M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Antoinette, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article 47-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 par les mots :
, dont un représentant relevant d'un ministère ou d'une délégation interministérielle en charge de l'égalité des chances et de la lutte contre les discriminations
La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Par cet amendement, je souhaite faire admettre un principe de nature à mettre en cohérence les missions que la loi semble vouloir confier à France Télévisions en matière de lutte contre les discriminations ou de promotion de la diversité de la société française avec la composition de l’instance chargée de fixer les orientations de l’entreprise et d’en contrôler la mise en œuvre.
À l’instar de l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er quater, amendement que j’ai retiré, je tiens à prendre acte de l’importance accordée par cette réforme à la représentativité de la société française dans la télévision publique. Je propose donc de conforter le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale en en garantissant la déclinaison opérationnelle dans les pratiques de l’entreprise, au niveau tant de la programmation que de la production ou de la gestion des ressources humaines.
Malheureusement, la vision puriste de la loi l’emporte sur le réalisme et le pragmatisme. Bien sûr, je suis attaché aux principes républicains, et je défends le respect du dialogue social interne à l’entreprise ! Mais lorsque la réalité de la République est contraire aux principes de la République, que faire ?
Le CSA lui-même déclare la situation actuelle inacceptable, intolérable. Toutefois, on continue de se contenter d’observatoires et de baromètres, de rapports dont les recommandations ne sont pas suivies d’effets significatifs, ou même d’efforts, parfois réels, mais encore timides, maladroits ou inefficaces, plutôt que de mener une politique volontariste, comme on a su le faire dans d’autres domaines.
Aujourd'hui, le Sénat rate une occasion de faire réellement avancer les choses, et j’en prends acte. Par cet amendement, je souhaite qu’une question aussi cruciale, qu’on le veuille ou non, pour la société française, soit portée au moins par un membre de ce conseil d’administration.
Évidemment, cela n’a d’intérêt que s’il existe une véritable volonté politique forte de prendre en compte des discriminations directes et indirectes, pour lesquelles les médias peuvent jouer un rôle symbolique et psychologique important. Si tel n’est pas le cas, si tout ce que l’on a dit ici reste un vœu pieux, mon amendement est sans intérêt.
Mais si, à l’occasion de cette réforme, se dégage vraiment la volonté de prendre acte d’une situation qui ne doit plus perdurer dans la France d’aujourd’hui, la loi fera alors ce qu’elle sait bien faire quand elle le veut, quitte à s’ingérer, comme on fait mine de s’en indigner aujourd’hui, dans la politique interne de l’entreprise.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 47-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication par un alinéa ainsi rédigé :
« Sur proposition de son président, le conseil d'administration nomme et met fin aux fonctions du responsable de l'information au sein de la société France Télévisions à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement vise à améliorer autant que faire se peut la garantie d’indépendance des rédactions, des radios et des télévisions du service public.
Lors de l'examen de la réforme constitutionnelle de l’an dernier, le Sénat a souhaité affirmer, sur l'initiative de notre collègue David Assouline, la responsabilité particulière du législateur lorsqu'il s'agit de garantir l'indépendance des médias. Le moment semble venu de faire usage de ce principe, en accordant un statut particulier au responsable de l'information au sein de France Télévisions, car celui-ci n'est pas un dirigeant comme les autres. Par les missions qu'il remplit, ce dirigeant contribue de manière essentielle à l'exercice de la liberté de communication consacrée par la Constitution. En ce sens, nommer ou mettre fin aux fonctions d'un directeur de l'information est un acte plus lourd et plus solennel que la nomination d'un autre directeur, quels que soient ses compétences et le caractère essentiel de ses fonctions.
La commission vous propose, mes chers collègues, de reconnaître ce statut singulier en prévoyant que le responsable de l'information au sein de la société France Télévisions sera nommé par le conseil d'administration à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, c'est-à-dire, en l’occurrence, par dix membres sur quinze.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 124, le conseil d’administration de France Télévisions nous semble équilibré, d’autant que des précisions importantes ont été apportées par l'Assemblée nationale.
Après le rapport de notre collègue député Christian Kert, la commission spéciale a entendu exclure le fait que les personnalités qualifiées nommées par le CSA puissent être des clients ou des fournisseurs de la société France Télévisions.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a également établi que les parlementaires siégeant au conseil d’administration sont désignés par les commissions des affaires culturelles.
