M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. L’article 21 institue une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques afin que, selon vos dires, madame la ministre, le financement de la télévision publique n’incombe pas aux téléspectateurs.
Or tous nos interlocuteurs concernés par cette taxe sont formels : ils envisagent soit de diminuer les investissements – je pense à des équipements dans certaines zones rurales qui ont été abattus lors de la tempête de 1999 et qui, dix ans après, continuent de s’enfouir naturellement le long des routes ! –, soit d’augmenter directement la facture de l’abonné en y faisant figurer clairement cette nouvelle taxe.
C’est donc bien, au final, le téléspectateur qui sera touché !
Cette nouvelle taxe s’appliquera aux opérateurs de télécommunications ayant leur siège en France et non à leurs concurrents américains tels que Google, SFR, MSN, qui capteront d’ailleurs l’essentiel de la publicité libérée allant sur internet.
Dans ce secteur fortement concurrentiel, cela aura d’importantes conséquences sur les capacités d’investissement dans la fibre optique, le haut débit mobile et la couverture numérique du territoire.
C’est aussi l’usager qui souffrira de cette baisse des investissements, notamment celui qui habite dans les zones les moins rentables, les zones rurales, les zones périphériques, les zones de montagne. Cette situation va aggraver la fracture numérique entre nos territoires.
Il faut aussi reconnaître que, pour l’instant, la fourniture du service audiovisuel par des opérateurs de communications électroniques n’est que peu répandue : ce service représente moins de 1 % de leur chiffre d’affaires. C’est ainsi que certains opérateurs ne sont nullement concernés par ce projet de loi.
Pourtant, vous voulez faire d’eux un des principaux contributeurs de votre réforme, ce ne paraît pas très juste. Il est clair que certains d’entre eux devraient être exclus du périmètre de la taxe, d’autant que celle-ci est assise sur le chiffre d’affaires et non sur la capacité contributive.
Un recours devant le Conseil constitutionnel aurait toutes les chances d’aboutir pour les raisons développées par M. Carcassonne et que j’ai évoquées lors de l’examen de l’article 20.
De notre point de vue, il eût été plus intéressant, plus efficace et plus logique de demander aux opérateurs de télécommunications de s’engager à réaliser les investissements nécessaires à la couverture numérique du territoire, car il faut bien reconnaître qu’ils les laissent le plus souvent à la charge des collectivités territoriales, départements et régions. Je pourrais vous évoquer une boucle haut débit qui permettra, nous l’espérons, de couvrir 99 % du territoire du Limousin
Cela aurait, d’ailleurs, pu faire partie du plan de relance de l’économie, lequel ne contient aucune mesure permettant de promouvoir l’économie numérique, alors qu’il s’agit d’un secteur où des investissements sont tout à fait nécessaires.
Vous avez donc choisi d’instituer une taxe bien compliquée à mettre en œuvre, juridiquement infondée – alors qu’il aurait été beaucoup plus simple de contracter avec ces opérateurs sur les investissements –, taxe dont l’efficacité n’est pas avérée pour compenser intégralement les pertes de recettes dans le service audiovisuel public.
C’est pourquoi nous proposerons de supprimer l’article 21 de ce projet de loi.
M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 219 rectifié et 377 sont identiques.
L'amendement n° 219 rectifié est présenté par MM. Maurey, Amoudry, Pozzo di Borgo et Deneux.
L'amendement n° 377 est présenté par MM. Antoinette, Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel, Fichet et Gillot, Mme Khiari, MM. S. Larcher et Lagauche, Mme Lepage, MM. Lise, Patient et Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 219 rectifié.
M. Hervé Maurey. J’ai déjà eu l’occasion de dire combien cette taxe était inopportune et inadaptée, notamment parce qu’il n’y a aucun rapport entre les télécommunications et la télévision, et que la partie audiovisuelle des opérateurs de télécommunications a été retirée de l’assiette de la taxe, ce qui est vraiment un paradoxe.
Je vous renverrai donc simplement au rapport pour avis adopté par la commission des affaires économiques la semaine dernière.
Tout est dit entre la page 25 et la page 27. Il est souligné qu’il n’est pas normal que les opérateurs de communications électroniques assument 85 % du poids financier du changement de modèle économique de France Télévisions.
