M. le président. L'amendement n° 370, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du 1° du II de l'article 1605, après les mots : « affecté à l'habitation », sont insérés les mots : « principale ou secondaire » ;
2° Au 1° de l'article 1605 bis, le mot : « seule » est supprimé et les mots : « dont sont équipés le ou les » sont remplacés par les mots : « pour chacun des ».
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Depuis l’exercice budgétaire 2005, en vertu de la loi organique du 1er août 2000, est intervenue une réforme de la redevance comportant plusieurs aspects.
Tout d’abord, la redevance est adossée, pour les particuliers, à la taxe d’habitation et, pour les professionnels, à la TVA, afin que ce prélèvement puisse être assimilé aux « impositions de toute nature » permettant notamment aux agents du fisc d’effectuer des prélèvements sur salaire.
Ensuite, la charge de la preuve de détention d’un appareil de télévision a été inversée. Désormais, il y a présomption de possession, sauf mention contraire sur la déclaration de revenus. Par ailleurs, les appareils détenus au titre des résidences secondaires ont été exonérés du versement de la redevance.
Enfin, le nombre de comptes exonérés de la redevance – en l’occurrence, ceux qui sont exonérés de taxe d’habitation – a augmenté. Dans cette catégorie figurent les personnes de plus de soixante ans et les veufs de tous âges, sous condition de revenus, les titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l’allocation supplémentaire d’invalidité, les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés, les infirmes ou invalides sous condition de revenus, les bénéficiaires du RMI dégrevés de taxe d’habitation. Au total, cela représente plus de 3,63 millions de foyers fiscaux. À ces comptes, il convient d’ajouter ceux qui ont été maintenus au motif que les personnes concernées étaient déjà exonérées de redevance audiovisuelle : il s’agit des mutilés, des invalides et des personnes atteintes d’une invalidité ou d’une infirmité d’au moins 80 %, soit 27 866 foyers.
La réforme de la redevance était supposée dégager des moyens supplémentaires pour l’audiovisuel public et lui apporter le souffle budgétaire salutaire et jugé nécessaire. Les choix démagogiques du Gouvernement ont limité les effets positifs de la réforme, ne permettant pas même aux ressources publiques de l’audiovisuel de suivre le taux de croissance.
En effet, cette réforme aurait pu davantage porter ses fruits si le Gouvernement avait augmenté annuellement, comme cela se pratiquait jusqu’en 2002, le tarif de la redevance, et n’avait pas arrondi ce tarif à l’euro inférieur en 2005, puisque cette seule mesure a entraîné une perte de 22 millions d’euros. Il aurait aussi fallu que le remboursement par l’État des exonérations ne soit pas plafonné depuis l’exercice budgétaire 2005, ce qui représente un manque à gagner annuel d’environ 100 millions d’euros pour le secteur public audiovisuel.
Enfin, le rendement aurait été supérieur si l’assujettissement à la redevance avait été réalisé par appareil et non par foyer fiscal, ce dernier principe entraînant l’exonération des résidences secondaires.
C’est ce point précis que vise à corriger notre amendement. Il s’agit de soumettre à la redevance audiovisuelle les résidences secondaires. L’exonération qui prévaut actuellement ne répond en effet à aucun objectif d’ordre social, contrairement aux autres types d’exonération. Elle induit un manque à gagner estimé à quelque 60 millions d’euros par an pour l’audiovisuel public.
À l’heure où l’on supprime la possibilité pour le secteur public audiovisuel de collecter des recettes publicitaires, il nous semble important de pouvoir compenser la perte de recettes – je rappelle qu’il va manquer à France Télévisions au moins 360 millions sur les deux seuls exercices 2008 et 2009, malgré la pseudo-compensation budgétaire – par des crédits supplémentaires issus du produit de la redevance, grâce à l’intégration à l’assiette de la taxe des appareils des résidences secondaires.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
En effet, il est vrai que nous réfléchissons, depuis plusieurs années, aussi bien à la question de l’assiette qu’à celle de l’indexation de la redevance, et nous souhaitons que la première de ces questions puisse faire l’objet d’une étude dans les prochains mois.
