M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l'article.
Mme Maryvonne Blondin. Mon intervention rejoindra celles des orateurs qui m’ont précédée.
La suppression de la publicité sur les chaînes publiques a des conséquences néfastes pour les antennes locales et régionales puisqu’elle s’accompagne de l’abandon des décrochages locaux.
Par ailleurs, une telle mesure oblige France Télévisions à trouver des financements et à « consommer » toutes les tranches horaires rentables pour y placer de la publicité au détriment des rediffusions locales. Ces tranches horaires seront-elles réellement rentables ? J’en doute : la presse d’hier s’est fait l’écho de l’effondrement du marché de la publicité à la télévision.
De plus, une telle mesure prive arbitrairement les téléspectateurs d’un rendez-vous informatif essentiel. À titre d’exemple, dans mon département, le Finistère, près de 70 000 téléspectateurs suivaient avec assiduité la deuxième diffusion des éditions locales à 19 heures 57, performance qui démontre, si cela était nécessaire, l’attachement de nos concitoyens à une information de proximité de qualité, témoin essentiel de la richesse de nos territoires et élément incontournable de la démocratie dans nos régions.
Pour les personnels des antennes de France 3, la situation n’est pas non plus des plus brillantes. La direction générale de la chaîne leur demande de produire chaque jour huit minutes de programme de remplacement à effectif et moyens constants, alors que l’on sait parfaitement que les équipes travaillent déjà à flux tendu. Il s’agit non plus d’une mission de service public, mais d’un remake de Mission impossible !
Pour les antennes locales, nous craignons une dégradation des conditions de travail, une chute d’audience sur les créneaux les plus porteurs, une perte de la diversité économique, sociale, culturelle et informative de ces émissions et, à terme, sans doute une réorganisation des rédactions qui, faute de bons résultats d’audience devront se séparer de leurs collaborateurs.
En ce qui concerne le financement, outre le fait que la compensation par l’État ne sera pas intégrale, les ressources prévues par le projet de loi, à savoir les deux taxes, notamment la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d’accès à internet, qui aura inévitablement des conséquences négatives pour le client – ne permettront pas à France Télévisions de réaliser ses missions de service public en toute liberté et indépendance, comme le prévoit la Constitution.
Ma demande rejoint celle de nombreux collègues parlementaires et maires de trente-huit régions, droite, gauche et centre confondus, comme l’attestent les copies que j’ai avec moi de lettres ou de communiqués.
J’espère, mes chers collègues, que vous confirmerez devant la Haute Assemblée ce que vous avez écrit : « Cette décision de supprimer le décrochage de 19 heures 57 place la direction en totale contradiction avec le projet de loi qui demande à France 3 de se “ recentrer ” sur ses programmes locaux et régionaux. […]Ces déprogrammations vont à l’encontre du besoin de lien social et territorial pourtant essentiel dans un monde global. »
Aussi, permettez-moi de vous faire une proposition. Il est encore possible de diffuser des messages publicitaires spécifiques, d’appellation générique, porteurs d’une éthique. Pourquoi ne pas associer la rediffusion des éditions locales des journaux télévisés à quelques messages publicitaires de ce type à 20 heures 25, après l’émission de très grande écoute et pour laquelle l’audience a été très forte, et, bien entendu, reporter le début de la soirée à 20 heures 40 ? France Télévisions disposerait ainsi de recettes supplémentaires pour assurer le fonctionnement du service public et, alors, qu’elle serait belle la vie dans nos régions !
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, sur l’article.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je prends la parole, à mon tour, afin d’exposer les raisons pour lesquelles je voterai cet article, avec beaucoup de confiance et de satisfaction.
Il est trop facile de dire qu’il ne sert à rien de délibérer puisque la décision a déjà été prise. Tout d’abord, nous savons que, si la décision a déjà été prise, et de manière un peu brusquée, c’est en raison de la ligne de conduite, ô combien critiquable, adoptée à l’Assemblée nationale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je vois que l’on s’agite du côté où le bât blesse ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Serge Lagauche. Pas de leçons de morale !
M. Pierre Fauchon. Évidemment, quand on ne sait pas quoi faire d’autre dans la vie publique, on fait de l’obstruction ! Parce qu’on ne sait rien faire ni dire d’autre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Nous disons non à l’obstruction !
