M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais m’associer aux propos que vous avez tenus sur la gendarmerie. Celle-ci joue en effet un rôle irremplaçable, notamment en zone rurale et en zone de montagne. Il faut donc le renforcer. Je crois que nous sommes l’un et l’autre d’accord sur ce sujet.
Si le début de votre réponse était très sympathique, la fin m’a un peu inquiété. Vous m’avez tout d’abord indiqué que les rumeurs au sujet d’un plan de suppression de certaines brigades de gendarmerie étaient sans fondement. Vous m’avez ensuite précisé que, dans mon département, on s’interrogeait sur une éventuelle suppression.
M. Simon Sutour. S’il s’agit de coopération, alors il n’y a pas de problème.
Sachez tout de même que je me suis battu, avec plusieurs de mes collègues, au début de mon mandat contre un ministre de mon bord politique qui envisageait des suppressions importantes de brigades de gendarmerie. À cette époque, nous avions obtenu qu’il y ait au moins une brigade de gendarmerie par canton. Cette décision nous paraissait importante pour l’avenir. Continuons à défendre ce principe !
La brigade de gendarmerie de Sauve a pour ressort tout un canton. Vous le savez, nous sommes là aux portes des Cévennes dans une zone qui connaît de grosses difficultés économiques. On nous dit que les problèmes d’insécurité sont moindres qu’ailleurs. Peut-être ! Mais cela ne serait-il pas dû à la présence de la brigade de gendarmerie, qui fait son travail ?
J’ai noté que, pour l’instant, aucune décision n’avait été prise, mais qu’une étude était en cours. Je crois pouvoir parler au nom de tous les élus du département du Gard – le maire de Sauve, le conseiller général du canton, le député de la circonscription et tous les élus – en disant que nous tenons à cette brigade de gendarmerie. Si jamais elle était menacée, nous nous battrions pour qu’elle soit maintenue.
réforme de la gendarmerie nationale
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 324, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Alain Fauconnier. Depuis un certain nombre d’années, les réformes des services publics ne sont pas sans conséquences sur la vie quotidienne des territoires ruraux, en particulier sud-aveyronnais : Banque de France, perceptions, bureaux de poste, hôpitaux et tribunaux. Au fil des mois, ces services se rétrécissent comme peau de chagrin.
Je n’exagère nullement en formulant cette constatation, puisque, il y a peu, j’ai appris avec stupéfaction que le tribunal de grande instance de Millau et le tribunal d’instance de Saint-Affrique, qui devaient initialement fermer leurs portes au 1er janvier 2011, cesseront finalement leur activité au 1er octobre 2009.
Toute nouvelle annonce de restructuration, effectuée dans le cadre de la réforme des politiques publiques, ne peut donc a priori qu’inquiéter.
Aux yeux des élus, le rattachement des forces de gendarmerie au ministère de l’intérieur laisse craindre le pire en ce qui concerne la présence territoriale de la gendarmerie en sud-Aveyron. Comment cette modification s’opérera-t-elle ? Telle est la question que les élus se posent.
Il semble impératif de dissocier le commandement de l’ensemble des unités spécialisées ou de terrain. Le commandement de deux compagnies va être regroupé en transférant les effectifs sur l’un des deux sites. Le ministère devra ainsi choisir le lieu du commandement unique pour le territoire.
Par un récent courrier adressé au ministre de l’intérieur, par le biais du préfet de l’Aveyron, nous suggérions avec mon collègue et ami Guy Durand, maire de Millau, la répartition suivante : à Millau, zone urbaine, la police ; à Saint-Affrique, zone rurale, la gendarmerie, avec le commandement unique de l’ensemble du dispositif de gendarmerie, Millau conservant le commandement des forces de police. Naturellement, je donne ici l’opinion des deux principaux maires concernés, mais j’indique également la position du député UMP de la circonscription, mon ami Alain Marc, tout en regrettant profondément qu’aucune concertation n’ait été jusque-là mise en œuvre par le Gouvernement.
Une compagnie est constituée par des brigades territoriales, au moins six, d’un peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, ou PSIG, comptant douze gendarmes et d’une brigade de recherche de six à huit gendarmes. Les élus craignent donc que, avec la fusion des deux compagnies de Saint-Affrique et de Millau, non seulement on ne passe de deux compagnies à une, mais aussi que, au passage, on ne supprime l’un des deux PSIG et l’une des deux brigades de recherche.
