Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès, M. Bernard Saugey.
Situation de l’aide à domicile en matière de politique salariale
Question de M. Alain Fouché. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ; Alain Fouché.
Projet Tarmac de démantèlement d'aéronefs
Question de Mme Josette Durrieu. – M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ; Mme Josette Durrieu.
Difficultés de transport inter-hospitalier dans le secteur Charente-Maritime sud et est
Question de M. Daniel Laurent. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ; Daniel Laurent.
Question de M. Alain Dufaut. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ; Alain Dufaut.
restitution des fonds irakiens
Question de Mme Nathalie Goulet. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ; Yves Détraigne, en remplacement de Mme Nathalie Goulet.
Question de M. Michel Doublet. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ; Michel Doublet.
Développement de la filière photovoltaïque en France
Question de M. Jean Besson. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ; Jean Besson.
Conséquences de la diminution des crédits affectés aux contrats aidés du secteur non marchand
Question de M. Bernard Cazeau. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports ; Bernard Cazeau.
conséquences de la fusion des dde-ddaf
Question de M. Bernard Fournier. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports ; Bernard Fournier.
instauration d'une évaluation médicale de l'aptitude à la conduite
Question de M. Yves Détraigne. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports ; Yves Détraigne.
desserte ferroviaire de l'aveyron
Question de Mme Anne-Marie Escoffier. – M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports ; Mme Anne-Marie Escoffier.
arrêt des travaux d'aménagement routier sur la rn 164
Question de M. François Marc. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports ; François Marc.
expérimentation du stationnement autorisé sur les places de livraison à paris
Question de Mme Catherine Dumas. – M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales ; Mme Catherine Dumas.
banalisation de l'utilisation du taser x26
Question de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
construction d'un commissariat à la ciotat
Question de M. Bruno Gilles. – MM. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales ; Bruno Gilles.
restructuration de la gendarmerie nationale
Question de M. Simon Sutour. – MM. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales ; Simon Sutour.
réforme de la gendarmerie nationale
Question de M. Alain Fauconnier. – MM. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales ; Alain Fauconnier.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
3. Dépôt de rapports du Gouvernement
4. Candidatures à un organisme extraparlementaire
MM. Jack Ralite, le président.
6. Accords avec le Bénin, le Congo, le Sénégal et la Tunisie relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement. – Adoption de quatre projets de loi
Discussion générale commune : M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie ; Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; M. Richard Yung, Mmes Éliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery.
M. le secrétaire d'État.
Clôture de la discussion générale commune.
Accord avec le Bénin. – Adoption, par scrutin public, du projet de loi
Accord avec le Congo. – Adoption du projet de loi
Accord avec le Sénégal. – Adoption du projet de loi
Accord avec la Tunisie. – Adoption du projet de loi
7. Conventions internationales. – Adoption de six projets de loi en procédure simplifiée
Protocole relatif au Centre spatial guyanais. – Adoption du projet de loi
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
8. Report de la désignation des membres de l'Observatoire de la décentralisation
9. Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire
10. Gendarmerie nationale. – Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
MM. Didier Boulaud, le président.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; MM. Jean Faure, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Daniel Reiner, Joseph Kergueris, Mme Michelle Demessine, M. Hubert Haenel.
M. le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
Mme Virginie Klès, M. Alain Fouché.
Mme la ministre.
Clôture de la discussion générale.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 43 de M. Jean-Louis Carrère. – MM. Jean-Louis Carrère, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
M. le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
Article additionnel avant l'article 1er
Amendement n° 52 rectifié de Mme Virginie Klès. – Mme Virginie Klès, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement no 44 de M. Jean-Louis Carrère ; amendements identiques nos 2 de la commission et 20 de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis ; amendement no 3 de la commission et sous-amendement n° 59 du Gouvernement ; amendements nos 21 (identique à l’amendement no 3) de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, 47, 49 de M. Jean-Louis Carrère, 4 rectifié de la commission et sous-amendement n° 58 du Gouvernement ; amendements nos 60 du Gouvernement, 22 de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, et 35 de M. Yves Pozzo di Borgo. – MM. Daniel Reiner, le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme la ministre, MM. Jean-Louis Carrère, Yves Pozzo di Borgo. – Retrait des sous-amendements nos 59 et 58 et des amendements nos 60, 22 et 35 ; rejet des amendements nos 44 et 49 ; adoption des amendements nos 2, 20, 3, 21 et 4 rectifié, l’amendement n° 47 devenant sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er
Amendements nos 36 et 37 de M. Yves Pozzo di Borgo. – MM. Yves Pozzo di Borgo, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait des deux amendements.
Amendements identiques nos 5 de la commission et 23 de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme la ministre, M. Jean-Louis Carrère. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 38 de Mme Michelle Demessine et 45 de M. Jean-Louis Carrère ; amendements nos 6 de la commission et 24 de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. – Mme Michelle Demessine, MM. Daniel Reiner, le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme la ministre, M. Jean-Louis Carrère. – Retrait de l’amendement n° 6 ; rejet des deux amendements identiques ; adoption de l’amendement n° 24 rédigeant l'article.
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 7 de la commission et sous-amendement n° 61 du Gouvernement ; amendement n° 25 de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. le rapporteur pour avis, Jean-Louis Carrère. – Retrait de l’amendement n° 7, le sous-amendement no 61 devenant sans objet ; adoption de l’amendement n° 25 insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 40 de Mme Michelle Demessine et 46 de M. Jean-Louis Carrère ; amendement n° 8 rectifié de la commission et sous-amendements nos 63 à 65 du Gouvernement ; amendement n° 26 de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, et sous-amendements nos 66 à 68 du Gouvernement. – Mme Michelle Demessine, MM. Jean-Louis Carrère, le rapporteur, Mme la ministre, M. le rapporteur pour avis. – Retrait des sous-amendements nos 63 à 65 et de l’amendement n° 26, les sous-amendements nos 66 à 68 devenant sans objet ; rejet des amendements identiques nos 40 et 46 ; adoption de l'amendement no 8 rectifié rédigeant l'article.
Article additionnel après l’article 3
Amendement no 27 de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Louis Carrère. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Dépôt d’un projet de loi rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 11 décembre 2008
12. Dépôt de propositions de loi
13. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
15. Dépôt d'avis
16. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès,
M. Bernard Saugey.
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie d’excuser les deux secrétaires du Sénat, Mme Christiane Demontès et M. Bernard Saugey, qui en ce moment même assistent à la réunion du Bureau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Situation de l’aide à domicile en matière de politique salariale
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question no 306, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question, qui s’adressait à Mme le secrétaire d’État chargée de la solidarité, porte sur la situation critique dans laquelle se trouve actuellement le secteur de l’aide à domicile en matière de politique salariale.
L’enveloppe financière annoncée pour le secteur de l’aide à domicile et destinée à mener la politique salariale s’avère trop faible pour permettre d’envisager une politique de rémunération correcte et d’augmenter suffisamment la valeur du point.
Dans la branche de l’aide à domicile, plus de 38 % des salariés – soit plus de 83 000 personnes physiques, pour la plupart diplômées – ont aujourd’hui des salaires conventionnels immergés sous le SMIC. Cette situation va à l’encontre de la volonté des partenaires sociaux, qui, en signant l’accord de branche du 29 mars 2002 relatif aux emplois et aux rémunérations, ont négocié des minima conventionnels supérieurs au SMIC.
Dans ces conditions, naturellement, les structures associatives peinent à recruter et à fidéliser leurs salariés, alors même que les besoins liés à l’évolution de notre société – vieillissement de la population, travail des femmes, etc. – n’ont jamais été aussi importants.
S’ajoute à ce problème celui de la forte augmentation des prix des carburants constatée ces derniers mois – même si un léger mieux s’observe depuis quelques semaines –, qui a directement affecté ce secteur d’activité puisque l’utilisation des véhicules est inhérente à ces métiers d’intervention.
Afin de pallier ces difficultés, toutes les fédérations et unions d’employeurs et quatre organisations syndicales de salariés ont signé lors de la commission mixte paritaire du 27 juin dernier un avenant, qui augmente de 2 % la valeur du point – il s’élèvera à 5,286 euros à partir du 1er juillet 2008 – et modifie les premiers coefficients des grilles A et B à partir du 1er juillet 2008 afin de les porter enfin au-dessus du niveau du SMIC.
Cet accord ayant été finalement agréé, je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, quelles dispositions le Gouvernement entend prendre, plus largement – car la demande est grande et rend le besoin important –, pour renforcer l’attractivité du secteur de l’aide à domicile et sa professionnalisation, ainsi que la qualité des services rendus aux usagers.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir m’excuser de vous avoir fait attendre, mais un brouillard dense a fortement retardé mon avion ce matin.
M. le président. L’essentiel est que vous soyez là !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je vous prie aussi d’excuser mes collègues, au nom de qui je répondrai.
Monsieur le sénateur, vous soulevez à juste titre l’importante question du niveau des salaires de la branche de l’aide à domicile et, notamment, de l’avenant salarial signé par les partenaires sociaux le 27 juin 2008.
Je suis d’accord avec vous : il n’est pas acceptable que 38 % des salariés de cette branche voient leurs salaires conventionnels fixés à un niveau inférieur au SMIC.
L’avenant que vous avez évoqué a été présenté pour avis à la Commission nationale d’agrément en septembre. Constatant que sa mise en œuvre conduirait au dépassement de l’enveloppe budgétaire prévue pour la masse salariale de l’année 2008, la Commission a dû rendre un avis défavorable à l’unanimité de ses membres, qui représentent les financeurs : représentants des conseils généraux, des administrations de l’État, caisses nationales de sécurité sociale, notamment.
Ne pouvant se satisfaire de cette situation, Xavier Bertrand a reçu les partenaires sociaux afin de trouver une solution pour que les salaires conventionnels ne soient plus inférieurs au SMIC, ce qui est bien sûr l’objectif essentiel du Gouvernement, et qu’ainsi les salaires de la branche puissent être revalorisés dans des proportions compatibles avec les engagements budgétaires.
Les partenaires sociaux ont demandé à Xavier Bertrand, pour dégager des marges supplémentaires de négociation, de ne plus prendre en compte l’évolution du taux de remboursement des indemnités kilométriques dans l’évolution générale de la masse salariale, ce qu’il a accepté au regard du coût actuel des transports et de l’obligation des salariés de cette branche de se déplacer, plus que d’autres sûrement, pour remplir leurs missions.
Le 14 novembre 2008, les partenaires sociaux ont déposé un nouvel avenant qui annule et remplace le précédent. Il prévoit une augmentation de 1,38 % de la valeur du point à compter du 1er avril 2008 et maintient les précédentes dispositions concernant le relèvement des premiers salaires conventionnels situés en dessous du SMIC.
Le ministre a convoqué le 17 novembre une réunion exceptionnelle de la Commission nationale d’agrément et, celle-ci ayant émis un avis favorable, il a agréé l’avenant par arrêté du 18 novembre 2008.
Cela montre qu’il est toujours possible de trouver avec les partenaires sociaux une voie de passage quand on choisit la négociation. Cela montre surtout qu’il faut poursuivre les efforts en vue d’améliorer l’attractivité et la qualification des métiers de l’accompagnement des personnes âgées et handicapées – car tel est bien le sens de votre question, monsieur le sénateur – dans le cadre du plan des métiers annoncé en février dernier par Valérie Létard. C’est à cette condition que pourront être posées les bases de la bientraitance, d’une meilleure prise en charge des personnes fragiles et du développement d’un gisement d’emplois pour demain.
On le sait, l’aide à domicile destinée aux personnes dépendantes et aux personnes handicapées représente la majeure partie des « services à la personne ». Le Gouvernement réfléchit en ce moment à un plan de relance des services à la personne, et Xavier Bertrand travaille en ce sens avec Christine Lagarde et Laurent Wauquiez.
L’objectif du Gouvernement est bien de renforcer l’accès à ces services et d’améliorer leurs conditions d’exercice et leur professionnalisation, ce qui contribuera aussi utilement à soutenir l’emploi.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui correspond tout à fait au souhait que j’ai formulé de rendre plus attractive cette profession et de lui permettre de s’exercer dans de meilleures conditions.
Projet Tarmac de démantèlement d'aéronefs
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu, auteur de la question n° 290, adressée à M. le ministre de la défense.
Mme Josette Durrieu. Le département des Hautes-Pyrénées accueille le projet dit « Tarmac » de démantèlement d’avions financé dans le cadre du pôle de compétitivité Aerospace Valley.
Ce projet global conduit à la gestion du démantèlement d’avions civils ou militaires au terme de leur cycle de vie. Ce projet est porté par Airbus, SITA, EADS, SOGERMA et EADS CCR. La phase de test a démontré que les deux tiers des pièces d’un Airbus 300 peuvent être valorisées ou recyclées. Nous fondons, bien sûr, beaucoup d’espoir sur ce projet.
La phase opérationnelle a débuté en octobre 2008 avec la création d’une quinzaine d’emplois, voire cinquante à terme.
Les industriels en charge du projet ont enregistré trente commandes d’avions civils à démanteler d’ici à 2013, mais la réussite annoncée de ce projet ne peut se finaliser qu’avec également le démantèlement d’avions militaires, comme cela était prévu initialement, c’est-à-dire depuis 2005.
J’avais interrogé en 2005 Mme Alliot-Marie, alors ministre de la défense, de même que le ministre de l’économie et des finances, en 2006, et c’était Mme Lagarde qui avait répondu.
En 2005, Mme le ministre de la défense disait : « L’armée de l’air devra notamment dans les prochaines années éliminer environ 85 avions pour un poids total de 500 tonnes, ce qui représente donc une tâche importante. » Elle ajoutait : « Je souhaite que le site de Tarbes en bénéficie pour partie, cela me paraît tout à fait normal » et elle a confirmé ces propos dans le cadre du démantèlement de GIAT sur le site de Tarbes, en 2006, avec la suppression de 700 emplois.
Dans une question orale complémentaire au ministre de l’économie et des finances en mars 2006, Mme Christine Lagarde, alors ministre déléguée au commerce extérieur, confirmait que, d’ici à 2010, selon le ministère de la défense, environ 85 avions seraient concernés par des opérations de démantèlement.
Aujourd’hui, trois ans après exactement, aucun avion militaire n’est arrivé sur le site de Tarbes dans le cadre de ce projet Tarmac et, par conséquent, aucun démantèlement n’a été opéré.
Le développement industriel du projet exige de disposer d’une vision à long terme. En conséquence, j’attends des réponses aux quatre questions suivantes, monsieur le secrétaire d’État.
Premièrement, quel est le planning précis de cessation d’activité des aéronefs militaires destinés au démantèlement ?
Deuxièmement, parmi ces avions en fin de vie, combien seront concernés par une vente à des industriels pour démantèlement et valorisation ?
Troisièmement, quelle sera la part destinée au site de Tarbes qui devait en bénéficier pour partie depuis 2005, comme l’a dit Mme le ministre de la défense ?
Quatrièmement, enfin, quand le premier avion militaire arrivera-t-il sur le site de Tarbes pour son démantèlement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Madame la sénatrice, le traitement des matériels en fin de vie est une préoccupation relativement récente, mais qui présente un enjeu significatif. À titre d’illustration, on estime à plus de six mille le nombre d’avions de plus de cent places, principalement civils, qu’il faudra démanteler dans le monde.
Le ministère de la défense a bien engagé le processus de déconstruction de ses aéronefs militaires retirés du service.
Ce processus revêt une grande complexité, car ces matériels constituent des déchets contenant différents polluants, notamment de l’amiante et des fibres céramiques. Ils nécessitent l’élaboration d’une méthode de démantèlement et de traitement appropriée respectant la réglementation en matière d’hygiène, de sécurité du travail et d’environnement durable.
Tout cela prend effectivement du temps. Une fois la méthode en place, les choses se déroulent selon un certain rythme, mais nous en sommes au début du processus. Or vous savez combien le principe de précaution a pris de l’importance aujourd’hui et combien tout ce qui relève notamment de la défense est étudié avec soin.
Quoi qu’il en soit, les choses avancent. Une première étape a été engagée, qui concernera en priorité le traitement de dix-sept cellules de C160 Transall, et aussi de dix moteurs Tyne et 400 groupes de démarrage. Une demande d’information auprès de l’industrie européenne a été émise en octobre dernier.
Les réponses des différents candidats sont attendues au début de l’année 2009, en vue du lancement d’une procédure de mise en concurrence dans le courant du deuxième trimestre 2009 et de la notification d’un marché en 2010.
Avec cette première étape, le ministère de la défense vise à engager le développement d’une filière de démantèlement de ses matériels aéronautiques en fin de vie, dans le respect des règles de sécurité et de protection de l’environnement. Le recyclage des matériaux sera en particulier recherché.
Concernant le site de Tarbes, je ne peux vous donner une réponse précise ce matin. Je vais étudier la question et je vous répondrai par écrit. Je vais voir ce qu’il est possible ou non de vous dire en l’état actuel du processus, mais soyez assurée que votre question ne restera pas sans réponse de ma part.
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’observe que, depuis 2005, on nous dit que l’année 2010 pourrait être l’échéance. Nous attendons votre confirmation pour le site de Tarbes.
difficultés de transport inter-hospitalier dans le secteur charente-maritime sud et est
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 345, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés du transport inter-hospitalier des malades victimes d’infarctus du myocarde dans les secteurs sud et est de la Charente-Maritime.
L’hôpital de Saintes, au cœur de la Saintonge, est doté d’un service mobile d’urgence et de réanimation, un SMUR, qui effectue le transport des malades vers les CHU – centres hospitaliers et universitaires – voisins, mais également les transports secondaires de secteur.
Ce secteur est le seul à ne pas disposer de coronarographie. De même, en cas d’accident vasculaire cérébral, le traitement de la pathologie ne peut se faire que dans une unité neurovasculaire, dont le centre hospitalier de Saintes est dépourvu, les établissements de sectorisation les plus proches étant La Rochelle et Poitiers.
Or, on sait que, pour ces deux pathologies, le traitement doit intervenir très rapidement. Les praticiens ont donc recours à des traitements alternatifs qu’ils ne considèrent pas comme optimum, alors qu’un transfert rapide vers des établissements spécialisés permettrait une meilleure prise en charge des patients.
De plus, chaque intervention mobilise les équipes médicales pendant plusieurs heures au détriment du bon fonctionnement de l’établissement et des autres patients. Ainsi, en cas de transfert vers La Rochelle ou Bordeaux, c’est au minimum quatre heures d’équipes indisponibles.
Deux hélicoptères sont basés en Poitou-Charentes : l’un au CHU de Poitiers, complètement au nord, non accessible au centre hospitalier de Saintes et l’autre dépendant de la protection civile à La Rochelle, dont le transfert inter-hospitalier n’est pas la priorité. Quant au CHU de Bordeaux, il refuse de plus en plus de patients du sud de la Charente-Maritime, argumentant que le CHU de référence est Poitiers.
Pour mieux comprendre, je vous citerai quelques chiffres : en 2007, le SMUR de Saintes a effectué 581 transferts d’hôpital à hôpital et sollicité 132 transports de cardiologie via Bordeaux ou La Rochelle.
Alors que l’on sait que cet établissement ne sera jamais doté des moyens techniques pour traiter ces pathologies, il convient de mettre en œuvre les moyens logistiques idoines pour permettre le transport des patients.
Aussi, afin de permettre une prise en charge des patients dans de bonnes conditions sanitaires et assurer leur transfert dans les centres hospitaliers adaptés aux pathologies, il conviendrait qu’un hélicoptère sanitaire puisse être basé au centre hospitalier de Saintonge.
En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour assurer la prise en charge des patients et le bon fonctionnement des urgences sur le territoire de la Saintonge, sachant que notre ami Dominique Bussereau, secrétaire d’État aux transports et président du conseil général de la Charente-Maritime, a également interpellé Mme la ministre de la santé sur cette question ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, ces malades, dont vous avez rappelé la situation, et qui nécessitent des soins à la fois urgents et très spécifiques, sont pris en charge par le centre hospitalier universitaire de Poitiers, qui dispose d’unités de chirurgie cardiaque et de neurochirurgie.
Dans le schéma régional d’organisation sanitaire, le SROS, un hélicoptère dit « blanc » a été affecté sur le site du CHU de Poitiers. Il est armé par des équipages du CHU de Poitiers, mais aussi par des services d’urgence voisins, à savoir Niort et Angoulême.
Le transport de ces malades peut également être assuré par l’hélicoptère dit « rouge » de la sécurité civile, qui participe aux transports urgents du centre hospitalier de La Rochelle, au nord du département.
Les territoires sud et est de la Charente-Maritime bénéficient des quatre SMUR des centres hospitaliers de Saintes, de Jonzac, de Royan et de Saint-Jean-d’Angély, qui peuvent assurer si nécessaire le transport vers le CHU de Poitiers.
L’une des préoccupations premières du ministère de la santé est d’apporter une réponse égale et juste en termes de répartition de l’offre de soins. À ce titre, Mme Roselyne Bachelot-Narquin – dont je vous prie d’excuser l’absence ce matin – souhaite améliorer la prise en charge de la population « en moins de vingt minutes ». Des services d’urgence de proximité seront déployés d’ici à deux ans pour atteindre la prise en charge en moins de vingt minutes de 90 % de la population contre 80 % aujourd’hui.
À cette fin, Mme la ministre de la santé souhaite véritablement que les quatre équipes SMUR des centres hospitaliers de Saintes, de Jonzac, de Royan et de Saint-Jean-d’Angély, en coordination avec l’agence régionale de l’hospitalisation de Poitou-Charentes, se mobilisent afin d’améliorer l’accès de la population aux structures d’urgence, et qu’elles soient soutenues pour le faire. C’est également ce qui sera répondu à notre collègue Dominique Bussereau.
Ce n’est qu’après cette étape que nous pourrons déterminer dans le cadre du troisième schéma régional d’organisation sanitaire, SROS, la nécessité d’un deuxième hélicoptère « blanc » dont, il faut le rappeler, le coût est de 1,3 million d’euros.
Monsieur le sénateur, je sais que vous continuerez à être attentif à cette question et à veiller à ce que les engagements et les délais soient respectés sur ce dossier, dont les acteurs sont multiples, et ce afin de parvenir à cet objectif que Mme la ministre rappelle régulièrement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse. Dans ce territoire de la Saintonge, qui est complètement sous-équipé, il serait utile, nécessaire, voire indispensable, de mettre en place des moyens adaptés. Je suis heureux de voir que Mme la ministre prépare un plan de bataille pour répondre à toutes ces interventions.
Réforme de la carte scolaire
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, auteur de la question n° 323, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Alain Dufaut. Ma question, qui concerne la carte scolaire, était adressée à M. Xavier Darcos, mais je vais faire confiance à la grande polyvalence de M. Jean-Marie Bockel.
Monsieur le secrétaire d’État, la carte scolaire telle qu’elle fonctionnait avant 2007 n’était pas satisfaisante, puisqu’elle accentuait les inégalités sociales et scolaires.
Force est de constater qu’après deux années d’un assouplissement progressif visant à une suppression totale de la carte le résultat est pire que le mal pour les établissements des quartiers défavorisés, en particulier pour ceux qui sont situés en zones d’éducation prioritaire et ceux qui sont classés « ambition réussite ».
Cette libéralisation des règles a abouti très rapidement à la fuite des meilleurs élèves de ces établissements. À partir du moment où le choix a été donné aux parents, les enfants des familles les plus aisées sont partis de ces quartiers pour rejoindre les établissements des centres-villes, ou des quartiers beaucoup plus huppés.
En fait, la libéralisation de la carte scolaire tend inexorablement à accroître la ségrégation scolaire et va totalement à l’encontre de notre volonté de mixité sociale.
Ainsi, les effectifs du collège Paul Giéra d’Avignon, implanté dans un des quartiers les plus défavorisés et les plus fragiles de France, le quartier Monclar, ont baissé, cette année encore, de 87 élèves, entraînant la suppression de deux classes de sixième.
Une telle évolution tire, année après année, les effectifs vers le bas et conduit à une inquiétude grandissante sur le devenir de ces établissements, et de celui-ci en particulier. C’est vrai, elle engendre l’angoisse légitime d’équipes pédagogiques inquiètes pour leur avenir.
Pour le collège Paul Giéra, une réunion, à laquelle je participais, a eu lieu le jeudi 11 décembre dernier à la préfecture du département du Vaucluse.
À la demande du président du conseil général, la possibilité d’une démolition du collège y a été envisagée. Une décision devrait être prise avant le 15 janvier prochain sur l’éventualité de la démolition.
Cela est, à mon sens, impensable et totalement inadmissible, quand on sait que cet établissement scolaire est le seul service public de ce quartier de 6 000 habitants ! Sa disparition serait dramatique pour ces populations déjà fortement fragilisées. Le collège Paul Giéra offre aux jeunes de ces cités le seul et unique tremplin social de nature à les insérer dans le monde du travail.
Des solutions existent. Il faut, par exemple, attirer des élèves extérieurs au quartier par la création de classes sports-études, par l’enseignement de langues rares ou de disciplines artistiques.
Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d’État, connaître les propositions visant à pallier cet exode massif des meilleurs élèves de ce type d’établissement, dont la pérennité est ainsi menacée.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, en répondant au nom de mon collègue M. Xavier Darcos, je ne prétends pas à la polyvalence.
Toutefois, avant de vous donner les éléments de réponse qu’il m’a transmis, je puis vous dire d’emblée que, en tant que maire de Mulhouse, je comprends parfaitement la problématique que vous avez évoquée.
J’ai pu vivre comme vous les effets pervers d’une carte scolaire figée et parfois inadaptée, et je vis comme vous les difficultés inhérentes au passage d’un système figé à un système ouvert. Je considère donc votre question comme tout à fait pertinente et importante.
Je vous rappelle la mesure, décidée en juin 2007 et reconduite en 2008, qui a permis de rompre, comme je le disais à l’instant, avec un système tout de même obsolète, et souvent inique, en offrant une nouvelle liberté aux familles et en améliorant, dans bien des cas, la mixité sociale des établissements. Cela, je vous le concède, ne s’est pas toujours passé ainsi, et je puis en témoigner comme vous.
Des critères de priorité ont été donnés – élèves boursiers, rapprochement de fratrie, option rare – et, cette année, 88 % des demandes de dérogations ont été satisfaites. Il est important de souligner que les demandes acceptées des élèves boursiers entrant en sixième ont augmenté de 33 % par rapport à 2007.
M. Xavier Darcos a assuré à plusieurs reprises que les moyens des collèges ou lycées touchés par de nombreuses pertes d’élèves seraient conservés, afin de donner à ces établissements toutes les chances d’inverser la fatalité. C’est le cas sur le terrain, je puis en témoigner également, même s’il faut parfois se mobiliser.
Ces établissements doivent alors accompagner ces départs d’une réflexion sur leur avenir et sur la perception que les familles en ont.
Dans le cas particulier du collège Paul Giéra d’Avignon, classé « ambition réussite », une réflexion a été menée par le conseil général du Vaucluse – vous y avez fait allusion à l’instant – qui envisage aujourd’hui sa fermeture.
Au cours de la réunion, qui s’est déroulée le 11 décembre dernier à la préfecture du Vaucluse et à laquelle vous participiez, le préfet a demandé au président du conseil général de préciser sa position, de lui dire s’il demandait de fermer ce collège et, le cas échéant, de lui transmettre une délibération officielle de l’assemblée départementale sur cette question, afin que les services de l’État puissent travailler à partir d’une prise de position claire de la collectivité concernée.
La situation aujourd’hui n’est donc pas figée. Bien sûr, la position du conseil général, quelle qu’elle soit, aura son importance, mais elle ne vaut pas décision.
Bien entendu, je transmettrai à mon collègue M. Xavier Darcos les éléments de réticence, voire de franche opposition, que vous avez développés à l’instant, et les arguments que vous avez mis en avant.
Je peux comprendre votre point de vue, étant moi-même confronté à des collèges dans des situations particulièrement difficiles, pour lesquelles des solutions semblent effectivement possibles, à condition de s’en donner les moyens. La réponse sera-t-elle la fermeture du collège, ou bien une solution alternative et volontariste ?
Bien sûr, vous l’avez compris, nous ne sommes pas en mesure de le dire aujourd’hui, puisque nous respectons un processus de concertation. Je retiens toutefois de notre échange les arguments que vous avez développés, et qui devront être soumis à la décision des autorités du ministère de l’éducation nationale, et, en dernier ressort, du ministre.
C’est ainsi que je reçois votre message et que je le transmettrai à M. Xavier Darcos.
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse. Je me doutais bien que, dans l’exercice de votre mandat de maire d’une grande ville, vous aviez été confronté au même type de problème.
Je considère que c’est très grave pour les quartiers défavorisés. Par ailleurs je précise que le collège concerné se trouve dans mon canton.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous prie de vous faire mon interprète auprès de M. Xavier Darcos pour lui dire qu’en aucun cas ce collège ne peut être fermé. Une équipe pédagogique formidable y accomplit un travail considérable pour les 385 élèves du quartier !
Il serait insensé de démolir ce collège ! (M. Jean-Marie Bockel acquiesce.) Je considère que sur le terrain une telle décision serait perçue comme une désertion de l’école de la République là où le besoin s’en fait le plus sentir.
restitution des fonds irakiens
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 354, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. Yves Détraigne. En l’absence de Mme Christine Lagarde, je m’adresserai à M. Jean-Marie Bockel.
Monsieur le secrétaire d’État, je m’exprime au nom de Mme Nathalie Goulet, qui souhaite appeler votre attention sur l’absence de restitution des fonds irakiens gelés dans notre pays.
À la suite de diverses mesures internationales, notamment de dispositions prises par l’Union européenne, l’ensemble des partenaires de la France a d’ores et déjà procédé à une opération de restitution des fonds détenus au gouvernement irakien.
La France n’a pas répondu jusqu’à ce jour aux demandes réitérées sur le sujet, notamment celles de l’ambassadeur d’Irak en France, et n’a pas, semble-t-il, justifié son refus d’obtempérer, se mettant ainsi en violation du droit international.
À l’heure où des relations diplomatiques et économiques reprennent timidement avec ce pays, Mme Nathalie Goulet souhaite obtenir une réponse de la part du Gouvernement et demande le déblocage des vingt-quatre millions d’euros conservés indûment par la France, avant le 31 décembre prochain.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je m’exprimerai au nom de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
La réponse du Gouvernement à votre collègue Mme Nathalie Goulet est étayée sur les fondements juridiques posés à la fois par la résolution 1483 de l’ONU en date de 2003 et sur les textes qui régissent notre droit de propriété, lequel détermine les modalités du transfert juridique de ces avoirs. En France, nous sommes confrontés à trois dossiers.
En ce qui concerne le contexte juridique, je tiens d’abord à préciser que la résolution 1483 prévoit le gel des avoirs appartenant à l’ancien régime irakien et leur transfert au fonds de développement pour l’Irak, le FDI.
Le gel est une compétence communautaire, le règlement CE n°1210/2003 ayant de son côté partiellement repris ces dispositions. Néanmoins, le régime de propriété relève, lui, de la compétence des États membres.
En France, le droit de propriété est constitutionnellement protégé et figure dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En tant qu’avocat, je trouve ce débat tout à fait intéressant. Voilà du travail pour mes confrères ! (Sourires.)
Il n’existe donc pas de dispositions légales conférant à l’État le droit de priver un citoyen de sa propriété sauf cas très précis, par exemple en cas de confiscation judiciaire en matière de terrorisme et d’expropriation publique.
Le droit de propriété figure également à l’annexe I de la Convention européenne des droits de l’homme adoptée par le Conseil de l’Europe en 1950.
Dans ce contexte, une réunion interministérielle a eu lieu le 14 février 2007 pour trancher la question du vecteur juridique pertinent en matière de transfert au FDI. La solution retenue a été d’écarter le recours à un décret au profit de la loi.
Il convient toutefois de noter que même la loi ne met pas l’État à l’abri d’un recours contentieux. C’est pour cette raison une question passionnante, dont la solution n’est visiblement pas aussi simple qu’il n’y paraît !
Trois dossiers sont donc en cours de traitement.
Pour les villas cannoises, c’est un problème résolu. La société suisse Logarchéo, propriétaire de deux villas à Cannes figure dans la liste établie par la résolution 1483.
Sur cette base, les biens qu’elle détient ont été gelés aussi bien en Suisse qu’en France. En octobre 2007, la Suisse a rétrocédé la propriété des titres Logarchéo à l’ambassadeur d’Irak à Paris, ouvrant ainsi la possibilité d’une procédure visant à retirer Logarchéo de la liste des entités gelées.
Cette procédure, qui doit être engagée auprès du comité des sanctions des Nations unies, relève toutefois de la compétence du gouvernement suisse ou du gouvernement irakien. Elle devrait aboutir à un « délestage », qui sera ensuite pris en compte par le règlement européen. Autant dire que – et c’est un commentaire personnel – si une issue se dessine, le chemin risque encore d’être long !
Ensuite, la question des avoirs monétaires appartenant à des entités publiques est susceptible d’être résolue. Rasheed Bank, Rafidain Bank et Central Bank of Iraq ont vu leurs avoirs gelés en France. Leur dégel et leur transfert dépendent donc de la France. Toutefois, s’agissant d’avoirs sous tutelle publique, il pourrait être demandé à ces entités de procéder directement au virement de leurs avoirs au FDI. Cela se présenterait en quelque sorte comme une « auto-expropriation », voulue par les trois banques concernées.
Les banques françaises dans lesquelles sont placés ces fonds ont été sollicitées et ne voient pas d’inconvénient à cette procédure, qui pourrait intervenir après autorisation de l’État. Une solution concertée en ce domaine est donc très probable.
Le dernier dossier concerne les avoirs de la société Al Arabi Trading, d’un montant de 4 millions d’euros, et de M. Al Tikriti Mohamed, pour une somme de 0,02 million d’euros, associés à l’ancien régime irakien.
L’auto-expropriation ne semble pas envisageable, car il s’agit de personnes physiques, protégées en conséquence par le droit de propriété.
Dans ces conditions, le transfert doit se faire d’autorité, soit par la loi – mais les enjeux concernés, 4 millions d’euros, sont faibles– soit par un autre acte juridique tel qu’un décret, un arrêté ou une décision du ministre.
Quel que soit le support juridique retenu, la décision n’est toutefois pas à l’abri d’un recours fondé, par exemple, sur l’atteinte au droit de propriété. Cela dépendra donc de l’attitude de ces deux personnes.
J’espère avoir répondu ainsi aux interrogations de Mme Nathalie Goulet.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. J’ai compris que c’était une question très complexe. J’attendrai d’avoir le compte rendu écrit pour transmettre aussi fidèlement que possible à notre collègue Mme Nathalie Goulet ce qui a été dit.
Je souhaite en son nom que le Gouvernement poursuive ses diligences pour débloquer dans les meilleurs délais ces trois situations.
mise en oeuvre de l'exonération de la taxe foncière sur le non bâti pour les parcelles situées en zones humides et modalités de compensations financières aux communes
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 327, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Michel Doublet. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les modalités des compensations financières aux communes de la mise en œuvre de l’exonération de la taxe foncière sur le non-bâti pour les parcelles situées en zones humides.
L’article 146 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, codifié sous l’article 1395 E du code général des impôts, a institué une exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les parcelles situées en zones humides ou Natura 2000, faisant l’objet d’un engagement de gestion.
La création de cette disposition a pour objectifs principaux la gestion durable des zones humides, riches en biodiversité et utiles pour la préservation de la ressource en eau, ainsi que la reconnaissance de l’intérêt des pratiques de gestion, développées par les propriétaires, qui concourent à la préservation des zones humides.
Cette mesure devant engendrer des pertes de recettes pour les communes concernées, il est prévu un abondement du budget des communes par l’État à l’année n+1. Or, si les instructions n° 6 B-1-07 et 6 B-2-07 de la Direction générale des impôts précisent les conditions d’octroi de l’exonération au profit des propriétaires, elles ne précisent rien sur les conditions dans lesquelles l’État compensera les pertes de recettes correspondantes sur le budget des communes.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que vous nous précisiez les conditions dans lesquelles seront compensées les pertes de recettes des communes.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence d’Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Vous avez appelé son attention sur les modalités de compensations financières aux communes à la suite de la mise en œuvre de l’exonération de la taxe foncière sur le non-bâti pour les parcelles situées en zones humides.
La loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a effectivement institué deux exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties.
La première, en faveur des terrains situés dans un site Natura 2000, est prévue par l’article 146. Le sénateur que j’étais il n’y a pas si longtemps encore peut en témoigner. Ces questions nous sont souvent posées dans les nombreuses communes rurales de mon département, tout comme dans le vôtre, j’imagine.
La seconde exonération, en faveur des terrains situés dans les zones humides, est prévue par l’article 137 de la même loi.
Ces exonérations s’appliquent aux parts communales et intercommunales des taxes foncières des propriétés non bâties des biens appartenant aux propriétaires respectant certains engagements de gestion.
Bien entendu, ces mesures génèrent pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale concernés des pertes de recettes que les articles de loi précités ont prévu de compenser par prélèvement sur les recettes de l’État.
Les instructions de la Direction générale des finances publiques, DGFIP, pour les sites et les parcelles situées en zones humides ou Natura 2000, auxquelles vous faites référence, monsieur le sénateur, précisent toutes les conditions relatives aux exonérations : champ d’application, conditions d’octroi, portée de l’exonération et modalités d’application.
Elles font également référence aux modalités de compensations : les informations utiles se trouvent aux paragraphes 40 à 45 de l’instruction relative au site Natura 2000 et aux paragraphes 38 à 40 de l’instruction relative aux zones humides.
Ainsi, les compensations sont calculées chaque année en multipliant les montants des bases exonérées de l’année précédente pour les zones humides ou de l’année d’imposition pour les sites Natura 2000 par les taux de taxe foncière sur les propriétés non bâties votés au titre de cette même année par la commune ou l’EPCI à fiscalité propre.
Les montants des compensations sont ensuite transmis par les services de la DGFIP aux préfets, afin que ces derniers prennent les arrêtés de versement.
Ces versements sont réalisés par le biais du compte « compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale ».
Monsieur le sénateur, les versements pour les deux compensations ont été de 347 033 euros pour 2006, 417 158 euros pour 2007, 838 781 euros pour 2008, à savoir 814 728 euros pour les communes et 24 053 euros pour les EPCI. Cette montée en puissance prouve que, après quelques difficultés liées à la complexité du dispositif – difficulté que vous avez mesurée en m’écoutant ! –, les communes concernées disposent maintenant d’une meilleure information, que les services de l’État se sont mobilisés et que, visiblement, ce dispositif doublant d’une année sur l’autre approche de sa vitesse de croisière.
Je transmettrai à M. Eric Woerth l’inquiétude, dont vous vous faites l’écho, d’un certain nombre de communes qui n’ont pas encore le sentiment que leurs problèmes sont pris en compte de manière suffisante et rapide.
Monsieur le sénateur, nous recevons le message, mais sachez que les choses évoluent dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous venez de m’apporter et que je ne manquerai pas de transmettre aux maires des communes concernées.
J’espère que les modalités de compensations financières aux communes se poursuivront dans le même sens.
Développement de la filière photovoltaïque en France
M. le président. La parole est à M. Jean Besson, auteur de la question n° 319, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
M. Jean Besson. Monsieur le secrétaire d’État, d’après de récentes études, le photovoltaïque pourrait, en 2040, représenter de 20 % à 28 % de la production mondiale d’électricité. Le chiffre d’affaires de l’industrie photovoltaïque dans le monde s’élèverait aujourd’hui à quelque 13 milliards d’euros.
La filière photovoltaïque est un espoir pour l’avenir de notre planète, mais c’est aussi un facteur de croissance pour notre économie.
Au-delà des aides de l’État, il faut souligner le rôle essentiel joué par les régions et les collectivités locales comme par les syndicats départementaux d’énergies dans le développement du secteur.
Dans ma région, la région Rhône-Alpes, reconnue comme une région phare, tout comme, bien sûr, la région PACA, monsieur le président (Sourires.), nous nous engageons, via des dispositifs tels que les appels à projets, dans le soutien d’installations par les particuliers, les entreprises et les collectivités locales.
En tant que président d’un syndicat départemental d’énergies, j’encourage les maires de mon département à installer de tels équipements sur leurs nouveaux bâtiments communaux. En effet, les maires doivent être, selon moi, « les commandants en chef du développement durable ».
Cela dit, malgré tous ces efforts et un tarif de rachat d’électricité incitatif – jusqu’à 0,57 euro le kilowattheure –, nous constatons dans notre pays un retard considérable, notamment par rapport à l’Allemagne qui représente, à elle seule, plus de 80 % du parc cumulé en 2007.
Le développement du photovoltaïque en France se heurte à des procédures administratives complexes et à des délais d’attente anormalement longs de raccordement au réseau de distribution d’électricité.
Selon Électricité Réseau Distribution France, ERDF, la France a connecté au réseau 12,2 mégawatts crête supplémentaires en 2007. Si ce chiffre représente le double des résultats de 2006, il est pour autant bien loin de correspondre à la réalité du marché français. D’après l’Observatoire des énergies renouvelables, Observ’ER, les demandes de raccordement représentent cinq fois cette quantité !
Monsieur le secrétaire d’État, pour ne plus freiner la montée en puissance du marché du photovoltaïque, pour donner toutes leurs chances aux entreprises françaises spécialisées dans ce domaine et pour atteindre les objectifs énoncés par le Grenelle de l’Environnement, il serait nécessaire de mener à bien deux actions dans les plus brefs délais.
Il conviendrait, d’abord, de mettre en place une procédure administrative simplifiée de ces installations et, ensuite, de donner les moyens à ERDF de gérer les raccordements au réseau dans les plus brefs délais.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous prendre afin que ces deux objectifs soient atteints ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le président, c’est bien volontiers que je réponds au nom de Jean-Louis Borloo à M. Jean Besson, sénateur de ce très beau département qu’est la Drôme.
Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les enjeux globaux du plan national de développement des énergies renouvelables issu du Grenelle de l’Environnement.
L’objectif est de porter à 23 % au moins la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie à l’horizon 2020. Parmi les différentes mesures, il est prévu un changement d’échelle majeur sur le photovoltaïque, avec une production multipliée par 400.
Vous avez raison de citer l’exemple de l’Allemagne, pays que je connais bien et qui a fait beaucoup d’efforts dans le domaine des énergies alternatives. Toutefois, c’était dans un contexte d’abandon de l’énergie nucléaire. Je ne suis pas sûr que les Allemands n’aient pas, un jour, à regretter ce choix. En France, forts de notre importante production nucléaire, peut-être avons-nous davantage tardé à nous tourner vers les énergies renouvelables. Mais, aujourd’hui, nous passons la surmultipliée tout en gardant l’atout du nucléaire, atout que les Allemands, eux, ont perdu. À un moment donné, il y aura un différentiel. D’ailleurs, nous leur vendons déjà de l’électricité.
Mais j’en reviens à votre question.
Le développement du photovoltaïque s’accélère très fortement dans notre pays. À la fin de juin 2008, il y avait en France métropolitaine environ 18 mégawatts de capacités installées raccordées, contre seulement 6 mégawatts à la fin de 2006. La France se place ainsi au quatrième rang européen. De ce fait, plusieurs centaines de demandes sont adressées chaque semaine à l’administration et aux opérateurs en vue de l’exploitation de telles installations photovoltaïques, et cela dans toutes les régions, y compris celles qui sont moins ensoleillées que la vôtre, monsieur le sénateur.
Ce développement accéléré nécessite une adaptation des procédures existantes, notamment pour réduire le plus possible les délais, tout en vérifiant que la connexion au réseau électrique s’effectue dans des conditions satisfaisantes.
Dans le plan annoncé par le ministre d’État, il est donc prévu des mesures concrètes que vous connaissez, monsieur le sénateur.
La définition de la notion d’intégration au bâti sera simplifiée, avec des critères clairs et robustes d’application automatique pour augmenter la visibilité des porteurs de projets et accélérer l’instruction administrative des dossiers.
Afin de favoriser le développement du photovoltaïque sur l’ensemble des bâtiments professionnels – supermarchés, bâtiments industriels et agricoles de grande taille notamment –, un tarif spécifique de 0,45 euro le kilowattheure sera mis en place.
Depuis août 2008, la procédure de déclaration d’exploitation de panneaux solaires électriques est entièrement dématérialisée et peut s’effectuer sur le site Internet « AMPERE ».
Plusieurs autres mesures importantes de simplification administrative ont été décidées.
II fallait, jusqu’à présent, pas moins de cinq démarches administratives pour installer des panneaux photovoltaïques. Ce nombre sera réduit à deux pour les particuliers : une autorisation au titre du droit de l’urbanisme délivrée par la collectivité territoriale compétente et une démarche auprès du distributeur d’électricité.
Les certificats ouvrant droit à obligation d’achat seront prochainement supprimés pour les petites installations.
Nos services et les acteurs concernés, EDF, ERDF, notamment, étudient la possibilité de mettre en place à court terme un guichet unique rassemblant les procédures de raccordement au réseau et de conclusion du contrat d’achat de l’électricité.
Les particuliers équipés de panneaux photovoltaïques d’une capacité inférieure à 3 kilowatts crête, soit environ 30 mètres carrés de panneaux, seront désormais exonérés de toute démarche fiscale.
