compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire :
Mme Anne-Marie Payet.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, avant que ne s’ouvre le débat sur les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, je souhaite faire un rappel au règlement, motivé par le fait qu’un recours a été déposé par le groupe CRC-SPG auprès du Conseil d’État contre la suppression de la publicité sur France Télévisions.
L’audience a eu lieu hier après-midi, elle a duré presque deux heures et la lecture publique de la décision interviendra, au plus tard, après-demain.
Ce recours est essentiellement fondé sur le fait que ladite loi a été appliquée, dans une de ses dimensions que l’Élysée et le Gouvernement ont voulu symbolique, à savoir la suppression de la publicité en soirée sur France Télévisions, avant même que la Haute Assemblée n’ait été amenée à en délibérer.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici : cette décision de l’exécutif est grave, offensante ; c’est un déchirement du droit, qui nous a mis devant le fait accompli et nous a privés de notre droit d’amendement, consacrant la règle déloyale selon laquelle la fin justifie les moyens.
Le contenu de l’audience d’hier, devant le Conseil d’État, montre que le pouvoir, dont l’intervention s’est résumée à une lettre de Mme la ministre de la culture, est en difficulté. Nous n’avons entendu que des arguments de procédure, aucun argument sur le fond : la partie ministérielle fuit la discussion sur le droit !
La moindre des choses serait que la commission des affaires culturelles et les groupes parlementaires soient informés de la situation avant de se prononcer, puisque la décision du Conseil d’État portera sur une mesure introduite par l’article 18 du projet de loi, sur laquelle on nous demande de voter alors que le débat sur sa légalité n’a pas encore été tranché par la plus haute juridiction administrative française.
C’est pourquoi j’ai l’honneur de demander, monsieur le président, une suspension de séance, qui permettra à chacune et à chacun d’entre nous de se déterminer en toute connaissance de cause. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Ralite, je vous donne acte de votre rappel au règlement, qui est plutôt une communication à la Haute Assemblée. Vous comprendrez que je ne commente pas les éléments d’une décision de justice en cours de délibéré.
Je ne suis pas certain qu’une suspension de séance puisse contribuer à éclairer le Sénat ou la commission, étant donné que la décision que vous attendez n’est pas encore rendue.
Je propose donc de poursuivre la séance.
M. Guy Fischer. C’est fort regrettable, monsieur le président !
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Communication audiovisuelle
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 189).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a près d’un mois, la discussion de ce projet de loi s’ouvrait au Sénat dans des circonstances un peu particulières : sa principale mesure, celle dont tout le reste ou presque semblait découler, était entrée en application depuis deux jours ! La publicité avait disparu en soirée sur les chaînes publiques.
Tout semblait dit, et nombreux étaient ceux qui craignaient que la Haute Assemblée ne soit contrainte de débattre dans le vide de questions tranchées par la force du fait, ce que nous déplorions légitimement.
Tel n’a pourtant pas été le cas, et la commission des affaires culturelles ne peut que s’en réjouir : elle appelait depuis longtemps de ses vœux ce débat sur l’avenir de la télévision publique et n’aurait jamais pu comprendre, ni accepter, que le Sénat en soit privé !
Tout au long de la dizaine de jours et de nuits qu’ont duré nos débats, nous avons su faire entendre la voix du Sénat, une voix originale, propre à notre assemblée, une voix qui s’est nourrie des 133 amendements que nous avons adoptés, sur l’initiative de tous les groupes politiques siégeant dans cet hémicycle. Nous nous réjouissons de la bonne atmosphère qui a présidé à ces travaux.
Cette voix singulière, nous avons su la faire résonner à de multiples reprises, y compris, je tiens à le dire, au sein de la commission mixte paritaire.
M. David Assouline. Sans blague !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. En effet, force est de constater que, dans le texte définitif du projet de loi, les articles émanant de notre assemblée sont largement majoritaires.
C’est ainsi le Sénat qui a tenu à réaffirmer la nécessité d’assurer au service public un financement pérenne et dynamique à travers la redevance. Quoi de plus naturel, au demeurant ? Il existe une contribution dont la vocation première est de financer l’audiovisuel public. C’est d’elle que la télévision et la radio publiques doivent tirer leurs ressources : c’est l’évidence même, que le Sénat a inscrite dans la loi.