C’est pourquoi il paraît indispensable que l’ensemble des unités opérationnelles et/ou spécialisées – brigade de recherche, PSIG et brigades territoriales – restent dans la même configuration qu’aujourd’hui sur l’ensemble du territoire sud-aveyronnais si l’on veut conserver une efficacité maximale. En effet, les voies de circulation que sont l’autoroute A75 – on a vu ces derniers temps comme cela était décrié – et la liaison Millau-Albi-Toulouse favorisent sur ces territoires réputés calmes l’accroissement de la délinquance.
De ce fait, il s’agit de maintenir une cohérence territoriale et une véritable gendarmerie de proximité, tout à la fois conforme aux aspirations des populations et des élus et ayant fait la démonstration de son efficacité.
Monsieur le secrétaire d’État, quelle décision le Gouvernement a-t-il prise en ce qui concerne le regroupement des forces de police et de gendarmerie en Aveyron, en général, et dans le sud-Aveyron, en particulier ? Les effectifs de la gendarmerie demeureront-ils identiques ou, comme il se dit ici où là, seront-ils amputés de dix à dix-huit gendarmes ?
Si tel était le cas, ce serait plus que regrettable dans la mesure où la sécurité ne saurait être garantie dans un secteur durement frappé par les restructurations du service public depuis quatre ans. Ce serait, une fois de plus, la démonstration de l’abandon du secteur rural, ce que nous regretterions tous.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la responsabilité du Gouvernement et plus particulièrement celle du ministère de l’intérieur est d’assurer la protection des Français, à tout moment et en tout lieu, la gendarmerie jouant un rôle central dans ce dispositif.
Les évolutions intervenues ces dernières années ont permis d’améliorer la réactivité des unités et d’augmenter la présence des gendarmes sur le terrain – la population le voit bien –, qu’il s’agisse de la centralisation des appels de nuit, de la gestion des patrouilles par les centres opérationnels départementaux ou des communautés de brigades en binôme, qui ont permis de mutualiser en partie les charges administratives et, surtout, d’augmenter sensiblement le nombre de patrouilles de jour comme de nuit.
Les évolutions démographiques appellent par ailleurs des adaptations permanentes, sans jamais perdre de vue la nécessité d’optimiser la capacité opérationnelle des forces de sécurité.
La réflexion sur le regroupement éventuel – je dis bien « éventuel » – des compagnies de Saint-Affrique et de Millau s’inscrit dans cette perspective, partant du constat que la moyenne des crimes et délits constatés chaque année par chaque gendarme des compagnies de Saint-Affrique et de Millau est deux fois moins élevée que la moyenne nationale.
Concernant ce dossier pour lequel, je le répète, aucune décision n’est arrêtée à ce jour, le ministère de l’intérieur a demandé au préfet de l’Aveyron de lui faire des propositions, après avoir recueilli l’avis des élus. Je vous précise toutefois que si cette mesure devait in fine être mise en œuvre et seulement si elle devait être mise en œuvre, elle serait sans incidence sur le nombre de brigades territoriales.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, vous ne manquerez pas d’être informé de toute évolution que ce dossier serait amené à connaître dans les prochains mois. Je m’y engage personnellement et je me tiens à votre disposition.
Tels sont les éléments de réponse que j’étais en mesure de vous apporter ce matin.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, car votre réponse me satisfait.
J’ajoute simplement que je souhaite qu’une concertation ait lieu sous l’égide du préfet afin que l’on entende non seulement la position de la gendarmerie, ce qui est légitime car ce sont des techniciens, mais également celle des élus. Au-delà de leur diversité, je pense que les élus sont assez unanimes sur cette question.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Dépôt de rapports du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :
- en application de l’article 4 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le rapport sur la création d’une réserve spéciale d’autofinancement ;
- en application de l’article 11 de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, le rapport sur la mise en œuvre de cette loi.
Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.
Le premier sera transmis à la commission des finances et le second aux commissions des affaires économiques, des affaires sociales et des finances. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.
4
Candidatures à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics.
La commission des finances a fait connaître qu’elle propose les candidatures de Mme Marie-France Beaufils et de M. Bernard Vera pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein de cet organisme extraparlementaire.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36, alinéa 3, du règlement du Sénat.
Ce matin, le Gouvernement, qui risquait autrement d’être censuré, a imposé à un homme, le président de France Télévisions, et à un groupe, le conseil d’administration de France Télévisions, qu’ils renoncent à leurs droits de liberté et d’humanité.