Pour autant, nous ne voulons pas créer de confusion, notamment avec la disposition instaurée par le précédent amendement ; celui-ci visait à rappeler qu’il est important que soit acquittée la redevance quel que soit le terminal de réception, et ce en se référant tout simplement à ce que prévoit le code général des impôts, tel qu’il a été adopté par le législateur.
Avec ces trois amendements, il s’agit d’une autre affaire. La question de l’assiette mérite que soit menée une vraie réflexion. Je crois d’ailleurs, madame la ministre, que le Premier ministre a annoncé la création d’un groupe de travail chargé en 2009 de réfléchir à la modernisation de la redevance. La question de l’assiette fera partie de l’ensemble plus vaste des différents sujets qui seront examinés.
Par conséquent, la commission des affaires culturelles vous propose que cette réflexion ait lieu dans le cadre du groupe en question. Je signale toutefois que l’amendement n° 218 rectifié, déposé par le groupe de l’Union centriste et défendu par M. Maurey, présente, par rapport aux deux autres amendements, l’intérêt de définir un plafond par foyer fiscal pour la redevance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet un avis identique à celui de la commission !
Cette question mérite en effet d’être débattue dans le cadre du groupe de travail chargé de réfléchir à la modernisation de la redevance. Je note toutefois que, à l’époque où existait la taxation sur les résidences secondaires, l’évasion fiscale était considérable. Beaucoup de gens déclaraient qu’ils transportaient à chaque fois leur poste de télévision de leur résidence principale à leur résidence secondaire ! Et l’on sait bien qu’en la matière les contrôles sont extrêmement difficiles !
M. Henri de Raincourt. D’autant qu’il n’existe plus de service de recouvrement de la redevance !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Compte tenu des assurances apportées par Mme le rapporteur, je retire l’amendement n° 218 rectifié ; mais je serai naturellement vigilant quant à la réalité de la mise en place de ce groupe de travail chargé de réfléchir à la modernisation de la redevance, et sur celle de ses travaux. Je pense que nous aurons l’occasion d’en reparler au plus tard lors du projet de loi de finances pour 2010.
Madame la ministre, j’ajoute que l’évasion était liée non pas à l’assujettissement des résidences secondaires à la redevance mais au fait que le système était déclaratif. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il y a été mis fin en 2005, la demande à cet égard datant de 1986 ! Vingt ans ont été nécessaires pour que soit mis en place l’actuel système de recouvrement.
M. le président. L'amendement n° 218 rectifié est retiré.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 147.
M. David Assouline. Je pensais que nous avions tous la volonté, à ce point du débat sur la redevance, de réfléchir à la façon dont pouvait être appliquée un peu plus concrètement la proposition émise par la majorité de notre assemblée et sanctionnée par un vote, à savoir que la redevance reste la source principale de financement de l’audiovisuel public.
La question qui se pose est effectivement de savoir comment on peut augmenter le produit de la redevance. Tout à l’heure, nous exposerons notre point de vue sur les taxes antiéconomiques, qui empêchent la croissance et ne sont donc pas recevables.
Mais, là, il faut compenser, essayer de trouver dans la redevance les sources de financement. Je ne comprends pas pourquoi l’on se priverait de revenir à un système qui était recevable, même s’il n’a pas été bien mis en pratique. Mais on ne va pas justifier la fin du droit et des lois parce que l’on a parfois du mal à les faire appliquer. Au contraire, si une loi est juste, on doit chercher les moyens de la faire appliquer.
Or, tout en nous parlant d’objectif social, on se prive d’argent pour la redevance quand on pourrait taxer la résidence secondaire.
M. Henri de Raincourt. Les riches !
M. David Assouline. Franchement, même si les propriétaires de résidence secondaire ne sont pas nécessairement riches, je ne pense pas que cette mesure va affecter des Français qui ne pourraient pas payer pour leur résidence secondaire. De surcroît, s’agissant de cette dernière, ils n’acquitteraient que 50 % de la taxe, et non de nouveau l’intégralité.
