à celui qui est ici proposé, ou voisin. En entendant certains commentaires, je serais tenté de demander les raisons pour lesquelles il pourrait être légitime d’imputer ces pertes sur les revenus fonciers et non sur les revenus de valeurs mobilières !
Nous devons, me semble-t-il, réfléchir à la conception que nous nous faisons des liens entre nos concitoyens, la bourse et les entreprises. Il nous faut valoriser la présence d’actionnaires individuels dans le capital des grandes entreprises.
Le coût de cette mesure est, à la vérité, un coût de trésorerie, puisque nous proposons, à titre très exceptionnel, de purger ces moins-values en une seule fois, alors qu’il est possible de le faire, dans le droit existant, pendant dix ans. Je tiens donc à souligner que ce dispositif ne ferait disparaître aucune base d’imposition.
Enfin, en France, les épargnants sont assujettis à un taux d’imposition des plus-values qui est loin d’être négligeable : au-delà de 25 000 euros de cessions, le taux est de 18 %, auquel il faut ajouter 11 % au titre des prélèvements sociaux et 1,1 % au titre du financement du RSA, le revenu de solidarité active, soit un peu plus de 30 % au total, ce qui nous amène bien au-dessus du taux marginal d’imposition auquel est soumise la majorité des redevables de l’impôt sur le revenu.
Telles sont, mes chers collègues, les quelques considérations que je souhaitais ajouter cet après-midi aux éléments très clairs qui figurent dans le rapport de la commission des finances et aux divers commentaires qui ont déjà été faits sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, ma position ne sera pas vraiment une surprise, puisqu’elle a déjà fait l’objet d’un communiqué de la part du Premier ministre, les trompettes de la médiatisation s’étant fait l’écho de cette affaire durant un week-end quelque peu neutre, peut-être, sur le plan des annonces.
Mme Nicole Bricq. Il a fallu presque quatre jours pour que le Premier ministre réagisse !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je comprends parfaitement l’objet de votre amendement, monsieur le rapporteur général.
Le Gouvernement est tout à fait sensible à la situation des petits actionnaires personnes physiques. D’ailleurs, le code général des impôts est truffé de dispositions les concernant. Je pense notamment à une mesure récente, qui a fait l’objet d’un long débat, permettant aux redevables de l’ISF de s’exonérer en quelque sorte de cet impôt en investissant dans les fonds propres d’une petite ou moyenne entreprise. Ainsi, nous avons souhaité privilégier l’actionnariat direct des personnes physiques en leur proposant une déductibilité plus importante que lorsque l’investissement s’effectue par le canal d’une société. Je pourrais évoquer d’autres exemples en la matière.
Par conséquent, le Gouvernement est très attentif à la situation des actionnaires personnes physiques, et ne s’intéresse pas qu’au seul sort des actionnaires personnes morales.
Je comprends donc votre souci d’atténuer les effets de la chute du cours des valeurs boursières sur l’ensemble des places financières – la France n’est pas seule concernée –, qui affecte évidemment les petits épargnants.
Pourtant, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, et ce pour trois raisons.
Vous connaissez bien la première raison que j’invoquerai, monsieur le rapporteur général, puisqu’elle a directement trait à la technique fiscale.
Déduire du revenu imposable une moins-value résultant de la cession de valeurs mobilières dérogerait au principe connu sous l’appellation quelque peu barbare de « tunnelisation », consistant à cantonner les moins-values ou déficits aux catégories de revenus qu’ils affectent.
Il nous semblerait donc tout à fait contraire à la logique fiscale de transformer une moins-value issue de la cession de valeurs mobilières en un déficit imputable sur le revenu global. Une telle dérogation, inédite, n’est pas acceptable à nos yeux.
Deuxième raison de mon opposition, l’adoption de cet amendement créerait de fortes inégalités entre les actionnaires, puisque seuls bénéficieraient du dispositif ceux qui ont procédé à la cession de leurs valeurs mobilières entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2008 : ils se trouveraient donc privilégiés par rapport à ceux dont le portefeuille enregistre une moins-value latente mais qui ont décidé de ne pas céder leurs titres durant cette période.