Ici et là, on a pu dire que la redevance audiovisuelle était impopulaire. Je ne le crois pas. Ce qui rend un prélèvement obligatoire impopulaire, ce n’est pas son existence, c’est l’ignorance dans laquelle les citoyens sont tenus de son usage.
Si chacun savait que la redevance finance non seulement la télévision publique, mais aussi la radio publique, trop souvent oubliée, ainsi que des orchestres, si chacun savait que, pour dix euros par mois, il dispose du premier bouquet de chaînes de télévision et de stations de radio gratuit, alors, j’en suis certaine, l’impopularité de la redevance ne tarderait pas à se dissiper !
C’est pourquoi la commission, dans le droit fil des travaux de la commission Copé, a placé l’augmentation de la redevance au cœur de sa réflexion sur la nouvelle télévision publique.
En effet, on ne peut pas engager l’audiovisuel public –qui, rappelons-le, comprend non seulement France Télévisions, mais aussi tout le secteur de la création : producteurs, réalisateurs, comédiens, techniciens, soit 260 000 emplois environ – dans une réforme d’une telle ampleur, en supprimant la publicité, en redessinant l’identité des chaînes, en construisant le média global, et refuser en même temps au service public les moyens d’atteindre les objectifs ambitieux que l’on vient de lui fixer, à savoir la création d’une entreprise unique, ou mieux commune, et la mise en place du média global avec tout ce que cela représente en termes de conception de nouveaux produits, sur l’ensemble des supports, et de nouveaux services gratuits pour nos concitoyens.
Revaloriser la redevance audiovisuelle était non seulement légitime – rappelons que son montant, largement insuffisant à nos yeux, n’avait pas bougé depuis 2001 –, mais également nécessaire : le Sénat, dans la continuité de ses travaux passés, a pris ses responsabilités, en votant à une immense majorité son augmentation de 4 euros sur deux ans, en prévoyant son indexation à l’euro supérieur, en réaffirmant son extension aux ordinateurs et en excluant le groupement d’intérêt public France Télé numérique de ses bénéficiaires.
Dans le même temps, la Haute Assemblée a eu à cœur de poser les bases d’une véritable pédagogie de la redevance audiovisuelle. Elle l’a fait en la rebaptisant « contribution à l’audiovisuel public », afin de mieux faire percevoir le service offert à celui qui l’acquitte. Nous avons aussi souhaité – et j’espère, madame la ministre, que vous pourrez prendre des engagements sur ce point – que la confusion entre les impôts locaux et la contribution à l’audiovisuel public cesse et que chacun de ces prélèvements soit notifié de manière distincte.
La commission mixte paritaire a entériné les mesures qui nous tiennent le plus à cœur, en particulier la hausse de 4 euros de la redevance votée par la Haute Assemblée. En 2010, la contribution pour l’audiovisuel public s’élèvera ainsi au moins à 120 euros, sans compter l’indexation que nous avons votée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008.
De plus, le groupement d’intérêt public France Télé numérique sera financé à l’avenir par des crédits budgétaires et non plus par le produit de la redevance. Dès l’année prochaine, plus de 72 millions d’euros seront ainsi rendus à l’audiovisuel public, et même 130 millions d’euros en 2011.
Au total, en 2010, l’audiovisuel public bénéficiera de plus de 110 millions d’euros supplémentaires et la réforme qui s’engage sera dès lors assise sur des bases financières solides et pérennes. (M. David Assouline s’exclame.)
C’est pourquoi la commission mixte paritaire n’a pas jugé nécessaire d’ajouter à l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public son indexation à l’euro supérieur.
La commission mixte paritaire est revenue sur le vote du Sénat tendant à ce que la contribution à l’audiovisuel public concerne aussi les foyers qui ne possèdent pas de téléviseur, mais qui reçoivent la télévision par le biais d’un ordinateur. Nous sommes en effet entrés dans l’ère du média global : d’ores et déjà, nombre de programmes du service public peuvent être visionnés sur internet ; de même, les radios publiques sont disponibles en ligne. J’ajoute que, demain, grâce à la Haute Assemblée, l’offre de télévision de rattrapage en ligne sera intégralement gratuite, à l’exception de la diffusion de certaines manifestations sportives et des films, dont les droits pourraient être plus difficiles à obtenir.