Il sera tout à l’heure question d’exonérer les bénéficiaires du RSA, et j’espère que l’amendement que je présenterai en ce sens sera adopté.
Si l’on veut chercher tous les moyens d’augmenter le produit de la redevance sans être injuste socialement, il faut revenir au système – ce n’était d'ailleurs pas le fait d’un gouvernement socialiste – qui prévoyait une taxation de 50 % du montant de la redevance pour une résidence secondaire. C’était totalement acceptable.
C’est quand on a commencé à ne plus indexer la redevance sur l’augmentation du coût de la vie qu’on a aussi adopté la décision d’exonérer de redevance la résidence secondaire et que s’est installée une « religion » dont le dogme était que la redevance devait disparaître. Des voix se sont même élevées à gauche pour dire que c’était une mauvaise taxe.
Or, comme cela a été dit, c’était de l’actionnariat populaire, c’était une mesure bien pensée parce qu’elle permettait d’alimenter directement l’audiovisuel, contrairement à l’impôt, que l’État redistribue. Si l’on faisait un tant soit peu de pédagogie, les Français sauraient – comme ils savent, quand ils s’abonnent à une offre câblée privée, que leur argent va directement à la société qui en est propriétaire – que la redevance qu’ils acquittent va directement à l’audiovisuel public, à l’audiovisuel extérieur, à l’INA, et cela, c’est de la bonne pédagogie.
Je pense que l’on peut se permettre de taxer à 50 % les résidences secondaires, si on a la volonté de trouver d’abord des financements à partir de la redevance et non en créant des taxes antiéconomiques, comme nous le verrons tout à l’heure, notamment sur les FAI qui seront, de toute façon, refacturées sur l’ensemble des clients.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Madame la ministre, vous nous répondez parfois hâtivement. Ainsi, nous dire que, parce qu’un certain nombre de citoyens cherchent à tricher en matière d’impôt, il faut supprimer ce dernier, c’est un raisonnement un peu particulier… Je souhaite donc que les mesures ne soient pas prises en la matière.
M. le président. L'amendement n° 371, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le 3° de l'article 1605 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3° bis Les personnes bénéficiaires du revenu visé à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles sont exonérées de la redevance audiovisuelle, à compter du 1er janvier 2009 ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État et les sociétés audiovisuelles publiques du II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Après le vote qui vient d’intervenir, je me fais un plaisir de défendre cet amendement : il s’agit en effet, après avoir exonéré les propriétaires de résidence secondaire, de prendre la même mesure pour les bénéficiaires du futur RSA, qui sont parmi les personnes les plus défavorisées, les plus exclues de notre société.
Même modeste au regard de ce qu’il est dans d’autres pays européens, le taux de la redevance n’en représente pas moins une charge tout à fait significative pour les ménages vivant dans la pauvreté, car exclus du monde du travail et/ou ne bénéficiant d’aucun revenu stable et/ou pérenne.
La solidarité nationale exige que l’accès de tous à la télévision et à la radio publiques soit assuré sans pour autant obliger nos concitoyens les plus fragiles vivant en situation de précarité à acquitter une contribution dont le taux ne peut être progressif en fonction des revenus des assujettis, sauf à en rendre extrêmement complexe le recouvrement et à déconnecter tout à fait le paiement de cette taxe de son objet.
Il s’agit en effet d’assurer le consentement le plus large à la contribution de tous au financement du service public de l’audiovisuel en assurant un minimum de justice sociale dans les modalités de son prélèvement.
Cinq millions de foyers bénéficient d’ores et déjà d’un dégrèvement de redevance audiovisuelle sous condition de ressources. Sont notamment concernés par ce dégrèvement les bénéficiaires du RMI.
La loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion doit remplacer le RMI et l’allocation de parent isolé, l’API, à compter du 1er juin 2009. Il convient donc, pour assurer que les allocataires du RMI et de l’API continueront à bénéficier de ce dégrèvement au-delà du 1er juin 2009, d’amender les dispositions de l’article 1605 bis du code général des impôts.