La commission estime donc que l’on a atteint un équilibre entre la nécessaire stabilité de la composition du conseil d’administration de France Télévisions et la non moins nécessaire indépendance de ses administrateurs. En conséquence, elle est défavorable à cet amendement.
Quant à l’amendement n° 125 rectifié, outre le fait qu’il est contraire à l’indépendance du Parlement, il nous semble déséquilibrer le conseil d’administration de France Télévisions en réduisant le nombre de représentants de l’État, pourtant seul et unique actionnaire de cette société.
Rappelons que, sur les quinze membres du conseil d’administration, aujourd'hui, seuls cinq représentants de l’État concernent les différentes administrations intéressées par France Télévisions.
Par ailleurs, notre collègue Marie-Christine Blandin a souhaité que soit nommée une personnalité qualifiée issue des associations de téléspectateurs. Mais nous nous heurtons à la même difficulté que lors de l’examen du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet : il avait été demandé que les internautes soient représentés à l’HADOPI, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet. Il est très difficile de désigner un tel représentant.
En revanche, nous proposerons ultérieurement un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 14 visant à activer le Conseil consultatif des programmes : il pourrait être constitué d’un panel de téléspectateurs, à la manière des méthodes employées par Médiamétrie, pour permettre à ceux-ci de donner régulièrement leur avis sur les programmes du service public.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 257, la commission y est défavorable, car il déséquilibre le conseil d’administration de France Télévisions.
Par ailleurs, comme il s’agit d’une entreprise publique, il paraît justifié que l’État soit représenté dans le conseil d’administration, à tout le moins à parité avec les membres qualifiés nommés par le CSA. En conséquence, la commission est également défavorable à l’amendement n° 326.
Pour ce qui est de l’amendement n° 327, la pratique actuelle au Sénat veut que la commission répartisse à la proportionnelle des groupes les nominations dans les organismes extérieurs. Les parlementaires de l’opposition font donc déjà partie de certains conseils d’administration, tel celui de Radio France.
On ne peut pas augmenter en permanence le nombre de parlementaires siégeant dans les conseils d’administration. Cela pourrait être interprété comme une politisation de ces conseils (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) et nuirait à l’image du Parlement, dont les membres doivent se consacrer principalement au travail législatif. Il nous semble plus cohérent que le Parlement renforce ses missions de contrôle.
Le parlementaire désigné par la commission des affaires culturelles est avant tout un observateur attentif et un relais pour les informations qui doivent être transmises à la commission.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 96, car elle ne souhaite pas que l’on s’engage dans une énumération trop précise des représentants de l’État dans le conseil d’administration de France Télévisions. Aujourd’hui, on y compte un représentant de l’outre-mer. Malheureusement, tous les ministères concernés par l’audiovisuel public ne peuvent y être représentés.
Il y a toujours, au rang des personnalités qualifiées désignées par le CSA, un représentant des collectivités ultramarines.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Je souscris tout à fait aux explications que vient de donner Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles.
Un équilibre satisfaisant est en effet atteint au sein du conseil d’administration. En fait, la situation antérieure est inchangée, à l’exception du président. En effet, le conseil d’administration comprenait quatorze membres, le président étant choisi parmi les personnalités qualifiées. Aujourd'hui, il comporte quatorze membres plus le président, mais les équilibres restent identiques : deux parlementaires, cinq représentants de l’État et cinq personnalités indépendantes, ainsi que deux représentants des personnels.
Mme Morin-Desailly l’a très justement rappelé, cette disposition n’empêche pas que des parlementaires de l’opposition soient désignés pour des conseils d’administration, comme c’est le cas pour Radio France.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 124, 125 rectifié, 257, 326 et 327.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 96, car la notion de diversité est suffisamment garantie par ailleurs pour qu’il ne soit pas nécessaire de prévoir une représentation spécifique des représentants de l’État au sein du conseil d’administration.
Enfin, le Gouvernement est très défavorable à l’amendement n° 14 et donc à la nomination par le conseil d’administration du responsable de l’information. Comme pour un président de grande entreprise, c’est vraiment la prérogative d’un président de chaîne que de s’entourer de ses propres collaborateurs. Décider du contraire reviendrait à donner un signal de défiance.
De surcroît, cela complexifie les choses. En effet, si le responsable de l’information est nommé par les représentants de l’État, on dira qu’il est désigné par l’État ; s’il est nommé contre l’avis des représentants de l’État, on dira le contraire ! Il faut des équipes à la tête de notre audiovisuel, que ce soit France Télévisions, la Société de l’audiovisuel extérieur ou même Radio France.