Cette mesure, bien que déjà inscrite dans le code général des impôts, exige en effet encore de la pédagogie. Elle est légitime, aussi l’examinerons-nous avec une attention toute particulière dans le cadre du comité de suivi institué par l’article 49 AA, qui aura notamment pour mission de moderniser la contribution à l’audiovisuel public, et singulièrement son assiette. Le travail, madame la ministre, devra être poursuivi, car nous n’avons fait que tracer la voie.
Ce comité de suivi devra également s’attacher au devenir des taxes. À cet égard, le Sénat a pris toutes ses responsabilités : il a refusé toute baisse importante des taxes finançant la prise en charge par l’État de la suppression de la publicité, mais il a veillé à mettre fin aux situations d’inégalité les plus criantes, liées premièrement à la double taxation de l’assiette publicitaire des chaînes, deuxièmement à la taxation de chaînes d’audience internationale ne bénéficiant pas de l’effet d’aubaine lié à la suppression de la publicité, troisièmement à la taxation des investissements des opérateurs de télécommunications en matière d’aménagement du territoire – auquel nos collègues, également élus locaux, sont particulièrement sensibles –, quatrièmement à la taxation des opérateurs ultramarins.
Nous avons aussi créé les conditions nécessaires à la réflexion sur l’évolution de ces taxes, au regard de la progression de la redevance audiovisuelle, mais aussi des économies qui résulteront de la création de l’entreprise unique, liées à la mutualisation des moyens et à l’instauration de nouvelles synergies.
Je me réjouis que la commission mixte paritaire ait suivi le Sénat sur cette question et maintenu en l’état les dispositions équilibrées que nous avions adoptées.
En effet, conforter le financement de France Télévisions, ce n’est pas seulement assurer l’indépendance matérielle du service public, c’est aussi garantir que la création audiovisuelle pourra s’épanouir sous toutes ses formes sur les écrans du service public.
Dans le droit fil des travaux du Sénat, la commission mixte paritaire a ainsi souhaité réaffirmer dès l’article 1er le rôle central de France Télévisions en matière de création. Pour lever toutes les inquiétudes qu’éveillait la possible constitution d’un guichet unique, la CMP a fait prévaloir la collégialité comme mode de sélection des projets. Elle a également maintenu la disposition prévoyant que les contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions préciseraient le montant minimal des investissements du service public en valeur relative et en valeur absolue.
Au travers de ce projet de loi, ce n’est donc pas seulement à France Télévisions que nous donnons les moyens d’un nouvel élan, mais à l’ensemble des forces créatives que compte le monde culturel français. Avec la fin de la publicité, l’ambition culturelle se trouve en effet placée au centre du projet singulier de la télévision publique : la commission des affaires culturelles ne peut que s’en réjouir.
C’est pourquoi elle invite le Sénat à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire et à donner ainsi le véritable coup d’envoi d’une réforme qui ne se limite pas à la suppression de la publicité – effet le plus lisible et le plus emblématique peut-être –, mais qui prend appui sur celle-ci pour aller beaucoup plus loin encore. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite de Mme Catherine Morin-Desailly, dont je salue la force des convictions et la qualité de la contribution, je reviendrai sur quelques-unes des étapes ayant jalonné nos travaux, notamment pour l’établissement des conclusions de la commission mixte paritaire.
Je reviendrai sur les thèmes de l’indépendance, de la diversité et de la confiance.
Le mot « indépendance » a souvent été utilisé et débattu, à juste titre, au long de nos discussions. Pour ce qui concerne les journalistes, nous avions souhaité – et la CMP nous a suivis sur ce point important – inscrire dans la loi des dispositions fondamentales de leurs conventions collectives garantissant leur indépendance.
Nous avons également beaucoup parlé de la nomination des présidents des sociétés nationales de programme. Nous avions souhaité qu’elle s’effectue dans la transparence et dans un esprit de responsabilité.
