M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui met en place une réforme des études médicales. Une de plus, serais-je tenté d’ajouter. Peut-être s’agira-t-il de la bonne ?
Depuis longtemps déjà, les études de médecine sont exigeantes et sélectives, focalisant les critiques et nourrissant une abondante littérature, comme en attestent les rapports Bach et Debouzie, qui ont été souvent évoqués.
Moins d’un étudiant sur cinq réussit à passer en deuxième année de médecine et un sur quatre en pharmacie. Et ce, au terme d’une compétition aussi impitoyable qu’injuste. Les amphithéâtres sont bondés et des élèves sont recalés tout en ayant la moyenne, en raison du numerus clausus. Pire, la plupart des étudiants peinent à se recycler, en dépit de leur bon niveau scolaire.
Pour répondre à ces critiques, le texte adopté le 16 décembre dernier par l’Assemblée nationale et examiné aujourd'hui par le Sénat crée une première année commune aux filières de médecine, sage-femme, odontologie et pharmacie. Il prévoit également une réorientation des étudiants les plus à la peine vers d’autres filières scientifiques, dès la fin du premier semestre et au terme de la première année. Enfin, ce texte crée des « passerelles entrantes » pour des étudiants titulaires de certains masters ou diplômes, afin de diversifier les profils.
L’idée de cette réforme agitait depuis longtemps le milieu médical. Elle procède sans doute de bonnes intentions.
La mutualisation des cours permettra notamment de donner une culture commune aux futurs médecins, sages-femmes, dentistes et pharmaciens.
Mais, et la question a souvent été posée, pourquoi avoir laissé de côté les autres professions de santé ? Sans aller jusqu’aux quatorze professions évoquées par M. Autain, le problème des kinésithérapeutes et des infirmières peut effectivement se poser. Nous le savons, parmi les premiers, beaucoup ont d’abord été tentés par des études médicales.
Quant au dispositif de réorientation des étudiants en difficulté, il devrait contribuer à diminuer le taux d’échec.
En effet, comme le montrent les études statistiques qui ont été menées, un étudiant ayant obtenu, au bout d’un semestre, une note moyenne inférieure à six n’a pratiquement aucune chance de réussir le concours en fin d’année. Le réorienter tout de suite vers un autre cursus scientifique lui évite la perte d’une année complète et lui donne un complément de formation utile pour retenter la première année des études de santé.
Néanmoins, en l’absence d’éléments précis, de nombreuses interrogations se posent et ont déjà été évoquées par les différents orateurs qui se sont succédé. Fixera-t-on une note minimale aux partiels en deçà de laquelle on estime que l’étudiant ne peut à l’évidence réussir aux concours ou conservera-t-on un nombre d’étudiants correspondant à un coefficient multiplicateur du numerus clausus ? S’agira-t-il d’un simple conseil à l’étudiant ou d’une obligation ? Aura-t-il la possibilité de s’inscrire dans un cursus qui ne soit pas scientifique ?
Le texte prévoit en outre une procédure de réorientation en fin de première année. J’imagine que seront concernés les étudiants les moins bien classés aux concours. Il semble qu’ils devront avoir validé, comme les précédents, une deuxième année de licence dans un autre cursus universitaire scientifique pour réintégrer la première année.
Certes, ce délai de « rattrapage » permet d’optimiser les chances de réussite aux concours, mais il constitue tout de même un « long détour » et s’apparente un peu à une « pénitence ». Finalement, ce qui se faisait souvent en deux ans se fera désormais en quatre !
Peut-être eût-il mieux valu organiser une sélection immédiate dès l’entrée en première année. Je sais que cette idée est certainement très incorrecte politiquement, mais elle pose la question de l’orientation des lycéens. Celle-ci doit être active, précoce et diversifiée, les lycéens ne mesurant pas toujours la difficulté et la longueur des études, en particulier celles de santé...
Quoi qu’il en soit, le dispositif de réorientation proposé suscite des inquiétudes légitimes chez les étudiants, notamment ceux qui sont actuellement inscrits en première année et ceux qui, en province, doivent souvent déménager pour poursuivre leurs études.
Je crois, madame la ministre, qu’il faut leur apporter des précisions et des engagements sur ce point, comme sur l’organisation matérielle de la première année et le niveau du numerus clausus.
