compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Marc Massion.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Modalités d’organisation d’un débat
M. le président. Mes chers collègues, hier, le Gouvernement a inscrit une déclaration de politique générale sur le Proche-Orient à l’ordre du jour prioritaire de la séance de demain soir, mercredi 14 janvier, à vingt et une heures trente.
Pour le débat suivant la déclaration, sur proposition du président du Sénat et en accord avec les groupes politiques, nous pourrions attribuer un temps de parole de deux heures aux orateurs des groupes et un temps de quinze minutes au président de la commission des affaires étrangères.
Les inscriptions de parole devraient être faites avant demain, onze heures.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
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Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
nuisances sonores causées par le survol d’avions militaires
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 348, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur les nuisances sonores considérables causées par le survol d’avions militaires, comme cela a été particulièrement le cas en novembre dernier dans les Alpes-de-Haute-Provence, survolées quotidiennement et de manière incessante par des Rafale et des Mirage 2000.
Je voudrais savoir si la réglementation autorise ces survols intempestifs, d’autant qu’une partie du territoire survolé se situe dans le parc naturel régional du Luberon. Je souhaite que vous m’informiez sur la réglementation de ces survols à basse altitude, parfois même à très basse altitude, et sur les mesures que vous comptez prendre pour que cessent ces insupportables nuisances sonores subies pendant des heures par l’ensemble de la population.
J’ajoute que les parcs naturels régionaux ne subissent pas le même sort que les parcs nationaux, puisque les conditions de survol de ces derniers sont beaucoup plus restrictives, y compris à l’occasion de grandes manifestations. Ainsi, lors du Tour de France, l’ensemble des aéronefs affectés à son organisation ont dû survoler le territoire concerné à une très grande hauteur, afin de ne pas nuire à la tranquillité de la région.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, les préoccupations sur lesquelles vous appelez mon attention, après avoir sans doute été interpellé sur ce sujet par vos concitoyens, sont tout à fait compréhensibles. Pour résider moi-même régulièrement à proximité d’une base aérienne, je sais ce qu’il en est.
Je tiens à vous assurer que les équipages de l’armée de l’air effectuent leur activité aérienne sur l’ensemble du territoire national dans le respect, bien sûr, des règles de vol prescrites par la réglementation en vigueur. Ainsi, le territoire ne peut être survolé, hors agglomération et zones réglementées, au-dessous d’une hauteur minimale de 150 mètres par rapport au sol.
Certes, vous l’avez rappelé, le parc naturel régional du Luberon n’est protégé par aucun statut particulier y interdisant le survol en basse altitude. C’est ainsi que, du 20 octobre au 7 novembre 2008, s’est déroulé, dans votre département, l’exercice CASEX P8-2008.
Cet exercice local mettait en œuvre un grand nombre d’aéronefs de combat français et étrangers avec simulations de passe de tir au profit d’un stage de formation des contrôleurs air avancés, couramment dénommés JTAC dans le jargon des opérations.
Les missions effectuées en moyenne et basse altitudes ont nécessité la mise en œuvre de trois zones réglementées temporaires dans la région de Manosque. Les aéronefs y ont évolué à grande vitesse entre le sol et 6 000 mètres.
Afin de répondre aux exigences des missions confiées par les hautes autorités de l’État, l’armée de l’air est appelée à réaliser certaines de ses missions opérationnelles dans des zones montagneuses. C’est d’ailleurs particulièrement le cas dans le cadre de l’entraînement aux opérations aériennes en Afghanistan.
Néanmoins, conscient de la gêne sonore et des risques que peuvent occasionner ces passages d’avions, je puis vous assurer, monsieur Domeizel, que la planification de l’entraînement des équipages tient compte de la meilleure répartition possible au-dessus du territoire, afin que l’effet de dilution engendre une moindre gêne. Ces entraînements, limités au strict nécessaire, sont toujours effectués dans un souci d’assurer le meilleur niveau de sécurité et de réalisme, tout en réduisant, autant que faire se peut, les désagréments subis par les populations.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, si j’ai bien compris, les habitants de notre territoire seront appelés à subir d’autres survols à l’occasion de nouveaux exercices.