J’élève une solennelle protestation contre ce qui préfigure les relations qu’aura le pouvoir avec les dirigeants de la télévision publique.
Je rends honneur aux deux représentants du personnel qui sont restés intransigeants. Je veux remercier le sénateur M. Thiollière de s’être abstenu : vous vous êtes respecté ; vous nous avez fait respecter, cher collègue. Je note que le représentant de l’Assemblée nationale, le député M. Kert, n’était pas présent.
Il demeure que le forfait a été commis et que le Sénat commencera l’examen du projet de loi sur l’audiovisuel alors qu’un aspect essentiel est déjà appliqué.
Mme Annie David. C’est incroyable !
M. Jack Ralite. Nous allons débattre selon la pratique : « cause toujours, tu ne m’intéresses pas, je n’en ai rien à faire ! ».
Monsieur le président, je souhaite que vous marquiez, par une réaction à la hauteur de l’offense, un désaveu de telles pratiques, car nous sommes les gardiens, au nom de la société, des droits et libertés constitutionnelles, et que je ne connais qu’une attitude : penser et agir debout ! C’est cela, la dignité, quand on traite de quelque problème que ce soit, a fortiori d’un outil que fréquentent 98,5 % des Françaises et des Français, nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur des travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Je me permets de vous renvoyer à mes propres déclarations de la semaine dernière, dans lesquelles je soulignais que la voie du décret ne me paraissait pas respectueuse du Parlement. Donnez-moi acte de ma position et de l’évolution de l’exécutif sur ce point. J’ai également affirmé, en conférence des présidents et ailleurs, qu’un tel débat nécessitait du temps.
Mme Éliane Assassi. Apparemment, cela n’a pas suffi !
6
Accords avec le Bénin, le Congo, le Sénégal et la Tunisie relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement
Adoption de quatre projets de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (nos 464, 2007-2008, et 129) ;
- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (nos 465, 2007-2008, et 129) ;
- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant (nos 68 et 129) ;
- et du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne (nos 69 et 129).
La conférence des présidents a décidé que ces quatre projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous soumettre aujourd’hui les projets de loi autorisant l’approbation des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement conclus respectivement avec le Sénégal, le Congo, le Bénin et la Tunisie.
Ces quatre accords illustrent la détermination de la France à instaurer un partenariat global, afin d’apporter des solutions concrètes au défi que représente la maîtrise des flux migratoires. En cela, ces accords sont l’illustration que la nouvelle politique d’immigration choisie et concertée voulue par le Président de la République et mise en place par Brice Hortefeux intéresse nos partenaires, tant en Afrique qu’en Europe.
D’ailleurs, le Pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté à l’unanimité le 16 octobre dernier, a consacré ce principe du partenariat avec les pays d’origine.
L’objectif visé par ce type d’accord se décline en trois volets indissociables : tout d’abord, organiser la migration légale et faciliter la circulation des personnes ; ensuite, renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration clandestine ; enfin, contribuer au développement des pays d’origine grâce à la mobilisation des ressources des migrants vers des projets de développement.
Au-delà du socle commun, chacun des accords présente des aménagements propres à chaque pays, à l’état de la coopération bilatérale, ainsi qu’aux besoins des gouvernements partenaires.
Je voudrais maintenant vous présenter les principales dispositions qui se retrouvent dans chacun de ces accords.
Premièrement, concernant la circulation des personnes, la France et les pays signataires s’engagent à faciliter la circulation des ressortissants des deux pays, concourant à la vitalité des relations bilatérales, et ce dans tous les domaines.
La France et ses partenaires qui soumettent les ressortissants français au visa de court séjour, notamment au Congo et au Bénin, s’engagent à faciliter la délivrance de visas de court séjour à entrées multiples d’une validité pouvant aller jusqu’à cinq ans.
Deuxièmement, ces accords facilitent le séjour temporaire en France, notamment d’étudiants étrangers. Cette démarche permettra à ces derniers d’acquérir une première expérience professionnelle en vue de leur retour dans leur pays d’origine. Ces étudiants étrangers bénéficient ainsi de dispositions spécifiques, beaucoup plus favorables que le droit commun régi par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Nous prendrons bien entendu en compte les intérêts du pays d’origine en faisant en sorte que la migration contribue à son enrichissement, au travers des transferts de fonds, mais également grâce à la formation professionnelle.