Vous le savez, les étudiants en pharmacie craignent que le contenu de l’enseignement en première année ne soit pas adapté à leur spécialité et perde en qualité, alors qu’ils bénéficient aujourd’hui d’enseignements par groupes de trente ou trente-cinq élèves. Que pouvez-vous leur dire ?
Il est clair que la réforme pose des problèmes de logistique et de structures. Va-t-on adapter les locaux pour accueillir l’ensemble des étudiants de « L 1 santé » ou diviser les élèves sur deux sites avec l’installation de systèmes de visioconférence ? Plus généralement, quels seront les moyens consacrés à cette réforme ?
Toutes ces questions, madame la ministre, montrent combien ce texte reste imprécis. Certes, il s’agit d’une proposition de loi et la plupart des points relevés sont d’ordre réglementaire. Cependant, il est bien difficile de se prononcer ainsi dans le brouillard, sans connaître les décrets d’application. La brièveté des échéances envisagées laisse entendre qu’ils sont déjà bien avancés. Vous avez même précisé qu’ils étaient en préparation depuis plusieurs semaines.
Cela étant dit, je suis favorable, comme le groupe du RDSE que je représente, à la réforme proposée. Néanmoins, son application dès la rentrée 2009 me paraît précipitée. Un tel calendrier semble difficilement tenable pour certaines facultés et crée une réelle inquiétude, qui pourrait se transformer en agitation.
C’est pourquoi mon collègue Jean Milhau présentera, à l’article 2, au nom du groupe du RDSE, un amendement prévoyant un report d’un an. Nous espérons vous convaincre, madame la ministre, ou à tout le moins vous voir étudier cette possibilité.
Enfin, permettez-moi d’ajouter un mot sur le numerus clausus. En 2008, 7 300 places ont été ouvertes en médecine, chiffre en hausse. Mais le Conseil de l’ordre des médecins estime qu’il devrait être porté à 8 000 si l’on veut maintenir une couverture médicale satisfaisante de notre territoire. Quelles sont vos intentions à ce sujet, madame la ministre ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – Mme Muguette Dini et M. Jean Bizet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Jean-Claude Etienne a pour objet de réduire le taux d’échec très élevé des étudiants en première année d’études médicales, pharmaceutiques, odontologiques et de sage-femme. Comment ne pas souscrire à cet objectif ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Celui qui a été évoqué tout à l'heure par M. le rapporteur est extrêmement significatif : 44 509 étudiants ont été laissés en situation d’échec en 2008.
Cette proposition de loi offre l’opportunité de réformer le début du parcours des professionnels de santé de notre pays, en permettant aux étudiants qui y sont engagés de se réorienter vers d’autres filières, souplesse que nos amis anglo-saxons maîtrisent depuis longtemps.
Ce texte concourt ainsi à réduire le taux d’échec de l’université, qui est un de vos objectifs, madame la ministre. Nous le partageons tous.
J’accueille donc favorablement dans son principe ce texte, qui offrira également de nouvelles passerelles entrantes et sortantes, permettant une plus grande souplesse de choix aux étudiants. En outre, il se dégage un consensus sur le principe de la réforme, accepté par la majorité des associations d’étudiants en études de santé, après quelques réticences initiales.
Je souhaite cependant, comme nombre de mes collègues et sans être très original, appeler votre attention, madame la ministre, sur trois points, que mon collègue et pharmacien Gérard Dériot a soulevés à juste titre.
Le premier d’entre eux concerne la date de la mise en œuvre de la réforme que je juge, moi aussi, précipitée.
Son entrée en vigueur, prévue dès la rentrée universitaire 2009-2010, semble laisser un délai trop court pour que les mesures d’application réglementaires soient prises à temps pour la prochaine rentrée universitaire.
Plusieurs points méritent des ajustements. Ainsi, l’organisation des concours à la fin de la première année n’est pas définie à ce jour, même si j’ai compris que vous aviez l’intention d’aller vite. Les lycéens d’aujourd’hui n’ont pas encore reçu d’information sur cette réforme, alors que la procédure d’inscription s’achève dans un mois. Les étudiants actuels de ce cursus universitaire n’ont aucune vision à long terme, ce qui les fragilise psychologiquement. Enfin, se pose le problème de l’organisation matérielle des universités. À cet égard, l’université de Nantes, la plus proche de mon domicile, m’a fait part de quelques remarques, justifiées mais inquiétantes.