Enfin, nos services ont engagé une étude juridique et fiscale, afin d’identifier les mesures de nature à faciliter la conception par les professionnels d’offres dites « intégrées », combinant prestations de conseil, installation des équipements, financement et garantie.
Les dispositions pertinentes seront présentées sous forme d’amendements au projet de loi dit « Grenelle 2 ».
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse.
Toutes ces mesures vont permettre aux entreprises françaises de bénéficier de cette « croissance verte ».
Conséquences de la diminution des crédits affectés aux contrats aidés du secteur non marchand
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 233, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le devenir des contrats aidés du secteur non marchand, des contrats d’avenir ou CAV et des contrats d’accompagnement dans l’emploi ou CAE.
Depuis son entrée en fonctions, le Gouvernement a réduit le nombre de nouveaux contrats aidés du secteur non marchand. Depuis, il semble avoir remis les pieds sur terre en proposant une stabilisation du nombre de contrats aidés en 2009.
Mais aujourd’hui, sur le terrain, les entreprises et associations d’insertion, les établissements sociaux et médicosociaux, les municipalités et les écoles sont en attente de lisibilité sur le devenir des personnes qu’elles emploient en dispositifs aidés.
Dans mon département, ce sont aujourd’hui près de 2 500 personnes embauchées en CAE ou en CAV qui s’interrogent sur leur avenir.
II faut dire que nous sommes quelque peu échaudés par la période écoulée et par la chute brutale des aides à l’emploi opérée en 2008. Pour mon seul département, plus de 500 CAE ont été supprimés cette année, 30 % des emplois !
Pour ce qui me concerne, en tant que président du conseil général, j’ai dû titulariser 59 CAE interrompus dans les collèges en 2008, pour une dépense de plus de un million d’euros. Bel exemple de la fameuse décentralisation à l’euro près !
Dans les maisons de retraite, la cessation de l’aide de l’État pour 120 CAE a entraîné l’augmentation de 1,26 euro de plus par jour du tarif moyen des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Dans les structures d’insertion, la tendance fut aussi à la baisse et l’on s’inquiète désormais des nouvelles conditions de prescription des contrats aidés compte tenu de la baisse des crédits dédiés à l’insertion par l’activité économique prévue dans la loi de finances pour 2009.
Quand l’État se désengage, tout le monde en fait les frais. Nous aimerions donc que le virage annoncé en 2009 ne tourne pas au mirage.
À la suite de la déclaration du Président de la République en faveur de l’augmentation du nombre de contrats aidés, le 28 octobre 2008, nous souhaiterions connaître la déclinaison départementale des mesures que vous envisagez de mettre en œuvre pour permettre le maintien du nombre de contrats aidés en poste actuellement et le retour à un niveau suffisant d’intervention de l’État.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur Cazeau, je suis heureux de vous répondre, au nom de Mme Lagarde, que je vous demande de bien vouloir excuser.
En cette période difficile, nous avons encore plus besoin des contrats aidés du secteur non marchand, qui sont des outils essentiels des politiques de retour à l’emploi des publics les plus en difficulté.
Au cours de l’année 2008, le Gouvernement a considérablement renforcé les moyens qui y sont affectés en créant la possibilité de conclure 60 000 contrats de plus que l’enveloppe de 230 000 contrats déjà prévue dans la loi de finances initiale.
Dans le département de la Dordogne, plus de 2 500 contrats aidés du secteur non marchand ont déjà été conclus, soit quasiment autant qu’en 2007.
Pour l’année 2009, dans le cadre des mesures de relance pour l’emploi annoncées par le Président de la République, le nombre de contrats qui pourront être conclus est porté à 330 000.
Au-delà du nombre de ces contrats, le Gouvernement entend renforcer l’efficacité des mesures qui s’y attachent, pour favoriser le retour à l’emploi des publics les plus en difficulté.
Nous allons augmenter le volume des contrats aidés, mais pas de n’importe quelle manière. Nous allons également améliorer l’accompagnement de ces emplois et préparer l’accès à l’entreprise pendant la durée du contrat.
L’offre de service de Pôle emploi sera mobilisée plus efficacement qu’aujourd’hui, le salarié ayant la possibilité de garder contact avec son référent du service de l’emploi.
Les dispositions récemment adoptées par le Parlement et permettant aux salariés en contrats aidés de réaliser des périodes de travail en entreprise ou de bénéficier de formations seront mises en œuvre.
Un travail sera engagé avec chaque secteur professionnel recrutant des contrats aidés, notamment le secteur médico-social, afin que les modalités de ces contrats soient mieux adaptées à l’insertion durable dans l’emploi des salariés concernés.
Mme Lagarde m’a donc chargé de vous dire, monsieur le sénateur, que le Gouvernement n’a pas l’intention de diminuer le soutien aux contrats aidés. Bien au contraire, il souhaite en renforcer le volume et l’efficacité pour que, loin d’être une voie de garage – je retrouve par ce biais la politique des transports ! –, les contrats aidés soient l’occasion d’un nouveau départ pour les personnes qui en bénéficient.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de la réponse que vous venez de me faire au nom de Mme Lagarde. Je prends bonne note de la volonté du Gouvernement de maintenir un tel dispositif. D’ailleurs, vous-même, en tant que président de conseil général, devez souvent en apprécier l’intérêt ! Au demeurant, je souhaite que le Gouvernement cesse de jouer au yoyo pour ce qui concerne ces contrats, tantôt en les supprimant, tantôt en les diminuant ou en les augmentant.
Dans la période actuelle, il importe que le nombre de ces contrats soit augmenté, afin de pouvoir insérer dans l’emploi le maximum de personnes. Nous partageons tous, me semble-t-il, un tel objectif.
conséquences de la fusion des dde-ddaf
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 311, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
M. Bernard Fournier. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur les conséquences de la fusion des directions départementales de l’équipement, les DDE, et des directions départementales de l’agriculture et de la forêt, les DDAF, et plus particulièrement sur l’éventuelle suppression de leur mission d’ingénierie d’appui territorial.
En effet, ces directions assurent, dans chaque département et de longue date, des missions d’appui technique aux collectivités territoriales et à leurs groupements dans les domaines de l’assainissement, des déchets et de l’eau. Ces activités d’ingénierie, comme la maîtrise d’œuvre, sont des aides précieuses, d’un coût raisonnable, pour nos petites communes. Il s’agit d’un outil indispensable en matière d’expertise et de contrôle. En outre, elles apportent à l’État et aux collectivités les meilleures garanties quant à la conformité finale à la politique publique suivie.
À l’origine, la fusion des DDE et des DDAF devait permettre de donner plus de cohérence à la politique publique du développement durable et d’aménagement du territoire, sans pour autant remettre en cause les missions de ces directions.
Nonobstant, le second Conseil de modernisation des politiques publiques, le CMPP, lors de ses débats du 4 avril 2008, a adopté une nouvelle série de mesures qui dessinent des orientations contraires. Ainsi, sur la liste des décisions du CMPP, confirmées par la circulaire du 10 avril 2008, figure la suppression progressive de l’activité d’ingénierie concurrentielle. Or la maîtrise d’œuvre est l’activité la plus à même de concurrencer l’offre privée.
Les élus ligériens, notamment des petites communes rurales, sont très inquiets de ce recentrage des activités d’ingénierie publique. La perte de la maîtrise d’œuvre risque d’avoir pour conséquence une augmentation importante des dépenses à la charge des collectivités territoriales.
En effet, les cabinets privés pratiquent généralement, à prestation égale, des prix plus élevés et, dans certaines zones rurales, l’offre privée est véritablement insuffisante pour garantir l’application de tarifs concurrentiels et attractifs. Les activités d’ingénierie des DDE et des DDAF, comme la maîtrise d’œuvre, répondent aux besoins des collectivités territoriales, sans que celles-ci aient à engager des dépenses excessives.
Monsieur le secrétaire d’État, j’insiste sur ce point : une fois cette décision mise en œuvre, des milliers de communes se retrouveront sans aucun appui technique public, hormis l’assistance technique fournie par les services de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, l’ATESAT.
En conséquence, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir me préciser les intentions du Gouvernement en la matière.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur Fournier, je souhaite tout d’abord vous exprimer mes regrets de n’avoir pu assister samedi dernier à l’inauguration du Grand Pont sur la Loire. Je suis heureux aujourd’hui de vous répondre, au nom de Jean-Louis Borloo, sur la mise en œuvre de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, qui se traduit notamment par la fusion des DDE et des DDAF.
Il s’agit d’une affaire ancienne, puisque j’avais commencé à mettre en œuvre cette fusion à titre expérimental lorsque j’étais ministre de l’agriculture.
Vous l’avez rappelé, le CMPP a conclu à la suppression progressive de l’ingénierie concurrentielle pour les missions d’appui technique aux collectivités territoriales. Comprenant parfaitement vos craintes en ce domaine, je souhaite vous préciser les modalités d’une telle réforme.
Comme vous l’indiquez vous-même, la fusion de la DDE et de la DDAF, après la partition du réseau routier national, qui a eu pour résultat de transférer aux conseils généraux une partie des missions dévolues aux DDE, a pour objet de favoriser les synergies entre ces deux services déconcentrés techniques de l’échelon départemental, afin de renforcer l’État dans l’exercice de ses missions, notamment dans le cadre du développement durable et de l’aménagement du territoire.
S’agissant de la suppression progressive de l’ingénierie publique concurrentielle décidée par le Conseil de modernisation des politiques publiques, il convient tout d’abord de rappeler que les prestations de solidarité réalisées au bénéfice des petites communes et intercommunalités dans le cadre de l’assistance technique des services de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement des territoires continueront à être assurées. Cela me semble de nature à rassurer les élus des communes rurales, notamment des plus petites d’entre elles, qui pourront ainsi continuer à bénéficier de l’aide technique de l’État. Celle-ci sera certainement encore plus efficace, grâce aux compétences nouvelles à leur disposition, du fait de la fusion des deux services déconcentrés.
Le retrait progressif de l’État du champ de l’ingénierie concurrentielle ne doit pas engendrer, comme vous le craignez, une augmentation du coût de ces prestations pour les communes, puisque l’ingénierie concurrentielle était pratiquée selon les règles de la libre concurrence.
À l’ingénierie concurrentielle se substituera dès 2009 une ingénierie ciblée sur les domaines nouveaux ou en croissance dans le champ du développement durable – prévention des risques, expertise sur l’énergie et biodiversité –, notamment pour mettre en œuvre les engagements pris à l’issue du Grenelle de l’environnement. L’affectation d’effectifs à cette nouvelle ingénierie résultera d’un redéploiement des personnels qui exerçaient leur tâche dans le champ de l’ingénierie concurrentielle. Les petites communes bénéficieront de cette expertise nouvelle de l’État, là où le secteur privé n’est pas, actuellement, suffisamment présent pour proposer des prestations de conseil.
Concernant la phase transitoire, M. Jean-Louis Borloo me demande de vous préciser que les services du MEEDDAT attacheront la plus grande importance à achever dans les meilleures conditions possibles les prestations déjà engagées. Par ailleurs, ils apporteront aux communes une expertise et une assistance technique, pour les aider à créer les meilleures conditions d’une intervention des acteurs privés dans les domaines concernés par le redéploiement de l’ingénierie.
Dans chaque département, nous avons demandé aux préfets d’animer un groupe de travail permanent associant les représentants des élus locaux, pour examiner les conditions de mise en œuvre de ces dispositions.
Il s’agit donc, monsieur Fournier, d’une évolution ouvrant de nouvelles possibilités et comportant une phase de transition. Il faut gérer tout cela ensemble, au mieux des intérêts de nos communes, notamment des plus petites d’entre elles.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le secrétaire d’État, je ne vous le cache pas, je suis un peu déçu par la deuxième partie de votre réponse.
Certes, en évoquant le maintien, voire le développement, de l’aide technique de l’État en direction des collectivités, notamment des plus petites, vous m’avez rassuré.
Pour ce qui est de l’ingénierie concurrentielle, je vous réitère mes craintes. En effet, cette réforme entraînera une augmentation des coûts pour nos petites communes, notamment de montagne, qui auront des difficultés à trouver des cabinets compétents en la matière. Je pense également aux obstacles qu’elles rencontreront pour vérifier le respect des normes lors de la réalisation des travaux.
instauration d'une évaluation médicale de l'aptitude à la conduite
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 333, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la prochaine réforme du permis de conduire.
En effet, en 2003, le gouvernement de l’époque avait renoncé à une partie de son plan de lutte contre l’insécurité routière en supprimant l’instauration d’une évaluation médicale de l’aptitude à la conduite.
Ce plan de lutte contre l’insécurité routière prévoyait l’insertion d’un module d’évaluation de l’aptitude à conduire dans les visites médicales déjà existantes menées tout au long de la vie dite active et l’instauration, au-delà de soixante-quinze ans, d’un examen d’aptitude médicale à conduire, effectué tous les deux ans par un médecin de ville, avec possibilité d’appel devant la commission médicale du permis de conduire.
En cas de déficience physique n’entraînant toutefois pas l’inaptitude totale à la conduite automobile, l’encadrement des déplacements dans le temps, en les limitant par exemple à la conduite de jour, ou dans l’espace, en interdisant notamment la conduite sur autoroute, aurait alors pu être imposé au conducteur.
Considérant que l’inaptitude médicale dépend davantage de l’état de santé du conducteur que de son âge, je m’interroge sur le bien-fondé et l’intérêt de reprendre les propositions écartées en 2003. Elles seraient, en effet, de nature à sécuriser les routes sans stigmatiser telle ou telle catégorie de conducteurs.
La réforme actuellement engagée devant aboutir à un permis « moins cher, plus sûr, plus rapide et plus écolo », comme vous l’avez indiqué vous-même, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser si vous entendez y insérer une forme d’évaluation médicale de l’aptitude à la conduite tout au long de la vie du conducteur ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous préparons, c’est vrai, une réforme du permis de conduire.
En effet, le permis de conduire actuel est considéré comme onéreux par les familles, en particulier lorsque les enfants d’une même fratrie le passent en même temps. C’est la durée de la formation, due à la lourdeur du système, qui est en cause, et non les auto-écoles.
Nous souhaitons donc un permis de conduire moins cher, que l’on puisse passer plus rapidement, ces deux caractéristiques étant intimement liées.
Il faut également mieux enseigner la sécurité routière, puisque les jeunes sont les principales victimes sur nos routes.
Au moment où la conférence de Poznań vient de s’achever, il convient également de tenir compte de l’évolution du monde : nous devons apprendre à conduire de manière moins rude et plus écologique, avec des véhicules qui seront certainement très différents de ceux que nous connaissons aujourd’hui.
Quel est le calendrier ? Ce nouveau permis de conduire a été commandé par le Premier ministre et par le Président de la République en décembre 2007. Au printemps 2008 et cet automne, une concertation, menée en particulier sous l’égide de Mme la déléguée interministérielle à la sécurité routière, Michèle Merli, a associé tous les acteurs du secteur. Nous allons maintenant réunir rapidement, autour du Premier ministre, un Comité interministériel de sécurité routière. Je pense que les nouvelles mesures seront annoncées, soit dans les jours qui précèdent les fêtes de fin d’année, soit à la rentrée de janvier.
J’en viens à la question, fort complexe, de l’évaluation médicale des conducteurs. En la matière, j’aimerais, sous réserve des arbitrages qui seront rendus par le Premier ministre, que les conducteurs puissent s’auto-évaluer. En effet, lorsqu’on obtient le permis de conduire à l’âge de vingt ans – ce fut mon cas ! –, il se peut, quelques années plus tard, que de mauvais réflexes aient été pris. D’où l’intérêt de mettre en place des dispositifs d’évaluation, lesquels doivent être simples et accessibles, en particulier dans le domaine de la santé.
Comme vous l’avez vous-même signalé, monsieur le sénateur, l’inaptitude médicale dépend davantage de l’état de santé du conducteur et de la qualité de ses réflexes que de son âge.
Je pense aussi qu’il ne faut pas stigmatiser, comme on le fait trop souvent, les personnes âgées. Les statistiques d’accidents des compagnies d’assurance montrent en effet que les personnes âgées sont deux fois moins exposées au risque d’accident que les autres catégories de conducteurs, l’âge étant en quelque sorte compensé par une prudence accrue.
Évidemment, lorsqu’une personne très âgée prend à contresens une bretelle d’autoroute, cela donne lieu immédiatement à une campagne de presse. Mais quand la même infraction est commise par un automobiliste plus jeune et, hélas ! ivre, on en parle beaucoup moins.
Nous n’avons pas encore pris de décisions définitives dans ce domaine. Nous pourrions réfléchir à un examen qui serait demandé par la compagnie d’assurance, ou qui serait obligatoire en cas d’accident.
En tout état de cause, sachez, monsieur Détraigne, que nous ne ferons preuve d’aucun systématisme. Nous essaierons de ne stigmatiser aucune catégorie de conducteurs, ni les plus jeunes, ni les plus âgés. Nous souhaitons mettre en œuvre un système d’évaluation juste et efficace, qui pourrait être fondé sur le volontariat ou sur certains événements de la vie, et qui permettrait à chaque conducteur de s’auto-évaluer périodiquement.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, qui me convient parfaitement. Ni vous ni moi ne souhaitons stigmatiser telle ou telle catégorie de la population. Mais, comme vous l’avez souligné, nos concitoyens passent souvent leur permis à vingt ans et conduisent ensuite de nombreuses années. Il serait donc sage de vérifier de temps en temps qu’ils ont conservé leurs réflexes et maîtrisent parfaitement la conduite de leur véhicule.
desserte ferroviaire de l'aveyron
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 325, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
Mme Anne-Marie Escoffier. Il s’agit d’une question relative aux transports ferroviaires. Le département de l’Aveyron, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État, a conservé l’authenticité de ses paysages, notamment en raison de l’isolement dans lequel il est demeuré depuis le XIXe siècle. Mais ce qui est une bonne chose aujourd’hui du point de vue du tourisme l’est moins, bien entendu, lorsqu’il s’agit de la commodité des transports collectifs, en particulier pour ce qui concerne le secteur ferroviaire.
Le problème en Aveyron est d’autant plus aigu que nos lignes ont la réputation, sans doute à tort, d’être peu rentables ou de ne pas être rentables.
Depuis 2006, en effet, la liaison directe Rodez-Paris a été supprimée. C’est un fait désormais acquis, malgré les multiples protestations des élus locaux et les nombreuses manifestations que cette suppression avait occasionnées à l’époque.
Les voyageurs qui, malgré tout, tentent, encore aujourd’hui, de prendre le train se lancent dans une véritable « aventure » ferroviaire qui nécessite de huit à dix heures, selon les cas, pour rejoindre la capitale. Les voyages de nuit sont, eux aussi, très problématiques et d’une durée équivalente. J’ajoute, monsieur le secrétaire d’État, que les aléas de ces voyages sont parfois insupportables quand, au dernier moment, l’on apprend que le train est simplement supprimé ou que l’on reste en gare de Brive pendant une nuit en attendant le train du lendemain matin en provenance de Toulouse.
Il faut souligner les efforts considérables accomplis par le conseil régional Midi-Pyrénées, auquel je veux rendre hommage, qui consacre, dans un plan global de plus de 820 millions d’euros, 500 millions d’euros pour améliorer les dessertes, sans lesquelles aucune de ces liaisons ne serait possible. Ce faisant, le conseil régional assure une véritable mission de service public.
À l’instar de mon collègue François Fortassin, je voudrais souligner les efforts particuliers réalisés par les régions, qui ont investi massivement dans les matériels roulants et qui, en raison du mauvais état des voies, n’en tirent pas tout le bénéfice.
Bien entendu, je suis parfaitement consciente de la difficulté que représentent, pour une entreprise comme la SNCF, le coût et l’entretien de lignes jugées peu « rentables ». Mais a-t-on véritablement exploré toutes les pistes ? Je n’en suis pas certaine. Quoi qu’il en soit, il convient d’attendre la fin des réflexions – je pense notamment à la mission confiée au préfet Jean-François Carenco, qui a préconisé, non sans sagesse, de maintenir le statu quo pour les dessertes grandes lignes Paris-Limoges-Toulouse, ou PALITO.
Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais, dès lors, vous poser trois questions. Qu’en est-il, tout d’abord, de l’avenir du train de nuit Rodez-Paris, menacé de suppression ? Comment, ensuite, s’assurer de la vraie régularité des trains entre Rodez et Brive, sans avoir à supporter des aléas parfois bien lourds ? Qu’en est-il, enfin, des conclusions de l’étude intermodale sur l’avenir du transport ferroviaire dans le département de l’Aveyron ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Madame le sénateur, vous connaissez bien cette problématique de la desserte de l’Aveyron, puisque vous avez eu l’occasion, en d’autres temps et dans d’autres fonctions, de la gérer, avant de rejoindre la Haute Assemblée.
Le problème n’est pas simple. La desserte aéronautique est délicate, en raison des capacités de la piste de l’aéroport de Rodez. La RN 88 est un sujet difficile, que nous essayons de traiter, mais qui a fait l’objet de beaucoup de polémiques locales – ce n’est pas à vous, madame le sénateur, que je l’apprendrai – et qui a été l’un des enjeux d’un certain nombre de scrutins récents.
S’agissant du problème ferroviaire de l’Aveyron, je voudrais, ainsi que vous l’avez fait, rappeler que votre région fait un gros effort. J’ai d’ailleurs souvent eu l’occasion de le dire, en dehors de toute polémique politicienne, au président Martin Malvy. Elle fait un effort sur les matériels, comme d’autres régions, mais s’est aussi lancée dans un plan d’investissements dans les infrastructures, avec la participation de l’État et de Réseau ferré de France, RFF. Des efforts étaient effectivement nécessaires pour améliorer la desserte de l’étoile de Toulouse, notamment vers Pamiers.
D’autres régions sont également en train de renouveler les matériels, de travailler sur les dessertes et de participer à la rénovation des infrastructures : je pense à l’Auvergne, à l’Alsace ou à la région Centre.
Les perspectives de desserte de l’Aveyron sont de deux ordres.
La première est liée, bien sûr, à la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux et Bordeaux-Toulouse. Nous travaillons actuellement sur la mise au point du financement de cette nouvelle ligne avec MM. les présidents Alain Rousset et Martin Malvy ainsi qu’avec l’ensemble des élus concernés par les liaisons entre Tours et Bordeaux, Bordeaux et Toulouse, Bordeaux et l’Espagne, Poitiers et Limoges. L’idée est de commencer le plus tôt possible les travaux sur l’axe central Tours-Bordeaux, qui, avec un total de 306 kilomètres, constituera le plus grand chantier mené en France et en Europe dans les prochaines années.
Il est urgent de réaliser la ligne Bordeaux-Toulouse puisque, comme vous le savez, la desserte de l’aéroport de Toulouse-Blagnac pose problème. En effet, en raison de sa complète insertion dans l’agglomération toulousaine, cet aéroport ne peut pas se développer davantage. De plus, il supporte tout le trafic lié à l’entreprise Airbus.
Via Toulouse, on pourra déjà réduire, d’au moins une heure, la desserte de l’Aveyron. Je souligne que le président Martin Malvy nous aide en participant, d’ores et déjà, au financement du tronçon central Tours-Bordeaux.
Nous avons également un deuxième projet dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Il s’agit d’une ligne nouvelle qui partirait de Paris, vraisemblablement de la gare d’Austerlitz, et se dirigerait vers Clermont-Ferrand, en faisant un crochet par le Berry. Ce projet constituerait, à terme, un axe alternatif à la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, qui arrive parfois à saturation. Il nous permettrait d’offrir une desserte des régions Centre et Limousin – en complément de la ligne Poitiers-Limoges – et d’améliorer, par un tronçon commun, la desserte de villes situées au sud de Limoges, notamment Brive ou Rodez.
L’Aveyron bénéficierait également de ce nouveau tronçon, qui permettrait de gagner beaucoup de temps sur le trajet Paris-Brive, ce qui serait précieux lorsque vous devez, ensuite, emprunter la ligne Rodez-Brive que vous évoquiez tout à l’heure, madame le sénateur.
Telles sont les deux pistes sur lesquelles nous travaillons. La première est déjà en cours de réalisation puisque nous sommes en train de bâtir le financement et que les travaux seront, je l’espère, lancés dès 2011 sur la portion Tours-Bordeaux, avant de se poursuivre entre Bordeaux et Toulouse.
Quant à la nouvelle ligne à destination de Clermont-Ferrand, le préfet de la région Auvergne, Dominique Schmitt, prépare un certain nombre d’hypothèses de tracés. Cette ligne permettra de gagner, au minimum, de une heure à une heure trente sur le trajet Paris-Brive actuel et participera, de ce fait, au désenclavement de l’Aveyron.
Cela n’empêche pas de réaliser un effort sur les lignes de votre région, madame le sénateur. Je sais d’ailleurs que certaines d’entre elles sont actuellement interrompues par la neige et que des travaux de déneigement sont en cours aujourd’hui même sur l’ensemble du réseau ferroviaire de l’Aveyron.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. J’apprécie, monsieur le secrétaire d’État, votre connaissance du département de l’Aveyron, avec ses contraintes et ses difficultés.
J’ai bien entendu votre réponse. J’espère effectivement que les deux grandes voies qui se dessinent amélioreront le trafic. Il n’en demeure pas moins que les transversales restent, et resteront, me semble-t-il, très fragiles.
arrêt des travaux d'aménagement routier sur la rn 164
M. le président. La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 344, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. François Marc. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaitais vous interroger sur l’arrêt des travaux d’aménagement routier de la RN 164. Cette route traverse le centre de la Bretagne d’ouest en est, entre Châteaulin et Montauban-de-Bretagne. La situation périphérique de la Bretagne, et singulièrement celle du Finistère, justifie qu’une attention particulière soit portée par l’État à son désenclavement.
L’amélioration de la desserte ferroviaire s’intègre certes dans le cadre de cette préoccupation. Toutefois, certains territoires ne recevront pas l’impact positif significatif de cette modernisation ferroviaire. C’est ainsi que le centre-Bretagne, dépourvu d’axe ferroviaire, restera irrigué par la seule RN 164. L’État a d’ailleurs confirmé l’intérêt de cet itinéraire, et la modernisation de la RN 164 constitue une priorité régionale.
Mais cette route nationale 164 sera-t-elle totalement aménagée en 2012, comme cela avait été maintes fois promis ? Rien n’est moins sûr, les travaux débutés voilà vingt-huit ans, en 1980, et relancés en 1997, pour 1,3 milliard d’euros, étant loin d’être achevés.
En Bretagne, nombreux sont ceux qui s’intéressent aujourd’hui aux raisons de l’arrêt du chantier, dont la réalisation est pourtant inscrite au contrat de plan État-région 2000-2006. Il faut rappeler que les collectivités territoriales bretonnes ont décidé, dans le cadre de la décentralisation et de la mise en œuvre d’un plan de modernisation des itinéraires, d’accompagner l’État, avec des moyens financiers très importants. Ainsi, la moitié des 243 millions d’euros serait financée par les collectivités – 37,5 % par la région et 12,5 % par les départements.
Les retards constatés à ce jour portent sur un total de soixante kilomètres. Dans le Finistère, il reste aujourd’hui onze kilomètres à réaliser pour 34 millions d’euros, dont l’achèvement de la déviation de la Garenne-TyBlaise et la section de Châteauneuf-du-Faou entre TyBlaise et Landeleau. Face à un engagement relativement déterminé des collectivités territoriales – la région a indiqué qu’elle pouvait ajouter de nouveau 22 millions d’euros –, la question se pose de l’engagement de l’État dans la poursuite de ces travaux. La situation est jugée alarmante par bien des acteurs de ces territoires.
Ces tronçons inachevés sont d’ailleurs particulièrement dangereux, de nombreux accidents y ayant été signalés ces derniers mois.
Monsieur le secrétaire d'État, dans le cadre du plan de relance qui vient d’être annoncé, l’État a décidé le déblocage de crédits en faveur de grands chantiers routiers. La route nationale 164 en bénéficiera-t-elle ? En outre, je rappelle ce que déclarait M. Sarkozy, le 6 octobre 2006, lors d’un déplacement dans le Finistère, à propos de la route nationale 164 : « C’est une priorité. Il faut arrêter de laisser ces chantiers traîner pendant des années. Les soixante kilomètres restant à réaliser doivent être achevés une fois pour toutes. »
Monsieur le secrétaire d'État, cette promesse du Président de la République sera-t-elle tenue à très brève échéance ? Ce chantier, engagé voilà vingt-huit ans, sera-t-il enfin achevé dans les délais les plus brefs ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, il ne vous aura pas échappé que, en 2006, M. Sarkozy n’avait pas encore été élu Président de la République ! Cela étant, je ne peux que me réjouir que vous le citiez. (Sourires.)
M. François Marc. Les promesses sont faites pour être tenues !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je ne vous répéterai pas ce qu’avait dit un jour votre collègue Charles Pasqua en réponse à cette affirmation ! (Nouveaux sourires.)
La route nationale 164, qui dessert la Bretagne centrale, a fait l’objet d’attentions considérables de la part de l’État et de l’ensemble de ses partenaires. Ces efforts ont déjà permis d’aménager à deux fois deux voies environ 70 kilomètres, sur une longueur totale de 160 kilomètres. Je conviens que la portion restante demeure non négligeable.
Lorsque seront achevées l’ensemble des opérations en cours de travaux, financées dans le cadre de l’ancien contrat de plan État-région – désormais remplacé par le contrat de projet –, près de 100 kilomètres de route à deux fois deux voies auront été réalisés.
Monsieur le sénateur, vous évoquez l’interruption des travaux de mise à deux fois deux voies de la route nationale 164 sur la section Pleyben–La Garenne, d’une longueur de 2,3 kilomètres.
La technique initialement envisagée consistait, d’une part, à créer une nouvelle chaussée et, d’autre part, à réaliser une nouvelle couche de roulement sur la route existante. Toutefois, les sondages réalisés ont montré qu’il était nécessaire de renforcer la route actuelle, un simple changement de la couche de roulement n’étant pas suffisant.
Une telle modification de nature bouleversant l’économie du marché déjà conclu, ces travaux ne pourront donc pas être réalisés dans le cadre de celui-ci. Par conséquent, un nouveau marché devra être passé, ce qui conduira à une reprise des travaux au printemps de l’année 2009.
Au-delà de cette section, indépendamment du plan de relance, la poursuite des travaux d’aménagement de la route nationale 164 doit s’inscrire dans le cadre des futurs programmes de modernisation des itinéraires, les PDMI. Les préfets de région devaient faire parvenir, avant le 15 décembre, à Jean-Louis Borloo et à moi-même, une liste hiérarchisée d’opérations qui pourront être intégralement réalisées au cours de la période 2009–2013.
La liste des opérations prioritairement retenues sera transmise aux préfets au début de l’année prochaine afin qu’ils engagent les négociations appropriées avec les collectivités territoriales. Bien évidemment, les parlementaires seront tenus informés.
La modernisation de la route nationale 164 entre Montauban-de-Bretagne et Châteaulin figure parmi les priorités du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ainsi que l’a annoncé le Président de la République, les PDMI bénéficieront de crédits supplémentaires.
Monsieur le sénateur, je m’engage à traiter ce sujet en priorité et à vous informer personnellement de tout ce que nous pourrons réaliser au cours de la période 2009–2013.
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre engagement à réaliser en 2009 ce tronçon très dangereux situé dans le secteur de Pleyben. C’est fort appréciable.
En outre, j’ai bien noté que des moyens supplémentaires seront consacrés pour l’achèvement, dans les quatre ans, de la mise à deux fois deux voies de la route nationale 164. Pour autant, je tiens à préciser que ce chantier subit aujourd’hui des contraintes nouvelles, auxquelles vous avez d’ailleurs fait allusion, monsieur le secrétaire d'État. Ainsi, des études techniques complémentaires se révèlent nécessaires et des règlements nouveaux liés à la sécurité ou aux questions d’environnement se font jour au fur et à mesure de l’avancement du chantier.
C’est pourquoi, plus tôt celui-ci sera complètement achevé, moins il subira de contraintes supplémentaires susceptibles d’en enchérir le coût et de peser tant sur le budget de l’État que sur celui des collectivités. Permettez-moi d’insister très fortement sur ce dernier point, monsieur le secrétaire d'État.
expérimentation du stationnement autorisé sur les places de livraison à paris
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 338, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on recense aujourd’hui dans la capitale plus de 9 000 places de stationnement réservées pour les livraisons, soit près de 5 % des emplacements disponibles. Le stationnement sur ces zones délimitées est actuellement passible d’une amende de 35 euros et d’un enlèvement du véhicule.
Sous l’impulsion conjointe de la Ville de Paris et de la préfecture de police, un système expérimental est actuellement à l’étude pour autoriser le stationnement résidentiel sur les places de livraison aux heures creuses, lorsque les professionnels en ont le moins besoin, la nuit entre vingt heures et huit heures, les week-ends et les jours fériés.
L’expérimentation du dispositif doit être menée à partir de janvier 2009, pour une durée de six mois, dans deux arrondissements tests : l’intégralité du IIIe arrondissement et le secteur dit « des Batignolles », qui correspond à environ 25 % du XVIIe arrondissement.
Si l’amélioration des conditions de stationnement des Parisiens doit évidemment être recherchée et facilitée, elle ne saurait être atteinte de manière partielle ou même inégalitaire entre les usagers des différents quartiers de la capitale.
L’application de régimes de stationnement variables d’une rue à l’autre, parfois au sein d’un même arrondissement, soulève un problème pour l’usager car elle porte atteinte au principe d’égalité devant le service public consacré par la jurisprudence commune au Conseil d’État et au Conseil constitutionnel, principe qui s’impose à l’ensemble des actes administratifs.
Ce principe interdit à l’administration de traiter de manière différente des individus placés dans des situations identiques. La mise en place de discriminations, même temporaires, et portant sur un objet limité tel que le stationnement sur des emplacements réservés, fondée sur le seul caractère de la résidence dans une rue, un quartier ou un arrondissement déterminé d’une même ville, pourrait dès lors être contestée devant la juridiction administrative ou même engager la responsabilité de l’État et du maire de Paris.
Enfin, pour ne pas dénaturer la fonction première de ces emplacements réservés et, surtout, afin de ne pas entraver le travail des professionnels, le dispositif prévoit de maintenir des facilités de stationnement dédié aux livraisons, en particulier pour les gros camions ne pouvant décharger leurs cargaisons que de nuit.
Là encore, la détermination des zones qu’il convient ou non de maintenir pour un usage professionnel peut sembler de nature à créer une rupture d’égalité devant les charges publiques entre les commerçants des différents secteurs.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer les modalités techniques et juridiques envisagées par la préfecture de police pour mener cette expérimentation globale et favoriser sa réussite, en liaison avec les mairies d’arrondissement concernées ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Madame le sénateur, vous interrogez le ministère de l’intérieur sur l’éventualité d’une expérimentation du stationnement autorisé à Paris.
Comme vous le savez, les aires de livraison sont destinées à faciliter l’arrêt de tout véhicule effectuant la prise en charge ou l’enlèvement de marchandises.
Elles sont utilisables tant par les professionnels que par les particuliers dans des conditions définies par le code de la route.
La réglementation nationale à laquelle elles sont soumises s’applique y compris la nuit et le week-end, ce qui, je le conçois, peut surprendre.
La réservation d’emplacements de livraison doit permettre de préserver la fluidité de la circulation et de disposer d’un réseau de commerces de proximité tout en assurant aux habitants la possibilité d’effectuer leurs opérations de manutention privative.
Devant les difficultés rencontrées, une démarche a été engagée par la mairie de Paris en concertation étroite avec la préfecture de police en vue de recenser les zones de livraison pour les adapter aux secteurs concentrant une activité importante.
L’objectif est de ramener progressivement le nombre de places de livraison de 10 000 à 8 000, les emplacements supprimés pouvant être transformés en places de stationnement payant.
Par ailleurs, les besoins de stationnement sur des emplacements réservés ne présentent pas la même intensité la nuit ou le dimanche.
Le Conseil de Paris a ainsi proposé au préfet de police, qui l’a accepté, que soit conduite dans deux arrondissements, un secteur du XVIIe et la totalité du IIIe, une expérimentation sur six mois visant à autoriser le stationnement nocturne sur les emplacements de livraison, à l’instar de ce qui se fait dans de grandes métropoles étrangères, Barcelone par exemple.
Dans le cadre de cette expérimentation, nous serons particulièrement attentifs au strict respect du principe d’égalité de tous les usagers de la voie publique : le stationnement sera donc autorisé à tout usager et non aux seuls résidents.
J’ajoute, pour apaiser vos craintes, que la limitation de cette démarche temporaire à un périmètre défini ne saurait constituer par essence une discrimination contraire au principe d’égalité entre les usagers, sauf à contester la possibilité même de toute expérimentation dans le domaine du stationnement sur les emplacements de livraison.
Je vous précise, enfin, que le préfet de police a clairement indiqué à l’autorité municipale que si cette opération se révélait concluante, seul un aménagement de la réglementation nationale permettrait de généraliser ce dispositif à l’ensemble de la capitale.
Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d’État.
En tant qu’élue du XVIIe arrondissement de Paris, je suis très attachée au bon déroulement de l’expérimentation qui va être menée et à la réussite de ce projet. Je regrette toutefois que l’ensemble de cet arrondissement n’ait pas été retenu pour conduire cette expérimentation.
Je reste attentive à la mise en œuvre du dispositif tel qu’il a été défini par la Ville de Paris et j’ai pris note de vos observations quant au respect du principe d’égalité des citoyens.
Je soutiendrai cette expérimentation. Je resterai vigilante à ses résultats, en espérant qu’ils permettront une réelle avancée pour les Parisiens qui, comme les Marseillais – qui ont connu une telle expérimentation –, sont très attentifs aux difficultés de stationnement.
banalisation de l'utilisation du taser x26
M. le président. La parole est à Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 339, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis têtue, monsieur le secrétaire d’État. J’ai en effet déjà interrogé Mme Alliot-Marie sur le Taser mais, au-delà des péripéties médiatiques, je reste très inquiète.
Aujourd’hui, non seulement les policiers et les gendarmes, mais aussi les 17 000 policiers municipaux sont autorisés à utiliser le Taser X26.
J’ai lu les documents officiels. Une longue note d’instruction du Taser X26 de mai 2008, à destination des forces de l’ordre, précise notamment qu’« en cas de pointage du laser, la tête ne doit pas être visée », que « l’état psychologique de la personne touchée et, pour certaines, la tolérance physiologique peuvent limiter l’efficacité du pistolet » et que « ces données doivent préventivement être prises en compte par les utilisateurs, formés à ces mises en situations ».
Cette note d’instruction précise par ailleurs que les « personnes aux vêtements imprégnés de liquides ou de vapeurs inflammables » – comment le savoir ? – «, femmes enceintes [...] malades cardiaques » présentent une « vulnérabilité particulière » au Taser.
Toujours selon cette note, le Taser peut entraîner une « chute violente au sol, pouvant provoquer des blessures graves – tête percutant le sol [...]. La contraction des muscles peut déclencher un tir involontaire si l’individu est porteur d’une arme. » Les forces de l’ordre devront prendre en considération les « conséquences possibles sur d’autres personnes se trouvant à proximité immédiate, notamment en cas de foule ou de présence d’enfants ».
En 2008, une « fiche d’utilisation du Taser », éditée par la police nationale, range ce pistolet dans les armes à « létalité réduite » : réduite certes, mais réelle !
J’ajoute que dans une note de service en date du 8 février 2007, le directeur central de la sécurité publique de l’époque s’inquiète « des dysfonctionnements des pistolets à impulsion électrique Taser 1 », et que le 18 décembre 2007, le directeur central de la sécurité publique constate cette fois que « le nombre de fiches d’utilisation perçues par le bureau d’appui logistique et budgétaire, le BALB, est très inférieur au nombre d’usages réels du pistolet à impulsions électriques par les services de la sécurité publique ».
Par ailleurs, le 11 avril 2008 le directeur de l’administration de la police nationale note que circulent des armes non marquées et non traçables dans les services de police.
L’ensemble de ces éléments renforcent ma conviction que le décret du 22 septembre 2008 doit être abrogé, qu’un moratoire sur l’utilisation du Taser X26 doit être prononcé ou que l’on décide pour le moins, comme je l’ai déjà demandé, une limitation du port de ces armes aux unités d’élite de la police et de la gendarmerie, à l’exclusion des agents de police municipale.
Monsieur le secrétaire d’État, comment, dans ces conditions, pouvez-vous justifier la propagation inouïe du Taser ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Madame le sénateur, tout d’abord, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Michèle Alliot-Marie, qui est en déplacement à Draveil.
Vous m’interrogez une nouvelle fois sur l’utilisation du Taser X26, puisque, voilà quelques mois, j’avais déjà eu le plaisir de répondre à une question portant sur le même sujet.
Je vais donc devoir me répéter quelque peu, mais en m’efforçant de vous apporter des précisions supplémentaires, qui, je l’espère, vous rassureront.
Lors de ma première réponse, j’avais indiqué que l’usage d’un pistolet à impulsions électriques devait s’inscrire dans un cadre juridique d’emploi rigoureux et de formation approfondie, évitant toute utilisation abusive. Il s’agit bien entendu d’une obligation majeure.
Je rappelle par ailleurs que notre finalité est de faire du Taser, qui est une arme non létale, une alternative à l’utilisation d’une arme à feu.
Pour ce faire, les conditions du port d’arme de quatrième catégorie ont été étendues au pistolet à impulsions électriques par un arrêté récent, en date du 10 octobre 2008.
La formation préalable, les sessions d’entraînement des policiers municipaux – longues, rigoureuses et sévères –, les recommandations d’emploi spécifiques au pistolet à impulsions électriques ont ainsi fait l’objet d’une circulaire et d’une instruction qui ont été adressées aux préfets, le 4 novembre 2008.
Je vous signale également que les agents de police municipale ne peuvent faire usage du pistolet à impulsions électriques qu’en cas de légitime défense et dans les conditions prévues par le code pénal.
Par ailleurs, les pistolets à impulsions électriques utilisés en France sont, vous le savez, beaucoup moins puissants que ceux qui sont en service outre-Atlantique. De plus, ils sont équipés de systèmes de contrôle qui enregistrent les paramètres de chaque tir – la date, l’heure, la durée de l’impulsion électrique –, ce qui n’est pas le cas ailleurs.
En outre, les préfets demandent systématiquement aux maires qui souhaitent doter leur police municipale de pistolets à impulsions électriques d’équiper leurs Taser d’un dispositif d’enregistrement audio et vidéo qui se déclenche automatiquement à chaque utilisation.
Enfin, je tiens à souligner que l’on n’a recensé à ce jour, en France, aucun cas avéré de décès dû à l’utilisation du pistolet à impulsions électriques.
Les faits visés par le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité pour 2006, que vous aviez évoqué, se sont produits en 2005, c’est-à-dire avant la parution des instructions d’emploi, lesquelles définissent désormais les règles, les modalités et les précautions d’emploi de cette arme.
Loin de constituer un traitement inhumain ou dégradant, comme on le prétend parfois à tort, l’usage du pistolet à impulsions électriques permet, vous le savez bien, madame le sénateur, d’éviter de recourir à une arme à feu dans les hypothèses où il convient de s’assurer de la personne d’un forcené ou d’un individu particulièrement dangereux. Il constitue donc un moyen de force intermédiaire, conçu pour neutraliser sans blesser.
Tels sont les éléments complémentaires que j’étais en mesure de vous apporter aujourd’hui.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie des éléments de réponse que vous avez bien voulu m’apporter. Mais, sincèrement, ils ne me rassurent pas.
Vous dites que c’est une « arme intermédiaire ». Si elle est aussi dangereuse qu’une arme à feu par exemple, en dehors d’une balle dans la tête qui est toujours mortelle, peut-on encore parler d’« arme intermédiaire » ?
Quant à son « très bon fonctionnement », permettez-moi d’en douter. Le 7 mai dernier, c'est-à-dire après mes précédentes interrogations, un rappel d’instruction de la préfecture de police concernant la traçabilité pointait la mauvaise qualité des images produites par cette arme, ainsi que les nombreuses pannes qui résulteraient de mauvaises manipulations. La traçabilité n’est dont pas assurée.
Vous dites qu’aux États-Unis les modèles utilisés sont plus puissants. Certes, mais partout dans le monde des doutes se font jour quant à cette arme. Au Canada, un moratoire a été demandé. Concernant les États-Unis, une étude du laboratoire National Technical Systems montre que 10 % de ces armes sont plus puissantes que ne l’affirme le fabricant. Vous le constatez, il y a des éléments surprenants.
Par ailleurs, des syndicats de police déplorent l’insuffisance de la formation des agents. Si c’est le cas de la police nationale, que penser alors des policiers municipaux ?
La banalisation de cette arme est dangereuse, quoi que vous en disiez. Un de nos collègues a demandé ici une commission d’enquête. J’appuie évidemment cette idée. Mais je pense qu’il existe suffisamment d’éléments pour mettre en place un moratoire, en particulier concernant les polices municipales, afin de ne pas étendre l’utilisation du Taser. Il faudrait également enquêter sérieusement sur les risques de ce que vous appelez, monsieur le secrétaire d’État, une « arme intermédiaire ».
construction d'un commissariat à la ciotat
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, auteur de la question n° 342, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Bruno Gilles. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, et je remercie M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, de la remplacer pour me répondre.
Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur le projet de construction d’un nouveau commissariat de police à La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône, pour pallier la vétusté de l’actuel bâtiment.
