Article 5
L’article 47-1 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 47-1. – Le conseil d’administration de la société France Télévisions comprend, outre le président, quatorze membres dont le mandat est de cinq ans :
« 1° Deux parlementaires désignés respectivement par les commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat ;
« 2° Cinq représentants de l’État ;
« 3° Cinq personnalités indépendantes nommées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel à raison de leur compétence ;
« 4° Deux représentants du personnel élus conformément au titre II de la loi no 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. »
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, sur l’article.
M. Jack Ralite. L’article 5 porte sur la composition du conseil d’administration de France Télévisions.
Selon le projet gouvernemental, cette instance comprend quinze membres ainsi répartis : le président, nommé par le Président de la République ; cinq représentants de l’État ; deux parlementaires désignés par les commissions chargées des affaires culturelles des deux assemblées, soit un représentant de chaque assemblée ; cinq personnalités qualifiées désignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ; deux élus du personnel.
Une telle répartition montre qu’il existera, quoi qu’il arrive, une majorité qualifiée pour faire valider toute délibération proposée au conseil d’administration.
Quelles observations peut-on encore formuler sur ce qui s’apparente à une mise en coupe réglée de l’audiovisuel public ?
On peut, dans un premier temps, se reporter à l’existant, c’est-à-dire à l’état de la loi de 2000 qui avait mis en place la société France Télévisions.
L’article 47-1 de la loi de 1986 modifiée par la loi d’août 2000 prévoyait la répartition suivante des postes :
« Le conseil d’administration de la société France Télévisions comprend quatorze membres dont le mandat est de cinq ans :
« 1° Deux parlementaires désignés respectivement par l’Assemblée nationale et par le Sénat ;
« 2° Cinq représentants de l’État ;
« 3° Cinq personnalités qualifiées nommées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dont une au moins est issue du mouvement associatif, une autre au moins est issue du monde de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique et une au moins est issue de l’outre-mer français ;
« 4° Deux représentants du personnel élus conformément aux dispositions du titre II de la loi no 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel nomme pour cinq ans, à la majorité des membres qui le composent, le président du conseil d’administration de la société France Télévisions parmi les personnalités qu’il a désignées. »
Il apparaît donc clairement que le projet de loi dont nous discutons a pour objet, d’une part, d’accroître le nombre d’administrateurs désignés par le pouvoir exécutif et, d’autre part, de renvoyer aux seules commissions compétentes, et non aux assemblées parlementaires, la nomination des représentants respectifs de chaque chambre, ce qui ne traduit en aucune façon un quelconque progrès des droits du Parlement.
Pour faire bonne mesure, les personnalités qualifiées nommées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel peuvent fort bien n’avoir qu’un lien extrêmement ténu avec le secteur audiovisuel puisque rien, dans le texte proposé, ne contraint d’assurer une représentation du milieu associatif, de la création audiovisuelle ou encore de l’outre-mer. Quant à la représentation du personnel, elle est maintenue à deux sièges, donc réduite de manière relative.
Ce n’est donc pas à une avancée démocratique que procède l’article 5, mais à un recul.
Ce dispositif institutionnel marque en effet un recul par rapport non seulement à l’existant, mais également à la situation de l’ancien ORTF, où les sièges du conseil d’administration se répartissaient équitablement entre représentants de l’État et représentants de la société civile, comme des personnels de l’Office.
Notons que, à l’époque, c’était le conseil d’administration lui-même qui désignait son président, généralement choisi parmi les représentants de l’État, et son vice-président ; je crois savoir qu’il était de coutume que ce vice-président soit issu de l’autre partie du conseil.
Même en 1974, lorsque le pouvoir giscardien a démantelé l’ORTF, les sociétés de programme avaient respecté cette règle de parité puisque, par exemple, le conseil d’administration d’Antenne 2 comptait six membres : deux représentants de l’État, un parlementaire, deux personnalités qualifiées issues de la presse écrite et du monde culturel, un représentant du personnel. Là encore, c’était le conseil lui-même qui élisait son président, dont la nomination était ensuite validée par décision du conseil des ministres.
Le dispositif institutionnel mis en place par l’article 5 du projet de loi est donc nettement moins positif que l’existant. Il marque même un recul eu égard non seulement au statut des sociétés qui, aux termes de la loi d’août 1974, avaient succédé à l’ex-ORTF, mais aussi au statut de l’Office tel qu’il était conçu dans la loi de 1964.
Je ne saurais donc conclure autrement qu’en posant une question simple : à quand faut-il que nous remontions dans le passé de l’audiovisuel public pour trouver une telle mainmise du pouvoir sur la télévision et la radio ?