Nous vous proposons donc d’exonérer les bénéficiaires du RSA du paiement de la redevance audiovisuelle, et ce dès le 1er janvier 2009, afin que ces dispositions soient étendues aux allocataires de ce dispositif d’ores et déjà expérimenté dans trente départements depuis 2007.
Conformément aux règles de recevabilité financière applicables aux amendements, notre proposition prévoit que l’incidence pour les finances publiques des exonérations de la redevance audiovisuelle que nous préconisons soit compensée par le produit d’une nouvelle taxe additionnelle sur les tabacs.
Je tiens simplement à préciser que la doctrine qui nous a été communiquée en matière sociale, c’est que le passage au RSA ne se traduira pas pour les personnes qui en bénéficieront et qui percevaient auparavant le RMI par une baisse de niveau d’exonération dans d’autres domaines.
C’est la stricte application de cette doctrine, qui nous a été affirmée par les ministres à plusieurs reprises, que nous proposons. Il n’y a donc dans notre amendement aucun motif de polémique. Il s’agit simplement, après avoir exonéré les propriétaires d’une résidence secondaire, d’exonérer les allocataires du RSA. En rejetant cet amendement, le Sénat enverrait un signe quelque peu bizarre aux plus défavorisés de nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission des affaires culturelles tient à rassurer M. Assouline : l’objectif social est atteint puisque la réforme du RSA vise précisément à offrir à tous ceux qui sont encouragés à retravailler des revenus suffisants, qui intègrent finalement la compensation de ce que seraient leurs droits sociaux dits « droits connexes ». (M. David Assouline fait un signe de dénégation.)
Je vous renvoie à l’excellent rapport qu’avait établi à l’époque notre collègue Mme Valérie Létard, aujourd'hui secrétaire d’État chargée de la solidarité, sur le piège que pouvaient constituer les droits connexes associés au statut du RMI. Le dispositif du RSA dans son ensemble vise justement à inverser cette logique, c’est-à-dire que les droits sociaux sont associés aux revenus et non pas au statut.
Monsieur Assouline, votre objectif social est donc complètement atteint grâce à l’excellente mesure proposée par M. Martin Hirsch : nos concitoyens sont incités à retravailler et non pas à être absorbés dans cette trappe à l’inactivité et à la pauvreté. Par conséquent, il me paraît important que vous réexaminiez le dispositif du RSA.
Par ailleurs, je signale que le Premier ministre vient de confier une mission à notre collègue Mme Sylvie Desmarescaux afin d’étudier une réforme de ces droits connexes qui soit en accord avec l’esprit du RSA.
Encore une fois, je voudrais que notre assemblée comprenne bien que les objectifs sociaux sont pleinement atteints grâce au RSA (M. Alain Gournac acquiesce.), qui, de plus, présente l’immense avantage de favoriser le retour vers l’emploi de personnes qui, avec le RMI, étaient incitées à adopter une démarche inverse.
Le RSA a bien sûr un coût, et, en l’assumant, le Gouvernement fait un choix courageux, car il favorise une logique de retour vers l’activité et non de maintien dans l’inactivité. Soyez donc pleinement rassurés, mes chers collègues : les objectifs sont atteints. (M. le président de la commission des affaires culturelles applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Je m’associe tout à fait à l’excellente réponse que vient de faire Mme le rapporteur.
J’ajouterai que les personnes qui ne sont soumises ni à l’impôt sur le revenu ni à la taxe d’habitation ne paient pas la redevance. Or l’immense majorité des futurs titulaires du RSA étant dans ce cas, ils sont donc en fait, de manière générale, déjà exonérés.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote.
Mme Bernadette Dupont. Ayant rapporté la loi sur le RSA avec, me semble-t-il, beaucoup de conviction, je voudrais simplement rappeler à M. Assouline – sans répéter tout ce qui a déjà été très bien dit – que, en dépit de sa très grande générosité apparente, il ne l’a pas votée ! Vous vous êtes abstenus, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, sur la loi généralisant le RSA ! Vous avez donc beau jeu aujourd’hui de demander des exonérations qui sont inscrites dans cette loi !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis quelque peu étonné par le tour que prend ce débat. (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme Bernadette Dupont. Vous nous avez reproché de ne rien dire !