Ce dossier malheureusement s’éternise. Il y a très exactement deux ans, le mardi 5 décembre 2006, mon collègue député Bernard Deflesselles, lors d’une semblable séance de questions orales sans débat à l’Assemblée nationale, avait obtenu des assurances du ministre délégué aux collectivités territoriales sur le calendrier de mise en œuvre de ce projet, considéré par celui-ci comme « une opération prioritaire de la police nationale ».
À cette date, des étapes importantes étaient déjà franchies : il était convenu d’ériger un bâtiment de 1 340 mètres carrés sur une emprise cédée à titre gratuit par la ville de La Ciotat, à l’entrée des chantiers navals, pour accueillir 110 fonctionnaires.
En séance, le ministre délégué a confirmé le financement du projet. Mais les travaux, qui devaient débuter en septembre 2007 pour une livraison des locaux à la fin de l’année 2008, c’est-à-dire à l’heure où je vous interroge, monsieur le ministre, n’ont toujours pas commencé et aucune date n’a été fixée pour leur lancement.
Monsieur le ministre, ce nouveau commissariat est attendu depuis longtemps par la ville de La Ciotat et par les communes environnantes. Cette ville qui compte 32 000 habitants triple sa population en période estivale. Pour les fonctionnaires de police eux-mêmes et pour la sécurité de la ville, il n’est plus possible de se satisfaire d’un commissariat délabré.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, me donner un calendrier précis des étapes suivantes de ce projet et, surtout, me garantir que, cette fois, l’échéancier sera tenu ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Alliot-Marie, retenue à Draveil.
Je sais tout l’intérêt que vous portez à la situation du commissariat de police de La Ciotat. L’actuel commissariat, situé en centre-ville, installé dans un bâtiment domanial, est en effet trop petit et, de plus, enclavé depuis la construction d’un ensemble de logements sur une parcelle attenante.
La nécessité de remplacer ce commissariat est évidente et nullement remise en cause. Un acte de cession à titre gratuit a ainsi été signé avec la ville. Il met à disposition du ministère de l’intérieur un terrain de 1 863 mètres carrés, situé à proximité des chantiers navals.
Le coût du projet, vous le savez, monsieur le sénateur, est globalement évalué à 6,23 millions d’euros. Ce projet est considéré comme prioritaire par le ministère de l’intérieur.
La notification du marché de maîtrise d’œuvre est intervenue, le permis de construire a été délivré, et la commission d’appel d’offres s’est déjà réunie.
Je vous précise, enfin, que les services du ministère de l’intérieur sont en train d’étudier la manière dont l’opération devrait être financée au titre du budget pour 2009, qui vient d’être voté en première lecture par le Parlement.
Nous souhaitons également, par cet effort, manifester notre reconnaissance du travail réalisé par les fonctionnaires qui assurent la sécurité publique dans ce secteur sensible, dont le nombre est passé de soixante-quatre au début de l’année 2006 à soixante-dix-sept au 1er décembre 2008.
Je vous précise aussi que, en ce qui concerne la circonscription de sécurité publique de La Ciotat, la délinquance – c’est une bonne nouvelle – a diminué de 8 % en 2007 et de près de 3 % sur les dix premiers mois de cette année.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, l’étude de ce dossier est déjà très largement avancée et j’ai bon espoir que celui-ci puisse déboucher en 2009. D’ailleurs, si vous m’y invitez, je viendrai volontiers poser la première pierre : j’adore aller à La Ciotat, et bien sûr à Marseille aussi, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. Nous apprécions beaucoup, monsieur le secrétaire d’État.
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Je remercie M. le ministre de sa réponse, et le félicite pour sa parfaite connaissance du dossier.
Je me permets de m’associer aussi aux compliments qu’il a décernés aux forces de police de cette circonscription, qui ont obtenu de bons résultats en matière de lutte contre la délinquance.
Je vois que ce dossier semble bien enclenché. Nous souhaitons effectivement qu’en 2009 tout soit fait pour que nous puissions poser rapidement la première pierre de ce nouveau commissariat. Et, bien évidemment, monsieur le ministre, je m’associe aux remerciements du président Jean-Claude Gaudin et c’est avec grand plaisir que vous serez invité à cet événement.
restructuration de la gendarmerie nationale
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 343, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Simon Sutour. Ma question s’adressait à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, mais j’ai bien noté que vous la remplaciez, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’elle est en déplacement ce matin.
Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais tout d’abord saluer la présence dans nos tribunes des élus du conseil municipal jeunes de Bagnols-sur-Cèze, dans mon département. Je crois que c’est bien pour eux de voir comment fonctionne une institution comme le Sénat.
M. le président. Ils sont les bienvenus. Certains d’entre eux siégeront peut-être un jour dans notre hémicycle.
M. Simon Sutour. Pas trop tôt, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. Ils ont le temps !
M. Simon Sutour. Monsieur le secrétaire d’État, alors que le Sénat va examiner le projet de loi sur la gendarmerie nationale aujourd’hui même, les restructurations annoncées s’accompagneraient de la fermeture de nombreuses brigades territoriales de proximité sur l’ensemble du territoire.
À l’heure où la gendarmerie nationale devrait passer sous le contrôle et la tutelle du ministère de l’intérieur, il semble que son rattachement organique et opérationnel ait pour objectif de placer les deux forces de sécurité intérieure sous l’autorité du même ministre, afin de parvenir à une plus grande synergie et une meilleure complémentarité des actions au profit de la sécurité intérieure.
Si l’on se contente de cela, pourquoi pas ? Mais, car il y a un « mais », cette restructuration prévue à l’échelle nationale se traduirait également par la fermeture de nombreux sites. On a parlé, de source gouvernementale, de la suppression de 175 brigades de gendarmerie. Cela serait le cas en particulier de la brigade de gendarmerie de Sauve dans le département du Gard.
Ainsi, après avoir subi la fermeture de sa trésorerie, cette commune voit aujourd’hui sa brigade de gendarmerie menacée de disparition. C’est un nouveau mauvais coup porté à un territoire déjà fragilisé par une situation économique et sociale délicate.
Le Gouvernement ne doit pas se cacher systématiquement derrière la réduction des dépenses publiques pour expliquer ses multiples restructurations au caractère souvent dévastateur pour nos territoires. Il ne faut pas oublier que la présence et la qualité des services publics sont garants du développement économique et commercial des territoires ruraux. Car partout où les services publics disparaissent – l’élu du Massif central que vous êtes, monsieur le secrétaire d’État, est sans doute sensible à cet aspect des choses –, c’est le désert économique qui s’inscrit dans la durée.
Aussi, il serait inadmissible de laisser les zones rurales en déshérence. Je crois que le devoir régalien de l’État en matière de sécurité doit être le même sur l’ensemble du territoire et envers tous nos concitoyens.
C’est pourquoi je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement quant aux réponses apportées en matière de sécurité aux élus et aux populations des territoires dont les brigades de gendarmerie sont amenées à disparaître, et plus précisément ce qu’il en est exactement du projet de suppression de la brigade de gendarmerie de Sauve.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Mme Alliot-Marie, qui ne peut être présente ce matin.
Vous m’interrogez sur un éventuel plan de restructuration de la gendarmerie nationale.
Permettez-moi tout d’abord de vous préciser que les rumeurs sur un prétendu « plan de restructuration » qui entraînerait la fermeture de centaines de brigades de gendarmerie sont sans aucun fondement. Je dis bien : « sans aucun fondement ». Je l’avais d’ailleurs dit lundi dernier à Cavaillon, dans le Vaucluse, pas très loin de votre département, monsieur le sénateur, lors de l’inauguration d’une nouvelle caserne de gendarmerie. Je l’ai aussi rappelé hier dans les Côtes-d’Armor et le Morbihan, où j’inaugurais également des locaux de gendarmerie.
La première préoccupation du Gouvernement et du ministère de l’intérieur est d’assurer la protection des Français, quel que soit le lieu où ils résident, sur l’ensemble du territoire national, en métropole comme outre-mer. Il n’est donc pas question de laisser à l’écart des portions du territoire national. Nos concitoyens ont besoin de sentir la présence de l’État, en particulier dans les zones les plus fragiles, que nous connaissons bien l’un et l’autre, puisque nous les représentons tous deux, sous des formes différentes.
La réalité, c’est que la gendarmerie est, et restera, présente sur tout le territoire. Proche de son environnement, elle s’adapte en permanence, pour répondre dans les meilleures conditions aux besoins de la population. Je veux une nouvelle fois rendre hommage au travail des gendarmes. Grâce à son maillage territorial, la gendarmerie joue un rôle majeur dans la sécurité des Français, et va bien entendu continuer à le jouer.
Les évolutions nécessaires que la gendarmerie a connues ces dernières années ont permis d’améliorer la réactivité des unités et d’augmenter la présence des gendarmes sur le terrain, qu’il s’agisse de la centralisation des appels de nuit, de la gestion des patrouilles par les centres opérationnels départementaux ou des communautés de brigades, qui ont permis de mutualiser les charges administratives et d’accroître sensiblement le nombre de patrouilles de jour comme de nuit.
Les adaptations du dispositif territorial de la gendarmerie doivent cependant se poursuivre pour gagner, chaque fois que c’est possible, en efficacité sur le terrain.
C’est vrai, monsieur le sénateur, lorsque trois brigades sont implantées sur une même portion d’axe de quinze kilomètres seulement, il est légitime de se demander si leur organisation peut être améliorée. Tel est le cas des brigades de Quissac, de Sauve et de Saint-Hippolyte-du-Fort, qui forment la communauté de brigades de Quissac. Par parenthèse, j’aimerais dire qu’elles sont situées sur un site merveilleux et exceptionnel que j’ai le plaisir de bien connaître.
L’implantation si rapprochée de ces trois unités est-elle encore adaptée à la réalité d’aujourd’hui ? Est-il possible d’assurer le même niveau de sécurité à la population avec une organisation plus performante ? Telles sont les questions que nous devons nous poser.
Une étude est effectivement conduite dans cet esprit. Cependant, aucune décision – j’y insiste – n’a été prise à ce stade. Je puis d’ailleurs vous garantir que tout développement de ce dossier donnera lieu à une large concertation avec l’ensemble des élus concernés, sous l’égide du préfet du Gard. Dans cette hypothèse, vous seriez naturellement consulté en priorité. Je m’y engage personnellement.
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais m’associer aux propos que vous avez tenus sur la gendarmerie. Celle-ci joue en effet un rôle irremplaçable, notamment en zone rurale et en zone de montagne. Il faut donc le renforcer. Je crois que nous sommes l’un et l’autre d’accord sur ce sujet.
Si le début de votre réponse était très sympathique, la fin m’a un peu inquiété. Vous m’avez tout d’abord indiqué que les rumeurs au sujet d’un plan de suppression de certaines brigades de gendarmerie étaient sans fondement. Vous m’avez ensuite précisé que, dans mon département, on s’interrogeait sur une éventuelle suppression.
M. Simon Sutour. S’il s’agit de coopération, alors il n’y a pas de problème.
Sachez tout de même que je me suis battu, avec plusieurs de mes collègues, au début de mon mandat contre un ministre de mon bord politique qui envisageait des suppressions importantes de brigades de gendarmerie. À cette époque, nous avions obtenu qu’il y ait au moins une brigade de gendarmerie par canton. Cette décision nous paraissait importante pour l’avenir. Continuons à défendre ce principe !
La brigade de gendarmerie de Sauve a pour ressort tout un canton. Vous le savez, nous sommes là aux portes des Cévennes dans une zone qui connaît de grosses difficultés économiques. On nous dit que les problèmes d’insécurité sont moindres qu’ailleurs. Peut-être ! Mais cela ne serait-il pas dû à la présence de la brigade de gendarmerie, qui fait son travail ?
J’ai noté que, pour l’instant, aucune décision n’avait été prise, mais qu’une étude était en cours. Je crois pouvoir parler au nom de tous les élus du département du Gard – le maire de Sauve, le conseiller général du canton, le député de la circonscription et tous les élus – en disant que nous tenons à cette brigade de gendarmerie. Si jamais elle était menacée, nous nous battrions pour qu’elle soit maintenue.
réforme de la gendarmerie nationale
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 324, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Alain Fauconnier. Depuis un certain nombre d’années, les réformes des services publics ne sont pas sans conséquences sur la vie quotidienne des territoires ruraux, en particulier sud-aveyronnais : Banque de France, perceptions, bureaux de poste, hôpitaux et tribunaux. Au fil des mois, ces services se rétrécissent comme peau de chagrin.
Je n’exagère nullement en formulant cette constatation, puisque, il y a peu, j’ai appris avec stupéfaction que le tribunal de grande instance de Millau et le tribunal d’instance de Saint-Affrique, qui devaient initialement fermer leurs portes au 1er janvier 2011, cesseront finalement leur activité au 1er octobre 2009.
Toute nouvelle annonce de restructuration, effectuée dans le cadre de la réforme des politiques publiques, ne peut donc a priori qu’inquiéter.
Aux yeux des élus, le rattachement des forces de gendarmerie au ministère de l’intérieur laisse craindre le pire en ce qui concerne la présence territoriale de la gendarmerie en sud-Aveyron. Comment cette modification s’opérera-t-elle ? Telle est la question que les élus se posent.
Il semble impératif de dissocier le commandement de l’ensemble des unités spécialisées ou de terrain. Le commandement de deux compagnies va être regroupé en transférant les effectifs sur l’un des deux sites. Le ministère devra ainsi choisir le lieu du commandement unique pour le territoire.
Par un récent courrier adressé au ministre de l’intérieur, par le biais du préfet de l’Aveyron, nous suggérions avec mon collègue et ami Guy Durand, maire de Millau, la répartition suivante : à Millau, zone urbaine, la police ; à Saint-Affrique, zone rurale, la gendarmerie, avec le commandement unique de l’ensemble du dispositif de gendarmerie, Millau conservant le commandement des forces de police. Naturellement, je donne ici l’opinion des deux principaux maires concernés, mais j’indique également la position du député UMP de la circonscription, mon ami Alain Marc, tout en regrettant profondément qu’aucune concertation n’ait été jusque-là mise en œuvre par le Gouvernement.
Une compagnie est constituée par des brigades territoriales, au moins six, d’un peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, ou PSIG, comptant douze gendarmes et d’une brigade de recherche de six à huit gendarmes. Les élus craignent donc que, avec la fusion des deux compagnies de Saint-Affrique et de Millau, non seulement on ne passe de deux compagnies à une, mais aussi que, au passage, on ne supprime l’un des deux PSIG et l’une des deux brigades de recherche.
C’est pourquoi il paraît indispensable que l’ensemble des unités opérationnelles et/ou spécialisées – brigade de recherche, PSIG et brigades territoriales – restent dans la même configuration qu’aujourd’hui sur l’ensemble du territoire sud-aveyronnais si l’on veut conserver une efficacité maximale. En effet, les voies de circulation que sont l’autoroute A75 – on a vu ces derniers temps comme cela était décrié – et la liaison Millau-Albi-Toulouse favorisent sur ces territoires réputés calmes l’accroissement de la délinquance.
De ce fait, il s’agit de maintenir une cohérence territoriale et une véritable gendarmerie de proximité, tout à la fois conforme aux aspirations des populations et des élus et ayant fait la démonstration de son efficacité.
Monsieur le secrétaire d’État, quelle décision le Gouvernement a-t-il prise en ce qui concerne le regroupement des forces de police et de gendarmerie en Aveyron, en général, et dans le sud-Aveyron, en particulier ? Les effectifs de la gendarmerie demeureront-ils identiques ou, comme il se dit ici où là, seront-ils amputés de dix à dix-huit gendarmes ?
Si tel était le cas, ce serait plus que regrettable dans la mesure où la sécurité ne saurait être garantie dans un secteur durement frappé par les restructurations du service public depuis quatre ans. Ce serait, une fois de plus, la démonstration de l’abandon du secteur rural, ce que nous regretterions tous.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la responsabilité du Gouvernement et plus particulièrement celle du ministère de l’intérieur est d’assurer la protection des Français, à tout moment et en tout lieu, la gendarmerie jouant un rôle central dans ce dispositif.
Les évolutions intervenues ces dernières années ont permis d’améliorer la réactivité des unités et d’augmenter la présence des gendarmes sur le terrain – la population le voit bien –, qu’il s’agisse de la centralisation des appels de nuit, de la gestion des patrouilles par les centres opérationnels départementaux ou des communautés de brigades en binôme, qui ont permis de mutualiser en partie les charges administratives et, surtout, d’augmenter sensiblement le nombre de patrouilles de jour comme de nuit.
Les évolutions démographiques appellent par ailleurs des adaptations permanentes, sans jamais perdre de vue la nécessité d’optimiser la capacité opérationnelle des forces de sécurité.
La réflexion sur le regroupement éventuel – je dis bien « éventuel » – des compagnies de Saint-Affrique et de Millau s’inscrit dans cette perspective, partant du constat que la moyenne des crimes et délits constatés chaque année par chaque gendarme des compagnies de Saint-Affrique et de Millau est deux fois moins élevée que la moyenne nationale.
Concernant ce dossier pour lequel, je le répète, aucune décision n’est arrêtée à ce jour, le ministère de l’intérieur a demandé au préfet de l’Aveyron de lui faire des propositions, après avoir recueilli l’avis des élus. Je vous précise toutefois que si cette mesure devait in fine être mise en œuvre et seulement si elle devait être mise en œuvre, elle serait sans incidence sur le nombre de brigades territoriales.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, vous ne manquerez pas d’être informé de toute évolution que ce dossier serait amené à connaître dans les prochains mois. Je m’y engage personnellement et je me tiens à votre disposition.
Tels sont les éléments de réponse que j’étais en mesure de vous apporter ce matin.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, car votre réponse me satisfait.
J’ajoute simplement que je souhaite qu’une concertation ait lieu sous l’égide du préfet afin que l’on entende non seulement la position de la gendarmerie, ce qui est légitime car ce sont des techniciens, mais également celle des élus. Au-delà de leur diversité, je pense que les élus sont assez unanimes sur cette question.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Dépôt de rapports du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :
- en application de l’article 4 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le rapport sur la création d’une réserve spéciale d’autofinancement ;
- en application de l’article 11 de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, le rapport sur la mise en œuvre de cette loi.
Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.
Le premier sera transmis à la commission des finances et le second aux commissions des affaires économiques, des affaires sociales et des finances. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.
4
Candidatures à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics.
La commission des finances a fait connaître qu’elle propose les candidatures de Mme Marie-France Beaufils et de M. Bernard Vera pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein de cet organisme extraparlementaire.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36, alinéa 3, du règlement du Sénat.
Ce matin, le Gouvernement, qui risquait autrement d’être censuré, a imposé à un homme, le président de France Télévisions, et à un groupe, le conseil d’administration de France Télévisions, qu’ils renoncent à leurs droits de liberté et d’humanité.
J’élève une solennelle protestation contre ce qui préfigure les relations qu’aura le pouvoir avec les dirigeants de la télévision publique.
Je rends honneur aux deux représentants du personnel qui sont restés intransigeants. Je veux remercier le sénateur M. Thiollière de s’être abstenu : vous vous êtes respecté ; vous nous avez fait respecter, cher collègue. Je note que le représentant de l’Assemblée nationale, le député M. Kert, n’était pas présent.
Il demeure que le forfait a été commis et que le Sénat commencera l’examen du projet de loi sur l’audiovisuel alors qu’un aspect essentiel est déjà appliqué.
Mme Annie David. C’est incroyable !
M. Jack Ralite. Nous allons débattre selon la pratique : « cause toujours, tu ne m’intéresses pas, je n’en ai rien à faire ! ».
Monsieur le président, je souhaite que vous marquiez, par une réaction à la hauteur de l’offense, un désaveu de telles pratiques, car nous sommes les gardiens, au nom de la société, des droits et libertés constitutionnelles, et que je ne connais qu’une attitude : penser et agir debout ! C’est cela, la dignité, quand on traite de quelque problème que ce soit, a fortiori d’un outil que fréquentent 98,5 % des Françaises et des Français, nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur des travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Je me permets de vous renvoyer à mes propres déclarations de la semaine dernière, dans lesquelles je soulignais que la voie du décret ne me paraissait pas respectueuse du Parlement. Donnez-moi acte de ma position et de l’évolution de l’exécutif sur ce point. J’ai également affirmé, en conférence des présidents et ailleurs, qu’un tel débat nécessitait du temps.
Mme Éliane Assassi. Apparemment, cela n’a pas suffi !
6
Accords avec le Bénin, le Congo, le Sénégal et la Tunisie relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement
Adoption de quatre projets de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (nos 464, 2007-2008, et 129) ;
- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (nos 465, 2007-2008, et 129) ;
- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant (nos 68 et 129) ;
- et du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne (nos 69 et 129).
La conférence des présidents a décidé que ces quatre projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous soumettre aujourd’hui les projets de loi autorisant l’approbation des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement conclus respectivement avec le Sénégal, le Congo, le Bénin et la Tunisie.
Ces quatre accords illustrent la détermination de la France à instaurer un partenariat global, afin d’apporter des solutions concrètes au défi que représente la maîtrise des flux migratoires. En cela, ces accords sont l’illustration que la nouvelle politique d’immigration choisie et concertée voulue par le Président de la République et mise en place par Brice Hortefeux intéresse nos partenaires, tant en Afrique qu’en Europe.
D’ailleurs, le Pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté à l’unanimité le 16 octobre dernier, a consacré ce principe du partenariat avec les pays d’origine.
L’objectif visé par ce type d’accord se décline en trois volets indissociables : tout d’abord, organiser la migration légale et faciliter la circulation des personnes ; ensuite, renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration clandestine ; enfin, contribuer au développement des pays d’origine grâce à la mobilisation des ressources des migrants vers des projets de développement.
Au-delà du socle commun, chacun des accords présente des aménagements propres à chaque pays, à l’état de la coopération bilatérale, ainsi qu’aux besoins des gouvernements partenaires.
Je voudrais maintenant vous présenter les principales dispositions qui se retrouvent dans chacun de ces accords.
Premièrement, concernant la circulation des personnes, la France et les pays signataires s’engagent à faciliter la circulation des ressortissants des deux pays, concourant à la vitalité des relations bilatérales, et ce dans tous les domaines.
La France et ses partenaires qui soumettent les ressortissants français au visa de court séjour, notamment au Congo et au Bénin, s’engagent à faciliter la délivrance de visas de court séjour à entrées multiples d’une validité pouvant aller jusqu’à cinq ans.
Deuxièmement, ces accords facilitent le séjour temporaire en France, notamment d’étudiants étrangers. Cette démarche permettra à ces derniers d’acquérir une première expérience professionnelle en vue de leur retour dans leur pays d’origine. Ces étudiants étrangers bénéficient ainsi de dispositions spécifiques, beaucoup plus favorables que le droit commun régi par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Nous prendrons bien entendu en compte les intérêts du pays d’origine en faisant en sorte que la migration contribue à son enrichissement, au travers des transferts de fonds, mais également grâce à la formation professionnelle.
Troisièmement, ces accords, qui s’inscrivent dans la nouvelle approche de l’immigration choisie et concertée, encouragent la délivrance de la carte « compétences et talents ». Celle-ci s’adresse aux ressortissants du pays partenaire qui vont participer de façon significative au développement économique de la France et de leur pays.
Les accords prévoient, pour la plupart d’entre eux, un contingent, afin de limiter l’exode des élites. C’est pour cette même raison que la carte « compétences et talents » ne peut être renouvelée qu’une seule fois.
Cet objectif d’une migration régulière, à la fois concertée et contrôlée, se double d’une coopération renforcée dans la lutte contre l’immigration irrégulière, avec deux composantes.
D’une part, la France s’engage dans une expertise technique en matière policière ; je pense notamment à la lutte contre la fraude documentaire et au soutien à la constitution d’un état civil fiable.
D’autre part, la France et chacun des pays concernés s’engagent à réadmettre leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie en facilitant la délivrance des laissez-passer consulaires. Le dispositif français d’aide au retour sera d’ailleurs proposé aux étrangers concernés.
Ces accords ont enfin pour objectif de contribuer au développement des pays constituant une source d’émigration grâce à la recherche de synergies entre migration et développement ; je pense, en particulier, aux instruments financiers, tels que le compte épargne codéveloppement ou le livret d’épargne pour le codéveloppement.
Avant de conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à souligner l’apparition du concept de « développement solidaire », mentionné notamment dans l’accord avec la Tunisie. Il figure désormais dans les accords nouvellement signés ou en cours de négociation ; il vise à promouvoir des actions de coopération et des projets financés par le ministère de l’immigration en raison de la contribution qu’ils apportent au développement.
Cette démarche s’applique notamment dans les régions d’émigration, en vue du maintien sur place des populations. Il s’agit d’une action menée en cohérence avec l’aide publique au développement. C’est pourquoi le ministère de l’immigration dispose d’un programme budgétaire spécifique inscrit dans la mission « Aide publique au développement », aux côtés des programmes du ministère de l’économie et du secrétariat d’État à la coopération et à la francophonie, que j’ai l’honneur d’animer.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement qui font l’objet des projets de loi soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des migrations est au cœur de notre relation avec les pays du Sud. Avec certains de nos partenaires, elle occupe le tout premier plan de la relation bilatérale.
C’est une question particulièrement complexe : sociale, économique et politique, elle touche également à ce que peut avoir de personnel, voire d’intime, cette aspiration au départ ou cette nécessité de quitter son pays. C’est pourquoi la question des migrations se gère non pas seulement aux frontières, mais aussi, en amont, sur le territoire des pays d’origine. C’est aussi pourquoi notre politique migratoire doit rejoindre, sur certains points, notre politique de développement.
Le codéveloppement, devenu « développement solidaire », se situe au point de rencontre de ces deux politiques, dans la recherche d’un équilibre fragile et restant à définir. Les accords de gestion concertée des flux migratoires qui sont soumis aujourd’hui à l’examen du Sénat en sont l’un des aspects.
Ces accords sont une forme de contractualisation de la relation bilatérale sur la question des migrations. Comme je l’ai souligné devant la commission des affaires étrangères, ce dialogue bilatéral est indispensable, tant la différence d’appréciation sur la migration est considérable entre un pays destinataire de l’immigration, comme le nôtre, et les pays d’origine.
N’oublions pas que les transferts financiers sont supérieurs à l’aide publique au développement et qu’ils constituent, pour les pays d’origine, l’une des premières – sinon la première – sources de revenus.
C’est pourquoi la négociation de ce type d’accords revêt une telle force symbolique et que les citoyens du pays signataire y sont si attentifs.
Le schéma général comporte trois parties : la facilitation de la circulation et le développement de l’immigration de travail, la lutte contre l’immigration clandestine et le soutien à des projets de développement.
Si l’on met de côté l’accord avec le Gabon, dont les migrants sont très peu nombreux, les accords qui nous sont soumis sont les premiers à comporter un véritable enjeu sur les questions migratoires. C’est en particulier le cas avec le Sénégal et la Tunisie, dont le nombre de ressortissants établis en France est important, avec des flux qui restent, y compris pour la Tunisie, très soutenus.
Je ne reprendrai pas le détail des différents accords, que vous avez exposés, monsieur le secrétaire d’État.
Sur le terrain de la migration légale, la France s’engage à accorder plus de visas de circulation, ce qui correspond à une demande très forte des pays partenaires. Cela pourrait être une juste réponse si ces visas étaient largement accordés. La France s’engage aussi à mieux accueillir les étudiants et à développer l’accueil de travailleurs migrants.
Dans une forme de contrepartie, les États signataires s’engagent à lutter contre l’immigration clandestine et à réadmettre leurs ressortissants entrés illégalement sur le territoire français.
La partie « développement » de ces différents accords est plus spécifique. Pour ce qui est du Congo, elle reste encore très largement à définir. En revanche, tant pour le Sénégal que pour le Bénin ou la Tunisie, elle témoigne d’une réelle réflexion sur les secteurs où l’intervention est souhaitable et sur les instruments à privilégier.
Grâce à une partie « développement » plus structurée, l’économie générale de ces accords tend vers un ensemble plus équilibré que l’accord avec le Gabon, dont la partie « développement » relevait plutôt du témoignage.
La commission formule cependant certaines interrogations et inquiétudes sur la mise en œuvre de ces accords.
La première de ces interrogations concerne la mise en œuvre effective de la facilitation de la migration professionnelle, qui suscite beaucoup d’attentes chez nos partenaires.
L’immigration professionnelle reste encore très limitée pour les pays concernés par ces accords. Les objectifs sont modestes et les réalisations plus modestes encore. En tout état de cause, elles ne sont pas à la mesure des flux migratoires.
Après un temps d’hésitation, nous avons reconnu – et les accords en témoignent – que l’immigration professionnelle ne devait pas nécessairement être une immigration qualifiée, ce qui paraît plus conforme non seulement aux besoins et aux attentes de nos partenaires, mais aussi aux besoins de nos entreprises ; les bénéficiaires de l’admission exceptionnelle au séjour en attestent. Mais en ces temps de crise économique et de raréfaction des emplois, pourrons-nous tenir nos engagements en ce qui concerne la migration professionnelle ?
La deuxième interrogation de la commission porte sur la mise en œuvre concrète de ces accords, qui ajoutent à un ensemble déjà complexe des facteurs de complexité supplémentaires. Cette politique de développement solidaire, dont nous ne sous-estimons pas les difficultés d’élaboration, mais qui tâtonne et reste encore en cours de définition, démarre lentement.
La délivrance des cartes « compétences et talents » reste ainsi très embryonnaire : seules trente-six ont été accordées à des Tunisiens. Les talents sont-ils si rares, monsieur le secrétaire d’État, ou bien est-ce notre dispositif qui est trop lourd ?
Comment les consulats et les préfectures vont-ils se repérer dans le maquis de délais, de conditions d’âge et de secteurs spécifiques introduits par les accords de gestion concertée des flux migratoires, qui s’ajoute à la véritable sédimentation de dispositifs opérée par les nombreuses lois relatives à l’immigration votées ces dernières années ?
Que deviennent, monsieur le secrétaire d’État, les clauses applicables aux ressortissants de la zone de solidarité prioritaire, alors que cette notion est complètement revue dans la réforme de notre dispositif de coopération ?
La politique migratoire hésite ainsi encore entre attractivité et contrôle des flux.
Notre troisième et dernière interrogation porte sur le volet « développement » de ces accords, dans un contexte de réduction drastique des crédits dévolus à l’aide bilatérale au développement. Dans un pays qui traite déjà bien mal ses propres étudiants, pourrons-nous garantir, comme il est prévu dans l’accord avec le Sénégal, un accueil correct et un logement décent ?
Les accords identifient les projets dont le financement relève du ministère de l’immigration, mais renvoient au ministère des affaires étrangères pour un effort accru d’accompagnement. Rien ne permet de dire que celui-ci aura les moyens de cette intervention complémentaire, pourtant indispensable.
Aussi l’équilibre prévu par ces accords nous semble-t-il fragile. Si les volets « migration professionnelle » et « développement » ne sont pas mis en œuvre dans de bonnes conditions, il n’en restera que les aspects les plus restrictifs, dont le plus symbolique est la réadmission.
C’est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées envisage d’assurer un suivi et une évaluation de la mise en œuvre de ces différents accords.
Sous le bénéfice de ces observations, et parce qu’elle estime que la méthode de dialogue engagée par ces accords mérite d’être encouragée, la commission recommande l’adoption de ces quatre projets de loi, tous ratifiés par les pays signataires, à l’exception de l’accord avec le Bénin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Charles Pasqua applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les accords de gestion concertée des flux migratoires constituent l’un des éléments phares de la politique d’immigration « choisie » prônée par le Président de la République, et leur signature fait l’objet d’une forte médiatisation.
C’est un sujet très sensible en ce qui concerne aussi bien la France, où l’immigration a parfois été instrumentalisée, que l’Afrique, où elle est vécue comme étant l’une des voies de l’avenir.
Aujourd’hui, vous sollicitez l’autorisation du Sénat pour ratifier quatre de ces conventions bilatérales, dont celle avec le Sénégal, signée en 2006 par Nicolas Sarkozy, alors ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.
Permettez-moi, avant d’en venir au fond, de formuler une remarque sur la forme. Si la signature des accords est très médiatisée, en revanche, la méthode utilisée pour leur élaboration et leur préparation fait l’objet d’une certaine opacité. En particulier, les représentants de la société civile, tant du côté français que du côté africain, n’ont pas du tout été associés à leur préparation.
En ce qui concerne l’immigration légale, la valeur ajoutée de ces conventions bilatérales est relative : la plupart les dispositions concernant l’immigration professionnelle sont déjà prévues dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ou CESEDA.
Les mesures relatives à l’immigration légale visent à restreindre la venue de travailleurs, car seul le séjour de certaines personnes qualifiées sera accepté.
Les quatre accords prévoient des facilités pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié ». Les candidats à l’immigration devront présenter une promesse d’embauche dans l’un des secteurs professionnels listés : cent cinq pour le Sénégal, quinze pour le Congo – c’est la portion congrue ! –, seize pour le Bénin – c’est un peu mieux ! – et soixante-dix-huit pour la Tunisie.
Cependant, à l’exception du Sénégal, ces listes sont trop restrictives et ne concernent que des emplois très qualifiés : informaticiens, chefs de chantiers, cadres de l’audit, etc. Par ailleurs, il y a fort à craindre que la crise économique n’aboutisse à une situation de non-délivrance de ces titres de séjour.
Or une partie de l’immigration professionnelle pourrait, et devrait, concerner des emplois non qualifiés. Il n’y a rien de honteux à employer des travailleurs immigrés non qualifiés ! Nous en avons besoin, car ils ont vocation à occuper des emplois souvent délaissés par les Français. Rien ne s’opposerait donc à de telles immigrations professionnelles.
Certaines dispositions de ces accords visent à faciliter l’accueil et le séjour des étudiants. Nous nous en réjouissons, car la France avait pris du retard dans ce domaine par rapport à un certain nombre d’autres pays développés. Ces mesures concernent, notamment, ceux qui, à l’issue de leur cursus universitaire, souhaitent acquérir une première expérience professionnelle dans notre pays.
Cependant, là encore, des conditions restrictives ont été posées à l’attribution de la carte de séjour portant la mention « salarié » : les intéressés devront être titulaires d’un master ou d’un diplôme de niveau équivalent, exercer un emploi en lien avec leur formation et percevoir un salaire au moins égal à une fois et demie le SMIC mensuel. Il s’agit là de trois conditions cumulatives et lourdes à remplir.
Par ailleurs, vous l’avez dit, l’accord avec le Congo prévoit que l’autorisation provisoire qui sera attribuée aux étudiants souhaitant rechercher un emploi ne sera pas renouvelable.
Tous ces accords prévoient aussi d’attribuer plus facilement des visas de circulation. Le principe de l’attribution de visas de circulation est une bonne chose, car il est nécessaire de faciliter les allers-retours entre la France et les pays d’émigration, l’émigration n’étant pas nécessairement continue, la personne pouvant entrer et sortir du territoire à plusieurs reprises. Cela a longtemps été demandé par les pays concernés. Cependant, il est critiquable que seules les personnes qualifiées soient visées.
Actuellement, de tels visas sont essentiellement délivrés à des hommes d’affaires, des financiers, et très peu à d’autres catégories de demandeurs, par exemple des artistes ou des chercheurs. À cet égard, nos consulats font preuve d’une grande timidité.
Des quotas annuels sont fixés pour la délivrance des cartes de séjour portant la mention « compétences et talents » – belle appellation ! –, soit mille pour le Sénégal, cent cinquante pour le Congo, cent cinquante pour le Bénin et mille cinq cents pour la Tunisie. Mais aucune clause ne prévoit l’obligation de les atteindre, ce qui peut se comprendre. Toutefois, permettez-moi d’exprimer ma crainte de voir se développer une politique extrêmement restrictive de délivrance de ces visas.
Les accords dont nous débattons comprennent également une partie consacrée à la lutte contre l’immigration irrégulière.
Nous partageons complètement la volonté de lutter, avec tous les moyens possibles, contre cette immigration qui porte préjudice non seulement à notre économie et aux pays dont elle provient, mais à l’idée même d’émigration.
Les accords prévoient, en particulier, la réadmission par les États de leurs ressortissants qui sont dans une situation d’émigration irrégulière, ce qui paraît légitime, sauf s’il s’agit de contourner les réticences de certains États, notamment la Tunisie, à délivrer des laissez-passer consulaires. Il ne nous appartient pas, en effet, de nous substituer à la politique des autres États en la matière.
Dans ce domaine, nous nous heurtons à deux difficultés.
Tout d’abord, nous ne savons pas si le pays d’origine acceptera d’accueillir ses ressortissants nationaux.
Ensuite, vous vous êtes fixé l’objectif de « faire du chiffre », comme on dit, soit 26 000 personnes en 2008, autant en 2009, sachant que seulement un tiers de celles qui seront retenues seront finalement expulsées, en particulier parce que le pays receveur ne délivre pas de laissez-passer.
Plus grave encore, les accords avec le Congo et le Bénin, où l’immigration est pourtant faible, obligent ces États à accueillir des ressortissants d’États tiers expulsés et ayant séjourné sur leur territoire. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Mali a refusé de signer le projet d’accord qui était en négociation.
Une telle clause est choquante, en particulier sur le plan des principes. Elle fait peser une charge considérable sur ces États de transit, qui n’ont pas les moyens d’y faire face. Leur superficie très vaste nécessiterait une organisation de contrôle de l’émigration difficile à mettre en œuvre. Il n’est pas possible de reconstituer les régiments méharistes sur les frontières nord, est et ouest du Mali ! En outre, cette clause met les personnes expulsées dans une situation difficile, puisque celles-ci se retrouvent dans un pays qui n’est pas le leur.
J’en viens au troisième et dernier point abordé par ces accords : le développement solidaire.
Il y a tout d’abord un problème de sémantique. Pour moi, il s’agissait de codéveloppement : les activités de développement étaient imaginées et mises en œuvre par la personne qui retournait dans son pays et nous aidions celle-ci à constituer une PME, à fonder une exploitation agricole, etc.
Or on est passé du concept de codéveloppement à celui de développement solidaire. Les glissements sémantiques n’étant jamais neutres, je crains que le nouveau concept ne soit, sinon un cheval de Troie – l’expression est un peu forte ! – du moins un prétexte pour transférer au service de la politique de lutte contre l’immigration les crédits du ministère des affaires étrangères dédiés normalement à l’activité de développement. Ce n’est pas ce que nous voulons !
Pour le Bénin et le Congo, sont prévus des financements par l’Agence française de développement, l’AFD, dans les domaines de la santé ou de l’agriculture. L’accord avec la Tunisie mentionne le développement solidaire dans tous les domaines d’activité. Seul l’accord avec le Gabon fait état de codéveloppement, mais chacun sait que, en dehors de ceux qui profitent de la rente pétrolière, très peu de Gabonais émigrent en France. Nous ne serons donc pas dans ce cas de figure.
Les activités de codéveloppement devraient être strictement définies comme des actions menées par les personnes qui sont rentrées dans leur pays. Le ministère de l’immigration dispose d’une enveloppe de 29 millions d’euros pour financer de telles actions. J’espère qu’il s’agira vraiment de codéveloppement et non pas du transfert d’une partie des crédits du ministère des affaires étrangères au ministère de l’immigration.
Par ailleurs, à l’instar de notre rapporteur, je souhaite que les conditions de mise en place et les conséquences de ces accords soient évaluées rapidement.
Compte tenu de ces remarques, vous comprendrez, mes chers collègues, que le groupe socialiste refuse d’autoriser la ratification de ces quatre accords. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Pasqua. Dommage !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à examiner quatre accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement signés entre la France et les pays africains d’émigration suivants : le Bénin, la Tunisie, le Sénégal et le Congo.
Chacun sait, dans cet hémicycle, que ces accords s’inscrivent dans la politique d’« immigration choisie » prônée par la France et par l’Europe.
Ces accords correspondent aux priorités définies par le Pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté, le 16 octobre dernier, par le Conseil européen, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne
On peut affirmer que la politique française et européenne de l’immigration consiste à instrumentaliser l’aide au développement et la migration légale dans le but de renforcer sa lutte contre l’immigration illégale.
Cette vision des migrations a encore été confirmée lors de la conférence interministérielle euro-africaine en matière de migration et développement, qui s’est tenue le 25 novembre dernier et pendant laquelle a été adopté un programme de coopération triennal visant à encadrer la migration légale, contrecarrer l’immigration illégale et organiser le développement solidaire.
Les accords que vous faites signer aux pays africains de départ vous permettent de faire pression sur eux, d’exercer une sorte de chantage : vous leur promettez des possibilités de migrations légales, qui restent toutefois très limitées, et une aide au développement.
En contrepartie, vous leur demandez d’être les « gendarmes » de l’Europe, c’est-à-dire de contrôler les flux migratoires depuis les pays de départ, mais aussi de transit, et de faciliter les réadmissions des personnes expulsées par la France.
M. Jean-Louis Carrère. Avec l’UMP, il n’y aura bientôt plus de gendarmes !
Mme Éliane Assassi. À l’évidence, ces accords sont loin d’être équitables. La France a tout à y gagner, tandis que les pays d’émigration sont pieds et poings liés et se voient dans l’obligation de faire la police chez eux en devenant les sous-traitants de la gestion des flux migratoires pour obtenir d’hypothétiques possibilités de migrations et autres aides au développement.
Une telle situation résulte du déséquilibre entre les parties signataires avec, d’un côté, des pays aux conditions économiques et politiques encore fragiles et, de l’autre, la France, qui fait partie d’un ensemble de pays économiquement forts et dotés d’institutions communes telle que l’Union européenne.
J’en viens aux principales critiques que je forme à l’égard de ces accords.
Tout d’abord, on nous dit que les pays signataires bénéficieront de possibilités de migrations légales pour leurs ressortissants. Toutefois, ces dernières seront limitées en nombre et dans le temps. Ce sont avant tout des migrations temporaires fondées sur la mobilité et l’incitation au retour des compétences dans le pays d’origine.
Ces possibilités de migrations légales concernent essentiellement des personnes hautement qualifiées et qui intéressent la France, notamment des hommes d’affaires, des sportifs de haut niveau, des artistes. Il s’agit de la carte « talents et compétences » qui existe déjà dans le cadre du CESEDA.
Un tel intérêt pour les métiers hautement qualifiés qui contribue à la « fuite des cerveaux » est contraire aux intérêts des pays de départ. En effet, ces fuites de « matière grise » qui caractérisent l’émigration du Sud vers le Nord entraînent pour les pays d’origine un manque de personnel, notamment dans le domaine de la santé et de techniciens, ainsi que la perte de revenu national par le biais de l’impôt.
À l’inverse, la main-d’œuvre peu qualifiée dont ces pays disposent en grand nombre n’est que peu concernée par la migration de travail, alors même que les besoins existent en France, ce qui risque de renforcer les déséquilibres dans les pays d’origine.
On voit bien là, monsieur le secrétaire d'État, le « tri » que veut faire le gouvernement français en application de sa politique d’immigration choisie. C’est cette même logique qui prévaut avec le projet de « carte bleue » européenne.
Ensuite, s’agissant de l’aide au développement, je considère qu’elle ne doit pas être un moyen de faire pression sur les migrants établis en France, encore moins une monnaie d’échange dans le cadre de négociation d’accords de gestion concertée des flux migratoires.
Ainsi que le souligne la déclaration des Nations unies sur le droit au développement, le développement est un droit et, en tant que tel, il ne peut être soumis à conditions.
En ce qui concerne la lutte contre l’immigration illégale, les accords prévoient des clauses relatives à la réadmission des personnes en situation irrégulière et une coopération policière visant à renforcer la surveillance des frontières, au démantèlement des réseaux criminels de passeurs et à la lutte contre la fraude documentaire.
Je tiens à préciser que je ne suis pas favorable à ce que ce genre de coopération soit comptabilisé au titre de l’aide au développement.
La France et l’Europe veulent désormais non plus empêcher les migrants de pénétrer en Europe, mais les empêcher de quitter leur pays d’origine. Ce contrôle des flux migratoires en amont est moins cher et moins aléatoire qu’une expulsion du territoire français, expulsion qui n’est pas toujours effective. Cela fait autant de sans-papiers potentiels en moins qui pourraient, une fois entrés sur le sol français, s’y maintenir en situation irrégulière.
Les clauses de réadmission contenues dans ces accords sont très importantes pour la France. Car pour pouvoir renvoyer de façon effective les personnes en situation irrégulière arrêtées et placées en centre de rétention, il est indispensable de s’assurer de la coopération des autorités des pays concernés – ce n’est pas toujours le cas – singulièrement en ce qui concerne la délivrance des laissez-passer, lesquels permettent d’organiser le renvoi des personnes que l’on souhaite expulser.
Certains pays sont en effet peu coopératifs en matière de laissez-passer, et pour cause ! Il faut savoir que les migrants envoient dans leur pays d’origine des sommes bien supérieures à celles qui sont prévues par le budget de l’aide publique au développement. Ils participent ainsi au développement sur place des villages et de projets locaux, et ils font vivre les membres de leur famille restés au pays.
Ces accords permettront donc de formaliser une obligation de réadmission et d’obtenir plus facilement les laissez-passer permettant d’assurer le renvoi effectif des étrangers.