Les opérateurs de télécommunications, poursuit le rapport, n’ont aucun bénéfice à en attendre. « Les opérateurs contribuent, depuis le 1er janvier 2008, au compte de soutien à l’industrie des programmes » ; donc, ils sont déjà taxés au titre de la création.
« En outre, économiquement, il est paradoxal, à l’heure où la crise économique s’installe, de taxer aujourd’hui un secteur, celui des communications électroniques, que le Gouvernement lui-même qualifie de levier de la croissance pour l’avenir.
« Dans le plan “ France numérique 2012 ” présenté à l’Élysée le 20 octobre 2008, le Gouvernement identifie l’économie numérique comme le principal facteur de gain de compétitivité des économies développées. […] Le Gouvernement lui-même estime ainsi qu’un doublement des investissements dans l’économie numérique représenterait un point de croissance supplémentaire. […] Dans cette perspective, votre commission pour avis craint que l’instauration d’une taxe […] n’ait pour effet de limiter les investissements […], ce qui serait particulièrement préjudiciable à la croissance de demain. […] Votre commission pour avis s’inquiète notamment des conséquences d’une taxation des opérateurs en matière d’aménagement du territoire ».
Le rapport précise également que « la taxation prévue par le présent texte représenterait chaque année l’équivalent de 380 000 foyers de moins raccordés à la fibre » !
Le rapport, comme j’ai eu l’occasion de le dire, évalue dans ces pages la répercussion de la taxe sur le consommateur, car il n’existe effectivement pas de taxe indolore. Il considère que la « répercussion directe de la taxe sur les factures représenterait une hausse moyenne par foyer de 14,6 euros ».
Le rapport poursuit ainsi : « On s’inquiétera également des effets d’une taxation sur la compétitivité des opérateurs français. » En effet, les grands acteurs multinationaux « seront exemptés de cette taxe purement nationale alors même qu’ils seront parmi les bénéficiaires directs du report de publicité ».
« D’un point de vue plus général […], les propos tenus par M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget à la commission des finances de l’Assemblée nationale, […] et faisant observer le défaut de cohérence de la stratégie fiscale des pouvoirs publics : “ alors que nous nous efforçons, en matière de technique fiscale, de supprimer par tous les moyens les impôts qui pèsent sur le compte d’exploitation des entreprises – on supprime actuellement l’imposition forfaitaire annuelle et la taxe professionnelle –, on créerait des taxes sur le chiffre d’affaires qui, à l’heure de la mondialisation et de la concurrence, ne devraient plus être à l’ordre du jour ! ” »
J’ajoute simplement que l’INSEE prévoit la suppression de 170 000 emplois dans notre pays. Dans ces conditions, il ne me paraît pas très logique de taxer un secteur qui réussit.
Je pense que nous pourrons nous retrouver sur ce point puisque, tout à l’heure, j’ai entendu avec beaucoup de satisfaction mes collègues du groupe UMP manifester leur mécontentement face à l’élargissement de l’assiette aux ordinateurs, car ils sont partisans des nouvelles technologies qu’ils savent bien que les jeunes en sont les principaux utilisateurs.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 377.
M. David Assouline. Nous l’avons dit à maintes reprises : tant que le Gouvernement ne prendra pas ses responsabilités et ne trouvera pas un moyen de financement pérenne et garanti pour l’audiovisuel public, nous resterons attachés au mode mixte de financement actuel, fondé sur l’attribution du produit de la redevance et la collecte de recettes publicitaires.
Cela étant, je retiens que l’État a annoncé qu’il garantissait l’apport à l’audiovisuel public des 450 millions d’euros représentant les recettes publicitaires dont celui-ci se voit privé. S’il ne les trouve pas avec un bricolage de taxes, il devra les trouver autrement !
Quant à nous, nous devrions pouvoir légiférer sans avoir une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.
La taxation des opérateurs de téléphonie pour compenser la perte de recettes publicitaires préalablement collectées par les chaînes du service public relève du bricolage. Cette disposition revient à faire supporter au téléphone le coût du cadeau fait à TF1 et M6.
