compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Jean-Pierre Godefroy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Déclaration de l’urgence d’un projet de loi

M. le président. Par lettre en date du 13 janvier 2009, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l’urgence du projet de loi (n° 155, 2008-2009) portant engagement national pour l’environnement.

3

Communication audiovisuelle

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence (nos 145, 150, 151, 152).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’examen de l’article 16.

Article 15 (interruption de la discussion)
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Demande de vérification du quorum

Article 16

Le premier alinéa de l'article 55 de la même loi est ainsi rédigé :

« La retransmission des débats des assemblées parlementaires par France Télévisions s'effectue sous le contrôle du Bureau de chacune des assemblées. »

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision mentionnés au I de l'article 44 sur l'ensemble du territoire métropolitain, cette retransmission peut être remplacée par la diffusion, aux mêmes horaires, de programmes rendant compte des débats et des travaux des assemblées parlementaires mis à disposition gratuitement par la chaîne mentionnée à l'article 45-2. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, aux termes du projet de loi, lors du passage au numérique, les différentes chaînes du service public de télévision ne retransmettront plus les débats parlementaires.

Cela nous paraît dommage, même si des évolutions s’imposent compte tenu de l’arrivée des deux chaînes parlementaires dans les foyers, grâce à la télévision numérique terrestre, la TNT.

La commission souhaite que France Télévisions continue à rendre compte des débats parlementaires, sous une forme ou sous une autre, de manière que les téléspectateurs des chaînes de ce groupe puissent toujours suivre nos travaux. À cet égard, nous avons notamment envisagé la possibilité de collaborations entre France 3 et les chaînes parlementaires.

Tel est l’objet du présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

En effet, le remplacement de la retransmission des débats parlementaires – ces derniers seront retransmis sur la TNT, grâce aux chaînes parlementaires – par la diffusion de programmes rendant compte de ces débats et des travaux des assemblées sur France Télévisions me semble une très bonne proposition.

Demande de vérification du quorum

Article 16
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Vérification du quorum

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, mes chers collègues, voilà déjà plusieurs jours que nous avons commencé l’examen du présent projet de loi. Ce texte est très important, puisqu’il concerne un sujet au cœur des préoccupations des Français, les libertés publiques, à travers l’indépendance, le rôle et la place des médias.

À cet égard, je voudrais dresser un double constat. D’une part, nous discutons sur un texte dont l’une des principales dispositions est d’ores et déjà entrée en application. D’autre part, nous assistons à une tentative de banalisation du débat tel qu’il nous est proposé, c'est-à-dire avec une absence de participation de la majorité sénatoriale et un manque de considération pour la représentation nationale.

De notre point de vue, c’est la question de la dignité du Sénat qui est posée sur un texte aussi essentiel.

C’est pourquoi, monsieur le président, conformément à la demande écrite qui vous a été transmise, nous souhaitons que soit effectuée par le bureau la vérification du quorum, afin de nous assurer de la présence de la majorité absolue des sénateurs.

En effet, nous ne pouvons pas continuer à examiner dans de telles conditions un texte qui fait appel aux valeurs démocratiques et qui, à ce titre, devrait préoccuper et concerner l’ensemble de notre assemblée. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, en application de l’article 51 du règlement, je suis saisi d’une demande écrite tendant à faire vérifier le quorum par le bureau du Sénat.

Je vous rappelle que, aux termes de l’alinéa 2 bis de l’article 51 du règlement du Sénat, « le bureau ne peut être appelé à faire la constatation du nombre des présents que sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal ».

Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires.

Huissiers, veuillez effectuer cet appel.