À l’exception, monsieur le secrétaire d'État, des accords avec le Sénégal et la Tunisie, pays davantage concernés par la migration de transit, les accords prévoient un engagement à réadmettre également les migrants des pays tiers en situation irrégulière qui, pour venir en France, seraient passés par leur territoire. Ces dispositions sont particulièrement intéressantes pour le ministère de l’immigration, qui se fixe chaque année des objectifs chiffrés en matière d’expulsion effective du territoire.
Pour 2009, l’objectif est de 30 000 expulsions. Afin d’atteindre cet objectif, la France souhaite également favoriser les retours volontaires en proposant son dispositif d’aide au retour volontaire aux personnes qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, une OQTF.
Le renforcement du volet sécuritaire a des conséquences sur les droits et les parcours des migrants. Ces derniers sont alors contraints d’emprunter des itinéraires de plus en plus longs, de plus en plus coûteux et de plus en plus dangereux.
On retrouve cette logique répressive dans la directive européenne sur le retour, qui généralise l’enfermement des étrangers jusqu’à dix-huit mois, ainsi que leur éloignement. On la retrouve aussi avec les renvois groupés par avion.
Pourtant, ceux qui migrent le font non pas par goût des voyages, mais par obligation. Ils tentent d’avoir ailleurs une vie meilleure, y compris au péril de leur vie.
Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder ces femmes, ces enfants, ces hommes qui embarquent sur des radeaux de fortune et dérivent ensuite des jours et des nuits en mer ; il n’y a qu’à faire le décompte annuel des morts en Méditerranée. Ils savent que c’est dangereux. Pour autant, ils sont toujours aussi nombreux à tenter leur chance vers l’Eldorado européen.
Vouloir que les flux migratoires s’adaptent aux capacités d’accueil d’un pays – marché du travail, situation du logement, existence de services sanitaires, sociaux, scolaires, etc. –, c’est méconnaître ou ignorer la réalité des migrations dans le monde, lesquelles ont des causes multiples : famines, guerres, maladies, catastrophes climatiques, misère, etc. C’est nier le droit à la liberté de circulation des hommes et des femmes dans le monde.
En tout état de cause, dans le contexte actuel de crise économique et de récession, la France et l’Europe ne pourront pas accueillir les migrants issus d’une migration de travail. L’immigration illégale, dans ces conditions, ne pourra que perdurer.
L’aide au développement évoquée dans les accords que nous examinons aura bien du mal à se concrétiser compte tenu de la baisse continuelle des autorisations d’engagement pour les actions bilatérales de développement solidaire. Cela pose la question du sort des migrants de retour chez eux avec l’aide à la réinstallation : ils risquent de se retrouver rapidement confrontés à des difficultés financières.
Si les possibilités de circulation ne sont pas au rendez-vous, si l’aide au développement est absente, que restera-t-il de ces accords ? Uniquement le volet relatif à la lutte contre l’immigration illégale, avec le renforcement de la coopération policière qui profitera à la France et à l’Europe, lesquelles veulent être à n’importe quel prix des « forteresses imprenables ».
À la lumière de ces observations, vous comprendrez que nous ne puissions voter en faveur de tels accords.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de m’avoir écoutée avec attention. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a quelques mois, j’interpellais M. Hortefeux dans le cadre d’une question d’actualité sur cette politique dite « d’immigration choisie » et sur ces accords. M. le ministre m’a alors répondu à propos de la signature de ces accords que « la nouvelle politique d’immigration française est parfaitement comprise, partagée, approuvée et encouragée par les pays qui sont des terres d’émigration ». Cet enthousiasme me semble devoir être quelque peu atténué.
La raison d’être de ces accords est non pas, comme M. le ministre nous l’avait vendu ici même, de favoriser l’immigration économique, mais de la réduire à néant, tout comme cela a été fait pour l’immigration familiale. Il suffit de voir le sort qui est réservé à la carte « compétences et talents » pour s’en rendre compte.
Prenons, par exemple, l’accord signé le 25 octobre 2007 avec la République du Congo, qui prévoit de délivrer 150 cartes « compétences et talents ». Plus d’un an après la signature, aucune carte n’a été délivrée à un Congolais !
Pour 2008, vous aviez évoqué un objectif global de 2 000 cartes « compétences et talents ». Où en sommes-nous aujourd’hui ? Il est intéressant de faire le point de la situation.
En ce qui concerne les ressortissants des États signataires des accords dont nous discutons aujourd'hui, une carte a été délivrée à un ressortissant sénégalais, trois cartes à des ressortissants béninois et trente-six cartes à des ressortissants tunisiens.
Au total, trois cent vingt-six cartes ont été délivrées en 2008 pour un objectif de deux mille cartes. Nous en sommes encore très loin !
Est-ce là la destinée que vous réservez à ces accords ? Est-ce ainsi que vous appréhendez les compétences et talents de ces pays : en ne leur laissant aucune place ?
En créant cette carte, vous avez signifié à ces pays que la France pouvait s’enrichir de leurs talents, que leurs ressortissants pouvaient contribuer au rayonnement de la France, mais aussi de leur pays d’origine, dans les domaines culturel, scientifique et humanitaire. Aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence : ces immigrés ne vous intéressent pas !
Dans ces conditions, à quoi servent ces accords ? La réponse se trouve dans les clauses relatives à la réadmission. En effet, si l’on étudie de plus près ces accords, il faut admettre que leur raison d’être est moins la mise en œuvre d’une politique concertée des flux migratoires qu’une politique efficace de refoulement des étrangers vers les pays signataires.
La question de la réadmission est omniprésente dans ces accords, sous des formes variées et en prenant des précautions lexicales qui ne parviennent pas à masquer la réalité de ce que la France souhaite imposer aux États signataires : l’obligation de reprendre sur leur territoire des ressortissants en situation irrégulière.
D’une politique censée limiter l’immigration familiale au profit de l’immigration professionnelle on passe à une politique visant à proscrire les étrangers de notre territoire. Vous ne pouvez pas nier, monsieur le secrétaire d'État, que la question de la réadmission a posé des problèmes lors de la négociation de ces accords.
Vous le savez également, la délivrance des laissez-passer consulaires est très faible. On peut même dire que le nombre de laissez-passer consulaires ne cesse de baisser. Pour la République du Congo, sur cent douze demandes formulées par la France en 2007, seuls vingt-trois laissez-passer ont été octroyés, soit un taux de 20 %. L’exemple du Sénégal à cet égard est également frappant : alors qu’en 2005 le Sénégal répondait positivement à 55 % des demandes de réadmission, ce taux est passé en 2007 à 37 %.
Comment pouvez-vous dire que votre politique est comprise, partagée, si les États signataires de ces accords refusent de plus en plus de reconnaître leurs ressortissants ? À un taux de demande constante, jamais les États n’ont aussi peu reconnu leurs ressortissants, d’où la nécessité de ces accords, notamment avec le Sénégal. L’avenant signé par cet État en février 2008 constitue un bijou d’ingéniosité : il n’est rien d’autre qu’un « tour de vis » pour obliger les États à reconnaître leurs ressortissants.
En lieu et place d’une reconnaissance explicite de la part de l’État supposé d’origine, vous avez mis en place un système de présomption de nationalité largement favorable à une augmentation du taux d’attribution des laissez-passer.
L’article 3 de l’avenant complète en effet l’article 42 de l’accord du 23 septembre 2006, en mettant en place une procédure d’une complexité inouïe, venant se substituer à la reconnaissance habituelle. Autrement dit, il s’agit non plus d’une demande de reconnaissance, mais d’une quasi-obligation de reconnaissance.
Sans détailler cette procédure, je souhaite en dire quelques mots.
La reconduite se fondera non plus sur une reconnaissance explicite, mais sur une présomption de nationalité. Ainsi, il pourra y avoir éloignement sur la simple base d’un document faisant état d’un commencement de preuve de nationalité, par exemple un procès-verbal des déclarations de l’étranger.
L’ironie du sort est que certains des États auxquels vous demandez de reconnaître l’un de leur ressortissant sont considérés par le ministère de l'immigration, par décret, comme ayant un état-civil défaillant ou frauduleux, conformément à l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatif aux tests ADN !
Vous vous contentez de n’importe quel document pour établir l’état-civil de certains étrangers quand il s’agit de les renvoyer dans leur pays. En revanche, vous exigez un test ADN, en doutant de la fiabilité de leur état-civil, quand il s’agit d’une demande de regroupement familial, et ce pour le même pays. C’est un comble ! C’est la reconnaissance d’un état-civil à géométrie variable pour certains États.
Telle est la réalité de ces accords ! Leur véritable raison d’être est tout simplement d’organiser la réadmission de manière plus efficace pour permettre une augmentation des reconductions à la frontière. Ce schéma est le même pour tous les accords, avec des variations mineures, notamment au sujet des délais.
Monsieur le secrétaire d'État, en droit, on qualifie de « léonins » les accords déséquilibrés, où une partie prend sans donner, à l’image du lion dans la fable de La Fontaine. Les accords que vous nous présentez aujourd'hui sont de ce type : ils imposent des sujétions importantes aux États à la seule fin de satisfaire la France dans sa frénésie des chiffres concernant les reconduites à la frontière.
Tout cela, au mépris de l’aide publique au développement et de toute politique active en matière de développement solidaire et démocratique, ramenée à une banale coopération interétatique. Il suffit de regarder les chiffres de l’aide au développement pour voir l’importance qui est accordée à celle-ci !
Si l’on compare ces accords de gestion concertée des flux migratoires avec le droit commun issu de la loi du 24 juillet 2006, force est de constater qu’ils sont, en réalité, beaucoup plus sévères que celui-ci. Loin de mettre en œuvre le droit existant, ils créent de nouvelles règles plus restrictives, éparses, variables d’un État à l’autre, afin d’obliger l’État signataire à collaborer à une politique qui exclut plus qu’elle ne protège, qui refoule plus qu’elle n’accueille.
Pour toutes ces raisons, les Verts ne voteront pas en faveur de la ratification de ces accords. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous apporter quelques éléments de réponse.
Madame le rapporteur, j’ai noté que vous vous étiez félicitée de l’augmentation des visas de circulation. Ce thème a également été repris par M. Yung et vos propos apportent presque une réponse aux interrogations de ce dernier : il y a bien, effectivement, une augmentation importante des visas de circulation.
Mme le rapporteur a posé une question relative au Conseil de modernisation des politiques publiques : il est vrai que ce dernier a demandé que soient examinées les modalités d’intervention géographiques et sectorielles. La réflexion est en cours, car le problème est complexe : il est encore un peu tôt pour annoncer quelle sera la traduction de ces recommandations pour chacun des pays de la zone de solidarité prioritaire. Le Gouvernement a pris des engagements, et ils seront respectés ; vous connaissez son attachement à cette zone de solidarité prioritaire.
Pour répondre à M. Yung, les métiers qualifiés ne sont pas les seuls concernés par ces accords. Il suffit de lire les listes, notamment pour le Sénégal ou la Tunisie, pour constater que de nombreux métiers y figurent. Vous avez également regretté, monsieur le sénateur, que les visas de circulation ne soient pas attribués en nombre suffisant. Le Gouvernement partage cette appréciation ; c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ces accords sont conclus. Nous pouvons d’ores et déjà constater une hausse relativement importante : pour prendre à nouveau l’exemple du Sénégal, le taux de délivrance des visas de circulation est passé de 15 % en 2004 à 22 % en novembre 2007.
Madame Assassi, vous avez employé le terme « chantage » ; le mot est un peu fort ! C’est tout le contraire : dans un grand nombre de cas, après avoir, il est vrai, suscité quelques inquiétudes, ces accords ont finalement été sollicités par bon nombre de pays avec lesquels Brice Hortefeux est entré en discussion. Je vous fais grâce de tous les commentaires positifs qui me sont parvenus à la suite des entretiens et des négociations conduits par mon collègue avec les chefs d’États africains : les observateurs s’accordent à dire que cette politique est aujourd’hui acceptée par les pays de départ, qui y trouvent très souvent une contrepartie intéressante. Nous ne menons donc pas une politique à sens unique.
Le ministère de l’immigration, malgré une équipe restreinte de dix personnes, a mené quasiment à terme plus de cent vingt projets concernant vingt-trois pays qui sont une source d’immigration. Sept accords de gestion concertée ont été conclus, madame le rapporteur, avec le Gabon, le Congo, le Bénin, le Sénégal, la Tunisie, l’île Maurice et le Cap-Vert. D’autres accords sont en discussion et seront rapidement soumis au Parlement pour ratification.
Mme Boumediene-Thiery a regretté que le nombre de cartes « compétences et talents » accordées soit encore insuffisant.
M. Richard Yung. Elle a raison !
M. Alain Joyandet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, les accords que nous soumettons aujourd’hui à la Haute Assemblée ne peuvent évidemment pas encore être techniquement mis en application ! Une fois qu’ils auront été ratifiés, nous pourrons engager les procédures et je suis persuadé que les résultats seront alors bien meilleurs.
Mme Alima Boumediene-Thiery. On en parle depuis 2006 !
M. Alain Joyandet, secrétaire d’État. En conclusion, il est peut-être intéressant que ce soit le secrétaire d’État chargé de la coopération qui vous soumette aujourd’hui ces accords, lesquels sont traditionnellement présentés par le ministère des affaires étrangères : je peux ainsi vous apporter un témoignage positif. Car, comme Brice Hortefeux, je parcours l’Afrique pour traiter de sujets relatifs au développement et à la coopération et je peux vous assurer de l’acceptation de cette nouvelle politique de gestion des flux migratoires et de développement.
Il n’existe pas de lien direct entre la gestion des flux migratoires et la mise en œuvre de notre politique de développement. Je tiens à rassurer complètement Mme Tasca : notre zone de solidarité prioritaire demeure prioritaire.
L’affectation des moyens de notre politique de développement n’est pas subordonnée à l’acceptation de contrats d’immigration par tel ou tel pays de départ. Cela dit, nous ne pouvons pas aborder la question du développement sans parler de la gestion des flux migratoires, et vice versa : les deux phénomènes sont totalement liés. Si nous accentuons nos politiques de développement, nous aurons nécessairement moins de problèmes de migrations, puisque ceux qui choisissent d’émigrer le font non pas par plaisir, mais parce que leur pays connaît des difficultés de développement.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Alain Joyandet, secrétaire d’État. Donc, mesdames, messieurs les sénateurs, je travaille d’un commun accord avec le ministre de l’immigration. J’insiste d’ailleurs sur le fait que nous sommes venus ensemble, avec Brice Hortefeux, présenter ces accords devant vos commissions, car nos politiques ne sont pas opposées : elles sont complémentaires et reflètent bien la cohérence de l’approche du Président de la République et du Gouvernement de ces problèmes de l’immigration et du développement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
accord avec le bénin
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement.
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (ensemble cinq annexes), signé à Cotonou le 28 novembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Ils ne sont pas là !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Quelle démocratie !
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 62 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 139 |
Le Sénat a adopté.
accord avec le congo
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement.
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (ensemble quatre annexes), signé à Brazzaville le 25 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec le sénégal
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant.
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal (ensemble trois annexes et une déclaration), signé à Dakar le 23 septembre 2006, et de l’avenant (ensemble deux annexes), signé à Dakar le 25 février 2008, et dont les textes sont annexés à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec la tunisie
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne.
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations (ensemble deux annexes) et du protocole en matière de développement solidaire (ensemble trois annexes), signés à Tunis le 28 avril 2008, et dont les textes sont annexés à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
7
Conventions internationales
Adoption de six projets de loi en procédure simplifiée
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de six projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces six projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
accord de partenariat et de coopération entre les communautés européennes et le tadjikistan
Article unique
Est autorisée la ratification de l’accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République du Tadjikistan, d’autre part (ensemble quatre annexes, un protocole et un acte final), et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République du Tadjikistan, d’autre part (nos 37 et 126).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
accord avec le brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces, signé à Paris le 29 janvier 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation d’un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces (nos 122 et 128).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
déclaration de certains gouvernements européens relative au centre spatial guyanais
Article unique
Est autorisée l'approbation de la déclaration de certains Gouvernements européens relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais (CSG), adoptée à Paris le 30 mars 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d’exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais (nos 89 et 127).
(Le projet de loi est adopté.)
protocole relatif au centre spatial guyanais
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole portant amendement de l'accord entre le Gouvernement français et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (CSG), signé à Paris le 12 décembre 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation du protocole portant amendement de l’accord entre le Gouvernement français et l’Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (CSG) (nos 90 et 127).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec l'espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de biriatou
Article unique
Est autorisée la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou, signé à Madrid le 13 novembre 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou (nos 35 et 124).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
accord avec la suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de pontarlier et de vallorbe
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe, signées à Paris le 12 septembre 2002 et le 30 avril 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe (nos 36 et 125).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
8
Report de la désignation des membres de l'Observatoire de la décentralisation
M. le président. Je vous rappelle que la conférence des présidents avait inscrit à notre ordre du jour la désignation des vingt-cinq membres de l’Observatoire de la décentralisation.
Le délai limite pour le dépôt des candidatures avait été fixé aujourd’hui à seize heures trente.
Je constate que trois groupes n’ont pas déposé leurs candidatures.
Je vous propose donc de reporter la désignation des membres de l’Observatoire de la décentralisation à une date ultérieure qui sera fixée par la conférence des présidents.
9
Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des finances a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame Mme Marie-France Beaufils et M. Bernard Vera respectivement membre titulaire et membre suppléant du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics.
10
Gendarmerie nationale
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale (nos 499, 2007–2008, 66 et 67).
Rappel au règlement
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 37, alinéa 1, du règlement du Sénat : « La parole est accordée aux ministres – ce terme est au pluriel –, aux présidents et aux rapporteurs des commissions intéressées quand ils la demandent ».
Or le ministre de la défense ne participera pas au débat qui s’annonce. Nous aurions pourtant souhaité l’entendre car, à l’heure où je vous parle, mes chers collègues, il est encore et toujours le ministre de tutelle de la gendarmerie nationale. Nous nous étonnons de son absence pour une discussion aussi importante et nous la regrettons.
Les gendarmes apprécieront la façon dont le ministre les aura laissés en rase campagne pour un texte qui les concerne d’aussi près. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Boulaud.
Nous avons cependant la chance de bénéficier de la présence de Mme la ministre de l’intérieur, qui a une connaissance parfaite du ministère de la défense, et qui honore habituellement de sa présence, je suis heureux de le souligner, la séance de questions orales du mardi de la Haute Assemblée, ce qui n’est pas le cas de tous les ministres. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Discussion générale
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les évènements de ce jour soulignent les exigences de sécurité au service de la protection de nos concitoyens.
Ce matin, à la suite d’une revendication adressée à l’Agence France-presse, des bâtons de dynamite ont été découverts dans un grand magasin. Heureusement, ils ne contenaient pas d’éléments susceptibles de produire une détonation. Mais ce fait est évidemment préoccupant.
La revendication provient d’un groupe inconnu de tous nos services de sécurité. Les forces de l’ordre sont immédiatement intervenues. Ainsi, avec une très grande réactivité, elles ont mis en place un cordon de sécurité bloquant les rues adjacentes et procédé à l’évacuation des personnes qui se trouvaient à l’intérieur de ce grand magasin et qui, bien sûr, étaient particulièrement nombreuses quelques jours avant Noël. Elles ont ensuite effectué les perquisitions nécessaires, qui ont permis la découverte de la charge.
L’enquête est évidemment en cours pour tenter de déterminer l’origine de ces bâtons de dynamite et identifier les auteurs du dépôt et de la revendication, en vue de leur interpellation et de leur traduction devant la justice.
Par ailleurs, compte tenu de la période sensible que nous traversons, j’ai décidé de renforcer les effectifs employés à la sécurisation de Paris et des grandes villes de province. Dès demain, je tiendrai une réunion consacrée à la sécurité durant cette période, avec les services de police et de gendarmerie, les services de renseignements, les services de sécurité de la RATP, de la SNCF, des grands magasins et d’Aéroports de Paris.
Nous devons faire preuve de prudence et de sérénité, mais il nous faut aussi être vigilants et déterminés. C’est ce que nous faisons chaque fois que la sécurité de nos concitoyens est en jeu.
Cela a un rapport très direct avec le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter à la Haute Assemblée aujourd’hui et qui organise le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur.
Je n’ai pas besoin de le préciser, surtout ici, la gendarmerie est une force armée, chargée de la sûreté et de la sécurité publiques. Elle l’est aujourd’hui ; elle le restera demain.
Depuis la loi du 28 germinal an VI, aucune loi n’a été adoptée sur le statut et les missions de la gendarmerie nationale.
Pour la première fois dans l’histoire de notre République, les deux forces de sécurité, civile et militaire, seront placées sous la responsabilité pleine et entière du ministre de l’intérieur, même si, depuis 2002, la gendarmerie est déjà placée pour emploi, pour ses missions sur le territoire, sous la responsabilité du ministre de l’intérieur.
Ce rattachement est important au moment où je souhaite constituer un grand ministère moderne de la sécurité, au service de la protection des Français. La gendarmerie nationale doit y tenir toute sa place. Le projet de loi vise à lui donner les moyens de participer pleinement à la mise en place de ce grand ministère. Il répond ainsi à une exigence de modernisation et d’efficacité. Dans le même temps, il conforte l’identité militaire de la gendarmerie, car c’est aussi une condition de cette modernisation et de cette efficacité.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur est logique.
Premièrement, l’environnement de la sécurité intérieure se modifiant, l’organisation de celle-ci doit évoluer.
Le poids des missions de sécurité intérieure de la gendarmerie a justifié son rattachement pour emploi au ministère de l’intérieur en 2002. Aujourd’hui, il faut aller au bout de la démarche.
Vous l’avez souvent souligné au sein de la Haute Assemblée, la séparation entre les missions et les moyens nécessaires à leur exécution se révèle artificielle. Confier le budget au responsable de l’emploi constitue une exigence de rationalité et d’efficacité.
D’ailleurs, l’esprit de la LOLF et, temporairement, les contraintes budgétaires imposent plus que jamais la cohérence des actions de l’État. Que la mission « Sécurité » dépende du ministre de l’intérieur au travers des deux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » est donc logique et nous fera progresser. En effet, les mutualisations et regroupements de marchés, facilités par le rapprochement en matière de gestion des moyens, nous permettront d’améliorer à la fois les coûts et l’interopérabilité entre les forces de la police nationale et de la gendarmerie nationale.
Deuxièmement, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur permettra de moderniser un certain nombre de procédures qui, parfois, datent du XIXe siècle.
Il en va ainsi de l’abandon de la procédure de réquisition pour l’engagement des unités de gendarmerie au maintien de l’ordre. Permettez-moi d’insister un peu sur ce point, qui, je le sais, a fait débat, notamment au sein de vos commissions.
Je rappelle que la réquisition permet à l’autorité civile d’obtenir la mise en œuvre de moyens dont elle ne dispose pas normalement, notamment les forces armées pour le maintien de l’ordre. C’est un héritage de la Révolution qui a été ensuite transcrit dans le code de la défense.
Mais dès lors que la gendarmerie est placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur, cette procédure formelle n’a plus lieu d’être, quand bien même la gendarmerie reste une force militaire. Il serait quand même assez peu cohérent que le ministre soit contraint de requérir une force dont il dispose.
M. Jean-Louis Carrère. Donc, elle perd son statut !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Non, la gendarmerie ne perd pas son statut !
Cela ne veut pas dire que tout formalisme disparaît. Personne n’imagine, par exemple, que, pour l’emploi des véhicules blindés, l’autorisation du Premier ministre, ou par délégation celle du préfet de zone, puisse être supprimée ; il n’en est pas question ! Dès lors que des moyens importants existent, cela se fait tout naturellement.
Mais il faut aussi faire preuve d’un minimum de logique. D'ailleurs, vos commissions ont accepté le principe de l’abandon de la réquisition. Un dispositif réglementaire, à leur demande, permettra toutefois d’encadrer le recours à des moyens militaires spécifiques, qui sont des moyens lourds, ou à l’usage des armes les plus significatives en cas de besoin.
Le maintien de l’ordre public, nous le savons tous, exige de la maîtrise, du sang-froid, de la mesure, de la retenue. C’est d'ailleurs l’une des caractéristiques des forces de l’ordre françaises et l’une des raisons pour lesquelles nous servons souvent de référence et d’exemple à l’étranger. Cela est vrai des forces déployées sur le terrain, de leurs chefs et des autorités civiles.
Gendarmes et policiers sont formés, préparés, entraînés dans cet état d’esprit. À comparer la façon dont sont gérés des événements similaires chez un certain nombre de nos voisins, qu’il s’agisse des États-Unis ou d’autres grands pays, on voit bien la différence et le rôle que joue la formation.
M. Didier Boulaud. Nous sommes les meilleurs !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mais oui, et j’en suis fière ! De temps en temps, il faut savoir dire que nous sommes les meilleurs parce que c’est reconnaître à leur juste valeur les qualités des policiers et des gendarmes français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) .
Soyons lucides : malgré cette maîtrise, nous ne sommes pas à l’abri d’un incident grave. C’est la raison pour laquelle je prépare aussi, parce que je veux que les choses soient claires, une instruction permanente sur le maintien de l’ordre garantissant la traçabilité des ordres donnés en toutes circonstances : je veux savoir qui fait quoi !
Je souhaite aussi, et les responsables le savent, chaque fois que des opérations lourdes sont menées, que des films soient tournés en permanence parce que j’en ai assez que soient diffusées des images enregistrées à partir de téléphones portables et qui ne montrent que ce que l’on veut bien montrer.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien ! (MM. Robert del Picchia et M. Alain Gournac approuvent également.)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela évitera un certain nombre de polémiques stériles qui mettent injustement en cause les forces de l’ordre, en oubliant trop souvent les provocations dont elles sont préalablement l’objet.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
Mme Michelle Demessine. On s’engage sur une drôle de voie !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois. C’est la bonne voie !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Un autre élément de modernisation concerne l’articulation claire de l’autorité du préfet et du commandement militaire. Là aussi, je le sais, cette question a suscité un certain nombre de débats au sein de vos commissions et j’ai d'ailleurs eu l’occasion d’apporter des réponses.
Je rappellerai simplement que, depuis six ans, sans que m’ait été transmis, ni comme ministre de la défense ni comme ministre de l’intérieur, aucun signe de difficulté, cette articulation entre l’action du préfet et celle du commandement militaire des gendarmes s’est déroulée sur le terrain en de nombreuses occasions.
Aujourd'hui, l’autorité du représentant de l’État s’exerce déjà sur les services de police, bien sûr, et sur les unités de gendarmerie. Le préfet fixe les missions, c’est la moindre des choses. La hiérarchie militaire de la gendarmerie détermine, elle, les moyens opérationnels d’organisation et d’exécution de la mission, puis le commandement rend compte de l’exécution de ces missions et des résultats obtenus au préfet.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C’est ce qui se passe et c’est ce que nous inscrivons dans la loi.
Ni le préfet ni ses collaborateurs n’ont à s’immiscer dans le détail de l’organisation ou de l’exécution du service. D'ailleurs, ils n’ont pas la formation requise, la plupart du temps, sauf lorsqu’il s’agit de préfets issus de la gendarmerie ; il y en a un certain nombre.
M. Didier Boulaud. Si tout fonctionne, pourquoi changer ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, s’il y a modernisation, il doit aussi y avoir, et d’une façon déterminée, maintien d’un certain nombre de principes.
L’un de ces principes, auquel je suis attachée – vous le savez tous pour m’avoir souvent entendu l’affirmer au cours de ces dernières années –, c’est que la gendarmerie est l’un des piliers de la République. En confortant son identité militaire, le projet de loi réaffirme sa place au cœur de notre pacte républicain. En effet, je le répète une nouvelle fois, car c’est ma conviction profonde, la France a besoin d’une force de sécurité à statut militaire. (Applaudissements sur le banc des commissions.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo ! (Mme Michelle Demessine s’exclame.)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Et là, nous avons les bases de la démocratie et de la République.
Héritière d’une longue histoire, la gendarmerie a toujours su démontrer sa capacité d’adaptation grâce, notamment, à l’éventail de ses savoir-faire, qui est l’une de ses caractéristiques, et à ses compétences.
La gendarmerie assure et doit continuer d’assurer la couverture du territoire national, aussi bien en métropole qu’outre-mer. Elle sait allier les modes d’action militaire et l’exercice de la police administrative et judiciaire, dans des conditions parfois difficiles. Elle le démontre et je pense que nous pouvons tous saluer ce qui se fait en Guyane dans la lutte contre l’orpaillage.
M. Jean-Louis Carrère. C’est ce que vous faites que l’on ne salue pas !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je parle de ce que font les gendarmes ! Je considère qu’ils doivent en être remerciés, parce qu’ils travaillent dans des conditions particulièrement ardues et qu’ils essuient régulièrement des coups de feu.
M. Jean-Louis Carrère. Hors sujet !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La gendarmerie sait aussi se mobiliser à tout moment, en temps de paix, en temps de crise, voire en temps de guerre. Sa présence au sein de la mission de l’Union européenne en Géorgie, au Kosovo, en Côte d’Ivoire, notamment, en est l’illustration.
C’est autour d’elle que j’ai pu créer la force européenne de gendarmerie, qui est un outil de gestion de crise ou de sortie de crise sans équivalent, et cela a entraîné l’adhésion de nos vingt-sept partenaires.
La gendarmerie est, ne l’oublions jamais, une condition d’effectivité de la démocratie dans sa traduction quotidienne. Son encadrement, ses valeurs, son esprit de discipline lui dictent le strict respect des droits de la personne humaine en toutes circonstances ; je l’ai souvent constaté.
Elle garantit aux magistrats le libre choix dans l’exercice de la police judiciaire, et cela aussi est une base de notre démocratie.
Elle assure la continuité de l’État sur tous les territoires de la République.
L’équilibre entre police et gendarmerie est le corollaire de cette double participation à la protection de nos concitoyens.
Il n’est pas question d’aller vers une fusion de la police et de la gendarmerie,…
M. Didier Boulaud. Ce sera pour la prochaine fois !
M. Didier Boulaud. En tant que ministre de la défense, vous aviez assuré que la gendarmerie ne serait jamais rattachée au ministère de l’intérieur !
M. Jean-Louis Carrère. C’est comme le porte-avions !
M. Didier Boulaud. Non !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ce sera d'ailleurs, au-delà de ma personne, la garantie pour les gendarmes qu’ils conserveront toujours leur statut militaire. J’attends donc que, sur ce point, vous soyez unanimes, mesdames, messieurs les sénateurs. Sinon, cela laisserait entendre que vous avez derrière la tête d’autres idées, qui sont radicalement opposées aux miennes en la matière. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il n’est pas question, je le répète, de fusion entre la police et la gendarmerie. Le Président de la République l’a affirmé : chacune de ces institutions a sa culture, son histoire, son identité et la différence des statuts est un atout pour notre pays.
M. Didier Boulaud. Il va sûrement changer d’avis !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Dans le même temps, l’équilibre doit être respecté entre la police et la gendarmerie.
L’équilibre, c’est la complémentarité des missions, qu’il s’agisse de la police judiciaire, de l'ordre public, du renseignement ou de l’international.
L’équilibre, c’est également le respect des zones de compétence. Il n’est pas question de détourner les effectifs de la gendarmerie pour renforcer au quotidien la police nationale dans sa zone de compétence,…
M. Didier Boulaud. On verra !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … ce qui n’empêche pas, en tant que de besoin, que policiers et gendarmes puissent se prêter main-forte, comme ils le font déjà dans des circonstances exceptionnelles.
M. Jean-Louis Carrère. Ça commence !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L’équilibre, enfin, est lié à la parité de traitement dans le respect des différences de statut. C’est également un point auquel je suis attachée et j’ai mis les structures en place pour que cette parité soit assurée, dans le respect des spécificités statutaires.
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’en respectez aucune !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. À ce propos, je constate qu’il n’y a que des hommes sur les travées socialistes ; il faudrait peut-être faire un petit effort…
Mme Virginie Klès. Pardon, je suis là !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Excusez-moi ! Un sur six : au-delà, ils auraient sans doute peur ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas l’UMP qui va nous donner des leçons en matière de parité !
M. Alain Gournac. Revoilà les donneurs de leçons !
M. Didier Boulaud. La parité, c’est nous qui l’avons instituée !
M. Jean-Louis Carrère. Et la décentralisation aussi !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. En attendant, c’est moi qui suis ici ! Vous n’avez pas fait la même chose !
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis conforte le statut militaire de la gendarmerie.
Il définit la gendarmerie comme une force armée, instituée pour veiller à la sûreté et à la sécurité publique.
Il fixe ses missions, en rappelant qu’elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation.
Il répartit les attributions des ministres de l’intérieur, de la défense et de l’autorité judiciaire, en soulignant celles du ministre de la défense, en particulier pour l’exécution des missions militaires.
Il précise les sujétions et obligations imposées aux officiers et sous-officiers en matière d’emploi et de logement en caserne. Il renforce ainsi la capacité de la gendarmerie nationale à assurer ses missions à tout moment et en tout lieu de sa zone de compétence.
Plusieurs mesures découlent d'ailleurs de ces dispositions.
D’abord, le recrutement dans les grandes écoles militaires…
M. Jean-Louis Carrère. Châtellerault !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … contribue à former des gendarmes qui reçoivent les bases de l’éthique et du savoir-faire propre à la gendarmerie. Ce recrutement dans les grandes écoles militaires sera maintenu, contrairement à ce que certains de vos amis avaient prévu,…
M. Jean-Louis Carrère. Nos amis du Front populaire !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. …puisque les gendarmes échappaient, si je puis dire, pour leur formation, aux grandes écoles militaires. Je pense que c’était une erreur.
M. Jean-Louis Carrère. Tout ce qui est mal vient de nous !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je l’ai rectifiée en inscrivant cette disposition dans le projet de loi de façon que personne, en particulier sur les travées de la gauche, ne puisse revenir sur ce sujet.
Par ailleurs, la participation aux opérations extérieures permettra aux militaires de la gendarmerie de cultiver les valeurs militaires et de renforcer leurs liens avec leurs camarades des armées.
Enfin, la défense continuera d’assurer une partie des soutiens, qu’il s’agisse de la santé – le service de santé des armées restera compétent pour les militaires de la gendarmerie –, du paiement de la solde ou du transport opérationnel.
J’ai passé avec le ministre de la défense trente conventions qui, dans trente domaines différents, perpétuent le soutien du ministère de la défense aux militaires de la gendarmerie.
M. Didier Boulaud. Ça va simplifier les choses !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La concertation dans la gendarmerie restera soumise aux règles en vigueur au sein de la défense. Le ministre de l’intérieur sera toutefois appelé à coprésider le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie nationale.
En conséquence, la création de groupements professionnels demeurera bien entendu proscrite, car elle n’est ni souhaitable ni nécessaire : le statut militaire, que j’ai modifié en 2005, garantit aux militaires une très large liberté d’expression. Il est hors de question que les militaires puissent se regrouper en syndicats.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi soumis à votre examen repose sur une vision exigeante de la protection des Français, une vision moderne, soucieuse d’adapter l’architecture de notre sécurité intérieure aux nombreux défis du XXIe siècle, une vision pragmatique, consciente des atouts d’une force militaire de sécurité pour notre action quotidienne sur le terrain, une vision ambitieuse, fondée sur l’efficacité, la coordination et la réactivité des deux forces de sécurité, au service des citoyens.
Cette vision est la mienne et celle du Gouvernement. C’est aussi celle, j’en ai la conviction, des membres de la Haute Assemblée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Les militaires de la gendarmerie, qui savent votre soutien et votre détermination, vous remercieront de la partager. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Didier Boulaud. Wait and see !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Faure, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’indiquerai en préambule dans quel état d’esprit nous avons abordé l’examen de ce projet de loi : ce qui a prévalu pour nous, au-delà des intérêts de la gendarmerie, de la police, du ministère de l’intérieur ou du ministère chargé des finances, c’est le service des Français.
Nous sommes sensibles au fait que le Sénat soit saisi en premier de ce projet de loi, qui présente un caractère historique. En effet, depuis la loi du 28 germinal an VI, soit depuis 1798, aucune loi sur l’organisation et les missions de la gendarmerie n’avait été adoptée. Les règles régissant le statut et les missions de la gendarmerie nationale reposent sur un simple décret datant de 1903.
Au-delà de son caractère historique, ce projet de loi comporte des innovations majeures.
Ainsi, il organise le transfert de la tutelle organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007. Cette mesure constitue une profonde réforme pour une institution placée depuis l’origine sous l’autorité du ministre de la défense.
Avant même l’annonce de cette réforme, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait décidé de constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation de la gendarmerie.
Ce groupe de travail, que j’ai eu l’honneur de présider, était composé de nos collègues Michèle Demessine, Hubert Haenel, Philippe Madrelle, Charles Pasqua, Yves Pozzo di Borgo et André Rouvière.
De décembre 2007 à mars 2008, notre groupe de travail a procédé à de nombreuses auditions et à plusieurs déplacements sur le terrain.
À l’issue de nos travaux, nous avons présenté dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par la commission et publiées dans un rapport d’information en avril dernier.
Pour l’examen du projet de loi, je me suis fondé sur ces recommandations.
J’ai également entendu une quinzaine de personnalités, dont les représentants des différents ministères, mais aussi des anciens directeurs généraux et des officiers de gendarmerie, des préfets, des magistrats et des représentants d’associations de retraités.
J’ai voulu m’inspirer d’une phrase figurant dans le préambule du décret du 20 mai 1903 : il faut « bien définir la part d’action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie, afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l’élasticité ou l’obscurité de quelques articles ».
À l’issue de ces travaux, j’ai proposé dix-huit amendements, qui ont tous été adoptés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
À cet égard, je voudrais saluer ici le travail mené en commun, marqué par une grande convergence de vues, avec la commission des lois, son président et son rapporteur pour avis, notre collègue Jean-Patrick Courtois. La plupart des amendements adoptés par nos deux commissions sont, en effet, très proches ou complémentaires.
Quelles sont les principales préoccupations qui ressortent de ces amendements ?
Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, lors de votre audition devant nos deux commissions, ce rattachement constitue moins une rupture que l’aboutissement d’une évolution commencée en 2002.
En effet, depuis un décret du 15 mai 2002, la gendarmerie nationale est placée pour emploi auprès du ministre de l’intérieur pour l’exercice de ses missions de sécurité intérieure.
Plus récemment, en 2007, a été établie une responsabilité conjointe du ministre de l’intérieur et du ministre de la défense concernant la définition des moyens budgétaires de la gendarmerie et de son suivi.
On peut donc dire que la gendarmerie dépend déjà largement aujourd’hui du ministre de l’intérieur.
Toutefois, le système actuel est bancal, car le ministère de l’intérieur est responsable de l’emploi de la gendarmerie, mais ne dispose pas des deux leviers importants que sont le budget et la gestion des carrières, qui continuent de relever du ministre de la défense.
Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l’intérieur permettra de réaliser l’unicité de commandement et de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la criminalité, et ainsi d’améliorer la protection des Français. Rappelons que les missions de sécurité intérieure représentent actuellement 95 % de l’activité de la gendarmerie, et ses missions militaires seulement 5 %.
Ce rapprochement permettra aussi de développer les mutualisations et les synergies de moyens entre les deux forces. Ainsi, les hélicoptères de la gendarmerie pourront être engagés au profit des deux forces, ce qui évitera de créer une deuxième flotte très coûteuse.
De même, la mutualisation pourra être développée, notamment pour l’achat des équipements, le soutien logistique ou encore les systèmes d’information et de communication. Ce rapprochement favorisera donc les économies d’échelle et sera source d’économies pour les contribuables.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur ne doit pas entraîner, vous l’avez solennellement rappelé, madame la ministre, la disparition de son statut militaire et sa fusion avec la police.
La dualité des forces de sécurité, l’une, la police nationale, étant à statut civil, l’autre, la gendarmerie nationale, à statut militaire, n’est pas seulement un héritage historique. Ce principe constitue aussi une garantie pour l’État républicain et pour les citoyens.
M. Jean-Louis Carrère. C’en sera fini !
M. Jean Faure, rapporteur. Comme l’a rappelé le Président de la République, « nous avons besoin dans notre pays d’une force de sécurité à statut militaire capable de faire face à des situations de crise, en métropole, outre-mer ou sur les théâtres d’opérations extérieures ».
Ce principe n’est pas remis en cause par le projet de loi, qui préserve le statut militaire de la gendarmerie nationale : tout en étant placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur, elle restera une « force armée ».
Pour ses missions militaires, la gendarmerie sera placée sous l’autorité du ministre de la défense, qui restera également compétent en matière de discipline. Les officiers et sous-officiers de gendarmerie demeureront donc des militaires, soumis au statut général de ces derniers. Afin de garantir la parité globale de traitement avec les policiers, ils disposeront d’une grille indiciaire spécifique.
Les amendements présentés au nom de la commission visent principalement à préserver le statut militaire de la gendarmerie, à conforter ses missions et son ancrage territorial.
Nous avons ainsi proposé de récrire l’article du projet de loi relatif aux missions de la gendarmerie, afin notamment de rappeler la vocation première de celle-ci : veiller à l’exécution des lois et assurer l’ordre et la sécurité publique dans les zones rurales et périurbaines.
Nos amendements visent également à assurer un équilibre entre l’efficacité de l’action en matière de lutte contre la criminalité et le respect des libertés publiques.
C’est la raison pour laquelle, tout en approuvant la suppression de la procédure de réquisition pour l’emploi de la gendarmerie au maintien de l’ordre, il nous a semblé indispensable de maintenir un minimum de formalisme pour l’utilisation des moyens militaires, comme les véhicules blindés, et pour l’usage des armes de certaines catégories, tant par les gendarmes que par les policiers.
Personne n’imagine, en effet, que des véhicules blindés puissent être employés pour le maintien de l’ordre sans l’ordre écrit de l’autorité politique.
Afin de préserver le dualisme policier, nous avons également souhaité rappeler le rôle essentiel joué par la gendarmerie en matière de police judiciaire et inscrire dans la partie législative du code de procédure pénale le principe du libre choix du service enquêteur.
Ce principe, qui permet aux magistrats de ne pas dépendre d’un seul service pour réaliser leurs enquêtes, constitue en effet une garantie fondamentale d’indépendance de l’autorité judiciaire.
Enfin, il nous a semblé utile d’inscrire dans ce projet de loi l’obligation du logement en caserne, qui participe de la disponibilité et de la proximité des gendarmes avec la population et les élus locaux.
Je sais, madame la ministre, que nous avons une divergence de vues avec le Gouvernement sur l’un de ces amendements, relatif à l’autorité des préfets sur les commandants locaux de gendarmerie.
Entendons-nous bien : il ne s’agit pas pour nous de remettre en cause le rôle de direction et de coordination du préfet, représentant de l’État dans le département en matière de sécurité.
Nos préoccupations portent sur le respect du principe hiérarchique, qui est consubstantiel au statut militaire, et sur le respect des zones de compétence respectives de la police et de la gendarmerie.
Ne risque-t-on pas, en effet, d’en venir à ce que les gendarmes soient appelés en renfort des policiers dans les grandes agglomérations, au détriment du maintien de la sécurité dans les zones rurales et périurbaines, qui constitue pourtant leur vocation première ?
Je ne doute pas que nous parviendrons à trouver une formulation qui réponde à ces préoccupations.
Enfin, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur pose la question de la coexistence d’une force armée telle que la gendarmerie et d’une force de police nationale où le syndicalisme est reconnu.
Dès lors que les gendarmes et les policiers seront placés sous une tutelle unique, comment éviter que ne s’expriment des revendications accrues tendant à un alignement des deux statuts, ce qui aboutirait inévitablement à un effacement du statut militaire de la gendarmerie et à la fusion de celle-ci avec la police ?
Madame la ministre, vous l’avez clairement rappelé : le syndicalisme est par nature incompatible avec le statut militaire. La gendarmerie doit donc continuer de relever des instances de concertation propres aux armées.
Toutefois, il paraît nécessaire de définir de nouvelles modalités de participation du ministère de la défense aux instances de concertation de la gendarmerie. Les règles relatives au fonctionnement des instances de concertation relevant, pour l’essentiel, du domaine réglementaire, nous n’avons pas souhaité modifier le projet de loi sur ce point.
Je crois cependant utile, madame la ministre, que vous nous indiquiez quelles mesures seront prises pour assurer la coexistence harmonieuse des deux forces au sein de votre ministère.
La principale force de la gendarmerie, ce sont ces femmes et ces hommes qui témoignent quotidiennement, par leur disponibilité, leur dévouement, leur sacrifice parfois, de leur engagement au service de la population.
Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je veux leur témoigner ici notre reconnaissance pour leur action au service de la sécurité des Français.
Sous réserve de l’adoption des amendements que j’ai évoqués, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a adopté et déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat – il convient de le souligner – le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale.
Conformément à la demande formulée par le Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007, ce projet de loi organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur.
Ce rattachement organique est l’aboutissement logique d’une évolution entamée en 2002 avec le placement de la gendarmerie pour emploi auprès de ce même ministère. Il s’accompagne simultanément d’une réaffirmation du statut militaire de la gendarmerie, condition nécessaire au maintien du dualisme « policier » français.
Compte tenu de l’attachement du Sénat au statut militaire de la gendarmerie, ce projet de loi a été renvoyé au fond à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, notre collègue Jean Faure ayant été désigné comme rapporteur. Je tiens à souligner que Jean Faure et moi-même avons travaillé en commun tout au long de l’examen de ce texte, et je voudrais ici le remercier publiquement de sa totale disponibilité et de son écoute.