M. Jack Ralite. C’est une honte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est de la provocation !
M. Pierre Fauchon. Pourriez-vous me laisser parler, madame, vous seriez bien aimable, pour une fois ! Si cela ne vous dérange pas trop, naturellement ! (M. David Assouline proteste.)
M. le président. Mes chers collègues, respectons l’orateur, de chaque côté de cette assemblée !
M. Pierre Fauchon. Monsieur Assouline, je vous ai entendu l’autre jour invoquer une modification de l’article 34 de la Constitution alors que vous aviez voté contre six mois plus tôt ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) J’ai trouvé que c’était beaucoup de culot ! (Mêmes mouvements.)
M. David Assouline. On ne donne pas de leçons quand on n’est pas là !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Ensuite, il y a une très grande différence…
M. Yannick Bodin. Vous étiez absent tout à l’heure, vous nous avez fait perdre une heure ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser M. Fauchon s’exprimer !
M. Pierre Fauchon. Monsieur Bodin, il est difficile de trouver le qualificatif qui convient à votre réflexion, pour deux raisons. Premièrement, j’étais présent tout à l’heure ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) Je n’ai donc pas de leçons à recevoir !
M. le président. Monsieur Bodin, l’obligation de stricte neutralité m’oblige à le constater : M. Fauchon était bien présent lorsque vos collègues et vous-même avez demandé la vérification du quorum.
M. Pierre Fauchon. Je ne mens que dans des occasions exceptionnelles ! (Sourires.)
Deuxièmement, figurez-vous que j’étais également présent lundi !
M. David Assouline. Nous aussi, nous étions là !
M. Pierre Fauchon. Nous avons d’ailleurs très bien travaillé lundi après-midi et nous avons même parfois voté avec vous, mes chers amis…
Un sénateur socialiste. Très peu !
M. Pierre Fauchon. Vous vous en souvenez peut-être, je l’espère !
Quoi qu’il en soit, rappelons que la décision d’un conseil d’administration n’a ni la même portée symbolique ni le même effet qu’une loi.
D’abord, parce que le conseil d’administration qui a pris une décision, il y a huit jours ou quinze jours, peut la modifier ou l’adapter dans trois ou six mois ! S’agissant d’une loi, il en va tout autrement.
En outre, cette loi présente le mérite – et le risque – d’être soumise au contrôle du Conseil constitutionnel. Il est donc tout à fait sommaire – je dirais même, assez sot – de dire qu’il ne sert plus à rien de délibérer alors que la question conserve toute son importance, vous le savez très bien, chers collègues !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes donc des sots !
M. Pierre Fauchon. C’est pourquoi vous vous livrez à des contorsions extraordinaires pour expliquer, en réalité, que, dès lors que vous n’êtes pas à l’origine de cette réforme, elle est forcément mauvaise ! Vous auriez préféré la présenter vous-mêmes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) Cette réforme est détestable parce que vous ne l’avez pas proposée ! Tout comme la révision de la Constitution que nous avons votée il y a six mois !
En réalité, la mesure introduite par cet article 18 domine le débat. Bien sûr, le projet de loi comporte d’autres mesures, mais hiérarchisons nos appréciations ! Cette mesure est d’une très grande portée, beaucoup l’attendaient et la demandaient depuis si longtemps que l’on n’avait jamais cru pouvoir la faire adopter et, une fois qu’elle sera adoptée, elle sera durable.
Les autres mesures de ce projet de loi sont sans doute très importantes et nous pouvons en débattre, chers amis ! Les questions de gouvernance, de financement, sont très importantes mais il s’agit de modalités. Dans ces domaines, nous ne prenons pas de décisions définitives et si l’on considère, dans six mois ou dans un an, qu’elles sont insatisfaisantes, on pourra les changer. Il n’y a donc pas de commune mesure entre une décision de principe qui est essentielle et domine le débat et ses modalités d’application. Il faut s’en souvenir, même si, à la faveur de la polémique, de l’énervement, la politique étant ce qu’elle est, la discussion des modalités occupe finalement plus de temps, et je le regrette, que la question la plus importante.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est cela ! Nous perdons notre temps !