(L’appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : Mme Jacqueline Alquier, MM. Serge Andreoni, Alain Anziani, David Assouline, Jean-Pierre Bel, Claude Bérit-Débat, Jean Besson, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mmes Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, Bernadette Bourzai, M. Michel Boutant, Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mmes Françoise Cartron, Monique Cerisier-ben Guiga, Jacqueline Chevé, Christiane Demontès, M. Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Alain Fauconnier, Jean-Luc Fichet, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Pierre Godefroy, Didier Guillaume, Edmond Hervé, Mmes Odette Herviaux, Annie Jarraud-Vergnolle, Bariza Khiari, Virginie Klès, MM. Serge Lagauche, Jacky Le Menn, Mme Raymonde Le Texier, MM. Philippe Madrelle, François Marc, Jean-Jacques Mirassou, Jacques Muller, François Patriat, Daniel Raoul, François Rebsamen, Mme Catherine Tasca, MM. Thierry Repentin, Michel Teston, René Teulade, Richard Yung, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Jacques Mézard, François Fortassin, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Michel Billout, Mmes Isabelle Pasquet, Annie David, MM. Guy Fischer, Jack Ralite et Ivan Renar).

M. le président. Mes chers collègues, la présence d’au moins trente signataires ayant été constatée, le bureau va se réunir, conformément à l’article 51 du règlement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Vérification du quorum

Demande de vérification du quorum
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Article 16

M. le président. Le bureau du Sénat s’est réuni pour vérifier si les conditions exigées par l’article 51 du règlement étaient réunies.

Le bureau déclare que le Sénat n’est pas en nombre pour procéder au vote.

Je vais donc suspendre la séance jusqu’à seize heures vingt. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Alain Gournac. C’est beau ! Bande de rigolos !

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Vérification du quorum
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Article 17

Article 16 (suite)

M. le président. Nous en sommes parvenus au vote sur l’amendement n° 33 de la commission, sur lequel le Gouvernement s’est exprimé.

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je souhaite en fait interroger la commission afin de clarifier un point qui prête à confusion dans cet amendement.

Pourquoi nos débats parlementaires seraient-ils diffusés par des images fournies par Public Sénat et La chaîne parlementaire de l’Assemblée nationale, alors que les rédactions de France Télévisions possèdent ce savoir-faire ?

Les personnels de la société, notamment, s’émeuvent d’être privés d’une prérogative et de la voir accordée à d’autres, alors qu’ils sont à même de l’exercer très bien, qu’il s’agisse de la retransmission des questions d’actualité ou d’un reportage sur nos débats parlementaires.

Ils souhaitent avoir la maîtrise éditoriale, même si les images peuvent être fournies par Public Sénat ou par La chaîne parlementaire de l’Assemblée nationale. Pourquoi ne pas l’auraient-ils pas ?

Votre réponse à cette question déterminera notre vote.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur. Pour que les choses soient très claires, j’indique à notre collègue que, aujourd'hui, les chaînes publiques, notamment France 3, transmettent les débats parlementaires. Le signal est fourni par l’Assemblée nationale ou par le Sénat.

Si, demain, d’autres émissions susceptibles d’être une expression du débat parlementaire sous une forme ou sous une autre sont conçues, il est bien évident que ce seront les chaînes, et donc les journalistes de France Télévisions qui nourrissent ce créneau, qui pourront, si elles le souhaitent, avoir à leur disposition les émissions fabriquées et fournies par les chaînes parlementaires.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Je rejoins les interrogations de notre collègue David Assouline.

En effet, je ne comprends pas ce dispositif dans lequel France 3 se sert des images des chaînes parlementaires.

Je le rappelle, ce sont des structures autonomes. La chaîne France 3, en tant que telle, a des responsabilités, qu’elle assume jusqu’à maintenant, et je suppose qu’elle souhaite continuer à les assumer.

Or, en l’occurrence, on s’engage dans un dispositif complètement pervers et quelque peu incompréhensible.

J’interroge avec force la commission sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur. J’apporte bien volontiers des informations complémentaires à notre collègue Ivan Renar.

Aujourd'hui, pour entrer dans le détail, l’émission ne coûte pas très cher, puisque, je l’ai dit, le signal est fourni par l’Assemblée nationale et par le Sénat.