La nomination par le Président de la République nous a semblé source de transparence et d’efficacité, mais elle doit être accompagnée de deux garanties supplémentaires, qui ont été consacrées par la CMP : la nécessité d’un avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel et un avis des commissions des affaires culturelles du Sénat et de l’Assemblée nationale, qui, par le biais d’auditions publiques, pourront juger de la pertinence des candidatures présentées et des projets les sous-tendant et pourront s’y opposer à la majorité des trois cinquièmes de leurs membres.
Nous avons par ailleurs beaucoup débattu du problème de la révocation des présidents des sociétés nationales de programme. Fort heureusement, la révocation est loin d’être une mesure fréquente, mais il faut prévoir un encadrement suffisant, ce que ne fait pas la Constitution, dont l’article 13 ne vise que la nomination par le Président de la République, sans nullement évoquer la révocation.
C’est la raison pour laquelle nous avions souhaité, ici au Sénat, proposer des avancées par rapport à la rédaction initiale du projet de loi, qui ne faisait aucune mention du rôle du Parlement dans la procédure de révocation.
Nous avons donc essayé d’échafauder un système novateur. Cela étant, eu égard au risque d’anticonstitutionnalité qu’il présentait, nous avons préféré, pour éviter de retomber dans une forme de néant juridique, nous ranger en CMP à l’avis de l’Assemblée nationale, tout en conservant l’exigence, introduite par le biais de l’adoption d’un amendement déposé par M. Michel Mercier, d’un vote à la majorité absolue au sein du CSA.
En ce qui concerne maintenant la diversité, il s’agit d’une valeur forte que l’on doit retrouver, faire entendre et faire voir à travers tous les programmes de radio ou de télévision, lesquels doivent en outre répondre à la diversité de nos concitoyens.
Je ne reviendrai pas sur la création de l’entreprise unique, qu’a évoquée Catherine Morin-Desailly. Cette institution sera à la fois garantie dans son fonctionnement et garante d’une forme de communauté nouvelle. Des échanges et des partenariats entre les différentes chaînes composant l’entreprise France Télévisions, notamment, seront mis en place. De ce point de vue, l’architecture de France Télévisions se rapproche de celle qui prévaut à Radio France depuis maintenant bon nombre d’années, à la satisfaction tant du personnel que des auditeurs.
Nous avons souhaité promouvoir le multilinguisme dans les programmes de France Télévisions, en rendant systématiquement accessible la version originale des œuvres étrangères. D’une certaine manière, les nouveaux programmes de la télévision publique devront être une fenêtre ouverte sur le monde tel qu’il est aujourd’hui, dans sa diversité linguistique.
Il a souvent été question de média global. C’est dans cette perspective que se construit aujourd’hui la nouvelle entreprise France Télévisions. Le média global doit être un service nouveau apporté à nos concitoyens. Nous avons notamment choisi de rendre gratuite la télévision de rattrapage publique, qui permettra pendant une semaine à tous nos concitoyens de revoir sur internet les différents programmes de France Télévisions.
Parallèlement à la suppression de la publicité, nous avons souhaité l’émergence du parrainage des programmes, qui est à la télévision ce que le mécénat est aux arts plastiques. Ce parrainage ne doit pas, pour autant, devenir un tunnel publicitaire accompagnant les émissions. Il constitue une forme de signature, donnant la possibilité à des entreprises de soutenir une identité et une qualité nouvelles des programmes.
Nous avons également voulu associer les téléspectateurs à l’évaluation des programmes. C’est pourquoi nous avons mis en place un conseil des programmes, chargé d’évaluer l’évolution des programmes, leur densité et leur qualité. Nous tenions à cette mesure, qui a été inscrite dans les conclusions de la CMP.
Nous avions en outre pour objectif de permettre au Parlement de jouer un rôle encore plus actif, notamment en ce qui concerne la définition des contrats d’objectifs et de moyens et des cahiers des charges. Il aura ainsi une mission d’évaluation et de validation des orientations prises par les chaînes. Ces mesures ont elles aussi été acceptées par la CMP.
Dans le même esprit, nous avons tenu à renforcer les pouvoirs du CSA, qui pourra notamment saisir l’autorité de la concurrence, émettre un avis sur les textes réglementaires. Il disposera par ailleurs d’une possibilité d’astreinte étendue. Le texte du Sénat a été maintenu sur tous ces points.