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Les amendements les plus importants adoptés par la commission des lois sont, pour la plupart d’entre eux, identiques à ceux qu’a retenus la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Si le projet de loi est un texte court, dont l’objet est bien défini, il faut néanmoins remarquer qu’il s’inscrit dans un ensemble de réformes et de réflexions plus larges qui affectent ou affecteront la gendarmerie.
Je citerai ainsi le rattachement du budget de la gendarmerie au ministre de l’intérieur à compter du 1er janvier 2009, les réflexions pour garantir la parité globale de traitement et de carrière entre policiers et gendarmes, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui vise notamment à renforcer le lien entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, la future loi de programmation militaire, et, naturellement, la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
La gendarmerie se trouve donc à un tournant de son histoire. Il convient de le négocier d’autant mieux que l’existence de deux forces de police, l’une étant à statut militaire, est un atout dont la France ne peut et ne doit pas se priver.
En effet, l’existence de deux forces de sécurité intérieure est une richesse à préserver. La gendarmerie, du fait de sa vocation interministérielle et de sa position à la lisière de différents univers, joue un rôle important d’équilibre.
C’est un moyen pour le Gouvernement de se prémunir contre tout mouvement de contestation ou de grève de l’une des deux forces. (M. Didier Boulaud rit.)
C’est aussi une garantie d’indépendance et d’impartialité pour l’autorité judiciaire, qui peut ainsi choisir librement le service de police judiciaire compétent.
En outre, cela crée une émulation entre services enquêteurs et permet, lorsqu’un policier ou un gendarme est mis en cause, de saisir un service enquêteur n’appartenant pas à son corps.
La gendarmerie nationale assure aussi la police judiciaire et la prévôté dans les armées. Ce rôle particulier au sein des forces armées, mais en dehors des armées, explique qu’elle soit qualifiée d’« arme ».
Cette position permet à la gendarmerie de contrôler les armées. À cet égard, elle est indispensable, car les autres solutions ne sont pas satisfaisantes : soit les armées se contrôlent elles-mêmes, soit cette mission incombe à la police nationale, qui ne dispose pas de la culture militaire suffisante.
L’existence de deux forces ayant une organisation et un fonctionnement distincts est également nécessaire pour faire face à des besoins différents.
La police et la gendarmerie sont compétentes sur l’ensemble du territoire de la République, notamment en matière de police judiciaire et de maintien de l’ordre. Elles n’en ont pas moins des zones de compétences privilégiées.
Sur le plan géographique, à la logique de concentration de la population et des unités de la police nationale dans les très grandes agglomérations s’oppose une logique de maîtrise des espaces et des flux pour la gendarmerie nationale. Ces différences commandent le choix de l’organisation et du statut de chaque force.
La maîtrise de 95 % du territoire par la gendarmerie suppose un maillage dense de petites unités très déconcentrées. Une telle organisation requiert une disponibilité totale que seul le statut militaire permet et qui implique le logement en caserne.
Si son utilité n’est pas contestable, le dualisme « policier » doit néanmoins être coordonné et rationalisé pour atteindre son efficacité maximale. Plusieurs écueils doivent être évités : une concurrence exacerbée et des rivalités ; les doublons ; la non-interopérabilité.
Toutefois, il convient de remarquer que ces écueils existent également au sein d’une même force de police ou entre plusieurs forces de police à statut civil : ils ne sont pas spécifiques au dualisme français.
À cet égard, la situation française, qui voit coexister deux forces principales de sécurité intérieure, est relativement concentrée par rapport à celle que connaissent d’autres démocraties comme le Royaume-Uni, les États-Unis ou l’Allemagne, où chaque agglomération ou chaque Land dispose de sa propre force de police.
Tout l’enjeu du projet de loi réside dans cette double exigence : préserver le dualisme et renforcer l’efficacité des deux forces. Je crois, madame le ministre, que, tel qu’il a été amendé par nos commissions, ce texte atteint ces deux objectifs, car il pose les garde-fous nécessaires et ouvre la voie à des coopérations et à des synergies renforcées.
Le projet de loi de finances pour 2009, que nous venons d’examiner, prévoit d’ailleurs de nombreuses mutualisations. Néanmoins, là encore, le souci d’équilibre doit toujours prévaloir. La lutte contre les doublons ou les défauts de coordination, aussi légitime soit-elle, ne doit pas faire perdre de vue les vertus du dualisme.
La mutualisation des moyens ne doit pas être recherchée systématiquement, par principe : en fin de compte, la spécificité des deux forces perdrait sa justification. Sauf exception, la capacité à travailler en commun ne doit pas conduire à fusionner des unités ou services. La concurrence entre deux forces, à la condition qu’elle ne soit pas exacerbée, est aussi un facteur d’efficacité.
Ces remarques valent également pour certaines des fonctions support qui font l’objet des principales mutualisations. À cet égard, je me réjouis par exemple, madame le ministre, que vous ayez confirmé devant la commission des lois que la fusion de l’Institut national de la police scientifique et de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale n’était pas à l’ordre du jour. Il me semble en effet important et même indispensable, dans ce domaine, de conserver deux organismes.
Je ne reviendrai pas sur toutes les dispositions du projet de loi, que mon collègue Jean Faure et vous-même, madame le ministre, avez déjà présentées excellemment. J’insisterai seulement sur l’article 3 du projet de loi, relatif à l’autorité du préfet, qui fait l’objet d’une divergence partielle de points de vue entre les deux commissions.
L’affirmation de manière aussi claire de l’autorité du préfet est importante sur le plan politique, même si l’essentiel du chemin a déjà été parcouru grâce à la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, qui dispose que le préfet dirige l’action de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans le département et que celles-ci doivent lui rendre compte de l’exécution de leurs missions. Lors de votre audition, madame le ministre, vous aviez d’ailleurs déclaré que le projet de loi ne changerait rien à la nature des relations actuelles entre les préfets et la gendarmerie dans les départements.
Dans ces conditions, il est certainement possible de trouver un compromis respectueux du caractère militaire de la gendarmerie et de l’efficacité de l’action de l’État dans le département.
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle a déposés, la commission des lois a émis un avis favorable sur le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Boulaud. Ce n’est pas l’enthousiasme !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les Français aiment leur gendarmerie. Elle s’inscrit dans leurs traditions. Elle fait partie de leur paysage. Elle est ancrée dans leur territoire puisque sa responsabilité s’étend sur 95 % de la superficie de notre pays et couvre 50 % de sa population. Les ruraux sont particulièrement attachés à cette arme qui leur assure la sécurité dans la proximité. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Les contacts qu’elle a établis avec les habitants et leurs élus reposent sur la confiance et une très grande connaissance du milieu et de ses réactions. Ce sont ces liens très particuliers qui, autant que les missions qui lui sont confiées, font l’originalité et la force de la gendarmerie.
Avant même le dépôt du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, notre commission avait décidé de constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie. Présidé par notre collègue Jean Faure, il s’est attaché à établir un état des lieux minutieux des structures de la gendarmerie, ainsi que des aspirations et des préoccupations de ses membres. Ce travail remarquable, auquel je tiens à rendre hommage, a conduit à la formulation de dix-sept recommandations, qui ont contribué de manière très positive à éclairer notre approche du projet de loi. Je veux également féliciter de la qualité de leurs rapports nos collègues Jean Faure et Jean-Patrick Courtois, qui ont analysé avec beaucoup de soin les dispositions du texte et proposé des amendements qui ne manqueront pas de l’enrichir.
Comme l’a indiqué Mme le ministre lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des lois réunies, la réforme qui place la gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’intérieur constitue un aboutissement et non une rupture.
Cette évolution a commencé lorsque la gendarmerie, par un décret du 15 mai 2002, a été placée, pour emploi et pour l’exercice des missions de sécurité intérieure, auprès du ministre de l’intérieur. Après l’établissement en 2007 d’une responsabilité conjointe du ministère de la défense et du ministère de l’intérieur pour la définition des moyens militaires attribués à la gendarmerie et son suivi, le projet de loi consacre le transfert organique de cette arme et son rattachement budgétaire au ministère de l’intérieur à compter du 1er janvier 2009.
Nous faisons nôtre l’argument selon lequel ce rattachement permettra de réaliser l’unicité de commandement des deux forces de sécurité en renforçant leur coopération et la mutualisation de leurs moyens.
Depuis 2002, d’ailleurs, la gendarmerie et la police coopèrent au sein des groupes d’intervention régionaux, les GIR, dans la lutte contre la délinquance violente et les trafics illicites, ainsi qu’au sein de plusieurs offices, tel l’Office central de lutte contre le travail illégal.
La mutualisation conduira à l’acquisition de matériels communs dans le domaine de l’armement, au rapprochement des fichiers judiciaires dédiés à l’analyse criminelle, à une meilleure interopérabilité des réseaux de communication des deux forces, à la réalisation d’entraînements communs et à l’usage partagé des hélicoptères en cas de nécessité.
On s’est beaucoup interrogé sur les dangers que pourrait constituer, pour les libertés publiques, le fait de placer 249 000 policiers et gendarmes dans la même main.
Certains redoutent qu’une telle concentration n’altère le caractère militaire de la gendarmerie et n’amène celle-ci à aligner ses modes de fonctionnement sur ceux de la police nationale, ce qui, cela a été souligné tout à l’heure, pourrait entraîner certaines dérives. D’autres souhaitent que soient maintenus la dualité de la police judiciaire et le libre choix du service enquêteur par le parquet ou le juge d’instruction. D’autres encore craignent que les revendications des uns ou des autres n’aboutissent à un alignement progressif des statuts respectifs de ces forces.
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Notre commission est unanime à vouloir conserver le statut militaire de la gendarmerie, les orateurs qui m’ont précédé y ont déjà insisté. La dualité statutaire des forces de sécurité constitue une garantie contre l’existence d’une « super-police » qui pèserait d’un poids trop lourd dans l’État.
Cependant, le statut militaire suppose que les gendarmes, quelles que puissent être leurs prérogatives, soient soumis aux règles qui régissent les forces armées – toutes les forces armées : la discipline, l’obligation de réserve, l’interdiction d’adhérer à un syndicat ou à un parti politique, l’interdiction de faire grève. Nous ne voulons plus revoir ces manifestations choquantes et inadmissibles au cours desquelles, dans un passé qui n’est pas si éloigné, des personnels en uniforme et en armes se sont permis de huer leur hiérarchie. Je voudrais souligner la contradiction qu’il y a, chez certains, à se déclarer partisans farouches de la dualité des forces de sécurité tout en voulant étendre aux gendarmes le droit syndical et le droit de grève, ce qui conduirait inévitablement à ce statut unique auquel ils prétendent s’opposer ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Comme pour tout corps militaire, l’efficacité et la cohérence de l’action des composantes de la gendarmerie reposent sur le respect de la hiérarchie.
Il est logique que, dans les départements, les forces de sécurité soient placées sous l’autorité du préfet. La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, a posé le principe que celui-ci assurait la coordination de l’ensemble des dispositifs de sécurité intérieure. Le décret du 29 avril 2004 est encore plus précis, puisqu’il stipule que le préfet de département a la charge de l’ordre public. Nous ne sommes pas opposés à ce qu’il soit précisé que, dans les départements, la gendarmerie est placée sous l’autorité du préfet, mais notre commission considère comme essentiel que cette prérogative s’exerce dans le respect de la hiérarchie militaire. Il appartient au préfet de département de fixer au commandement du groupement de la gendarmerie départementale ses objectifs et ses missions, mais le choix des moyens et des modalités d’exécution revient exclusivement à celui à qui il incombe de les mettre en œuvre.
La suppression de la procédure de réquisition pour la plus grande partie des activités de la gendarmerie nationale nous a semblé raisonnable en raison de la lourdeur de cette procédure et de son inadéquation aux missions ordinaires de la gendarmerie.
Les circonstances peuvent cependant conduire à une intervention de grande ampleur des forces de sécurité, impliquant des moyens lourds tels que les véhicules blindés et éventuellement l’usage des armes. Dans de telles conditions, il n’est pas possible de recourir à de simples ordres verbaux pour employer la force. Une procédure d’autorisation est nécessaire, qui se substituerait à la réquisition complémentaire spéciale et dont les modalités seront définies par décret en Conseil d’État.
La parité de traitement avec les policiers fait l’objet d’une forte attente de la part des personnels de la gendarmerie, qui ont le sentiment que, à missions égales, voire plus nombreuses, on observe un décrochage de la rémunération par rapport à celle des policiers. Si l’on veut éviter de nouveaux remous au sein de la gendarmerie, il est nécessaire de créer une grille indiciaire spécifique aux officiers et aux sous-officiers de la gendarmerie ; encore faut-il que sa mise en œuvre n’aboutisse pas à creuser la différence avec le reste de la communauté militaire.
Il en va de même pour les instances de concertation de la gendarmerie : les mécanismes de représentation des personnels doivent s’inspirer des principes qui prévalent pour les autres armes. Le ministre de l’intérieur devra désormais participer au conseil de la fonction militaire de la gendarmerie ou y être représenté.
Il importe enfin que les gendarmes maintiennent un lien de proximité constant avec la population de leur ressort et une présence visible. L’organisation territoriale comme les restructurations éventuelles doivent refléter ce souci et marquer que la gendarmerie reste la force de sécurité du monde rural et de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la rurbanité.
Le transfert de la responsabilité organique de la gendarmerie du ministère de la défense au ministère de l’intérieur ouvre une nouvelle page de l’histoire de cette arme.
À ceux qui redoutent que la concentration des deux forces de sécurité en une seule main ne mette en péril les libertés publiques, on fera observer que c’est l’État de droit qui garantit ces libertés, et non pas seulement le dualisme des forces. Je crois que l’on peut définitivement conjurer le spectre de Joseph Fouché : comme vous n’avez été, madame le ministre, ni régicide, ni terroriste, ni comploteuse, on imagine bien que vous ne mettrez pas vos pas dans les siens ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – M. Robert del Picchia applaudit.)
Le projet de loi que nous examinons maintient la triple spécificité administrative, judiciaire et militaire de la gendarmerie.
En soulignant que la police judiciaire constitue l’une des missions essentielles de la gendarmerie, le législateur, sur l’initiative du rapporteur de notre commission, notre collègue Jean Faure, rappelle très justement que « la gendarmerie […] est une force armée instituée pour veiller […] à l’exécution des lois ».
En confiant au ministre de la défense la responsabilité de la formation initiale, de la conduite des opérations militaires, de la collation des grades et de la discipline, il affirme clairement et maintient le caractère militaire de la gendarmerie.
L’emploi, par le ministre de l’intérieur, de cette force armée est strictement défini et réglementé.
Ce n’est cependant pas seulement dans les textes qu’il faut rechercher des assurances quant au respect des lois et des principes républicains, mais aussi dans le comportement de ceux qui sont chargés de les appliquer et dans la conscience qu’ils ont de leur devoir.
Nous qui côtoyons les personnels de la gendarmerie au quotidien, nous n’éprouvons aucun doute à cet égard. Nous connaissons leur respect scrupuleux de la légalité, leur dévouement, leur professionnalisme, la diligence et parfois le courage et le sang-froid dont ils font preuve dans l’exercice de leurs délicates missions. Nous sommes convaincus qu’ils continueront, dans leur nouveau statut, à faire preuve des vertus qui leur valent l’estime et la confiance de la nation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le week-end dernier, nos amis gendarmes m’avaient conviée à fêter avec eux leur patronne, sainte Geneviève. Ce fut un temps fort de solidarité et d’amitié.
Ce fut aussi pour moi l’occasion de prendre le pouls d’une arme à laquelle je suis, vous le savez, particulièrement attachée. En de nombreuses circonstances, j’ai pu prendre la mesure des valeurs portées par la gendarmerie, rappelées dans un court film qui nous a été projeté ce jour-là. Il traduisait parfaitement l’état d’esprit du général Gilles, appelant ses hommes à être pleinement des militaires, des hommes du terroir et des hommes de la loi : trois caractéristiques qui sont toute la culture et toute l’âme de la gendarmerie.
C’est en raison de mon attachement à la gendarmerie, madame le ministre, que je me permets, avec la plus grande force et une totale conviction, d’appeler votre attention sur les difficultés que me paraît poser ce projet de loi.
Je sais que je défendrai mon point de vue sur le premier problème avec beaucoup moins de véhémence que notre collègue Jean-Pierre Raffarin, qui vous a interpellée voilà quelques jours, lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurité ». Il a alors dit son inquiétude de voir la gendarmerie être placée sous l’autorité du seul ministre de l’intérieur – non pas la vôtre, madame le ministre, mais celle d’un ministre qui, demain, ferait fi de l’indispensable dualité des forces de sécurité intérieure.
L’actuelle séparation organique entre police et gendarmerie est garante du respect des principes républicains que nous sommes nombreux, ici, à défendre de toute notre âme. Deux forces distinctes, placées sous deux autorités différentes, mais œuvrant ensemble à la sécurité des personnes et des biens : ce mode de fonctionnement était-il si inefficace qu’il faille le changer ?
N’avait-on pas, et depuis bien longtemps, compris que police et gendarmerie devaient travailler de façon complémentaire ? N’avions-nous pas instauré des modus vivendi qui ont fait leurs preuves, avec par exemple les GIR, les redécoupages territoriaux, la fidélisation sur les territoires, urbains pour les uns, ruraux ou périurbains pour les autres ?
Depuis 2002, police et gendarmerie sont sous l’autorité fonctionnelle du ministre de l’intérieur et, au plan local, sous celle du préfet. Chacun s’accorde à reconnaître les bons résultats obtenus, sans guerres intestines.
Que peut apporter ce « rattachement », cette « intégration », qui deviendra peut-être demain une « fusion » organique ?
Une meilleure coordination ? Celle-ci est affaire non pas de structures, mais d’hommes.
Une meilleure gestion des ressources humaines ? Cela impliquerait une révolution culturelle, pour que chacune des entités fasse un pas vers l’autre en matière de déroulements de carrières, de représentation au sein d’organismes, syndicaux ou non, de mesures à caractère social.
Une gestion plus efficace des budgets ? Comme les budgets ne vont pas être confondus, mais demeureront rattachés qui à la direction générale de la police nationale, la DGPN, qui à la direction générale de la gendarmerie nationale, la DGGN, ils garderont leurs spécificités propres et, surtout, des niveaux décisionnels distincts – soit le niveau zonal des SGAP, les secrétariats généraux pour l’administration de la police, soit un niveau central avec une gestion déconcentrée à l’échelon régional.
La tâche des préfets pour donner une cohérence à l’action des deux forces ne s’en trouvera pas simplifiée. La détermination des critères d’appréciation des programmes et des BOP, les budgets opérationnels de programmes, pour la police et pour la gendarmerie a d’ailleurs clairement montré les limites d’un exercice de comparaison quasiment impossible à réaliser.
Le deuxième problème fondamental touche aux prérogatives de la gendarmerie en matière de réquisition.
Je voudrais reprendre ici les arguments de deux anciens directeurs généraux de la gendarmerie nationale, anciens présidents de chambre à la Cour de cassation, qui ont dénoncé l’abandon de la procédure de réquisition de la force armée, fondant l’action de la gendarmerie, de statut militaire depuis le décret de 1903.
« Il est insupportable au regard des libertés publiques, écrivaient-ils, que la gendarmerie nationale soit désormais laissée, dans les missions de maintien et de rétablissement de l’ordre public, à la disposition du ministre ainsi qu’à la discrétion des préfets, sans la garantie fondamentale de la procédure de réquisition à force armée. »
Au regard des libertés publiques, il est à mon sens essentiel que la gendarmerie, « force armée instituée pour veiller à la sûreté et à la sécurité publiques », chargée de la « défense […] des intérêts supérieurs de la Nation », soit garante de cet équilibre démocratique qui passe par une procédure spécifique de réquisition à force armée.
Renvoyer à des décrets, fussent-ils pris en Conseil d’État, la définition des procédures d’autorisation de recours à des moyens militaires spécifiques et d’usage des armes à feu pour les nécessités du maintien de l’ordre est un artifice de forme – en aucun cas une réponse de fond – et un pied-de-nez aux valeurs républicaines que je rappelais il y a un instant. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Le troisième problème qu’il me faut mettre en exergue a trait aux conditions d’exercice des missions de la gendarmerie en milieu rural.
Nul n’ignore les engagements pris très récemment par le Gouvernement dans son ensemble et, tout dernièrement, par le Président de la République lui-même, en particulier lors du dernier congrès de l’Association des maires de France. N’a-t-il pas assuré les élus de sa volonté sans faille de préserver l’intégrité des zones rurales, d’y maintenir à toute force les services publics, de s’opposer à des mesures qui tendraient à réduire la présence d’hommes et de femmes qui font encore vivre nos territoires ruraux ?
Qualifiés de « fils des territoires » par le général Gilles, les gendarmes participent très largement, au quotidien, à la vitalité de ces terroirs qui se videraient, n’était l’énergie de nos maires ruraux. Ceux-ci acceptent aujourd’hui d’investir dans des casernes de gendarmerie, contractent des emprunts sur quinze ou vingt ans : si l’on ne suivait que la logique comptable, ils verraient les effectifs de gendarmes se réduire comme peau de chagrin !
Faut-il vraiment aujourd’hui, madame le ministre, décider la répartition des effectifs de gendarmerie à l’aune du nombre de plaintes déposées et du taux d’élucidation des crimes et délits ? Les statistiques sont assurément plus favorables dans ces zones rurales que dans les grands centres urbains. Cependant, n’est-ce pas là, justement, la conséquence de cette présence précieuse, discrète, permanente sur le terrain d’hommes et de femmes en contact direct avec nos populations rurales, d’hommes et de femmes qui tiennent par-dessus tout à leur statut militaire, statut exigeant qui leur donne plus de devoirs que de droits mais qui est le fondement même de leur culture, celle de l’assistance à autrui, de la générosité, du don de soi ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je ne veux certes pas opposer leur culture à celle des policiers et juger l’une par rapport à l’autre. Elles sont différentes, et il nous faut enrichir leur complémentarité. Atteindre cet objectif ne requiert pas ce nouveau cadre législatif.
Mme Michelle Demessine. Tout à fait !
Mme Anne-Marie Escoffier. Le groupe du RDSE, dans sa grande majorité, ne saurait donner son aval à un dispositif qui ravive des souvenirs au goût par trop amer, remontant à une époque qui n’est pas si lointaine. Il croit fermement que le Gouvernement s’honorerait de garder deux forces de l’ordre, gage d’un équilibre sur lequel doit reposer notre démocratie. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. Bravo ! Une intervention à méditer !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici devant un projet de loi au parcours quelque peu étrange : alors qu’il a été déposé en août dernier sur le bureau du Sénat et que le Gouvernement a déclaré l’urgence, il n’est examiné qu’aujourd’hui par notre assemblée. Cet examen est tout de même plus précoce que prévu, puisqu’il était annoncé pour le mois de janvier prochain.
En tout état de cause, la discussion de ce texte arrive trop tard ! La loi de finances a effectivement déjà entériné son approbation, puisque, budgétairement, la gendarmerie a été rattachée au ministère de l’intérieur.
Doit-on en déduire, au fond, que notre débat d’aujourd’hui serait de pure forme et que le Gouvernement aurait fait, une fois de plus, une mauvaise manière au Parlement ?
J’ai lu, madame la ministre, que vous vous affirmiez sereine à l’heure de défendre ce projet de loi rattachant la gendarmerie à votre ministère. Une telle affirmation laisse cependant à penser qu’il pourrait y avoir un doute dans votre esprit. Cela ne serait d’ailleurs pas tout à fait illégitime, car vous ne sembliez pas aussi favorable à ce projet hier, lorsque vous étiez ministre de la défense.
En outre, depuis qu’on l’évoque, de rencontres avec les uns en auditions des autres, on ne voit pas grand-monde s’enthousiasmer pour lui, sur nos travées, bien sûr, mais aussi dans les rangs de la majorité, semble-t-il.
Ce projet de loi a donc été accueilli avec peu d’empressement, a fait l’objet de critiques plus ou moins nettement exprimées. Demandez donc son sentiment à l’ancien Premier ministre qui siège dans vos rangs : nous l’avons entendu en commission affirmer que, en l’état, il ne voterait jamais un tel texte.
En dehors de cette enceinte, une incompréhension plus grande encore, voire une crainte pour l’avenir, se manifeste chez nos collègues élus locaux, qui apprécient la proximité de la gendarmerie, de même que parmi les gendarmes eux-mêmes, quand ils peuvent exprimer, off the record évidemment, ce qu’ils pensent réellement.
Pourquoi ce peu d’enthousiasme ?
S’il ne s’agit pas vraiment, comme vous l’avez annoncé le 16 octobre dernier devant la commissions des lois et celle des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, madame la ministre, d’une réforme « historique », aucune loi sur le statut et les missions de la gendarmerie n’ayant été adoptée depuis la loi du 28 germinal an VI, il ne s’agit pas non plus d’un simple « texte de conclusion d’un processus engagé depuis plusieurs années ».
En fait, ce projet de loi, le premier certes portant sur ce thème depuis 1798, rompt avec une tradition bi-séculaire bien établie dans notre République et respectée hors quelques périodes peu exemplaires en matière de libertés publiques : le Premier Empire, le Second Empire et le régime de Vichy…
En effet, ce texte organise le détachement organique et opérationnel de la défense nationale de l’essentiel des missions de la gendarmerie nationale.
En France, deux forces concourent à la défense de la sécurité intérieure : l’une, la police, est civile ; l’autre, la gendarmerie, est une force militaire pourvue de compétences de police, et non une police à statut militaire. Vous connaissez ce débat !
M. Richard Yung. Très bien !
M. Daniel Reiner. Nous sommes attachés à ces principes et à la dualité entre police et gendarmerie, que ce texte remet profondément en cause en plaçant dans la même main les deux institutions concourant à la préservation des libertés individuelles et à la sécurité collective, fondement du pacte social et républicain.
Ainsi, la gendarmerie est au service à la fois de la défense nationale, du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice, selon les termes de l’article 66 du décret du 20 mai 1903, qui est en quelque sorte la charte de la gendarmerie :
« En plaçant la gendarmerie auprès des diverses autorités pour assurer l’exécution des lois et règlements émanés de l’administration publique, l’intention du Gouvernement est que ces autorités […] ne puissent, dans aucun cas, prétendre exercer un pouvoir exclusif sur cette troupe […]. »
Lors de l’audition que j’ai évoquée précédemment, madame la ministre, je vous avais dit que vous n’étiez guère convaincante pour justifier et expliquer ce texte, car vous ne paraissiez guère convaincue ! (Mme Michelle Demessine rit.) Je peux le comprendre, ce texte balançant en effet entre les contradictions pour tenter de concilier l’inconciliable : il détache la gendarmerie de la défense et réaffirme pourtant son statut militaire. Avouez que cela est contradictoire !
L’article 1er résume à lui seul toutes ces contradictions, qui prévoit que « la gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à la sûreté et la sécurité publiques », mais n’appartient plus aux forces et services des armées placés sous l’autorité du ministère de la défense
En outre, les commandants des unités territoriales seront placés sous l’autorité du préfet. Comment alors respecter et faire respecter le rapport hiérarchique, principe fondamental de l’institution militaire ?
M. Daniel Reiner. Quant à la suppression de la procédure de réquisition, voici ce qu’en pensent d’anciens et éminents directeurs généraux de la gendarmerie : « Il est surprenant voire insupportable au regard des libertés publiques que cette nouvelle armée de l’intérieur riche de 100 000 hommes, disposant d’unités blindées, ait désormais dans ses missions et le maintien et le rétablissement de l’ordre publics, [soit] laissée à la disposition de son “chef et ministre” ainsi qu’à la discrétion des préfets, sans la garantie fondamentale de la procédure de réquisition de la force armée ». Ils ajoutent que « la suppression catégorique de cette procédure pour la gendarmerie ne peut être admise sous cette rédaction ; nous pouvons la qualifier de liberticide ». Voilà une appréciation très sévère, portée par des spécialistes !
En effet, si la réquisition, qui fondamentalement permet à une autorité civile d’obtenir les moyens des forces armées, n’est plus une nécessité, c’est soit parce que le ministère de l’intérieur n’est plus une autorité civile, soit parce que la gendarmerie n’est plus une force armée ; à moins que, dernière hypothèse, les mots n’aient plus de sens !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Ce sont vos paroles qui n’ont plus de sens !
M. Daniel Reiner. Le décret de mai 2002, en confiant la responsabilité de l’emploi de la gendarmerie exclusivement au ministère de l’intérieur pour les missions de sécurité, avait de fait réduit la portée des textes fondamentaux de 1798 et de 1903, qui prévoyaient que la gendarmerie réponde aux sollicitations des ministres de la défense, de la justice, de l’intérieur et même de l’outre-mer. Le décret de 2002 ne constituait donc pas, à vrai dire, une innovation totale, même si, pour le ministre de l’intérieur de l’époque, il était important qu’il apparaisse comme tel : réunir la police et la gendarmerie sous un même commandement, c’est concentrer davantage de pouvoir en une seule personne.
On dit volontiers, sous cape, que les relations entre police et gendarmerie ne sont pas simples. Pourtant elles les ont poursuivies et approfondies, elles ont appris à mutualiser leurs moyens et la formation continue, à échanger leurs expériences et leurs méthodes. On pouvait très bien en rester là, mais tel n’est pas votre choix, madame la ministre.
On a pourtant pu mesurer tout ce qui différencie un gendarme d’un policier : les conditions de travail, la rémunération, le logement, l’action sociale, le droit d’expression et, bien sûr, le sens de l’engagement militaire.
Pour mettre en œuvre le transfert que vous souhaitez et qui ne se résume pas seulement à un volet budgétaire, il vous faudra porter atteinte à l’unité de la gendarmerie. Ainsi, seront maintenues hors du champ du ministère de l’intérieur les gendarmeries spécialisées maritime, de l’air, de l’armement. Pour les autres, il faudra régler, entre le ministère de la défense et le ministère de l’intérieur, de multiples questions ayant trait au soutien, à l’action sociale, à la santé et, plus important encore, au maintien en condition opérationnelle des équipements, dont on ne sait plus très bien d’ailleurs où se trouvent les budgets.
Enfin, en ce qui concerne le personnel, c’est-à-dire les gendarmes, il y aura des compétences transférées, des compétences partagées entre les deux ministères et des compétences maintenues. Les nuances semblent parfois obscures : ainsi, la discipline relèvera de la défense et la notation de l’intérieur.
Madame la ministre, pourquoi ferait-on simple quand on peut faire si compliqué ?
On peut craindre que la gendarmerie, ainsi détachée des armées, n’ait bien du mal à conserver longtemps son statut militaire. Je sais que vous vous en défendez, mais le projet de loi que vous présentez aujourd’hui ouvre cette voie. Pour notre part, attachés aux deux forces de sécurité, nous ne vous suivrons pas sur ce chemin.
Depuis une vingtaine d’années, l’organisation territoriale des deux forces de sécurité a bien évolué. Elle s’est adaptée à la nouvelle géographie des collectivités. Aujourd’hui, le partage du territoire entre la police et la gendarmerie semble assez clair.
Aux termes de l’article 1er du décret de 1903, la gendarmerie, dont la surveillance du territoire est une des missions, est plus particulièrement destinée à assurer la sécurité des campagnes et des voies de communication. Pour ce faire, elle s’est réorganisée en regroupements, puis en communautés de brigades dans nos territoires ruraux. D’une manière générale, cette implantation, maintenant comprise des élus locaux, est plutôt appréciée, d’autant que les relations entre les collectivités, les élus et la gendarmerie se sont formalisées et améliorées au fil du temps.
Il y a un attachement évident à la gendarmerie, considérée comme le principal garant de la sécurité et de la tranquillité des habitants dans les zones rurales. Ce que craignent nos concitoyens et les maires de nos villages, madame la ministre, ce sont les rumeurs de nouveaux regroupements ou de fermeture de brigades, la réduction annoncée des effectifs. Que celle-ci soit inscrite en loi de finances ou dans la révision générale des politiques publiques, cela ne fait pas de différence pour eux. S’agissant du texte qui nous est soumis aujourd’hui, ils imaginent que l’on pourra beaucoup plus facilement, à l’avenir, demander aux gendarmes d’aller renforcer la police dans des zones plus urbanisées, en délaissant leurs communes. Voilà ce qu’ils redoutent, et surtout ce dont ils ne veulent pas : on peut les comprendre.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Il dit des contrevérités !
M. Daniel Reiner. Je dirai en conclusion que ce qui importe, c’est de travailler à assurer convenablement la sécurité publique sur l’ensemble du territoire.
À quoi bon ce texte, qui complique au lieu de simplifier et ne peut, par conséquent, être un gage d’efficacité future, qui conduira la gendarmerie sur des voies incertaines où elle pourrait perdre sa spécificité, son âme même, qui rompt avec notre tradition républicaine, enracinée dans le pays, qui est craint et mal compris de beaucoup ? Il ne pourra pas devenir une bonne loi, et vous n’aurez donc pas notre concours, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Ce doit être un bon texte, s’ils ne le votent pas !
M. le président. La parole est à M. Joseph Kergueris.
M. Joseph Kergueris. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui sur le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale fait suite aux réflexions conduites par le groupe de travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidé par notre collègue Jean Faure.
Actualisant des dispositions législatives et réglementaires quelque peu datées, le projet de loi permet d’adapter cette arme aux nouvelles réalités territoriales et sociales de notre pays.
Madame la ministre, vous savez combien le sujet est sensible pour les parlementaires de province issus des zones rurales, dont je suis. En effet, la gendarmerie y est présente – elle ne l’est même jamais assez – au quotidien.
Cela étant, la gendarmerie est également présente dans cette maison, et l’examen de ce projet de loi nous donne l’occasion de saluer le dévouement et la compétence des personnels de la garde républicaine qui veillent à la sérénité de nos débats.
Le texte qui nous est soumis vise d’abord le rattachement organique de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur à partir du 1er janvier 2009. Il ne s’agit pas là d’une inflexion majeure, car un rapprochement s’était déjà opéré, dans le cadre d’une longue évolution. Nous voilà seulement parvenus au terme de ce cheminement vers une complémentarité entre gendarme et policier, chacun ayant son statut propre.
Madame la ministre, vous serez désormais responsable de l’organisation de la gendarmerie nationale, de sa gestion, de son emploi et de l’infrastructure militaire qui lui sera nécessaire.
Toutefois, il est très important que la gendarmerie nationale conserve son statut militaire. Il n’est nullement question d’une fusion avec la police car, aux termes de l’article 1er du projet de loi, elle demeure bien une force armée, dont les missions de sécurité intérieure, qu’il s’agisse de la police administrative, du maintien de l’ordre, du renseignement, de l’information ou de la protection des populations, les missions judiciaires et les missions militaires sont parfaitement définies.
Ainsi, pour la première fois, le texte reconnaît l’une des spécificités essentielles de la gendarmerie nationale, qui réside dans sa capacité de s’engager dans le règlement des crises de haute intensité, voire dans les conflits armés. Dieu sait si les opérations extérieures auxquelles participe notre pays le requièrent !
Cela étant, les officiers et les sous-officiers de gendarmerie restent bien des militaires, soumis au statut général des militaires. Ils conservent leurs obligations et leurs sujétions particulières, qui découlent à la fois de leur statut militaire et de leurs missions de police, notamment en matière de logement en caserne – lequel doit être considéré, convenons-en, plus comme une contrainte que comme un avantage, quoi qu’en disent certains.
Cependant, il est prévu dans le projet de loi de placer les responsables locaux des services de la police nationale et des unités de gendarmerie sous l’autorité des préfets.
Dans un amendement qui sera soumis au Sénat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a préféré ne pas retenir cette formulation. Elle a estimé en effet que l’affirmation de l’autorité des préfets sur les commandants locaux de gendarmerie était susceptible de porter atteinte au principe d’obéissance hiérarchique consubstantielle au statut militaire de la gendarmerie. Il faut, selon moi, soutenir l’amendement de la commission.
Cette position nouvelle à l’égard du préfet induit nécessairement la suppression de la procédure de réquisition des forces armées pour l’emploi de la gendarmerie au maintien de l’ordre. Cela pourrait ne pas poser de problème insurmontable, dans la mesure où la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des lois ont préféré conditionner la suppression de la procédure de réquisition pour l’emploi de la gendarmerie au maintien de l’ordre à l’instauration d’une nouvelle procédure d’autorisation du recours aux moyens militaires spécifiques, tels que les véhicules blindés, et de l’usage des armes pour le maintien de l’ordre, en ce qui concerne tant les gendarmes que les policiers.
À cet instant, permettez-moi d’évoquer un souvenir. Nous sommes quelques-uns, ici, à avoir vécu les événements de 1948. À cette époque, pour maintenir l’ordre, il était aussi possible de recourir à la troupe ! Compte tenu de l’existence de la gendarmerie mobile et des compagnies de CRS, l’organisation du maintien de l’ordre en France ne s’inscrit plus du tout dans le même contexte.
Les amendements que j’ai évoqués sont de nature à répondre aux questions que les gendarmes se posent. Il faut ajouter qu’atteindre l’objectif d’une parité globale de traitement et de carrière entre gendarmes et policiers est l’une des conditions de la pérennité du statut militaire ; les dispositions concernant la reconnaissance d’une grille indiciaire spécifique vont dans ce sens.
La gendarmerie demeurera chargée de la prévôté militaire à l’égard des autres composantes de nos forces armées, et les attributions de l’autorité judiciaire pour l’exercice de cette mission sont préservées.
Nos collègues de la commission des lois ont par ailleurs souhaité que soit inscrit dans le code de procédure pénale le principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire ; personnellement, c’est un souhait que je partage.
Enfin, il est proposé, dans le projet de loi, une gestion rénovée des ressources humaines, une compétence de principe vous étant confiée, madame la ministre, en matière de gestion des personnels de la gendarmerie, compétence partagée chaque fois que nécessaire avec votre collègue le ministre de la défense. Toutefois, ce dernier continuera d’exercer la compétence indispensable en matière de discipline. En outre, il est prévu de mieux reconnaître la place et le rôle importants de la réserve.
Enfin, je voudrais attirer votre attention – je parle sous le contrôle de ma collègue Anne-Marie Payet – sur le sort des gendarmes originaires d’un département d’outre-mer.
Dans certains de ces départements, le pourcentage de gendarmes originaires de la collectivité est modeste, ce qui peut poser problème dans les contacts avec la population, la connaissance des pratiques locales, des mentalités, voire de la langue étant parfois insuffisante.
Dans le cadre du rapprochement des statuts entre police et gendarmerie, les militaires originaires d’un département d’outre-mer souhaiteraient bénéficier eux aussi de la possibilité de retourner chez eux après avoir passé sur le territoire métropolitain une période moins longue que ce qui est prévu actuellement. C’est là une préoccupation légitime, à laquelle il serait souhaitable que le Gouvernement soit attentif.
En conclusion, madame la ministre, sous la réserve expresse qu’il soit enrichi des amendements déposés et défendus par la commission des lois et par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ce projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale recevra l’appui du groupe de l’Union centriste.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Joseph Kergueris. Si la gendarmerie nationale demeure bien, dans ce texte, une force armée, je forme le vœu que, pour l’ensemble de nos concitoyens et sur tous nos territoires, elle reste présente, vigilante, bienveillante, comme elle a su l’être depuis des décennies, afin de faire mentir Paul Valéry quand il affirmait que « la faiblesse de la force est de ne croire qu’à la force ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dois d’abord vous faire part de mon trouble.
Alors qu’il a participé à la préparation de ce texte, M. le ministre de la défense, que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a d’ailleurs reçu plusieurs fois à ce sujet, n’est pas présent parmi nous. De surcroît, si je ne me trompe, aucun membre de son cabinet ne le représente à vos côtés, madame la ministre, ce qui est profondément troublant. J’espère que les raisons de cette situation nous seront expliquées.
Le texte qui nous est soumis est la traduction directe de la volonté du Président de la République, énoncée en novembre 2007 devant des responsables policiers et militaires, de faire passer intégralement la gendarmerie nationale sous la tutelle du ministère de l’intérieur.
M. Jean-Louis Carrère. Une annexion !
Mme Michelle Demessine. Comme a pu le dire le général de Gaulle en d’autres lieux et en d’autres circonstances,…
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Très bonne citation !
Mme Michelle Demessine. Attendez ! Je ne sais pas si vous me suivrez jusqu’au bout ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. On va essayer !
Mme Michelle Demessine. Comme a donc pu le dire le général de Gaulle, ce projet de loi « a une apparence » : clarifier une situation qui existe depuis 2002 pour renforcer l’efficacité de l’action des services de sécurité intérieure et assurer une meilleure protection de nos concitoyens.
Il « a une réalité » : concentrer dans une seule main tous les pouvoirs et tous les moyens et mettre fin à une spécificité républicaine et démocratique de notre pays, à savoir l’existence de deux forces de sécurité intérieure distinctes.
C’est là toute l’ambiguïté et tout le danger de votre projet de loi, qui suscite de ce fait des inquiétudes et de fortes oppositions.
Les gendarmes eux-mêmes sont inquiets pour leurs conditions de travail. Un grand nombre d’entre eux craignent une absorption, à terme, par la police et un déséquilibre des missions en leur défaveur.
Les élus locaux sont également inquiets, car ils redoutent que la fermeture de nombreuses brigades territoriales ne soit le prélude à l’affaiblissement de leur ancrage territorial,…
M. Jean-Louis Carrère. C’est sûr !
Mme Michelle Demessine. … ancrage qui est l’une des caractéristiques de la gendarmerie et qui lui permet d’assurer la sécurité des zones rurales et des voies de communication.
Enfin, le projet de loi suscite une forte opposition de la part de tous ceux qui voient se profiler derrière ce texte un recul des libertés publiques et des droits individuels, pour laisser place à une application sans entraves de la politique sécuritaire, centralisatrice et, pour tout dire, autoritaire du Président de la République.
Madame la ministre, vous m’objecterez peut-être que ce sont là des procès d’intention et que votre texte ne permet pas de telles interprétations.
M. Henri de Raincourt. Il ne le permet pas !
Mme Michelle Demessine. En apparence, il faudrait en effet n’y voir que la suite logique d’un processus engagé depuis plusieurs années – une clarification et la simple adaptation du droit à la pratique en vigueur depuis six ans.
M. Jean-Louis Carrère. Et sans aucune arrière-pensée !
Mme Michelle Demessine. À ceux qui évoquent la possibilité d’une fusion ou d’une confusion entre les deux forces, vous répondez que l’équilibre des missions et des compétences sera respecté.
Cette affirmation demande à être nuancée, en particulier en matière de police judiciaire, car le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur risque, s’il n’est pas mieux encadré, de porter atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire…
Mme Michelle Demessine. … et au principe du libre choix du service enquêteur.
De même, vous insistez beaucoup sur la nécessité de parvenir à une parité globale des rémunérations en fonction des grades respectifs. Les groupes de travail que vous aviez mis en place et les réactions des syndicats de policiers, sans parler de la « grogne » des gendarmes, qui ne peuvent s’exprimer publiquement,…
M. Alain Fouché. Ils se sont exprimés sous la gauche !
Mme Michelle Demessine. … ont montré que l’affaire n’était pas si simple !
Enfin, garantie suprême, vous prétendez que votre projet de loi conforte le statut militaire de la gendarmerie. Sur ce sujet, il faut y regarder de beaucoup plus près et craindre que le diable ne se cache dans les détails !
La question du statut militaire de la gendarmerie est un point essentiel de votre projet de loi, sinon le point essentiel.
Il ne s’agit pas simplement du respect d’une tradition séculaire qui serait devenue obsolète ; non, il s’agit du respect de l’un des principes républicains sur lesquels repose notre démocratie.
Pour préserver un équilibre, notre pays a besoin de conserver deux forces de sécurité, l’une à statut militaire et l’autre à statut civil.
Bien que les missions de sécurité intérieure représentent 95 % de son activité et les missions militaires seulement 5 %, la gendarmerie a été, dès l’origine, une force militaire. Cela était dû non pas au hasard, mais à la volonté des fondateurs de la République de ne pas concentrer en une seule main tous les moyens de police.
Après la centralisation des différents services de police chargés de l’information, du renseignement et de la répression, le chemin est maintenant tout tracé vers une fusion progressive des deux corps ancestraux chargés d’assurer la sécurité civile dans notre pays. L’œuvre sera ainsi parachevée !
Vous nous expliquez que le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l’intérieur serait une simple question de cohérence et d’efficacité et permettrait à une seule autorité de gérer les deux composantes, civile et militaire, des forces de sécurité intérieure.
Si la question était uniquement de moderniser, de mutualiser les moyens, d’améliorer les conditions d’emploi de ces deux forces et d’assurer une meilleure coopération entre elles, je pense que le rattachement au ministère de l’intérieur ne s’imposait pas.
Afin de respecter en apparence ce dualisme républicain, vous ne remettez pas directement en cause le statut militaire de la gendarmerie ; c’est au détour d’une disposition de ce projet de loi que vous le videz subrepticement de sa raison d’être.
Je parle là de la suppression de la procédure de la réquisition pour l’engagement des unités de gendarmerie mobile en matière de maintien de l’ordre. Exclure la gendarmerie, comme vous le faites, du champ d’application du dispositif de la réquisition pour participation au maintien de l’ordre, c’est clairement lui dénier l’une des spécificités des forces militaires. C’est mettre en cause non seulement un héritage, mais surtout un principe de la Révolution française, d’ailleurs transcrit dans le code de la défense, dont l’article L. 1321-1 dispose qu’ « aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civile sans une réquisition légale ».