Il me semble donc raisonnable et nécessaire de reporter la date de la mise en œuvre de ce tronc commun à la rentrée universitaire 2010-2011.
Dans un second temps, nous devons aussi prendre en considération la situation des étudiants actuellement inscrits en première année, qui ne réussiront pas le concours, mais seront autorisés à redoubler.
Quid de ces laissés-pour-compte de la réforme, dont le nouveau programme d’étude sera renouvelé à hauteur de 30 % des enseignements ?
Madame la ministre, on ne peut créer une situation discriminatoire par rapport aux étudiants du nouveau dispositif. Il est donc indispensable d’ajouter une mesure à la proposition de loi afin de corriger cette injustice. À mon tour, je pense qu’il faudrait autoriser ces étudiants à tripler leur première année.
Enfin, je reste très soucieux quant au contenu des enseignements prévus dans ce nouveau dispositif pour les études de pharmacie, dont la qualité risque de baisser. À l’heure actuelle, les étudiants en première année bénéficient de cent quatre-vingt-douze heures de travaux dirigés en effectifs restreints de vingt à trente étudiants par groupe. Ces cours, qui représentent aujourd'hui 30 % des enseignements de pharmacie, n’atteindront que 10 % au plus après la réforme.
Par ailleurs, les étudiants en première année ont l’obligation de faire un stage en officine qui pose les bases de leur futur métier. Ce serait un véritable recul de ne plus l’envisager.
Je vous interroge donc, madame la ministre : quelle solution proposez-vous de votre côté ?
En attendant vos réponses, j’indique d’ores et déjà que je suis plutôt favorable à cette proposition de loi et j’émets le vœu que nos collègues adoptent la même position. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Milhau applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vouloir réformer la première année d’études médicales est une nécessité, nul ne saurait le contester. L’objectif premier de cette proposition de loi est donc louable. Vouloir mettre fin à ce que certains qualifient de « gâchis humain », offrir plus de chances aux étudiants, reconsidérer cette première année afin que les professionnels de santé disposent d’un savoir commun qui ne soit pas uniquement fondé sur une stricte culture scientifique, est pertinent. Plus qu’un toilettage, c’est bien d’une refonte dont nous avons besoin.
Je commencerai par deux considérations d’ordre méthodologique sur ce texte.
La première tient au fait que cette réforme fait partie intégrante d’un ensemble complexe, qui repositionne la médecine et son exercice dans une société que nous savons changeante et qui se doit de faire face à des défis sanitaires renouvelés.
Cette situation nécessite une lecture et une appréhension globales.
Et je m’étonne de nous voir examiner ce soir cette proposition de loi, alors que nos collègues députés discutent en ce moment même d’un projet de loi plus large portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires – ce texte viendra d’ailleurs bientôt au Sénat –, qui comporte un volet formation.
Le Gouvernement aurait dû soumettre à concertation les propositions du rapport Bach dont est issue cette proposition de loi. Vous vous y étiez engagés. Mais, une fois de plus, c’est la précipitation qui l’emporte.
Seconde considération méthodologique, ce texte est constitué de deux articles qui renvoient à une multitude d’arrêtés ministériels.
Aussi ne pouvons-nous avoir qu’une vision très partielle des incidences qui pourraient découler de cette proposition de loi. Cela est fortement dommageable.
Venons-en brièvement au fond. En 2008, plus de 60 000 étudiants ont présenté l’un des concours de médecine, d’odontologie, de sage-femme ou de pharmacie. Du fait de l’application du numerus clausus, 20 % d’entre eux ont accédé à l’une des quatre filières. Pour la grande majorité des autres, peu d’alternatives se sont offertes. Cela n’est pas acceptable, au regard tant des besoins de notre pays que des perspectives de démographie médicale.
Certes, madame la ministre, le 16 décembre dernier, vous annonciez que le numerus clausus allait augmenter de manière progressive pour répondre aux besoins de santé sur des bases locales, mais nous n’avons pas entendu le même son de cloche de la part de votre collègue ministre de la santé. Dès lors, quel sera le suivi de cette annonce ?
Face à l’échec massif, il nous est donc proposé d’instaurer deux types de réponses. La première consiste à instaurer un tronc commun entre les quatre sections.