Comme l’a rappelé Catherine Morin-Desailly, nous avions souhaité que le financement de l’audiovisuel public soit contrôlé et évalué par le CSA. La CMP n’a pas retenu cette proposition, estimant que cette mission relevait de la compétence du Parlement, qui s’en chargera chaque année.
En outre, la CMP a suivi nos préconisations quant à la transposition de la directive européenne.
Pour rendre service à nos concitoyens, qui doivent pouvoir se repérer dans le foisonnement des nouvelles chaînes offertes, nous étions favorables au maintien de la numérotation logique des chaînes de la télévision numérique terrestre, la TNT. La CMP a retenu ce principe.
Enfin, la CMP a rétabli la suppression de la publicité sur Réseau France Outre-mer, RFO, revenant sur une décision qui avait été prise au Sénat. En effet, il convient de respecter une forme d’équité entre la métropole et les territoires ultramarins, qui devront également bénéficier du passage au numérique.
Voilà donc, résumées très brièvement, les conclusions de la CMP, qui ont été établies principalement sur la base du texte issu des travaux du Sénat. Les échanges avec nos collègues députés ont été constructifs et ont permis de déboucher sur un accord.
Au terme d’une dizaine de jours de discussions, le Sénat a bâti un projet de loi qui permet d’aller plus loin. Après des mois de débats, marqués parfois d’incertitudes et d’inquiétudes, le Sénat, par son vote d’aujourd’hui, doit à mon sens accorder à l’audiovisuel public et à ses personnels toute sa confiance pour la mise en œuvre de la réforme et la construction de ce média global que nous appelons de nos vœux.
De la même manière, nos concitoyens doivent faire confiance aux chaînes de télévision et aux sociétés nationales de programme pour mettre en place un service public de qualité.
Nous avons mis en exergue des principes et des valeurs par le biais d’amendements et de propositions. Nous avons ainsi beaucoup insisté sur l’importance de la création, sur le fait que les valeurs de la République doivent se retrouver dans l’audiovisuel public, lien fort dans notre société, et sur la notion de proximité, quels que soient les territoires et les populations considérés.
Dans cette perspective, les nouvelles technologies ne sont pas une tyrannie qu’il faut subir, elles constituent au contraire un outil nouveau au service de nos concitoyens, en permettant de nouvelles pratiques et de nouveaux usages.
En définitive, seul le public jugera du travail accompli, seul le public tranchera ! On peut déjà observer que la suppression de la publicité et la qualité des programmes sont appréciées de nos concitoyens. Si nous avons été utiles à la mise en place de cette réforme, si le public est satisfait, nous aurons le sentiment d’avoir, ni plus ni moins, rempli notre devoir de parlementaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons au terme de l’examen d’un projet de loi qui représente une grande et vraie réforme : une réforme bien sûr de l’audiovisuel, qui est repensé dans son ensemble, y compris l’audiovisuel extérieur, mais aussi une réforme culturelle, puisque les habitudes quotidiennes des Français se trouveront profondément modifiées, nos compatriotes se voyant proposer des programmes diffusés plus tôt en soirée et à l’ambition culturelle encore plus affirmée. Il est d’ailleurs très frappant de constater à quel point ils se sont rapidement adaptés à une évolution qu’ils plébiscitent, comme en témoignent les nombreuses enquêtes d’opinion réalisées.
Le débat long et dense qui a eu lieu pendant un mois et demi au Parlement a abouti à un véritable enrichissement du projet de loi.
Le texte issu de la commission mixte paritaire prend en compte un grand nombre de propositions émanant tant de l’Assemblée nationale que du Sénat. Il est intéressant et équilibré, et je tiens, en en suivant l’ordre logique, à souligner plusieurs points.
Tout d’abord, la représentation de la diversité de la population française sera désormais mieux assurée, à la fois sur les écrans et dans la politique de ressources humaines de l’audiovisuel public.
La gouvernance du nouvel audiovisuel extérieur de la France sera plus pertinente et cohérente avec les intérêts de la nouvelle entreprise grâce à la présence d’une personnalité représentant la francophonie – sujet cher au cœur du président Jacques Legendre – au sein du conseil d’administration.