Demain, un nouveau créneau s’ouvre et, selon les dirigeants de France Télévisions, il sera coûteux de le remplir.

Donc, si France Télévisions a les moyens de le remplir, bien sûr cela ne pose aucun problème, en tout cas aux yeux du rapporteur de la commission. En revanche, si la société souhaite puiser dans les documentaires ou autres documents des chaînes parlementaires, ces dernières les mettront à sa disposition. Il s’agit tout simplement de cela.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

M. David Assouline. Le groupe socialiste s’abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Article 16
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Article 18 (début)

Article 17

Au début de la première phrase de l'article 56 de la même loi, les mots : « La société France 2 » sont remplacés par les mots : « France Télévisions ». – (Adopté.)

CHAPITRE IV

Des contrats d'objectifs et de moyens et de la diffusion des messages publicitaires

Article 17
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Article 18 (interruption de la discussion)

Article 18

L'article 53 de la même loi est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa du I est ainsi rédigée :

« Des contrats d'objectifs et de moyens sont conclus entre l'État et chacune des sociétés ou établissement suivants : France Télévisions, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, ARTE-France et l'Institut national de l'audiovisuel. » ;

2° Le premier alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d'un nouveau président. » ;

2° bis  Au deuxième alinéa du I, après la référence : « 43-11 », sont insérés les mots : « et avec un objectif de résultat d'exploitation au moins équilibré » ; 

2° ter  Au troisième alinéa du I, après le mot : « titre », sont insérés les mots : « de contenus éditoriaux conformes aux valeurs et aux missions du service public audiovisuel, » ;

3° Après le troisième alinéa du I, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« - les montants minimaux d'investissements de France Télévisions dans la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française, en pourcentage de recettes de France Télévisions et en valeur absolue ; 

« - les engagements permettant d'assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ; 

« - le montant des ressources affectées chaque année au financement de la création audiovisuelle ; »

3° bis  Après le septième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - les axes d'amélioration de la gestion, notamment en ce qui concerne la gestion de leurs ressources. » ;

4° Le huitième alinéa du I est supprimé ;

5° Le neuvième alinéa du I est ainsi modifié :

a) La première phrase est complétée par les mots : « et au Conseil supérieur de l'audiovisuel » ;

b) La troisième phrase est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel formule un avis sur ces contrats d'objectifs et de moyens ainsi que sur les éventuels avenants à ces contrats, à l'exception de ceux relatifs à la société ARTE-France, dans un délai de trois semaines à compter de leur transmission. Cet avis est transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats et avenants dans un délai de trois semaines à compter de la transmission de l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel. » ;

6° Au dernier alinéa du I, les mots : « Les sociétés Radio France, Radio France Internationale et ARTE-France ainsi que » sont remplacés par les mots : « La société ARTE-France et » ;

7° Le deuxième alinéa du II est supprimé ;

7° bis   Le troisième alinéa du II est ainsi rédigé : 

« Chaque année, les présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France présentent, devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société qu'ils président. » ;

8° Au dernier alinéa du II, les mots : « et des sociétés Radio France et Radio France Internationale » sont remplacés par les mots : «, de la société Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France » ;

9° Le VI est ainsi rédigé :

« VI. - À compter du 5 janvier 2009, les programmes diffusés entre vingt heures et six heures des services nationaux de télévision mentionnés au I de l'article 44, à l'exception de leurs programmes régionaux et locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique. Cette disposition s'applique également aux programmes diffusés par ces services entre six heures et vingt heures à compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision mentionnés au I de l'article 44 sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle ne s'applique pas aux campagnes d'intérêt général. À l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur le territoire d'un département d'outre-mer, d'une collectivité d'outre-mer ou de Nouvelle-Calédonie, et au plus tard le 30 novembre 2011, les programmes de télévision de la société mentionnée au I de l'article 44 diffusés sur le territoire de la collectivité en cause ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique, sous réserve de l'existence d'une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne terrestre en clair. Au plus tard le 1er juin 2011, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de cette disposition et son incidence, notamment sur la société France Télévisions. Ce rapport propose, le cas échéant, les adaptations nécessaires de la présente loi. Au plus tard le 1er mai 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport du Conseil supérieur de l'audiovisuel évaluant, après consultation des organismes professionnels représentatifs du secteur de la publicité, l'incidence de ces dispositions sur l'évolution du marché publicitaire et la situation de l'ensemble des éditeurs de services de télévision.