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 124, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. L’article 5 inaugure une série de dispositions qui modifient de manière particulièrement anti-démocratique les modes de désignation des présidents des sociétés nationales de programmes, qu’elles concernent la télévision, la radio ou l’audiovisuel extérieur.
Cet article aménage l’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 pour permettre que le président du groupe soit nommé par décret présidentiel en supprimant le dispositif précédent, à savoir une nomination dévolue au CSA.
Cette mesure, qui constitue l’un des piliers de la réforme voulue par le Président de la République, est non seulement arbitraire du point de vue démocratique et social, mais laisse particulièrement songeur quant aux véritables visées d’une réforme que personne d’ailleurs n’avait jamais réclamée.
En effet, chacun est en droit de se demander comment l’on est passé de l’objectif de « soustraire la télévision publique à la logique du “pain et des jeux” », pour reprendre les mots du Président de la République, à ces manœuvres de mise sous tutelle politique des composantes nationales de l’espace public démocratique.
Quel est le rapport exact entre la volonté affichée de sauver le service public de « la pression de l’audimat » et ce coup porté au CSA – dont la majorité s’obstine à refuser la réforme – et à la démocratie ?
Cette disposition et toutes celles qui s’en inspirent constituent une régression démocratique extrêmement grave. On parle d’un retour à l’ORTF, mais c’est bien pire ! Nulle part en territoire démocratique, même pas dans cette Italie berlusconienne qui semble être le véritable modèle du Président de la République, on ne procède ainsi pour désigner les dirigeants des services publics de l’audiovisuel.
En Allemagne, c’est le conseil d’administration de l’ARD, composé de façon scrupuleusement pluraliste, avec une représentation très rigoureuse des différents courants de pensée, qui nomme son président. Le mode de désignation du président du BBC Trust garantit parfaitement son indépendance. En Italie, c’est la représentation nationale, par le biais d’une commission spéciale, qui est décisionnaire.
La diversité des systèmes en la matière interprète un seul et unique principe fondateur du fonctionnement des espaces publics démocratiques contemporains.
L’indépendance des médias, notamment des médias publics, est seule garante du pluralisme politique et social.
Les arguments avancés par le Gouvernement pour justifier cette abracadabrante mesure sont, de ce point de vue, fallacieux. Ce sont des sophismes !
Que France Télévisions soit une entreprise publique dont l’État est actionnaire ne justifie pas que son PDG soit nommé par le pouvoir, comme c’est le cas pour la SNCF ou la RATP. C’est pécher par réductionnisme managérial. La télévision publique ne fabrique pas des machines, elle ne vend pas un service, elle produit de l’imaginaire et transmet du patrimoine, elle crée du dialogue social et ouvre des espaces de débat public.
Elle est partie prenante, avec la presse, du fonctionnement même de la démocratie et il n’est pas besoin pour comprendre cela d’avoir lu Habermas.
Que le CSA ne soit pas véritablement indépendant, ce que personne ne conteste plus, dicte de le réformer, non d’ossifier le dysfonctionnement de son rapport au pouvoir en en faisant un principe inscrit dans la loi. On en profite au passage pour délégitimer définitivement le principe même d’une instance indépendante !
Rappelons qu’il n’est pas de démocratie véritable sans tiers neutre pour arbitrer les conflits entre représentants et représentés, gouvernants et gouvernés, citoyens et entreprises, pour surveiller que les règles d’équité et de pluralisme sont respectées. Le principe du CSA est un bon principe, à charge pour la représentation nationale de lui donner les moyens véritables de son indépendance.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que demander la suppression de cet article et de tous ceux qui, dans ce projet de loi, en ont la facture.
Si cela n’est pas fait, le futur président de France Télévisions sera demain entièrement redevable au Président de la République. Au lieu de s’affranchir du pouvoir politique, il lui sera inféodé. Déjà, les pouvoirs économiques jouent, du fait des concentrations, un rôle déplacé. Dorénavant, le pouvoir politique jouera un rôle trop important pour ne pas blesser profondément la démocratie au point de la transformer en ce que j’appelle la « démocrature ».
Mes chers collègues, laisser passer de telles mesures ne serait pas digne du rôle de garant des libertés publiques dont nous sommes indirectement les dépositaires.