Les conditions de nomination et de retrait de mandat des présidents de l’audiovisuel public ont été précisées pour donner encore plus de visibilité et de force aux décisions du CSA et des commissions parlementaires, dont les débats et les avis seront, bien sûr, publics.
Les téléspectateurs du service public seront directement intéressés à la vie de l’entreprise France Télévisions grâce à l’institution d’un conseil consultatif des programmes.
Une sélection collégiale des projets d’investissement dans la création audiovisuelle sera instituée, afin d’éviter l’écueil du « guichet unique » – c’était une forte préoccupation des producteurs et des créateurs, notamment – et celui de la décision arbitraire quant au choix et au financement des programmes.
Les conditions de suppression totale de la publicité sur France Télévisions d’ici à 2011 ont été encadrées avec une clause de revoyure tout à fait intéressante, au plus tard le 1er mai 2011.
Le projet de loi crée les conditions de la suppression de la publicité sur RFO, en fonction de l’extinction de la diffusion analogique et de l’existence d’une offre privée concurrente.
Le financement de l’audiovisuel public est encore mieux garanti grâce à l’indexation de la redevance – qui a été rebaptisée « contribution à l’audiovisuel public », ce qui est également une mesure pertinente – sur l’inflation, et ce dès l’année 2008.
La taxe sur les chaînes de télévision a été justement modulée pour tenir compte des surplus dont elles pourraient réellement bénéficier avec la fin de la publicité sur France Télévisions.
La taxe sur les télécommunications a été elle aussi aménagée, afin de ne pas pénaliser les investissements des opérateurs dans les réseaux, ceux-ci devant être incités à contribuer à la réduction de la fracture numérique.
Le Gouvernement devra, dès 2009, faire des propositions pour améliorer la protection des mineurs à l’égard des contenus diffusés sur l’ensemble des médias.
Le projet de loi garantit le droit à l’information, notamment en matière sportive, dans le respect des intérêts des ayants droit.
Il permet aussi la mise en œuvre des accords interprofessionnels signés par l’ensemble des chaînes historiques, les producteurs audiovisuels et les sociétés d’auteurs, en respectant les identités éditoriales de chaque antenne.
Enfin, le texte approuvé en CMP institue un comité de suivi composé de parlementaires qui seront chargés d’évaluer l’application de la présente loi, notamment les mesures de financement de l’audiovisuel public. D’une manière générale, de nombreuses contributions, tant de l’Assemblée nationale que du Sénat, visaient à resserrer les liens entre l’audiovisuel public et le Parlement, afin que ce dernier exerce un suivi et constitue une force de proposition plus active.
Nous sommes maintenant parvenus au terme de l’examen de ce projet de loi, qui a été particulièrement commenté et qui a donné lieu à des débats passionnés et passionnants, ce qui n’est pas étonnant. En effet, le devenir de la télévision intéresse chaque Français ; des propositions nouvelles sont faites concernant les programmes, un service public est conforté dans ses missions.
Les chaînes privées se trouvent désormais moins corsetées mais, en même temps, elles sont soumises à des obligations très marquées en matière de production et de création.
À ce propos, la lecture des derniers chiffres du marché publicitaire montre qu’il est appréciable, pour l’audiovisuel public, de disposer, surtout en temps de crise, de financements garantis par des ressources publiques.
Enfin, l’organisation de l’audiovisuel extérieur qui, jusque-là, s’était un peu développé par empilement, se trouve clarifiée avec des missions précisées au sein d’une holding.
Il s’agit donc d’un projet d’ensemble, qui a fortement intéressé nos compatriotes. Je voudrais remercier de leur implication les parlementaires qui ont pris part à ce débat et l’ont enrichi de leurs observations, de leurs propositions. Mes remerciements s’adressent tout particulièrement à la commission des affaires culturelles, à son président, à ses excellents rapporteurs, avec lesquels nous avons beaucoup travaillé.
Je salue également l’apport de la commission des affaires économiques, dont les propositions et les amendements ont vraiment élargi notre vision et trouvent aujourd’hui leur traduction dans la rédaction finale du projet de loi.
Cette réforme ambitieuse, d’une portée véritablement culturelle, concerne non pas seulement Paris, comme c’est souvent le cas dans ce domaine, mais bien toute la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)