Comment justifier la création d’un impôt opposable à une catégorie d’acteurs économiques et rendu nécessaire par la seule volonté présidentielle de transférer de la richesse vers une autre catégorie d’acteurs économiques ?
Pourquoi ne pas taxer, dès lors, les industries qui fabriquent des téléviseurs ? Celles-ci sont beaucoup plus étroitement liées au développement de la télévision que les opérateurs de télécommunications !
En effet, les opérateurs de communications électroniques sont étrangers à l’économie de la télévision. Seuls certains d’entre eux proposent une offre d’accès aux programmes de télévision, offre correspondant parfois à une obligation de transport, au titre du must carry, au nom de laquelle il serait paradoxal de les taxer. Par ailleurs, il est économiquement indifférent pour l’opérateur que ses abonnés regardent une chaîne plutôt qu’une autre, de sorte que la suppression de la publicité sur France Télévisions leur est indifférente. Enfin, ce ne sont pas les opérateurs de télécommunications qui bénéficieront des parts de marché publicitaires libérées par France Télévisions, leur modèle économique étant fondé sur les abonnements et les consommations.
Ne répondant à aucun critère rationnel ou objectif, cette taxe est donc constitutive d’une rupture d’égalité des citoyens devant les charges publiques et susceptible d’attirer les foudres du juge constitutionnel, vous le savez.
J’ajoute que les conséquences de cette taxe seront supportées par le consommateur. En effet, les différents opérateurs que nous avons reçus ne s’en cachent pas : le manque à gagner résultant pour eux de l’acquittement de la taxe aura pour conséquence soit de leur faire ajourner leurs investissements à venir, soit d’alourdir les factures des consommateurs. En fait, ils feront sans doute un peu les deux !
Finalement, nous allons aboutir à la situation suivante : d’un côté, le consommateur sa facture augmenter, certes légèrement, mais les opérateurs se feront un plaisir de lui signaler que cette augmentation est due à une taxe de l’État ; de l’autre côté, les investissements nécessaires pour réaliser rapidement la couverture numérique du territoire, notamment pour le développement des troisièmes et quatrièmes générations de téléphone mobile et de la fibre optique, étant réduits en raison du poids de cette taxe, ils ne seront effectués que dans les zones où ils seront les plus rentables, ce qui aggravera la fracture numérique.
Je ne cherche pas à défendre les intérêts des opérateurs de téléphonie, et je tiens d’ailleurs à rappeler qu’ils doivent respecter des obligations, sachant que, dans beaucoup de territoires, les élus locaux constatent que ces opérateurs se défaussent sur les collectivités locales pour financer leurs investissements. Au moment où nous disons qu’il n’est pas bon de taxer ces opérateurs, il convient de leur rappeler ce qu’est leur cœur de métier, afin qu’ils ne profitent pas toujours de leur position : qu’ils remplissent leurs obligations et aident les collectivités locales, qui rencontrent déjà suffisamment de difficultés avec les transferts de charges que l’État leur impose.
M. le président. À la demande de M. Bruno Retailleau, j’appelle maintenant en discussion les amendements nos 208 et 209 rectifié.
L’amendement n° 208, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Dans le IV du texte proposé par le I de cet article pour l’article 302 bis KH du code général des impôts, après le taux :
0,9 %
insérer les mots :
en 2009, 0,7 % en 2010 et 0,5 % en 2011
L’amendement n° 209 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Maurey et Hérisson, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le I de cet article pour l’article 302 bis KH du code général des impôts :
A. Compléter le premier alinéa du II par les mots:
, déduction faite du montant annuel des investissements desdits opérateurs dans les infrastructures et les réseaux de communications électroniques établis sur le territoire national.
B. En conséquence, au IV, remplacer les mots:
du montant des encaissements annuels taxables, hors taxe sur la valeur ajoutée,
par les mots :
de l’assiette visée au II
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je tiens à bien préciser que c’est à titre personnel que je présente les amendements nos 208 et 209 rectifié, et je vous remercie d’avoir accédé à ma demande, monsieur le président.
Je veux d’abord essayer de réfuter deux mauvais arguments que je sens flotter dans les esprits et dont il faut absolument se débarrasser si l’on veut aborder sereinement la question de la taxe applicable aux opérateurs de téléphonie mobile et aux FAI.