Si l’objectif fixé consistait réellement à former des professionnels de santé disposant d’un socle commun de connaissances, autres que purement scientifiques, alors pourquoi ne pas avoir introduit l’enseignement de la philosophie, de la psychologie, des sciences humaines, par exemple ?
La quasi-totalité de l’enseignement dispensé durant le premier semestre de « L 1 santé » sera constituée de sciences dites « dures ». On perçoit donc mal en quoi réside le changement, si ce n’est que les étudiants qui n’auront pas été réorientés précocement pourront passer les quatre concours.
La seconde réponse met en place une préorientation dès le premier semestre. Dans les faits, les étudiants qui ne seraient pas parvenus à un certain niveau au terme de ce laps de temps seraient contraints de se réorienter vers une autre faculté, notamment de sciences. Après avoir validé deux années de licence, ils pourraient de nouveau se présenter au concours.
Madame la ministre, si vous estimez contre-productif de maintenir ces étudiants dans un cursus où ils ne pourront pas réussir, vous ne vous attaquez pas aux causes de cet échec massif. Nous le savons tous, il est lié à la sélection sociale, qui se généralise de plus en plus, notamment dans les études de médecine. Je pense aux officines privées qui offrent du tutorat à ceux qui peuvent payer.
En outre, des conséquences découlent directement de la réorientation précoce. Êtes-vous bien certaine que les facultés de sciences, et les autres, auront la capacité d’accepter ces étudiants en cours d’année ? Y aura-t-il un programme spécifique pour eux ? Au-delà, comptez-vous accompagner ces étudiants lorsqu’ils seront contraints de déménager, alors que le niveau de vie moyen étudiant est faible ?
J’en viens aux considérations financières. Pas une ligne n’y est consacrée. Les financements seraient, nous dit-on, issus des crédits affectés au plan « Réussite en licence ». Or ces crédits n’ont pas été votés à cette fin.
En procédant de la sorte, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul, ce qui n’est pas sérieux ! Ne serait-il donc pas plus sage d’attendre la prochaine loi de finances, après que les universités auront pu présenter un dossier de demande de financement spécifique, pour inscrire les sommes nécessaires à la réalisation de cette réforme ? Pour notre part, nous le pensons.
Certains voudraient nous prêter l’ambition de ne rien faire. Bien au contraire, tout comme les étudiants et les doyens, nous sommes favorables à cette refonte. Pour autant, nous considérons que la précipitation qui a présidé à l’examen de ce texte nuit à sa crédibilité.
En lieu et place d’un texte issu d’une large et nécessaire concertation, qui pourrait fonder une nouvelle ère pour les études médicales, cette proposition de loi ne permet pas de répondre aux difficultés actuelles. Elle suscite nombre d’incompréhensions et d’inquiétudes.
Je ne peux m’empêcher de penser aux élèves des classes de terminale qui, dans certaines académies, se sont déjà préinscrits en faculté de médecine et qui ne savent même pas qu’une réforme se prépare.
Madame la ministre, nous serons très attentifs aux réponses que vous nous apporterez ce soir, en particulier sur nos amendements, et en fonction de celles-ci nous déciderons de notre position. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, chaque année, presque 60 000 bacheliers s’engouffrent dans les facultés de médecine et de pharmacie avec l’espoir, plus ou moins motivé, de s’engager de façon durable dans une formation médicale universitaire.
Parmi eux, seuls 13 % seront reçus au concours en fin de première année – soit un taux d’échec de 87 % – et 14 % ne réussiront qu’au terme d’une année de redoublement.
Tous les autres, soit près de 75 %, découragés ou épuisés par une ou deux années d’un cursus qui s’apparente plus à un parcours du combattant hypersélectif, notamment dans les matières scientifiques, qu’à une véritable acquisition d’un savoir fondamental, doivent repartir à zéro dans leurs études supérieures, quand ils ne sont pas totalement découragés de le faire.
Ce contexte crée, les précédents orateurs l’ont souligné, de multiples effets pervers : concurrence exacerbée entre étudiants, émergence d’une hiérarchisation qualitative des filières consécutive aux choix de celles-ci en fonction du classement au concours commun, primat du scientifique dans les chances de succès, prolifération d’écoles et de cours privés et coûteux de « bachotage » pour préparer au concours, voire, pire, renoncement par peur de l’échec de certains bons étudiants à choisir une profession de santé.