M. Alain Gournac. Et dès que nous nous exprimons, vous nous en faites également le reproche !
M. le président. Seul M. Sueur a la parole !
M. Jean-Pierre Sueur. Mon cher collègue, je ne vous reproche pas du tout de parler, je revendique la possibilité d’exprimer mon point de vue. Êtes-vous d’accord sur le fait que je puisse m’exprimer ?
M. le président. Je vais veiller à ce que vous puissiez le faire, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. Merci, monsieur le président, mais, de toute façon, vous savez que ces interruptions ne m’impressionnent aucunement puisqu’il existe un règlement qui nous permet de parler, et que vous en êtes le garant.
Madame le rapporteur, j’ai été quelque peu étonné de vous entendre nous expliquer, si j’ai bien compris – mais peut-être n’est-ce pas le cas –, que les bénéficiaires du RSA vont percevoir plus que les allocataires du RMI mais que, s’ils gagnent davantage, c’est pour leur permettre de faire face à un certain nombre d’obligations telles que le paiement de la redevance !
Mme Bernadette Dupont. Vous n’avez rien compris à la loi !
M. Jean-Pierre Sueur. Madame Dupont, je fais ce que je peux ! Je fais fonctionner mon cerveau avec le quotient intellectuel qui est le mien ! (Sourires.)
Reconnaissez tout de même, madame le ministre, madame le rapporteur, que les titulaires du RSA ne rouleront pas sur l’or.
Vous avez avancé chacune une explication différente.
Tout d’abord, Mme le rapporteur a estimé que, ces bénéficiaires étant revenu dans la vie active et percevant un peu plus d’argent, il était juste qu’ils paient davantage d’impôts. J’ai compris cette argumentation, mais je n’y souscris pas. En effet, même titulaires du RSA, ces personnes ne gagneront pas des fortunes. C’est le moins qu’on puisse dire !
Mme Bernadette Dupont. Ce n’est pas ce qui a été dit !
M. Jean-Pierre Sueur. Si j’ai mal compris, Mme le rapporteur précisera sa position.
Par ailleurs, madame le ministre, vous n’avez pas repris à votre compte ces propos et vous avez développé un argument tout à fait différent. Selon vous, le problème ne se pose pas puisque, pour le plus grand nombre, ces titulaires du RSA ne paient ni impôt sur le revenu ni taxe d’habitation. Ils sont donc exonérés.
Si je suis votre argument, madame le ministre, qui est différent de celui de Mme le rapporteur, je ne vois vraiment pas pourquoi vous ne donneriez pas un avis favorable à l’amendement que M. Assouline vient de soutenir. Puisque, d’après vous, les bénéficiaires du RSA sont de toute façon exonérés de la redevance audiovisuelle, prévoyons donc que le RSA ouvre droit à cette exonération !
Mais j’ai surtout été choqué par une autre différence d’argumentation à propos du RSA et je finirai mon intervention sur ce point, monsieur le président.
Il serait donc civique que, dès lors que les titulaires du RSA vont travailler et gagner un peu plus d’argent, ils paient la redevance. C’est l’argumentation que j’ai entendu défendre par la commission.
Par ailleurs, s’agissant des propriétaires de résidences secondaires, contre lesquels nous n’avons strictement rien et qui, je pense, sont un certain nombre à siéger dans cet hémicycle, on nous a expliqué précédemment que l’idée de les taxer était bonne, mais devait être soumise à un comité. Vive le comité ! Espérons qu’il sera productif ! Il n’est pourtant pas besoin de considérations très lourdes pour comprendre que l’assujettissement des résidences secondaires serait socialement juste.