C’est la raison pour laquelle je demande à la commission de vouloir bien retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, accédez-vous à la demande du Gouvernement ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous entendons les arguments de Mme la ministre. Nous avons eu également d’autres échos, notamment en commission, mais aussi au-delà.
À partir du moment où nos intentions, que nous considérons comme louables puisqu’elles vont dans le sens d’une plus grande indépendance de l’information et donc des responsables de l’information, ne semblent pas être perçues comme telles par les acteurs en général et par un certain nombre de nos collègues en particulier, nous retirons cet amendement.
M. Jean-Pierre Plancade. Dans ce cas, je vais le reprendre !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. La commission a retiré l’amendement, mais je tiens à donner mon point de vue à cet égard, monsieur le président.
Le problème est assez complexe. La commission a estimé que le responsable de l’information pour une chaîne n’était pas un responsable comme les autres. Par conséquent, le fait d’encadrer son mode de nomination et de révocation garantirait une plus grande indépendance. Telle était l’idée de départ de la commission.
Mais on voit les effets pervers d’une telle idée à cause de la composition même du conseil d’administration. Si, dans la composition actuelle, l’État est représenté par cinq membres, si le CSA en nomme cinq alors que lui-même n’est pas complètement indépendant, cela signifie que, dans le cas de figure qui nous est présenté, le responsable de l’information sera directement nommé par la tutelle ou sous contrôle de celle-ci puisqu’elle représentera la majorité des trois cinquièmes au sein du conseil d’administration. Cela va totalement à l’encontre des garanties que nous voulons obtenir !
Cet amendement ne pourrait avoir de sens que si la composition du conseil d’administration était celle que nous avons suggérée dans nos amendements précédents, à savoir deux représentants de l’État et une majorité de personnalités qualifiées assurant l’indépendance du conseil d’administration.
Le fait qu’une majorité des trois cinquièmes des membres du conseil d’administration soit nécessaire pour nommer le responsable de l’information et mettre fin à ses fonctions donne à celui-ci une indépendance et encadre un peu cette fonction, laquelle, je suis d’accord, n’est pas une fonction comme les autres.
Bien sûr, il n’est pas question de dire que le président de France Télévisions nomme tous les responsables. Mais quand il s’agit de diriger des rédactions qui s’adressent à des dizaines de millions de Français tous les jours, on peut quand même borner davantage le profil et le choix du responsable de l’information. Le président lui-même n’a pas de comptes à rendre au conseil d’administration puisqu’il est nommé par le Président de la République.
En conclusion, compte tenu de la composition du conseil d’administration telle qu’elle nous est proposée, je pense que l’amendement n° 14 devrait être retiré...
M. le président. La commission a retiré cet amendement, monsieur Assouline. Vous ne devriez donc pas prendre la parole pour explication de vote !
M. David Assouline. Mais M. Jean-Pierre Plancade a manifesté son intention de le reprendre !
Monsieur le président, nous avons eu un débat assez long en commission sur ce sujet qui a fait l’objet d’un consensus. En séance, après l’avis du Gouvernement, la commission a accepté de retirer son amendement. Vous pouvez me laisser m’exprimer sur une question aussi importante afin que je clarifie notre position et tente de mettre tout le monde d’accord !
Nous allons dans le sens de la commission pour éviter de parvenir au résultat inverse, à savoir donner à l’État le pouvoir de nommer le responsable de l’information, ce qui n’est pas bien.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Cet amendement a fait l’objet d’un long débat en commission. Tout le monde a bien pesé les arguments pour et les arguments contre. Personne n’a fait de procès d’intention à l’égard de quiconque. Mme la ministre a exposé ses arguments. On comprend qu’il s’agit de postes particuliers.
Madame le rapporteur, je regrette que vous retiriez cet amendement. Certes, il n’était pas complètement satisfaisant : c’était en quelque sorte un amendement de repli pour essayer de rééquilibrer les choses.
Toutefois, si personne ne veut le voter, et s’il est définitivement retiré, je renonce à le reprendre, mais à regret !
M. le président. Puis-je considérer que l'amendement n° 14 est définitivement retiré, monsieur le président de la commission ?
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 14 est donc retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 124.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote sur l'amendement n° 326.