C’est pour mettre un terme à cette situation, plus connotée d’échec que de réussite, que la présente proposition de loi est soumise aujourd’hui à notre examen.
L’article 1er de ce texte tend, tout d’abord, à instituer une première année commune aux études médicales, pharmaceutiques, odontologiques et de sage-femme, avec des procédures de réorientation en cours et en fin de première année.
L’article 1er tend, ensuite, à créer des passerelles, entrantes et sortantes, entre les différentes filières médicales, d’une part, et d’autres cursus de formation, d’autre part.
Comme le texte donne une large latitude au ministre de l’enseignement supérieur et au ministre de la santé dans la rédaction des décrets d’application, il me paraît utile, pour toutes les parties concernées, que le débat parlementaire soulève quelques questions afin d’éclairer avec davantage de précision les modalités concrètes d’application de la future loi.
Premièrement, concernant la création d’une année commune et l’organisation, en fin d’année, de quatre concours différents, il semble qu’un large consensus se soit établi pour considérer que cette mesure est de nature à ouvrir plus de débouchés aux étudiants, à créer une culture commune à des professionnels destinés à travailler ensemble au service des patients.
Elle permettra, également, de briser la notion de hiérarchisation qualitative entre des professions qui font plus l’objet d’un choix par défaut, en fonction de la sélection, que d’un véritable choix professionnel par les étudiants.
Toutefois, la détermination des numerus clausus, par site universitaire, devra être décidée par les ministres, non seulement en fonction de la capacité de ces sites à former, mais également en fonction des besoins territoriaux en matière d’offre de soins, sujet dont nous reparlerons prochainement ici même lors du débat sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Deuxièmement, s’agissant des principes de réorientation, en cours et en fin de première année, l’important est de maintenir allumée, dans l’esprit de l’étudiant, la flamme de l’espérance d’un débouché. Dans cette optique, il me semble utile d’avoir l’avis du Gouvernement sur un certain nombre de points.
Il serait d’abord nécessaire de recueillir son avis sur la réorientation à l’issue du premier semestre.
Il est prévu un tronc commun de formation entre tous les étudiants, pendant le premier semestre, et un contrôle des connaissances à la mi-année. Il est déjà statistiquement démontré que, à ce stade, il est possible d’identifier les étudiants qui ne conservent qu’une infime chance de franchir l’obstacle du concours en fin d’année.
D’où mes questions qui relayent celles que se posent encore nombre d’étudiants.
L’abandon des études médicales à ce stade, c'est-à-dire au bout de six mois, serait-il obligatoire ou facultatif en fonction des résultats des examens de la mi-année ? L’étudiant pourrait-il, en mars, rejoindre une filière en L 1, par exemple en sciences, pour tenter de réussir malgré tout sa première année universitaire ? Selon quelles modalités pourra-t-il le faire ? Les universités sont-elles prêtes à organiser cette réorientation ?
Il serait également utile de connaître l’avis du Gouvernement sur la possibilité offerte, ou pas, de redoubler cette première année. Il est en effet prévu d’interdire le redoublement à certains étudiants.
À partir de quel multiplicateur du numerus clausus – on a parlé de trois ou de quatre – pensez-vous scinder le collège des « recalés » et celui des « reçus-collés » ?
S’il est probable que les « recalés » reprendront réellement leurs études supérieures dans une autre filière, vous paraît-il possible de proposer une équivalence aux « reçus-collés » dans une autre discipline universitaire ?
Dans quelle mesure l’étudiant « reçu-collé » qui redouble sa première année et qui échoue encore au terme de la deuxième année pourra-t-il, en fonction de son résultat, bénéficier d’une équivalence dans une autre discipline universitaire afin de ne pas perdre ses deux années de formation ?
Troisièmement, quant aux passerelles, entrantes et sortantes, prévues, en second lieu, par l’article 1er, elles sont de nature à enrichir le profil des professionnels de santé.
Au-delà des questions déjà posées par M. le rapporteur, j’insiste sur le fait que l’accès aux professions de santé devrait être beaucoup plus ouvert aux étudiants sensibles aux disciplines de sciences humaines. (Mme la ministre opine.)
Certes, les professions médicales exigent un minimum de connaissances scientifiques, mais il n’est pas besoin d’avoir un cerveau calibré pour résoudre, de tête, des intégrales triples ou des équations différentielles de degré n, pas plus que d’être un spécialiste du calcul matriciel, pour faire un bon médecin à l’écoute des douleurs de son patient ! Cette dimension de sélection par les sciences ne me paraît pas toujours adaptée à une optimisation de l’offre de soins.
Ma dernière question, madame le ministre, concerne l’intégration à venir des formations des professions paramédicales – kinésithérapeutes, infirmiers, etc. – dans le modèle LMD, en complémentarité du sujet que nous examinons aujourd’hui.
Ces professions, qui sont nombreuses, méritent une meilleure reconnaissance professionnelle.
Ne conviendrait-il pas de poursuivre les réflexions sur l’organisation de cursus complémentaires pour l’ensemble des professions de santé, afin de forger de véritables solidarités dans le corps médical tournées vers un seul et même objectif : la santé du patient ?
Madame le ministre, j’en suis convaincu, la proposition de loi qui nous est soumise est une véritable mesure de progrès. Il convient d’en adopter le principe aujourd’hui.
Cependant, compte tenu de l’inquiétude manifestée par certains, notamment par une partie des étudiants, voire des lycéens en cours d’inscription, je soutiendrai les propositions de report d’un an de cette importante réforme, pour qu’elle puisse être appliquée dans les meilleures conditions par les universités.
M. le président de la commission des affaires culturelles et M. le rapporteur, qui a achevé ses consultations le week-end dernier, nous ont convaincus du bien-fondé de cette position, même si nous sommes conscients qu’elle décevra tous ceux qui s’étaient beaucoup investis pour se préparer à une application de la réforme dès la rentrée de 2009, et qu’elle reporte de facto les solutions avancées pour lutter contre le taux d’échec dramatique des étudiants concernés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Compte tenu de l’heure, je vais tenter de globaliser un certain nombre de réponses.
Les pharmaciens auront tout à gagner à cette réforme qualitative de l’enseignement dispensé en première année. Il est donc bien entendu que ce qui fait la force aujourd’hui de la première année de pharmacie servira de modèle aux autres filières. Il n’y aura pas de nivellement par le bas. C’est tout l’objet de cette réforme.
Par ailleurs, cette réforme se fera au bénéfice et au service des étudiants, qui ont été associés à la réflexion – ils ont encore été reçus cette semaine.
C’est pourquoi je tiens à vous rassurer : oui, il y a aura une période transitoire dont les modalités seront définies dans les arrêtés d’application. Les deux projets d’arrêtés sont prêts. Nous les soumettrons à la concertation dès que possible.
Toutefois, je peux vous affirmer que je veillerai à ce que des conditions de triplement facilitées soient garanties à tous les étudiants primants ou doublants lors de la mise en place du L 1 santé.
Oui, les étudiants pouvant bénéficier du « droit au remords » seront, bien entendu, des étudiants qui auront réussi au moins deux concours.
En outre, concernant les coefficients multiplicateurs qui seront appliqués pour la réorientation en fin de premier semestre, je prends l’engagement de proposer aux universités d’appliquer un coefficient élevé la première année pour l’affiner au fil du temps. Comme je l’ai dit, il ne s’agit pas de mettre en place des sanctions, il s’agit, au contraire, d’aider à se réorienter ceux qui en ont besoin. Ce coefficient sera probablement compris entre trois et quatre.
Enfin, j’ai entendu de manière récurrente poser la question de la date d’application de la loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, mon intime conviction est que pour le bien-être des étudiants, nous devrions tout faire pour mettre en œuvre le plus rapidement possible cette réforme. Et je sais que les autorités universitaires et les équipes pédagogiques partagent mon sentiment.
Cela fait plus d’un an que nous travaillons avec tous les acteurs concernés sur le terrain. Les équipes pédagogiques se sont mobilisées, des circulaires ont été diffusées, la Conférence des présidents d’université a réalisé une enquête qui indique que les trois quarts des présidents d’université interrogés se disent prêts pour septembre 2009.
Mais ils ne sont que les trois quarts. Nous sommes déjà en février, les lycéens sont en train de s’inscrire pour leur entrée dans l’enseignement supérieur et la réforme n’a pas encore été votée.
Il est certain que les délais qui nous sont imposés sont courts. C’est pourquoi, je comprends tout à fait les inquiétudes que vous relayez, et je m’en remettrai à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Laborde applaudit.)