Ainsi, il est spécieux de justifier cet abandon comme étant la conséquence logique du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, au motif que la réquisition permet à l’autorité civile d’obtenir la mise en œuvre de moyens dont elle ne dispose pas.
Le ministre pourrait parfaitement continuer à disposer de ces moyens sans que la procédure de réquisition soit supprimée, même si elle doit être modernisée.
Cette procédure n’est pas une entrave à l’efficacité. Elle est avant tout le signe de la subordination et de l’obéissance des armées aux autorités civiles, elle est aussi une garantie écrite, pour les commandants d’unités, contre d’éventuels excès de pouvoir. L’emploi de la gendarmerie dans des opérations de maintien de l’ordre sans réquisition écrite serait donc une grave atteinte aux principes républicains.
Ce danger n’a d’ailleurs pas échappé à trois anciens directeurs de la gendarmerie nationale, qui, dans un communiqué, ont estimé que ce texte « détruit toute garantie tendant à vérifier la légalité et la régularité de l’ordre d’agir donné à la gendarmerie par une autorité requérante civile ou militaire. Remplaçant la règle de la réquisition par un simple ordre verbal, il ouvre la voie à toutes les aventures et d’une simple crise peut faire une émeute et parfois plus. »
Dans la suite logique de ce qui précède, placer directement les commandants d’unités sous l’autorité des préfets, c’est-à-dire intégrer ces derniers dans la chaîne hiérarchique, est une autre manière de contourner le statut de cette force, en mettant en cause le principe d’obéissance hiérarchique inscrit dans le statut général des militaires.
Je pourrais aussi parler de l’abrogation, introduite dans le projet de loi, du décret de 1903, texte fondateur de l’organisation et du service de la gendarmerie.
Cette abrogation, certes symbolique, puisque nombre de ses dispositions sont reprises dans le code de la défense, aurait, entre autres effets, pour conséquence de priver les gendarmes d’un certain nombre de leurs valeurs et de leurs références, en particulier celles qui concernent la déontologie. Il aurait pourtant été important de les consacrer dans la loi. C’est là un élément de plus, me semble-t-il, de la remise en cause insidieuse du statut militaire à laquelle vous vous livrez.
Enfin, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur comporte aussi un autre risque, tout aussi pernicieux. La coexistence au sein d’un même ministère de deux systèmes – la représentation syndicale pour les policiers et la concertation propre aux militaires pour les gendarmes – incitera tôt ou tard, de facto, les uns et les autres à souhaiter l’alignement des statuts, ne serait-ce d’ailleurs que pour répondre aux problèmes posés par la recherche de la parité en matière de rémunération, d’horaires ou de conditions de travail.
La réforme que vous entreprenez, madame la ministre, soulève bien d’autres questions, qu’elles soient pratiques, matérielles ou tout simplement humaines. On reste sur la désagréable impression que peu de choses sont concrètement prévues pour accompagner ce bouleversement qui concerne, aussi et surtout, la vie personnelle et familiale de cent mille femmes et hommes.
Au total, votre projet de loi, loin de clarifier la situation, de permettre un accroissement de l’efficacité de nos forces de sécurité et une meilleure coopération entre elles, soulèvera plus de problèmes qu’il n’en résoudra.
Au-delà de ce constat, nous refusons la banalisation de l’emploi de la force armée au quotidien, car elle contrevient à l’équilibre républicain des pouvoirs et sous-tend la mise en œuvre de la politique du « tout sécuritaire ».
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour éviter toute méprise sur les propos que je vais tenir, je soulignerai qu’ils ne sont pas de circonstance, puisque je soutenais déjà cette position voilà près de trente ans dans des revues comme Études et Projet, dans les cours que j’ai dispensés à l’université d’Aix-Marseille III et dans un ouvrage que j’ai publié aux Presses universitaires de France.
Mes propos reflèteront donc des réflexions déjà anciennes, ainsi que des interrogations, voire des craintes, exprimées par nombre de collègues du groupe de l’UMP et d’élus locaux.
Même si l’intitulé du projet de loi peut être trompeur, il ne faut surtout pas minimiser la nature et l’ampleur de la réforme qui nous est proposée aujourd’hui. Ce n’est pas un texte technique : c’est une réforme historique. N’y voyons pas seulement un texte rattachant la gendarmerie au ministère de l’intérieur, rattachement qui est en fait acquis depuis 2002, et à plus forte raison depuis la dernière élection présidentielle, car certaines dispositions du projet de loi vont bien au-delà. Je pense notamment à la définition des missions de la gendarmerie ou de ses relations avec l’autorité judiciaire.
Ce texte ouvre ainsi la voie à des réformes ne relevant pas de la loi, et qui pourront donc être mises en œuvre par la technostructure du ministère de l’intérieur, par la voie réglementaire.
Tout à l’heure, madame la ministre, votre intervention a été rassurante. J’ai écouté vos propos avec satisfaction,…
M. Henri de Raincourt. Nous aussi !
M. Hubert Haenel. … mais j’ai toutefois pensé que les paroles s’envolent et les écrits restent, comme on dit à la campagne et dans nos écoles primaires !
Dans ces conditions, je me suis dit qu’il serait souhaitable que vous donniez un avis favorable à tous les amendements de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi qu’à ceux de la commission des lois, puisque nous sommes exactement sur la même longueur d’onde !
C’est à juste titre que le rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Jean Faure, qui a fait un excellent travail, propose de modifier l’intitulé du projet de loi, afin qu’il n’y ait pas de méprise sur la nature et l’ampleur de cette réforme. Son importance est telle que le Parlement se doit non seulement d’identifier les problèmes qu’elle posera demain, mais aussi d’envisager ses conséquences à moyen et à long termes.
Soyons clairs : je souscris sans réserve à la nécessité d’une plus grande cohérence, d’une meilleure coordination et d’une mutualisation de certains moyens entre la gendarmerie nationale et la police nationale, mais je crois tout aussi fermement que cette proximité ne doit pas conduire à la confusion des services et des missions, encore moins à une fusion, à terme, par l’absorption de la gendarmerie par la police nationale.
M. Daniel Reiner. Très bien !
M. Hubert Haenel. La dualité des forces de police, l’une à statut militaire, la gendarmerie nationale, l’autre à statut civil, la police nationale, est, vous l’avez dit vous-même, madame la ministre, une garantie essentielle pour les libertés publiques, et même, d’une certaine façon, pour les valeurs républicaines, auxquelles nous sommes tous très attachés.
Notre pays se doit, pour des raisons historiques, culturelles, sociales et sociologiques, de disposer de deux forces de police. Cette dualité est un rempart contre tout risque d’abus, de dérive d’une force de police unique et de ceux qui la dirigent ou la commandent. C’est pourquoi aucune des dispositions du projet de loi ne doit permettre la confusion ou préparer la fusion. Je sais que ce n’est pas ce que vous voulez, madame la ministre, mais nous ignorons ce qui pourrait se passer dans quelques années. Le Parlement doit donc veiller au réglage des curseurs et prévoir les verrous nécessaires pour empêcher toute dérive ou dévoiement.
Selon certains juristes, dont le point de vue me paraît digne d’intérêt, le principe de la dualité des forces de police aurait même valeur constitutionnelle. Prenons donc garde de ne pas voter des dispositions qui seraient à la merci d’un recours…
Nous devons avoir une approche objective. Il ne s’agit pas de plaire au ministre de l’intérieur ou au ministre de la défense, tous deux fort sympathiques au demeurant ! Il ne s’agit pas de plaire au corps préfectoral, aux policiers ou aux gendarmes, tous utiles à la République. Il s’agit tout simplement de ne pas porter atteinte à un équilibre acquis depuis les lois de Thermidor et garant de nos libertés depuis lors.
En effet, à travers l’organisation, les compétences et le statut de la gendarmerie, ce sont les libertés publiques et la liberté individuelle qui sont indirectement en jeu.
Je souhaiterais aborder trois points, que j’estime essentiels.
Premier point, il est nécessaire de réaffirmer – vous l’avez fait, madame la ministre, mais encore faut-il que cela figure dans la loi – la dualité des forces de police et de gendarmerie en matière de police judiciaire.
Le code de procédure pénale a institutionnalisé cette dualité. Tous les gendarmes titulaires sont des APJ, des agents de police judiciaire, aux termes de l’article 20 du code de procédure pénale, et tous les officiers et gradés ont la qualité d’OPJ, d’officier de police judiciaire, selon l’article 16 du même code. Il est bon de le rappeler, et de souligner qu’il n’existe pas d’APJ ou d’OPJ de deuxième ou de troisième zone.
La gendarmerie nationale dispose de formations spécialisées en matière de police judiciaire : brigade de recherches à l’échelon départemental, donc du groupement, section de recherches à l’échelon régional de la gendarmerie nationale, laboratoire d’analyse criminelle à l’échelon central.
L’architecture de l’ensemble de ce dispositif doit être rappelée et sauvegardée pour la raison suivante, qui est essentielle : le libre choix du service enquêteur par les parquets – procureur de la République et substitut – et les juges d’instruction conditionne leur indépendance. Le simple rapprochement entre police et gendarmerie peut déjà limiter la portée de ce choix.
Chacun sait que, quelle que soit la majorité au pouvoir, l’issue d’une enquête préliminaire d’une instruction peut dépendre de la célérité du service compétent et du nombre d’OPJ et d’APJ qui sont affectés, et qu’une affaire sensible peut être enterrée, accélérée ou engluée en fonction du regard que porte sur elle la tutelle politique du service concerné. Une certaine émulation entre les services de police et de gendarmerie est donc, selon moi, absolument nécessaire.
Par conséquent, tant que l’État disposera de deux services de police judiciaire, d’OPJ et d’APJ de plein exercice indépendants les uns des autres, la justice pourra faire en sorte qu’une enquête soit menée à son terme. Cette garantie essentielle doit être préservée.
C’est pourquoi nous souscrivons pleinement à la nouvelle rédaction, très claire, proposée tant par M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que par M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant !
De cette manière, madame la ministre, si l’un ou l’une de vos successeurs, encouragé par je ne sais quelle technostructure, avait la velléité de fusionner police judiciaire de la police nationale et police judiciaire de la gendarmerie nationale, il ne pourrait pas le faire sans modifier la loi.
Mais peut-être l’objectif de la technostructure du ministère de l’intérieur est-il plutôt de réserver la partie « noble » de la police judiciaire, c’est-à-dire la plus complexe et la plus technique, à la police nationale, pour ne laisser à la gendarmerie nationale que la police « banale », celle des champs… (Mme la ministre manifeste son incrédulité.) Je n’invente rien ! Cela nous a été dit dans le cadre du groupe de travail, à plusieurs reprises, M. le rapporteur pouvant en témoigner.
Je m’interroge malgré tout sur les raisons qui ont conduit le ministère de la justice à ne pas répondre à la convocation qui lui avait été adressée par le groupe de travail d’abord, par la commission ensuite, alors que le rapprochement envisagé de la gendarmerie nationale du ministère de l’intérieur concerne tout de même le bon fonctionnement de la justice pénale… Cela étant, vous n’y pouvez rien, madame la ministre !
Les amendements déposés au nom de la commission nous paraissent donc essentiels. Si vous deviez vous y opposer, madame la ministre, il faudrait avancer d’autres justifications que celles que nous avons obtenues jusqu’à présent ! Pour ma part, en l’état actuel des choses, j’ai le sentiment que si ces amendements devaient ne pas être adoptés, c’est peut-être l’issue du vote final qui serait compromise.
Le deuxième point que je voudrais aborder concerne la suppression pure et simple des réquisitions.
Là encore, mes chers collègues, il ne faut pas s’y tromper. Bien sûr, cette mesure peut être présentée sous un angle purement technique, comme une mesure de simplification et d’efficacité. Or il n’en est rien ! J’admets qu’il est nécessaire de procéder à un toilettage de certaines dispositions désuètes relatives au maintien ou au rétablissement de l’ordre, mais le formalisme qui entoure les ordres donnés par l’autorité administrative et l’exécution de ceux-ci par les commandants d’unités de gendarmerie mobile n’a, à mes yeux, rien de désuet. Vous l’avez reconnu vous-même tout à l’heure, madame la ministre, en affirmant que vous souhaitiez une « traçabilité » des ordres donnés, y compris au moyen d’un enregistrement audiovisuel.
Tout d’abord, le maintien et le rétablissement de l’ordre sont une responsabilité du pouvoir politique. Ils ne peuvent s’exercer qu’au regard de la liberté de se réunir, donc de manifester. Réguler le maintien et le rétablissement de l’ordre, au besoin par la force ouverte et les armes, n’est pas qu’une simple mesure administrative.
L’usage des armes doit être entouré d’une garantie de traçabilité : qui fait quoi ? Qui est responsable de quoi ? En effet, en cas de mise en cause des libertés publiques, de dommages aux personnes et aux biens, sans compter les dérapages et bavures, l’autorité administrative donneuse d’ordres doit pouvoir se justifier et se défendre devant la juridiction compétente. Le pouvoir politique doit être en mesure de répondre aux interpellations du Parlement et, éventuellement, à ses commissions de contrôle.
Par ailleurs, c’est une garantie fondamentale, pour celui qui exécute l’ordre, que de pouvoir justifier de l’ordre reçu, et c’est aussi une garantie pour celui qui l’a donné ou est censé l’avoir donné.
Pour ces raisons, l’amendement proposé par les commissions me paraît essentiel. Un décret en Conseil d’État doit réglementer l’usage de la force.
J’ai en mémoire quelques exemples d’affaires datant de l’époque où j’étais en poste à l’Élysée, comme l’affaire d’Aléria, sur laquelle je ne reviendrai pas. Plus récemment, je venais à peine d’être élu sénateur lorsque j’ai été appelé à faire partie de la commission d’enquête sur la mort de Malik Oussekine. Or nous n’avons jamais pu savoir qui avait donné l’ordre aux voltigeurs de la police nationale de charger et de pourchasser les manifestants jusque dans les couloirs.
Il importe donc, madame la ministre, de faire en sorte que tout soit clair à cet égard.
En outre, derrière les autorités administratives responsables du maintien de l’ordre ou les exécutants, il y a des hommes et des femmes, avec leurs forces et leurs faiblesses. En cas de troubles majeurs, de circonstances exceptionnelles, ce n’est pas toujours un Maurice Grimaud qui dirige !
Une simple circulaire ne saurait donc suffire à préciser les conditions d’usage de la force. C’est pourquoi nous préconisons un décret en Conseil d’État.
Le troisième et dernier point que je souhaite aborder porte sur les dispositions relatives à l’autorité des préfets.
L’insistance avec laquelle votre ministère a paru vouloir maintenir l’article initial du projet de loi est, pour moi, une source d’étonnement.
Si la gendarmerie nationale reste une force militaire, la chaîne de commandement doit être respectée. Affirmer comme le prévoit le texte que les responsables locaux des services de police et des unités de gendarmerie sont placés sous l’autorité des préfets me paraît porter atteinte à ce principe substantiel.
Il est très bien que le préfet ait autorité sur le commandant du groupement de la gendarmerie départementale, comme cela est déjà le cas, mais il ne peut pas diriger la brigade de gendarmerie de Lapoutroie, pour prendre un exemple que je connais bien.
M. Hubert Haenel. Personne, à ma connaissance, n’envisage de remettre en cause l’autorité des préfets. C’est une question d’efficacité !
Si vous voulez profiter de l’examen de ce projet de loi pour réaffirmer l’autorité du préfet sur le commandant du groupement de la gendarmerie départementale, je n’y vois pas d’inconvénient, mais cela ne doit pas signifier que le préfet commande les unités de gendarmerie nationale du département, c’est-à-dire les brigades, les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, les pelotons routiers et même la brigade de recherches, qui n’exerce ses compétences qu’en matière de police judiciaire.
Faisons preuve d’un peu de réalisme ! Peut-on imaginer, mes chers collègues, qu’un colonel, commandant un groupement de la gendarmerie, puisse refuser d’obtempérer à l’ordre d’un préfet et de lui rendre compte ? Je ne donnerais pas cher de sa peau ! Il serait viré dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures ! La rédaction qui nous est proposée sur ce point me paraît tout à fait opportune, et je souhaite que notre assemblée l’adopte.
Tous les autres amendements de la commission nous paraissent devoir recueillir un avis favorable de la part du Gouvernement.
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous rappelle, comme l’ont fait le président et le rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, que nous avons étudié ce projet de loi en amont, au sein d’un groupe de travail.
Après de nombreuses et longues auditions, nos réflexions ont débouché sur l’élaboration d’un rapport adopté à l’unanimité de la commission. Les amendements au projet de loi constituent la transposition pure et simple de nos travaux. Il y a donc lieu, à mon sens, d’en tenir compte.
Votre texte, madame la ministre, recouvre des enjeux très lourds. Il bouleverse l’organisation de certains pouvoirs régaliens de l’État.
On nous dira qu’il s’agit d’une réforme voulue par le Président de la République. Or celui-ci a déclaré que « le principe de l’existence de deux forces de sécurité dans notre pays, l’une à statut militaire, l’autre à statut civil, est et sera maintenu ». Il a affirmé que « la France ne peut faire l’économie d’une force de sécurité à statut militaire, car on en a besoin pour de multiples missions de défense, en métropole, en outre-mer et sur les théâtres d’opérations extérieures », et que « police et gendarmerie sont deux institutions qui ont leur culture, leur histoire, leur identité, leurs succès et leurs drames. Tout ce qui forge et soude une communauté. » Il s’est engagé, je le cite toujours, « à trouver ce juste point d’équilibre entre le statut militaire et ses éléments qui préservent le rattachement à la communauté militaire et d’autre part la mission de sécurité ».
Madame la ministre, ce juste point d’équilibre, je crois que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des lois l’ont trouvé au travers des amendements qu’elles ont déposés.
Il ne faudrait pas que la technostructure laisse planer le doute ou la suspicion sur les intentions affirmées dans l’exposé des motifs du projet de loi. Cette réforme est irréversible et, pour éviter des dérives qui trahiraient la lettre et l’esprit de la loi, elle doit être strictement encadrée. Je ne doute donc pas, madame la ministre, que vous donniez un avis favorable aux amendements déposés au nom des deux commissions, après avoir entendu les arguments qui seront développés pour les soutenir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Le Gouvernement ayant déposé un certain nombre d’amendements que les commissions n’ont pas eu le temps d’examiner, nous allons nous réunir dès à présent à cette fin. J’invite M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur pour avis à se joindre à nous.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en préambule, de revenir sur l’imbroglio temporel qui nous conduit à examiner ce texte aujourd’hui.
Le Gouvernement, par votre entremise, madame le ministre, avait déclaré l’urgence au motif que le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale devait intervenir au 1er janvier 2009.
Dans le même temps, vous aviez renvoyé l’inscription de ce texte à l’ordre du jour du début de l’année prochaine. Finalement, le Sénat l’examine aujourd’hui, sans que la future loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 », soit connue des parlementaires.
Mme Virginie Klès. Je vais vous l’expliquer !
Cette valse à trois ou quatre temps est pour le moins inquiétante. Au mieux, cela signifie qu’il n’a pas été assigné un cap clair à cette réforme, qu’elle est dénuée de toute cohérence, tant sur la forme que sur le fond ; au pire, il faut y voir une absence de conviction, si l’on en juge à l’état d’aboutissement du texte, ou, plutôt, de non-aboutissement.
Cela étant dit, madame le ministre, je préfère être aujourd’hui à ma place, afin de défendre des valeurs et une opposition auxquelles je crois, qu’à la vôtre, vous qui êtes en train de soutenir un projet de loi auquel, j’en suis persuadée, vous n’adhérez pas.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je puis vous rassurer sur ce point, madame la sénatrice ! Cela dit, je ne souhaite pas, pour notre pays, que vous deveniez ministre de l’intérieur ! (Sourires.)
Mme Virginie Klès. À ce jour, je ne le souhaite pas non plus ! (Nouveaux sourires.)
Pourtant, la nécessité de réformer les dispositions légales relatives à la gendarmerie n’est contestée par personne. Cette réforme est d’ailleurs présentée par le Premier ministre comme majeure, historique et essentielle. Une fois n’est pas coutume, nous serons, sur ces termes, en accord parfait. Mais là s’arrêtera notre convergence d’opinion…
En effet, alors que les objectifs sont, toujours selon M. le Premier ministre, de « pérenniser le modèle de pluralisme policier à la française auquel notre nation est attachée » sans « rompre les équilibres qui permettent à la gendarmerie de remplir la fonction particulière qui lui est assignée au profit de la collectivité nationale », votre projet de loi peut, mais à court terme uniquement, sembler avantageux pour les gendarmes. Le contexte budgétaire est plus sécurisé pour le ministère de l’intérieur que pour celui de la défense, lequel est perpétuellement considéré comme la variable d’ajustement. Mais vous vous affranchissez totalement d’une vision à moyen et à long terme qui devrait caractériser tout projet politique d’envergure. Et cette réforme en est un.
Le texte que nous examinons aujourd’hui va inéluctablement et, contrairement aux ambitions affichées, fortement fragiliser, et non pérenniser, tout à la fois le statut militaire de la gendarmerie nationale, le dualisme des forces de sécurité et des moyens mis à la disposition de la justice, étrangement absente de ce texte, et le maillage territorial actuel.
Ce projet de loi vise donc à poursuivre l’évolution engagée depuis 2002 en rattachant la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, tout en prétendant préserver son statut militaire.
Disons-le tout net, on engage là une évolution grave, qui conduira inéluctablement à l’adoption d’un statut civil. Pourquoi les gendarmes accepteraient-ils de conserver un statut militaire plus contraignant si, pour le reste, leur sort est comparable à celui des fonctionnaires de la police nationale ?
Je suis donc résolument hostile à cette évolution, qui, à terme, nous conduira à une gendarmerie de statut civil, comme c’est déjà le cas en Belgique, pays voisin dont il est difficile d’affirmer aujourd’hui que le maillage territorial initial n’a pas subi quelques dommages collatéraux.
Alors que cette évolution est présentée sous couvert de modernisation et de synergie des services et des deniers publics, de cohérence accrue et de simplification, nobles objectifs dont nous sommes tous soucieux, je relève, dès l’article 1er, une complexité nouvelle : on confie au ministre de l’intérieur la gestion du personnel, mais le ministre de la défense conserve les compétences disciplinaires, cependant que les mises en disponibilité d’office restent l’apanage du ministre de l’intérieur. Dans ces conditions, la gestion d’un dossier disciplinaire en interministériel sera particulièrement lourde et complexe.
Il me semble également important de s’interroger sur les conséquences, en termes d’organisation, du placement sous l’autorité des préfets des groupements de gendarmerie.
À quoi serviront désormais les généraux de gendarmerie ? À quoi serviront les régions de gendarmerie ? Va-t-on confier à des généraux de division le soin d’assurer la gestion déconcentrée du personnel, le soutien et la gestion des infrastructures ? C’est un peu court, me semble-t-il.
On peut nourrir la même crainte pour la direction générale de la gendarmerie nationale elle-même. De la même façon que la direction générale de la police nationale, la DGPN, la DGGN risque de se transformer, à l’image de la direction centrale de la sécurité publique, échelon de synthèse et d’information, en une structure dépourvue de toute autorité opérationnelle, à l’exception du planning d’emploi des escadrons de gendarmerie mobile.
Où est alors la cohérence avec l’évolution vers un statut de quatrième armée, avec, à sa tête, un directeur général général d’armée, un inspecteur général du même rang et un major général ayant rang de général de corps d’armée ?
Ces objectifs de rationalisation et de modernisation pouvaient et auraient dû être l’occasion de soulever bien d’autres questions. Comme elles n’ont pas été posées, nous n’avons évidemment aucune réponse…
Ainsi, qu’en sera-t-il du maintien des missions militaires de la gendarmerie ? Depuis l’abandon des missions de défense opérationnelle du territoire et la suspension du service national, ces missions sont résiduelles et inadaptées à l’évolution de la situation nationale et internationale.
Quid de l’avenir des missions de prévôté aux armées, qui ne correspondent plus guère à grand-chose du fait de la quasi-disparition de la justice militaire ?
On peut aussi regretter que l’on ne profite pas de ce projet de loi pour supprimer ou réformer quelques formations spécialisées de la gendarmerie nationale, telles que la gendarmerie de l’armement.
La réduction du format de la Délégation générale pour l’armement comme l’inutilité du gardiennage des établissements subsistants de ces formations spécialisées laissent à penser que les effectifs trouveraient ailleurs un meilleur emploi, évitant, par exemple, la suppression de brigades rurales.
Plus grave, avec les articles 2 et 3 du projet de loi, on renonce au principe de réquisition et, ainsi, à une disposition majeure du décret du 20 mai 1903, qui réserve à l’autorité militaire le commandement de la gendarmerie nationale, décret que l’article 8 du présent projet de loi abroge purement et simplement.
Ce décret prévoit expressément que les autorités locales, en rapport avec la gendarmerie, ne peuvent « dans aucun cas, prétendre exercer un pouvoir exclusif sur cette troupe ni s’immiscer dans les détails intérieurs de son service ».
La suppression de ce principe de réquisition constitue, vous l’aurez tous compris aujourd'hui, mes chers collègues, une pierre d’achoppement pour le groupe socialiste, notamment.
Parlons clairement : même si cette procédure de réquisition nécessite d’être toilettée, simplifiée et même, leitmotiv de ce texte, « modernisée », je ne vois pas pourquoi la suppression ou l’assouplissement de la réquisition impliquerait nécessairement la subordination aux préfets.
Dans la pratique, les préfets exercent, sans s’immiscer dans le service intérieur de l’arme, une autorité quotidienne sur la gendarmerie nationale, qu’il s’agisse de la préparation d’une visite ministérielle, d’un service d’ordre à l’occasion d’une manifestation quelconque ou d’une demande d’attention particulière à une zone ou à une forme de délinquance.
Le problème de la réquisition adressée aux généraux de région de gendarmerie ne se pose que pour obtenir le concours d’escadrons de gendarmerie mobile, parce qu’il s’agit de forces de troisième catégorie.
Il suffirait, par exemple, de déclasser ces forces pour que les préfets puissent obtenir le concours d’escadrons dans les mêmes formes que pour les compagnies de CRS, sur demande adressée à la DGGN, comme c’est le cas pour la DGPN.
On pourrait même imaginer une cellule conjointe, rattachée directement au cabinet du ministre, et chargée de la gestion des forces de maintien de l’ordre. Il existe déjà d’ailleurs un officier de liaison de la DGGN auprès du directeur général de la police nationale.
En d’autres termes, la simplification des procédures de réquisition n’implique aucunement l’acceptation de l’autorité permanente des préfets sur la gendarmerie.
Revenir sur la disposition qui lui permet de bénéficier d’une relative indépendance, garante de son éthique, c’est aligner complètement la gendarmerie nationale sur la sécurité publique, avec tous les risques de dérives possibles.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Des forces armées indépendantes ? C’est un concept nouveau !
Mme Virginie Klès. C’est aussi se priver de cette dualité de forces et d’approches qui contribue au bon fonctionnement de la police au sens large, et dont la France se glorifie depuis vingt ans dans toutes les réunions de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE.
Sans revenir sur la transformation de la gendarmerie nationale en quatrième armée, il me semble donc préférable de placer celle-ci sous les ordres non seulement du ministère de l’intérieur, mais aussi du ministère de la justice, grand oublié de votre texte, tout en la laissant, pour l’exécution des missions qui pourraient lui être confiées, aux ordres de ses chefs.
En effet, il est primordial de réaffirmer le principe de non-ingérence d’une autorité civile, tant celle des préfets que celle des procureurs, dans l’exécution du service intérieur de la gendarmerie nationale et de laisser subsister sur ce point les dispositions du décret de 1903.
Ne pas maintenir cette originalité, c’est accepter le principe d’un glissement rapide de la gendarmerie vers un statut civil et, à moyen terme, sa fusion avec les services de police, et ce quoi que vous prétendiez, madame le ministre.
S’agissant de ce dernier point, votre projet de loi, s’il était voté, conduirait à un indiscutable recul des libertés publiques et des droits individuels dans notre pays en supprimant des obstacles à d’éventuels excès de pouvoir.
En matière judiciaire, le fait de placer les deux forces de police judiciaire disponibles sous une seule et même autorité, celle de la place Beauvau, n’est pas de nature à faire gagner en indépendance les procédures menées par les magistrats, et cela n’a rien d’accessoire, puisque l’exercice de cette compétence représente de 40 % à 50 % de l’activité totale des gendarmes.
Fusion et confusion des forces et des pouvoirs ne font que rarement bon ménage avec la démocratie. Le passé devrait nous l’avoir appris sur notre propre territoire ; le présent nous le démontre chaque jour dans des pays à gouvernement totalitaire.
Enfin, madame le ministre, qu’y avait-il, jusqu’à présent, de commun entre le haut plateau ardéchois, la forêt ardennaise et l’arrière-pays breton ? Un bureau de poste, une école, une gendarmerie ! En un mot, une certaine continuité des services publics, une certaine idée de la République.
On ne peut donc qu’être inquiet quant au maintien de la densité du maillage des brigades territoriales, notamment en zone rurale, maillage qui sera inévitablement remis en cause sous l’effet de la réduction des effectifs et de la rationalisation menées au nom de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Quelle complémentarité sera recherchée après la mise en œuvre de cette réforme, alors que s’imposera la subordination aux préfets ? Madame le ministre, cette complémentarité se fera en fonction de l’évolution de la délinquance. Cette affirmation n’est pas la mienne : elle est écrite et réécrite, sous diverses formes, dans le rapport d’étape de la RGPP, présenté au Président de la République le 3 décembre dernier.
En clair, cela signifie que les implantations des brigades seront revues en fonction des « faits constatés », afin de rationaliser l’emploi des forces vers ce seul objectif de lutte contre la délinquance. En d’autres termes, c’est le principe même du maillage territorial qui sera remis en cause ; une nouvelle fois, des services publics seront ôtés au monde rural et aux petites communes.
Nous ne pouvons que redire notre inquiétude face à ces perspectives.
De regroupement en redéploiement de brigades, on est en train de créer des inégalités fortes au sein des populations, qui ne bénéficieront pas d’un égal accès à la sécurité et au « service de proximité attentif aux sollicitations de nos concitoyens » décrit par M. le Premier ministre
Enfin, l’article L.4145-2 du code de la défense évoque le logement des gendarmes en caserne. Il faut sans doute poser à cette occasion la question des casernements de gendarmerie, dont le financement incombe depuis longtemps aux collectivités locales. Je suggère ainsi de ne plus subordonner le versement de la subvention d’État à une maîtrise d’ouvrage effective par une collectivité, afin de permettre, de façon pérenne, le recours à une maîtrise d’ouvrage déléguée. Le recours à des sociétés, tel le groupe SNI, aujourd’hui filiale de la Caisse des dépôts et consignations, et à d’autres opérateurs pourrait ainsi être encouragé.
L’examen du dossier immobilier – casernement et logement – aurait dû être inclus dans ce projet de réforme. Des dispositions évitant aux collectivités territoriales de supporter des distorsions importantes entre les loyers consentis par la DGGN et les intérêts des emprunts souscrits y auraient sans aucun doute eu plus leur place que les allusions au classement indiciaire des gendarmes, qui relève, lui, du domaine réglementaire.
La convention de délégation de gestion signée le 28 juillet 2008 entre le ministre de la défense et le ministre de l’intérieur permettait, et permet toujours, de mutualiser les moyens et d’engager une meilleure synergie entre les services pour un meilleur service public de la sécurité à un coût maîtrisé.
Il n’y avait donc pas urgence à légiférer comme nous le faisons, à la hâte, sur un projet non abouti et imparfaitement réfléchi, dont les conséquences mettront à mal, à court terme, le statut militaire de la gendarmerie nationale et menacent fortement, à moyen terme, les principes fondateurs de notre République et de notre démocratie.
Il ne me reste qu’à espérer, comme d’autres orateurs l’ont fait avant moi, que l’avenir me donnera tort ou, mieux encore, que le législateur reviendra en arrière, comme il l’a déjà fait trois fois par le passé.
Pour l’ensemble de ces raisons, vous l’aurez compris, madame le ministre, nous ne voterons pas votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, notre pays a deux forces de sécurité, et c’est très bien ainsi. Les Français, dans leur immense majorité, y sont attachés.
En effet, nos concitoyens sont habitués à voir des fonctionnaires de police dans les zones urbaines et des gendarmes dans les zones rurales, même si la situation a évolué, si les compétences territoriales ont été à plusieurs reprises aménagées.
Le projet de loi qui nous est soumis vise à organiser le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur à partir du 1er janvier 2009. Il s’inscrit dans la droite ligne du placement de la gendarmerie, pour emploi, auprès de ce ministère depuis 2002.
Cette réforme est lourde de conséquences et donc source d’interrogations pour les deux forces concernées, plus particulièrement pour la gendarmerie nationale, qui est à un tournant de son histoire.
Le Sénat l’a fort bien perçu puisqu’il avait, en 2007, créé une mission d’information. Puis, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a été saisie au fond, ce qui démontre l’attachement de notre assemblée au statut militaire de la gendarmerie.
C’est sur ce point que je souhaite insister puisque l’essentiel réside dans le maintien et la réaffirmation de certaines de particularités de ce corps.
Le statut militaire est un des éléments qui peuvent motiver le choix d’un jeune de s’engager dans une force plutôt que dans l’autre. L’existence du statut militaire entre donc en ligne de compte, mais il faut préciser qu’il n’est que la juste contrepartie des contraintes, notamment d’horaires et de disponibilités, acceptées par les gendarmes.
C’est pourquoi ce statut doit être non seulement maintenu de manière durable, mais également conforté. En effet, ces dernières années, les réformes se sont succédé au point d’entretenir l’incertitude et de rendre une stabilisation plus que jamais indispensable.
Si les missions de la gendarmerie doivent être confortées, leur originalité doit encore être davantage mise en relief, car nous ne pouvons perdre de vue que la zone de compétence de la gendarmerie recouvre 95 % du territoire et 50 % de la population.
Les gendarmes, nous les rencontrons tous les jours. Or ce texte les inquiète. Madame le ministre, pouvez-vous nous donner des assurances entre autres sur le logement en caserne, sur l’âge d’accession des gendarmes à la retraite et sur le décompte des annuités, sur la qualité des formations – des écoles de gendarmerie ont été supprimées – ainsi que sur le maintien des gendarmeries en milieu rural ? Des rumeurs de fermeture circulent. Or les élus et la population sont profondément attachés à la présence de la gendarmerie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai brève, mais la courtoisie et le respect de la représentation nationale et du débat démocratique me font obligation de répondre aux questions qui m’ont été posées.
Même si cela peut faire sourire, certains intervenants ont qualifié ce texte de liberticide. Je me demande vraiment en quoi ce projet de loi pourrait constituer une menace pour les libertés.
Mais je me tourne vers les travées de la gauche : aucun ministre ne disposera d’un pouvoir exclusif sur la gendarmerie, mesdames, messieurs les sénateurs.
L’autorité judiciaire, qui est protectrice des libertés individuelles, au même titre que le ministère de l’intérieur, restera, j’insiste sur ce point, responsable de la gendarmerie pour ses missions judiciaires et mention doit en être faite dans le texte.
Certains esprits nostalgiques font preuve d’un conservatisme intellectuel qui m’étonne parfois.
M. Jean-Louis Carrère. C’est une experte qui parle !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je conçois que l’on puisse être nostalgique, mais en l’occurrence, c’est assez surprenant.
M. Jean-Louis Carrère. N’en faites pas trop !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Haenel, l’équilibre entre la police et la gendarmerie est une condition du succès du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Je vous rassure : il n’est pas question de dépouiller la gendarmerie nationale de ses missions de police judiciaire. Chacune des deux forces doit pouvoir exprimer toutes ses potentialités au service de la sécurité des Français, mais cela n’exclut pas la coordination. Le projet de loi prévoit le respect du libre choix du magistrat dans ce domaine.
De nombreuses inquiétudes se sont manifestées quant à une éventuelle disparition du statut militaire. Si certaines me paraissent compréhensibles, d’autres me semblent plutôt relever de la mauvaise foi.
En effet, les groupes qui, aujourd’hui, manifestent leurs inquiétudes avaient, hier, supprimé le recrutement des officiers de gendarmerie par Saint-Cyr. C’est moi qui l’ai rétabli ! C’est encore moi qui ai fait en sorte qu’il y ait un gendarme à la tête de la gendarmerie nationale !
Messieurs de la gauche, vous avez été au gouvernement pendant un certain nombre d’années. Pourquoi ne pas l’avoir fait ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai constaté, dois-je le rappeler, que vous aviez prévu toutes les conditions nécessaires à la mise en place de syndicats dans la gendarmerie et les armées. Sous mon impulsion, les textes que vous aviez préparés sur le Conseil supérieur de la fonction militaire ont été modifiés afin d’empêcher cela. Je suis en effet profondément convaincue qu’il y a antinomie entre statut militaire et syndicalisme ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est cela, le conservatisme !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, quand vous vous posez en défenseurs du statut militaire de la gendarmerie, vous faites preuve d’amnésie. Vous devriez montrer plus de sagesse et d’honnêteté.
M. Jean-Louis Carrère. C’est vous qui êtes conservatrice !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le présent projet de loi a précisément pour objet d’affirmer et de conforter le statut militaire de la gendarmerie.
Je l’ai toujours dit, et mes actes ont toujours été en harmonie avec mes paroles : je crois au statut militaire de la gendarmerie. J’ai tout fait pour maintenir ce statut et je continuerai dans cette voie. Ce texte est d’ailleurs la preuve de mon attachement à ce qui est une garantie pour la démocratie et pour la République. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Dans cet esprit, le texte réaffirme l’autorité du ministre de la défense sur la gendarmerie pour certaines de ses missions militaires et le maintien de certaines dispositions liées aux spécificités du statut militaire. Il n’y a aucune ambiguïté dans ce domaine.
J’ai souhaité, avec le ministre de la défense, que la gendarmerie conserve cet ancrage au ministère de la défense afin que personne ne puisse remettre en cause son statut militaire.
M. Robert del Picchia. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Fouché, le projet de loi prévoit également des sujétions, des obligations d’emploi et de logement qui conditionnent la capacité de l’État à assurer le maillage territorial.
Des craintes se sont élevées, fondées sur un vieux document interne qui émanait d’un conseiller de Matignon. J’observe que ce document a parfois été utilisé d’une façon pour le moins abusive, quelques jours avant les élections sénatoriales, contre le Gouvernement. J’en avais pourtant démenti la mise en œuvre.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas nous qui l’avons écrit !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai la conviction que les brigades de gendarmerie, comme les petites sous-préfectures, affirment la présence de l’État dans les zones où son autorité doit être réaffirmée et, là encore, mes actes ont toujours été en accord avec mes paroles.
Cela dit, mesdames, messieurs de la gauche, vous êtes libres de fantasmer sur des documents internes qui n’engageaient que leur auteur. Cette assemblée a pour habitude d’appréhender les sujets graves avec sérieux. Je ne pense pas que vous respectiez cette tradition lorsque vous avancez à l’appui de vos idées des documents qui ne sont pas d’actualité, si tant est qu’ils l’aient jamais été. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Nous savons tous ici que porter atteinte au statut militaire de la gendarmerie reviendrait à porter atteinte à la sécurité des Français. Je m’y refuse ; mon engagement a toujours été en sens inverse.
Mme Klès a évoqué la dualité des forces de sécurité, dans une intervention pleine de confusions et mêlant des sujets sans rapport avec le présent projet de loi.
M. Jean-Louis Carrère. Mais non !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ne mélangeons pas tout : l’autorité des préfets sur la gendarmerie nationale ne remet nullement en cause la dualité des forces de sécurité dans notre pays pour l’exercice de la police judiciaire. Je ne sais pas où, madame le sénateur, vous avez pu trouver trace du contraire dans le projet de loi. La dualité est bien la condition du libre choix des magistrats, tel qu’il est défini dans le code de procédure pénale.
MM. Faure et Haenel ainsi que Mme Demessine se sont inquiétés des conditions de l’exercice de l’autorité du préfet. Je tiens à les rassurer, et avec eux tous ceux qui m’ont fait part de leurs interrogations, notamment lors de mon audition par la commission des affaires étrangères : pourquoi voulez-vous que le préfet décide de commander directement les brigades ? En fait, le texte vise à formaliser une pratique vieille de six ans qui, à ma connaissance, n’a soulevé aucune difficulté.
Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, il revient au préfet de décider, en cas de troubles importants à l’ordre public, d’envoyer ou non des forces de gendarmerie sur les lieux, mais ce n’est pas lui qui dirigera les opérations : il n’en a ni les compétences ni la capacité.
Il ne faut pas soulever des problèmes qui n’existent pas, susciter des oppositions là où il n’y en a pas. L’exercice de l’autorité de l’État repose aussi sur le bon sens, mesdames, messieurs les sénateurs.
En ce qui concerne maintenant les zones de compétence, je répète qu’elles ont été définies par la loi : la police intervient dans les zones urbaines et la gendarmerie, dans les zones rurales ; dans certaines zones périurbaines, les interventions peuvent être partagées. Il faut tenir compte de la capacité de la gendarmerie à mettre en œuvre ses compétences spécifiques.
Les préfets ont déjà des instructions strictes pour respecter ces zones et il n’est absolument pas question que la gendarmerie puisse, de manière permanente, intervenir en zone police.
Dans certaines circonstances, le soutien de la gendarmerie peut être requis en zone police et, inversement, celui de la police en zone gendarmerie. Toutefois, cette répartition a lieu en fonction des besoins et ne constitue en rien une organisation générale et permanente.
Je ne pense pas que, parmi vous, certains aient à l’esprit d’interdire, par exemple, la présence de gendarmes mobiles lors des manifestations en zone urbaine ou celle de CRS en cas de problèmes avec les vignerons. Or c’est exactement la même chose : il s’agit d’un soutien réciproque ponctuel et non d’une organisation territoriale qui mettrait à mal la répartition entre la gendarmerie et la police.
Les réquisitions ont fait, comme en commission, l’objet de plusieurs interventions. Je pense notamment à celles de M. Kergueris, de M. Haenel, de Mme Escoffier.
Là aussi, ne nous trompons pas de débat. Nous ne voulons pas faire disparaître tout formalisme. La liberté de manifestation, qui honore notre pays, impose en effet des règles pour assurer la sécurité, y compris celle de nos concitoyens qui exercent cette liberté.
Il est évident que le recours à des moyens lourds ne se produira qu’en de rares circonstances. Si l’on supprime la réquisition, comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est pour une simple question de logique. En effet, comment se réquisitionner soi-même ? Car c’est finalement à cela que l’on aboutirait, du fait du rattachement.
Nous voulons simplement tirer les conséquences du rattachement. Des dispositions réglementaires doivent donc permettre d’assurer les mêmes garanties qu’aujourd’hui contre les excès et pour le respect des libertés.
En fait, nous souhaitons procéder à un certain nombre de simplifications, car nous avons changé d’époque.
Ceux qui ont tant insisté sur les réquisitions en connaissent-ils exactement le nombre et savent-ils quels sont les personnels concernés ?
Mme Michelle Demessine. C’est dans notre rapport !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Eh bien, je vous invite à vous en souvenir un peu mieux lorsque vous évoquerez les conséquences que pourrait avoir la suppression de la réquisition.
M. Alain Fauconnier. Nous ne sommes pas à l’école !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, des amendements ont été déposés, y compris par vos commissions, visant à éviter la banalisation de l’utilisation de moyens lourds, quitte à conforter un certain formalisme. Je me félicite que leurs auteurs, tout en apportant des garanties, tirent les conséquences logiques d’un certain nombre d’évolutions.
En ce qui concerne le maintien du maillage territorial et la couverture du territoire, je remercie MM. de Rohan, Faure et Fouché d’avoir rappelé leur attachement et celui des Français à la gendarmerie, notamment à sa présence dans les zones rurales. Pour ma part, je suis très attentive à la présence de l’État sur l’ensemble du territoire ; l’autorité de l’État est nécessaire, en particulier dans les zones les plus fragiles.
Je vous le répète, il n’est pas question de détourner les effectifs de la gendarmerie au profit des zones urbaines tenues par la police nationale ou de remettre en cause le maillage des brigades territoriales. Pour autant, des ajustements sont parfois nécessaires, notamment pour tenir compte des évolutions démographiques, et il continuera à en aller ainsi, mais le principe de cette présence territoriale doit être maintenu.
Peut-être n’ai-je pas répondu à toutes les questions.
M. Bertrand Auban. À aucune !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela étant, comme toujours, j’ai été très sensible aux préoccupations qui ont été exprimées de bonne foi.
Tous les textes que j’ai soumis au Sénat ont bénéficié de l’expérience et de la sagesse de la Haute Assemblée. C’est donc avec la plus grande attention et dans un esprit positif que j’aborderai vos propositions, car elles font suite aux analyses des groupes de travail qui se sont réunis depuis de nombreuses années sur ce sujet mais aussi aux réflexions de vos commissions.