M. Pierre Fauchon. Ensuite, en essayant d’éviter les redites, même si elles sont parfois nécessaires, faisons un effort de rapprochement entre nous. Mesurons les conséquences qui vont résulter de l’adoption de cet article. Mesurons ce que représente une télévision affranchie des servitudes de la publicité, vous le savez aussi bien que moi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour être affranchie, il lui faut des moyens !
M. Pierre Fauchon. Les messages publicitaires, en eux-mêmes, ne constituent pas le problème mais vous savez parfaitement quelle influence la publicité exerce sur la programmation.
Je l’ai vécu de très près à l’époque où je dirigeais l’Institut national de la consommation : je connais les mille et un moyens pour obtenir que le public soit sollicité, avant et après la page de publicité, par des émissions de grande écoute qui chassent à des horaires plutôt disgraciés les émissions de culture, au sens noble du terme, mais aussi la véritable information, si importante, ainsi que, soit dit en passant, l’information du consommateur à laquelle je suis personnellement très attaché.
La publicité pose aussi un problème de rythme : l’interruption d’une émission ou d’un film par un flash purement marchand, vantant une boîte de conserve ou une bagnole, après un épisode qui a fait venir les larmes aux yeux et avant un autre épisode qui devra, en principe, faire revenir les larmes aux yeux…
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fauchon, car vous êtes dans les arrêts de jeu !
M. Pierre Fauchon. C’est dommage, vous y perdrez beaucoup !
Puisqu’il faut conclure, la suppression de la publicité est bienvenue et quasiment inespérée. Je ne peux m’empêcher de la rapprocher de deux récentes mesures que je trouve tout à fait remarquables, madame la ministre : la gratuité des musées pour les moins de 25 ans et la création – enfin ! – d’un musée de l’histoire de France. Nous avons enfin une politique culturelle, je vous en félicite ainsi que, à travers vous, le Gouvernement et le chef de l’État.
Je voterai donc cet article avec le sentiment de m’inscrire dans une très grande tradition, liée à l’idée même de civilisation, une tradition qui sait que le mélange du culturel et du marchand ne peut être que la lutte du pot de terre contre le pot de fer, une tradition qui puise dans les plus grandes leçons du passé, se souvenant qu’il faut savoir, sinon chasser les marchands du temple, du moins les tenir à bonne distance ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous allons commencer l’examen de l’article qui contient la mesure présentée par le Président de la République comme la plus importante de cette réforme, à savoir la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public.
Je rejoins Jean-Pierre Raffarin qui a déclaré ce matin que le Sénat n’était pas bien traité.
Mme Catherine Tasca. C’est un euphémisme !
M. Hervé Maurey. Quels que soient les arguments développés, nous avons effectivement le sentiment d’être maltraités lorsque nous constatons que la principale mesure de ce projet de loi a déjà été mise en application et que nous allons en débattre pour la forme.
J’ai eu l’occasion de dire la semaine dernière que cette manière d’agir me paraissait une marque de mépris et je confirme ce terme, d’autant plus que la mise en œuvre de cette réforme ne relevait pas de l’urgence. Je rappelle que la commission Copé avait fixé la bonne échéance au mois de septembre 2009. Quelles que soient les causes du retard pris dans la discussion de ce projet de loi – et il résulte effectivement de l’obstruction des députés socialistes à l’Assemblée nationale –, je considère que notre institution n’a pas à faire les frais de l’attitude de ce groupe parlementaire. Je confirme donc que je suis quelque peu fâché des conditions dans lesquelles nous débattons de ce projet de loi.
Sur le fond, Pierre Fauchon a très bien dépeint, avec tout le talent que nous lui connaissons, l’apport que représente la suppression de la publicité à la télévision. Je le rejoins tout à fait, même s’il me semble que France Télévisions avait réussi à concilier publicité et émissions de qualité, montrant ainsi que l’on pouvait chasser les marchands du temple et faire des émissions de qualité sur le service public tout en conservant de la publicité à la télévision.
Cette mesure était demandée depuis des années, en tout premier lieu par la gauche. Nos amis socialistes devraient donc se réjouir de ce projet de loi et j’ai un peu de mal à comprendre leur opposition qui est sans doute plus une opposition de principe, tenant à la personne qui est à l’origine du projet de loi qu’à ce projet de loi lui-même. Ce projet de loi répond aux demandes des socialistes mais également à celles des centristes qui, à plusieurs reprises dans leur histoire, ont demandé la suppression de la publicité sur la télévision publique.