« La mise en œuvre de l'alinéa qui précède donne lieu à une compensation financière de l'État. Dans des conditions définies par chaque loi de finances, le montant de cette compensation est affecté à la société mentionnée au I de l'article 44. »

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article du projet de loi comporte, ainsi que nous l’avons vu, une mesure que son auteur, le Président de la République, pourrait qualifier de « mesure phare », à savoir la suppression de la publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public à compter de vingt heures – en attendant une suppression totale des écrans ou tunnels publicitaires à partir de l’extinction de l’analogique, à la fin de l’année 2011.

Mesure phare, disais-je, mais un phare qui, à défaut d’éclairer, risque fort de conduire à l’extinction des feux !

Car il ne faut pas oublier ce qui constitue le reste de l’article, notamment le fameux contrat d’objectifs et de moyens, faisant de l’équilibre financier la condition sine qua non d’une bonne gestion de l’audiovisuel public !

C’est d’ailleurs indiqué en toutes lettres dans le texte de cet article 18, à l’alinéa 2 bis, complétant l’article 53 de la loi de 1986 modifiée.

Pour utiliser une image, cela revient à dire à France Télévisions : « Apprenez donc à courir aussi vite qu’avant, mais avec le plomb que nous venons d’ajouter dans vos chaussures ! »

Le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, qui, avec la suppression de la publicité, constitue donc le cœur de cet article, sera soumis à l’avis et au contrôle du Parlement.

C’est une situation pour le moins cocasse où, à défaut de choisir le président de France Télévisions, le Parlement sera habilité à servir d’auxiliaire du Gouvernement pour faire exécuter ce qui procède de la négociation contractuelle entre les sociétés de l’audiovisuel public et l’État lui-même.

Après avoir laissé la désignation du président de France Télévisions au fait du prince, nous serions donc, en qualité de parlementaires, appelés à être en quelque sorte plus royalistes que le roi, puisqu’il nous appartiendrait presque de réprimander ce président qui ne respecterait pas ses obligations contractuelles.

Soyons clairs, c’est là un schéma de déclin du service public de l’audiovisuel. Et les garanties que l’État sera bien en peine de respecter lui-même – nous pensons à la fameuse compensation de la suppression de la publicité – seront d’une insuffisance telle que l’on sait déjà ce qui se produira.

Ce qui est d’ores et déjà connu, comme le député de l’UMP Frédéric Lefebvre l’a d’ailleurs dit, c’est que des centaines d’emplois de service public vont disparaître dans les années à venir, faute de donner à la télévision publique les moyens de son existence.

Ce qui est également connu, c’est que la production audiovisuelle va subir le contrecoup d’une telle contraction des financements et que, selon leurs souhaits non avoués, ses auteurs tenteront de mettre en opposition l’aide au cinéma par l’audiovisuel public et le maintien de l’emploi dans l’audiovisuel public !

Dois-je vous rappeler, madame la ministre, combien de grandes signatures du cinéma français ont commencé par exercer leurs talents dans l’audiovisuel public ? Quelques noms me viennent à l’esprit, ceux de Claude Sautet, Robert Enrico, Yannick Bellon, Maurice Dugowson, Maurice Pialat, ou encore Laurent Cantet.

Je souhaite que le service public puisse continuer cette belle tradition. Mais vous ne lui en donnez pas les moyens.