M. Claude Domeizel. Il faut en être conscient, et vous venez de le reconnaître vous-même, il s’agit d’une gêne très importante pour nos concitoyens.
Pour en avoir moi aussi subi les conséquences, je peux vous dire qu’il est fort désagréable d’entendre le bruit d’avions passant au-dessus de vos têtes pendant des heures, parfois à très basse altitude. Il conviendrait de tenir compte de ces nuisances et de changer le lieu d’exercice des entraînements militaires le plus souvent possible.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Ce sera fait !
devenir des écoles de reconversion professionnelle de l’onac
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, auteur de la question n° 360, adressée à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur le devenir des écoles de reconversion professionnelle de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC.
Créées en 1916 dans le but de réinsérer professionnellement les mutilés de la Grande Guerre, ces écoles se sont progressivement ouvertes à d’autres catégories de personnes : les mutilés du travail à partir de 1924, les travailleurs handicapés à partir de 1962, les agriculteurs en reconversion en 1965, les enfants de harkis en 1989 et les militaires en reconversion à partir de 1997.
Les neuf écoles de reconversion professionnelle réparties sur l’ensemble du territoire national accueillent ainsi aujourd’hui près de 2 000 stagiaires. Si les ressortissants du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre y ont encore leur place, l’essentiel de leur effectif est désormais constitué de personnes reconnues travailleurs handicapés.
L’école Féret-du-Longbois, à Limoges, est le seul établissement de ce type dans le grand Centre-Ouest. L’intérêt de sa localisation n’est plus à démontrer puisque 60 % des stagiaires sont issus de la région Limousin et des départements limitrophes, en raison, sans doute, des formations spécifiques de qualité qui y sont dispensées.
Au fil des années, ces écoles ont su développer un véritable savoir-faire pour l’accompagnement de la personne en reconversion. Elles proposent ainsi plus d’une cinquantaine de formations diplômantes ou qualifiantes dans de très nombreux secteurs d’activités. Leurs résultats sont exemplaires, qu’il s’agisse du taux de réussite aux examens, plus de 85 %, ou du taux d’insertion professionnelle, plus de 70 %.
Or, aujourd’hui, les personnels administratifs et enseignants sont très inquiets quant à l’avenir de leurs établissements.
Dans le cadre de l’élaboration du deuxième contrat d’objectifs et de moyens de l’ONAC, vous avez engagé, monsieur le secrétaire d’État, une réflexion sur la modernisation de la gestion de ces écoles. Parmi les solutions à l’étude figure la possibilité de les confier à une filiale de l’ONAC ou à des établissements publics locaux.
Vous-même avez évoqué devant notre assemblée, le 28 novembre dernier, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, la possibilité d’un regroupement de ces écoles dans une ou plusieurs fondations. Si tel devait être le cas, il s’agirait ni plus ni moins d’une privatisation, avec toutes les conséquences que cela impliquerait, notamment sur l’offre de formation et sur le statut des personnels.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais donc savoir où en est la réflexion sur la modernisation de la gestion des écoles de reconversion professionnelle et connaître les solutions envisagées par le Gouvernement. Si aucune décision n’est encore prise, j’aimerais, à tout le moins, avoir une idée du calendrier prévu.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, vous le savez, puisque vous êtes un fin connaisseur de ce dossier, les écoles de reconversion professionnelle de l’ONAC ont su effectivement développer, au fil des années, un véritable savoir-faire pour l’accompagnement de la personne en reconversion, et leurs résultats sont exemplaires, qu’il s’agisse du taux de réussite aux examens ou du taux d’insertion professionnelle.
Dès lors, le Gouvernement a bien évidemment la volonté de conforter ces écoles dans leur mission. Il est en revanche manifeste qu’elles doivent continuer à évoluer, en élargissant leur domaine d’intervention à d’autres publics plus éloignés de l’emploi. Pour obtenir les moyens nécessaires à cette évolution, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre va rapidement s’engager dans la négociation d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec la direction générale des affaires sociales.