On ne peut qu’être favorable à cette mesure : suppression de la publicité à la télévision et – pourquoi pas ? – dans les journaux, sur le mobilier urbain… Nous vivons tous en effet la publicité comme une pollution, même si nous nous y sommes habitués. En revanche, il n’y avait pas d’urgence à délibérer sur ce point.
Qui plus est, depuis l’annonce de cette mesure par le Président de la République, il y a un an, un événement important est survenu : la crise économique. Il y a un an, le déficit budgétaire pour 2008 était prévu à 41 milliards d’euros, il s’élèvera sans doute en fait à 60 milliards d’euros. J’approuve donc Édouard Balladur qui a demandé la suspension de cette mesure. J’approuve tout à fait le rapporteur général à l’Assemblée nationale, le député UMP Gilles Carrez : il a souligné que la publicité était un moteur de la croissance et que ce n’était pas une bonne idée de casser ce moteur au moment où la croissance « bat de l’aile », selon son expression.
Je déplore surtout que – mais nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion des prochains articles – la suppression de la publicité ne soit pas compensée par l’assurance de recettes pérennes. Car tel est le fond du débat qui va s’engager au cours de l’examen des prochains articles : supprimer la publicité, certes, mais comment assurer une recette pérenne et autonome à France Télévisions ? Telle est la question à laquelle nous devrons, si possible, tenter de répondre au cours des débats à venir. (M. Michel Mercier applaudit.)
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Avant que nous abordions chaque point en détail, avec les amendements, je souhaite formuler quelques observations d’ordre général.
Il n’est pas vrai que cette réforme ait pour objet de faire prévaloir le point de vue du Président de la République et du Gouvernement quant aux effets néfastes qu’aurait la publicité sur la qualité et le contenu des émissions du service public.
Il s’agit d’une invention pour justifier autre chose : le transfert de moyens vers les amis du privé qui pourront faire encore plus de publicité pour des dizaines de millions de Français, la déstabilisation du secteur de l’audiovisuel public et, enfin, la justification d’un mode de nomination intégré à ce projet de loi à la demande du Président de la République pour consacrer la mise sous tutelle du service public par l’exécutif. Telles sont les seules raisons de ce projet de loi !
Je suis de ceux qui considèrent effectivement qu’une dictature de l’Audimat peut porter atteinte à la qualité des émissions, mais pas obligatoirement. La gauche a considéré que le secteur public pouvait présenter la spécificité de ne pas s’appuyer essentiellement sur la publicité pour pouvoir produire des émissions de qualité. Mais, pour cela, il fallait mettre en place un mécanisme de financement réel, pérenne et progressif, pour que les Français puissent le comprendre et l’accepter.
C’est la redevance audiovisuelle, c’est-à-dire la contribution des Français pour se doter de cet outil, qui permet de remplacer les revenus tirés de la publicité. Mais cela ne se décrète pas d’un coup ! Nous avons un retard énorme par rapport à la moyenne de nos partenaires européens qui peuvent se le permettre : en Grande-Bretagne, en Allemagne, la redevance audiovisuelle finance intégralement le secteur public ! Nous aurions pu le faire de façon progressive et les socialistes, lorsqu’ils étaient au pouvoir, ont engagé ce processus : la réduction de la publicité sur le service public, la hausse progressive de la redevance, c’est l’œuvre des gouvernements socialistes ! Nous aurions pu réaliser, à terme, un projet plus ambitieux : un service public de l’audiovisuel dans lequel la publicité n’aurait pas pesé du poids dont elle pesait jusqu’à aujourd’hui.
Pendant la campagne pour l’élection présidentielle, les personnels du service public de l’audiovisuel interrogeaient M. Sarkozy sur la situation de sous-financement chronique de celui-ci, malgré la publicité, et lui disaient ne plus avoir les moyens de tenir ni d’investir pour être moderne et pour affronter les défis de demain. M. Sarkozy leur répondait alors : il faudra augmenter la publicité afin de pouvoir disposer des moyens nécessaires. Il n’était pas question de supprimer la publicité !