Troisièmement, ces accords, qui s’inscrivent dans la nouvelle approche de l’immigration choisie et concertée, encouragent la délivrance de la carte « compétences et talents ». Celle-ci s’adresse aux ressortissants du pays partenaire qui vont participer de façon significative au développement économique de la France et de leur pays.
Les accords prévoient, pour la plupart d’entre eux, un contingent, afin de limiter l’exode des élites. C’est pour cette même raison que la carte « compétences et talents » ne peut être renouvelée qu’une seule fois.
Cet objectif d’une migration régulière, à la fois concertée et contrôlée, se double d’une coopération renforcée dans la lutte contre l’immigration irrégulière, avec deux composantes.
D’une part, la France s’engage dans une expertise technique en matière policière ; je pense notamment à la lutte contre la fraude documentaire et au soutien à la constitution d’un état civil fiable.
D’autre part, la France et chacun des pays concernés s’engagent à réadmettre leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie en facilitant la délivrance des laissez-passer consulaires. Le dispositif français d’aide au retour sera d’ailleurs proposé aux étrangers concernés.
Ces accords ont enfin pour objectif de contribuer au développement des pays constituant une source d’émigration grâce à la recherche de synergies entre migration et développement ; je pense, en particulier, aux instruments financiers, tels que le compte épargne codéveloppement ou le livret d’épargne pour le codéveloppement.
Avant de conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à souligner l’apparition du concept de « développement solidaire », mentionné notamment dans l’accord avec la Tunisie. Il figure désormais dans les accords nouvellement signés ou en cours de négociation ; il vise à promouvoir des actions de coopération et des projets financés par le ministère de l’immigration en raison de la contribution qu’ils apportent au développement.
Cette démarche s’applique notamment dans les régions d’émigration, en vue du maintien sur place des populations. Il s’agit d’une action menée en cohérence avec l’aide publique au développement. C’est pourquoi le ministère de l’immigration dispose d’un programme budgétaire spécifique inscrit dans la mission « Aide publique au développement », aux côtés des programmes du ministère de l’économie et du secrétariat d’État à la coopération et à la francophonie, que j’ai l’honneur d’animer.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement qui font l’objet des projets de loi soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des migrations est au cœur de notre relation avec les pays du Sud. Avec certains de nos partenaires, elle occupe le tout premier plan de la relation bilatérale.
C’est une question particulièrement complexe : sociale, économique et politique, elle touche également à ce que peut avoir de personnel, voire d’intime, cette aspiration au départ ou cette nécessité de quitter son pays. C’est pourquoi la question des migrations se gère non pas seulement aux frontières, mais aussi, en amont, sur le territoire des pays d’origine. C’est aussi pourquoi notre politique migratoire doit rejoindre, sur certains points, notre politique de développement.
Le codéveloppement, devenu « développement solidaire », se situe au point de rencontre de ces deux politiques, dans la recherche d’un équilibre fragile et restant à définir. Les accords de gestion concertée des flux migratoires qui sont soumis aujourd’hui à l’examen du Sénat en sont l’un des aspects.
Ces accords sont une forme de contractualisation de la relation bilatérale sur la question des migrations. Comme je l’ai souligné devant la commission des affaires étrangères, ce dialogue bilatéral est indispensable, tant la différence d’appréciation sur la migration est considérable entre un pays destinataire de l’immigration, comme le nôtre, et les pays d’origine.
N’oublions pas que les transferts financiers sont supérieurs à l’aide publique au développement et qu’ils constituent, pour les pays d’origine, l’une des premières – sinon la première – sources de revenus.
C’est pourquoi la négociation de ce type d’accords revêt une telle force symbolique et que les citoyens du pays signataire y sont si attentifs.
Le schéma général comporte trois parties : la facilitation de la circulation et le développement de l’immigration de travail, la lutte contre l’immigration clandestine et le soutien à des projets de développement.
Si l’on met de côté l’accord avec le Gabon, dont les migrants sont très peu nombreux, les accords qui nous sont soumis sont les premiers à comporter un véritable enjeu sur les questions migratoires. C’est en particulier le cas avec le Sénégal et la Tunisie, dont le nombre de ressortissants établis en France est important, avec des flux qui restent, y compris pour la Tunisie, très soutenus.
Je ne reprendrai pas le détail des différents accords, que vous avez exposés, monsieur le secrétaire d’État.