Mme Catherine Tasca. La rédaction de l’article 5 fait apparaître un complet décalage entre la prétention d’une réforme censée révolutionner l’audiovisuel public et le conformisme régressif de la composition du futur conseil d’administration telle qu’elle ressort de la rédaction du Gouvernement.
Quelle devrait être en effet la préoccupation du législateur pour ce conseil d’administration ? Puisqu’il s’agit en fait d’une très grande entreprise à la responsabilité considérable, le législateur devrait faire en sorte que le futur conseil d’administration joue pleinement son rôle entre la structure professionnelle dirigeante, les personnels, la tutelle et le public. Cela suppose une refonte en profondeur par rapport à la situation actuelle ; c’est ce à quoi vise notre amendement n° 326.
Ce n’est un mystère pour personne que les conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel public sont actuellement insuffisamment actifs, car pas assez représentatifs ni du Parlement, ni des usagers, ni des personnels. Ils se sont souvent révélés trop suivistes par rapport aux décisions du Gouvernement – l’État actionnaire –, en particulier du ministère du budget, qui joue toujours un très grand rôle dans ces structures. La récente décision de suppression de la publicité par le conseil d’administration de France Télévisions en est une triste illustration.
À l’évidence, si l’on voulait, avec cette réforme, s’inscrire dans la perspective ouverte par la révision constitutionnelle, il fallait faire une place sensiblement accrue aux parlementaires et à un CSA revalorisé.
Enfin, si l’on reste vraiment dans la logique d’une grande entreprise, le président devrait tenir sa légitimité de son conseil d’administration Or il n’y a rien de tout cela dans la rédaction de l’article 5. C’est pourquoi notre amendement n° 326 vise à apporter des solutions.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'amendement n° 96.
Mme Bariza Khiari. Sur le fond, je comprends l’amendement de mon collègue.
En effet, les discriminations sont de véritables « morts sociales ». Notre société a un gros travail à faire pour la promotion de l’égalité, et les médias ont un rôle à jouer dans ce domaine.
Malheureusement, cet amendement renforcerait la présence de l’État au sein des conseils d’administration. C’est la raison pour laquelle je ne le voterai pas.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
L'article 47-2 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 47-2. - Le conseil d'administration de la société Radio France comprend, outre le président, douze membres dont le mandat est de cinq ans :
« 1° Deux parlementaires désignés respectivement par les commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat ;
« 2° Quatre représentants de l'État ;
« 3° Quatre personnalités indépendantes nommées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à raison de leur compétence ;
« 4° Deux représentants du personnel élus conformément aux dispositions applicables à l'élection des représentants du personnel aux conseils d'administration des entreprises visées au 4 de l'article 1er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 précitée. »
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 126, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. L’article 6 est la transposition pour Radio France des dispositions de l’article 5 concernant France Télévisions. Il est donc aussi scandaleux que l’article qui le précède et il se justifie aussi peu. Par conséquent, nous souhaitons vivement sa suppression.
Le paysage audiovisuel public que nous préparent les articles 5 à 9 est triste et accablant : un audiovisuel public affaibli financièrement et, de ce fait, insularisé culturellement, en même temps que rendu dépendant du pouvoir exécutif.
De ce pouvoir exécutif dépendront les instances dirigeantes de la télévision publique, de la radio publique et de l’audiovisuel extérieur.
C’est un bien vaste territoire sur lequel le Président de la République souhaite avoir la mainmise.
Si l’on met ces éléments en parallèle avec le fait que le dirigeant du plus gros groupe audiovisuel français est un ami proche de ce même président, il est permis de s’inquiéter pour l’avenir.
De telles craintes sont justifiées par l’article dont nous discutons. Rien, absolument rien ne motivait la transformation du mode de nomination du président d’une société nationale dont le fonctionnement est, à l’heure actuelle, très satisfaisant. Rien, dans la lettre de mission de M. Sarkozy à M. Copé de février 2008, n’a de rapport avec de telles dispositions. Aucun des objectifs affichés pour cette réforme ne permet de comprendre ces mesures, qui sont en fait des cavaliers législatifs, si l’on admet qu’il s’agissait au départ de « soustraire la télévision à l’emprise de l’audimat ».
On connaît l’argument répété à l’envi par le Président de la République et ses partisans dans cette affaire : le CSA est la main de l’exécutif, il est hypocrite de prétendre le contraire ; soyons transparents et laissons donc l’exécutif nommer lui-même le président de France Télévisions ! Voilà un sophisme parfait, qui pourra entrer dans les manuels de rhétorique et rendre songeurs les futurs étudiants de Sciences Po.