Ce que l’on peut attendre du contrat d’objectifs et de moyens, contrairement à ce que vous prétendez, ce n’est pas d’atteindre des objectifs inaccessibles avec des moyens sans cesse réduits, c’est uniquement d’organiser, sur la durée, la déshérence et le déclin de l’audiovisuel public.

Ces faits nous conduiront donc à voter contre cet article en l’état !

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, sur l'article.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 18 est, passez-moi l’expression, mort dans l’œuf puisqu’il organise notamment la suppression de la publicité sur France Télévisions.

La décision de supprimer la publicité à partir de vingt heures sur les chaînes de France Télévisions a été prise le 16 décembre 2008 par le conseil d’administration de France Télévisions et est appliquée depuis le 5 janvier dernier.

Le débat que nous entamons aujourd'hui est donc totalement hypocrite et démontre le caractère antidémocratique des méthodes employées par le Gouvernement sur ce projet de loi.

En effet, après avoir envisagé de passer en force sur la suppression de la publicité en prenant un décret, le Gouvernement a enjoint au président de France Télévisions de déclarer lui-même la fin de la publicité sur les antennes de son groupe.

Sur votre requête, madame la ministre, M. de Carolis et le conseil d’administration de France Télévisions ont anticipé d’étrange manière l’adoption de l’article 18 de ce projet de loi, mettant la représentation nationale devant le fait accompli.

En voulant absolument que la réforme de l’audiovisuel soit adoptée avant la fin de l’année 2008 et en faisant de la suppression de la publicité dès le 5 janvier une priorité, le Président de la République n’a pas donné au Parlement le temps de débattre sereinement de ce projet de loi. C’est, je l’ai dit lors de l’ouverture de la discussion, de la délinquance gouvernementale !

Les grincements de dents que vous entendez au Sénat, y compris au sein de la majorité, sont dus au mépris du Parlement qu’affiche le pouvoir en nous demandant de voter la suppression de la publicité sur France Télévisions alors que cette décision est déjà effective.

Le fait est là : vous vous êtes passés, avec dédain, du Sénat ! Le forfait est commis. Vous avez mis en place une nouvelle démocratie : la démocratie sur une patte. Or, comme pour les voitures, ça cale vite !

Le méfait est enregistré. Le Sénat, à tout le moins sa majorité, maugrée, va jusqu’à regretter, mais finalement en reste là, bref, subit !

Mon groupe, lui, agit et vient de mandater un juriste afin d’entreprendre un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la décision que Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a formulée par un courrier en date du 15 décembre 2008 adressé à M. Patrick de Carolis, président de France Télévisions. Ce mandat vaut également pour une procédure de référé tendant à la suspension de cette décision, au nom des vingt-quatre sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG.

Afin que tout soit clair, je me référerai à deux extraits de la lettre de Mme Albanel à M. de Carolis.

Dans le deuxième alinéa de cette lettre, Mme la ministre invoque l’article 18 du projet de loi, adopté par les députés lors de la séance du 12 décembre dernier. On se satisfait donc du vote de l’Assemblée nationale, sans attendre celui du Sénat ni même l’avis du Conseil constitutionnel qui pourrait être saisi.

Par ailleurs, dans l’avant-dernier alinéa, elle écrit : « Aussi, je vous serais reconnaissante d’envisager les mesures nécessaires […], conformément à l’esprit et à la lettre de la réforme ». En d’autres termes, Mme la ministre met tout simplement en œuvre ce que le Président de la République a décidé !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ralite.

M. Jack Ralite. La question est assez grave, monsieur le président ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. le président. C’est pour tout le monde pareil, mon cher collègue ! Les orateurs inscrits sur cet article sont nombreux !

M. Jack Ralite. Pour finir, je rappelle que le système de financement prévu ne permet pas de compenser la perte des recettes publicitaires.

À cela s’ajoute votre refus d’accorder tout crédit pour aider à la fabrication des programmes de remplacement et la pingrerie organisée par telle ou telle décision rabotant l’insuffisant « à l’euro près » du Président de la République.