M. le président. L'amendement n° 125 rectifié, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 47-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
« Art. 47-1. - Le conseil d'administration de la société France Télévisions comprend, outre le président, dix-sept membres dont le mandat est de cinq ans :
« 1° Six parlementaires désignés par la commission parlementaire « pour le pluralisme et les médias » instituée à l'article 47-4. Ces nominations sont faites dans le strict respect du pluralisme parlementaire et donnent lieu à la représentation la plus large possible des sensibilités composant le Parlement ;
« 2° Deux représentants de l'État ;
« 3° Quatre personnalités indépendantes nommées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, dont une issue des associations de téléspectateurs, une autre de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique, une autre des collectivités territoriales et une de l'outre-mer français ;
« 4° Cinq représentants du personnel élus conformément au titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. »
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Par cet amendement, nous proposons une composition du conseil d’administration de France Télévisions qui favorise son indépendance à l’égard du pouvoir et qui permette un véritable pluralisme interne.
Notre proposition s’impose d’autant plus que le dispositif qui va faire de la désignation des présidents de l’audiovisuel public le fait du prince est maintenu.
Il est maintenu malgré la violation manifeste du principe démocratique d’indépendance des médias vis-à-vis du pouvoir.
Il est maintenu malgré les vives protestations d’une grande partie de la représentation nationale et d’une part importante de la société civile.
Il y a d’ailleurs dans l’incapacité de la majorité à s’opposer au bon vouloir arbitraire de celui qui se conduit comme un monarque absolu le signe d’un abandon de poste.
Mes chers collègues de la majorité, lorsque vous laissez passer de telles mesures, vous renoncez.
La dépendance politique, éditoriale et économique vis-à-vis de l’exécutif national organisée par ce texte doit, puisque vous bloquez sa suppression, pour le moins être freinée.
De ce point de vue, le renforcement de la présence parlementaire, pourvu qu’elle réponde à une juste représentation des sensibilités présentes dans les deux hémicycles, est essentiel. Il permettra de rééquilibrer en partie le dysfonctionnement que constitue la nomination par le Président de la République des présidents des sociétés de l’audiovisuel public.
Car la télévision comme la radio publiques appartiennent aux citoyens et sont leur affaire. Ils doivent s’en mêler au premier chef, directement et au travers de leurs élus.
C’est à partir de cette conviction que nous avons construit nos diverses propositions alternatives aux dispositions « démocraticides » des articles 5 à 9.
Ainsi, nous proposons, dans une nouvelle rédaction de l’article 8, la création d’une commission parlementaire mixte pour « le pluralisme et les médias », qui aurait notamment pour objet de participer à la composition des divers conseils d’administration des sociétés Pour le cas présent, elle nommerait les six parlementaires du conseil d’administration de France Télévisions.
L’installation de cette commission est d’autant plus nécessaire que le CSA ne joue plus son rôle d’arbitre impartial, tout le monde en convient, et que la majorité vient encore de faire obstruction à sa nécessaire réforme.
Il nous semble également essentiel de garantir au sein des instances décisionnaires de l’audiovisuel public le pluralisme en termes non seulement de sensibilités politiques, mais également de société civile. C’est pourquoi nous proposons que parmi les personnalités nommées par le CSA se trouvent des représentants des téléspectateurs – nous pourrions sur ce point nous inspirer du modèle allemand –, un représentant des métiers de la création et un représentant de ces territoires aux problématiques particulières que sont les territoires d’outre-mer.
Enfin, nous suggérons de revaloriser la présence des représentants syndicaux au conseil d’administration afin d’appliquer plus strictement la loi du 26 juillet 1983, qui dispose, à l’article 5, que le nombre de représentants des salariés doit être égal au moins au tiers du nombre des membres du conseil d’administration.
M. le président. L'amendement n° 257, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 47-1 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 47-1. - Le conseil d'administration de la société France Télévisions comprend quinze membres dont le mandat est de cinq ans :
« 1° Quatre parlementaires dont deux appartenant à la majorité et deux appartenant à l'opposition, désignés respectivement par les commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat ;
« 2° Quatre représentants de l'État ;
« 3° Quatre personnalités qualifiées nommées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, dont une issue des associations de téléspectateurs, une autre de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique, une autre des collectivités territoriales et une de l'outre-mer français ;
« 4° Cinq représentants du personnel élus conformément aux dispositions du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Plusieurs amendements visent à proposer des variantes pour la composition du conseil d’administration de France Télévisions. Gageons que si la commission des affaires culturelles n’avait pas dû travailler dans l’urgence, sans débat, à marche forcée, avec un rapport très éclairant mais imprimé à midi, le jour même du débat, nous aurions pu avoir cette discussion en commission.