Qui plus est, cette mesure ne profiterait pas, bien entendu, aux contribuables non imposables et désavantagerait les détenteurs de plans d’épargne d’entreprise ou ceux qui ont investi dans des actions au travers d’un contrat d’assurance-vie. Ce serait là une nouvelle disparité entre contribuables.
Troisième raison enfin qui motive notre avis défavorable, le Gouvernement a déjà beaucoup fait pour les actionnaires au cours des dernières années.
Comme l’a souligné tout à l'heure M. le rapporteur général, nous avons relevé l’an dernier de 20 000 euros à 25 000 euros le seuil de cessions en deçà duquel les plus-values sont exonérées et supprimé, par la même occasion, l’impôt sur les opérations de bourse.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur l’initiative de la commission des finances du Sénat !
Mme Christine Lagarde, ministre. Sur l’excellente initiative de l’excellente commission des finances du Sénat, je vous l’accorde bien volontiers, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)
En conclusion, il convient d’aborder ce débat dans un climat serein, ce qui est le cas, sans céder aux sirènes de la médiatisation. Il ne faut pas, à mon sens, renoncer aux principes fiscaux pour répondre à des difficultés conjoncturelles.
Par le biais du plan de relance et des mesures actuellement mises en œuvre, qu’il s’agisse de l’exonération de la taxe professionnelle ou de l’encouragement à l’investissement sous toutes ses formes et par tous les moyens, le Gouvernement s’efforce de stimuler l’activité économique, par une action coordonnée à l’échelon de l’Union européenne, pour permettre une remontée des valorisations boursières, aujourd'hui tombées à un niveau totalement incompréhensible compte tenu de la valeur des actifs portés au bilan de nos sociétés, et ainsi éviter que les actionnaires personnes physiques ne souffrent trop de la situation actuelle.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement vous demande, monsieur le rapporteur général, de bien vouloir retirer l’amendement n° II-249, qui a eu le mérite d’ouvrir le débat et de rappeler à tous l’importance que nous devons accorder aux actionnaires personnes physiques.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l’amendement n° II-249 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si l’amendement ne doit pas prospérer, le débat, lui, peut prospérer !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. L’amendement n° II-249 a été adopté par la majorité de la commission des finances, mais les membres du groupe socialiste ont voté contre, de même d’ailleurs que plusieurs sénateurs de l’UMP, peut-être surpris par cette disposition.
Monsieur le rapporteur général, aux termes de la législation fiscale actuelle, les moins-values boursières sont reportées en avant sur les plus-values réalisées ultérieurement. Vous ne pouvez l’ignorer, puisque c’est vous qui, dans le projet de loi de finances pour 2003, avez fait adopter, avec l’accord du Gouvernement, un amendement visant à faire en sorte que ce report des moins-values sur les plus-values soit possible sur une période de dix ans, contre cinq ans auparavant.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Ce mécanisme suffit à éponger les difficultés des petits porteurs.
Monsieur le rapporteur général, je vous ai entendu vous exprimer dans les médias. N’invoquez pas, à l’occasion de ce débat, le syndrome de la veuve de Carpentras, comme vous avez invoqué tout à l'heure le syndrome de l’île de Ré pour l’ISF ! En effet, il existe déjà, je le répète, des moyens d’atténuer les difficultés.
En outre, placer son épargne en bourse n’est pas anodin : il y a plusieurs manières d’épargner. Par conséquent, ne dites pas que tous les salariés sont des petits porteurs. D’ailleurs, nombre d’entre eux ne peuvent pas épargner du tout, et ceux-là ne sont guère pris en compte dans le plan présenté par le Président de la République !
L’épargne boursière comporte un risque de pertes, mais aussi des chances de gains, et la bourse a connu une tendance haussière pendant dix années. En outre, on n’est jamais obligé de vendre.