Sur le terrain de la migration légale, la France s’engage à accorder plus de visas de circulation, ce qui correspond à une demande très forte des pays partenaires. Cela pourrait être une juste réponse si ces visas étaient largement accordés. La France s’engage aussi à mieux accueillir les étudiants et à développer l’accueil de travailleurs migrants.
Dans une forme de contrepartie, les États signataires s’engagent à lutter contre l’immigration clandestine et à réadmettre leurs ressortissants entrés illégalement sur le territoire français.
La partie « développement » de ces différents accords est plus spécifique. Pour ce qui est du Congo, elle reste encore très largement à définir. En revanche, tant pour le Sénégal que pour le Bénin ou la Tunisie, elle témoigne d’une réelle réflexion sur les secteurs où l’intervention est souhaitable et sur les instruments à privilégier.
Grâce à une partie « développement » plus structurée, l’économie générale de ces accords tend vers un ensemble plus équilibré que l’accord avec le Gabon, dont la partie « développement » relevait plutôt du témoignage.
La commission formule cependant certaines interrogations et inquiétudes sur la mise en œuvre de ces accords.
La première de ces interrogations concerne la mise en œuvre effective de la facilitation de la migration professionnelle, qui suscite beaucoup d’attentes chez nos partenaires.
L’immigration professionnelle reste encore très limitée pour les pays concernés par ces accords. Les objectifs sont modestes et les réalisations plus modestes encore. En tout état de cause, elles ne sont pas à la mesure des flux migratoires.
Après un temps d’hésitation, nous avons reconnu – et les accords en témoignent – que l’immigration professionnelle ne devait pas nécessairement être une immigration qualifiée, ce qui paraît plus conforme non seulement aux besoins et aux attentes de nos partenaires, mais aussi aux besoins de nos entreprises ; les bénéficiaires de l’admission exceptionnelle au séjour en attestent. Mais en ces temps de crise économique et de raréfaction des emplois, pourrons-nous tenir nos engagements en ce qui concerne la migration professionnelle ?
La deuxième interrogation de la commission porte sur la mise en œuvre concrète de ces accords, qui ajoutent à un ensemble déjà complexe des facteurs de complexité supplémentaires. Cette politique de développement solidaire, dont nous ne sous-estimons pas les difficultés d’élaboration, mais qui tâtonne et reste encore en cours de définition, démarre lentement.
La délivrance des cartes « compétences et talents » reste ainsi très embryonnaire : seules trente-six ont été accordées à des Tunisiens. Les talents sont-ils si rares, monsieur le secrétaire d’État, ou bien est-ce notre dispositif qui est trop lourd ?
Comment les consulats et les préfectures vont-ils se repérer dans le maquis de délais, de conditions d’âge et de secteurs spécifiques introduits par les accords de gestion concertée des flux migratoires, qui s’ajoute à la véritable sédimentation de dispositifs opérée par les nombreuses lois relatives à l’immigration votées ces dernières années ?
Que deviennent, monsieur le secrétaire d’État, les clauses applicables aux ressortissants de la zone de solidarité prioritaire, alors que cette notion est complètement revue dans la réforme de notre dispositif de coopération ?
La politique migratoire hésite ainsi encore entre attractivité et contrôle des flux.
Notre troisième et dernière interrogation porte sur le volet « développement » de ces accords, dans un contexte de réduction drastique des crédits dévolus à l’aide bilatérale au développement. Dans un pays qui traite déjà bien mal ses propres étudiants, pourrons-nous garantir, comme il est prévu dans l’accord avec le Sénégal, un accueil correct et un logement décent ?
Les accords identifient les projets dont le financement relève du ministère de l’immigration, mais renvoient au ministère des affaires étrangères pour un effort accru d’accompagnement. Rien ne permet de dire que celui-ci aura les moyens de cette intervention complémentaire, pourtant indispensable.
Aussi l’équilibre prévu par ces accords nous semble-t-il fragile. Si les volets « migration professionnelle » et « développement » ne sont pas mis en œuvre dans de bonnes conditions, il n’en restera que les aspects les plus restrictifs, dont le plus symbolique est la réadmission.
C’est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées envisage d’assurer un suivi et une évaluation de la mise en œuvre de ces différents accords.
Sous le bénéfice de ces observations, et parce qu’elle estime que la méthode de dialogue engagée par ces accords mérite d’être encouragée, la commission recommande l’adoption de ces quatre projets de loi, tous ratifiés par les pays signataires, à l’exception de l’accord avec le Bénin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Charles Pasqua applaudit également.)