Mon objectif est d’aboutir à une loi garantissant la protection des Français au travers de deux forces, à une loi garantissant à la gendarmerie qu’elle gardera son statut et sera toujours reconnue comme cette force de proximité indispensable à la protection de nos concitoyens. Je ne doute pas que nous parviendrons ensemble à un texte qui réponde à ces objectifs, à un texte qui soit digne du dévouement, de la compétence et du courage des hommes et des femmes de la gendarmerie nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Carrère, Reiner et Boulaud, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°43 tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale (Urgence déclarée) (n° 499, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Jean-Louis Carrère, auteur de la motion.
M. Jean-Louis Carrère. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, parce que nous aimons la gendarmerie, nous sommes opposés à ce texte.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n’est pas la peine de le renvoyer à la commission pour ça !
M. Jean-Louis Carrère. Nous pensons qu’il aborde de la plus mauvaise manière qui soit la difficile question de la réforme – pourtant nécessaire – de la gendarmerie nationale. Or un sujet aussi important aurait mérité plus d’attention, plus de réflexion, plus de travail et plus de temps.
Madame le ministre, nous demandons le renvoi à la commission pour que vous ayez le temps de la réflexion, car, comme le disait Publilius Syrus, célèbre poète latin, « Le temps de la réflexion est une économie de temps ». Or, si l’urgence a été déclarée, c’est que le temps vient à manquer.
Je constate avec beaucoup de tristesse que la réflexion manque aussi cruellement dans ce projet de loi.
Prenons donc le temps de la réflexion.
Bien sûr, fidèle à sa soif d’action, cédant à la frénésie des annonces, le Président de la République a indiqué qu’il voulait le rattachement plein et entier de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Mais avez-vous seulement envisagé les conséquences d’un tel rapprochement ? Avez-vous anticipé les effets qu’un trop grand rapprochement de la police et de la gendarmerie pourrait produire ?
La fusion des deux forces risque de provoquer un alignement progressif de leur statut respectif. Pourtant, vous le savez, la spécificité du statut des gendarmes est essentielle pour la sécurité de nos concitoyens : les gendarmes sont soumis à une obligation de disponibilité et ne sont pas tenus par une limitation de leur temps de travail. Ce statut militaire, qui garantit une certaine discipline et une certaine éthique, est très précieux pour notre République. Vous risquez d’y porter atteinte sans autre forme de considération.
Avez-vous réalisé que ce projet de loi s’inscrivait en faux contre l’un de nos plus grands principes républicains, à savoir la dualité des forces de police ?
Cette dualité est une protection. Elle est la garantie que les pouvoirs de police et de maintien de l’ordre ne relèvent pas tous d’une seule et unique personne.
C’est une garantie contre les dérives d’un pouvoir par trop centralisé. À l’heure de « l’hyper présidence », il appartient au Parlement de protéger la République par des garde-fous appropriés. De plus, même si notre belle démocratie n’est pas menacée, il faut se souvenir qu’elle est un bien précieux et, malgré tout, fragile.
Avez-vous eu le temps de comprendre que la suppression du principe de la réquisition de la force armée, au sujet de laquelle vous nous faisiez la leçon il y a quelques instants, qui existe depuis 1789 et qui n’a jamais été abandonné depuis, est une atteinte grave à la République ?
Aujourd’hui, si cette suppression était adoptée, le préfet pourrait obtenir l’intervention de la gendarmerie sans formalisme, sans commandement écrit, donc très facilement. L’amendement que vous avez déposé en vue de corriger le texte sur ce point prouve que vous avez fini par percevoir le risque et que vous avez entendu les critiques formulées.
Il est insupportable, au regard des libertés publiques, que la gendarmerie soit désormais dans les mains du ministre ou du préfet sans la garantie fondamentale de la procédure de réquisition de la force armée !
Prenez la mesure des difficultés que rencontre la gendarmerie et améliorez votre réforme opportunément, madame le ministre.
Cette réforme ne parviendra pas à réparer les dégâts des mesures que vous avez déjà prises et qui contribuent à l’affaiblissement de la densité du maillage des brigades territoriales.
Il aurait fallu réfléchir à l’amélioration de la formation et non pas diviser par deux le nombre d’écoles de gendarmerie, je pense à celle de Libourne, notamment. Notre pays a besoin de ses gendarmes, qui sont bien souvent des remparts contre les débordements urbains, notamment dans les grandes agglomérations.
Prenez le temps qu’il faut pour proposer à la représentation nationale un texte de qualité, madame le ministre.
Bien sûr, il faudrait pour cela que le texte soit examiné sérieusement et sereinement, ce que la procédure d’urgence ne permet pas. Au demeurant, et vous le savez très bien, si ce texte est aujourd’hui en discussion au Sénat, c’est parce que l’Assemblée nationale n’a pas pu voter dans les délais impartis le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste - Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. La faute à qui ?
M. Jean-Louis Carrère. Ne venez donc pas nous dire maintenant qu’il s’agit d’une urgence absolue.
Le calendrier est bouleversé, le travail des parlementaires est sacrifié sur l’autel des effets d’annonce, le tout au détriment de nos concitoyens. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.- Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Bertrand Auban. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. J’en veux pour preuve la manière dont le Gouvernement traite le Parlement, en transmettant en soirée, à la sauvette, ses amendements. Il faut laisser à la commission le temps de faire un travail de qualité !
Madame le ministre, un peu de temps ne serait pas non plus inutile au gouvernement auquel vous appartenez pour tenter de rapprocher des positions qui semblent aujourd’hui si antagonistes. En effet, vous aurez sans doute besoin de temps pour parvenir à rassembler tous ceux qui, dans votre propre camp, s’élèvent contre ce texte. Et cette vieille méthode qui consiste à provoquer la gauche pour rassembler la droite, vous n’avez pas hésité à y recourir encore ce soir.
M. Daniel Reiner. Elle a succombé à la tentation !
M. Jean-Louis Carrère. Jean Pierre Raffarin lui-même qualifie le rapprochement police-gendarmerie de projet « dangereux » pour la République et redit son attachement à la dualité des forces de sécurité. Il n’est pas en tout point mon modèle, mais il parle ici en républicain. Il a appelé à être « très vigilant », car il se pourrait qu’un jour « les procédures l’emportent sur les convictions ».
D’autres se sont élevés, eux aussi, contre ce projet de loi mal construit, inopportun et dangereux.
Mais il vous faudra peut-être encore plus de temps pour réaliser que vous êtes en contradiction avec vous-même. Lorsque l’actuel Président de la République, Nicolas Sarkozy, était ministre de l’intérieur et que vous étiez ministre de la défense, vous vous étiez opposée à son projet de mise sous tutelle de la gendarmerie.
M. Bertrand Auban. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Que s’est-il passé depuis 2007 ? Qu’avez-vous appris ou compris, madame le ministre, qui puisse bouleverser l’une de vos convictions les plus récentes ?
Non, décidément, vous avez voulu que le Parlement débatte d’un texte qui est aujourd’hui inachevé et inopportun !
Il est inachevé, parce que les intentions de réformes affichées sont bien velléitaires : rien n’est prévu pour accompagner le changement et l’adaptation de la gendarmerie aux nouveaux défis de nos villes et de nos territoires.
Pourtant, la réforme est nécessaire. La France a changé depuis le dernier décret, en date du 20 mai 1903, portant règlement sur l’organisation et le service de la gendarmerie. Mais ce n’est pas en plaçant la gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’intérieur que vous améliorerez la coordination entre policiers et gendarmes. Ce n’est pas de ce type de réforme que nos concitoyens ont besoin pour assurer au mieux leur sécurité.
Votre responsabilité, madame le ministre, est de garantir et de rétablir l’égalité de nos concitoyens face à la sécurité. Or, aujourd’hui, la gendarmerie est inégalement répartie sur le territoire. Il ne faut pas démanteler les zones rurales et périurbaines, qui ont cruellement besoin de gendarmes, car les gendarmes assurent des missions de sécurité de proximité essentielles pour nos concitoyens les plus démunis !
Ce texte est également inopportun : trois anciens directeurs de la gendarmerie, que vous connaissez bien, le qualifient de « planificateur » et de « liberticide » ; ce matin, dans Libération (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP), le général Capdepont, qui souhaite une réforme, contestait celle que vous mettez en œuvre, et en quels termes !
Comme le disait le romancier français Charles-Louis Philippe : « On a toujours l’art de mentir quand on parle à des gendarmes ». Je souhaite de tout cœur que cette funeste tradition s’arrête ce soir, madame le ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Frimat. Favorable ! (Rires sur les mêmes travées.)
M. Jean Faure, rapporteur. Cher Jean-Louis Carrère, je comprends que nous ne soyons pas tous du même avis et que nos votes puissent diverger. Pour autant, votre demande de renvoi à la commission me paraît surprenante, dans la mesure où le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur ne constitue pas un sujet nouveau pour la commission des affaires étrangères et de la défense.
Avant même l’annonce de cette réforme par le Président de la République, le 29 novembre 2007, la commission s’était saisie de ce sujet en constituant en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie, au sein duquel étaient représentées les différentes sensibilités politiques. Ce groupe a beaucoup travaillé ; il a procédé à une quarantaine d’auditions et à plusieurs déplacements sur le terrain, plus de quatre si ma mémoire est bonne.
À l’issue de ses travaux, ce groupe de travail a présenté dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par la commission et reprises dans un rapport d’information publié en avril dernier.
Après le dépôt du projet de loi sur le bureau du Sénat, l’été dernier, votre rapporteur a de nouveau réalisé un examen approfondi de ce texte. Il a procédé à dix-sept auditions. Il s’est entretenu notamment avec des représentants de différentes administrations – l’intérieur, la justice, la défense –, avec d’anciens directeurs généraux de la gendarmerie, des officiers supérieurs, mais aussi des représentants d’associations de retraités et de familles.
Enfin, la commission des affaires étrangères et la commission des lois ont procédé conjointement à l’audition des ministres de l’intérieur et de la défense sur ce texte.
Ainsi, on ne peut pas dire que la commission des affaires étrangères a découvert ce texte récemment ; elle a au contraire joué tout son rôle en se saisissant très en amont de cette réforme et en procédant à un examen attentif du projet de loi.
Je vous rappelle tout de même que le rapport de la commission a été examiné le 29 octobre dernier. Sur ma proposition, la commission a adopté dix-huit amendements sur un texte qui ne comporte que dix articles. Le même jour, la commission des lois examinait le rapport pour avis de Jean-Patrick Courtois et adoptait de son côté seize amendements.
Depuis un mois et demi, les différents groupes politiques ont donc pu prendre connaissance de ce texte et des rapports ; ils auraient pu réagir plus tôt. Rarement un projet de loi aura fait l’objet d’un travail aussi approfondi en amont, avec un tel délai entre l’examen en commission et le passage en séance publique.
Dans ce contexte, un renvoi à la commission ne me paraît pas justifié. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer cette motion, monsieur Carrère.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Si nous ne connaissions pas M. Jean-Louis Carrère, le caractère excessif de certains de ses propos pourrait surprendre et susciter des réponses sévères, mais nous savons son goût pour la provocation, qui peut le conduire à développer des arguments allant bien au-delà de sa pensée.
Sur le fond, M. Jean Faure vient de démontrer excellemment que la demande de renvoi à la commission n’était en rien justifiée.
Pour ma part, je vous approuve sur un seul point, monsieur Carrère. Vous dites que la réforme est nécessaire : alors, faisons-la ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Carrère, la motion est-elle maintenue ?
M. Jean-Louis Carrère. Ce qui me préoccupe le plus, c’est que l’on fasse comme s’il y avait urgence absolue. On nous a ainsi soumis un projet de loi de finances qui intégrait déjà, par anticipation, le vote du présent texte ; nous n’avons aucune information sur la LOPPSI 2 et aucune des précautions prises à très juste titre par la commission des affaires étrangères ne concerne le contenu du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.
Certes, nous avions eu connaissance de l’idée d’un rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, mais nous n’avions pas le texte en notre possession. Or c’est bien le texte dont je demande le renvoi à la commission, parce que j’en conteste l’achèvement, et j’ai motif à le contester d’autant plus que le Gouvernement a encore déposé des amendements après dix-neuf heures, ce soir, preuve, s’il en était besoin, que même le Gouvernement considère que son texte est inachevé !
S'agissant d’un projet de loi aussi important, dont nous reconnaissons tout l’intérêt, mes chers collègues, n’essayons pas de gagner artificiellement du temps en rejetant cette motion. C’est au contraire en renvoyant le texte à la commission que nous économiserons du temps ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 43, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, je vous demande une courte suspension de séance.
M. Jean-Louis Carrère. La preuve est faite !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons accéder à la demande de M. le président de la commission des affaires étrangères et interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je rappelle que la discussion générale a été close et que nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
CHAPITRE IER
Des missions et du rattachement de la gendarmerie nationale
Article additionnel avant l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par Mme Klès, MM. Carrère, Reiner, Boulaud, Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de répondre à l'exigence d'information et de contrôle du Parlement, un rapport analyse la possibilité de créer une instance parlementaire chargée d'examiner les conditions de mise en œuvre et d'exploitation des traitements automatisés de données à caractère personnel, y compris les traitements de données à caractère personnel couverts par le secret de la défense nationale, tenus par l'administration, les organismes publics et parapublics.
Ce rapport prend en compte les finalités et la nature, y compris anthropomorphique, des informations enregistrées, les conditions d'âge autorisant ou interdisant l'inscription, les destinataires des informations, les modes d'alimentation, de consultation et de traçabilité ainsi que les croisements opérés entre les traitements de données à caractère personnel mentionnés ci dessus, la durée de conservation, les procédures d'accès et de correction des informations et les modalités d'archivage, de transferts et d'apurement de ces derniers.
Il se prononce sur le développement et l'application de référentiels communs.
Il s'interroge sur les personnalités susceptibles d'être entendues dans le cadre de cette mission telles que le Premier ministre, les ministres, les directeurs des services gestionnaires et les personnes chargées d'administrer les traitements automatisés de données à caractère personnel précités ainsi que le Défenseur des droits et les présidents des autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits et des libertés fondamentales.
Le dépôt du rapport est suivi d'un débat dans chaque assemblée.
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement a minima, qui vise à la production d’un rapport en vue d’aller vers la création d’une instance parlementaire chargée d’examiner les conditions de mise en œuvre et d’exploitation des traitements automatisés des données à caractère personnel, y compris ceux qui sont couverts par le secret de la défense nationale, tenus par l’administration et les organismes publics et parapublics.
Ayant dit cela, j’ai l’impression, un peu désagréable, d’avoir juste tenté d’essayer de commencer d’entrapercevoir un embryon de début de projet… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Croyez bien que je regrette cette situation alambiquée et cette lenteur d’escargot, quand on voit, par ailleurs, à quelle vitesse certains textes éminemment importants et fondateurs pour les principes de notre République sont quant à eux aussi vite examinés que « mis en bouteille », sans autre forme de procès !
En effet, l’objet de mon amendement initial était beaucoup plus direct et ambitieux ; il visait très simplement à la création d’un observatoire parlementaire, dont les dépenses auraient pu être financées et exécutées comme des dépenses parlementaires.
Toutefois, la commission des finances en a jugé autrement et a opposé l’article 40 de la Constitution à mon amendement, faisant tomber sur lui le couperet de l’irrecevabilité. Ainsi, ce qui est parfois possible – je pense notamment au redéploiement des dépenses au sein de notre assemblée dans le cadre de la création de postes de vice-président ou de secrétaire du Sénat– se révèle, dans d’autres circonstances, beaucoup plus difficile !
Mais peut-être s’agit-il encore de confusions coupables de ma part !
Pour autant, il me semble important, et même primordial, d’avancer sur ce dossier, fût-ce à pas de tortue. D’ailleurs, vous ne l’ignorez pas, la marche de cet animal est lente, mais inexorable ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
Aussi l’utilisation de la technique du véhicule législatif, que vous avez vous-même sérieusement envisagée pour les articles 3, 6 et 9 de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, est-elle à mon sens tout à fait légitime sur ce sujet.
Les craintes suscitées par l’ébauche de création du fichier EDVIGE ont montré à quel point la question des fichiers de police, de gendarmerie ou d’autres autorités, ainsi que celle de leur contrôle et de leur évolution, est sensible.
À propos des fichiers de police et de gendarmerie, la CNIL, la commission nationale de l’informatique et des libertés, détient d’ailleurs la prérogative de veiller à ce que leur création et leur utilisation soient respectueuses des lois et des réglementations ; elle contrôle également leur finalité au regard des principes de proportionnalité et de garantie des libertés individuelles et collectives.
Parallèlement, il existe aussi le groupe de contrôle des fichiers de police et de gendarmerie, institué par votre prédécesseur, madame le ministre, et que vous avez réactivé à la suite de la mobilisation générale contre la création du fichier EDVIGE.
Entre une autorité administrative indépendante, d’un côté, et un organisme gouvernemental de l’autre, quel rôle le Parlement doit-il jouer ?
Notre quotidien est envahi par un flot de données personnelles numérisées : biométrie, téléphones portables, cartes de paiement, internet, etc. Il faut donc veiller à ne pas faire prévaloir une logique de traçabilité des personnes, susceptible d’accroître les prérogatives de contrôle dévolues aux forces de l’ordre, et de déboucher ainsi sur la constitution de « méga-fichiers » de données centralisées, potentiellement dangereux et pouvant être mis en connexion les uns avec les autres par les autorités.
L’observatoire dont nous souhaitons la création devrait examiner les conditions de mise en œuvre et d’exploitation des traitements automatisés de données à caractère personnel tenus par l’administration, les organismes publics et parapublics.
M. André Dulait. Quel rapport avec le projet de loi ?
Mme Virginie Klès. Les traitements de données à caractère personnel couverts par le secret de la défense nationale devraient relever de la compétence de la délégation parlementaire au renseignement, dans le cadre de sa mission de suivi de l’activité générale et des moyens des services spécialisés à cet effet.
L’observatoire formulerait des recommandations après avoir évalué les finalités et la nature des informations enregistrées, les conditions d’âge autorisant ou interdisant l’inscription, les destinataires des informations, les modes d’alimentation, de consultation et de traçabilité, ainsi que les croisements opérés entre les traitements de données à caractère personnel, la durée de conservation, les procédures d’accès et de correction des informations et les modalités d’archivage, de transfert et d’apurement de ces derniers.
La position du groupe socialiste est ainsi très claire : il est pour nous impératif de donner chaque fois que nécessaire à la police et à la justice, dans une société plus mobile, plus fluide et mondialisée, les moyens de gérer nos identités. Mais, dans le même temps, les autorités politiques et la société civile doivent quant à elles disposer des moyens de superviser les modalités et la finalité des contrôles, publics ou privés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. La question du contrôle des fichiers de police et de gendarmerie constitue en effet un sujet sensible et important.
À la suite de la polémique suscitée par le projet de fichier EDVIGE, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités locales a décidé de réactiver le groupe de travail sur ces fichiers, mis en place en juin 2006, et qui avait déjà élaboré un rapport en novembre 2006 sur un meilleur contrôle des fichiers de police dans le cadre des enquêtes administratives. (Mme la ministre approuve.)
Ce groupe de travail, présidé par M. Alain Bauer, a remis tout récemment, le 11 décembre dernier, un nouveau rapport, qui contient vingt-six recommandations pour améliorer et mieux contrôler l’usage des fichiers de police et de gendarmerie.
Parmi ces recommandations figure notamment la création d’une sorte de commission indépendante présidée par un magistrat.
Si l’amendement soulève en effet une vraie question, la rédaction proposée comporte plusieurs inconvénients.
Tout d’abord, il peut sembler curieux de demander au Gouvernement de présenter un rapport sur cette question, alors que le groupe de travail sur le contrôle des fichiers vient précisément de remettre ses conclusions.
Ensuite, il serait pour le moins étonnant qu’un rapport du Gouvernement analyse la possibilité de créer une instance parlementaire. En effet, c’est au Parlement et à lui seul qu’il revient de décider de créer une telle instance.
Enfin, il convient de tenir compte de l’existence de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, qui est d’ailleurs présidée par un de nos collègues, M. Alex Türk, et qui joue un rôle central en matière de protection des données personnelles.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je ne sais pas si l’intention qui a présidé à l’élaboration de cet amendement est claire, mais en tout cas le résultat me paraît aussi étonnant qu’alambiqué, et, pour tout dire, inadapté.
M. André Dulait. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. En effet, on s’interroge…
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La disposition en question ne me paraît pas du tout avoir sa place dans ce projet de loi consacré aux principes d’organisation de la gendarmerie.
Je suis sensible, bien entendu, à l’intention d’améliorer les conditions de contrôle du traitement des données à caractère personnel, comme je l’ai d’ailleurs rappelé récemment en recevant le rapport établi par Alain Bauer, mais la procédure ici proposée est totalement inadaptée.
M. Robert del Picchia. Très bien !
Mme la présidente. Madame Klès, l’amendement n° 52 rectifié est-il maintenu ?
Mme Virginie Klès. Oui, madame la présidente, je le maintiens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Les premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1142-1 sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Le ministre de la défense est responsable sous l'autorité du Premier ministre, de l'exécution de la politique militaire.
« Sous réserve de l'article L. 3225-1, il est en particulier chargé de l'organisation, de la gestion, de la mise en condition d'emploi et de la mobilisation de l'ensemble des forces ainsi que de l'infrastructure militaire qui leur est nécessaire. Il assiste le Premier ministre en ce qui concerne leur mise en oeuvre. Il a autorité sur l'ensemble des forces et services des armées et est responsable de leur sécurité. » ;
2° Le dernier alinéa de l'article L. 3211-2 est supprimé ;
3° Après l'article L. 3211-2, il est inséré un article L. 3211-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-3. - La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à la sûreté et la sécurité publiques. Elle assure le maintien de l'ordre, l'exécution des lois et des missions judiciaires, et contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques. Elle contribue en toutes circonstances à la protection des populations. Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. » ;
4° Au chapitre V du titre II du livre II de la partie 3 du code de la défense, il est créé un article L. 3225-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3225-1. - La gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, responsable de son organisation, de sa gestion, de sa mise en condition d'emploi et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire, sans préjudice des attributions du ministre de la défense pour l'exécution des missions militaires de la gendarmerie nationale et de l'autorité judiciaire pour l'exécution de ses missions judiciaires.
« Le ministre de la défense participe à la gestion des ressources humaines de la gendarmerie nationale dans des conditions définies par décret en Conseil d'État et exerce à l'égard des personnels militaires de la gendarmerie nationale les attributions en matière de discipline. »
Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 44, présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. L’article 1er est évidemment le cœur du projet de loi dans la mesure où il prévoit le transfert du rattachement organique de la gendarmerie nationale du ministre de la défense au ministre de l'intérieur.
L'idée de rattacher la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur soulève de nombreuses objections, comme nous l’avons indiqué dans la discussion générale. Sa mise en application risque d'altérer profondément la nature et la spécificité de cette force armée.
Soucieux de préserver les libertés publiques, nous ne souhaitons pas nous engager dans cette voie que nous avons qualifiée d’« incertaine » et qui met en danger le maintien, à terme, du statut militaire des gendarmes.
En réalité, on s’orienterait, à plus ou moins long terme, vers une fusion des deux forces de police et de gendarmerie, tournant ainsi le dos à la tradition française de la dualité des forces, principe républicain essentiel.
Dans un article paru dans le quotidien La Croix du 27 novembre 2007, notre excellent collègue Hubert Haenel avait remarquablement exprimé le sentiment suivant, auquel nous adhérons : « S’il est nécessaire de situer clairement la place de la gendarmerie nationale par rapport à son ministère de rattachement, le ministère de la défense, et à ceux d’emploi, le ministère de l’intérieur mais aussi celui de la justice, encore faut-il ne pas donner le sentiment que la gendarmerie nationale passe avec armes et bagages dans le giron du ministère de l’intérieur. »
Or c’est exactement ce que nous sommes en train de faire ! Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui organise précisément ce passage « avec armes et bagages » de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
Voulons-nous que gendarmerie et police travaillent ensemble, dans le même sens, pour assurer à tous nos concitoyens une sécurité maximale, jamais parfaite certes mais toujours perfectible ? La réponse est évidemment « oui » !
Voulons-nous que toutes les synergies possibles soient identifiées et développées entre ces deux forces nationales, l’une à statut civil, l’autre à statut militaire ? Là encore, la réponse est positive.
Mais faut-il pour autant tourner le dos à notre tradition républicaine, riche de cette grande expérience dans la pratique de la dualité de nos forces de police ? Non, c’est même contre-productif.
Nos rapporteurs, dans le travail effectué en avril dernier, ont bien cerné les problèmes et les dangers.
Hélas ! madame le ministre, le projet de loi que vous nous présentez, peut-être parce qu’il a été dicté par l’Élysée, ne prend pas en compte les justes recommandations contenues dans ce rapport.
Le rapport d’information de notre rapporteur, président du groupe de travail, devait se pencher sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie. Sa lecture est enrichissante. Il indique notamment ceci : « L’existence de deux forces de sécurité, l’une à statut civil, l’autre à statut militaire, n’est pas seulement un héritage historique mais une garantie pour l’État républicain et les citoyens. »
Par ailleurs, notre attachement à cette force de gendarmerie se justifie bien évidemment par la qualité des hommes et des femmes qui la servent. Connaissant leur sens du devoir et du sacrifice, nous pouvons, ici et maintenant, tous ensemble, leur rendre un juste hommage.
Ce projet de loi fait fi d’une spécificité forte, propre à la gendarmerie : il s’agit d’une force militaire inscrite, certes, dans l’histoire, mais aussi dans nos territoires, dans toute la géographie de notre pays. Nous voulons lui assurer un fort maillage territorial, avec la garantie d’un réseau de brigades territoriales dense et doté des moyens suffisants.
N’oublions pas que la gendarmerie est la seule force capable d’assurer le contrôle de l’ensemble du territoire national. Elle est ainsi en mesure de répondre rapidement aux attentes des autorités et des citoyens, en toutes circonstances et en tous lieux. Préservons cette spécificité.
En ces temps d’élargissement de la notion de sécurité, parfois au détriment des libertés – mais il s’agit là d’un autre débat –, il faut bien percevoir que la gendarmerie, par sa nature et ses moyens militaires, par la cohésion et les conditions d’emploi de ses forces, est de nature à participer à des opérations de maintien ou de rétablissement de l’ordre dans des situations de crise grave.
On nous parle de continuité entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure, et réciproquement.
D’un côté, le récent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a fait son miel de cette trouvaille conceptuelle. De l’autre côté, on s’apprête à brader cette « troisième force » qui assure une continuité entre les actions policière et militaire et qui peut être l’interface entre les situations nécessitant le recours aux forces de police et celles qui imposent l’intervention des armées, entre la défense du territoire et le maintien de l’ordre, entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. Comprenne qui pourra !
La désorganisation de la gendarmerie, l’ouverture d’une nouvelle « guéguerre » entre les polices, la confusion des genres civils et militaires, précédant la fusion des corps, serait, à n’en pas douter, gravement dommageable pour notre pays.
Voilà pourquoi la suppression de cet article 1er se justifie pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Les amendements nos 2 et 20 sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.
L'amendement n° 20 est présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du 1° de cet article :
« Sous réserve de l'article L. 3225-1, il a autorité sur l'ensemble des forces et services des armées et est responsable de leur sécurité ; il est chargé de l'organisation, de la gestion, de la mise en condition d'emploi et de la mobilisation de l'ensemble des forces ainsi que de l'infrastructure militaire qui leur est nécessaire ; il assiste le Premier ministre en ce qui concerne leur mise en œuvre. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Jean Faure, rapporteur. Cet amendement tend à une clarification rédactionnelle.
L’article 1er a pour objet de tirer les conséquences du rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur en modifiant les attributions du ministre de la défense.
La rédaction retenue par le projet de loi est cependant ambiguë dans la mesure où l'on ne sait pas très bien si l'expression « sous réserve de l'article L. 3225-1 du code de la défense » s'applique à l'ensemble du deuxième alinéa ou uniquement à la première phrase.
Or, dès lors que la gendarmerie nationale sera une force armée placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, il serait pour le moins curieux d'affirmer dans cet article que le ministre de la défense « a autorité sur l'ensemble des forces et services des armées et est responsable de leur sécurité ».
Cet amendement vise donc à faire en sorte que l'expression « sous réserve de l'article L. 3225-1 » figure bien en facteur commun.
Sur le fond, il ne modifie en rien l'équilibre des attributions entre le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense.
La future loi de programmation militaire devrait modifier de nouveau la rédaction de cet article afin de tenir compte des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 20.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il est défendu.
Mme la présidente. Les amendements nos 3 et 21 sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 3211-3 du code de la défense :
« Art. L. 3211-3. - La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l'exécution des lois. La police judiciaire constitue l'une de ses missions essentielles.
« La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l'ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication.
« Elle contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques, ainsi qu'à la protection des populations.
« Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.
« L'ensemble de ses missions, civiles et militaires, s'exécute sur toute l'étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France, ainsi qu'aux armées. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 3.
M. Jean Faure, rapporteur. Cet amendement vise à préciser et à compléter la définition des missions de la gendarmerie au moyen d'une nouvelle rédaction.
Tout d'abord, il convient de modifier l'ordre des missions, afin de placer au premier rang l'exécution des lois, comme l'illustre la devise de la gendarmerie « Force à la loi ».
Ensuite, la référence à la « sûreté publique » pourrait être supprimée dans la mesure où elle est incluse dans la mission de « sécurité publique ».
Il convient, surtout, de préciser les missions judiciaires. Le texte du projet de loi prévoit simplement que la gendarmerie assure « des missions judiciaires ».
La commission considère cette formulation comme ambiguë dans la mesure où elle donne le sentiment que les missions judiciaires sont marginales. Or, ces dernières représentent 40 % de l'activité de la gendarmerie ! C’est ce que nous avons voulu souligner par cette nouvelle rédaction.
De plus, on ne peut pas mettre sur le même plan la police judiciaire, qui représente 37 % de l'activité, et les autres missions judiciaires, comme les transfèrements et les extractions.
Il paraît donc nécessaire de reprendre dans la loi la phrase de l'article 113 du décret du 20 mai 1903 qui dispose que « la police judiciaire constitue une mission essentielle de la gendarmerie ».
Il semble également nécessaire d'affirmer l'ancrage territorial de la gendarmerie.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Jean Faure, rapporteur. Plusieurs d’entre vous l’ont souligné lors de la discussion générale, la gendarmerie est une force de sécurité essentiellement rurale. Elle partage avec la police la mission de sécurité selon une répartition territoriale en fonction de la densité de population. Dans ce cadre, alors que la police nationale est essentiellement concentrée dans les grandes agglomérations, la gendarmerie nationale assure seule la sécurité principalement dans les zones rurales et périurbaines, qui représentent 95 % du territoire et 50 % de la population.
L'une des spécificités de la gendarmerie nationale tient donc à son ancrage territorial, grâce au « maillage » de ses brigades territoriales.
Une autre spécificité « historique » de la gendarmerie vient du contrôle qu'elle exerce sur les voies de communication.
Par cet amendement, la commission vous propose donc de reprendre, tout en l'actualisant, la disposition issue de l'article 1er du décret du 20 mai 1903 selon laquelle la gendarmerie « est particulièrement destinée à la sûreté des campagnes et des voies de communication ».
Dans le même temps, la gendarmerie exerce des missions de maintien de l'ordre et de police judiciaire sur l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, elle est investie d'une mission de police judiciaire à l'égard des armées, y compris dans le cadre des interventions des forces armées à l'étranger où elle prend alors le nom de « prévôté ».
C'est la raison pour laquelle il semble également utile de reprendre, tout en l'actualisant, la phrase de l'article 1er du décret du 20 mai 1903 selon laquelle l'action de la gendarmerie nationale « s'exerce dans toute l'étendue du territoire, quel qu'il soit, ainsi qu'aux armées ».
Enfin, concernant l'ensemble des missions civiles et militaires, il semble utile d'ajouter une référence aux actions internationales et européennes de la gendarmerie. En effet, la gendarmerie contribue activement à la coopération policière européenne et internationale, ainsi qu'aux opérations extérieures. En tant que force de police à statut militaire, capable d'agir dans tout le spectre de la crise, de la guerre à la paix, la gendarmerie est en effet particulièrement adaptée à ce type d'opérations.
Actuellement, 370 gendarmes sont déployés en opérations extérieures, notamment au Kosovo, en Bosnie, en Côte d'Ivoire et en Géorgie.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article L. 3211-3 du code de la défense par les mots :
et des missions judiciaires
II. - Supprimer la seconde phrase du même alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L’expression « missions judiciaires » est une formule large qui englobe notamment les activités en matière de police judiciaire que vous évoquez.
C’est pourquoi je propose, par ce sous-amendement, d’en revenir à cette expression du projet de loi, plus restrictive et plus concise que le texte proposé par les amendements identiques nos 3 et 21 de la commission des affaires étrangères et de la commission des lois saisie pour avis. On gagne toujours à privilégier la concision et la clarté.
Cela étant, si une raison particulière explique le souhait des rapporteurs de détailler l’ensemble des missions effectuées par la gendarmerie, je le comprendrai et je m’y rangerai.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 47, présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 3211-3 du code de la défense :
« Art. L. 3211-3. - La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l'exécution des lois. La police judiciaire constitue l'une de ses missions essentielles.
« Le statut général des militaires s'applique au personnel de la gendarmerie nationale.
« La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l'ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication.
« La densité de son réseau de brigades territoriales permet à la gendarmerie d'assurer le contrôle de l'ensemble du territoire national.
« Elle contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques, ainsi qu'à la protection des populations.
« Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.
« L'ensemble de ses missions, civiles et militaires, s'exécute sur toute l'étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France, ainsi qu'aux armées. »
La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Il s’agit d’un amendement de repli, qui prévoit une nouvelle rédaction du 3° de l'article 1er consacré aux missions de la gendarmerie nationale.
Il est fondamental de préciser clairement que le statut général des militaires s’applique encore et toujours au personnel de la gendarmerie nationale.
Il est indispensable aussi de conforter l’ancrage territorial de la gendarmerie nationale.
Nous voulons que ce soit dit dans la loi.
Le statut militaire et l’obligation d’occuper un logement concédé par nécessité absolue de service permettent de disposer d’un service à la fois plurivalent, très réactif, et d’une grande disponibilité au service des besoins de la population.
Nous savons que c’est le statut militaire qui autorise une forte déconcentration des unités, ce qui doit permettre d’offrir une véritable couverture territoriale.
En effet, la zone de compétence de la gendarmerie s’étend sur 95 % du territoire national, en métropole comme en outre-mer. Il est donc vital de donner à la gendarmerie la possibilité d’intervenir en tout lieu et de participer ainsi à l’égalité d’accès des citoyens au service public de la sécurité.
Pour mémoire, l’article 149 du décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l’organisation et le service de la gendarmerie dispose ceci : « Les fonctions habituelles et ordinaires et des brigades sont de faire des tournées, courses ou patrouilles sur les grandes routes, chemins vicinaux, dans les communes, hameaux, fermes et bois, enfin dans tous les lieux de leur circonscription respective. »
Notre amendement rejoint et élargit celui de la commission.
Les risques que représente le transfert de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur sont grands. Les amendements des deux commissions visent à les réduire sans les écarter complètement. Nous avons voulu apporter, sur ces points concrets, des précisions, en étant constructifs.
Cet article, qui définit de manière fort complète les missions de la gendarmerie, doit prendre en compte la conservation explicite du statut militaire et le maintien du maillage territorial serré de la gendarmerie nationale. Je pense que, sur ce point, nous n’aurons pas de désaccord.
Mme la présidente. L'amendement n° 49, présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 4° de cet article :
4° La gendarmerie nationale, tout en étant sous les ordres du ministre de la défense, est placée dans les attributions du ministre de l'intérieur pour l'exercice de ses missions de sécurité intérieure et de l'autorité judiciaire pour l'exercice de la police judiciaire et pour l'exécution de ses autres missions judiciaires.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Il s’agit d’un amendement de repli, dont les dispositions répondent d’ailleurs aux préoccupations des uns et des autres sur toutes ces travées.
La gendarmerie nationale, qui est une force armée, doit rester placée sous l’autorité du ministre de la défense.
Aux termes de l’article 4 du décret du 20 mai 1903, « en raison de la nature de son service, la gendarmerie, tout en étant sous les ordres du ministre des armées, est placée dans les attributions des ministres chargés :
« - de l’intérieur ;
« - de la justice ; […] ».
Nous souhaitons revendiquer cet état d’esprit en proposant clairement que la gendarmerie nationale demeure placée sous les ordres du ministre de l’intérieur et du ministre de la justice.
On a ainsi pu parler, à l’époque, d’une triple tutelle s’exerçant sur cette force armée : l’intérieur, la défense, et la justice. C’est juste.
Or, malgré certaines affirmations trop rapides, cette situation tendra à disparaître. Avec ce projet de loi, la gendarmerie sera placée non plus sous la tutelle organique du ministre de la défense, mais uniquement sous celle du ministre de l’intérieur. Un certain équilibre historique qui avait fait ses preuves sera rompu.
Certes, il faut moderniser, évoluer, adapter, changer et transformer. Il faut effectivement le faire quand c’est nécessaire et utile.
Cependant, la réforme proposée n’est pas aujourd’hui une bonne initiative parce qu’elle ne garantit plus cette triple tutelle équilibrée qui permettait de conserver le statut militaire des gendarmes.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur, prélude à la fusion des forces, place les deux forces de sécurité dans la même main. N’y-a-t-il pas là un danger pour les libertés publiques ?
Ce rattachement pourrait porter atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire dans la mesure où la dualité de la police judiciaire est une garantie d’indépendance pour l’autorité judiciaire. Le principe du libre choix du service enquêteur par le procureur ou le juge d’instruction permet en effet à ces derniers de ne pas dépendre d’une seule force pour la réalisation de leurs enquêtes.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur entraînera – c’est déjà le cas depuis 2002, date du début du processus actuel – des revendications croissantes des gendarmes et des policiers tendant à un alignement progressif de leurs statuts.
À ce propos, vous pouvez lire avec profit les analyses contenues dans le rapport du groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie. On peut se demander, si nos amendements ne sont pas adoptés, pour combien de temps encore le statut des gendarmes restera commun à celui des autres militaires.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement nos 4 rectifié, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense :
Sans préjudice des attributions de l'autorité judiciaire pour l'exercice de ses missions de police judiciaire, la gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, responsable de son organisation, de sa gestion, de sa mise en condition d'emploi et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire. Pour l'exécution de ses missions militaires, notamment lorsqu'elle participe à des opérations des forces armées à l'extérieur du territoire national, la gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de la défense.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Faure, rapporteur. La commission propose, avec cet amendement n° 4 rectifié, une rédaction qui reprend les préoccupations exprimées par la commission des lois, dans l’amendement n° 22, et par le Gouvernement, dans le sous-amendement n° 58.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de l'amendement n° 4 :
pour l'exercice des missions de police judiciaire.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 58 est retiré.
L'amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense, remplacer les mots :
, sans préjudice des attributions du ministre de la défense pour l'exécution des missions militaires de la gendarmerie nationale
par les mots :
. La gendarmerie est placée sous l'autorité du ministre de la défense pour l'exécution de ses missions militaires, notamment lorsqu'elle participe à des opérations des forces armées à l'extérieur du territoire national,
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cet amendement est totalement satisfait par l’amendement n° 4 rectifié. Je le retire donc.
Mme la présidente. L'amendement n° 60 est retiré.
L'amendement n° 22, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après les mots :
et de l'autorité judiciaire
rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense :
pour l'exercice de la police judiciaire et pour l'exécution des autres missions judiciaires.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Cet amendement est retiré au profit de l’amendement n° 4 rectifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 22 est retiré.
L'amendement n° 35, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les forces de gendarmerie participent à des interventions des forces armées, à l'extérieur du territoire national, sous commandement militaire, elles sont placées sous l'autorité du ministre de la défense.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement a déjà été défendu par le Gouvernement et la commission.
En complément de ce qu’a dit M. le rapporteur, je souhaite faire une remarque.
Actuellement, comme M. le rapporteur l’a souligné, environ 370 gendarmes sont déployés hors du territoire national, en Côte d’Ivoire, au Kosovo ou encore en Géorgie. Mais M. le rapporteur n’a pas dit que la gendarmerie, en tant que force de police à statut militaire, capable d’agir dans tout le spectre de la crise, de la guerre à la paix, est particulièrement adaptée à ce type d’opérations.
Cet amendement vise à clarifier les conditions d’exercice du commandement des forces de la gendarmerie nationale lorsqu’elles participent à des interventions des forces armées sur des théâtres extérieurs.
Les forces de gendarmerie seront alors placées sous commandement militaire au même titre que les autres forces participant à ces interventions.
Cette disposition aura pour effet d’exclure l’existence d’une double chaîne de commandement. Il serait un peu surprenant qu’il y ait à l’étranger deux chaînes de commandement, d’autant que ce ne serait pas sans conséquences !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. L’amendement n° 44, qui vise à supprimer l’article, tend à remettre en cause le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, rattachement qui constitue l’axe principal du projet de loi.
La commission ne peut être d’accord avec vous, monsieur Carrère. Par conséquent, elle vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 47 vise à une nouvelle rédaction du 3° de l’article 1er, qui est consacré aux missions de la gendarmerie nationale.
La première précision sur le statut général des militaires ne paraît pas utile. Il va de soi que les officiers et les sous-officiers de gendarmerie restent des militaires. En tant que tels, ils sont soumis au statut général des militaires.
De plus, la rédaction de cet amendement est problématique, car le personnel de la gendarmerie comprend également des personnels civils qui ne sont pas soumis au statut des militaires.
Par ailleurs, le deuxième ajout ne relève pas du domaine de la loi. On peut même s’interroger sur son caractère normatif.
En outre, les brigades de gendarmerie sont présentes non pas sur toute l’étendue du territoire, mais uniquement dans les zones de compétence de la gendarmerie nationale qui, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, recouvrent 95 % du territoire, principalement en zones rurales et périurbaines. Les grandes agglomérations relèvent, pour leur part, de la zone de compétence de la police nationale.
Pour ces raisons, monsieur Carrère, la commission vous demande de retirer cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 49 tend à rédiger différemment le 4° de cet article. La commission y est défavorable dans la mesure où l’amendement n°4 a été rectifié et offre une nouvelle rédaction.
M. Daniel Reiner. J’avais la faiblesse de penser que mon amendement était meilleur ! (Sourires.)
M. Jean Faure, rapporteur. L’amendement n° 35 est satisfait par la rédaction proposée par la commission. En conséquence, cette dernière demande à M. Pozzo di Borgo de bien vouloir le retirer.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je le retire !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. S’agissant de l’amendement n° 44, j’ai longuement expliqué en quoi le placement de la gendarmerie nationale sous l’autorité du ministre de la défense était logique et nécessaire à la mise en œuvre d’une politique de sécurité à la hauteur des enjeux.
J’ai également souligné que ce placement s’opérerait dans le respect du statut militaire de la gendarmerie. J’y suis attachée. C’est aussi la volonté du Président de la République et du Gouvernement dans son ensemble. L’équilibre souhaité est assuré par le texte du projet de loi. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Les amendements nos 2 et 20 tendent à reformuler le dernier alinéa de l’article 1er pour lever une ambiguïté rédactionnelle. J’y suis favorable.
Les amendements nos 3 et 21 visent à définir les missions de la gendarmerie nationale de façon plus précise que dans le projet de loi. Ils tendent à l’exhaustivité et sont d’ailleurs en partie repris par l’amendement n° 4 rectifié, accepté par le Gouvernement. Ce dernier est favorable aux deux amendements identiques, puisque nous nous sommes expliqués sur la notion de missions judiciaires.
Mme la présidente. Madame la ministre, le sous-amendement n° 59 est-il maintenu ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L’amendement n° 47, présenté par M. Carrère, vise à appliquer le statut militaire à l’ensemble du personnel de la gendarmerie, y compris au personnel civil. Cette proposition est bizarre.
Il vise également à ce que le statut général des militaires s’applique aux corps militaires des officiers et sous-officiers ou aux personnels militaires de soutien, ce qui me paraît la moindre des choses ! La rédaction ne me semble donc pas judicieuse.
En ce qui concerne l’ancrage territorial de la gendarmerie, M. Faure a parfaitement répondu à cette question.
Par ailleurs, au-delà de ce projet de loi, je tiens à rassurer M. Carrère : le Gouvernement n’a pas du tout l’intention de mettre en cause l’implantation territoriale de la gendarmerie.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 47.
Il est également défavorable à l’amendement n° 49, qui ne tend qu’à proposer le statu quo.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes en train de démontrer de façon absolument imparable qu’il est nécessaire de discuter de ce texte de manière un peu plus approfondie.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Dans une autre période de ma vie, il m’est arrivé de faire classe : je poserai dans un petit moment des questions sur les amendements pour vérifier que chacun suit le débat et sait à quel endroit du texte nous nous trouvons ! (Sourires.)
Il n’est pas sérieux de se livrer à des exercices de cette nature quand on légifère sur un texte aussi important !
Je regrette que, pour ne pas retarder l’examen de ce projet de loi, il ne nous ait pas été accordé de poursuivre la discussion quelques heures de plus en commission. De nouveaux amendements continuent d’être déposés : comment allons-nous procéder ? Cette manière de travailler n’est pas sérieuse !
Je connais par avance le sort de l’amendement n° 44 ; alors, mettez-le aux voix, madame la présidente ! Mais essayons de trouver une solution satisfaisante pour la gendarmerie et pour la République !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 2 et 20.