Le premier argument à écarter tend à accréditer l’idée que cette taxe permet de faire payer les « gros », ceux qui ont beaucoup d’argent. Cet argument ne repose pas sur une analyse économique rationnelle : ce n’est pas parce qu’un secteur est dynamique que l’on peut prélever sur lui de quoi compenser le manque à gagner dont souffre un autre secteur du fait de l’écroulement conjoncturel du marché publicitaire et de la décision du Gouvernement, que je crois juste par ailleurs, de supprimer progressivement la publicité sur les antennes du service public.
Le deuxième mauvais argument consiste à dire que cette taxe fait payer les « méchants », c’est-à-dire ceux qui se font de l’argent sur le dos des créateurs de biens culturels. Je tiens à rappeler que les fournisseurs d’accès à internet et les services de télécommunications paient déjà la taxe qui alimente le COSIP. Cette taxe, instituée par la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, a été votée pratiquement à l’unanimité au Sénat. Ces agents économiques paient aussi les droits d’accès aux vidéos à la demande, par exemple. Ils ont des obligations de must carry – pardonnez-moi cette expression, cher Jacques Legendre ! –, c’est-à-dire qu’on leur impose de transporter les programmes de France Télévisions. Qu’on ne vienne pas dire ensuite qu’il faut leur faire payer une sorte de droit de péage puisqu’ils transportent les programmes !
En vérité, ce qui me choque, c’est surtout une violation de la logique. Concrètement, la décision de supprimer la publicité sur le service public sera supportée financièrement à 85 % par des acteurs économiques qui, contrairement aux télévisions privées, ne retireront pas un seul euro de cette suppression. En effet, le modèle économique des FAI ou des opérateurs de télécommunications n’est pas fondé sur la publicité mais sur des forfaits d’abonnement. Or l’assiette de la taxe n’a rien à voir avec l’image puisque toute l’activité multiservice – ce qu’on appelle le triple play – a été retirée de cette assiette, qui ne comprendra plus que 3 % de services audiovisuels.
Là est la contradiction : le secteur qui supportera 85 % du poids financier de la suppression de la publicité sur la télévision publique ne transporte que 3 % des programmes télévisuels.
L’amendement n° 208 tend donc à résoudre cette contradiction en introduisant une dégressivité dans le temps du taux de la taxe. Nous avons la responsabilité de trouver des ressources à France Télévisions mais pas de faire en sorte que Bercy trouve des moyens nouveaux pour réduire l’endettement de l’État. Nous sommes conscients de la lourdeur de cet endettement, mais sa réduction n’est pas l’objet de ce projet de loi.
J’ai été heureux d’entendre Michel Thiollière dire que cette taxe n’était pas vouée à la pérennité et qu’elle devrait être ajustée. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, j’attends que l’on m’indique de la façon la plus claire qu’on ne crée pas une taxe avec un taux qui ne bougera plus sans s’ajuster aux différentes dynamiques mises en avant lors de notre examen de ce projet de loi. Si, en cet instant, on légifère pour aider Bercy à réduire la dette de l’État, on fait fausse route ! J’espère que, d’ici à la fin de l’examen de ce texte par le Parlement, des calculs auront été faits et que cette taxe, contrairement à beaucoup d’autres, n’aura pas vocation à prospérer d’année en année. J’attends donc votre réponse avec impatience !
L’amendement n° 208 a donc pour objet d’ajuster la taxe aux besoins, même si elle ne répond à aucune logique économique.
L’amendement n° 209 rectifié, quant à lui, tend à mettre un peu de vertu dans cette taxe. Une taxe peut-elle être vertueuse ? Belle question philosophique, et en même temps très pratique ! (Sourires.) Pour moi, la vertu consiste à faire en sorte que cette taxe ne décourage pas l’investissement et ne pénalise pas la croissance. En effet, alourdir les taxes, c’est affaiblir l’investissement, sauf si l’on exonère les investissements qui sont des priorités gouvernementales.