Heureusement, nous assistons à un début de réaction, je pense au vote d’hier soir qui a modifié une décision de l’Assemblée nationale et qui a permis au service public de récupérer un crédit de 9 millions d’euros. La preuve est faite, mes chers collègues, que quand on s’y met tous, on y arrive !

J’ajoute que le plan d’affaires n’est toujours pas signé. J’ai ouï dire, à ce propos, que la direction de France Télévisions se battait. Je vous demande, madame la ministre, de bien l’écouter et, surtout, de bien l’entendre !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.

Mme Marie-Christine Blandin. La fin de cet article consacre la mesure la plus commentée de ce projet de loi : la publicité disparaît de l’audiovisuel public, mais pas les parrainages, pas les placements de produits, et pour l’instant pas avant vingt heures.

Cette mesure, objet emblématique de communication du Président de la République, ne va donc pas se traduire par l’émancipation des cerveaux.

En revanche, ses incidences budgétaires mettent à mal les programmations, plus longues, mais sans moyens, ainsi que la nécessaire mutation technologique et l’équilibre social, bref, la pérennité du service public.

Quand la ministre malienne Aminata Traoré évoque les méfaits du FMI, dont les contraintes face aux obligations font un cahier des charges irréalisable, elle utilise souvent l’image de « la danse impossible ».

Comme l’a souligné notre collègue Jack Ralite, cet article 18 fixe des contraintes et des obligations qui ne peuvent pas se réaliser conjointement. Il y a duplicité à ne libérer les écrans de la publicité qu’après vingt heures.

Certes, les Verts considèrent la publicité comme aliénante. La publicité embrigade vers une consommation non raisonné. Elle pousse ceux qui en ont les moyens à surconsommer et elle crée chez ceux qui n’en ont pas les moyens un sentiment très aigu de frustration. Elle éloigne le spectateur du sens critique et des vertus de la culture scientifique. Les crédules achètent la crème qui rajeunit, le déodorant qui attire à vous les filles (Exclamations amusées sur les travées de lUMP), la vrai-fausse voiture verte !

La publicité pollue d’autres lieux sans que cela vous préoccupe : boîtes à lettres et poubelles surchargées, à la charge des collectivités, paysages dénaturés et loi non respectée. Or seule la télévision publique a eu droit au traitement de choc !

Si vous considérez que la publicité tire vers le bas la qualité et porte en elle des facteurs d’aliénation, quelle curieuse idée que de la maintenir dans le créneau horaire le plus regardé par les enfants et par les adolescents !

Tous les peuples accordent une attention particulière à leurs enfants. Qu’il s’agisse de la prévention des conduites addictives, de la tenue à l’écart des substances toxiques, de la consommation d’alcool, de la protection contre la pornographie ou les spectacles violents, toute société commence par protéger les enfants.

La facilité avec laquelle vous avez fait vos mauvais arbitrages horaires est révélatrice.

Les critiques que vous avez portées contre la publicité ne sont pas sincères et elles dissimulent d’autres finalités d’ordre économique que nous combattons.

Et si tel n’est pas le cas, l’éveil des enfants au rythme de l’enrôlement consumériste vous importe peu, voire séduit vos amis, pour qui la frénésie de vente à tout prix et de bénéfices est peu remise en cause par les scrupules.

Enfin, l’autorisation programmée à l’article 46 d’une seconde coupure pour TF1 et M6 révèle qu’il ne s’agissait en aucun cas pour le Gouvernement de protéger le téléspectateur ou les œuvres.

Sur le fond, que je viens d’évoquer, comme sur la forme, nous faire délibérer sur une disposition qui s’applique déjà, puisque le président de France Télévisions, le pistolet sur la tempe, a dû ratifier une décision suicidaire, c’est un non-sens démocratique.

Aussi, cet article mérite d’être supprimé. (M. Bernard Frimat applaudit.)