La radio publique française se porte bien, les programmes qu’elle produit sont exemplaires en termes de diversité culturelle et de pluralisme politique : France Inter, France Info, France Bleue, France Musique et France Culture remplissent remarquablement leurs missions de service public et leur rôle, essentiel pour la démocratie, de médias indépendants.
Le spectre d’une nomination du PDG par le Président de la République viendrait sans aucun doute mettre à mal cette indépendance.
Nous parlons aujourd’hui de secteurs particuliers : les sociétés de télévision et de radio, notamment publiques, produisent de l’imaginaire collectif, du lien social, de l’espace de débat démocratique. De ce point de vue, elles sont fondamentalement différentes des sociétés qui gèrent des aiguillages ou des pistes d’atterrissage ; il n’y a, dans mes propos, aucun mépris à l’égard de ces sociétés. L’indépendance des sociétés de télévision et de radio est vitale pour la démocratie ; il faut la protéger farouchement.
C’est là une question essentielle à laquelle chaque parlementaire doit réfléchir en son âme et conscience, une question qui ne peut souffrir une fausse conception de la loyauté, car la première des loyautés d’un parlementaire doit être dirigée vers les citoyens qui l’ont élu. Il est impossible, en la matière, de se retrancher derrière un quelconque mot d’ordre ou une consigne de vote.
C’est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement de suppression de l’article 6.
M. le président. L'amendement n° 328, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 47-2 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 47-2. - Le conseil d'administration de la société Radio France comprend seize membres dont le mandat est de cinq ans :
« 1° Quatre parlementaires dont deux désignés sur proposition conjointe des groupes appartenant à la majorité et deux désignés sur proposition conjointe des groupes n'appartenant pas à la majorité, désignés respectivement par les commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat ;
« 2° Deux représentants de l'État ;
« 3° Huit personnalités qualifiées désignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en raison de leur compétence et de leur indépendance ;
« 4° Deux représentants du personnel élus conformément aux dispositions du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
« Le conseil d'administration élit, pour cinq ans, à la majorité des membres qui le composent, son président parmi les huit personnalités qualifiées. »
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Cet amendement reprend pour ce qui concerne Radio France, notre proposition visant à modifier la composition du conseil d’administration de France Télévisions.
En effet, dans toute démocratie, le régime de gouvernance des organismes du secteur public de la communication audiovisuelle, que ceux-ci gèrent des services de télévision ou de radio, doit garantir, comme le recommande le Conseil de l’Europe, leur indépendance éditoriale et leur autonomie institutionnelle.
Le seul vrai progrès d’une réforme de la gouvernance de notre radio publique s’inscrirait ainsi dans un schéma respectant ces principes.
L’amendement que nous présentons va dans ce sens, puisqu’il vise à démocratiser profondément la composition du conseil d’administration de Radio France, en lui donnant compétence pour élire son président parmi les personnalités qualifiées désignées par un CSA réellement indépendant. Ainsi, le dirigeant de la radio publique n’ayant plus de compte à rendre qu’à l’instance délibérative qui l’a élu, la gouvernance de l’entreprise connaîtra elle-même un mouvement de profonde démocratisation.
L’un des moyens essentiels de garantir l’indépendance de notre radio publique consiste donc à « parlementariser » la gouvernance de Radio France.
Reprenant notre proposition concernant le conseil d’administration de France Télévisions, nous suggérons de réduire la représentation de l’État au conseil d’administration de Radio France à deux membres : sorte de commissaires du Gouvernement, ils seraient garants, pour l’un, des intérêts de l’État actionnaire, pour l’autre, du respect de la réglementation de l’audiovisuel public.
De même, afin d’assurer le pluralisme des courants politiques, quatre parlementaires siégeraient au conseil d’administration, un député et un sénateur étant désignés par les groupes de la majorité dans leurs chambres respectives et un député et un sénateur par les groupes de l’opposition dans leurs chambres respectives.
Enfin, deux représentants des salariés continueraient à siéger au conseil d’administration de Radio France.
Le président, issu des rangs des huit personnalités qualifiées désignées par le CSA, pourrait ainsi diriger la radio publique en s’appuyant, en toute responsabilité, sur la compétence d’une instance réellement délibérative.