M. Jean-Louis Carrère. L’amendement n° 2 permet le transfert intégral de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Je voudrais relever ce qui me semble une anomalie : l’article L. 1142-1 du code de la défense, modifié par l’article 1er de ce projet de loi, devra à nouveau être modifié lors de la prochaine discussion du projet de loi de programmation militaire pour la période de 2009 à 2014. À quelques semaines d’intervalle, le même article sera donc modifié par plusieurs projets de loi ! Quand nous vous disons que vous légiférez dans la confusion et l’incohérence, en voilà encore une démonstration !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 20.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 21.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 47 n’a plus d’objet.
M. Jean-Louis Carrère. Madame la présidente, je ne comprends pas en quoi l’amendement n° 47 serait devenu sans objet.
Mme la présidente. Mon cher collègue, l’amendement n° 3 que nous venons d’adopter a déjà rédigé entièrement l’article L. 3211-3 du code de la défense ; or cet article ne peut être rédigé deux fois. L’amendement n° 47 devient donc sans objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 49.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La direction générale de la gendarmerie nationale est une direction autonome au sein du ministère de l’intérieur.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement n° 37, puisqu’il s’inscrit dans le même esprit que l’amendement n° 36.
Mme la présidente. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 37, présenté par M. Pozzo di Borgo, et ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le directeur général de la gendarmerie nationale est nommé par décret en conseil des ministres par le Président de la République parmi les officiers généraux de gendarmerie.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Yves Pozzo di Borgo. L’amendement n° 36 tend à consacrer l’existence de la direction générale de la gendarmerie nationale et son autonomie au sein du ministère de l’intérieur, conformément à l’une des recommandations du groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie, adoptées à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de notre assemblée.
En effet, le maintien d’une direction générale de la gendarmerie nationale autonome au sein du ministère de l’intérieur constitue une garantie importante du maintien de la dualité des forces de sécurité dans notre pays et du statut militaire de la gendarmerie, garantie d’autant plus importante dans le contexte du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
L’amendement n° 37 tend à inscrire dans le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale le principe selon lequel le directeur général de la gendarmerie nationale est nommé parmi les officiers généraux de gendarmerie.
Alors que le poste de directeur général de la gendarmerie nationale a pendant longtemps été occupé soit par des officiers des armées, soit par des magistrats ou des préfets, depuis quelques années – je crois d’ailleurs que cette initiative revient à Mme le ministre –, un officier général issu des rangs de la gendarmerie occupe cette fonction. On peut d’ailleurs observer le même phénomène à propos de la direction générale de la police nationale, dont le directeur général est un policier.
Dans le contexte du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur, cette règle contribuerait également à garantir le maintien du statut militaire de la gendarmerie. C’est aussi l’une des recommandations du groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie.
Si vous me permettez une remarque générale sur ces deux amendements, madame la présidente, je rappellerai que la France a la chance d’avoir une administration très puissante, dont les cadres sont bien formés et les directeurs sont efficaces. Chaque ministère, qu’il s’agisse de l’éducation nationale, des finances, de l’intérieur, de la défense ou des affaires sociales, a sa propre culture bien ancrée et un esprit de corps.
J’ai fait partie du groupe de travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie. Il nous paraissait alors étonnant que les gendarmes, qui sont des militaires, puissent se retrouver à égalité de traitement avec les policiers. Nous sommes habitués à avoir des corps indépendants qui cohabitent harmonieusement sous l’autorité du ministre, surtout quand les directeurs sont efficaces.
J’insiste particulièrement sur le fait que le directeur général de la gendarmerie général doit être un officier général – je ne sais pas si cette mesure relève de la loi ou du décret –, parce que cela me paraît obéir à un principe fondamental. Voilà cinq ou six ans – je n’étais pas encore parlementaire –, j’avais été profondément choqué par une manifestation de gendarmes en uniforme : étant moi-même issu d’une administration publique, je m’étais dit que ces gendarmes, dont le patron était à l’époque un préfet – je n’ai rien contre ce corps, qui est très important pour nous –, n’auraient peut-être pas manifesté si leur directeur général avait été lui-même un gendarme. Mais je ne voudrais pas réécrire l’histoire !
Quoi qu’il en soit, je suis très sensible à cet aspect, et j’ai d’ailleurs perçu cette préoccupation au sein de la gendarmerie, qui tient à conserver son esprit de corps.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et le groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie avaient exprimé les mêmes préoccupations que l’auteur de ces deux amendements.
En effet, le maintien d’une gendarmerie nationale autonome au sein du ministère de l’intérieur correspond à l’une des recommandations du groupe de travail. Toutefois, l’organisation interne d’un ministère relève non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. D’ailleurs, en cas de saisine, le Conseil constitutionnel pourrait déclasser cette disposition. Aussi demanderai-je à mon collègue de bien vouloir retirer son amendement n° 36.
En ce qui concerne l’amendement n° 37, le groupe de travail avait également exprimé les préoccupations dont Yves Pozzo di Borgo se fait l’écho. Le fait que le directeur général de la gendarmerie nationale soit un officier général issu de ses rangs constitue une garantie importante dans le contexte du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Toutefois, inscrire ce principe dans la loi semble constituer une rigidité excessive et méconnaître les limites du domaine de la loi. Aussi demanderai-je également le retrait de cet amendement. En cas de refus de la part de son auteur, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le Gouvernement partage les préoccupations exprimées par M. Yves Pozzo di Borgo. Je crois d’ailleurs que mon intervention dans la discussion générale, mes déclarations et le projet de loi même vont tout à fait dans le sens de ses préoccupations.
En ce qui concerne l’organisation interne du ministère de l’intérieur, la création d’une direction générale de la gendarmerie nationale à côté de la direction générale de la police nationale procède d’une évidence, mais elle relève du décret et non pas de loi, comme vous sembliez d’ailleurs vous en douter vous-même, monsieur le sénateur. Il serait donc sage que vous retiriez votre amendement n° 36 ; mais je puis vous assurer que votre préoccupation sera prise en compte.
En ce qui concerne la nomination du directeur général de la gendarmerie nationale, je vous remercie d’avoir rappelé que c’est moi qui ai voulu nommer un officier général ; en effet, cela ne s’était jamais produit jusqu’alors, ou le précédent remontait à une époque très ancienne. C’est moi également qui ai nommé un policier à la tête de la police nationale, car ce type de décision correspond, à mon avis, à une attente et peut permettre une bonne gestion.
Pour autant, sur le plan juridique, la nomination des directeurs ne relève pas de la loi, et il me paraît important de laisser au Gouvernement la possibilité de décider, en fonction des circonstances, qui doit occuper un tel poste. D’ailleurs, si un texte législatif avait précédemment fixé une règle en ce domaine, je n’aurais pas été en mesure de nommer un général de gendarmerie directeur général de la gendarmerie nationale !
Telle est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer également l’amendement n° 37, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Monsieur Pozzo di Borgo, les amendements nos 36 et 37 sont-ils maintenus ?
M. Yves Pozzo di Borgo. Je me rallie aux arguments de la commission et du Gouvernement. Je souhaitais simplement souligner, par ces amendements, la nécessité de garantir l’autonomie de la gendarmerie ; mais je reconnais que les arguments juridiques avancés sont imparables.
Je retire donc mes amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 36 et 37 sont retirés.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.
L’amendement n° 23 est présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-4 ainsi rédigé :
« Art. 15-4.- Le procureur de la République et le juge d’instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire territorialement compétents. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 5.
M. Jean Faure, rapporteur. Cet amendement tend à inscrire dans la partie législative du code de procédure pénale le principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire.
Le dualisme de la police judiciaire constitue une garantie fondamentale d’indépendance pour l’autorité judiciaire. En effet, il permet au procureur et au juge d’instruction de choisir librement entre la police et la gendarmerie, et de ne pas dépendre ainsi d’un seul service pour réaliser ses enquêtes. Or, ce principe ne figure actuellement que dans la partie réglementaire du code de procédure pénale.
Cet amendement doit être examiné en liaison avec l’amendement n° 3 adopté à l’article 1er, qui affirme clairement que « la police judiciaire constitue l’une [des] missions essentielles [de la gendarmerie nationale] ».
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 23.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je comprends et partage le souci de garantir aux magistrats le principe de dualité des services d’enquête. D’ailleurs, depuis 2002, la liberté de choix des magistrats n’a pu à aucun moment être considérée comme menacée par les attributions nouvelles du ministre de l’intérieur. Cela dit, ces deux amendements traduisent une préoccupation à laquelle je m’associe. Par conséquent, j’émets un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Cet amendement nous semble utile pour tenter de sauvegarder les attributions de l’autorité judiciaire face à la voracité prévisible du ministère de l’intérieur.
M. Jean-Louis Carrère. J’ai évoqué la voracité non pas du ministre de l’intérieur, mais du ministère de l’intérieur ! (Sourires.)
Cet amendement prend acte du danger contenu dans le projet de loi, s’agissant du risque d’une remise en cause à terme du dualisme de la police judiciaire et, par voie de conséquence, du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire. Il revêt donc pour nous une grande importance.
Nous nous prononcerons en faveur de cet amendement, madame la présidente. Mais je regrette vraiment que ni Mme le garde des sceaux ni M. le ministre de la défense n’aient eu la courtoisie, à l’égard tant de la gendarmerie que du Sénat, de participer aux débats sur ce projet de loi.
Mme Catherine Troendle. Il a raison !
M. Hubert Haenel. Oui, il a raison !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 23.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité des présents.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Article 2
À l'article L. 1321-1 du code de la défense, après les mots : « Aucune force militaire » sont insérés les mots : «, à l'exception de la gendarmerie nationale, ».
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 38 et 45 sont identiques.
L'amendement n° 38 est présenté par Mme Demessine, MM. Billout, Hue, Mélenchon et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 45 est présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l’amendement n° 38.
Mme Michelle Demessine. Madame la ministre, cet article est assez révélateur de la méthode que vous employez pour faire passer le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur pour une simple réforme de structure sans conséquence. D’un côté, vous prétendez préserver le statut militaire de la gendarmerie et, de l’autre, vous vous employez subrepticement à vider celui-ci de son contenu !
En effet, avec cet article, vous supprimez la procédure de réquisition écrite pour les interventions, y compris avec du matériel de combat lourd, des forces de gendarmerie dans le cadre du maintien de l’ordre public. Vous les excluez ainsi du champ d’application du dispositif et, par conséquent, vous leur déniez l’une des spécificités des forces militaires.
Supprimer cette disposition revient également à contrevenir au principe républicain de la subordination des forces armées aux autorités civiles – c’est lui qui a rendu nécessaire l’instauration d’une procédure de réquisition écrite –et à banaliser l’emploi de la force armée.
Cette suppression ne saurait pas non plus être justifiée par le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. En effet, l’emploi de la force publique au maintien de l’ordre relève de l’exercice du pouvoir exécutif, et non de l’exercice du pouvoir hiérarchique d’un ministre.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas justifier cette évolution par la lourdeur formelle de la procédure de réquisition. Celle-ci mérite certainement d’être modernisée et adaptée au contexte de notre époque. Mais les différents échelons de réquisition prévus ont fait leurs preuves et représentent la principale garantie d’un emploi raisonné et approprié de la force armée.
En dernier lieu, cette suppression ôterait aux commandants d’unité de gendarmerie toute possibilité de recours en cas d’abus de pouvoir.
Pour cet ensemble de raisons, je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 45.
M. Daniel Reiner. Notre discussion porte sur la suppression de la procédure de réquisition, dont le principe est consacré par l’article L. 1321-1 du code de la défense. Hérité de la Révolution, celui-ci dispose qu’« aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ». Le principe figure également à l’article D. 1321-3 du code de la défense, selon lequel « les forces armées ne peuvent participer au maintien de l’ordre que lorsqu’elles en sont légalement requises ». Ces dispositions s’appliquent à toutes les forces armées.
La remise en cause du principe de réquisition de la gendarmerie, pour son emploi au maintien de l’ordre, revient donc à dénier à cette dernière la qualité de force militaire. C’est bien parce que la gendarmerie est une force militaire que l’autorité civile doit recourir à une réquisition écrite déterminant l’objectif à atteindre !
Par ailleurs, supprimer le principe de la réquisition revient à méconnaître l’absence de lien de subordination hiérarchique entre l’autorité civile et l’autorité militaire. Cette dernière reste maîtresse des modalités d’exécution de la mission qui lui est confiée et engage sa responsabilité. Il s’agit d’une exigence forte : son action doit être adaptée à la situation et aux buts, un contrôle de proportionnalité étant exercé par le juge. La réquisition ne lui laisse pas carte blanche quant au déploiement de la force et à l’usage des armes.
La séparation des autorités civiles et militaires plaide en faveur du maintien de la procédure de réquisition, qui offre également des garanties précieuses pour les citoyens, pour l’armée elle-même et pour nos institutions.
Nous contestons fermement l’opinion selon laquelle ces garanties ne seraient qu’apparentes. Je ne citerai pas une nouvelle fois les propos des deux anciens directeurs généraux de la gendarmerie nationale. Comme nous l’avons signalé précédemment, ceux-ci considèrent que cette suppression est insupportable au regard des libertés publiques.
Il convient par ailleurs de nuancer les comparaisons entre les militaires de la gendarmerie départementale, qui exercent de leur initiative et au quotidien leur mission de sécurité publique, et les militaires de la gendarmerie mobile et de la garde républicaine.
On nous oppose que le maintien de la procédure de réquisition est incompatible avec le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Toutefois, nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 1er du projet de loi et nous défendrons un amendement de suppression de l’article 3, qui tend à placer les commandants locaux des unités de la gendarmerie nationale sous l’autorité des préfets. Notre démarche est donc cohérente.
Je rappelle que, en avril dernier, le groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie nationale s’était clairement exprimé sur ce sujet. Il a considéré que le système des réquisitions constituait un élément important de notre dispositif de sécurité et d’ordre public et qu’il convenait, dans ces conditions, d’en conserver le principe.
Nous nous étonnons aujourd’hui que les amendements de réécriture proposés par les rapporteurs soient en contradiction avec cette recommandation du groupe de travail.
Nous observons à cet égard les limites de l’exercice des commissions. Ces dernières, en choisissant de s’aligner sur les orientations du projet de loi, ont été dans l’obligation de chercher à encadrer le recours, dans le cadre du maintien de l’ordre, aux moyens militaires spécifiques de la gendarmerie nationale, ainsi que les conditions d’usage des armes.
Pour notre part, nous ne sommes pas opposés à rénover, à moderniser, voire à simplifier la procédure de réquisition. Nous sommes ouverts à toute proposition qui irait dans le sens d’un allégement du formalisme actuel, en assouplissant si nécessaire les contraintes administratives superflues, dès lors que le principe même de la réquisition ne serait pas remis en cause.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 1321-1 du code de la défense est ainsi rédigé :
« Art. L. 1321-1. - Aucune force armée ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles ou du maintien de l'ordre, sans une réquisition légale.
« Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables à la gendarmerie nationale. Toutefois, lorsque le maintien de l'ordre public nécessite le recours à des moyens militaires spécifiques, leur utilisation est soumise à autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les conditions d'usage des armes pour le maintien de l'ordre public sont définies à l'article 25-2 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Faure, rapporteur. La commission des affaires étrangères est très favorable à l’amendement n° 24 de la commission des lois, au bénéfice duquel elle retire son amendement n° 6.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.
L'amendement n° 24, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 1321-1 du code de la défense est ainsi rédigé :
« Art. L. 1321-1. - Aucune force armée ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles ou du maintien de l'ordre, sans une réquisition légale.
« Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables à la gendarmerie nationale. Toutefois, lorsque le maintien de l'ordre public nécessite le recours à des moyens militaires spécifiques, leur utilisation est soumise à autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les conditions d'usage des armes à feu pour le maintien de l'ordre public sont définies à l'article 25-2 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Le projet de loi vise à supprimer le dispositif des réquisitions pour la gendarmerie nationale.
Cette suppression est justifiée par la lourdeur de la procédure actuelle. De plus, la gendarmerie étant placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur et du préfet, il serait absurde que ces derniers aient à requérir des moyens dont ils disposent.
Il semble néanmoins opportun de conserver un minimum de formalisme en cas d’usage des armes à feu. Cette situation est aujourd’hui encadrée par la réquisition complémentaire spéciale, qui fera d’ailleurs l’objet d’autres amendements.
En outre, une procédure d’autorisation doit être instituée pour l’usage que la gendarmerie pourrait faire, dans le cadre de missions de maintien de l’ordre, de moyens militaires tels que les véhicules blindés à roues. C’est l’objet du présent amendement, qui tient donc compte d’une particularité due au caractère militaire de la gendarmerie nationale.
À la différence de la police nationale, la gendarmerie dispose en effet de véhicules blindés à roues. Leur nature particulière justifie que l’instruction ministérielle du 9 mai 1995 prévoie une procédure particulière pour leur réquisition. L’article 40 de ce texte dispose qu’ils ne peuvent être engagés qu’après autorisation du Premier ministre ou de l’autorité à laquelle il a donné délégation.
Un décret en Conseil d’État précisera les conditions d’application de cette procédure d’autorisation. Il pourra tenir compte des types d’armes et de matériels.
Enfin, cet amendement offre l’occasion de clarifier la rédaction du dispositif en vigueur sur les réquisitions des forces armées.
L’article L.1321-1 du code de la défense rend la réquisition obligatoire pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles. Le maintien de l’ordre public étant une composante de la défense civile, au sens de l’article 17 de l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, cette rédaction est interprétée comme rendant obligatoire la réquisition des forces armées pour le maintien de l’ordre en temps ordinaire. Or, celui-ci est distinct du concept de défense civile, qui suppose que le danger ait atteint un seuil de gravité exceptionnelle.
Par conséquent, si cet amendement était adopté, l’article L.1321-1 du code de la défense prévoirait qu’aucune force armée ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles ou du maintien de l’ordre, sans une réquisition légale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. La commission, soutenant l’amendement n° 24, émet bien entendu un avis défavorable sur les amendements nos 38 et 45.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Concernant les amendements nos 38 et 45, je rappelle simplement que le ministre de l’intérieur n’a pas à requérir des moyens dont il dispose. Cela ne signifie pas pour autant que tout formalisme est abandonné. J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer qu’un texte d’application garantira la traçabilité des ordres de l’autorité civile. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques
S’agissant de l’amendement n° 24, je comprends très bien le souhait des rapporteurs de renforcer les garanties offertes aux citoyens en encadrant, d’une part, la mise en œuvre pour le maintien de l’ordre de moyens militaires spécifiques à la gendarmerie et, d’autre part, l’usage des armes par les policiers et les gendarmes.
Je comprends le souci d’un cadre formel pour l’utilisation des moyens militaires spécifiques à la gendarmerie, mais je rappelle que, depuis 1947, l’emploi au maintien de l’ordre des véhicules blindés de la gendarmerie demande l’autorisation du Premier ministre. La suppression de la réquisition ne remet pas en cause cette obligation.
L’amendement aboutirait à faire inscrire dans un décret en Conseil d’État une obligation qui est aujourd’hui fixée par l’instruction ministérielle du 9 mai 1995 – je ne vois pas d’inconvénient à cela – et à étendre les modalités d’encadrement à l’utilisation de certaines armes. J’y suis donc favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 et 45.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l'amendement n° 24.
M. Jean-Louis Carrère. Sans reprendre une argumentation qui serait peu intéressante à cette heure, je vous rappellerai que, étant opposés au rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, nous sommes favorables à la réquisition. Cela coule de source !
Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, vos arguments m’étonnent.
Certes, nous avons eu des débats en commission et notre groupe de travail a élaboré un certain nombre de propositions, votées à l’unanimité. Mais, ce groupe que vous présidiez, monsieur Faure, a bien maintenu la réquisition dans ses préconisations !
L’évolution vers cet amendement m’inquiète et me pose problème, et ce pour une raison simple. Vous déclarez que vous maintenez le statut militaire de la gendarmerie et, dans le même temps, vous abandonnez le fondement même de ce qui garantit ce maintien de statut : la procédure de réquisition.
M. Jean-Louis Carrère. Je comprends ce que vous dites, madame le ministre, lorsque vous évoquez un texte relatif à la traçabilité des ordres. J’ai également pris note du fait que ce texte ferait l’objet d’un décret en Conseil d’État. Mais je ne sais pas comment la situation évoluera exactement. Nous n’avons connaissance ni de la teneur du texte ni des éléments de ce dernier. Nous n’avons rien du tout !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous ne disposez jamais du texte du décret avant le vote de la loi !
M. Jean-Louis Carrère. Vous rendez-vous compte de ce que vous nous demandez ? Tout simplement d’abandonner l’obligation de réquisition pour nous diriger vers un texte hypothétique dont nous ne connaissons absolument pas la teneur. Donnez-nous-en au moins les orientations !
À ce stade du débat, il est impossible d’abandonner le concept de réquisition sans davantage de précisions sur le dispositif qui le remplacera. Comprenez que, s’il en allait ainsi, nous ne pourrions pas voter ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Faure, rapporteur. Monsieur Carrère, dans le groupe de travail, nous n’avons pas dit que nous reconduisions la réquisition. Nous avons dit que nous allions la rénover. Il est difficile, à la réflexion, de dire au ministre de l’intérieur qu’il est obligé de réquisitionner la gendarmerie dont il a l’emploi à 95 % pour des missions ordinaires, telles que des opérations de sécurité ou de maintien de l’ordre.
À partir du moment où l’on dépasse cet usage habituel de la gendarmerie et qu’on fait appel à des moyens tout à fait exceptionnels tels que les blindés, les armes à feu, etc., il convient de maintenir la réquisition. C’est dans cet esprit que nous avions travaillé, en allant dans un sens positif pour nous adapter au fonctionnement actuel de la société, qui a évolué. Le ministre de l’intérieur est chargé de la sécurité publique et du maintien de l’ordre. Il a l’emploi des forces de l’ordre. Il est normal qu’on lui facilite la tâche, mais on doit maintenir l’obligation de réquisition pour des moyens exceptionnels.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 2
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 25-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un article 25-2 ainsi rédigé :
« Art. 25-2.- Lorsque le maintien de l'ordre public nécessite l'usage des armes par la police nationale ou la gendarmerie nationale, hors les deux cas d'emploi de la force sans formalité préalable prévus par l'article 431-3 du code pénal, leur utilisation est soumise à autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Faure, rapporteur. La commission des lois a présenté un amendement similaire qui nous convient mieux. Aussi, nous retirons notre amendement au bénéfice de l'amendement n° 25 de la commission des lois.
Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.
Le sous-amendement n° 61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 7 pour l'article 25-2 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, remplacer les mots :
leur utilisation est soumise à
par les mots :
les armes de première catégorie en dotation dans la gendarmerie nationale sont soumises à
Ce sous-amendement n’a plus d’objet.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. De toute manière, l’amendement n° 25 de la commission des lois me convient parfaitement !
Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 25-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un article 25-2 ainsi rédigé :
« Art. 25-2.- Lorsque le maintien de l'ordre public nécessite l'usage des armes à feu par la police nationale ou la gendarmerie nationale, hors les deux cas d'emploi de la force sans formalité préalable prévus par l'article 431-3 du code pénal, leur utilisation est soumise à autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à étendre aux CRS et aux gendarmes mobiles la nouvelle procédure d’autorisation d’usage des armes à feu pour le maintien de l’ordre aux fins de disperser un attroupement.
Pour l’usage des armes à feu en vue de disperser un attroupement public, une procédure d’autorisation doit être instituée. Toutefois, elle ne jouerait pas dans les deux cas d'usage des armes sans formalité préalable prévus par l'article 431-3 du code pénal : si des violences ou voies de fait sont exercées contre la force publique, légitime défense collective, ou si elle ne peut défendre autrement le terrain qu'elle occupe.
Il est en effet difficile de concevoir que des armes à feu puissent être utilisées pour disperser un attroupement après sommations sans que l'autorité civile compétente ait donné son accord préalable écrit.
À cet égard, cette nouvelle procédure d'autorisation reposant sur la nature des moyens utilisés et non sur la qualité de leur utilisateur, il paraît cohérent d'étendre cette procédure au maintien de l'ordre par les forces de la police nationale.
Les tonfas, assimilés à une arme blanche de sixième catégorie, ne seraient pas visés par cet amendement, pas plus que les grenades uniquement lacrymogènes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. Avis très favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Je suis extrêmement étonné de ce qui se passe.
La majorité sénatoriale cherche à cacher son embarras.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Ah bon ?
M. Jean-Louis Carrère. Mais oui ! Par quoi êtes-vous embarrassés ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Par rien !
M. Jean-Louis Carrère. Alors, c’est pire que je ne pensais ! (Rires.) Si vous n’êtes pas embarrassés, cela veut dire que vous n’êtes pas très conséquents ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Pourquoi ?
M. Jean-Louis Carrère. Je vais vous l’expliquer. Ce n’est pas une affirmation en l’air !
Vous rattachez la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Vous avez renoncé – en la rénovant, dites-vous - à la procédure de réquisition, et vous vous rendez compte que la cohabitation de ces deux armes au niveau du ministère de l’intérieur va poser problème. En effet, l’utilisation des armes n’est pas la même par la police et par la gendarmerie. Vous nous proposez donc maintenant, par votre amendement, un alignement de la police sur la gendarmerie.
D’incohérence en incohérence, je me demande jusqu’où vous irez !
M. Hubert Haenel. Au contraire, c’est un plus ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Faure, rapporteur. M. Carrère reste sur une ligne parfaitement respectable, …
M. Jean-Pierre Sueur. Elle est très claire !
M. Jean Faure, rapporteur. … qui refuse le rattachement au ministère de l’intérieur.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean Faure, rapporteur. Nous avons une approche différente ; nous nous adaptons et nous voulons faciliter la tâche au ministre de l’intérieur dans l’exercice de sa mission.
Aussi, nous allons voter cet amendement qui prévoit d’étendre la nouvelle procédure à l’usage des armes par la police nationale, notamment par les compagnies républicaines de sécurité pour le maintien de l’ordre. Pourquoi deux forces faisant le même travail, dans les mêmes conditions, auraient-elles deux règlements différents pour l’usage des armes ?
Il ne nous paraît pas normal que les mêmes règles d’usage des armes à feu ne s’appliquent pas aux deux forces de sécurité qu’a à sa disposition le ministre de l’intérieur pour accomplir exactement le même travail. C'est la raison pour laquelle M. le rapporteur pour avis, la commission des lois et moi-même essayons d’harmoniser ces deux forces de sécurité.
Dans le contexte du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, il convient d’harmoniser ces conditions. Il s’agit là d’une avancée importante en matière de respect des libertés publiques : actuellement, la police nationale, notamment les CRS, peut, sur un simple ordre verbal, faire usage de ses armes dans le cadre du maintien de l’ordre pour disperser un attroupement. Or, notre amendement fait référence à une « autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. C’est donc un progrès pour les libertés publiques.
M. Jean-Louis Carrère. Le progrès n’est qu’apparent !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Article 3
I. - Au quatrième alinéa du III de l'article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, la seconde phrase est modifiée ainsi qu'il suit :
1° Après le mot : « unités » sont insérés les mots : « sont placés sous son autorité et » ;
2° Les mots : « des missions qui leur ont été fixées » sont remplacés par les mots : « de leurs missions en ces matières ».
II. - Au dernier alinéa du III de l'article L. 6112-2 du code général des collectivités territoriales, au dernier alinéa du II de l'article L. 6212-3 du même code, au dernier alinéa du II de l'article L. 6312-3 du même code et au dernier alinéa du III de l'article L. 6412-2 du même code, la seconde phrase est modifiée ainsi qu'il suit :
1° Après le mot : « unités » sont insérés les mots : « sont placés sous son autorité et » ;
2° Les mots : « des missions qui leur ont été fixées » sont remplacés par les mots : « de leurs missions en ces matières ».
III. - Au troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, la seconde phrase est modifiée ainsi qu'il suit :
1° Après le mot : « unités » sont insérés les mots : « sont placés sous son autorité et » ;
2° Les mots : « des missions qui leur ont été fixées » sont remplacés par les mots : « de leurs missions en ces matières ».
IV. - Au dernier alinéa du I de l'article 120 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, la seconde phrase est modifiée ainsi qu'il suit :
1° Après le mot : « unités » sont insérés les mots : « sont placés sous son autorité et » ;
2° Les mots : « des missions qui leur ont été fixées » sont remplacés par les mots : « de leurs missions en ces matières ».
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 40 est présenté par Mme Demessine, MM. Billout, Hue, Mélenchon et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre l’amendement n° 40.
Mme Michelle Demessine. L’article 3 place directement les commandants d’unités de la gendarmerie, comme les commandants locaux des services de police, sous l’autorité des préfets.
C’est une nouvelle atteinte à l’équilibre des pouvoirs que j’ai déjà dénoncée lors de la discussion de l’article visant à supprimer la procédure de la réquisition.
C’est aussi une nouvelle façon de contester le statut militaire de la gendarmerie en le vidant de sa substance.
Vous nous dites que cette disposition ne changerait rien à la situation actuelle, qui est régie par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, selon laquelle le préfet dirige et coordonne l’action des services de la police nationale et de la gendarmerie en matière d’ordre public et de police administrative.
Je pense pourtant que la notion d’autorité qui est introduite ici est d’une autre nature. En effet, en insérant le préfet dans la chaîne hiérarchique de la gendarmerie, vous mettez directement en cause le principe d’obéissance hiérarchique qui découle du statut général des militaires.
En outre, selon le code de la défense, les militaires ne doivent obéissance qu’à leurs supérieurs. Il ne peut leur être ordonné, et ils ne peuvent accomplir, des actes qui seraient contraires aux lois.
Cette disposition ôterait également aux commandants d’unité toute possibilité de recours contre d’éventuels excès de pouvoir.
L’autorité pleine et entière sur les unités de gendarmerie confiée aux préfets étant de nature à renforcer le déséquilibre entre les deux forces de sécurité intérieure et à porter atteinte au statut militaire, je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour présenter l'amendement n° 46.
M. Jean-Louis Carrère. La question des relations entre les préfets et les commandants d’unité de gendarmerie n’est pas nouvelle et demeure un sujet sensible. C’est la raison pour laquelle il convient de l’aborder avec une certaine prudence.
Or le présent article 3 est à notre sens mal écrit. Il laisse planer des ambigüités et suscite des inquiétudes non seulement parmi les officiers de gendarmerie mais aussi parmi tous les observateurs qui s’intéressent à cette question.
Le champ de compétences des préfets n’est pas clairement défini et l’expression « responsables locaux des services et des unités » soulève des interrogations.
Les amendements déposés par nos deux rapporteurs pour apporter plus de clarté au texte témoignent des imperfections qui le caractérisent.
Quel est l’apport concret d’une telle disposition dans notre législation ?
Aujourd’hui, le droit en vigueur est extrêmement clair.
En dehors du domaine proprement militaire, le préfet dirige déjà de la même manière l’action de la police et celle de la gendarmerie en matière d’ordre public et de police administrative, sachant que l’exercice des missions de police judiciaire relevant du code de procédure pénale lui échappe.
Aux termes de l’article 34 de la loi du 2 mars 1982, le préfet fixe les missions et veille à la coordination des actions, en matière de sécurité publique, des différents services et forces dont dispose l’État. Il lui est rendu compte de l’exécution de ces missions.
Cette mesure n’apporte donc, selon nous, aucune plus-value légale à la législation actuelle.
Dès lors, il est permis de s’interroger sur les intentions réelles du Gouvernement, qui a fait le choix d’inscrire cette disposition dans le projet de loi.
S’agit-il de traduire fidèlement les propos du Président de la République, qui a déclaré, le 29 novembre 2007, que les commandants des formations territoriales de la gendarmerie devaient être placés formellement sous l’autorité des préfets ? Ce serait une justification purement protocolaire. Cette explication n’est pas satisfaisante.
Nous ne pouvons pas non plus nous contenter de l’argumentation selon laquelle l’article 3 ne fait que tirer les conséquences de l’article 1er du projet de loi qui rattache organiquement la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur.
Nous pensons au contraire que l’affirmation clairement assumée de l’autorité des préfets sur les commandants des formations territoriales est considérable sur les plans politique et symbolique. Elle permettra de franchir une étape déterminante sur la voie dans laquelle, vous l’avez compris, nous ne voulons pas nous engager : la fusion entre les forces de police et les forces de gendarmerie.
Telle est la raison pour laquelle je vous demande d’adopter cet amendement de suppression de l’article 3.
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I.- La seconde phrase du quatrième alinéa du III de l'article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions est ainsi rédigée :
« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »
II.- La seconde phrase du dernier alinéa du III de l'article L. 6112-2 du code général des collectivités territoriales, du dernier alinéa du II de l'article L. 6212-3 du même code, du dernier alinéa du II de l'article L. 6312-3 du même code et du dernier alinéa du III de l'article L. 6412-2 du même code est ainsi rédigée :
« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées.»
III. - La seconde phrase du troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi rédigée :
« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées.»
IV. - La seconde phrase du dernier alinéa du I de l'article 120 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi rédigée :
« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements, présentés par le Gouvernement.
Le sous-amendement n° 65 est ainsi libellé :
I. - Au début du second alinéa du I de l'amendement n° 8, ajouter les mots :
Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale,
II. - En conséquence, procéder au même ajout au début des seconds alinéas des II, III et IV de l'amendement n° 8.
Le sous-amendement n° 64 est ainsi libellé :
I. - Dans le second alinéa du I de l'amendement n° 8, supprimer les mots :
Dans ces matières,
et remplacer les mots :
et des résultats des missions qui leur ont été fixées
par les mots :
de ces missions
II. - En conséquence procéder aux mêmes modifications dans les seconds alinéas des II, III et IV de l'amendement n° 8.
Le sous-amendement n° 63 est ainsi libellé :
I. - Dans le second alinéa du I de l'amendement n° 8, remplacer le mot :
départementaux
par le mot :
territoriaux
II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans les seconds alinéas des II, III et IV de l'amendement n° 8.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 8.
M. Jean Faure, rapporteur. La question des relations entre les commandants de la gendarmerie et les préfets n'est pas nouvelle.
Il faut puiser parfois dans l’histoire pour retrouver un peu de sagesse dans nos débats.
En effet, Napoléon Ier, dans une note pour le ministre de la police, relevait déjà ceci, à propos d’une circulaire du ministre de l’intérieur de l'époque : « ce n’est pas en disant que la gendarmerie est un bras, un instrument, une dépendance qu’on honore un corps, qu’on le rend utile, et qu’on dit autre chose sinon qu’on a voulu l’injurier. Pesez ces différentes phrases ; elles n’ont aucun sens, il n’y a que des mots et une fausseté : c’est que la gendarmerie a cessé ses relations avec les préfets. Pas d’amphigouri. Il fallait dire en six lignes que les capitaines de gendarmerie doivent rendre compte de ce qui se passe aux préfets. Une circulaire ainsi faite eût été simple, précise, mais inutile ; car il n’entre pas dans la tête de ne pas rendre compte aux préfets. »
Tirant les conséquences du rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur, le projet de loi prévoit de placer formellement les commandants locaux des services de police et d’unités de la gendarmerie sous l'autorité des préfets.
Cette disposition a pu susciter des appréhensions au regard du principe hiérarchique, qui constitue un élément essentiel du caractère militaire de la gendarmerie.
Une autre interrogation tient au partage des zones de compétences entre la police et la gendarmerie. En effet, il ne faudrait pas que cette disposition se traduise par la possibilité pour le représentant de l’État de disposer indistinctement des deux forces. À l’évidence, cela conduirait à l’utilisation d’unités de la gendarmerie pour renforcer les forces de police dans les grandes agglomérations, où le taux de criminalité est statistiquement plus élevé, au détriment de la sécurité des zones rurales et périurbaines.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souhaité encadrer ce dispositif de trois manières.
Tout d’abord, il nous a semblé utile de circonscrire sans ambiguïté le champ d’application de cette disposition au maintien de l’ordre public et à la police administrative, la police judiciaire relevant de l’autorité judiciaire.
Ensuite, en parlant des « responsables locaux des services de police et des unités de la gendarmerie nationale », le projet de loi laisse la porte ouverte à des interprétations divergentes quant au niveau hiérarchique.
L’expression « responsables locaux des services et unités » est interprétée très largement comme désignant, pour la police nationale, le directeur départemental de la sécurité publique et, pour la gendarmerie nationale, le commandant de groupement.
Toutefois, pour un lecteur non averti, un commandant de brigades territoriale peut être également considéré, au sens littéral, comme un responsable local d’une unité de la gendarmerie nationale.
Si une telle lecture devait être un jour retenue, elle permettrait aux préfets de s’adresser directement aux commandants de brigades, sans respecter la chaîne hiérarchique.
Afin de prévenir tout risque de dérives, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées propose de substituer à l’expression « responsables locaux » celle de « responsables départementaux », qui correspond à l’échelon hiérarchique de la gendarmerie.
Enfin, afin de préserver le principe hiérarchique, il nous a semblé préférable de garder la formulation actuelle d’après laquelle les commandants « lui rendent compte de l’exécution et des résultats de leurs missions » plutôt que l’expression « sont placés sous son autorité ».
Nous ne voulons pas remettre en cause le rôle de direction et de coordination du préfet, représentant de l’État dans le département en matière de sécurité. Notre préoccupation porte sur le respect du principe hiérarchique qui est consubstantiel au statut militaire de la gendarmerie.
Je sais, madame le ministre, que nous avons une divergence sur ce point. C'est la raison pour laquelle la commission souhaite rectifier l’amendement n° 8 afin de présenter une formule de compromis ainsi rédigée: « Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l’exécution et des résultats de leurs missions en ces matières. »
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l'amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I.- La seconde phrase du quatrième alinéa du III de l'article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions est ainsi rédigée :
« Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats de leurs missions en ces matières. »
II.- La seconde phrase du dernier alinéa du III de l'article L. 6112-2 du code général des collectivités territoriales, du dernier alinéa du II de l'article L. 6212-3 du même code, du dernier alinéa du II de l'article L. 6312-3 du même code et du dernier alinéa du III de l'article L. 6412-2 du même code est ainsi rédigée :
« Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats de leurs missions en ces matières.»
III. - La seconde phrase du troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi rédigée :
« Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats de leurs missions en ces matières.»
IV. - La seconde phrase du dernier alinéa du I de l'article 120 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi rédigée :
« Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats de leurs missions en ces matières. »
La parole est à Mme la ministre, pour défendre les sous-amendements nos 65, 64 et 63.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Compte tenu de la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur, à laquelle le Gouvernement est favorable, je retire les sous-amendements nos 65, 64 et 63.
Mme la présidente. Les sous-amendements nos 65, 64 et 63 sont retirés.
L'amendement n° 26, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - La seconde phrase du quatrième alinéa du III de l'article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions est ainsi rédigée :
« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »
II. - La seconde phrase du dernier alinéa du III de l'article L. 6112-2 du code général des collectivités territoriales, du dernier alinéa du II de l'article L. 6212-3 du même code, du dernier alinéa du II de l'article L. 6312-3 du même code et du dernier alinéa du III de l'article L. 6412-2 du même code est ainsi rédigée :
« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »
III. - La seconde phrase du troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi rédigée :
« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »
IV. - La seconde phrase du dernier alinéa du I de l'article 120 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi rédigée :
« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements, présentés par le Gouvernement.
Le sous-amendement n° 68 est ainsi libellé :
I. - Au début du second alinéa du I de l'amendement n° 26, ajouter les mots :
Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale,
II. - En conséquence, procéder au même ajout au début des seconds alinéas des II, III et IV de l'amendement n° 26.
Le sous-amendement n° 67 est ainsi libellé :
I. - Dans le second alinéa du I de l'amendement n° 26, supprimer les mots :
Dans ces matières,
et remplacer les mots :
et des résultats des missions qui leur ont été fixées
par les mots :
de ces missions
II. - En conséquence procéder aux mêmes modifications dans les seconds alinéas des II, III et IV de l'amendement n° 26.
Le sous-amendement n° 66 est ainsi libellé :
I. - Dans le second alinéa du I de l'amendement n° 26, remplacer le mot :
départementaux
par le mot :
territoriaux
II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans les seconds alinéas des II, III et IV de l'amendement n° 26.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l’amendement n° 26.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Madame la présidente, je retire cet amendement au profit de l'amendement n° 8 rectifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 26 est retiré, et les sous-amendements nos 68, 67 et 66 n’ont donc plus d’objet.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 40 et 46 ?
M. Jean Faure, rapporteur. Je demande aux auteurs des amendements tendant à supprimer l’article 3 de bien vouloir les retirer au bénéfice de l’amendement n° 8 rectifié, qui présente une rédaction de compromis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L’autorité du préfet est parfaitement compatible avec le respect du statut militaire et le principe d’obéissance hiérarchique. Ce partage entre le commandement hiérarchique et l’autorité d’emploi apparaît dans plusieurs textes existants relatifs à la gendarmerie. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements, qui ne se justifient pas.
Par ailleurs, comme je l’ai déjà indiqué, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 8 rectifié.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 et 46.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l’amendement n° 8 rectifié.
M. Jean-Louis Carrère. À cette heure-ci, je ne vais pas protester, puisque la commission a eu la gentillesse de me transmettre l’amendement n° 8 rectifié. Je constate toutefois que la situation est telle qu’elle peine à nous faire distribuer à temps les amendements qu’elle propose !
La commission, même si elle admet l’autorité du préfet, tente de défendre au maximum la hiérarchie de la gendarmerie dans la prise de décision : cela l’honore. L’amendement n° 8 rectifié ne correspond pas à ce que nous souhaitions, mais il traduit une évolution positive ; c'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas contre. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l’article 3
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le deuxième alinéa du III de l'article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions est ainsi modifié :
1° Après le mot : « police judiciaire » sont insérés les mots : « et des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la prévention de la délinquance » ;
2° Les mots : « la prévention de la délinquance et » sont supprimés.
II. - Le premier alinéa du III de l'article L. 6112-2 du code général des collectivités territoriales, le premier alinéa du II de l'article L. 6212-3 du même code, le premier alinéa du II de l'article L. 6312-3 du même code et le premier alinéa du III de l'article L. 6412-2 du même code sont ainsi modifiés :
1° Après le mot : « police judiciaire » sont insérés les mots : « et des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la prévention de la délinquance » ;
2° Les mots : « la prévention de la délinquance et » sont supprimés.
III. - Le premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi modifié :
1° Après le mot : « police judiciaire » sont insérés les mots : « et des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la prévention de la délinquance » ;
2° Les mots : « la politique de prévention de la délinquance et » sont supprimés.
IV. - Le premier alinéa du I de l'article 120 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, est ainsi modifié :
1° Après le mot : « police judiciaire » sont insérés les mots : « et des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la prévention de la délinquance » ;
2° Les mots : « la prévention de la délinquance et » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. La commission des lois profite de ce que l'article 3 du projet de loi modifie l'article 34 de la loi de 1982 pour coordonner cet article avec la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Cette dernière a confié au maire, sur le territoire de sa commune, la mission d'animer et de coordonner la mise en œuvre de la politique de prévention de la délinquance.
À Paris, cette politique est désormais co-animée et mise en œuvre par le préfet de police et le maire. Or, l'article 34 de la loi du 2 mars 1982, qui dispose que le représentant de l'État anime et coordonne la politique de prévention de la délinquance, n'a pas été modifié pour tenir compte de ces évolutions législatives. En conséquence, la commission des lois vous propose de saisir l'occasion de ce projet de loi pour y remédier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. Favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Cet amendement de coordination avec la loi relative à la prévention de la délinquance cherche utilement à préserver le rôle du maire. Cette disposition n’a de sens que si l’on accepte politiquement le rôle dévolu au préfet par la loi de mars 2007, ce qui n’est pas notre cas.
Toutefois, nous ne nous opposons pas à l’adoption de cet amendement, même si nous trouvons regrettable d’être emportés dans cette spirale.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
Dépôt d’un projet de loi rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 11 décembre 2008
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008.
(Dépôt enregistré à la présidence le 12 décembre 2008 et rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 11 décembre 2008)
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 134, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
12
Dépôt de propositions de loi
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Alain Dufaut une proposition de loi tendant à modifier le fonctionnement des groupes d’élus.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 136, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de MM. Dominique de Legge et François Zocchetto une proposition de loi visant à instaurer une imposition forfaitaire sur les lignes de chemin de fer à grande vitesse concédées.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 137, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. Alex Türk une proposition de loi tendant à rendre publics les avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur les projets de loi.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 139, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
13
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
Mme la présidente. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation intérieure et modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4172 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4173 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (Refonte).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4174 et distribué.
14
Dépôt de rapports
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008 (n° 134, 2008-2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 135 et distribué.
J’ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2009.
Le rapport sera imprimé sous le n° 138 et distribué.
15
Dépôt d'avis
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Alain Vasselle un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008 (n° 134, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 140 et distribué.
J’ai reçu de Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008 (n° 134, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 141 et distribué.
16
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 17 décembre 2008 :
À quinze heures :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n°499, 2007-2008) portant diverses dispositions relatives à la gendarmerie nationale (urgence déclarée).
Rapport (n° 66, 2008-2009) de M. Jean Faure, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Avis (n° 67, 2008-2009) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
À vingt et une heures trente :
2. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2009.
Rapport (n° 135, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 17 décembre 2008, à zéro heure vingt-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD