Mme Marie-Christine Blandin. M. le rapporteur vient de proposer que les « émissions d’information politique » ne puissent être parrainées. Cependant, cette précaution, que je garde intacte au travers de mon sous-amendement, ne suffit pas. C’est pourquoi je suggère d’amplifier le champ des matières sensibles à protéger en ajoutant le terme « notamment ». Ainsi, toutes les émissions d’information ne pourraient désormais plus être parrainées.
Cette proposition concerne d’abord la santé publique. Les émissions s’y rapportant sont très appréciées des téléspectateurs. Les sujets qu’elles abordent informent sur l’origine d’une pathologie, sur le choix des traitements ou des attitudes préventives.
J’ai pu mesurer, dans le cadre de l’élaboration d’un rapport sur les risques chimiques au quotidien, la force des intérêts économiques. Ces derniers sont passés de la conviction à l’intimidation de l’administrateur qui travaillait avec moi ou bien de cadeaux de parfumerie à la menace directe d’une action en justice ! C’est l’indépendance de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques qui m’a permis de tenir le cap.
J’imagine les conséquences du parrainage sur une émission de santé. Que serait, par exemple, une émission sur le diabète parrainée par une multinationale du sucre ?
La santé n’est pas le seul domaine concerné : les émissions d’information sur l’environnement le sont également. Prenez l’admirable Complément d’enquête et, plus particulièrement, la dernière émission diffusée, qui portait sur les risques chimiques. L’émission n’aurait certainement pas eu le même contenu si elle avait été parrainée par l’Union des industries chimiques !
Une excellente émission de la Radio Télévision belge francophone, la RTBF, aidée par France 5, consacrée à la vérité sur la disparition des abeilles n’aurait sans doute pas pu mettre en scène toutes les hypothèses de mort des abeilles si elle avait été parrainée par les fabricants de produits phytosanitaires. Nous ne sommes pas, cette fois-ci, dans le champ de la santé mais bien dans celui de l’enquête d’information.
Ce qui fait encore débat ne doit donc pas être exposé aux téléspectateurs au travers du seul prisme déformant d’intérêts économiques, qui se sont largement exprimés à l’antenne dans les émissions citées ci-dessus, mais n’ont pas pu influencer les réalisateurs comme ils auraient inévitablement pu le faire s’ils avaient été financeurs, et cela quelle que soit par ailleurs la qualité du cahier des charges.
M. le président. Le sous-amendement n° 213 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. Gilles, Retailleau et Hérisson et Mme Bruguière, est ainsi libellé :
I. - Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 30 par une phrase ainsi rédigée :
Les émissions relatives à la santé publique ne peuvent être parrainées par les entreprises et les établissements pharmaceutiques visés aux articles L. 5124-1 à L. 5124-18 du code de la santé publique.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter l'amendement n° 30 par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les sociétés visées au I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication de l'impossibilité de faire parrainer les émissions de santé publique est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mlle Sophie Joissains.
Mlle Sophie Joissains. Ce sous-amendement vise également à restreindre le champ du parrainage, mais dans le seul domaine de la santé publique. Mon argumentation reprend donc en grande partie celle de Mme Blandin.
Ce sous-amendement prévoit que les émissions relatives à la santé publique ne pourront être parrainées que par des entreprises autres que les établissements pharmaceutiques ou les entreprises touchant à l’industrie du médicament.
Selon l’information que l’on vient de me transmettre, la réglementation interdit déjà le parrainage sur les médicaments. Mais cela concerne-t-il bien toutes les émissions traitant de questions de santé publique ? Je n’en suis pas certaine.
M. le président. Le sous-amendement n° 214 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. Gilles et Hérisson et Mme Bruguière, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 30 par une phrase ainsi rédigée :
Les sociétés parrainant les émissions doivent être clairement identifiables pour le téléspectateur en début ou en fin de générique.
La parole est à Mlle Sophie Joissains.
Mlle Sophie Joissains. Ce sous-amendement introduit une exigence de transparence vis-à-vis des téléspectateurs quant à l’identité du parrain.
M. le président. Le sous-amendement n° 267, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 30 par une phrase ainsi rédigée :
Ces sociétés doivent être clairement identifiables pour le téléspectateur.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce sous-amendement est très proche de celui qui vient d’être défendu par notre collègue. En effet, appliquant en quelque sorte le principe de précaution et craignant que M. Portelli ne soit dans l’hémicycle, je me suis gardée d’écrire, comme vous l’avez fait, mademoiselle Joissains, « en début ou en fin de générique », de peur qu’il ne se lève pour protester contre l’empiètement du domaine législatif sur le domaine réglementaire…
M. le président. Les amendements nos 231 et 424 sont identiques.
L'amendement n° 231 est présenté par M. Maurey et les membres du groupe Union centriste.