De même, les modalités de gestion de ces écoles doivent évoluer pour permettre à ces dernières de bénéficier totalement des souplesses de gestion offertes par leur caractère d’établissements médico-social, sans pour autant rompre le lien avec le monde combattant et ses valeurs. Différentes hypothèses, dont le recours à une fondation, sont d'ores et déjà à l’étude et doivent déboucher sur une solution définitive pour le 31 décembre 2011. Nous avons donc le temps.
Cette évolution aura pour cadre le deuxième contrat d’objectifs et de moyens, qui sera présenté d’ici à quelques jours, le 27 janvier prochain, au conseil d’administration de l’ONAC.
J’étudie de près ce dossier qui me tient à cœur. J’ai d’ailleurs l’intention, lors d’une tournée dans les départements, les établissements et les écoles – notamment très bientôt dans celle qui est située à Limoges, je l’espère – de me rendre compte de visu de la situation, des potentiels et des perspectives d’évolution.
Je continuerai donc à aller sur le terrain, y compris dans ces écoles. Mon objectif n’est pas du tout de jeter le bébé avec l’eau du bain ! Je n’ai pas non plus l’intention de remettre en cause tout ce qui est fait par ces écoles, qui fonctionnent très bien ainsi et ont un excellent potentiel.
Je ne perds pas de vue ma volonté de faire évoluer la situation dans l’esprit que je viens de rappeler. Encore une fois, il faut être vigilant, mais il n’est pas nécessaire de s’inquiéter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous avez bien voulu apporter.
Je retiens de vos propos que l’implantation géographique de ces écoles ne paraît pas, à ce jour, menacée, ce qui serait grave pour les stagiaires parce qu’ils ont des habitudes. Beaucoup d’entre eux – et il s’agit d’adultes qui ont des conjoints et des enfants – ont abandonné l’endroit où ils vivaient pour venir s’installer près de ces établissements. Il ne faudrait donc pas les obliger à changer d’endroit encore une fois.
Se pose ensuite la question des personnels, qui, sous contrat ou vacataires, n’ont pas une mobilité géographique aisée.
J’acquiesce à ce que vous semblez promettre mais, monsieur le secrétaire d’État, faites en sorte que ces établissements restent à l’endroit où ils sont. Puisqu’ils ont une efficacité certaine, vous pouvez en créer d’autres. Pourquoi pas ?
avenir de la profession d'avoué
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 334, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur l’intention de la Chancellerie de supprimer la profession d’avoué à compter du 1er janvier 2010.
Cette décision a été annoncée brusquement et a surpris toute la profession. Or, cette décision a des conséquences qui ne sont pas neutres ; elle risque de causer un important préjudice à la fois économique et humain aussi bien pour les professionnels concernés que pour les justiciables. Elle risque également de perturber le bon fonctionnement de la justice.
C’est toute une profession qui est ainsi vouée à disparaître ! Je précise qu’elle compte plus de 2500 salariés répartis sur l’ensemble du territoire français entre 235 études et 28 cours d’appel et que les avoués interviennent en priorité sur les affaires des justiciables les plus modestes.
Les avoués sont des officiers ministériels qui représentent les parties devant les cours d’appel. Ils ont exclusivement le droit de postuler et de prendre des conclusions devant la juridiction auprès de laquelle ils sont établis. Cette fonction exclusive en fait des spécialistes du droit judiciaire privé, contrairement aux avocats qui ont une activité juridique importante et dont l’activité judiciaire, même si elle peut être relativement développée en première instance, est extrêmement marginale devant les cours d’appel en matière civile et commerciale.
Les correspondants les plus importants d’une étude d’avoués ont entre huit et quinze dossiers en appel dans une année alors que la moyenne pour les avocats traditionnels en appel est de deux à quatre dossiers par an.
Les avoués exercent donc des compétences tout à fait particulières et ont développé des techniques spécifiques. De fait, la reconversion d’un avoué en avocat, comme vous l’avez suggéré, ne sera ni automatique, ni évidente. Les avoués ne pratiquent pas le métier d’avocat même s’ils ont les mêmes diplômes universitaires et des qualifications proches en procédure. Ils sont en fait aussi éloignés du métier d’avocat que le sont les avocats à la Cour de cassation.
Ceux qui ont été avocats avant de devenir avoués savent qu’ils exercent une tout autre profession, fondamentalement différente, entièrement consacrée à l’activité des cours d’appel et à la technique spécifique du procès en appel.
Madame la ministre, la spécificité est encore plus évidente pour les collaborateurs des avoués qu’une telle suppression mettra dans une situation très délicate. Il s’agit en grande majorité – 90 % – de femmes qui risquent de se trouver sans travail et donc sans ressources le 1er janvier 2010.
De même, il faut le rappeler, les avoués n’ont pas de clientèle propre ; les dossiers leur sont adressés par les avocats, au nom ou pour le compte de leurs clients qu’ils ont eux-mêmes représentés ou assistés en première instance. La clientèle institutionnelle des avoués à la cour n’est en réalité attachée à leurs études qu’en raison du caractère obligatoire du recours à un avoué pour la procédure d’appel.
Je voudrais donc savoir si une étude préalable sur les conséquences de cette décision a été réalisée, si une concertation a enfin été engagée avec les professionnels concernés, si des mesures sont envisagées afin d’en atténuer les effets économiques et sociaux et si un processus d’indemnisation a été prévu.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, la réforme des avoués a été envisagée en 1971. Les avoués ont alors été supprimés au niveau des tribunaux de grande instance, mais la réforme n’a pas été poursuivie au niveau des cours d’appel.
Ce projet récurrent n’a jamais été réalisé. Il s’agit d’un engagement du Président de la République et nous souhaitons aujourd’hui le mettre en œuvre, dans l’intérêt du justiciable pour une plus grande efficacité, mais aussi pour une plus grande lisibilité de la justice.
Le recours à un avoué est obligatoire en cas d’appel et dans le domaine civil, ce qui n’est pas le cas dans le domaine pénal. Or, pour le justiciable, avoir un avocat et un avoué n’est souvent pas compréhensible et encore moins lisible.
Il s’agit donc de réformer la justice pour qu’elle soit plus compréhensible, plus lisible, plus accessible au justiciable et évidemment moins onéreuse. Comme vous le savez, la double assistance d’un avocat et d’un avoué est très coûteuse.
Le Gouvernement a décidé de ne plus rendre obligatoire le recours à un avoué pour défendre les dossiers en appel et d’unifier les professions d’avoué et d’avocat.
Les avoués sont tenus d’acheter leur charge à leur prédécesseur. Une directive européenne du 12 décembre 2006 sur les services s’appliquera en 2010, au moment de la mise en œuvre de la réforme. En effet, les règles d’accès à la profession ne sont pas compatibles avec le principe de libre concurrence. Il est donc nécessaire d’anticiper cette réforme qui devient inéluctable.
Dans l’intérêt des justiciables, l’accès au juge d’appel sera ainsi simplifié et moins coûteux. La place de l’avocat sera renforcée. Lorsque nous avons mis en place la commission dite Guinchard, pour la déjudiciarisation d’un certain nombre de contentieux, les avocats craignaient que l’on ne restreigne leur rôle dans tous les secteurs de la justice. Par le biais de cette réforme, l’avocat verra son rôle renforcé : il sera l’interlocuteur unique de la cour d’appel.
Les avoués deviendront automatiquement avocats. Ils seront indemnisés pour la perte de la charge qu’ils ont achetée et qu’ils ne pourront plus vendre.
Tout sera mis en œuvre pour que leurs 1862 collaborateurs trouvent leur place dans cette nouvelle organisation ou bénéficient d’une aide personnalisée pour une reconversion professionnelle. J’ai rencontré ces collaborateurs, il y a quelques mois, avant de lancer ce processus de consultation.
Le Parlement sera appelé à se prononcer sur ce projet de réforme qui prendra effet le 1er janvier 2010. La concertation a été engagée avec les avoués et leurs représentants et se poursuivra en ce début d’année. Nous terminons actuellement sa première phase, qui est une phase d’écoute.