L’amendement n° 257 décrit une composition qui correspond au pluralisme des points de vue : usagers, professionnels salariés, professionnels partenaires, donneurs d’ordres et parlementaires. C’est ainsi qu’en quinze sièges nous faisons place à la diversité de la représentation politique. Quand nous écrivons « quatre parlementaires », il s’agit de deux représentants de la droite et de deux représentants de la gauche.
Dans cette diversité, nous ajoutons quatre personnalités qualifiées, dont une issue des associations de téléspectateurs. Aujourd’hui, alors que le service public de l’audiovisuel est notre bien commun, les téléspectateurs ne sont consultés qu’au travers de l’audimat.
L’audimat, c’est un indicateur qui n’est guère plus évolué que celui par lequel, en zoologie, on mesure l’appétit des mouches pour le sucre, quand ce n’est pas la mesure du tropisme des papillons nocturnes pour les réverbères qui les tuent. On pourrait faire mieux !
Dans les personnalités qualifiées, au-delà des téléspectateurs qui ont toute leur place, la loi d’août 2000 prévoyait un conseil consultatif qui n’a jamais été installé faute de décret d’application. Il y a des associations, comme Les pieds dans le PAF, qui mériteraient plus de moyens.
Par ailleurs, nous pensons aux créateurs et aux producteurs, qui sont des partenaires permanents de la mission de diffusion, et aux collectivités territoriales. Nous avons passé vingt nuits et vingt jours sur la loi de décentralisation Raffarin pour apprendre que la République était décentralisée ! Si elle l’est, il faut en tirer les conséquences dans la représentation du CSA et prévoir un représentant des collectivités. Il convient également de réserver un siège pour l’outre-mer, dont la spécificité mérite bien une voix.
Enfin, cinq sièges sont prévus pour la représentation du personnel. Pourquoi cinq sièges ? Parce que l’identité soit des métiers, soit des services à qui vous ne voulez plus donner de poids, mérite bien que leur parole ne soit pas réduite à une seule voix au sein du conseil d’administration.
Tel est l’esprit de la description qui figure dans l’amendement n° 257.
M. le président. L'amendement n° 326, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant et Domeizel, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 47-1 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 47-1. - Le conseil d'administration de la société France Télévisions comprend seize membres dont le mandat est de cinq ans :
« 1° Quatre parlementaires dont deux désignés sur proposition conjointe des groupes appartenant à la majorité et deux désignés sur proposition conjointe des groupes n'appartenant pas à la majorité, désignés respectivement par les commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat ;
« 2° Deux représentants de l'État ;
« 3° Huit personnalités qualifiées désignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en raison de leur compétence et de leur indépendance ;
« 4° Deux représentants du personnel élus conformément aux dispositions du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
« Le conseil d'administration élit, pour cinq ans, à la majorité des membres qui le composent, son président parmi les huit personnalités qualifiées. »
L'amendement n° 327, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article 47-1 de la loi du 30 septembre 1986, remplacer les mots :
Deux parlementaires
par les mots :
Quatre parlementaires dont deux désignés sur proposition conjointe des groupes appartenant à la majorité et deux désignés sur proposition conjointe des groupes n'appartenant pas à la majorité,
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Si l’on veut en finir avec l’hypocrisie de la nomination du président, il faut prévoir un nouveau mode de désignation. En Europe, par exemple, c’est le conseil d’administration qui élit son président.
La modification des modalités de nomination des dirigeants des sociétés de la télévision et de la radio publiques et, parallèlement, de leur révocation s’inscrit parfaitement dans la conception de la politique et du pouvoir de l’actuel Président de la République.
Après avoir définitivement « présidentialisé » les institutions de la Ve République en transformant, par sa pratique, le chef de l’État en chef du Gouvernement et de la majorité parlementaire, et en lui octroyant le droit de s’exprimer devant l’Assemblée nationale et le Sénat, le Président de la République veut aujourd’hui « présidentialiser » la gouvernance des entreprises publiques, en commençant par celle du service public audiovisuel.
Ainsi, si les projets de loi que nous examinons entraient en vigueur malgré leur risque d’inconstitutionnalité au regard des dispositions de l’article 34 de notre loi fondamentale, les présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ne devraient leur légitimité qu’au Président de la République, à la tutelle duquel, qu’ils le veuillent ou non d’ailleurs, ils seraient immédiatement soumis.
En revanche, de la nouvelle source de sa légitimité, le président de France Télévisions tirera une autorité que nul ne pourra lui contester en interne. Cette autorité sera d’autant plus sans partage que le patron de la télévision publique sera devenu le seul capitaine à bord du vaisseau que constituera l’entreprise unique, dont l’organisation, aux termes de l’actuel projet de loi, sera fortement centralisée dans une logique de réduction des coûts de fonctionnement.