Ensuite, il a repris une idée que la gauche a toujours défendue, non pour aboutir et pour la faire vivre mais pour arriver à autre chose : produire une loi sur quasi-injonction du secteur privé !
En effet, qui dans l’espace public a demandé, ne serait-ce qu’une fois, même dans les rangs de la majorité, au Président de supprimer la publicité dans le secteur public de l’audiovisuel ? Certes, il existe bien un document : le Livre blanc de TF1, que nous avons tous reçu. Mais, nous l’avons compris, c’est par rapport à sa propre crise, à son propre problème industriel que la chaîne formulait cette demande aux autorités.
Et soudain le Président reprend l’idée de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques !
On pourrait pourtant croire au fondement politique de cette mesure. Effectivement, on pouvait lancer enfin un chantier pour essayer d’imaginer le secteur public de l’audiovisuel de demain, tous les changements à mettre en œuvre, l’entreprise unique et le média global. Cette réforme devrait permettre également d’évoquer la spécificité du secteur public en termes de programmes, comme nous l’avons fait dans la commission Copé.
Pourquoi, dans cet hémicycle, ne parle-t-on pas en ces termes ? Pourquoi ne s’interroge-t-on pas sur la spécificité du secteur public ? On devrait se demander ce qu’il apporte de plus que le privé, à tous les niveaux ; s’il a une spécificité vis-à-vis de l’éducation, du civisme, de la citoyenneté, de l’art et de la culture, tout en restant populaire et en évitant l’élitisme.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Assouline.
M. David Assouline. Voilà des chantiers immenses sur lesquels nous aurions pu discuter ! Nous en aurions conclu que la publicité devait prendre moins de place et nous nous serions demandé comment compenser la perte de recettes correspondante pour que le financement soit pérenne.
Or, ces débats n’ont pas eu lieu ! (Protestations sur les travées de l’UMP.) D’abord on supprime la publicité, après on voit !
Et on voit ceci : le financement est bancal et un secteur économique a été totalement déstabilisé.
M. le président. Concluez, mon cher collègue.
M. David Assouline. Je conclus, monsieur le président.
Aujourd’hui, l’opposition n’est dans l’hémicycle que pour faire du brouhaha (Nouvelles protestations les mêmes travées), que pour applaudir ! Mais ses porte-parole ne se sont pas émus du fait d’examiner un article qui est déjà entré en application !
M. Alain Fouché. Arrêtez, monsieur Assouline !
M. David Assouline. Il est ridicule de discuter devant les Français d’un article qui supprime la publicité alors que la mesure est déjà appliquée ! (Mêmes mouvements.) Eh bien, nous, nous nous révoltons contre cet état de fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la modération des propos de M. Assouline m’incite à répondre ! (Sourires sur les travées de l’UMP.) Il serait en effet extraordinaire que dans un débat aussi important, suivi par l’ensemble de l’opinion publique, l’UMP ne puisse pas s’exprimer dans cette enceinte.
Je constate deux choses.
D’une part, ce n’est pas tel ou tel syndicat ou catégorie de personnel qui va juger de l’application de la loi, mais les téléspectateurs.
Un sénateur UMP. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. À entendre les propos qui ont été tenus depuis le début du débat, nous serions toujours à l’époque de la télévision de papa, avec un téléspectateur rivé devant une ou deux chaînes. Or, nous avons fait des progrès technologiques et nous allons en faire de plus en plus. La télévision numérique terrestre, ou TNT, est gratuite, par exemple, et elle sera étendue. Par conséquent, nous, ce que nous souhaitons, c’est que le téléspectateur soit libre de regarder des émissions avec publicité ou des émissions sans publicité. C’est pourquoi nous sommes partisans de l’article 18 de ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
D’autre part, après avoir écouté attentivement depuis le début de ce débat un certain nombre d’orateurs, j’ai le sentiment que nos collègues, sous prétexte de défendre les grands principes et les valeurs, s’occupent beaucoup plus de la défense du personnel des chaînes de télévision publiques que des intérêts des téléspectateurs.
M. Alain Gournac. Ah oui !
Mlle Sophie Joissains. Bravo !
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous, nous voulons nous occuper de la liberté des téléspectateurs !