Enfin, madame le ministre, je suis confondu par votre argument selon lequel, les intéressés déplaçant leurs téléviseurs, ils ne pourraient de ce fait être contrôlés, et il ne serait, en conséquence, pas opportun de les faire payer ! Il s’agit d’un argument de démission – j’insiste sur ce mot – de l’État. Puisque des difficultés existent, il est inutile de chercher à les surmonter et de s’embarrasser à mettre en œuvre une imposition, qui serait pourtant juste !
Il y a donc deux poids et deux mesures. On incite les titulaires du RSA à la vertu contributive et on considère que, l’État étant inapte à vérifier si les possesseurs de résidences secondaires paient ou ne paient pas la redevance, il vaut mieux qu’ils ne la paient pas.
Je trouve ce contraste assez éclatant, et le moins qu’on puisse dire est qu’il ne va pas dans le sens de la justice.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. J’ai écouté attentivement la longue intervention de Mme Dupont. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Bernadette Dupont. Ce n’est pas dans mon habitude ! En règle générale, je suis plutôt synthétique !
M. David Assouline. Je vois que vous êtes si alerte que vous comprenez très bien le second degré !
M. Henri de Raincourt. Cette remarque n’est ni très agréable, ni très polie.
M. le président. Poursuivez, monsieur Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, il ne s’agit pas de me demander de poursuivre, mais de faire taire ceux qui m’interrompent ! C’est tout de même le rôle de la présidence !
M. le président. Je vous prie de ne pas me donner de conseil. Ces interruptions ne sont pas particulièrement bruyantes. Elles ne peuvent pas déstabiliser un orateur de choc tel que vous !
M. David Assouline. Vous me voyez pourtant très troublé par un hémicycle rempli de sénatrices et de sénateurs de l’UMP qui n’ont de cesse, depuis cinq jours, de nous déstabiliser par leur présence ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Je suis donc profondément déstabilisé à ce stade du débat.
M. Laurent Béteille. Si seulement cela pouvait être vrai !
M. David Assouline. Très franchement, même si le sujet peut provoquer des oppositions, je ne m’attendais pas à une situation aussi clivée. Il s’agit simplement de demander que, lors du passage d’une allocation à une autre, et ce d’autant plus que c’est l’argument employé pour faire passer la réforme auprès de l’ensemble des citoyens et de la représentation parlementaire, le maintien des droits soit bien garanti. Comme M. Michel Mercier l’a souligné, c’est bien l’esprit du RSA !
On demande aux allocataires du RMI de passer à un autre dispositif, un revenu de solidarité active, rompant avec ce qui, dans le RMI, s’est quelque peu perverti au cours des années. Ce constat était partagé par tous, le RSA étant une idée de gauche !
Mme Catherine Procaccia. Il fallait le voter dans ce cas !
M. David Assouline. Nous nous sommes opposés sur son mode de fonctionnement ! Ce n’est pas la peine de créer des confusions dans les débats, pour aboutir systématiquement à des positionnements binaires. Les discussions sur le RSA ne se sont absolument pas réduites à la question de savoir si on était pour ou contre le dispositif.
En tout cas, un point semble être partagé par tous : lors du passage du RMI au RSA, tous les droits afférents au premier doivent être maintenus dans le second. Bien évidemment, l’éligibilité au RSA dépend de la situation du foyer fiscal. Le dispositif est donc correctement conçu à cet égard et s’adresse bien à des personnes en difficultés.
Mais pourquoi imposer à ceux qui ne paieront ni impôts sur le revenu ni taxe d’habitation – ils seront peut-être très peu nombreux, certes, madame le ministre – le paiement de la redevance alors que vous avez jugé inadmissible, devant cette assemblée, de prévoir une majoration de 50 % de la redevance pour une résidence secondaire ?
Il faudra expliquer cette position à l’extérieur. Nous pouvons même aller ensemble l’expliquer aux citoyens de vos propres circonscriptions : dans les Yvelines, madame Dupont ! Vous verrez que, y compris parmi vos électeurs, j’aurai plus de facilité à faire entendre mon raisonnement que vous à justifier votre position sur ce vote et sur le précédent.