Un rapport très complet a été remis le 20 octobre par les avoués. Je l’avais demandé pour qu’il serve de base notamment à l’indemnisation de la perte des charges et à la prise en compte de leurs préoccupations. Ce rapport est important, car il permet d’évaluer les conséquences des décisions que nous prendrons. Cette mesure sera très précise, vous pouvez en être assuré.
Un haut magistrat spécialement missionné, M. Michel Mazard, avocat général à la Cour de cassation, a rencontré, pendant plus d’un mois, dans la France entière, tous les représentants des avoués. Nous devons consulter prochainement les représentants des avoués pour continuer cette concertation, qui pour l’instant se déroule dans les meilleures conditions.
Comme je vous l’ai dit, cette réforme est un projet récurrent depuis des années, elle est inéluctable et doit être menée dans l’intérêt des justiciables, pour une justice plus lisible et moins coûteuse. Par ailleurs, in fine, la directive sur les services rend obligatoire cette réforme qui prendra effet à compter du 1er janvier 2010.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous n’allons pas ouvrir le débat puisque le Parlement sera saisi de cette réforme.
Cependant, il faut être attentif et prendre beaucoup de précautions concernant les collaborateurs qui risquent de se trouver dans une situation très difficile. Compte tenu de leur compétence spécifique, ils n’auront pas nécessairement la capacité de reprendre un travail dans un cabinet d’avocats. Il faudra veiller de près à leur reconversion.
Vous avez évoqué l’indemnisation. Il importe de savoir si les avoués seront amenés à autofinancer les licenciements qui accompagneront immanquablement cette réforme. Si elle a lieu, l’indemnisation du droit de présentation, du préjudice économique et du préjudice de carrière est, d’après les estimations, évaluée à 900 millions d’euros.
Il sera donc nécessaire de discuter de toutes les modalités d’application de cette réforme que vous nous présenterez.
suicides dans les prisons
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 340, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Anne-Marie Payet. Je souhaite appeler l’attention de Mme la garde des sceaux, sur les nombreux cas de suicides relevés récemment dans les prisons françaises.
Au cours du mois d’octobre, quatre détenus se sont suicidés dans les prisons du nord-est de la France. Au total, pour les 200 établissements pénitentiaires du territoire, ce sont 115 suicides qui sont à déplorer en 2008. À cela s’ajoutent cinq nouveaux cas depuis le 1er janvier 2009.
L’Observatoire international des prisons révèle par ailleurs que l’année 2008 a connu une augmentation de 20 % du nombre de suicides par rapport à 2007. Au niveau européen, parmi les 42 pays du Conseil de l’Europe, la France affiche le taux le plus élevé de suicides dans ses prisons : 17 pour 10 000 détenus contre 6,7 pour 10 000 en Espagne, par exemple, ou encore 10,3 pour l’Allemagne.
Si ces chiffres s’expliquent notamment par la surpopulation carcérale et des rythmes de travail inadaptés pour le personnel pénitentiaire, ils révèlent surtout à quel point il est urgent d’améliorer la prévention, le repérage et la prise en charge du risque suicidaire chez les détenus, dont au moins 25 % présentent des troubles mentaux et parmi lesquels les délinquants sexuels représentent une proportion croissante.
Par ailleurs, l’Académie nationale de médecine, réunie le 21 octobre dernier sur le thème de la santé en prison, a insisté, d’une part, sur les insuffisances de la prise en charge psychiatrique et a dénoncé, d’autre part, les défauts d’organisation de cette prise en charge. Par exemple, de nombreuses prisons ne disposent pas de service médico-psychologique régional et, dans celles qui en disposent, il n’y a aucune possibilité d’hospitalisation psychiatrique.
Dans ce contexte, l’Académie a recommandé notamment de mettre en place un tutorat animé par des bénévoles en liaison avec les services médico-sociaux afin de préparer au mieux la sortie et le suivi en dehors de la prison, d’améliorer la formation des experts psychologiques et psychiatriques et de créer un statut de médecin pénitentiaire.
C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir me faire connaître quelle suite le Gouvernement entend réserver à ces propositions.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, vous appelez mon attention sur les suicides en prison, ce qui est un vrai problème et l’a toujours été. Les cas ne sont pas plus nombreux qu’autrefois, mais nous sommes aujourd’hui beaucoup plus vigilants sur ce sujet. Le nombre de suicides en prison a toujours été considéré comme un drame pour le Gouvernement, quel qu’il soit, et pour son garde des sceaux.
Vous m’interrogez sur la suite que le Gouvernement entend réserver au rapport de l’Académie nationale de médecine qui s’est réunie le 21 octobre dernier.
La volonté de réduire le nombre de suicides dans les établissements pénitentiaires est générale : c’est une préoccupation de l’administration pénitentiaire et du ministère de la justice. D’ailleurs le projet de loi pénitentiaire qui sera débattu devant la Haute Assemblée dès le mois de février permettra aussi de prendre des mesures pour réduire le nombre des suicides en prison.
Le programme national de prévention du suicide en milieu pénitentiaire comprend plusieurs axes : la formation des personnels à l’intervention de crise, l’amélioration du repérage du risque suicidaire et de l’accueil des personnes écrouées, des préconisations relatives à l’aménagement des cellules et au renforcement de la pluridisciplinarité et l’accompagnement nécessaire des personnels, des codétenus et des familles après un suicide.
Sur les 23 000 surveillants, 12 500 membres des personnels pénitentiaires ont été formés aux programmes de prévention du suicide.
Le ministère de la santé participe à ces efforts de formation à la prévention du suicide via les directions générales des affaires sanitaires et sociales, les DRASS, en organisant des formations continues pluridisciplinaires, en région, de personnels sanitaires travaillant en établissement pénitentiaire et de personnels pénitentiaires.
Depuis la loi du 18 janvier 1994, la prise en charge sanitaire des personnes détenues a été transférée du service public pénitentiaire au service public hospitalier.
En matière de soins psychiatriques, 26 établissements pénitentiaires disposent de services médico-psychologiques régionaux qui peuvent recevoir en hospitalisation des personnes détenues des établissements pénitentiaires du ressort de ce service régional. Les autres établissements pénitentiaires bénéficient de l’intervention des secteurs de psychiatrie définis dans les protocoles par l’intermédiaire des 175 unités de consultations et de soins ambulatoires. Ce dispositif a considérablement amélioré la prise en charge des pathologies et troubles mentaux, même s’il se révèle encore insuffisant, du fait surtout de l’ampleur grandissante des besoins en prison. Mais il y a tout de même une avancée sur ces sujets.
On observe que tous ces efforts conjugués ont permis de diminuer le nombre de suicides qui, rapporté à la population pénale, est pour 2007 de 15,2 pour 10 000 détenus, au lieu de 22,8 pour 10 000 en 2002. Cependant, ce taux reste trop élevé. Nous faisons tout pour le diminuer, grâce à une prise en charge efficace et de qualité.
Si les progrès en ce domaine sont donc réels, les événements récents nous rappellent qu’ils sont fragiles. En 2008, 115 suicides ont été dénombrés, contre 96 en 2007, 93 en 2006 et 122 en 2005.
Le dispositif de prévention à l’égard des mineurs détenus a été renforcé au moyen d’une procédure spécifique de détection mise en place dès le 1er novembre 2008 et l’amélioration de la couverture psychiatrique des établissements pénitentiaires pour mineurs et des quartiers mineurs est assurée par la désignation d’un médecin pédopsychiatre référent.
Par ailleurs, un film de formation qui explicite les méthodes d’évaluation du potentiel suicidaire, réalisé à la demande du directeur de l’administration pénitentiaire, viendra compléter la formation initiale et continue des personnels pénitentiaires.
Enfin, j’ai confié le 3 novembre dernier au Dr Louis Albrand, médecin expert agréé par la Cour de cassation, la présidence d’une commission de professionnels et d’experts chargée d’établir, en lien avec le ministère de la santé, le bilan de l’action conduite en matière de lutte contre le suicide en milieu carcéral et de proposer de nouvelles actions concrètes d’amélioration du dispositif. Les conclusions de cette commission seront rendues très prochainement.