Non seulement le président de France Télévisions sera sous la tutelle du Président de la République, mais en raison du fonctionnement même de France Télévisions il ne tirera pas sa légitimité de l’entreprise elle-même, ce qui le mettra au-dessus du conseil d’administration. Dès lors, ce dernier sera réduit au rôle de simple chambre d’enregistrement des décisions prises par le président en exécution des directives de l’État actionnaire. C’est ainsi que le meccano se mettra en place concrètement.
Conformément aux vœux du Président de la République, France Télévisions sera donc devenue une entreprise publique comme les autres, c’est-à-dire un outil au service de l’application des politiques du gouvernement en place.
Mais, comme nous le soulignons depuis le début de ce débat, faut-il vous réaffirmer, madame la ministre, que les sociétés exploitant les services publics de radio et de télévision ne sont pas, et ne seront jamais, quel que soit le désir du chef de l’État, des entreprises publiques comme les autres ? Nous en avons discuté au sein de la commission Copé, qui a conclu, dans son rapport final, que la nouvelle gouvernance de France Télévisions devrait préserver « sa spécificité, que le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de réaffirmer ».
Les exemples étrangers permettent d’ailleurs de faire ressortir un modèle de gouvernance commun à la plupart des grands organismes publics de radiodiffusion dans les démocraties européennes. Très souvent, on nous demande de regarder ce qui se passe en Europe. Je suis d’ailleurs frappé par la méconnaissance des mécanismes étrangers, qui ont pourtant prouvé leur efficacité.
Le régime de gouvernance de ces organismes doit garantir, comme le recommande le Conseil de l’Europe, leur indépendance éditoriale et leur autonomie institutionnelle. C’est bien entendu le cas au Royaume-Uni, où la direction opérationnelle de la BBC est contrôlée par le Trust, fondation totalement indépendante du Gouvernement chargée de représenter les intérêts des contribuables s’acquittant de la redevance. C’est aussi naturellement le cas en Allemagne, où la ZDF est dirigée par un intendant élu pour cinq ans par un conseil de surveillance de soixante-dix-sept membres représentatifs des différents courants de pensée et groupes sociaux composant la société allemande et qui doit rendre compte de son action à un conseil d’administration de quatorze membres. Ne me dites pas que ces deux modèles n’ont pas fait leurs preuves !
Le seul vrai progrès d’une réforme de la gouvernance de notre télévision et de notre radio publique s’inscrirait donc dans un schéma respectant ces principes.
Notre amendement n° 326 va dans ce sens, en démocratisant profondément la composition du conseil d’administration de France Télévisions et en lui donnant compétence pour élire son président parmi les personnalités qualifiées désignées par un CSA réellement indépendant. Nous en avons débattu précédemment : pour que le CSA nomme des personnalités qualifiées de manière indépendante, il fallait que lui-même soit indépendant.
Ainsi, le dirigeant de la télévision publique n’ayant plus de compte à rendre qu’à l’instance délibérative qui l’a élu, la gouvernance de l’entreprise connaîtra elle-même un mouvement de profonde démocratisation.
L’un des moyens essentiels de garantir l’indépendance de notre télévision publique consiste donc à « parlementariser » la gouvernance de France Télévisions.
Conformément aux vœux de la commission Copé, la représentation de l’État y serait réduite à deux membres, sortes de « commissaires du Gouvernement », garants, pour l’un, des intérêts de l’État actionnaire, pour l’autre, du respect de la réglementation de l’audiovisuel public.
En revanche, afin d’assurer le pluralisme des courants politiques, quatre parlementaires siégeraient au conseil d’administration, un député et un sénateur désignés par les groupes de la majorité dans leurs chambres respectives, un député et un sénateur désignés par les groupes de l’opposition et les groupes minoritaires.
Enfin, deux représentants des salariés continueraient à siéger au conseil d’administration de France Télévisions.
Le président issu des rangs des huit personnalités qualifiées désignées par le CSA pourra ainsi diriger la télévision publique en s’appuyant, en toute responsabilité, sur la compétence d’une instance réellement délibérative.
L’amendement n° 327 est un amendement de repli, qui concerne uniquement la représentation parlementaire.
Si le conseil d’administration de France Télévisions ne compte que deux parlementaires, ce seront un député et un sénateur de la majorité ; donc, aucun parlementaire de l’opposition ne sera représenté.
En proposant que soient désignés quatre parlementaires, nous réglons deux questions : ainsi seraient représentées l’opposition et la majorité, ainsi que deux commissions parlementaires, la commission des affaires culturelles et la commission des finances.