L'amendement n° 424 est présenté par MM. P. Dominati, Bécot et Houel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
émissions d'information
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du 2° de cet article :
politique et des journaux télévisés.
La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l’amendement n° 231.
M. Hervé Maurey. Cet amendement va dans le sens de l’amendement présenté par les rapporteurs de la commission des affaires culturelles.
Il vise en effet à maintenir la possibilité de parrainage, telle qu’elle est définie par l’article 15, dans le cas d’émissions d’information générale ou d’information sportive. Nous souhaiterions que l’interdiction soit limitée au parrainage d’émissions d’actualité politique ou de journaux télévisés.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° 424.
M. Philippe Dominati. L’amendement a été défendu.
M. le président. L'amendement n° 355, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant et Domeizel, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au deuxième alinéa du 2° de cet article, après les mots :
émissions d'information
insérer le mot :
politique
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Il s’agit d’un amendement de repli.
À partir du moment où l’on retient le parrainage comme mode de financement du service publique audiovisuel, il convient a minima de s’assurer qu’aucune émission politique ne pourra être polluée par du parrainage. Il s’agit, notamment, d’éviter les conflits d’intérêts.
Nous souhaitons préciser le dispositif issu de l’Assemblée nationale, qui interdit tout parrainage dans les émissions d’information, journaux télévisés et débats politiques et d’actualité. La modification que nous proposons s’inscrit parfaitement dans l’esprit des auteurs de l’amendement de l’Assemblée nationale puisque c’est pour interdire à toute émission ayant un objet politique de diffuser du parrainage que cet article a été adopté par nos collègues députés. Nous souhaitons donc verrouiller le dispositif afin d’éviter au parrainage d’entrer par la petite porte des émissions politiques.
M. le président. L'amendement n° 265, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
I. - Après le deuxième alinéa du 2° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les émissions de santé publique et de culture scientifique et technique ne peuvent faire l'objet de parrainage.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les sociétés visées au I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication de l'impossibilité de faire parrainer les émissions de santé publique et de culture scientifique et technique est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Après avoir sous-amendé l’amendement de la commission et au cas où ce sous-amendement ne serait pas retenu, je propose d’introduire un alinéa que je pourrais exactement défendre de la même façon.
Il s’agit, d’une part, de protéger les émissions de santé publique, qui comprennent les émissions concernant les pathologies, leurs causes et leurs thérapies possibles.
Il s’agit, d’autre part, d’y ajouter les émissions d’enquête relevant de la « culture scientifique et technique ». On s’éloigne alors du très grand public et d’émissions comme Thalassa, qui se situent entre tourisme, voyage, information et agrément. La culture scientifique et technique concerne des cas très précis comme, par exemple, les nanomatériaux, le nucléaire, les éoliennes, bref, tout ce qui fait débat.
M. le président. L'amendement n° 243, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Après le mot :
sociétés
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du 2° de cet article :
mentionnées à l'article 44 assurent la promotion de leurs programmes et services. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Depuis plusieurs années, le groupe France Télévisions assure la promotion de ses programmes sur les chaînes du groupe. Ces actions de promotion croisée sont très importantes. Elles permettent tout d’abord d’informer le téléspectateur des programmes, mais aussi de renforcer l’image du groupe lui-même.
À l’heure de l’entreprise unique, la promotion croisée permettra d’asseoir encore davantage l’image de l’entreprise, au-delà de la programmation de chaque chaîne. L’entreprise unique France Télévisions ne regroupe pas seulement les chaînes de télévision, mais aussi tous les nouveaux services qui doivent voir le jour, comme la télé web régionale, par exemple.
La rédaction actuelle de l’article 15 limite les possibilités d’autopromotion de France Télévisions puisque les nouveaux services non mentionnés dans la loi ne pourront pas en faire l’objet. Cet amendement vise donc à permettre à France Télévisions de faire la promotion de l’ensemble des services, y compris ceux qui ne sont pas encore mentionnés dans la loi et qui viendraient à être créés à l’avenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous sommes défavorables aux amendements identiques nos 264 et 354 rectifié.
Nous émettons également un avis défavorable sur le sous-amendement n° 266 de Mme Blandin.
Nous sommes en revanche favorables au sous-amendement n° 213 rectifié, qui vise à éviter que les laboratoires pharmaceutiques et les entreprises de ce secteur puissent parrainer des émissions relatives à la santé publique.
Cependant, nous tenons à préciser que les règles encadrant le parrainage seront fixées par décret en Conseil d’État et que le parrainage est contrôlé par le CSA, qui fait respecter la déontologie nécessaire. Nous espérons, bien entendu, que les dispositions encadrant le parrainage n’auront pas pour effet de réduire la place des émissions relatives à la santé publique sur les chaînes du service publique.
Nous sommes également favorables au sous-amendement n° 214 rectifié, dont nous préférons la rédaction à celle du sous-amendement n° 267.
La commission est défavorable aux amendements identiques nos 231 et 424. En effet, selon nous, les émissions de débats politiques ne doivent pas pouvoir être parrainées. Aucune suspicion ne doit peser sur des émissions telles que Mots croisés ou Ripostes. Je rappelle que la commission a choisi d’interdire le parrainage pour les seules émissions les plus sensibles, celles qui sont relatives aux questions politiques ou aux questions de santé.
L’amendement n° 355 nous paraît satisfait par l’amendement de la commission. Nous pensons qu’il pourrait donc être retiré.
S’agissant de l’amendement n° 265, le point concernant la santé publique est satisfait par le sous-amendement n° 213 rectifié. Pour le reste, il nous semble trop large. Il n’y a quasiment pas d’émissions strictement scientifiques sur France Télévisions. Nous croyons donc le risque d’influence extrêmement limité. De plus, un encadrement est assuré par le CSA.
Nous sommes également défavorables à l’amendement n° 243. La rédaction proposée va à l’encontre de l’objet de l’amendement. Il est en effet important pour nous que les sociétés mais aussi les services puisent faire de l’autopromotion pour l’ensemble de leurs programmes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 264 et 354.
Il est, en revanche, favorable à l’amendement n° 30, qui lui semble tout à fait opportun.
Il est défavorable au sous-amendement n° 266 et s’en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 213 rectifié.
La précision que tend à introduire le sous-amendement n° 214 rectifié figure déjà, en vertu du droit communautaire, dans le décret de 1992 applicable à l’ensemble des chaînes de télévision. Néanmoins, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 267, aux amendements nos 231, 424 et 355, qui sont satisfaits par l’amendement n° 30, à l’amendement n° 265, pour les raisons avancées par la commission, ainsi qu’à l’amendement n° 243.
M. le président. Madame la ministre, acceptez-vous de lever le gage du sous-amendement n° 213 rectifié ?
M. le président. Il s’agit donc du sous-amendement n° 213 rectifié bis.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 264 et 354 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Je soutiendrai bien sûr ces amendements, mais je ne voudrais pas que, dans la douce ambiance de cette soirée d’hiver, le parrainage d’émissions de télévision paraisse aller de soi, comme s’il s’agissait d’une pratique nécessairement bénéfique, d’un moyen simplement judicieux de se procurer des ressources.
Personnellement, il est une bizarrerie sur laquelle, madame la ministre, nous n’avons pas eu la moindre explication, vos avis ayant été, vous en conviendrez, formulés de manière pour le moins lapidaire. Comment expliquez-vous qu’un projet de loi dont l’objet est de supprimer la publicité sur les chaînes publiques généralise le parrainage sur ces mêmes chaînes ? La logique voudrait que vous supprimiez les deux !
Dans ce débat, on a beaucoup parlé d’hypocrisie. C’est assurément une attitude qu’il ne faut pas cultiver. Mais le parrainage n’est-il pas de la publicité hypocrite, madame la ministre ? Quelle différence y a-t-il, pour une marque, entre faire de la publicité et parrainer une émission ? Moi, je vais vous le dire.
Il est très important de faire la différence entre, d’un côté, ce qui est de l’information, de la communication, de la création et, de l’autre, la publicité. Dans certains journaux, les « publireportages » – dénomination que j’ai toujours trouvée tout à fait hypocrite – sont-ils de vrais reportages ou de la publicité ?
Il n’y a aucune honte à faire de la publicité, madame la ministre, mais qu’on nomme les choses par leur nom ! Or le parrainage est une publicité qui ne dit pas son nom et qui crée un rapport extrêmement ambigu entre le contenu de la publicité et le contenu de l’émission parrainée. Que signifie le terme « parrainer » ? Que l’on paie ? Dans ce cas, madame la ministre, disons que cela fait partie du mécénat culturel, qui est tout à fait honorable.
Je ne comprends vraiment pas votre logique. Si vous voulez supprimer la publicité, supprimez aussi le parrainage, qui est une forme dégradée, ambiguë et pernicieuse de la publicité. Personne n’a avancé le moindre argument justifiant la cohérence de la généralisation du parrainage quand on veut supprimer la publicité. S’il en existe un, que quelqu’un l’invoque ! Dans le cas contraire, vous serez d’accord avec moi, mes chers collègues, pour voter ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur Sueur, le parrainage, que nous conservons, sans le généraliser, est une façon d’associer durablement son nom à des programmes courts. Il constitue naturellement une ressource pour l’audiovisuel public, tout spécialement pour l’actualité sportive puisque, on le sait, les programmes sportifs sont souvent parrainés.
Le parrainage, de par la durée de sa mention, n’est pas agressif et ne remet nullement en cause la logique consistant à supprimer la publicité, laquelle se présente sous la forme de « longs tunnels ».
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je souhaite rapidement préciser notre pensée.
Comme l’a dit M. Sueur, la logique voudrait que, dans un projet de loi destiné à supprimer la publicité, on supprime aussi le parrainage, qui est malgré tout, sous une forme peut-être moins agressive, de la publicité.
Notre volonté n’était pas de tarir les ressources de France Télévisions. Au contraire, nous étions opposés à ce projet de loi destiné à supprimer une ressource qui était devenue naturelle et qui contribuait à un certain équilibre du service public de l’audiovisuel, aujourd’hui déstabilisé.
Nos amendements visent non pas à supprimer le parrainage, mais à trouver des moyens de l’encadrer. Nous aurions même été réceptifs à des solutions visant à atténuer le côté agressif de la publicité plutôt qu’à supprimer complètement celle-ci et à arrêter ces longs tunnels sur France Télévisions. C’était une option envisageable.
Les encadrements proposés notamment par Mme Marie-Christine Blandin nous paraissent tout à fait judicieux et dans l’esprit même de la loi. Il est regrettable que ces propositions n’aient pas été accueillies favorablement.
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Pour la commission des affaires culturelles, le clivage est net entre la publicité, c’est-à-dire la production de spots à ses propres fins, et le parrainage accompagnant une œuvre audiovisuelle qui est autonome, indépendante et dont la liberté est entière.
La différence est d’autant plus grande que, comme le disait Mme la ministre, si la marque associe son nom à une émission, elle n’interfère en rien dans le contenu de celle-ci. Il est vrai qu’elle en retire un bénéfice commercial, nous en sommes tout à fait d’accord. Mais il y a une nette distinction entre le contenu de l’œuvre en question et l’accompagnement dans le temps de la marque.
Par ailleurs, comme cela a été dit aussi, nous avons souhaité encadrer plus rigoureusement le parrainage pour lever toute ambigüité quant au contenu des émissions politiques ou de santé publique et éviter ainsi toute confusion éventuelle.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. La distinction entre publicité et parrainage est simple. L’une est exclusivement mercantile, j’allais dire bassement mercantile, alors que l’autre est associé à un contenu éthique.
Mais la frontière est extrêmement fine.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. François Fortassin. Et quelle que soit notre volonté d’encadrer le parrainage, on peut aboutir à des dérives. Certains vont peut-être pousser les hauts cris, mais peu importe !
Dans le domaine scientifique ou dans celui de la santé, bien des financements proviennent de laboratoires ou d’entreprises pharmaceutiques ou chimiques. Comment empêcherez-vous alors l’éminente personnalité, au demeurant tout à fait qualifiée, qui intervient dans une émission scientifique ou dans une émission relative à la santé d’orienter ses propos en fonction de tel ou tel avantage réellement obtenu, mais parfaitement tenu secret ?
Dans de telles situations, qui ne sont pas du tout hypothétiques, comment parvenir à établir une différence ? Peut-être conviendrait-il, même si cela ne constitue pas une solution miracle, de créer une commission d’éthique susceptible d’intervenir en cas de dérive nette pour interdire d’antenne telle ou telle personnalité.
Évidemment, on me rétorquera que cela risquerait de poser des problèmes. Il ne faudrait pas en effet que l’on tente, par ce biais, de porter à tort des accusations sur telle ou telle personne afin de l’interdire d’antenne.
Quoi qu’il en soit, le CSA serait bien inspiré de se saisir de cette question, au moins pour y réfléchir !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 264 et 354 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 266.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est très important que nous nous expliquions sur cette question complexe.
Selon vous, madame la ministre, ce projet de loi ne change pas fondamentalement les choses. Si vous pensez vraiment ce que vous dites, ce dont je ne doute pas, je ne comprends pas pourquoi vous proposez de modifier la loi existante.
La formulation actuelle est la suivante : « Ces sociétés peuvent faire parrainer seulement celles de leurs émissions qui correspondent à leur mission en matière éducative, culturelle et sociale, dans des conditions déterminées par ces cahiers des charges. » Cette formulation qui restreint et encadre le parrainage nous convient parfaitement.
Vous, vous proposez une nouvelle rédaction qui élargit le parrainage à toutes les émissions, hormis les restrictions introduites par l’Assemblée nationale ! C’est pourquoi je soutiens les amendements qui ont pour effet de limiter le parrainage.
J’ai entendu les propos de notre excellent rapporteur Michel Thiollière. Pour ma part, je ne suis nullement convaincu par la distinction entre, d’un côté, la publicité qui s’affiche comme telle et, de l’autre, le parrainage de la marque X.
Le parrainage est une façon beaucoup plus subtile, voire beaucoup plus perverse, de faire de la publicité. Il n’est pas dit en effet : « Notre produit est le meilleur ! », ce que les gens ne croient d’ailleurs pas forcément. Il est dit : « Regardez comme nous sommes bons : nous vous permettons de bénéficier de la météo ou de cette belle émission. »
Dans ce domaine, il faut être extrêmement vigilant, et je pense que les dispositions actuelles ne méritent pas d’être modifiées, sinon, peut-être, dans le sens d’un encadrement plus strict.
Prenons des exemples très concrets.
Si une émission littéraire est parrainée par une maison d’édition, le journaliste aura-t-il toute latitude de dire que tel livre publié par l’éditeur en question est absolument nul ? Il est hautement probable que le parrain prendra son téléphone pour rappeler au journaliste l’origine du parrainage.
Autre exemple, qui nous est plus familier encore : celui des collectivités locales, auxquelles on fait souvent appel pour parrainer une émission. Imaginez une émission sur la gestion de telle commune, de tel département ou de telle région. Je suis très réservé sur les modalités de financement de ces émissions. En effet, si des collectivités locales veulent s’offrir des campagnes de communication, qu’elles se les offrent, ce que certaines ne manquent d’ailleurs pas de faire ! Comment le journaliste pourra-t-il réaliser en toute indépendance son émission si celle-ci est parrainée ? Se permettra-t-il d’évoquer une gestion qui laisse à désirer, un budget bancal ou une réalisation inopportune, critiquée par la population ? Donnera-t-il la parole à l’opposition ? Le parrain sera-t-il d’accord ?
Je persiste donc à penser que ces situations sont ambiguës : il faut conserver la loi telle qu’elle est, car il n’y a pas de raison de la modifier.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur Sueur, le décret du 27 mars 1992 précise qu’il ne peut y avoir de rapport trop étroit entre le parrain et l’émission parrainée, comme c’est le cas entre une maison d’édition et une émission littéraire. En revanche, nous nous souvenons tous que Apostrophes était sponsorisée, à l’époque, par les stylos Dupont.
Par ailleurs, le sous-amendement n° 266 ne nous semble pas utile, car il est préférable de recentrer la restriction du parrainage autour de la notion d’émissions d’information politique. En ce sens, l’amendement n° 30 paraît plus pertinent.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Mon explication de vote porte également sur l’amendement n° 265, dont l’objet est exactement le même que celui du sous-amendement n° 266.
Il s’agit de protéger, d’une part, les émissions de santé publique et, d’autre part, les émissions d’enquête et de culture scientifique et technologique.
Peut-être l’amendement de Mlle Joissains contribuera-t-il à protéger au moins la santé ! Mais les émissions d’enquête restent en péril. Imaginez, par exemple, des émissions sur les stratégies énergétiques. Gageons que, parrainées par un grand pétrolier, un fabricant de panneaux solaires ou AREVA, elles n’auront pas tout à fait le même contenu.
Il ne s’agit pas là de fantasmes paranoïaques. Nous avons eu en effet de mauvaises expériences avec les CCSTI, les centres de culture scientifique, technique et industrielle, dont certains se sont retrouvés au bord de la faillite en raison du désengagement financier de l’État. Ces centres n’avaient plus les moyens de faire des expositions et de mener des activités. Que croyez-vous qu’il arriva ? Les grandes firmes vinrent frapper à leur porte. Je vois M. Bizet qui sourit, car il en connaît les noms !
M. Jean Bizet. Laissez mon subconscient tranquille, ma chère collègue ! (Sourires.)
Mme Marie-Christine Blandin. Les firmes de production et d’invention d’OGM ont proposé d’offrir des renseignements et des maquettes. Ce n’était pas gênant en soi. Le problème, c’est que le pluralisme des idées n’était pas au rendez-vous !
De même, quand AREVA présente la solution énergétique universelle, elle ne se penche pas sur le renouvellement des énergies ou sur les économies d’énergie.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous estimons que les émissions d’enquête et de culture scientifique et technique doivent rester protégées du parrainage.