Lundi dernier, le Premier ministre a réuni un comité interministériel qui a réaffirmé la nécessité d’encourager le développement la fibre optique, capital pour l’industrie culturelle et la couverture du territoire. Je me tourne vers les élus ici présents, qu’ils soient de droite ou de gauche : qui d’entre vous n’a pas dans son département – sauf peut-être les départements urbains, et encore ! – des zones d’ombre ?
Cet amendement a pour objet d’épargner au moins ce que le Gouvernement veut, par ailleurs, encourager. Il faut qu’il soit cohérent avec lui-même : s’il souhaite encourager la fibre optique et réduire la fracture numérique, je lui propose de soustraire de l’assiette de la taxe les dépenses d’investissement qui répondent à ces deux objectifs. La taxe n’en sera que plus vertueuse, nous aiderons le Gouvernement à être plus cohérent avec les déclarations faites dans les réunions interministérielles et nous aurons fait une bonne œuvre si cette taxe doit perdurer.
M. le président. Le sous-amendement n° 459, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Après les mots :
faite du
rédiger comme suit la fin du second alinéa du A de l’amendement n° 209 rectifié:
montant des dotations aux amortissements comptabilisés au cours de l’exercice clos au titre de l’année au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, lorsqu’ils sont afférents aux matériels et équipements acquis à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° du relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision par les opérateurs pour les besoins des infrastructures et réseaux de communications électroniques établis sur le territoire national et dont la durée d’amortissement est au moins égale à dix ans.
La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Si vous me le permettez, monsieur le président, je dirai quelques mots de l’article 21 et de la série d’amendements dont il fait l’objet.
Je rappelle tout d’abord que la commission n’est ni « taxophile » ni « taxophobe » : elle essaie tout simplement d’être pragmatique et de trouver les moyens nécessaires au financement de l’audiovisuel public.
La recette attendue de la taxation des FAI est de l’ordre de 380 millions d’euros alors que l’État a prévu une dotation budgétaire de 450 millions d’euros pour compenser la suppression de la publicité. Chaque fois que l’on fait bouger les lignes, il faut trouver une compensation soit en allant puiser dans la poche du contribuable, soit en alourdissant une taxe, soit en faisant payer le téléspectateur par le biais de la redevance. Malheureusement, nous n’avons pas trouvé de recette miracle pour que l’opération ne coûte rien !
C’est la raison pour laquelle la commission a essayé d’adopter une ligne de conduite à la fois pragmatique, cohérente et, si possible, équitable, afin que chacun s’y retrouve.
Elle a donc rendu un avis défavorable sur les amendements de suppression.
Par ailleurs, certains de nos collègues souhaiteraient restreindre l’assiette de la taxe, soit en exonérant certains investissements, soit en exonérant les opérateurs de télécommunications dédiées aux professionnels, d’autres enfin voudraient en réduire le taux. Aucun de ces amendements ne peut recueillir l’avis favorable de la commission.
Pour ce qui est de l’amendement n° 209 rectifié, nous avons voulu examiner la question vraiment au fond, de manière à savoir si le problème soulevé ne correspondait pas à une réalité territoriale.
En tant que membres de la Haute Assemblée, nous sommes représentants des territoires et nous savons bien que, pour un certain nombre d’entre eux qui ne sont pas encore couverts par la TNT et l’ADSL, des investissements lourds sont prévus.
Finalement, avec bon sens, comme l’a expliqué notre collègue Bruno Retailleau, mais aussi avec pragmatisme, on en vient à se dire que, la couverture du territoire nécessitant des investissements lourds et puisque, en définitive, ce sont nos concitoyens qui paient la redevance, les divers impôts, y compris quand ce sont les entreprises qui les acquittent, ils ont tout de même bien le droit de vivre sur un territoire correctement équipé.
Bref, l’argument avancé nous a touchés ; il a constitué le point de départ à partir duquel nous avons réfléchi à la manière dont nous pourrions concilier plusieurs exigences. Il faut en effet que les différents territoires soient équipés de façon homogène et équitable, sans pour autant remettre en question le principe même des taxations, faute desquelles, comme je le disais tout à l’heure, il n’y a plus de recettes suffisantes et, par conséquent, plus d’audiovisuel public bien financé.
Voilà pourquoi l’amendement n° 209 rectifié a retenu toute notre attention, mais nous avons souhaité le sous-amender.
On l’a souvent dit, nous voudrions que l’année 2009 soit consacrée à un examen global et approfondi du dispositif, se traduisant, d’ici à la fin de l’année, par sa révision en toute connaissance de cause. Cependant, pour aller dans le sens souhaité d’un meilleur équilibre territorial, notre sous-amendement ne remet pas en cause les autres mesures que nous avons votées ce soir.
N’ayant pas recueilli l’avis de la commission sur ce sujet, c’est mon opinion personnelle que j’exprime : je trouverais dommage que le Sénat, après avoir approuvé une augmentation de la redevance de deux euros, ce qui est très modéré, décide d’en reprendre un en votant l’amendement n° 209 rectifié sans modification.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Bien sûr !
M. Michel Thiollière, rapporteur. Car, si cet amendement était adopté, c’est exactement ce qui se produirait.
Or un euro de redevance, cela représente à l’arrivée 20 millions d’euros. Si nous nous privions de 20 millions d’euros à cause de l’adoption d’un amendement, tout le combat que nous avons mené en faveur de la redevance reviendrait finalement à peu de chose.
J’y insiste, c’est non l’avis rapporteur de la commission des affaires culturelles que j’exprime là, mais celui, très personnel, du sénateur Michel Thiollière.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Quoi qu'il en soit, il est très juste !
M. Michel Thiollière, rapporteur. Notre sous-amendement va, quant à lui, dans le sens souhaité par M. Retailleau, mais de façon mesurée.
Grâce à ce sous-amendement, nous rendrons opérationnel le dispositif qu’il propose. Je répète que nous souscrivons, nous aussi, à cette mesure, dans un souci d’équité territoriale, mais que, néanmoins, nous ne souhaitons pas nous engager dans une voie qui serait contre-productive au regard des débats que nous avons eus et des décisions que nous avons prises. Comme on l’aura compris, les positions que nous avons adoptées afin de nous montrer constructifs ont demandé beaucoup d’énergie et d’efforts aux uns et aux autres, parfois même, pour certains d’entre nous, des efforts politiques.
M. le président. L'amendement n° 188 rectifié, présenté par M. Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KH du code général des impôts par les mots :
, et qui réalise un chiffre d'affaires annuel supérieur à 200 millions d'euros.
La parole est à M. Retailleau, rapporteur pour avis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. C’est un tout petit amendement, madame la ministre, avec de toutes petites conséquences ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Plancade. Ce n’est pas si sûr !
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Il vise à exonérer les MVNO – mobile virtual network operators –, autrement dit les opérateurs mobiles virtuels.
De quoi s’agit-il ? En France, il existe, d’un côté, trois grands opérateurs de réseaux, et, de l’autre, une dizaine de tout petits opérateurs, qui essaient d’animer le marché, de faire jouer la concurrence, c'est-à-dire de faire baisser les prix. Ces petits opérateurs n’ont pas de réseau en propre : ils doivent acheter des minutes aux trois entreprises importantes qui gèrent les réseaux.
Par rapport à tous les autres pays européens, la France a un problème, à savoir que les MVNO y sont vraiment de très petite taille. Ils représentent moins de 5 % du marché, et cette part va en diminuant : alors qu’elle se situait aux alentours de 5 % il y a quelques mois, elle est proche aujourd’hui de 4,60 %. On peut dès lors se demander ce qu’il en sera l’an prochain.
Le constat est donc simple : ces opérateurs réalisent de très petits chiffres d’affaires. Parfois même, ils subissent des pertes, qu’il n’est évidemment pas question de taxer !
M. Jean-Pierre Plancade. Mais ils animent le marché !
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Oui, et c’est une bonne chose d’animer le marché, d’introduire de la concurrence. Je ne dis pas que la concurrence est intrinsèquement bonne, mais qu’elle est bénéfique pour le pouvoir d’achat.
Agir en faveur du pouvoir d’achat est bien l’objectif du Gouvernement, et je pense que la mesure d’encouragement que nous proposons va dans ce sens. Il s’agirait de décider, très concrètement, que, lorsque leur chiffre d’affaires est inférieur à 200 millions d’euros, les petits opérateurs sont exonérés du paiement de la taxe.