Bien entendu, et c’est le point sur lequel je suis d’accord avec M. Assouline, France Télévisions doit construire une structure de ressources, par la redevance, convenable. Mais attention, ne nous trompons pas : il ne s’agit pas de se contenter de la structure actuelle telle qu’elle est, sans aucune réforme et sans aucun progrès de productivité, et de porter simplement le montant de la redevance au niveau nécessaire.
Nous, nous tenons compte de la compétitivité et des problèmes de fiscalité que connaissent nos concitoyens. Avec la redevance que nous allons voter dans les articles suivants, France Télévisions doit se réorganiser pour proposer des productions de qualité avec une redevance convenable. Voilà notre objectif, et il était nécessaire de le préciser ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, compte tenu de la cérémonie des vœux du Président et des membres du bureau, nous interromprons nos travaux à dix-huit heures.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Cette mesure de suppression de la publicité a été lancée il y a un an. Elle a fait l’objet de travaux de la commission pour le nouvel audiovisuel public à laquelle ont participé des parlementaires, notamment des parlementaires de gauche qui ne l’ont d’ailleurs quittée que tardivement permettant ainsi l’aboutissement de nombreux travaux. Des décisions ont ensuite été prises en juin.
France Télévisions s’est préparé pendant de longs mois pour assumer la suppression de la publicité début janvier, faire de nouveaux programmes, de nouvelles grilles et de nouveaux horaires, puisque tel était l’objet de la réforme. Les annonceurs, j’ai eu l’occasion de le dire, ont anticipé cette mesure. Ils doivent en effet programmer leurs annonces des mois à l’avance.
Le projet de loi sur l’audiovisuel devait être examiné à l’Assemblée nationale en novembre et au Sénat en décembre. Comme l’a très justement rappelé M. Pierre Fauchon et comme l’avait d’ailleurs indiqué à plusieurs reprises le président Jacques Legendre, le calendrier n’a malheureusement pas été tenu du fait de l’obstruction qui a eu lieu à l’Assemblée nationale.
Il ne s’agit pas d’une attaque de ma part, puisque cette obstruction a été revendiquée, théorisée et assumée au point que des extraits de ce débat sont maintenant des exemples d’obstruction, comme les digressions sur le dragon Casimir et le canard Saturnin ! (Sourires.)
Cette obstruction avait pour but de provoquer la plus grande confusion à France Télévisions en début d’année puisque les chaînes auraient dû avoir de nouveaux programmes et de nouvelles grilles mais sans disposer de ressources publicitaires.
Aux termes de l’article 48 de la loi de 1986, les modalités de programmation des émissions publicitaires doivent être précisées par le cahier des charges, et ne sont donc pas obligatoirement inscrites dans la loi.
C’est pourquoi nous avons demandé au président de France Télévisions de cesser de commercialiser les espaces publicitaires avant que la loi ne vienne bénir cette mesure, car la compensation a déjà été votée par l’ensemble du Parlement dans la loi de finances, texte auquel M. Ralite faisait allusion.
En réalité, il aurait été possible de supprimer la publicité par décret, comme le prévoyait la loi de 1986, et de compenser cette perte par la loi de finances, par des taxes et par l’indexation de la redevance.
Tel n’a pas été le choix du Gouvernement. Ce dernier a préféré élaborer, présenter et faire discuter au Parlement – c’est le cas au Sénat actuellement – un projet audiovisuel de grande ampleur, comportant aussi la restructuration de l’ensemble du groupe France Télévisions – dont il était question depuis fort longtemps et qui n’avait jamais été réalisée –, la création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, la transposition de la directive « services de médias audiovisuels » et la modernisation du code de l’industrie cinématographique.
Par ailleurs, et c’est un point important qui a d’ailleurs été rappelé, il est frappant de voir avec quelle facilité les Français s’approprient cette réforme. Au fond, ils sont très heureux d’avoir rendez-vous en pays Dogon à 20 heures 35, de voir Amélie Poulain ou Clint Eastwood également à 20 heures 35, Soir 3 dès 22 heures 30, l’émission de Frédéric Taddeï à 23 heures, de très bonnes émissions comme Mots croisés plus tôt dans la soirée, Des mots de minuit non plus à une heure mais à minuit !
Cette réforme rend possible une grande richesse de programmation et elle est tout simplement appréciée.
MM. André Dulait et Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !